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- 485. Dans des communications datées du 26 novembre 1999 et du 11 janvier 2000, l'Organisation des infirmières danoises (DNO) et la Fédération des organisations de fonctionnaires et d'employés (FTF) ont présenté une plainte en violation de la liberté syndicale (contre le gouvernement du Danemark).
- 486. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 27 avril 2000.
- 487. Le Danemark a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 488. Dans leur communication du 26 novembre 1999, l'Organisation des infirmières danoises (DNO) et la Fédération danoise des organisations de fonctionnaires et d'employés (FTF) ont indiqué que les négociations menées entre la DNO et les employeurs au niveau des comtés, au niveau local et au niveau des villes sur le renouvellement des conventions collectives à partir du 1er avril 1999 ont abouti à un protocole d'accord le 16 mars 1999. Cependant, ce protocole d'accord a été rejeté par un vote du personnel infirmier, qui a déposé un préavis de grève, qui est entré en vigueur le 13 mai 1999.
- 489. Environ 10 pour cent des membres du personnel infirmier ont suivi cette grève. Conformément aux conventions générales, la DNO et les employeurs ont conclu des accords sur le maintien des services d'urgence et des services d'importance vitale, afin d'assurer les soins infirmiers et de radiographie que les médecins des différents départements jugeaient vitaux, urgents ou nécessaires pour éviter de mettre en danger la santé des patients ou d'avoir des effets négatifs à long terme sur la santé pour que la vie, la sécurité et la santé des patients ne soient pas indûment menacées.
- 490. Par ailleurs, cette grève signifiait que les opérations chirurgicales qui ne touchaient pas à la vie, à la sécurité et à la santé des patients étaient différées, ce qui a eu pour conséquence un accroissement des listes d'attente; cependant, l'expérience a montré que les retards relatifs à ces opérations et autres interventions peuvent être rattrapés dans un laps de temps assez bref. En outre, si la grève s'appliquait aux services de soins à domicile dans certaines municipalités, là encore toutes les tâches d'importance vitale étaient assurées (par exemple, les patients diabétiques recevaient le traitement à base d'insuline nécessaire).
- 491. Les plaignants soulignent qu'il a été indiqué de toutes parts, y compris de la part du gouvernement danois, que les services d'urgence avaient fonctionné comme prévu. Après sept jours seulement de conflit, le Parlement a voté, le 21 mai 1999, une loi sur le prolongement et le renouvellement des contrats d'emploi et des conventions applicables à différentes catégories de personnel (personnel infirmier, radiologues, personnel infirmier de district, etc.) mettant fin à la grève à partir de minuit ce jour-là. Un exemplaire de cette loi est joint à la présente plainte. Cette intervention a eu pour effet l'entrée en vigueur du protocole d'accord qui avait été rejeté, et la prolongation et le renouvellement des contrats et les conventions pour une période de trois ans.
- 492. S'agissant, entre autres, des dispositions des conventions générales qui portent sur la mise en place des services d'urgence en cas de conflit légal, les plaignants déclarent que le Parlement ne devrait pas intervenir dans ces conflits, surtout à un stade aussi précoce qu'il l'a fait au printemps 1999. Par ailleurs, ils estiment que la durée du prolongement est inacceptable, compte tenu du fait que l'intervention visait à obtenir le résultat des négociations qui avait été rejeté par un vote des membres. Selon les plaignants, il s'agit là d'une violation de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (nº 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
- 493. Les plaignants demandent que le gouvernement soit informé des conclusions auxquelles aura abouti le Comité de la liberté syndicale au sujet de la présente plainte et - si tel est le sens de ces conclusions - qu'il soit tenu dans un délai raisonnable de présenter un rapport sur toutes mesures correctrices qu'il pourrait prendre. A cet égard, les plaignants espèrent que les violations répétées du gouvernement inciteront le Comité de la liberté syndicale: 1) à critiquer plus sévèrement les mesures tendant à mettre fin à la grève malgré le bon fonctionnement des services d'urgence; 2) à faire des recommandations strictes concernant les garanties à mettre en place pour défendre les intérêts des salariés privés du droit de négocier collectivement; 3) à condamner de manière encore plus stricte la pratique répétée consistant à prolonger les conventions collectives par voie réglementaire.
