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Effect given to the recommendations of the committee and the Governing Body - Report No 334, June 2004

Case No 1991 (Japan) - Complaint date: 12-OCT-98 - Closed

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Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration

Suites données aux recommandations du comité et du Conseil d’administration
  1. 25. Le comité a examiné pour la dernière fois à sa session de juin 2003 ce cas concernant des allégations d’actes de discrimination antisyndicale consécutifs à la privatisation de la Société nationale des chemins de fer japonais (JNR), qui a été reprise par les sociétés des chemins de fer japonais (JR). Le comité a noté que la Haute Cour de Tokyo avait reconnu en octobre 2002 la responsabilité des JR en tant qu’employeur et que l’opposition du Syndicat japonais des travailleurs des chemins de fer nationaux (KOKURO) et de la Fédération des travailleurs généraux, de la construction et des transports (KENKORO-TETSUDOHONBU) aux projets de privatisation avait joué un rôle important dans la décision de ne pas réembaucher certains travailleurs, membres de ces organisations, même si la Haute Cour a conclu que cela ne constituait pas une pratique de travail déloyale. Le comité a prié le gouvernement de poursuivre ses efforts pour trouver une solution équitable et acceptable pour le plus grand nombre possible de travailleurs et a demandé au gouvernement de lui communiquer une copie des décisions de la Cour suprême concernant ces travailleurs. [Voir 331e rapport, paragr. 45-53.]
  2. 26. Dans une communication datée du 31 octobre 2003, KENKORO déclare qu’il a demandé à différents organismes d’appliquer les recommandations du comité; le gouvernement a toujours affirmé que rien ne peut être fait, la question étant en suspens devant la Cour suprême. Dans une communication datée du 5 janvier 2004, KENKORO déclare que la Cour suprême a rendu, le 22 décembre 2003, une sentence inéquitable au sujet des recrutements discriminatoires de l’entreprise. Dans une décision prise à la majorité (trois contre deux), la Cour s’est fondée sur une simple formalité de la loi sur la réforme des chemins de fer nationaux japonais qui prévoit que la liste des employés doit être établie par la JNR, la décision de recrutement devant être prise par le Comité d’établissement des JR en partant de cette liste. La Cour a complètement dissocié les deux actes (création de la liste par la JNR; recrutement par les JR) pour conclure que, même si la JNR avait traité certains membres du syndicat de manière discriminatoire en dressant cette liste, les JR ne pouvaient pas être tenues pour responsables de cette discrimination. Ce jugement majoritaire refuse toute compensation aux victimes et va à l’encontre de la convention no 98, qui prévoit que «les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi». Alors que la minorité s’est nettement démarquée de la majorité de la Cour suprême (qui estimait qu’il n’y avait pas eu de pratiques de travail déloyales) en déclarant «qu’on peut penser que des membres du syndicat ont été traités de manière discriminatoire du seul fait de leur affiliation à ZENDORO», la décision prise par la majorité évite totalement la question de la discrimination antisyndicale. De plus, le gouvernement n’a pas appliqué les recommandations du comité en attendant la décision de la Cour suprême. Lorsque le Parlement avait examiné le projet de loi de réforme de la JNR, le gouvernement avait assuré à maintes reprises que les JR seraient tenues pour responsables s’il était avéré que la JNR avait traité les travailleurs de manière discriminatoire. Le Parlement a adopté par ailleurs une résolution interdisant toute discrimination antisyndicale en matière de recrutement des employés des JR, et le Premier ministre de l’époque avait promis «qu’il ne permettrait pas que des travailleurs [de la JNR] deviennent des chômeurs et des indigents». Aucun de ces engagements n’a été tenu. Lorsque la Cour suprême a rendu sa décision, KENKORO a demandé aux autorités de relancer les négociations entre les JR et les syndicats concernés pour trouver une solution au problème du licenciement des 1 047 travailleurs, en vain. KENKORO demande au comité d’inviter instamment le gouvernement à assumer ses responsabilités et à trouver une solution rapide et équitable, et d’envoyer une mission d’investigation au Japon.
