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Interim Report - Report No 329, November 2002

Case No 2090 (Belarus) - Complaint date: 16-JUN-00 - Closed

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  1. 217. Le comité a examiné ce cas quant au fond à plusieurs occasions, où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 324e rapport, paragr. 133-218, 325e rapport, paragr. 111-181, et 326e rapport, paragr. 210-244, approuvés par le Conseil d’administration à ses 280e, 281e et 282e sessions (mars, juin et nov. 2001).] La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a transmis de nouvelles allégations dans des communications datées du 19 décembre 2001, du 18 septembre et du 10 octobre 2002. La Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) a présenté des informations complémentaires dans des communications en date des 28 mars et 31 mai 2002 et le Syndicat libre du Bélarus (SLB) a fourni des informations complémentaires dans une communication datée du 5 février 2002. Enfin, le Syndicat des travailleurs de l’industrie automobile et de la machine agricole (STIAM) a fait parvenir de nouvelles allégations concernant ce cas dans des communications datées des 31 juillet, 12 septembre et 11 octobre 2002.
  2. 218. Le gouvernement a communiqué des informations complémentaires en réponse aux nouvelles allégations dans des communications datées des 8 mai et 22 octobre 2002.
  3. 219. Le Bélarus a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 220. A sa session de novembre 2001, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations ci-après au vu des conclusions intérimaires du comité:
    • a) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête véritablement indépendante sur les allégations des plaignants selon lesquelles des pressions et des manœuvres d’intimidation ont été exercées contre les travailleurs de l’usine métallurgique du Bélarus en vue d’affaiblir la structure syndicale établie, et de le tenir informé des résultats de l’enquête.
    • b) Rappelant le principe selon lequel la répartition des cotisations syndicales entre les diverses structures syndicales est une question à déterminer exclusivement par les syndicats concernés, le comité demande une nouvelle fois au gouvernement d’ouvrir d’urgence une enquête véritablement indépendante sur les allégations relatives aux retards dans le reversement des cotisations formulées par les plaignants et de prendre les mesures nécessaires pour garantir le versement de toutes les cotisations dues. Il demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de ces enquêtes.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre d’urgence les mesures nécessaires pour faire en sorte que le décret présidentiel no 8 soit modifié de façon que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent bénéficier librement, et sans autorisation préalable, de l’assistance qui pourrait être accordée par les organisations internationales pour des activités compatibles avec la liberté syndicale. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé des mesures prises à cet égard.
    • d) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête indépendante sur les allégations soulevées par le SLB concernant la pénétration illégale dans les locaux du syndicat ainsi que la confiscation et la destruction de biens et de documents du syndicat, et de faire en sorte que tous les biens et documents confisqués soient restitués sans délai au syndicat. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé des résultats de l’enquête.
    • e) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête indépendante sur les allégations concernant la destruction de documents syndicaux par la direction générale des affaires économiques de l’administration présidentielle et de le tenir informé des résultats de l’enquête.
    • f) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer les obstacles à l’enregistrement causés par la prescription relative à l’adresse légale et de présenter des informations détaillées sur l’état d’avancement des demandes d’enregistrement notées dans son examen antérieur du présent cas.
    • g) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le décret présidentiel no 11 soit modifié, de façon que les restrictions aux piquets de grève soient limitées au cas où l’action cesse d’être pacifique ou entraîne une perturbation grave de l’ordre public, et que toute sanction imposée en pareil cas soit proportionnée à la violation qui a eu lieu. Le comité demande aussi au gouvernement de communiquer des informations en réponse aux allégations des plaignants concernant les restrictions imposées aux actions de piquet de grève et, en particulier, le refus d’autoriser l’exercice d’un piquet de grève devant le ministère de l’Industrie.
    • h) Le comité demande à nouveau au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis pour ouvrir des enquêtes indépendantes sur les questions suivantes: les allégations concernant les menaces de licenciement proférées à l’encontre des membres du Syndicat libre du combinat «Khimvolokno» et des membres du Syndicat libre de l’usine «Zénith»; les allégations concernant le refus d’embaucher le président réélu du Syndicat libre des ouvriers métallurgistes de l’usine automobile de Minsk, M. Marinich; les questions relatives à l’établissement d’un syndicat régional des travailleurs de l’industrie électronique par l’Association de recherche et de production du conglomérat Integral et la décision prise à l’usine Tsvetotron de s’affilier au nouveau syndicat régional; et les allégations concernant les menaces et pressions exercées sur les travailleurs de l’usine d’outillage Rechitskij de Gomel pour qu’ils quittent le syndicat de branche et établissent de nouveaux syndicats. Le gouvernement est également prié de tenir le comité informé des résultats de ces enquêtes.
    • i) Le comité demande au gouvernement de présenter des informations sur les mesures prises conformément à ses recommandations précédentes pour faire en sorte que MM. Evmenov et Bourgov soient réintégrés dans leurs postes avec versement plein et entier de tous salaires et prestations annexes qu’ils n’auraient pas perçus.

B. Nouvelles allégations des plaignants

B. Nouvelles allégations des plaignants
  1. 221. Dans sa communication datée du 19 décembre 2001, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté de nouvelles allégations concernant un décret gouvernemental qui supprimait le système de retenue à la source des cotisations syndicales au Bélarus et a joint copie d’une déclaration faite par la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) le 18 décembre 2001 à cet égard. Selon la CISL, le système de retenue à la source des cotisations syndicales constituait une pratique habituelle du pays et on ne pouvait interpréter son abolition que comme un acte délibéré visant à porter atteinte aux syndicats.
  2. 222. Dans sa déclaration jointe à la communication présentée par la CISL, la FSB déclare que le décret no 1804 du 14 décembre 2001 intitulé «Mesures visant à protéger les droits des syndicalistes», abolit le système antérieur de reversement des cotisations aux organisations syndicales à la demande de l’adhérent. Selon la FSB, le décret vise réellement à étrangler financièrement et à éliminer les syndicats en tant qu’organisations indépendantes de travailleurs. En outre, le décret est en contradiction avec les tarifs industriels existants, les accords locaux et les conventions collectives ainsi qu’avec le Code du travail, également applicable aux cotisations syndicales, qui prévoit l’obligation pour l’employeur de «procéder aux déductions de salaires, à la demande écrite des travailleurs, afin d’effectuer le reversement des cotisations syndicales».
  3. 223. La FSB fait valoir en outre que le décret contrevient à la décision du tribunal constitutionnel du 21 février 2001 sur l’autorisation de paiement des cotisations syndicales. La FSB proteste contre cette grossière violation des droits des travailleurs, l’ingérence dans les affaires internes des syndicats et les obstacles opposés à l’exercice de ses activités légitimes. La FSB a transmis la décision prise par le tribunal constitutionnel quant au décret no 1804 dans une communication datée du 28 mars 2002.