- 494. Dans leur communication du 11 janvier 2000, les plaignants soulignent les différences existant entre le présent cas et un cas similaire (cas no 1882) concernant également le Danemark, qui a été examiné par le comité. Lors de la grève déclenchée par la DNO en 1995, les employeurs avaient procédé à un vaste lock-out, qui a incontestablement contribué de manière décisive à l'intervention législative du gouvernement. En revanche, la grève de 1999 a touché environ 10 pour cent des 50 000 membres du personnel infirmier, et ce conflit n'a pas été prolongé par un lock-out des employeurs.
- 495. Selon les plaignants, le gouvernement ne peut donc recourir à l'argument selon lequel le conflit a été extrêmement long, comme ce fut le cas en 1995, pour justifier l'intervention législative de 1999. Par ailleurs, les plaignants estiment que les employeurs ont spéculé sur l'intervention législative, puisque plusieurs des partis politiques représentés au Parlement ont déclaré à la presse quotidienne, quelques jours seulement après le début du conflit, qu'une intervention législative allait être adoptée rapidement.
- 496. Par ailleurs, les plaignants affirment que l'intervention législative de 1999 a été plus large que celle de 1995, puisque, s'agissant de la seconde, la loi comportait une disposition visant à faire examiner et ajuster les rémunérations et les conditions d'emploi du personnel infirmier dans un délai donné par une commission paritaire.
- 497. Lorsque le gouvernement est intervenu en 1999, six mille opérations et 28 000 examens préliminaires avaient été annulés, alors qu'en 1995 vingt-six mille opérations ont été annulées. Les retards ainsi occasionnés en 1995 ont été rattrapés dans un laps de temps assez court. Il n'existe pas de statistiques sur le nombre des opérations et des examens préliminaires annulés en temps normal. Par ailleurs, lorsque le projet de loi a été soumis au Parlement, le gouvernement a déclaré que le conflit ne provoquait pas de situation susceptible de menacer la vie, la sécurité et la santé des patients. Le résultat des négociations a été rejeté par un vote du personnel infirmier le 16 mars 1999, et la grève a été déclenchée le 13 mai suivant. Il n'y a pas eu de réaction immédiate des employeurs, non plus que de nouvelles négociations entre eux et les salariés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 498. Dans sa communication du 27 avril 2000, le gouvernement indique que des négociations ont eu lieu en 1999 dans le secteur public (l'Etat et les comtés et municipalités) au sujet du renouvellement des conventions collectives qui venaient à expiration le 1er avril. Les renouvellements ont touché plus de 800 000 agents, dont plus de 600 000 au niveau des comtés et des municipalités.
- 499. Tant dans le secteur d'Etat que dans celui des comtés et des municipalités, les négociations ont porté d'abord sur le cadre du renouvellement des conventions collectives. A cette fin, les organisations de salariés de ces deux secteurs avaient créé des organes de négociation distincts. Avant chaque série de négociations relative au renouvellement de la convention collective, les organisations se sont mises d'accord sur le déroulement de ces négociations et sur les engagements relatifs à leurs résultats.
- 500. Dans le secteur des comtés et des municipalités, les négociations relatives au cadre général ont eu lieu entre les employeurs de ces deux secteurs et l'organe de négociation des salariés, l'Association des fonctionnaires et autres agents publics (KTO). La KTO représente 62 organisations comptant quelque 643 000 membres. Elle regroupe tous les agents des administrations des comtés et des municipalités. Son but est de faire que les organisations agissent de concert dans les négociations relatives aux rémunérations et aux conditions de travail. Elle conclut des conventions collectives avec les employeurs (l'Association nationale des associations municipales (KL), l'Association nationale des associations de comtés (ARF) et les municipalités de Copenhague et de Frederiksberg) dans le cadre des séries de négociations collectives générales tenues au niveau des comtés et des municipalités. Elle ne peut conclure d'accords contraignants au nom des organisations. Pour qu'une convention conclue par la KTO entre en vigueur, il faut qu'elle ait été approuvée par chacune de ses organisations membres.
- 501. Les négociations menées entre les employeurs des comtés et municipalités et la KTO au sujet du cadre général se sont déroulées en janvier et février 1999 et ont abouti à un protocole d'accord dès février 1999. Les principaux éléments de cet accord sont le cadre des augmentations salariales, la poursuite du financement d'un nouveau système de rémunérations, la fixation de la durée des conventions collectives à trois ans et différents autres avantages. Il se fonde sur le principe d'une augmentation générale des rémunérations de 5,96 pour cent par an durant trois ans. Il a débouché sur une solution globale, et l'accord entre les employeurs et la KTO a été conclu en se fondant sur le principe selon lequel il s'appliquait à l'ensemble des composantes de l'association.
