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Interim Report - Report No 344, March 2007

Case No 2434 (Colombia) - Complaint date: 15-JUN-05 - Follow-up

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  1. 725. Les présentes plaintes figurent dans des communications de l’Association nationale des techniciens spécialisés en téléphonie et communications (ATELCA) du 15 juin 2005 et de la Confédération mondiale du travail (CMT) du 8 août 2005. L’ATELCA a envoyé des informations supplémentaires le 25 octobre 2005. La CMT a envoyé des annexes par une communication datée du 14 décembre 2005. La Confédération générale des travailleurs (CGT) a présenté de nouvelles allégations par des communications datées du 12 juin et du 28 juillet 2006. Le Syndicat national des travailleurs d’Interconexión Eléctrica SA (SINTRAISA), le Syndicat national des travailleurs de CHIVOR (SINTRACHIVOR) et le Syndicat national des travailleurs d’Isagen SA ESP (SINTRAISAGEN) ont présenté de nouvelles allégations par une communication du 12 septembre 2006.
  2. 726. Le gouvernement a envoyé ses observations par des communications datées des 13 décembre 2005, 17 et 25 janvier, 23 février, 27 juin et 14 novembre 2006.
  3. 727. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 728. Dans leurs communications des 15 juin et 25 octobre 2005, et du 12 septembre 2006, l’Association nationale des techniciens spécialisés en téléphonie et communications (ATELCA), le Syndicat national des travailleurs d’Interconexión Eléctrica SA (SINTRAISA), le Syndicat national des travailleurs de CHIVOR (SINTRACHIVOR) et le Syndicat national des travailleurs d’Isagen SA ESP (SINTRAISAGEN) allèguent que, par l’acte législatif no 01 du 22 juillet 2005 (projets antérieurs no 011 de 2004, no 034 et no 127 de 2004 (Chambre)), l’article 48 de la Constitution colombienne relatif à la sécurité sociale a été modifié, de telle manière qu’à compter de son approbation toutes les personnes seront soumises au système prévu par le régime général de retraite défini par la loi no 100 de 1993. Cela constitue une violation du droit à la négociation collective établi par les conventions nos 98 et 154, étant donné qu’en vertu de l’article 1 de la nouvelle loi, à compter l’entrée en vigueur de l’acte législatif susmentionné, tout pacte, convention collective de travail, sentence ou acte juridique quelconque ne pourra définir des conditions en matière de retraite différentes de celles établies par la loi. En outre, l’article 2 dispose qu’à l’exception du régime applicable au Président de la République et aux membres de la force publique, tout régime d’exception ou spécial expirera le 31 juillet 2010. Enfin, l’article 3 dispose que les règles en matière de retraite établies en vertu de pactes, conventions collectives de travail, sentences ou accords valablement conclus et applicables à la date d’entrée en vigueur de l’acte législatif resteront d’application pendant la durée initialement convenue, mais seront, dans tous les cas, déclarées caduques à compter du 31 juillet 2010. L’organisation plaignante signale qu’en conséquence de ces nouvelles dispositions employeurs et travailleurs ne pourront pas mener de négociations collectives en matière de sécurité sociale, l’autonomie syndicale et la volonté des travailleurs d’améliorer leurs conditions de vie dans le domaine de la sécurité sociale étant ainsi ignorées.
  2. 729. L’organisation plaignante ajoute que le gouvernement a invité les citoyens à participer à un référendum dans lequel la question de la réforme des pensions était abordée et que les citoyens se sont prononcés contre la réforme. L’acte législatif no 01 a été imposé contre la volonté des partenaires sociaux, des centrales ouvrières, des confédérations de travail, des syndicats de base de l’industrie et de l’artisanat, mais leurs arguments n’ont pas été pris en considération par le congrès.
  3. 730. Le SINTRAISA, le SINTRACHIVOR et le SINTRAISAGEN ont interjeté un recours pour inconstitutionnalité contre l’acte législatif no 1 auprès de la Cour constitutionnelle et, le 14 juin 2006, cette dernière a décliné sa compétence pour se prononcer en la matière.
