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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 335, November 2004

Case No 2283 (Argentina) - Complaint date: 30-JUN-03 - Closed

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  1. 209. La plainte figure dans une communication de juin 2003 de la Centrale des travailleurs argentins (CTA) et du Syndicat des travailleurs du commerce de la province de Jujuy (Si.Tra.M.).
  2. 210. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 9 mars 2004.
  3. 211. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 212. Dans leur communication de juin 2003, la CTA et le Si.Tra.M. de la province de Jujuy indiquent que leur plainte a pour motif les sanctions et les licenciements dont ont fait l’objet des membres du Si.Tra.M. qui travaillent dans l’entreprise Alberdi SA (supermarchés COMODIN), faits survenus après que cette entreprise a été informée de la constitution du syndicat et de la composition de la commission de direction du syndicat, et après que les travailleurs membres du syndicat ont participé à une grève que le syndicat avait décidée.
  2. 213. Les organisations plaignantes indiquent que le Si.Tra.M. est un syndicat de premier degré en cours d’enregistrement auprès du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale – démarche entamée le 23 avril 2003. Le syndicat déploie ses activités sur tout le territoire de la province de Jujuy et est affilié à la CTA. Les plaignants indiquent aussi que, le 3 mai 2003, par courrier, le secrétaire général du Si.Tra.M. a porté à la connaissance de l’entreprise Alberdi SA (supermarchés COMODIN) la création du syndicat – affilié à la CTA – et la liste complète des membres de sa commission de direction. Les plaignants affirment que, le lendemain même, l’entreprise a licencié M. Ricardo Rolando Gramajo, secrétaire général adjoint du syndicat, sans tenir compte de son privilège syndical, ce qui constitue manifestement une mesure antisyndicale.
  3. 214. Les plaignants ajoutent que, depuis lors, l’entreprise a entamé un conflit collectif ouvert avec le syndicat, lequel, à l’issue d’une assemblée et d’un vote unanime, a décidé de lutter en vue de la réintégration du membre fondateur du syndicat qui avait été licencié, et de l’application de l’augmentation salariale décidée par le pouvoir exécutif national, en vertu des décrets nos 1273/02, 2641/02 et 905/03. Cette augmentation est due aux travailleurs depuis juillet 2002, soit depuis près d’un an. Le 4 juin 2003, conformément à la loi nationale no 14786 sur la conciliation et l’arbitrage obligatoire, le Si.Tra.M. a dûment fait connaître sa décision, c’est-à-dire les mesures de force prévues pour le 9 juin 2003, à la direction du travail de la province de Jujuy et à la section compétente du ministère du Travail de la nation. Il a aussi demandé, conformément à la loi susmentionnée, que l’Etat intervienne dans le conflit et enjoigne aux parties au conflit de se présenter à une réunion de conciliation. Ni la direction du travail de la province de Jujuy ni le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale de la nation n’ont pris de mesures dans ce sens. Ils sont restés indifférents à la demande du Si.Tra.M.. Ce dernier, le 30 avril 2003, par une note de son secrétaire général, avait porté à la connaissance de la direction du travail de la province de Jujuy la constitution du syndicat et la liste des membres de la commission de direction, et joint copie du document qui indique que la demande d’enregistrement syndicale adressée au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale est en cours. La direction provinciale du travail n’ignorait donc pas l’existence du syndicat au moment où celui-ci lui a demandé d’intervenir dans le conflit.
  4. 215. Les plaignants indiquent que, le 9 juin 2003, les travailleurs affiliés au Si.Tra.M. ont fait grève dans les conditions qui avaient été fixées puis rendues publiques. Le lendemain, l’entreprise a adressé une lettre recommandée de licenciement à M. Andrés Ricardo Guanuco, secrétaire d’organisation du Si.Tra.M., au motif qu’il avait distribué des tracts du syndicat et participé à la grève. L’entreprise, considérant que ces activités étaient étrangères à son activité, ne les a pas autorisées. Ce jour-là, M. Ezequiel Eduardo López, second responsable suppléant du syndicat, a été suspendu pour les mêmes motifs que ceux évoqués dans le cas de M. Guanuco. M. Diego Ramiro Yonar, membre du Si.Tra.M., a lui aussi été licencié pour avoir distribué des tracts syndicaux et participé à la grève.