- 502. Après la conclusion du protocole d'accord relatif au cadre général, les négociations se sont poursuivies avec succès sur des thèmes précis relatifs à divers domaines professionnels et organisations, au sujet desquels des accords ont été signés. Les résultats des compromis conclus dans les différents domaines ressortissant au cadre du compromis de la KTO ont été soumis à un vote des membres des différentes organisations appartenant à celle-ci.
- 503. Dans certains domaines, les résultats des négociations ont été rejetés par les membres. C'est le cas, par exemple, du personnel infirmier, des bioanalystes, des sages-femmes et des enseignants. Des préavis de grève ont été déposés, tandis que les parties aux négociations des différents secteurs entamaient de nouvelles négociations. A la suite du rejet des résultats des négociations relatives au personnel infirmier, les négociations ont repris dans ce secteur, cette fois avec l'aide du Conciliateur public. Cependant, le 12 mai 1999, celui-ci est arrivé à la conclusion que de nouvelles négociations n'aboutiraient pas et qu'il n'y avait pas de raison de différer la grève, qui a été alors déclenchée comme indiqué.
- 504. En ce qui concerne le personnel infirmier, les négociateurs ont ainsi échoué à obtenir tout nouveau résultat au cours de la période de quatre semaines écoulée avant que le différend notifié puisse prendre effet ou durant la grève. Celle-ci a été entamée le 13 mai 1999 et a duré jusqu'au 22 mai 1999, date à laquelle elle a été interrompue par une intervention législative. La loi a prolongé et renouvelé les conventions collectives des membres du personnel infirmier, des radiologues et du personnel infirmier de district en y incluant les modifications résultant des négociations qui avaient été rejetées par les salariés.
- 505. La grève a touché quelque 5 000 agents, dont environ la moitié appartenaient au personnel de district et relevaient de 15 municipalités. Les membres du personnel infirmier de district sont chargés des soins à domicile auprès des personnes âgées et des malades. Les services d'urgence mis en place fonctionnent et garantissent la bonne exécution des tâches qui sont vitales, urgentes ou nécessaires pour éviter les problèmes sanitaires ou les effets sanitaires permanents. Après une période de huit jours, cependant, le gouvernement a estimé que la situation présentait un véritable caractère de gravité pour les groupes vulnérables de la population malgré la mise en place de services d'urgence dans les secteurs touchés par la grève. On pouvait s'attendre à un conflit prolongé et, chacune des deux parties refusant de céder, on pouvait craindre pour la santé de la population.
- 506. En particulier, il y avait lieu de se préoccuper de ce que les membres du personnel infirmier de district des 15 municipalités touchées par la grève n'étaient pas en mesure d'offrir les soins habituels aux malades et aux personnes âgées, ce qui risquait de provoquer de l'insécurité et des difficultés, et ainsi de faire souffrir un groupe de population déjà considéré comme vulnérable. Par ailleurs, le gouvernement était gravement préoccupé de ce que des opérations prévues aient été annulées en grand nombre, avec pour conséquence de faire que des groupes de population de plus en plus nombreux souffraient encore davantage et étaient dans le doute quant à la date à laquelle on pourrait remédier à leurs souffrances. Le ministre de la Santé a estimé le nombre des opérations concernées à environ 1 500 par jour. Au même moment, les examens préliminaires ont été différés à large échelle, ce qui pouvait avoir pour conséquence de faire que de graves maladies n'étaient pas diagnostiquées à temps.