  4. 731. Dans ses communications des 8 août et 14 décembre 2005, la CMT allègue que les services du Procureur général de la nation refusent d’entamer des négociations collectives avec le Syndicat national des travailleurs des services du Procureur général de la nation (SINTRAPROAN). Devant ce manquement et après des demandes successives demeurées vaines, l’organisation syndicale a déposé une requête d’exécution devant le tribunal administratif de Quindío. Cette requête avait pour but d’assurer le respect de l’article 55 de la Constitution qui consacre le droit à la négociation collective, de la loi no 411 de 1997 portant approbation de la convention no 151 et de la loi no 524 de 1999 portant approbation de la convention no 154. Tout cela en vertu de l’article 53 de la Constitution qui dispose que les conventions de l’OIT font partie de la législation interne. Le tribunal s’est prononcé sur la requête d’exécution le 1er mars 2004, déniant aux travailleurs des services du Procureur le droit de mener des négociations collectives sur les droits fondamentaux des travailleurs; cette décision a été confirmée par le Conseil d’Etat le 5 mars 2005.
  5. 732. Dans ses communications des 12 juin et 28 juillet 2006, la Confédération générale du travail ajoute que, tout en refusant de négocier avec le SINTRAPROAN, les services du Procureur général de la nation ont entamé des procédures disciplinaires contre M. Carlos Tulio Franco Cuartas, dirigeant syndical de l’organisation, dans le but de le rendre inapte à l’exercice de ses fonctions. Du fait de ce harcèlement antisyndical, M. Franco Cuartas a dû démissionner de son poste. En outre, MM. Luis Carmelo Cataño Cataño, Carlos Romero Aguilar, Francisco Molina et Silvio Elías Murillo ont été licenciés alors qu’ils jouissaient de l’immunité syndicale. S’agissant de M. Murillo, le tribunal administratif du Chocó a ordonné sa réintégration à son poste, mais l’entité n’a pas respecté cette décision.
  6. B. Réponse du gouvernement
  7. 733. S’agissant des allégations présentées par l’ATELCA concernant l’acte législatif no 01 du 22 juillet 2004 portant modification de l’article 48 de la Constitution nationale colombienne relatif à la sécurité sociale, le gouvernement signale que ledit acte législatif constitue un élément fondamental de l’ensemble des mesures qui ont été adoptées pour faire face aux graves problèmes du financement des acquis en matière de pension. Le gouvernement considère que divers aspects méritent d’être pris en compte par le Comité de la liberté syndicale dans le présent cas.
  8. 734. Premièrement, la réglementation des conditions d’octroi des pensions ne relève pas à proprement parler des conditions de travail mais concerne la période post-active, question propre à la sphère des pensions. Les conventions nos 98 et 154, dont la violation est alléguée, visent la négociation des conditions de travail. Ces instruments ne régissent pas les questions relatives aux pensions, thème qui relève du champ d’application d’autres instruments adoptés également par l’Organisation. Deuxièmement, ces conventions envisagent la possibilité pour les Etats de réglementer ou légiférer sur des aspects qui concernent les pensions sans pour autant violer le droit à la négociation collective.
  9. 735. Troisièmement, la négociation collective en matière de pensions implique, par nature, des éléments qui échappent à la négociation collective et qui relèvent des compétences que les constitutions octroient aux gouvernements et à leurs organes législatifs. Etant donné que ces aspects concernent l’ensemble de la population d’un pays donné, ils ne peuvent pas être réglementés par le mécanisme de la convention mais bien par le législateur, qui est compétent pour déterminer les conditions générales qui régissent la vie des citoyens. Il s’agit d’une des expressions les plus légitimes de l’Etat de droit social et non d’une atteinte au droit d’association syndicale. Il est évident et universellement admis que des sujets tels que l’âge, le nombre de semaines de cotisation, les différences entre hommes et femmes pour certaines conditions ne sont pas réglés au moyen de négociations collectives entre un groupe déterminé de citoyens – les travailleurs syndiqués – et l’autorité négociatrice, mais par le pouvoir législatif, étant donné qu’il s’agit de réglementer des aspects généraux qui concernent les conditions de vie de la population en général.
