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Interim Report - Report No 335, November 2004

Case No 2293 (Peru) - Complaint date: 06-AUG-03 - Closed

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  1. 1216. La présente plainte figure dans une communication de la Fédération des travailleurs du pétrole du Pérou (FETRAPEP), du Syndicat unique des travailleurs de la raffinerie de Talara de Petróleos del Perú SA (SUTREPPSA) et du Syndicat national des travailleurs de l’assurance sociale en matière de santé (SINACUT ESSALUD) en date du 6 août 2003. Le Syndicat national des travailleurs de l’assurance sociale en matière de santé a fait parvenir des informations complémentaires dans une communication du 29 septembre 2003.
  2. 1217. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 4 décembre 2003.
  3. 1218. SINACUT ESSALUD a envoyé de nouvelles allégations dans une communication datée du 2 août 2004.
  4. 1219. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective,

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 1220. Dans leurs communications des 6 août et 29 septembre 2003, la Fédération des travailleurs du pétrole du Pérou (FETRAPEP), le Syndicat unique des travailleurs de la raffinerie de Talara de Petróleos del Perú SA (SUTREPPSA) et le Syndicat national des travailleurs de l’assurance sociale en matière de santé (SINACUT ESSALUD) font savoir que les salaires des travailleurs des entreprises d’Etat comme Petróleos del Perú (PETROPERU SA) et ceux des travailleurs du secteur public comme l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD) ont été gelés en vertu de dispositions législatives et administratives. Ils ajoutent que le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE) a diffusé, le 24 juin 2003, la décision de la direction no 008-2003/010-FONAFE, qui prévoit, dans ses articles ainsi que dans ses annexes respectives, une refonte des entreprises visant à l’approbation d’une nouvelle structure organisationnelle et à la réduction des dépenses courantes de 10 pour cent et les frais de représentation de 90 pour cent, ce qui empêche d’augmenter les salaires des travailleurs et d’améliorer leurs conditions de travail, entraînant ainsi la limitation du processus de négociation collective déjà entrepris.
  2. 1221. Les organisations plaignantes indiquent que, afin de limiter et réduire les dépenses publiques dans le secteur de l’administration, a été promulguée, en date du 22 juillet 2003, la loi no 28034, «loi imposant des mesures complémentaires d’austérité et de rationalité en matière de dépenses publiques», qui s’applique aux entités et organismes du gouvernement et aussi aux entreprises d’Etat – notamment Petróleos del Perú (PETROPERU SA) et l’assurance sociale en matière de santé (ESSALUD) – qui dépendent du Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat ou sont contrôlées par lui. Lesdites organisations ajoutent que, au deuxième paragraphe de son article 3, la loi précitée prévoit l’interdiction de procéder à un réajustement et/ou une augmentation des rémunérations, échelles de salaires, primes, allocations ou autres avantages de toutes sortes, quelles que soient leur forme, modalités ou source de financement, ce qui empêche les travailleurs de ces entreprises de bénéficier d’une augmentation de rémunération et/ou d’améliorations des salaires ou des conditions de travail. Elles indiquent également que le processus de négociation collective est quasiment paralysé pour les travailleurs de PETROPERU SA, car cette entreprise n’a pas la capacité de négocier face aux restrictions imposées par la loi en cause, ce qui, pour eux, constitue une ingérence du gouvernement dans le libre exercice du droit de négociation collective. Elles ajoutent que les représentants de l’entreprise, obéissant sans réserve aux mesures imposées par le gouvernement, se fondent précisément sur ces restrictions pour éviter de participer à des réunions au stade de la négociation directe et de faire une offre qui permette de faire avancer le processus, attitude bornée et autoritaire qui fait obstacle au développement de la négociation collective. Elles signalent que le maintien en vigueur de l’application de ces dispositions législatives représenterait une restriction au droit d’exercer librement la négociation collective, compromettant ainsi les processus de négociation, tant l’actuel que ceux à venir.
  3. 1222. En résumé, les organisations plaignantes estiment que le non-respect des droits des travailleurs et, par conséquent, la violation de la liberté syndicale apparaissent clairement dans les dispositions de la décision de la direction no 0008/2003/010-FONAFE et, surtout, dans celles de l’article 3 de la loi no 28034.
  4. 1223. SINACUT ESSALUD a envoyé de nouvelles allégations dans une longue communication datée du 2 août 2004. Ces allégations portent sur la non-reconnaissance de l’organisation syndicale au motif qu’elle ne représente pas 20 pour cent du nombre total des agents publics ayant le droit de se syndiquer, ce qui signifie que cette organisation ne peut jouir de privilèges syndicaux et ne peut avoir recours à la grève.