  4. 224. Dans sa communication du 5 février 2002, le Syndicat libre du Bélarus (SLB) fait observer que, outre M. Evmenov et M. Bourgov, un autre dirigeant syndical, M. Evgenov, avait été licencié pour avoir refusé de travailler un jour chômé. Il précise que cette information figurait déjà dans sa plainte précédente. Comme M. Bourgov avant lui, M. Evgenov avait été licencié de l’usine automobile de Mogilev tandis que M. Evmenov l’avait été des verreries «Oktyabr» de la région de Mogilev.
  5. 225. Le SLB a également fourni copie de la décision prise par le tribunal de Leninskij dans le district de Grodno concernant le refus d’enregistrer le Syndicat des travailleurs du combinat de Khimvolokno. Le tribunal avait initialement confirmé sa décision sur la base de la condition prévue dans le décret «relatif à certaines mesures de réglementation de l’activité des partis politiques, syndicats et autres organisations» qui stipulait que le syndicat devait comporter un nombre de membres au moins égal à 10 pour cent de l’effectif total des travailleurs de l’entreprise. Autrement dit et dans le cas du combinat de Khimvolokno avec un effectif total de 5 680 travailleurs, le nombre de membres affiliés au syndicat devait être de 568. Le tribunal de district a ensuite confirmé la décision initiale pour cette raison et aussi au motif que certains membres du syndicat local, notamment MM. Cherney et Parfinovich, n’étaient pas employés par l’entreprise. Selon le tribunal de district, ce fait constituait une violation de la législation prévoyant que les syndicalistes devaient travailler pour l’employeur en question.
  6. 226. Le SLB soutient néanmoins que la condition concernant le pourcentage d’affiliation de 10 pour cent ne s’applique qu’aux syndicats autrement constitués qui ont des statuts spécifiques, alors que le syndicat en cause était un syndicat de branche et faisait partie de la structure administrative du SLB dont les statuts n’imposaient comme seule condition que le recrutement de trois professionnels. De même, le SLB déclare que la condition concernant l’emploi du travailleur par une entreprise, en particulier, n’est pas applicable et ajoute que MM. Cherney (à présent retraité) et Parfinovich ont été licenciés de l’entreprise en raison de leurs activités syndicales.
  7. 227. Dans sa communication du 31 mai 2002, la FSB proteste contre le fait que le ministère du Travail avait donné les noms des présidents de deux syndicats d’entreprise à la Commission de vérification des pouvoirs du BIT pour faire partie de la délégation du Bélarus à la Conférence de l’OIT de juin 2002. Le syndicat de l’une de ces deux entreprises, l’usine d’automobiles de Minsk, avait été contrainte de quitter le syndicat de branche affilié à la FSB sous la pression des autorités locales.
  8. 228. La FSB considère que cette action du gouvernement constitue une grave violation de la Constitution de l’OIT et apporte de nouveau la preuve que le gouvernement n’avait aucune intention de suivre les recommandations du comité dans le présent cas. La FSB insiste pour que les intérêts des travailleurs soient représentés par les organisations de travailleurs les plus représentatives.
  9. 229. Dans sa communication du 31 juillet 2002, le Syndicat des travailleurs de l’industrie automobile et de la machine agricole (STIAM) a présenté de nouvelles allégations concernant l’ingérence du gouvernement dans les affaires internes des syndicats et les violations continuelles des droits des syndicats. En particulier, le STIAM s’est référé au décret no 1804 du Conseil des ministres qui interdit le reversement automatique des cotisations syndicales en violation de la législation nationale et de la Constitution du Bélarus, à l’établissement de syndicats «asservis» ou «patronaux» dans les grandes usines (par exemple, constitution de nouveaux syndicats patronaux à l’usine automobile de Minsk, à l’usine d’automobiles de Mogilev, dans le combinat informatique de Minsk, etc.) et au lancement d’une campagne (liée à l’administration présidentielle) en mai 2001 pour constituer de nouveaux syndicats régionaux qui ne seraient pas affiliés à la Fédération des syndicats du Bélarus.
  10. 230. Selon le STIAM, l’action de ces forces centrifuges commencerait à faire éclater la FSB. Sous la pression du nouveau président de l’Académie des sciences (un ancien directeur adjoint à l’administration présidentielle), le syndicat de l’Académie avait déjà quitté la FSB. Les syndicats représentant les travailleurs dans les institutions d’Etat, les services de santé et les chemins de fer avaient aussi annoncé qu’ils souhaitaient quitter la FSB.
  11. 231. Le STIAM allègue en outre que le président de l’Association régionale des syndicats de Mogilev avait rencontré le directeur de l’administration présidentielle pour formuler des propositions visant à remplacer la direction de la FSB. Le 2 juillet 2002, le président Lukashenko décidait de nommer L. Kozik, directeur adjoint à l’administration présidentielle, au poste de président de la FSB. Les associations des syndicats régionaux ont tenu des sessions plénières dans toutes les régions pendant une semaine, ont demandé la démission de M. Vitko (le président en exercice de la FSB) et présenté des motions de censure à son endroit.
  12. 232. Selon le STIAM, toute la campagne avait été orchestrée par l’administration présidentielle et des pourparlers avaient aussi été engagés avec Vitko. Les membres du conseil de la FSB avaient été l’objet de pressions d’ordre administratif avant la plénière. Les autorités régionales et municipales et les directions des entreprises avaient exigé que la candidature de Kozik soit annoncée et approuvée en plénière. Les membres du conseil avaient été sommés d’assister aux réunions des comités exécutifs des municipalités et des régions avec les représentants des départements compétents du ministère de l’Industrie. Ils avaient été menacés de licenciement au cas où ils ne voteraient pas pour Kozik. Le STIAM a joint à sa communication une déclaration d’un travailleur de l’usine d’automobiles et de tracteurs de Borisov décrivant les tentatives de coercition dont il avait été l’objet pour proposer la candidature de Kozik au poste de président de la FSB.
  13. 233. L’expérience de ce travailleur avait aussi été celle d’autres militants syndicalistes, et même la presse gouvernementale avait considéré l’élection de Kozik à la présidence de la FSB comme une nomination décidée par le président Lukashenko. Kozik obtint une majorité formelle de voix à la réunion plénière de la FSB qui confirma son accès au poste de président et Vitko démissionna «volontairement».