  3. 27. Dans une communication datée du 20 janvier 2004, KOKURO commente également la décision de la Cour suprême du 22 décembre 2003, soulignant que la décision majoritaire rejette tous les pourvois et estime que les JR n’ont aucune responsabilité «en tant qu’employeur» et que, s’il y a eu pratiques discriminatoires en matière de recrutement en 1987, seule la JNR est responsable. La Cour a estimé que les recrutements qui ont eu lieu après la création des JR étaient de «nouveaux» recrutements qui laissaient de ce fait toute latitude à l’employeur. KOKURO s’est élevé contre cette décision de la Cour suprême qui lui paraît reposer sur une interprétation étroite et formaliste de la loi sur la réforme de la JNR. Le résultat est que, malgré 17 années de procédure, les différents organismes de relations professionnelles et les tribunaux ne peuvent appliquer aucune mesure de compensation pour pratiques de travail déloyales, ni protéger les droits syndicaux: cela démontre l’existence de lacunes dans le mécanisme actuel de protection des droits syndicaux au Japon.
  4. 28. Dans sa communication du 15 avril 2004, qui contient le texte intégral de la décision de la Cour suprême, le gouvernement souligne que les observations de KOKURO et de KENKORO portent sur l’avis minoritaire de la Cour suprême. Toutefois, la Cour a finalement conclu à l’absence de responsabilité des JR en tant qu’employeur et a rejeté la demande de réembauche des travailleurs. Les recours formés auprès de la Cour suprême se limitent aux questions constitutionnelles et aux violations des précédents judiciaires ou de la loi. En général, il n’y a pas de plaidoirie; le fait qu’une décision est rendue avec une marge d’une voix ne change rien à son importance, la Cour suprême étant la dernière instance.
  5. 29. En ce qui concerne le premier argument des plaignants (à savoir que la sentence rendue par la Cour suprême, bien qu’elle ne conteste pas le jugement de la Commission centrale des relations professionnelles (CLRC) concluant à l’existence de pratiques de travail déloyales, n’applique pas en fait de mesures de compensation et ne protège donc pas les droits syndicaux), le gouvernement souligne que la Cour a annulé l’ordonnance de redressement de la commission en déclarant que, même s’il y a eu pratiques de travail déloyales dans la sélection des candidats, les JR ne sont pas responsables de ces actes en tant qu’employeur. Par conséquent, la Cour n’a pas tranché la question de savoir s’il y a eu pratiques de travail déloyales ou pas. Il n’y a donc pas lieu de discuter de la question des mesures de réparation puisque rien ne permet de conclure à l’existence de pratiques de travail déloyales.
  6. 30. Pour ce qui est du deuxième argument des plaignants (à savoir que, même si le non-recrutement des travailleurs n’est pas dû à une discrimination antisyndicale, il n’existait pas de système permettant de protéger les droits syndicaux puisque aucune réparation n’était prévue sous la forme d’une réembauche par les JR), le gouvernement déclare qu’il n’y a pas lieu, là non plus, de discuter de la question des mesures de redressement en supposant qu’il y a eu pratiques de travail déloyales puisque la Cour suprême n’a pas tranché la question de savoir s’il y a pratiques déloyales ou pas. Le gouvernement ajoute que, tout en concluant à l’absence de responsabilité des JR en cas de pratiques de travail déloyales, la Cour a ajouté que, si la JNR a commis des pratiques de travail déloyales en dressant des listes d’embauche, la JNR ou l’entreprise qui lui a succédé [la Société de règlement, actuellement Agence de transport et de technologie des constructions des chemins de fer japonais (JRTT)] serait tenue pour responsable en tant qu’employeur. Pour le gouvernement, on ne peut donc pas dire qu’il y a des lacunes dans le système de protection des droits syndicaux.