- 507. Les services d'urgence mis en place ne compensaient pas l'annulation des opérations et l'absence d'examens préliminaires. Cette situation sanitaire doit être envisagée à la lumière du fait qu'il n'y avait aucun espoir de voir les deux parties résoudre elles-mêmes le conflit. La gravité de la situation apparaît clairement dans le fait que le Conciliateur public a dû renoncer à toute tentative de conciliation et s'est même abstenu de différer la date du conflit annoncé. Les choses sont apparues de manière encore plus claire lorsque les deux parties au conflit ont déclaré explicitement au ministre du Travail qu'il n'y avait aucun signe de rapprochement entre elles. La position de négociation des deux parties n'avait pas changé depuis le déclenchement de ce conflit. Les grévistes avaient clairement indiqué que seule une augmentation salariale supérieure à celle prévue dans le cadre tracé par le compromis de la KTO serait acceptable et qu'une réaffectation des moyens au sein de ce cadre ne l'était pas. Les employeurs avaient refusé d'accroître les rémunérations des groupes qui avaient refusé les résultats de la négociation, et d'autres groupes d'agents représentés au sein de la KTO avaient soutenu la position des employeurs sur ce point.
- 508. Dans ces conditions, le gouvernement et le Folketing ont estimé qu'il serait vain et irresponsable vis-à-vis de la population de permettre la poursuite du différend et y ont mis fin le 22 mai 1999 après neuf jours.
- 509. Le gouvernement estime que cette loi n'enfreint pas les dispositions des conventions nos 87 et 98 et souhaite souligner que sa décision s'est fondée essentiellement sur le fait qu'il n'y avait aucun espoir de voir les deux parties au conflit trouver une solution elles-mêmes et que le secteur dans lequel travaille le personnel infirmier appartient aux services essentiels, d'où le risque de voir se créer des situations présentant des dangers pour la santé et la sécurité.
- 510. Par ailleurs, le gouvernement estime important de noter que les deux parties ont eu la possibilité de poursuivre leurs négociations, tant au cours du mois précédant le déclenchement de la grève que durant la période de huit jours pendant laquelle cette grève s'est déroulée. Les plaignants soutiennent que le conflit "n'a duré que sept jours" et que le gouvernement a reconnu que les services d'urgence fonctionnaient de manière satisfaisante; de fait, ce conflit n'avait encore entraîné jusque-là aucun décès. Cependant, un gouvernement responsable ne peut attendre ce type d'extrémité et doit agir sur la base d'une évaluation du risque de la voir se produire. Compte tenu du blocage de la situation, le gouvernement a estimé que les deux parties n'étaient pas en mesure de résoudre le conflit par elles-mêmes dans un avenir prévisible, et que le délai à attendre était si long qu'il présentait des risques inacceptables de décès et de souffrances pour la population.
- 511. En outre, le gouvernement souhaite souligner que la loi a prolongé et a renouvelé les conventions collectives en question, y compris les modifications apportées à la suite des négociations d'ensemble dans le secteur des comtés et le secteur municipal que l'ensemble des autres secteurs ont finalement acceptées. Bien entendu, l'organe de négociation conjoint spécial a un caractère mutuel, et les réactions des autres groupes de salariés ont montré clairement qu'une atteinte à la solidarité ne serait pas acceptée. Le compromis a été accepté en se fondant sur le fait qu'il s'agissait d'une solution globale et qu'il avait été accepté par l'ensemble des organisations représentées au sein de la KTO. Le gouvernement n'a pas jugé opportun de proposer une réaffectation dans le cadre proposé parce que les membres du personnel infirmier avaient déjà clairement indiqué qu'une telle réaffectation ne les intéressait pas.
- 512. Par ailleurs, le gouvernement est en désaccord avec l'allégation des plaignants selon laquelle il intervient systématiquement dans des grèves déclenchées légalement. Comme mentionné ci-dessus, les sages-femmes ont également rejeté les points sur lesquels leurs négociateurs s'étaient entendus avec les employeurs; la grève légale qui a suivi a duré un mois, avant que les négociateurs concluent un nouvel accord qui a été alors approuvé par les membres.
- 513. En conclusion, le gouvernement estime que la participation volontaire du personnel infirmier aux travaux de l'organe conjoint de négociation, la KTO, signifie qu'il ne lui était pas possible d'être le seul groupe à refuser le cadre commun mis en place pour les négociations sur lesquelles l'ensemble des parties s'étaient entendues. Par ailleurs, les membres du personnel infirmier ont dit qu'ils n'étaient pas partisans d'une réaffectation des moyens prévus dans ce cadre, qui avait permis de résoudre les problèmes d'autres groupes (enseignants, bioanalystes et sages-femmes) ayant refusé d'accepter leur convention respective lors de la première série de négociations. La perspective qui s'offrait était donc celle d'un conflit prolongé, et le gouvernement ne pouvait accepter la responsabilité des risques d'accidents mortels et de souffrances pour la population qu'aurait entraînés un tel conflit, quels que soient les services d'urgence mis en place.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 514. Le comité note que les allégations contenues dans le présent cas concernent l'interruption législative d'actions de revendication entreprises légalement dans le secteur hospitalier au niveau des comtés, au niveau local et au niveau des villes, ainsi que le prolongement par voie législative des conventions collectives applicables au personnel infirmier et aux travailleurs hospitaliers concernés. De plus, le comité note que les organisations plaignantes estiment que les employeurs ont spéculé sur l'intervention législative.