  14. 234. Il y a lieu de relever une suite intéressante de l’élection de Kozik. Dans les entreprises où des syndicats «patronaux» avaient été constitués, la direction donna l’ordre à son service de la comptabilité d’effectuer les déductions nécessaires et de procéder au reversement des cotisations syndicales. Le décret no 1804 ne semblait donc plus être applicable. En outre, les déductions furent effectuées sur tous les salaires, y compris sur ceux des travailleurs qui n’étaient pas membres du syndicat en question.
  15. 235. Le STIAM conclut que la nomination de Kozik à la présidence de la FSB subordonne désormais la FSB au régime de Lukashenko. Les organisations de travailleurs ont été transformées en structures étatiques dont la fonction n’est plus de défendre les intérêts des travailleurs mais d’avaliser les décisions prises.
  16. 236. Le STIAM complète ces allégations dans sa communication en date du 12 septembre 2002. En particulier, il fournit de plus amples détails sur la façon dont le gouvernement s’est ingéré dans les activités des syndicats en ce qui concerne l’élection du nouveau président de la FSB et le fait que, par la suite, M. Yaroshuk a été relevé de ses fonctions de président du Syndicat des travailleurs du complexe agro-industriel (STCA).
  17. 237. Le STIAM fournit des informations plus précises sur l’intervention du gouvernement dans la «démission volontaire» de M. Vitko et fait observer que, après l’élection de M. Kozik, les relations entre le gouvernement et la FSB, qui étaient interrompues depuis le départ l’an dernier de M. Gontcharik, ont soudainement été rétablies, et qu’une réunion du Conseil national sur les questions sociales et du travail s’est tenue. La FSB, de fait, est devenue une sorte d’unité subalterne de l’administration présidentielle. M. Kozik effectue des missions confidentielles sur les instructions du Président Lukashenko. Il dirige la Commission du Traité d’union avec la Russie et la Commission sur la coopération biélorusse-iraquienne. Le fait est que M. Kozik s’est rendu en Iraq du 30 août au 3 septembre 2002 pour transmettre à M. Saddam Hussein un message de M. Lukashenko.
  18. 238. L’organisation plaignante précise en outre que, sur instructions de l’administration présidentielle, le Plenum du Conseil du STCA a démis M. Yaroshuk de ses fonctions de président. Cette décision constitue une infraction flagrante aux statuts du STCA, lesquels prévoient que seul le Congrès du syndicat peut élire un président ou le démettre de ses fonctions. Autre infraction à ces statuts: un nouveau président a été élu lors du Plenum du Conseil, sur la recommandation du ministre des complexes agro-industriels. Ainsi, M. Samasyuk, directeur du département du ministère de l’Agriculture, est devenu le nouveau président.
  19. 239. L’organisation plaignante indique qu’il est très difficile de fournir d’autres témoignages et preuves écrites en raison des menaces et intimidations du gouvernement qui ont découragé des personnes de porter plainte. Dans sa communication du 11 octobre 2002, elle transmet toutefois le témoignage de M. E. V. Burak, ancien vice-président de la FSB, concernant les pressions et l’intimidation systématiques du gouvernement pour affaiblir le syndicat et ses finances, et remplacer son bureau exécutif. S’agissant de son propre cas, M. Burak déclare que sa démission du poste de vice-président de la FSB était contraire aux statuts de l’organisation puisque, ayant été élu par l’assemblée générale, il a été démis en application d’une ordonnance signée par M. Kozik (une copie de l’ordonnance est jointe à son témoignage).
  20. 240. Dans sa communication du 18 septembre 2002, la CISL s’est dite profondément préoccupée par la campagne gouvernementale visant à annihiler le mouvement syndical indépendant au Bélarus – d’abord des mesures pour créer des syndicats «jaunes», puis des pressions exercées sur les structures syndicales régionales pour qu’elles se retirent de la FSB, l’objectif ultime étant de priver celle-ci de son autorité légitime.
  21. 241. La CISL indique que, après l’élection de M. Kozik à la présidence de la FSB, le Président Lukashenko l’a récompensé pour son travail au sein de l’administration présidentielle en lui délivrant un «certificat d’Etat» de nomination au poste de président de la FSB et en lui donnant rang d’«homme d’Etat».
  22. 242. La CISL fait observer toutefois que les conditions nécessaires à un mouvement syndical indépendant continuent d’exister au Bélarus. Beaucoup de dirigeants et de militants syndicaux n’acceptent pas les syndicats «jaunes» et ont manifesté leur intention de quitter ces organisations. Mais le gouvernement a décidé de purger le mouvement syndical de tous les dirigeants et militants à l’esprit indépendant.
  23. 243. Ainsi, M. Mirochnik, président de l’Association régionale des syndicats de Brest, a été démis de ses fonctions à la suite d’une réunion syndicale régionale. Par ailleurs, il a été «recommandé» à M. Kovsh, président du Comité régional de Brest des syndicats de la science et de l’enseignement, qui avait appuyé M. Vitko au Plenum du 16 juillet, de se démettre de ses fonctions syndicales.
  24. 244. De plus, des fonctionnaires et hauts responsables de la fonction publique ont été nommés à des postes de direction d’organisations syndicales. Ainsi, le nouveau président de l’Association de Brest des syndicats est Nikolai Basalai, jusque-là chef du Comité exécutif de l’administration publique pour le district Moscou de la ville de Brest. Ensuite, le 22 août, à Polotsk, lors du Plenum de l’Organisation régionale des syndicats des ouvriers du bâtiment, le directeur général adjoint pour les affaires sociales et l’information de l’entreprise «OAO Stroitelnii Trest N9», autrement dit un cadre supérieur, a été élu président du comité syndical régional.
  25. 245. Dans le but manifeste de désamorcer une plainte qui avait été soumise au Comité de la liberté syndicale du BIT, des mesures sévères ont été prises à l’encontre des dirigeants syndicaux qui avaient soumis cette plainte. Le 10 septembre 2002, M. Alexander Yaroshuk, président du STCA, qui avait présenté personnellement cette plainte et s’était opposé à l’éviction de M. Vitko et au limogeage de M. Starikevich (voir ci-dessous), a été démis de ses fonctions par le Plenum de son syndicat. Les dirigeants de certains des comités syndicaux régionaux ont affirmé que, en raison de l’opposition de M. Yaroshuk au gouvernement, il leur a été impossible de mener à bien le «partenariat social sur les lieux de travail». Par la suite, en violation de la Constitution du syndicat, qui indique que le président du syndicat ne peut être élu que par le Congrès du syndicat, le Plenum a élu aux fonctions de président M. Vladimir Samasyuk, ancien vice-ministre de l’Agriculture et jusque-là chef du département des investissements du ministère de l’Agriculture.