  7. 31. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle aucun effort n’aurait été fait pour trouver une solution, le gouvernement renvoie à l’information déjà donnée [voir 331e rapport, paragr. 51-52] et qui montre qu’il a fait tout son possible pour trouver des solutions appropriées: recrutement par les JR, y compris ultérieurement, à une échelle plus large; départs anticipés à la retraite avec indemnisation spéciale; transferts vers d’autres secteurs; etc. Toutefois, il restait encore 1 047 personnes qui exigeaient de retourner à leur poste initial dans leur région d’origine; ils ont finalement été licenciés par la JNR en avril 1990, au moment de l’expiration de la loi de promotion du réemploi. Souhaitant trouver une solution politique fondée sur des considérations humanitaires, le gouvernement a organisé des rencontres avec les parties en s’appuyant sur l’accord quadripartite conclu en mai 2000 (que le Comité de la liberté syndicale avait demandé aux parties d’accepter). KENKORO n’a pas accepté cet accord; et il y a eu désaccord sur cette question au sein du KOKURO, qui a intenté une autre action judiciaire contre la JRTT. Aucun accord n’ayant pu être trouvé, l’accord quadripartite a fini par être annulé.
  8. 32. Le gouvernement conclut qu’il a fait tout son possible pour trouver une solution équitable et acceptable. Les travailleurs en question ont rejeté les propositions plutôt généreuses de réemploi en exigeant d’être repris par leur JR locale, refusant tout compromis et préférant s’en remettre aux tribunaux. Après la décision de la Cour suprême, le gouvernement peut très difficilement prendre d’autres mesures et obtenir le consentement ou la compréhension des autres parties directement concernées, y compris les syndicats majoritaires actuels des chemins de fer, à savoir JR SOREN et JR RENGO, qui regroupent à eux deux près de 80 pour cent des salariés des JR.
  9. 33. Le comité prend note de toutes les informations données ci-dessus et en particulier de la décision rendue par la Cour suprême le 22 décembre 2003. Malgré les divergences de vues apparentes au sein de la Cour quant à la question des pratiques de travail déloyales, la décision majoritaire revient en fait à décharger les JR à cet égard de toute responsabilité en tant qu’employeur, mettant ainsi fin à la procédure judiciaire au niveau national. Le comité fait remarquer qu’il a traité ce cas de manière approfondie depuis 1998, avec deux examens détaillés quant au fond [318e et 323e rapports] et trois suivis [325e, 327e et 331e rapports]. Le comité note que les différents organismes administratifs, quasi judiciaires ou judiciaires compétents qui ont été sollicités ont des vues différentes sur la question des pratiques de travail déloyales, ce qui est un signe de la complexité des questions de fait et de droit qui se posent ici. Toutefois, le comité ne peut pas conclure, au vu des seules circonstances du cas d’espèce, que le mécanisme juridique de protection contre la discrimination antisyndicale est déficient dans son ensemble. Le problème qui se pose ici est aggravé par le fait que les licenciements et réembauches se sont produits dans un contexte de restructuration du secteur des chemins de fer qui a entraîné de fortes compressions des effectifs. Notant qu’il y a eu des consultations approfondies avec les organisations syndicales et que des efforts sérieux ont été faits pendant des années pour trouver une solution (d’abord avec des mesures de réembauche s’appuyant sur des textes de loi, puis sur la base de considérations politiques et humanitaires), le comité regrette qu’aucune solution acceptable pour tous les travailleurs et les organisations concernées n’ait pu être trouvée, y compris sur la base de l’accord quadripartite, dont le comité avait fortement recommandé l’acceptation, à sa session de novembre 2000, considérant qu’il offrait «une possibilité réelle de résoudre rapidement la question du non-recrutement par les JR». [Voir 323e rapport, paragr. 376.]
  10. 34. Notant que la Cour suprême a statué que «si la JNR a commis des pratiques de travail déloyales en dressant les listes d’embauche, la JNR ou l’entité qui lui a succédé, soit la Settlement Corporation, devenue depuis la Japan Railway, Construction, Transport and Technology Agency (JRTT), ne sera pas exonérée de sa responsabilité en tant qu’employeur», et tenant compte du caractère sérieux des allégations ainsi que des graves conséquences sociales et économiques subies par un grand nombre de travailleurs, le comité invite le gouvernement à poursuivre les discussions avec toutes les parties concernées, en vue de résoudre les problèmes en cause, dans l’esprit des considérations politiques et humanitaires qui ont prévalu par le passé, et demande au gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau qui interviendrait en la matière.
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