  5. B. Réponse du gouvernement
  6. 1224. Dans sa communication du 4 décembre 2003, le gouvernement indique que Petróleos del Perú (PETROPERU SA) est une entreprise d’Etat qui relève de la compétence du FONAFE, conformément à la loi no 27170 sur le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat, qui réglemente la gestion et le cycle budgétaire des entreprises d’Etat et établit les lignes directrices en matière de rémunération. Le gouvernement ajoute que, à cet égard, des négociations collectives ont été menées à bien au cours des années précédentes, soit par la voie directe, soit par un arbitrage. Par ailleurs, ces lignes directrices émises par le FONAFE prévoient que chaque entreprise d’Etat doit faire une offre, ce qui n’entrave pas la liberté de négociation, ni la liberté pour les organisations syndicales de faire des propositions. En ce qui concerne le processus de négociation collective, le gouvernement indique que, par sa lettre CODIPP no 028-2003 du 14 novembre 2003, la convention nationale des organismes syndicaux de PETROPERU SA a fait savoir qu’elle considérait qu’elle avait épuisé l’étape de la négociation directe et que, le 17 novembre 2003, le FONAFE a diffusé la circulaire no 038-2003/DE-FONAFE, dont les lignes directrices ont permis de reprendre les négociations avec les organisations syndicales.
  7. 1225. D’autre part, le gouvernement indique que deux régimes coexistent dans le secteur public: celui de l’activité privée et celui de la fonction publique ou carrière administrative.
  8. 1226. Le premier type de régime est fondé sur l’article 28 de la Constitution et la norme applicable est le décret suprême no 010-2003-TR, texte unique modifié de la loi sur les relations collectives de travail et son règlement, qui prévoit expressément des dispositions en matière de protection – d’un niveau suffisant – de la liberté syndicale, de la négociation collective et du droit de grève, avec la participation du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi en tant qu’organisme compétent.
  9. 1227. En ce qui concerne le second type de régime, il convient d’indiquer que la Constitution, en son article 42, reconnaît aux fonctionnaires le droit d’organisation et le droit de grève. Le gouvernement fait savoir que, compte tenu de la dissolution de l’Institut d’administration publique (INAP), organe chargé auparavant de mener les diverses procédures décrites dans le décret législatif no 276, la loi-cadre sur la carrière administrative et les rémunérations du secteur public, les fonctions de l’INAP ont été transférées à la présidence du Conseil des ministres, laquelle s’en remet à la Direction générale de l’administration publique qui est actuellement chargée d’examiner les problèmes qui se posent pour le régime de la fonction publique en matière de droit syndical, de négociation collective et de grève; le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi n’est quant à lui seulement concerné par les dispositions de la loi no 27556, qui prévoit l’enregistrement des organisations syndicales de fonctionnaires des premier, deuxième et troisième niveaux du secteur public. Il existe actuellement un organe compétent chargé de résoudre les problèmes de liberté syndicale, de négociation collective et de grève que peuvent rencontrer les organisations syndicales de travailleurs relevant du régime de la fonction publique ou carrière administrative; ces organisations syndicales peuvent aussi s’adresser aux responsables de leur secteur pour leur exposer leurs problèmes.
  10. 1228. S’agissant des allégations présentées par les plaignants au sujet de la loi no 28034, le gouvernement indique que la loi de finances du secteur public pour l’exercice 2003 (loi no 27879) prévoit des mesures d’austérité, de rationalité et de transparence des dépenses publiques. Ces mesures constituent des dispositions administratives de caractère général qui permettent de rationaliser les dépenses publiques et doivent être respectées sans exception dans les enveloppes budgétaires de l’administration centrale et des collectivités locales, en raison de la réalisation d’une gestion budgétaire disciplinée qui doit s’adapter à un usage rationnel, efficient et efficace des maigres ressources publiques, en s’en tenant strictement au principe de l’équilibre budgétaire établi à l’article 78 de la Constitution.
  11. 1229. A cet égard, pour compléter la loi no 27879, a été promulguée la loi no 28034 «imposant des mesures complémentaires d’austérité et de rationalité dans les dépenses publiques», en vue de libérer des ressources pour les affecter notamment au financement des dépenses d’exécution du budget relatives aux priorités formulées par des organismes du secteur public et, de la sorte, pour pouvoir maintenir l’équilibre budgétaire dans le cadre des dépenses de 2003. Il a donc été nécessaire, pour des motifs d’intérêt public et en vue d’assurer la meilleure gestion possible de l’Etat, d’adopter ladite loi afin d’éviter le risque d’un déséquilibre entraîné par des dépenses importantes non compensées par un financement adéquat.