  26. 246. Des purges analogues sont effectuées dans les médias des syndicats indépendants. Ainsi, l’une des premières mesures de M. Kozik au moment de prendre la direction de la FSB a été de licencier M. Aleksander Starikevich, rédacteur en chef du périodique «Belaruski Chas» de la FSB. Auparavant, le 25 juillet, le présidium de la FSB s’était opposé au licenciement de M. Starikevich.
  27. 247. La CISL tient à souligner qu’il est devenu très difficile de réunir des informations précises sur les cas de violation des droits syndicaux au Bélarus en raison du sentiment de crainte qui domine parmi les dirigeants et militants syndicaux indépendants. La CISL est convaincue que ce sentiment découle des mesures de répression que le gouvernement du Bélarus a prises contre le mouvement syndical, dont les membres et les familles de ces derniers sont régulièrement intimidés et menacés par des fonctionnaires du gouvernement et des employeurs.
  28. 248. M. Kozik, qui a été nommé par le gouvernement à la tête de la FSB, continue de se consacrer pour l’essentiel à des questions gouvernementales au lieu de se concentrer sur des activités syndicales. La meilleure illustration en est le fait qu’il s’est rendu récemment en Iraq, en septembre 2002, le Président Lukashenko l’ayant chargé de remettre en main propre une lettre à M. Saddam Hussein. De plus, M. Kozik a conservé ses fonctions de coprésident de la Commission conjointe Bélarus-Iraq pour l’économie et le commerce. Il continue aussi de diriger la Commission sur le Traité d’union du Bélarus et de la Fédération de Russie. La CISL considère qu’occuper des postes aussi élevés dans la fonction publique est tout à fait incompatible avec l’exercice de responsabilités syndicales importantes.
  29. 249. Dans sa communication du 10 octobre 2002, la CISL transmet la traduction d’un discours prononcé lors d’un récent congrès de la Fédération des syndicats du Bélarus par M. Aleksander Lukashenko, Président du Bélarus, et où ce dernier, selon la CISL, a formulé plusieurs menaces, voilées ou explicites, contre l’indépendance et l’autonomie des syndicats. Il a également fermement appelé les syndicats à appuyer les politiques de l’Etat, et en particulier les siennes. Cet appel concernait, entre autres, le travail idéologique auprès de la population et sa surveillance politique, qualifiés par M. Lukashenko de «contrôle sociétal». La CISL est fermement convaincue que cette déclaration ainsi que d’autres interventions du chef de l’Etat constituent une ingérence inacceptable des autorités dans les affaires internes des organisations de travailleurs, et représentent de graves violations des principes de la liberté syndicale, du droit syndical et de négociation collective.

C. Nouvelles réponses du gouvernement

C. Nouvelles réponses du gouvernement
  1. 250. Dans sa communication du 8 mai 2002, le gouvernement a déclaré que le décret no 1804 a été adopté pour résoudre la situation créée par le montant croissant des arriérés de reversement des cotisations syndicales retenues à la source par les employeurs. Il a rappelé que la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) s’était plainte en septembre 2001 de ce que la totalité des arriérés de reversement des cotisations syndicales par les employeurs atteignait 3 milliards de roubles.
  2. 251. La décision du Conseil des ministres obligeait les employeurs à rembourser aux travailleurs, avant le 1er février 2002, les sommes qui avaient été déduites de leurs salaires au titre des cotisations syndicales mais n’avaient pas été reversées au compte des syndicats concernés. Selon le gouvernement, le décret prévoit que les cotisations syndicales seront versées par les travailleurs eux-mêmes sans que des déductions soient effectuées sur leurs salaires afin d’éviter de tels arriérés à l’avenir.
  3. 252. Le décret mettait fin à la pratique instituée sur le territoire de l’ex-URSS par un décret du Présidium du Conseil central pansoviétique des syndicats en 1982 qui consistait à déduire les cotisations syndicales du salaire des travailleurs pour les reverser sur le compte des syndicats par le biais d’une imputation comptable. Tout travailleur en exprimant le souhait avait cependant toujours eu la faculté de payer ses cotisations directement.
  4. 253. S’agissant de la référence faite par le plaignant à l’article 107 du Code du travail, le gouvernement relève que le premier paragraphe stipule que les déductions de salaires au titre du reversement des cotisations syndicales ne peuvent être effectuées que dans les cas prévus par la loi. L’accord du travailleur n’est donc pas suffisant pour procéder à ce type de transaction en l’absence d’une disposition juridique se référant spécifiquement au reversement des cotisations. Selon le gouvernement, il n’existait actuellement dans le pays aucune base juridique à cet effet.
  5. 254. Tout en prenant dûment note de l’avis du tribunal constitutionnel qui estime que le versement direct de ses cotisations par l’adhérent lui-même n’est pas la meilleure méthode et doit être améliorée, le gouvernement réaffirme que sa décision était justifiée et visait à éliminer les violations et à prévenir des conflits potentiels. Il rappelle aussi que les travailleurs ont la possibilité de demander que leurs cotisations syndicales soient versées sur le compte bancaire des syndicats.
  6. 255. Le gouvernement conclut que le décret no 1804 a été adopté par le Conseil des ministres dans la limite des pouvoirs qui lui étaient conférés, n’est pas contraire à la Constitution et à d’autres lois du Bélarus et ne viole aucune des dispositions des conventions de l’OIT.
  7. 256. Dans sa communication du 22 octobre 2002, le gouvernement, faisant référence aux procédures établies au Bélarus pour l’enregistrement des syndicats et de leurs unités de base, souligne qu’il existe maintenant au Bélarus deux associations de syndicats au niveau national (la Fédération des syndicats du Bélarus et l’Association des syndicats «Congrès des syndicats démocratiques du Bélarus»), 26 syndicats de branche, 24 syndicats d’entreprise et environ 26 000 unités syndicales de base.
  8. 257. Depuis la promulgation du décret présidentiel no 2 du 26 janvier 1999 concernant certaines mesures visant à régir l’activité des partis politiques, des syndicats et autres organisations publiques, tous les syndicats se sont enregistrés, à l’exception de quelques unités syndicales de base. Durant les six premiers mois de l’année 2002, six syndicats ont été enregistrés, aucun enregistrement n’a été refusé, et le ministère de la Justice n’a reçu aucune plainte concernant un refus d’enregistrement d’une unité syndicale de base.
  9. 258. S’agissant du décret présidentiel no 8, le gouvernement déclare que ce texte n’empêche pas les syndicats de recevoir une aide étrangère en rapport avec leurs activités légales, conformément à leurs statuts. En 2002, le Département de l’aide humanitaire des services administratifs de la Présidence a reçu sept demandes de syndicats qui voulaient faire enregistrer des aides reçues de l’étranger. Ces demandes ont toutes été acceptées et aucun cas d’abus de ce genre d’aide n’a été signalé.