  10. 736. L’objectif principal de tout régime est d’assurer la viabilité financière du système de la sécurité sociale, en garantissant effectivement à tous les Colombiens l’accès au droit à une pension et en conciliant ce droit avec la nécessité de consacrer une partie des ressources publiques à l’accomplissement des devoirs de l’Etat envers tous les Colombiens en matière de santé, d’éducation et d’autres dépenses sociales. En outre, des efforts sont consentis pour faire en sorte que le régime de retraite soit équitable pour tous les Colombiens; c’est pourquoi le gouvernement signale qu’à compter de 2008 les conditions et prestations de retraite seront celles définies par la loi sur le régime général de retraite.
  11. 737. Le gouvernement indique qu’initialement la protection des personnes contre les risques de vieillesse et d’invalidité a été structurée en fonction de la relation de travail. Le Code du travail l’envisageait ainsi. La Constitution politique de 1991 a adopté, pour la sécurité sociale, un modèle différent, car son article 48 dispose que le droit irrévocable à la sécurité sociale est garanti à tous les habitants et précise à cet effet que la sécurité sociale est un service public à caractère obligatoire qui est dirigé, coordonné et contrôlé par l’Etat en vertu des principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité et en conformité avec la loi.
  12. 738. Ainsi, l’article 48 de la Constitution politique envisage le système de la sécurité sociale comme un régime indépendant du travail. De fait, la Constitution de 1991 exclut de la sphère de la volonté privée le droit aux prestations de la sécurité sociale et le considère comme un droit, pour tous, à l’accès à un service public obligatoire que l’Etat doit diriger et coordonner en vertu des principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité.
  13. 739. Ainsi, le système de la sécurité sociale duquel fait partie le régime des pensions est aujourd’hui un système qui devrait couvrir tous les habitants du territoire national contre les risques qui les menacent, en conformité avec les principes d’universalité, de progrès, d’efficacité, d’efficience et de solidarité, et son organisation relève du domaine réservé du législateur.
  14. 740. D’après le gouvernement, le présent projet d’acte législatif (la présente réponse du gouvernement a été envoyée avant l’adoption de l’acte législatif) est parfaitement conforme aux dispositions de l’article 48 de la Constitution et introduit deux nouveaux critères, celui de l’équité et celui de la viabilité financière du système, qui sont justifiés par le fait que les ressources sont limitées et qu’elles doivent être distribuées en fonction des besoins de la population; c’est pourquoi il convient de mettre en place les mécanismes qui permettent de les satisfaire, afin de réellement donner effet au droit.
  15. 741. Par ailleurs, ces principes correspondent à l’esprit de la Constitution politique. En effet, le préambule lui-même dispose que ladite Constitution est adoptée pour garantir aux membres de la nation notamment la justice et l’égalité et veiller à l’existence d’un ordre politique, économique et social juste. En outre, l’article 20 de la Charte signale qu’un des objectifs de l’Etat est d’assurer l’accès effectif aux droits; c’est pourquoi les droits octroyés ne doivent pas simplement être théoriques mais sortir leurs effets dans la réalité.
  16. 742. La promulgation de la loi no 100 de 1993 avait pour but d’appliquer les principes constitutionnels et de régler les problèmes financiers structurels constatés dans le régime de retraite et qui étaient la conséquence de décisions telles que le faible niveau des cotisations, pour peu qu’elles soient versées, la dispersion des régimes de retraite et les prestations excessives. Ces problèmes se sont aggravés pour des raisons démographiques, telles que la diminution des taux de natalité, de fécondité et de mortalité, combinée à l’augmentation de l’espérance de vie.
  17. 743. De fait, avant la promulgation de la loi no 100 de 1993, on estimait que le paiement d’une pension durait en moyenne une quinzaine d’années, ce facteur étant pris en compte dans le calcul des cotisations, alors qu’actuellement on estime que la durée moyenne de paiement est de vingt-six ans, y compris la jouissance de la pension par les bénéficiaires, et qu’elle aura tendance à augmenter; cela représente un coût élevé pour les finances publiques, compte tenu de la durée supplémentaire de financement des pensions des retraités actuels.