- 515. Le comité rappelle qu'il a examiné dans son 306e rapport un cas similaire contre le gouvernement du Danemark concernant l'interruption d'une grève par voie législative et le prolongement, également par voie législative, de conventions collectives applicables au secteur hospitalier (cas no 1884). Dans ce cas, le comité a conclu que, étant donné le caractère essentiel du service en question, l'intervention législative qui avait mis fin aux actions collectives dans le secteur hospitalier ne pouvait être considérée comme ayant enfreint les principes de l'OIT sur la liberté syndicale. Par ailleurs, le comité a considéré que le renouvellement et la prorogation par voie législative des conventions collectives couvrant les infirmières n'étaient pas conformes au principe de la libre négociation collective en vue de régler les conditions d'emploi exposées à l'article 4 de la convention no 98, et il a demandé au gouvernement de s'abstenir de prendre des mesures de ce type à l'avenir. [Voir 306e rapport, paragr. 438.]
- 516. Dans le présent cas, les plaignants ont appelé l'attention du comité sur deux différences existant avec le cas précédent. Tout d'abord, ils déclarent que, dans le cas précédent, la grève a été aggravée par un vaste lock-out déclenché par les employeurs, qui a créé une situation telle que le service minimum exigé ne pouvait être assuré, alors que, dans le présent cas, le service minimum fixé a été garanti et qu'aucune vie n'a été mise en danger. De fait, le comité note que, tant selon les plaignants que selon le gouvernement, la grève dont il est question dans le présent cas n'a pas encore mis en danger la vie, la sécurité personnelle ou la santé de tout ou partie de la population. Il prend bonne note cependant de la déclaration du gouvernement selon laquelle un gouvernement responsable ne peut attendre que ce type de situation se produise et doit agir en se fondant sur une évaluation du risque qu'elle ne se produise. Cependant, le comité note également l'affirmation du plaignant à l'effet que l'accord conclu sur les services minimums a donné aux médecins des différents départements le pouvoir de définir les services devant être maintenus durant la grève.
- 517. A cet égard, le comité rappelle une nouvelle fois que le droit de grève peut être restreint, voire interdit dans les services essentiels au sens strict du terme, c'est-à-dire les services dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne, et qu'il a considéré le secteur hospitalier comme un service essentiel. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 526 et 544.] Pour déterminer des cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l'existence d'une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Recueil, paragr. 540.] Dans le cas du Danemark, pays où la législation autorise les actions de revendication dans le secteur hospitalier lorsque des services minimums sont assurés, l'évaluation de tout risque justifiant des restrictions imposées à des actions de revendication légales est de la compétence du gouvernement. Toutes les questions relatives à l'application de la législation nationale à cet égard relèvent, du moins en première instance, d'une détermination au niveau national. Le comité considère donc que la décision prise par le Parlement danois de mettre fin à la grève du secteur hospitalier ne constitue pas une violation des principes de l'OIT relatifs à la liberté syndicale.
- 518. Sur ce point, une seconde différence avec le cas précédent soulevée par les plaignants concerne le prolongement par voie législative des conventions collectives, prolongement qui, selon eux, a été beaucoup plus large dans le présent cas que dans celui de l'intervention décidée en 1995. Le comité rappelle une nouvelle fois que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans des services essentiels comme les hôpitaux, les travailleurs devraient bénéficier d'une protection adéquate, de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d'action. Cela peut être fait, par exemple, en proposant des procédures de conciliation et d'arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546 et 547.] Au sujet de la question particulière des garanties visant à compenser les restrictions imposées au droit de grève dans le cas no 1884, le comité avait considéré que l'intervention législative de 1995, qui prévoyait la désignation de comités composés des parties intéressées et chargés d'analyser diverses questions (activités, rémunérations, etc.) en vue de mener des négociations et, en l'absence d'accords, de remettre la décision aux présidents des comités, était appropriée, impartiale et rapide et associait les parties, et qu'à ce titre elle sauvegardait effectivement les intérêts des travailleurs dont la grève avait fait l'objet de restrictions. [Voir 306e rapport, paragr. 431.]