  10. 259. En ce qui concerne la démocratie interne des syndicats et les élections syndicales, le gouvernement déclare qu’il ne s’ingère pas dans ces questions, qui sont régies par la loi du Bélarus sur les syndicats et les statuts syndicaux. Le gouvernement ajoute cependant que tout mouvement de pouvoir au sein des syndicats, avec les promotions et destitutions que cela suppose, entraîne objectivement certaines insatisfactions, qui expliquent selon lui les plaintes récemment présentées au BIT.
  11. 260. Le gouvernement considère que le cadre juridique existant au Bélarus donne aux syndiqués et à leurs dirigeants toute latitude pour défendre leurs droits, y compris celui de présenter des recours devant les tribunaux et autres instances compétentes. Les récentes élections de la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) se sont déroulées publiquement et dans la transparence. Les résultats du congrès de la FSB et de l’assemblée générale qui l’a suivi, où F. P. Vitko a été démis de ses fonctions de président de la FSB et remplacé par L. P. Kozik, ont reçu une large publicité. L’assemblée générale était ouverte aux représentants des autorités de l’Etat, des organisations publiques et de la presse. L’élection de M. Kozik au poste de président de la FSB s’est déroulée conformément à l’article 5.7.6 des statuts de cette organisation.
  12. 261. En conclusion, le gouvernement souligne les derniers développements en matière de dialogue social au Bélarus. Le Conseil national des affaires sociales et du travail, organe consultatif regroupant en nombre égal des représentants gouvernementaux, patronaux et syndicaux, a décidé à sa réunion du 9 août 2002 de constituer en son sein un groupe tripartite d’experts sur l’application des normes internationales de l’OIT. Le groupe d’experts a tenu sa première réunion le 18 octobre 2002, où il a examiné le projet de règlement concernant son fonctionnement (sous réserve d’approbation du Conseil national) et les questions relatives au développement de la coopération technique avec le BIT. A cette même date, le Conseil des ministres a adopté l’ordonnance no 1282 concernant les déductions salariales par virement direct. Aux termes de cette ordonnance, le paragraphe 2 de l’ordonnance no 1804 du 14 décembre 2001 du Conseil des ministres concernant les mesures pour la protection des droits des syndiqués a été amendé, et se lit maintenant comme suit: «Le paiement des cotisations syndicales est effectué personnellement par le travailleur ou, à sa demande écrite, par l’employeur au moyen d’une déduction prélevée sur son salaire, et reversée au syndicat par virement direct.» Par conséquent, le système de versement direct des cotisations syndicales au crédit des comptes bancaires des syndicats (retenue à la source) a été rétabli.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 262. Le comité note que les nouvelles allégations présentées portent sur la suppression unilatérale du système de retenue à la source des cotisations syndicales par l’arrêté du Conseil des ministres du 14 décembre 2001 qui, selon les plaignants, vise à l’élimination de toute organisation indépendante de travailleurs. Les plaignants fournissent également des informations complémentaires sur de nouveaux actes d’ingérence des pouvoirs publics dans les affaires internes des syndicats. Ils allèguent, en particulier, que le gouvernement a contraint le président de la Fédération des syndicats du Bélarus (FSB) à démissionner et qu’il a imposé l’élection du nouveau président, M. Kozik, anciennement directeur adjoint de l’administration présidentielle. Des actes d’intimidation auraient également été commis afin de remplacer d’autres dirigeants syndicaux aux niveaux régional et sectoriel. D’autres allégations concernent le non-enregistrement des organisations syndicales, le licenciement d’un dirigeant syndical qui n’avait pas voulu travailler un jour chômé et la désignation de dirigeants syndicaux non représentatifs à la Conférence de l’OIT.
  2. 263. Tout en notant l’indication du gouvernement dans sa communication du 22 octobre 2002, selon laquelle le système de retenues à la source qui avait été annulé par le décret no 1804 de décembre 2001 concernant «les mesures de protection des droits des syndiqués» a maintenant été rétabli par l’ordonnance no 1282 du 18 octobre 2002, le comité considère, étant donné les circonstances entourant ces deux décisions, qu’il est néanmoins important d’examiner la conformité du décret no 1804 avec les principes de la liberté syndicale, ainsi que ses conséquences. Le comité note que le décret no 1804 stipule que le paiement des cotisations syndicales sera effectué par les adhérents eux-mêmes sans que leurs cotisations soient déduites de leurs salaires, mettant ainsi un terme à un système bien établi de retenue à la source de ces cotisations. Toute violation devrait être sanctionnée par la loi. Le comité note en outre que le tribunal constitutionnel a déterminé que ce décret était constitutionnel sur la base de la législation existante. Conformément au jugement du tribunal, la disposition du Code du travail obligeant l’employeur à opérer des déductions sur le salaire, à la demande du travailleur, ne porte que sur les cas expressément stipulés par la législation (par exemple, versement de pensions alimentaires, indemnisation pour dommages matériels). Il n’existe apparemment pas de disposition prévoyant expressément la retenue à la source dans le cas des cotisations syndicales.
  3. 264. Alors que les plaignants déclarent que le décret va à l’encontre des conventions collectives existantes, le tribunal constitutionnel souligne que l’accord général de 1998-2000 prévoyait la retenue à la source, tandis que celui de 2001-2003, signé le 25 mai 2001, ne contient pas de disposition analogue. Le tribunal constate en outre que le gouvernement est compétent pour promulguer un tel décret puisqu’il a été habilité par le législateur à adopter des textes juridiques ayant force de loi dans l’élaboration des dispositions du Code du travail.
  4. 265. Le tribunal constitutionnel note que l’introduction du système de retenue des cotisations à la source pendant la période soviétique a eu pour conséquence un redoublement de l’influence de l’Etat sur les syndicats et un affaiblissement des relations entre les dirigeants syndicaux et les syndicalistes. A cet égard, le tribunal estime que le décret no 1804 pourrait avoir pour effet de rendre les syndicats moins dépendants des employeurs qui retiendraient les cotisations à la source. Le tribunal ajoute néanmoins qu’une telle modification ne serait pas propice à l’instauration de relations du travail harmonieuses et qu’elle devrait être évitée. Il conclut en reconnaissant qu’il est nécessaire d’améliorer le mécanisme de paiement des cotisations syndicales et suggère de rechercher la solution dans l’élaboration d’un nouvel accord général, l’amélioration du Code du travail, la législation sur les syndicats, ou d’autres lois.