  5. 216. Les organisations plaignantes soulignent qu’il s’agit d’une véritable atteinte à la liberté syndicale de la part de l’entreprise Alberdi SA et de l’Etat national, lequel n’a pas garanti par l’application de la législation nationale, les dispositions des conventions nos 87 et 98, des travailleurs ayant été sanctionnés pour avoir participé à une mesure d’action directe. Le licenciement de ces syndicalistes rend illusoire le droit d’organisation syndicale prévu à l’article 2 de la convention no 87.
  6. 217. Les plaignants indiquent que, dans son principe, la législation argentine ne protège que les représentants des associations syndicales dotées du statut syndical. Une interprétation large de l’article 47 de la loi no 23551 sur les associations syndicales permettrait de protéger les membres fondateurs des syndicats, dont l’enregistrement syndical est en cours (c’est le cas du Si.Tra.M.), ou les représentants d’organisations syndicales «simplement enregistrées». Néanmoins, le plus souvent, la doctrine et la jurisprudence nationales considèrent que cette loi ne vise pas ces cas: elle prévoit expressément la protection des représentants syndicaux (des organisations dotées du statut syndical) et, par conséquent, il faut entendre que le législateur a voulu exclure les entités simplement enregistrées ou celles dont l’enregistrement est en cours.
  7. B. Réponse du gouvernement
  8. 218. Dans sa communication du 9 mars 2004, le gouvernement indique qu’au moment des faits en question le Si. Tra. M. n’était pas juridiquement reconnu comme association syndicale. Ce syndicat a sollicité son enregistrement le 23 avril 2003, et l’autorité administrative du travail lui a demandé de satisfaire à certaines formalités prévues dans la réglementation nationale. A ce jour, le syndicat ne les a pas complétées et sa demande d’enregistrement n’a donc pas encore abouti.
  9. 219. Le licenciement, le 4 mai 2003, de M. Gramajo par Alberdi SA et celui de MM. Guanuco et Yonar qui, selon l’organisation plaignante, serait dû à leur participation à une grève ont eu lieu avant que le Si.Tra.M. n’obtienne l’enregistrement syndical. Cela étant, la législation nationale prévoit, même dans ces cas, des voies de recours appropriées contre les pratiques antisyndicales et les actes de discrimination perpétrés au motif de l’exercice des droits de la liberté syndicale et/ou de l’opinion syndicale des travailleurs. A ce sujet, l’article 47 de la loi no 23551 sur les associations syndicales permet à tous les travailleurs ou associations syndicales d’obtenir, par une procédure d’urgence devant les tribunaux compétents, la cessation de tout comportement antisyndical. Cet article et la protection qu’il prévoit ne se limitent pas aux affiliés, délégués ou membres des instances représentatives de syndicats dotés du statut syndical. Tout travailleur ou toute association syndicale, simplement enregistrée ou dotée du statut syndical, peuvent intenter une action en protection.
  10. 220. Le gouvernement ajoute que le sujet actif de cette action est tout travailleur ou toute association syndicale. Cet article et la protection qu’il prévoit ne se limitent pas aux affiliés, délégués ou membres d’instances représentatives de syndicats. Tout travailleur ou groupe de travailleurs peuvent intenter une action en vue d’un recours efficace. De même, puisque la loi susmentionnée ne fait pas de distinction entre les associations syndicales, l’action en protection peut être intentée par une association dotée ou non du statut syndical, par une association syndicale de premier, deuxième ou troisième degré, voire par un groupe d’associations syndicales. Cette action a pour but la protection de l’exercice régulier des droits de la liberté syndicale. Ainsi, il ressort de la jurisprudence que les droits de la liberté syndicale doivent être interprétés libéralement. En effet, les dispositions de la loi en question ne sont pas isolées mais découlent de l’article 14bis de la Constitution nationale qui, avec les dispositions du chapitre XIII de la loi sur les associations syndicales et les articles 53 et suivants sur les pratiques déloyales, permet par la voie exceptionnelle de la procédure d’urgence de faire cesser toute atteinte, entrave ou perturbation par l’employeur de l’un quelconque des droits prévus dans la loi. Il convient de noter que l’article 53 considère comme des pratiques déloyales, entre autres, les représailles exercées contre des travailleurs en raison de leur participation à des mesures légitimes d’action syndicale ou à d’autres activités syndicales, le fait de licencier ou de suspendre un travailleur, de modifier les conditions de travail du personnel dans le but d’empêcher ou d’entraver l’exercice des droits visés par la loi en question, et le fait de recourir à des traitements discriminatoires, sous quelque forme que ce soit, au motif de l’exercice des droits syndicaux protégés par cette loi. De plus, le gouvernement souligne que, dans ces cas, l’action en justice peut être intentée non seulement par l’association syndicale, mais aussi par la victime, et que des amendes sont prévues à l’encontre de l’employeur qui aurait recours à ces pratiques.