  18. 744. Dans le cas concret de l’ISS, outre l’effet démographique, le déséquilibre financier est accentué par le processus de maturation du régime assorti d’une prime moyenne. Cela signifie que le taux de dépendance, défini comme le rapport entre le nombre de retraités et le nombre de membres cotisants, a augmenté, parce que cet indicateur, qui était de deux retraités pour 100 membres cotisants en 1980, est passé à dix retraités pour 100 membres cotisants en 1993 et 21 retraités pour 100 membres cotisants dans le régime assorti d’une prime moyenne en 2002.
  19. 745. Les mesures prises en vertu de la loi no 100 de 1993 se sont avérées insuffisantes pour corriger les grands déséquilibres qui existaient déjà à l’époque au sein du système. A cela s’est ajouté un facteur supplémentaire qui a mis en péril la stabilité financière de l’ISS et du système général, à savoir la période de récession qu’a connue l’économie colombienne au cours de la seconde moitié des années quatre-vingt-dix et au début du XXIe siècle. Les taux élevés de chômage et le manque de rigueur dus à la crise n’ont pas permis aux affiliés de s’acquitter des paiements correspondant à leur contribution et le nombre d’affiliés inactifs n’a cessé de croître dans le système dual.
  20. 746. Par ailleurs, la loi no 100 de 1993 ne couvrait pas tous les secteurs, car elle n’incluait pas les membres des forces militaires, les fonctionnaires affiliés au Fonds national de prestations sociales du corps enseignant et les travailleurs d’ECOPETROL. De même, la loi ne concernait pas les conventions ou pactes collectifs régulièrement conclus ni n’empêchait leur conclusion à l’avenir.
  21. 747. De la sorte, le régime général de retraite, y compris le régime de transition, et les régimes d’exception colombiens ont connu des difficultés de financement, qui se traduisent par d’importants déficits d’exploitation. En effet, le déficit d’exploitation, correspondant au déséquilibre entre les cotisations et les prestations du régime de retraite, a entraîné la nécessité d’utiliser les ressources des réserves de l’ISS et du budget général de la nation, équivalant à 3,3 pour cent du PIB en 2000 (5,1 billions de pesos) et à 4,6 pour cent du PIB en 2004 (8,2 billions de pesos).
  22. 748. Ainsi, en dépit de l’adoption de la loi no 100 de 1993, il s’est produit une situation insoutenable en raison du transfert de passif entre générations, en ce sens que les cotisants actuels et futurs devaient, grâce à leurs contributions fiscales et à leurs cotisations, financer non seulement la dette ainsi formée correspondant aux pensions en cours, mais aussi leurs propres dépenses sociales et leurs propres pensions futures.
  23. 749. Le déficit d’exploitation dans le secteur des pensions aggravait la situation économique difficile que connaissait le pays, laquelle avait des répercussions négatives sur l’emploi, les recettes fiscales et le versement des cotisations. En effet, pour financer le coût social des pensions, en conformité avec les obligations constitutionnelles, pendant les dix dernières années, la nation a utilisé des ressources qui, autrement, auraient été consacrées à d’autres finalités et objectifs essentiels de l’Etat. En conséquence, la nation a dû recourir à un endettement interne et externe croissant pour financer notamment les investissements sociaux croissants dans les domaines de la santé et de l’éducation.
  24. 750. Le déficit d’exploitation dû aux engagements du régime de retraite au cours des douze dernières années s’élevait à 30,5 pour cent du PIB, soit 60 pour cent de la dette publique totale, situation insoutenable d’un point de vue macroéconomique et budgétaire. La charge supportée par la génération actuelle et les générations futures n’est pas ajustée à leurs revenus. A un horizon de cinquante ans, les projections du déficit du régime de retraite donnaient le chiffre de 207 pour cent du PIB de 2000. C’est pour ces raisons que le gouvernement a proposé de réformer le régime de retraite et le congrès a approuvé les lois nos 797 et 860 de 2003 grâce auxquelles le déficit du régime de retraite a diminué: il était de 170,2 pour cent du PIB à un horizon de cinquante ans.