- 519. Dans le présent cas, l'intervention législative a imposé une prorogation jusqu'au 31 mars 2002 du protocole d'accord qui avait été rejeté par le personnel infirmier. Aucun comité n'a été créé comme dans le cas de l'intervention précédente, permettant ainsi la poursuite des négociations et, si nécessaire, dans l'éventualité d'un blocage, la mise en place de mécanismes bénéficiant de la confiance de toutes les parties concernées. Cette fois, ce sont les conditions d'une négociation rejetées précédemment qui ont été imposées unilatéralement aux travailleurs.
- 520. Le comité prend bonne note de l'indication du gouvernement relative aux procédures de négociation dans le secteur public. Il note que l'organe de négociation des salariés du secteur public, l'Association des fonctionnaires et autres agents publics (KTO), représente 62 organisations comptant environ 643 000 membres. Si la KTO conclut des conventions collectives dans le cadre des séries de négociations générales au niveau des comtés et des municipalités, elle ne peut conclure d'accords contraignants au nom des organisations qu'elle représente. Chacune des organisations membres n'est liée par la convention (ou les conventions) conclue(s) par la KTO que si elle l'a (ou les a) approuvée(s).
- 521. Les négociations menées entre les employeurs des comtés et des municipalités et la KTO au sujet du cadre général ont eu lieu en janvier et février 1999 et, selon le gouvernement, se sont conclues par un compromis représentant une "solution globale" reposant sur l'hypothèse selon laquelle il était accepté en tant qu'accord général de la KTO. Après qu'un accord eut été atteint au sujet du cadre général, les négociations se sont poursuivies avec succès sur des thèmes concernant spécifiquement les différents domaines professionnels et organisations et ont débouché sur des accords. Les résultats des protocoles d'accord conclus dans les différents domaines couverts dans le cadre du compromis de la KTO ont fait l'objet d'un vote parmi les membres des différentes organisations représentées au sein de l'association. Les membres de certains secteurs comme les membres du personnel infirmier, les bioanalystes, les sages-femmes et les enseignants ont rejeté les résultats de la négociation. Des préavis de grève ont été émis et les parties à la négociation dans les différents secteurs ont entamé en même temps de nouvelles négociations. Dans le secteur du personnel infirmier, les négociations ont repris avec l'assistance d'un conciliateur public, qui est arrivé en mai 1999 à la conclusion que la situation était bloquée et qu'il n'y avait donc pas lieu de repousser la grève.
- 522. Le gouvernement souligne que la loi a eu pour effet de prolonger et de renouveler les conventions collectives grâce aux modifications faisant suite aux résultats globaux de la négociation que tous les autres secteurs avaient finalement acceptés. L'organe spécial de négociation qui avait obtenu cette solution globale avait un caractère mutuel et, selon le gouvernement, les réactions des autres groupes de salariés ont montré clairement qu'une rupture de la solidarité ne serait pas acceptée. Le gouvernement considère que la participation volontaire des membres du personnel infirmier à la KTO signifiait qu'il ne leur serait pas possible de refuser le cadre commun fixé pour les négociations que tous avaient accepté. Par ailleurs, le gouvernement soutient que les membres du personnel infirmier n'étaient pas favorables à une réaffectation des moyens dans le cadre qui avait résolu les problèmes des autres groupes ayant refusé leur accord respectif au cours de la première série de négociations.