  5. 266. Le comité souhaite rappeler que la suppression du système de retenue des cotisations à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait être évitée. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 435.] Soulignant en outre que le principe de la consultation ou de la collaboration entre les pouvoirs publics et les organisations d’employeurs et de travailleurs aux échelons industriel et national mérite qu’on y attache de l’importance [voir Recueil, op. cit., paragr. 925], le comité regrette profondément que cette décision – censée protéger les droits des syndicats et de leurs adhérents – ait été prise sans que les partenaires sociaux concernés aient été consultés en dépit des conséquences dramatiques éventuelles d’une telle décision sur le fonctionnement des syndicats. De surcroît, au vu des allégations des plaignants selon lesquels le système de retenue à la source des cotisations a été réintroduit en faveur des syndicats contrôlés par la direction de leurs entreprises, et de l’indication du gouvernement que le système a été rétabli par l’ordonnance no 1282 suite à un changement dans la direction du syndicat, le comité ne peut que se demander si les véritables intentions du gouvernement ne visaient pas en fait l’affaiblissement d’un mouvement syndical avec lequel il était en désaccord. Etant donné les circonstances, le comité ne peut que condamner la manipulation apparente du mouvement syndical au moyen du décret no 1804 abolissant les retenues à la source, qui ont ensuite été réintroduites une fois changée la direction de la FSB.
  6. 267. En deuxième lieu, le comité prend note des allégations des plaignants concernant la composition de la délégation à la Conférence de l’OIT en juin 2002. Tout en constatant que le gouvernement n’a pas encore répondu à ces allégations et que ces questions relèvent essentiellement du mandat de la Commission de vérification des pouvoirs, le comité note la conclusion suivante figurant dans le rapport de la Commission à la Conférence de l’OIT (que le gouvernement avait saisi d’une réponse formulée par écrit):
    • Ces éléments, ajoutés à la profonde préoccupation exprimée par le Comité de la liberté syndicale au sujet d’allégations d’ingérence du gouvernement dans les activités des syndicats, laissent planer de sérieux doutes quant au véritable but poursuivi par la désignation qui a été effectuée cette année. A la lumière de ce qui précède, la commission considère que la désignation de la délégation des travailleurs à la Conférence a été effectuée en violation flagrante de l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution, ce qui justifierait l’invalidation des pouvoirs de cette délégation. Toutefois, celle-ci n’étant pas inscrite à la Conférence, une telle recommandation n’aurait aucun effet pratique et la commission décide donc de ne pas proposer l’invalidation de ses pouvoirs cette année. Elle espère néanmoins que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires l’année prochaine afin de garantir le respect des obligations qu’il a librement contractées lorsqu’il est devenu Membre de l’OIT, y compris celle de désigner la délégation des travailleurs à la Conférence suite à des consultations avec les organisations les plus représentatives du pays, sans aucune forme d’ingérence dans ce processus. [Voir Compte rendu provisoire no 5D, rapports de la Commission de vérification des pouvoirs, 90e session de la Conférence internationale du Travail, Genève 2002.]
  7. 268. Le comité exprime sa profonde préoccupation quant à la violation de l’article 3, paragraphe 5, de la Constitution dont fait état la Commission de vérification des pouvoirs, et à l’important impact négatif que pourrait avoir une telle ingérence du gouvernement sur le respect de la liberté syndicale dans le pays. Il demande instamment au gouvernement de faire en sorte qu’à l’avenir toutes les décisions concernant la participation des organisations de travailleurs à des organismes tripartites, qu’il s’agisse d’organisations nationales ou internationales, soient prises en pleine consultation avec l’ensemble des organisations syndicales ayant une représentativité déterminée selon des critères objectifs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 943.]
  8. 269. Le comité note également que les allégations les plus récentes des plaignants portent sur la pression continuelle qu’exercent les pouvoirs publics pour que le mouvement syndical en général soit soumis au contrôle de l’Etat, en particulier en ayant virtuellement nommé l’ex-directeur adjoint de l’administration présidentielle au poste de président de la FSB ainsi que d’autres formes de pression afin de remplacer des dirigeants syndicaux aux niveaux régional et sectoriel. Le comité prend bonne note de la déclaration du gouvernement selon qui cette plainte est essentiellement due à l’insatisfaction de quelques personnes lorsqu’un changement de pouvoir au sein d’un syndicat fait que certains dirigeants syndicaux sont démis de leurs fonctions et d’autres les remplacent. Le gouvernement maintient que les récentes élections au sein de la FSB se sont déroulées publiquement et dans la transparence et que l’assemblée générale était ouverte aux représentants des autorités de l’Etat, des organisations publiques et de la presse. Le gouvernement déclare que L. P. Kozik a été élu conformément aux statuts de la FSB et ajoute que le cadre juridique en vigueur dans le pays donne aux syndiqués et à leurs dirigeants toute latitude pour défendre leurs droits, y compris celui de présenter des recours devant les tribunaux et autres instances compétentes.
  9. 270. Le comité note également à ce propos les allégations spécifiques formulées par les plaignants au sujet des pressions exercées par les autorités durant les élections, ainsi que les témoignages apportés au soutien de ces allégations. Le comité note en outre que, même si le président nouvellement élu a apparemment été maintenant remplacé au sein de la Commission Bélarus-Iraq de coopération économique et commerciale, il a continué à agir en sa capacité de représentant du pouvoir exécutif en transmettant un message du Président du Bélarus au Président de l’Iraq, lorsqu’il a effectué une visite dans ce pays au début du mois de septembre. Le comité note également le long discours prononcé par le Président du Bélarus lors du congrès de la FSB en septembre, discours dans lequel il exprimait son soutien au nouveau président du syndicat et son appui «à toute initiative ou mesure créative qui pourra être prise au sein de notre organisation syndicale». Se livrant à une critique des activités syndicales récentes, le Président a suggéré que ceux qui avaient été vaincus devraient tout simplement partir. Il a déclaré qu’il avait communiqué de la documentation sur le contrôle sociétal au nouveau président de la FSB, M. Kozik, et suggéré que celle-ci devrait reprendre le rôle qu’exerçaient auparavant les anciennes organisations du Parti responsables de la discipline.
  10. 271. Le comité considère essentiel de rappeler que l’ingérence des autorités et du parti politique au pouvoir dans les questions liées à la présidence de l’organisation syndicale centrale d’un pays est incompatible avec le principe selon lequel les organisations ont le droit d’élire leurs représentants en toute liberté. Le fait que les autorités interviennent au cours des élections d’un syndicat en exprimant une opinion au sujet des candidats et des conséquences de ces élections porte gravement atteinte au droit que les organisations syndicales ont d’élire en toute liberté leurs représentants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 395 et 397.] De plus, le comité a considéré à de nombreuses reprises que la présence des autorités durant les élections syndicales constitue une ingérence indue dans le droit des travailleurs d’élire librement leurs représentants.