  11. 221. Le gouvernement ajoute que ces dispositions juridiques sont complétées par la loi no 23592 sur les actes discriminatoires, laquelle prévoit des mesures contre les personnes qui, de façon arbitraire, empêcheraient le plein exercice des droits et garanties fondamentales reconnus par la Constitution nationale, en particulier son article 42, telle que modifiée en 1994. La conjonction des dispositions constitutionnelles susmentionnées, de la loi no 23551 (art. 47 et 53) et de la loi no 23592 garantit à tous les travailleurs une protection appropriée de l’exercice de leur activité syndicale et empêche notamment les mesures de licenciement et de suspension, ou la modification arbitraire, dans ces circonstances, des conditions de travail. Selon le gouvernement, il est donc incontestable que le droit argentin protège tous les travailleurs, qu’ils soient affiliés ou non à une organisation syndicale, dotée ou non du statut syndical.
  12. 222. Enfin, le gouvernement déclare que la loi permet aux travailleurs mentionnés dans le cas en question de demander au pouvoir judiciaire une protection par le biais de la procédure d’urgence susmentionnée et d’obtenir que l’employeur qui aurait commis des actes antisyndicaux et discriminatoires cesse ces pratiques et réintègre les travailleurs licenciés pour ces motifs. Le gouvernement estime que, contrairement à ce qu’affirment les plaignants, la législation argentine prévoit à l’évidence tous les mécanismes et garanties nécessaires pour protéger la liberté syndicale.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 223. Le comité note que les organisations plaignantes affirment ce qui suit: après avoir informé, le 3 mai 2003, l’entreprise Alberdi SA (supermarchés COMODIN) de la création du Syndicat des travailleurs du commerce de la province de Jujuy (Si.Tra.M.), M. Ricardo Rolando Gramajo, secrétaire général adjoint, a été licencié le 4 mai 2004. Elles affirment aussi que, à la suite d une grève qui visait la réintégration du dirigeant qui avait été licencié et le paiement d’une augmentation salariale décidée par le pouvoir exécutif en juillet 2002, l’entreprise en question a licencié M. Andrés Ricardo Guanuco, secrétaire d’organisation, et M. Diego Ramiro Yonar, affilié à l’organisation syndicale, et suspendu M. Ezequiel Eduardo López, deuxième responsable suppléant.
  2. 224. A ce sujet, le comité prend note des indications suivantes du gouvernement: 1) au moment des faits, le Si.Tra.M. n’était pas juridiquement reconnu comme association syndicale; 2) les faits en question ont eu lieu avant que le Si.Tra.M. n’obtienne l’enregistrement syndical; cela étant, la législation nationale prévoit même dans ces cas des voies de recours appropriées contre les pratiques antisyndicales et les actes de discrimination perpétrés au motif de l’exercice des droits de la liberté syndicale et/ou de l’opinion syndicale des travailleurs; 3) en particulier, l’article 47 de la loi no 23551 sur les associations syndicales permet à tous les travailleurs ou associations syndicales d’obtenir, par une procédure d’urgence devant les tribunaux compétents, la cessation de tout comportement antisyndical; 4) cet article et la protection qu’il prévoit ne se limitent pas aux affiliés, délégués ou membres des instances représentatives de syndicats dotés du statut syndical et tout travailleur ou toute association syndicale, simplement enregistrée ou dotée du statut syndical, peuvent intenter une action en protection; 5) cet article, conjointement avec les dispositions du chapitre XIII de la loi sur les associations syndicales et les articles 53 et suivants sur les pratiques déloyales, permet par la voie exceptionnelle de la procédure d’urgence de faire cesser toute atteinte, entrave ou perturbation par l’employeur de l’un quelconque des droits prévus dans la loi. L’article 53 considère comme une pratique déloyale, entre autres, les représailles exercées contre les travailleurs en raison de leur participation à des mesures légitimes d’action syndicale ou à d’autres activités syndicales, le fait de licencier ou de suspendre un travailleur, de modifier les conditions de travail du personnel dans le but d’empêcher ou d’entraver l’exercice des droits visés par la loi en question, et le fait de recourir à des traitements discriminatoires, sous quelque forme que ce soit, au motif de l’exercice des droits syndicaux protégés par cette loi; 6) ces dispositions juridiques sont complétées par la loi no 23592 sur les actes discriminatoires, laquelle prévoit des mesures contre les personnes qui, de façon arbitraire, empêcheraient le plein exercice des droits et garanties fondamentales reconnus par la Constitution nationale, en particulier par l’article 42 de la Constitution telle que réformée en 1994; et 7) il est incontestable que le droit argentin protège tous les travailleurs, qu’ils soient affiliés ou non à une organisation syndicale dotée ou non du statut syndical.