  25. 751. Néanmoins, ce chiffre n’est pas satisfaisant. Les pays dont le niveau du passif du régime de retraite est similaire à celui de la Colombie sont développés ou industrialisés et ont pourtant pleinement accès aux marchés financiers internationaux. Il convient de signaler que, bien que le passif de la Colombie exprimé en pourcentage du PIB soit similaire à celui du Japon, la couverture de la population à l’âge de la retraite qui reçoit une prestation de retraite dans notre pays avoisine les 23 pour cent des personnes âgées de 60 ans et plus, alors que dans le pays asiatique précité, le régime de retraite couvre 88 pour cent de la population de plus de 65 ans, qui a en outre l’espérance de vie la plus élevée au monde. Cela signifie qu’une dette proportionnellement similaire en termes de PIB est répartie entre un groupe considérablement moins représentatif d’habitants dans le cas de la Colombie.
  26. 752. Dans le cas de la Colombie, les retraités représentent un million de personnes, tandis que les personnes à l’âge de la retraite sont 4 millions. Le nombre d’affiliés est de 11,5 millions, dont 5,2 millions seulement sont des cotisants actifs, alors que la population économiquement active représente 20,5 millions de personnes. Cette différence s’explique par une fidélité relativement réduite au système.
  27. 753. Pour assurer la viabilité du système et réduire dans une certaine proportion les déficits prévus, le Congrès de la République a approuvé une réforme des pensions en vertu de la loi no 797, qui envisageait des modifications des conditions et des prestations du régime général de retraite, de manière à réduire le déficit du régime colombien de retraite de 40 pour cent du PIB de 2000 à un horizon de cinquante ans, tendant vers la viabilité des paiements futurs des pensions et la stabilité macroéconomique et budgétaire. Cette loi a également réformé le régime de transition. Cela étant, la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelles, pour vices de procédure, les dispositions de cette loi portant réforme du régime de transition. L’impact budgétaire considérable du régime de transition a contraint le gouvernement à insister sur la nécessité d’une réforme du régime de transition; en effet, entre 2003 et 2004, les paiements courants des pensions à la charge de la nation allaient augmenter de 21 pour cent, passant de 7,1 billions de pesos en 2003 à 9,9 billions de pesos en 2004, à cause de la croissance végétative du nombre de retraités et surtout des importantes contributions budgétaires qui s’avèrent nécessaires en raison de l’épuisement imminent des réserves financières de l’ISS cette année. C’est pourquoi le gouvernement national a présenté la loi no 860 de 2003, qui modifie fondamentalement le régime de transition, et le congrès l’a approuvée.
  28. 754. Bien que les réformes adoptées aient contribué à améliorer le bilan d’exploitation du système, elles n’ont pas réussi à l’équilibrer totalement. Le pays dépense plus pour la sécurité sociale que pour d’autres secteurs qui constituent également, d’une manière ou d’une autre, des priorités constitutionnelles. En effet, les paiements courants des pensions représentent une part du budget plus grande que celle de chacun des autres secteurs inscrits au budget.
  29. 755. Par exemple, avec des ressources budgétaires nationales d’un montant similaire à celui des pensions, on finance l’éducation de 8,2 millions d’enfants dans tout le pays et, avec les ressources de la santé, on cofinance les soins donnés à 11,4 millions d’affiliés au régime subventionné.
  30. 756. Le gouvernement signale qu’il est donc nécessaire d’entreprendre une réforme qui assure un traitement équitable en matière de pensions couvrant tous les Colombiens; par conséquent, il convient forcément de limiter les possibilités de modifier par la voie de conventions les règles du régime de retraite. Le projet d’acte législatif présenté au Congrès de la République pour examen a pour but de renforcer les mesures adoptées par les lois nos 797 et 860 de 2003, en présentant comme l’un des principes du système la volonté d’assurer sa viabilité financière.
  31. 757. Dans le cas de la force publique seulement, compte tenu des caractéristiques de ce groupe de fonctionnaires et des risques auxquels ses membres sont exposés, il est justifié de maintenir un régime spécial.