- 523. Tout en prenant dûment en considération les explications données par le gouvernement quant aux procédures applicables aux négociations du secteur public, le comité observe que ces procédures prévoient que chacune des organisations membres de la KTO doit approuver l'accord pour qu'il s'applique à elle. Pourtant, dans le présent cas, un accord refusé par les membres du personnel infirmier leur est aujourd'hui appliqué par voie législative. Si le gouvernement déclare que la seule solution offerte aux membres du personnel infirmier aurait été un refus inacceptable du cadre commun que toutes les autres organisations membres avaient accepté, le comité observe que le prolongement par voie législative des conventions collectives modifiées par la convention rejetée a été imposé par la loi même qui avait mis fin à l'action de revendication. En d'autres termes, aucune autre possibilité n'a été donnée aux membres du personnel infirmier que de reprendre les négociations ou de faire appel à d'autres mécanismes de résolution des conflits après que leur droit de faire grève eut été restreint. Dans ces conditions, le comité considère que le gouvernement n'a pas pris les mesures voulues pour offrir des garanties compensatoires aux travailleurs qui avaient été privés du droit de grève. Il demande au gouvernement d'envisager, avec les partenaires sociaux, des mesures afin de veiller à ce que, chaque fois que l'exercice du droit de grève sera restreint de manière légitime dans l'avenir, cette restriction à la liberté d'action fasse l'objet d'une protection grâce à des mécanismes de résolution de conflits collectifs bénéficiant de la confiance de l'ensemble des parties intéressées.
- 524. Par ailleurs, le comité doit rappeler que l'un des aspects fondamentaux de la liberté d'association est le droit, pour les organisations de travailleurs, de négocier librement avec les employeurs et leurs organisations les salaires et les conditions de travail, et que toute restriction à ce droit ne devrait être appliquée qu'en tant que mesure d'exception, limitée à l'indispensable et n'excédant pas un délai raisonnable; toute restriction de cette nature doit s'accompagner de garanties appropriées pour la protection du niveau de vie des travailleurs. [Voir 306e rapport, paragr. 432.] Comme dans le cas qu'il a examiné précédemment au sujet des membres du personnel infirmier danois, le comité note maintenant que la loi en question met fin aux négociations dans le secteur pour plusieurs années (dans le présent cas, du 21 mai 1999 au 31 mars 2002, soit la durée des conventions prolongées par voie réglementaire). Comme dans les cas précédents relatifs au Danemark (cas no 1421 concernant les internes des hôpitaux, et cas no 1884 concernant les membres du personnel infirmier), le comité estime que l'intervention du gouvernement est allée au-delà des critères exposés plus haut, puisque la méthode utilisée allait au-delà de l'indispensable et d'un délai raisonnable, du fait qu'elle étendait et prolongeait de près de trois ans la durée d'application des conventions collectives. Tout en notant de nouveau l'indication du gouvernement selon laquelle les négociations et les procédures de conciliation entreprises avant le déclenchement de l'action revendicative se sont révélées vaines, le comité réitère les observations qu'il avait formulées lors du cas précédent [voir 306e rapport, paragr. 436] et conclut dans ce cas qu'il n'a pas été avancé d'éléments démontrant que le secteur du personnel infirmier lui-même se trouvait dans une situation si critique qu'une intervention dans la négociation collective volontaire fut justifiée. En outre, étant donné le recours répété de telles interventions et le fait que les conventions imposées ont été prolongées pour une longue durée, le comité doit de nouveau demander instamment au gouvernement de s'abstenir de prendre des mesures de ce type à l'avenir.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 525. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité considère que l'interruption de la grève du secteur hospitalier par le Parlement danois ne constitue pas une violation des principes de l'OIT relatifs à la liberté syndicale.
- b) Le comité considère que, en l'espèce, le gouvernement n'a pas pris les mesures voulues pour mettre en place les garanties compensatoires en faveur des travailleurs qui avaient été privés du droit de grève. Il demande au gouvernement d'envisager, avec les partenaires sociaux, des mesures afin de veiller à l'avenir à ce que, chaque fois que l'exercice du droit de grève est restreint de manière légitime dans les services essentiels, cette restriction à la liberté d'action bénéficie de la protection voulue grâce à des mécanismes de résolution de conflits collectifs bénéficiant de la confiance de l'ensemble des parties intéressées. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- c) Le comité considère que le renouvellement et le prolongement par voie réglementaire des conventions collectives applicables au personnel infirmier ne sont pas conformes au principe de la liberté de négociation collective visant à réglementer les conditions d'emploi en vertu de l'article 4 de la convention no 98, ratifiée par le Danemark. Etant donné le recours répété aux interventions gouvernementales à cet égard et le fait que les conditions salariales et de travail imposées ont été prolongées pour une longue durée, le comité demande instamment au gouvernement de s'abstenir de prendre ce type de mesures dans l'avenir.