  12. 1230. Le gouvernement fait observer que, si les plaignants estiment que la loi no 28034 transgresse une norme constitutionnelle quelconque, ils peuvent recourir à la voie juridictionnelle pour intenter une action en garantie constitutionnelle auprès de l’autorité judiciaire ou du tribunal constitutionnel afin de déterminer si la loi ou ses effets sont ou non inconstitutionnels, conformément à l’article 200 de la Constitution. En effet, aucune norme du système juridique ne peut être incompatible avec la Constitution, laquelle prime sur toutes les normes. Sans préjudice de ce qui précède, il convient d’indiquer que la loi no 28034 devient caduque au 31 décembre 2003, car ses effets ne concernent que l’exercice financier ou budgétaire 2003.
  13. 1231. Le gouvernement ajoute que, selon les déclarations de l’entreprise, les négociations avec les organisations syndicales en vue de parvenir à un accord qui déboucherait sur une convention collective se poursuivent, raison pour laquelle il conviendrait d’attendre la décision des parties qui mettra fin aux négociations.
  14. 1232. Enfin, il signale que la Constitution politique établit en tant que l’un des principaux droits en matière de travail le droit de négociation collective (paragraphe 2 de l’article 28), dans l’exercice duquel l’Etat joue un rôle de premier plan, du fait qu’il reconnaît le plein effet des conventions conclues, lesquelles ont un caractère obligatoire pour les parties.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1233. Le comité relève que les organisations plaignantes critiquent la décision de la direction no 008-2003/010 adoptée le 24 juin 2003 par le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE) et la loi no 28034 du 22 juillet 2003 dénommée «loi imposant des mesures complémentaires d’austérité et de rationalité dans les dépenses publiques», qui prévoient une refonte des entreprises publiques visant à réduire les dépenses courantes (10 pour cent) et de représentation (90 pour cent), ce qui implique un gel des salaires empêchant dans une large mesure les négociations collectives dans le secteur public. En effet, l’article 3 de la loi no 28034 prévoit l’interdiction de procéder à un réajustement et/ou une augmentation des rémunérations, échelles de salaires, primes, allocations ou autres avantages de toutes sortes, quelles que soient leur forme, modalités ou source de financement. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, les représentants de l’entreprise PETROPERU SA invoquent ces dispositions pour refuser de se réunir dans le cadre de la négociation directe.
  2. 1234. Le comité prend note également des déclarations du gouvernement selon lesquelles la loi de finances no 27879 du secteur public pour l’exercice 2003 prévoit des mesures d’austérité, de rationalité et de transparence des dépenses publiques et selon lesquelles aussi, à titre complémentaire, la décision de la direction no 008-2003/010 et la loi no 28034 ont été adoptées ultérieurement en vue de libérer des ressources pour les affecter au financement des dépenses d’exécution du budget et pour maintenir l’équilibre budgétaire.
  3. 1235. A cet égard, le comité rappelle qu’il a signalé à plusieurs reprises que si, au nom d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 882.]
  4. 1236. Le comité relève que, d’après les déclarations du gouvernement, la loi no 28034 est devenue caduque le 31 décembre 2003 puisque ses effets ne concernent que l’exercice financier ou budgétaire 2003 et que, selon les déclarations de l’entreprise PETROPERU SA, les négociations avec les organisations syndicales en vue de parvenir à une convention collective se poursuivent.
  5. 1237. Le comité rappelle que les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties [voir Recueil, op. cit., paragr. 884] et exprime l’espoir que, désormais, les autorités publiques pourront garantir pleinement le droit de négociation collective dans le secteur public.
  6. 1238. Le comité note les nouvelles allégations présentées par SINACUT ESSALUD relatives à la non-reconnaissance de l’organisation au motif qu’elle ne représente pas 20 pour cent du nombre total des agents publics ayant le droit de se syndiquer. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1239. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne le gel des salaires en vertu de la loi no 28034 contestée par les organisations plaignantes, le comité note que, d’après les déclarations du gouvernement, cette loi est devenue caduque le 31 décembre 2003 puisque ses effets ne concernent que l’exercice financier ou budgétaire 2003 et que, selon les déclarations de l’entreprise PETROPERU SA, les négociations avec les organisations syndicales en vue de parvenir à une convention collective se poursuivent. Le comité rappelle que si, au nom d’une politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociations collectives, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
    • b) Le comité rappelle que les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties et exprime l’espoir que, désormais, les autorités publiques pourront garantir pleinement le droit de négociation collective dans le secteur public.
    • c) S’agissant des nouvelles allégations présentées par SINACUT ESSALUD relatives à la non-reconnaissance de l’organisation au motif qu’elle ne représente pas 20 pour cent du nombre total des agents publics ayant le droit de se syndiquer, le comité demande au gouvernement de lui communiquer ses observations à cet égard.
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