  11. 272. Le comité note également avec une profonde préoccupation les autres allégations d’ingérence dans les élections syndicales régionales, y compris les destitutions de M. Mirochnik (président de l’Association syndicale régionale de Brest), de M. Kovsh (président du Comité régional de Brest des syndicats de la science et de l’éducation) et de M. Yaroshuk (président du STCA plaignant en l’espèce). MM. Mirochnik et Yaroshuk ont apparemment été remplacés par d’anciens fonctionnaires du gouvernement.
  12. 273. Au vu de ce qui précède, le comité ne peut que conclure qu’il y a eu ingérence indue des autorités publiques dans les récentes élections syndicales au Bélarus. Le comité souligne que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent agir en toute liberté et promouvoir effectivement les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il est essentiel que les autorités publiques s’abstiennent de toute intervention susceptible d’empêcher l’exercice de ce droit. [Recueil, op. cit., paragr. 353.]
  13. 274. Par conséquent, le comité invite instamment et fermement le gouvernement à diligenter immédiatement une enquête indépendante sur les allégations relatives à l’ingérence gouvernementale dans les élections syndicales, dans le but de rectifier tous les effets de cette ingérence, y compris, si nécessaire, en tenant de nouvelles élections où un organe indépendant recueillant la confiance des travailleurs pourrait s’assurer qu’il n’y a pas d’ingérence, de pressions ou d’intimidation de la part des autorités publiques. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
  14. 275. Le comité rappelle en outre l’importance qu’il attache à la Résolution de la Conférence internationale du Travail de 1952 sur l’indépendance du mouvement syndical, qui stipule: «Lorsqu’ils s’efforcent d’obtenir la collaboration des syndicats pour l’application de leur politique économique et sociale, les gouvernements devraient avoir conscience que la valeur de cette collaboration dépend dans une large mesure de la liberté et de l’indépendance du mouvement syndical, considéré comme facteur essentiel pour favoriser le progrès social, et ils ne devraient pas chercher à transformer le mouvement syndical en un instrument politique qu’ils utiliseraient pour atteindre leurs objectifs politiques.» Le comité exprime sa profonde préoccupation devant l’apparente confusion des rôles démontrée par les activités du nouveau président de la FSB au sein de commissions nationales et internationales aux profondes répercussions politiques, qui ne sauraient être considérées comme ayant un rapport avec la mission fondamentale du mouvement syndical consistant à promouvoir l’avancement économique et social des travailleurs, et qui pourraient sérieusement compromettre l’indépendance de ce mouvement. A cet égard, le comité considère que la déclaration du Président du Bélarus suggérant que le FSB devrait reprendre le rôle qu’exerçaient auparavant les anciennes organisations du Parti responsables de la discipline constitue une tentative claire de transformer le mouvement syndical en un instrument servant à promouvoir ses objectifs politiques. Il prie dès lors instamment le gouvernement de s’abstenir de toute tentative similaire dans le futur, de telle sorte que le mouvement syndical au Bélarus puisse agir en toute liberté et indépendance.
  15. 276. Le comité note également les allégations additionnelles présentées par le Syndicat libre du Bélarus (SLB) concernant le dirigeant syndical, M. Evgenov, licencié pour avoir refusé de travailler un jour chômé (travail bénévole non rémunéré, connu sous le nom de «subbotnik»). Le comité rappelle qu’au cours de l’examen antérieur de ce cas, il lui avait été demandé d’examiner le licenciement antisyndical de deux autres dirigeants syndicaux, MM. Evmenov et Bourgov, au motif qu’ils n’avaient pas accepté le «subbotnik». Le comité avait déterminé que ces licenciements n’étaient pas justifiés et avait instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que ces deux syndicalistes soient réintégrés dans leurs postes avec versement plein et entier de tous salaires et prestations annexes qu’ils n’auraient pas perçus. [Voir 324e rapport, paragr. 212, et 325e rapport, paragr. 175?177.] Le comité invite à présent le gouvernement à enquêter sur les circonstances relatives au licenciement de M. Evgenov et, s’il en résultait que M. Evgenov avait été licencié parce qu’il avait refusé le «subbotnik» ou pour toute autre raison liée à son activité syndicale, à faire en sorte de le réintégrer dans son poste avec indemnisation pleine et entière de tous salaires et prestations annexes qu’il n’aurait pas perçus. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé des mesures prises pour réintégrer dans leurs postes MM. Evmenov, Evgenov et Bourgov.
  16. 277. Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait, à nouveau, communiqué aucune des informations déjà sollicitées, lors de l’examen antérieur de ce cas, sur les mesures prises pour ouvrir des enquêtes indépendantes quant aux allégations suivantes: les menaces de licenciement proférées à l’encontre de membres du Syndicat libre du combinat «Khimvolokno» et de membres du Syndicat libre de l’usine «Zénith»; les allégations concernant le refus d’embaucher le président réélu du Syndicat libre des ouvriers métallurgistes de l’usine de Minsk, M. Marinich; les questions relatives à l’établissement d’un syndicat régional des travailleurs de l’industrie électronique par l’Association de recherche et de production du conglomérat Integral et la décision prise à l’usine Tsvetotron de s’affilier au nouveau syndicat régional; et les allégations concernant les menaces et pressions exercées sur les travailleurs de l’usine d’outillage Rechitskij de Gomel pour qu’ils quittent le syndicat de branche et établissent de nouveaux syndicats. Le comité demande à nouveau au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis dans l’ouverture de ces enquêtes et de leurs résultats.
  17. 278. Le comité note en outre qu’il ressort des allégations présentées par la FSB que l’enregistrement du Syndicat libre biélorusse des travailleurs du combinat Khimvolokno continue à être refusé sur la base de conditions prévues au décret n° 2 «relatif à certaines mesures de réglementation de l’activité des partis politiques, syndicats et autres organisations» (pourcentage d’affiliation minimum de 10 pour cent; activité professionnelle liée à l’affiliation au syndicat) ayant précédemment fait l’objet de critiques de la part de ce comité et de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations qui avaient considéré que ces conditions constituaient une violation du droit des travailleurs à créer des organisations de leur choix en vertu de l’article 3 de la convention no 87. Le comité demande donc instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le SLB soit enregistré sans délai et que soient levés tous les obstacles à l’enregistrement des syndicats qu’il avait notés dans ses rapports précédents. [Voir en particulier le 324e rapport, paragr. 197-202.] Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures qui seront prises à cet égard.