  32. 758. En ce qui concerne la négociation collective, le gouvernement signale que, pour atteindre une harmonie en matière de pensions, la loi no 100 de 1993, en développant le principe consacré par la Constitution, avait manifestement prévu le respect des droits acquis «conformément aux dispositions normatives antérieures, pactes ou conventions collectives de travail», mais elle précisait aussi clairement que cela ne devait pas «porter préjudice à la faculté de dénonciation que possèdent les parties et que le tribunal arbitral tranchera[it] les différends entre les parties». Ce qui précède avait clairement pour but d’adapter les conventions et pactes collectifs aux dispositions de la loi no 100 de 1993 et de tenir compte du fait que la pension ne peut plus être considérée comme simplement une conséquence d’une relation de travail, mais comme une prestation qui découle du système de la sécurité sociale organisé par le législateur. Cependant, étant donné que la Constitution politique garantit le droit à la négociation collective, avec les exceptions prévues par la loi, la loi no 100 n’a pas pu atteindre son but exprimé à l’article 11. En effet, il reste toujours possible de définir des règles particulières en matière de pensions, si bien que, et en dépit du fait que la Cour suprême de justice a déclaré à plusieurs reprises que les prestations de retraite doivent être conformes à la loi no 100 de 1993 non seulement les conventions collectives ne sont pas conformes à la loi, mais on continue à signer des conventions aux termes desquelles les entités s’engagent à assumer directement de nouvelles obligations en matière de pensions, privilégiant certains fonctionnaires et ne respectant pas l’égalité que l’auteur de la Constitution a voulu intégrer dans le système de la sécurité sociale.
  33. 759. Selon la Cour constitutionnelle, l’universalité du système de la sécurité sociale présuppose la garantie de la protection pour toutes les personnes sans discrimination aucune, à toutes les étapes de la vie, et cette garantie sans discrimination n’est possible que s’il existe un système unifié ne pouvant être modifié par la volonté d’une catégorie de ses bénéficiaires.
  34. 760. L’un des éléments fondamentaux de l’élaboration, de la mise en œuvre et du développement d’un régime de retraite est constitué par ses supports économiques et financiers. De ce point de vue, les régimes de retraite régis par une convention ont représenté un effort considérable pour les finances publiques et privées. De fait, des ressources considérables servent à financer des régimes de retraite spéciaux, alors qu’elles pourraient être utilisées pour étendre la couverture du système général de la sécurité sociale et amplifier l’investissement social ou promouvoir davantage le développement du pays.
  35. 761. Il mérite d’être signalé que, dans le cas du secteur public, ces régimes régis par des conventions ont souvent été créés sans évaluer leur incidence finale, de telle manière que des régimes inéquitables ont été mis en place, qui ont finalement mis en péril l’existence même des entreprises concernées. Le secteur privé connaît aussi cette situation. De fait, on peut voir aujourd’hui que de nombreuses entreprises de ce secteur ont été mises en difficulté par le coût que représentent pour elles les acquis en matière de pensions.
  36. 762. Par ailleurs, le gouvernement rappelle que l’article 55 de la Constitution politique stipule que «le droit à la négociation collective pour réglementer les relations de travail est garanti, sauf dans les exceptions prévues par la loi». De ce point de vue, on pourrait faire valoir qu’une loi peut déterminer la portée du droit à la négociation collective et exclure de son champ d’application le régime de retraite. Cependant, l’examen de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle ne permet pas de tirer des conclusions claires à cet égard. En effet, si, au début la Cour constitutionnelle accueillait plutôt favorablement la possibilité de limiter le droit à la négociation collective dans l’intérêt public, elle s’est montrée plus restrictive au cours des dernières années.
  37. 763. Tout d’abord, dans son arrêt C-112-93, la Cour constitutionnelle a admis la possibilité de limiter la négociation collective, pour autant que les limites imposées soient raisonnables et permettent d’éviter de mettre en péril les organismes publics. En particulier, la Cour a estimé que les conventions ne pouvaient pas conduire «à l’anéantissement de l’entreprise, à sa faillite, à sa détérioration ou à l’improductivité, de même les organismes publics ne peuvent pas, aux termes de la Constitution, accorder des salaires, prestations ou rentes dérisoires sans rapport avec la réalité sociale».
  38. 764. Dans son arrêt C-408 de 1994, la Cour a déclaré exécutoire l’article 242 de la loi no 100 de 1993, qui dispose qu’«à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi ne pourra être admise ni convenue pour les nouveaux fonctionnaires du secteur de la santé la rétroactivité dans le cadre du régime de licenciement qui leur est applicable». Ainsi, la Cour a déclaré exécutoire une restriction, prévue par la loi, à la négociation collective dans une matière déterminée qui, de son point de vue, relève de la compétence du législateur, bien que le Procureur général ait considéré qu’elle était inconstitutionnelle, parce que le droit à la négociation collective ne pouvait pas être ignoré. Ensuite, dans son arrêt C-408 de 1994, la Cour constitutionnelle a rappelé que la Constitution politique permet des exceptions raisonnables à la négociation collective.