  3. 225. En premier lieu, le comité note que le gouvernement: 1) ne conteste ni les allégations relatives au licenciement de dirigeants et d’un membre (MM. Ricardo Rolando Gramajo, secrétaire général adjoint, Andrés Ricardo Guanuco, secrétaire d’organisation, et Diego Ramiro Yonar) et à la suspension d’un dirigeant (M. Ezequiel Eduardo López, deuxième responsable suppléant) d’un syndicat en formation dans l’entreprise Alberdi SA (supermarchés COMODIN) ni les circonstances dans lesquelles ces faits se seraient produits (après que l’entreprise a été informée de la création de l’organisation syndicale Si.Tra.M. et après une grève légitime qui avait été portée à la connaissance de l’entreprise); et 2) signale que la législation contient des dispositions et des voies de recours – dont une procédure d’urgence – qui garantissent une protection contre les actes de discrimination antisyndicale. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue de toute action en justice intentée par les syndicalistes en question et s’attend à ce que, si le caractère antisyndical des licenciements ou de la suspension de ces syndicalistes est avéré, ceux-ci seront réintégrés dans leurs postes de travail sans perte de salaire et sans retard et, si la réintégration n’est pas possible, qu’ils seront adéquatement indemnisés. Le comité rappelle d’une manière générale que «nul ne devrait faire l’objet de discrimination dans l’emploi en raison de son affiliation ou de ses activités syndicales légitimes, présentes ou passées», qu’il convient «de prendre des mesures pour que les syndicalistes qui le souhaitent soient réintégrés dans leurs fonctions lorsqu’ils ont été licenciés pour des activités liées à la création d’un syndicat» et que «le licenciement de travailleurs pour fait de grève légitime constitue une discrimination en matière d’emploi». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, 1996, quatrième édition, paragr. 690, 703 et 704.]
  4. 226. Par ailleurs, le comité note la déclaration des organisations plaignantes, à savoir que ces licenciements résultent en un déni de leur droit d’organisation syndicale. Le comité note que, selon le gouvernement, au moment des faits le Si.Tra.M. n’était pas juridiquement reconnu comme une association syndicale, que l’autorité administrative du travail lui avait demandé de satisfaire à certaines formalités prévues dans la réglementation nationale et que, étant donné que le syndicat en question ne l’a pas encore fait, la demande d’enregistrement syndical n’a pas encore abouti. A ce sujet, le comité s’attend fermement à ce que, dès que le Si.Tra.M. aura satisfait aux dispositions juridiques correspondantes, l’autorité administrative lui accordera l’enregistrement syndical qu’il a sollicité. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 227. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’issue de toute action en justice intentée par les syndicalistes licenciés ou suspendus dans l’entreprise Alberdi SA (supermarchés COMODIN), dont le nom est mentionné dans la plainte, et s’attend à ce que, si le caractère antisyndical des licenciements ou de la suspension de ces syndicalistes est avéré, ceux-ci seront réintégrés dans leurs postes de travail sans perte de salaire et sans retard et, si la réintégration n’est pas possible, qu’ils seront adéquatement indemnisés.
    • b) Le comité s’attend fermement à ce que, dès que l’organisation syndicale Si.Tra.M. aura satisfait aux dispositions juridiques correspondantes, l’autorité administrative lui accordera l’enregistrement syndical qu’il a sollicité. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
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