  18. 279. Enfin, le comité déplore profondément que le gouvernement n’a fourni aucune information complémentaire (à l’exception d’une indication générale voulant qu’il n’ait reçu aucune plainte concernant le décret no 8, et qu’il a approuvé sept demandes syndicales pour l’acceptation de fonds étrangers) quant aux mesures prises pour se conformer aux recommandations suivantes qui avaient été formulées un an auparavant, lors du précédent examen de ce cas: la nécessité de modifier le décret présidentiel no 8 de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent bénéficier librement, et sans autorisation préalable, de l’assistance qui pourrait être accordée par les organisations internationales pour des activités compatibles avec la liberté syndicale; la nécessité d’ouvrir une enquête indépendante sur les allégations soulevées par le SLB concernant la pénétration illégale dans les locaux du syndicat ainsi que la confiscation et la destruction de biens et de documents du syndicat, et de faire en sorte que tous les biens et documents confisqués soient restitués sans délai au syndicat; et la nécessité de modifier le décret présidentiel no 11 de façon que les restrictions aux piquets de grève soient limitées au cas où l’action cesse d’être pacifique ou entraîne une perturbation grave de l’ordre public, et que toute sanction imposée en pareil cas soit proportionnée à la violation qui a eu lieu. Le comité demande instamment au gouvernement de fournir les informations sur les mesures prises à cet égard.
  19. 280. En conclusion, le comité note avec une profonde préoccupation qu’il n’a pu constater aucun progrès dans la mise en œuvre de ses recommandations depuis le dépôt de cette plainte en 2000. Bien au contraire, il semble que les droits syndicaux se soient sérieusement détériorés dans ce pays. Le comité prie donc instamment le gouvernement de prendre d’urgence toutes les mesures voulues pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les principes de la liberté syndicale.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 281. Au vu des conclusions intérimaires ci-dessus, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Rappelant que la suppression de la possibilité de retenir les cotisations syndicales à la source, qui pourrait déboucher sur des difficultés financières pour les organisations syndicales, n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée, le comité ne peut que déplorer la manipulation apparente du mouvement syndical au moyen du décret no 1804 qui supprimait les retenues à la source, pour les réinstituer dès que la direction de la FSB eut changé.
    • b) Le comité demande instamment au gouvernement de garantir à l’avenir que toutes les décisions concernant la participation des organisations de travailleurs dans des organismes tripartites, à l’échelon national et international, soient prises en pleine consultation avec les syndicats dont la représentativité avait été objectivement déterminée.
    • c) Rappelant que le droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants constitue une condition indispensable pour qu’elles puissent agir en toute liberté et promouvoir effectivement les intérêts de leurs membres, le comité invite instamment et fermement le gouvernement à diligenter immédiatement une enquête indépendante sur les allégations relatives à l’ingérence gouvernementale dans les élections syndicales, dans le but de rectifier tous les effets de cette ingérence, y compris, si nécessaire, en tenant de nouvelles élections où un organe indépendant recueillant la confiance des travailleurs concernés pourrait s’assurer qu’il n’y a pas d’ingérence, de pressions ou d’intimidation de la part des autorités publiques. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
    • d) Regrettant que certaines déclarations prononcées par le président du Bélarus, lors de son discours au congrès de la FSB en septembre 2002, représentent une tentative claire de transformer le mouvement syndical en un instrument servant à promouvoir ses objectifs politiques, il prie dès lors instamment le gouvernement de s’abstenir de toute tentative similaire dans le futur de telle sorte que le mouvement syndical au Bélarus puisse agir en toute liberté et indépendance.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement d’enquêter sur les circonstances relatives au licenciement de M. Evgenov et, s’il résultait de l’enquête que M. Evgenov avait été licencié parce qu’il avait refusé le «subbotnik» ou pour toute autre raison liée à son activité syndicale, de faire en sorte qu’il soit réintégré dans son poste avec indemnisation pleine et entière de tous salaires et prestations annexes qu’il n’aurait pas perçus. Le gouvernement est prié de tenir le comité informé des mesures prises pour réintégrer dans leurs postes MM. Evgenov, Evmenov et Bourgov.
    • f) Regrettant que le gouvernement n’ait fourni aucune information relative à ses recommandations antérieures, le comité demande fermement à nouveau au gouvernement de le tenir informé des progrès accomplis dans l’ouverture d’enquêtes indépendantes sur: les allégations relatives aux menaces de licenciement proférées à l’encontre des membres du Syndicat libre du combinat «Khimvolokno» et des membres du Syndicat libre de l’usine «Zénith»; les allégations concernant le refus d’embaucher le président réélu du Syndicat libre des ouvriers métallurgistes de l’usine d’automobiles de Minsk, M. Marinich; les questions relatives à l’établissement d’un syndicat régional des travailleurs de l’industrie électronique par l’Association de recherche et de production du conglomérat Integral et la décision de l’usine Tsvetotron de s’affilier au nouveau syndicat régional; et les allégations concernant les menaces et pressions exercées sur les travailleurs de l’usine d’outillage Rechitskij de Gomel pour qu’ils quittent le syndicat de branche et établissent de nouveaux syndicats. Le gouvernement est également prié de tenir le comité informé des résultats de ces enquêtes.
    • g) Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que le syndicat de branche du SLB du combinat de Khimvolokno soit enregistré immédiatement et que soient levés tous les obstacles, notés dans ses rapports antérieurs, à l’enregistrement des syndicats. Il prie le gouvernement de le tenir informé de toutes les mesures prises à cet égard.
    • h) Le comité demande instamment au gouvernement de lui fournir des informations sur les mesures prises pour se conformer aux recommandations précédentes du comité sur les points suivants: la nécessité de modifier le décret présidentiel no 8, de sorte que les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent bénéficier librement, et sans autorisation préalable, de l’assistance qui pourrait être accordée par les organisations internationales pour des activités compatibles avec la liberté syndicale; la nécessité d’ouvrir une enquête indépendante sur les allégations soulevées par le SLB concernant la pénétration illégale dans ses locaux ainsi que la confiscation et la destruction de biens et de documents lui appartenant, et de faire en sorte que tous les biens et documents confisqués soient restitués sans délai au syndicat; et la nécessité de modifier le décret présidentiel no 11 de façon que les restrictions aux piquets de grève soient limitées au cas où l’action cesse d’être pacifique ou entraîne une perturbation grave de l’ordre public, et que toute sanction imposée en pareil cas soit proportionnée à la violation qui a eu lieu.
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