  39. 765. Cela étant, l’esprit d’ouverture qu’a manifesté la Cour constitutionnelle dans ses arrêts antérieurs a fait place à une attitude plus restrictive dans ses décisions ultérieures. Ainsi, dans son arrêt C-1504-2000, la Cour constitutionnelle a jugé inconstitutionnelle une loi qui limitait la négociation collective.
  40. 766. Ensuite, dans son arrêt C-1187-2000, elle a déclaré que la Constitution ne définit pas de limites temporelles à la conduite de négociations collectives et ne prévoit pas non plus que la durée de validité de celles-ci ne soit que d’un an; c’est pourquoi une loi qui entend limiter la durée d’une convention collective ou d’un pacte collectif est contraire à la Charte politique. Dans cet arrêt, la Cour a jugé inconstitutionnelle une limite consistant essentiellement à obtenir l’autorisation des entités élues par vote populaire pour mener des négociations collectives aux fins d’assurer leur viabilité financière.
  41. 767. Il découle de ce qui précède que, bien qu’initialement la Cour constitutionnelle ait adopté une position relativement favorable à l’imposition de limites à la négociation collective, elle a par la suite adopté une attitude plus restrictive; par conséquent, il n’est pas clairement établi qu’il soit constitutionnellement possible de limiter, par une loi, le droit à la négociation collective en matière de prestations de retraite. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de préciser les règles constitutionnelles et, partant, de les modifier, de manière à interdire la conclusion de pactes ou de conventions collectives en matière de pensions.
  42. 768. Enfin, il convient d’examiner si l’acte législatif entraîne le non-respect des engagements internationaux de la Colombie. Pour pouvoir apprécier la viabilité constitutionnelle de l’acte législatif, ainsi que sa parfaite validité à la lumière des conventions de l’OIT, il est nécessaire d’analyser si ces conventions, qui ont été approuvées par la Colombie et font partie intégrante de la constitutionnalité, interdisent ou empêchent l’instauration de l’impossibilité de mener des négociations collectives concernant le régime obligatoire de retraite établi par la loi.
  43. 769. La convention no 87 établit une protection spéciale qui permet aux citoyens de créer des syndicats et contient une série de règles générales pour que les Etats protègent ce droit d’association syndicale. Aucune des règles examinées n’empêche d’inclure dans la Constitution colombienne, en vertu d’un acte législatif, une limite à la négociation collective sur le régime obligatoire de retraite. Ledit acte ne constitue pas une violation ni une atteinte au droit d’association syndicale, lequel pourrait s’exercer selon les voies normales et avec la protection de l’Etat.
  44. 770. De même, la convention no 154 relative à la négociation collective ne contient aucune disposition qui empêche de limiter, dans la Constitution politique de la République de Colombie, le champ de la négociation collective au régime obligatoire de retraite établi par la loi. En effet, l’article 5, paragraphe 1, stipule qu’il convient d’adopter des mesures adaptées aux circonstances nationales en vue de promouvoir la négociation collective. Cette règle donne sans nul doute aux Etats qui ont adopté la convention la latitude de limiter le champ de la négociation collective, lorsque des régimes obligatoires comme le régime de retraite permettent de créer des exceptions qui ont une incidence importante sur le budget national et l’égalité des travailleurs, dans un domaine aussi important que celui des pensions.
  45. 771. En conclusion, il convient de signaler qu’aucune des deux conventions qui protègent le droit d’association syndicale et la négociation collective ne pourrait faire obstacle à l’inclusion dans la Constitution, en vertu d’un acte législatif, d’une disposition limitant la négociation collective à la modification du régime général de retraite.
  46. 772. S’agissant des allégations présentées par la CMT et par la CGT concernant le refus des services du Procureur général de la nation de mener des négociations collectives avec SINTRAPROAN, le gouvernement signale que par les communications officielles nos 0259 et 1424 des 19 mars et 10 novembre 2003, et no 1633 du 16 décembre 2004, les services du Procureur général de la nation ont longuement répondu aux revendications de l’organisation syndicale, en expliquant la portée de l’article 416 du Code du travail, qui prévoit les limites dont doivent tenir compte les syndicats des employés publics qui présentent un cahier des revendications ou signent des conventions collectives.
  47. 773. Le gouvernement fait savoir que le système juridique des fonctionnaires publics reconnaît deux situations: celle des employés publics de la branche exécutive, à caractère légal et statutaire, et celle des fonctionnaires qui est de nature contractuelle. Etant donné que la relation de travail de l’employé public est régie par la loi et par les règlements en vigueur, elle ne peut être modifiée que par des règles de même niveau que celles qui ont présidé à sa création.
  48. 774. Conformément à l’article 414 du Code du travail, les employés publics jouissent du droit d’association, à la seule exception des membres de l’armée nationale. Mais les fonctions de ces syndicats se limitent à conseiller leurs membres pour les aider à défendre leurs droits, à représenter en justice ou devant les autorités leurs intérêts, à étudier les caractéristiques de leur profession et leurs conditions de travail et enfin à présenter des requêtes respectueuses. La Cour constitutionnelle a jugé légitime l’interdiction imposée par l’article 416. Cette restriction trouve sa justification à l’article 55 de la Constitution, qui garantit le droit à la négociation collective avec les exceptions stipulées par la loi, la présente étant l’une de ces exceptions.
  49. 775. Le gouvernement ajoute qu’après avoir examiné la constitutionnalité de la loi no 411 portant ratification de la convention no 151 la Cour constitutionnelle a considéré que la différenciation entre les fonctionnaires et les employés publics aux fins de l’exercice du droit à la négociation collective était conforme à la Constitution; la Cour a déclaré que les fonctionnaires jouissaient pleinement de ce droit, tandis que les employés publics en avaient une jouissance restreinte car, bien que ces derniers aient le droit de chercher et de trouver des solutions concertées en cas de conflit, la faculté qu’ont les autorités de fixer unilatéralement les conditions de travail ne peut en aucun cas être perturbée.
  50. 776. Le gouvernement fait savoir que le tribunal administratif de Quindío a rejeté le recours en manquement formé par SINTRAPROAN à l’encontre du Procureur général, lequel a omis de mener des négociations collectives. En outre, l’arrêt du Conseil d’Etat qui confirme le jugement du tribunal administratif conclut que «les services du Procureur général de la nation n’avaient pas l’obligation d’amorcer un processus de négociation collective en vue d’examiner les demandes du syndicat des travailleurs, car ils ne pouvaient pas satisfaire de façon autonome aux aspirations du syndicat, en sorte que l’attitude du directeur du ministère public ne constitue pas un manquement injustifié à un devoir légal, établi par une règle ayant force de loi; dès lors, le recours en manquement est irrecevable».
  51. 777. Le gouvernement fait savoir que, pour prendre sa décision, la juridiction des contentieux administratifs s’est fondée sur la législation interne, la Constitution politique et les textes des conventions nos 87 et 98. A cet égard, le tribunal administratif de Quindío a rappelé dans son jugement du 1er mars 2004 que le Conseil d’Etat, prenant connaissance de l’interprétation de la Cour constitutionnelle, a conclu que les syndicats d’employés publics ne peuvent présenter de cahiers de revendications pour résoudre les conflits du travail issus de leurs relations professionnelles avec les entités publiques employeuses, par le biais de l’épuisement des étapes prévues par le Code du travail – arrangement direct, convention collective et, éventuellement, grève et arbitrage. Le Conseil d’Etat a précisé que ces syndicats peuvent présenter des revendications visant à améliorer les conditions de travail des employés publics et à trouver une solution à leurs inquiétudes par la concertation, étant entendu que les compétences constitutionnelles des autorités pour déterminer unilatéralement les fonctions et les émoluments de cette catégorie d’employés demeurent intangibles. Le droit d’association et la possibilité de négocier les conditions de travail des employés publics sont limités par la nature légale et réglementaire de leur contrat de travail. La Constitution de 1991 a établi des principes tels celui de la légalité des dépenses publiques ou encore celui de la légalité des conditions de travail dans le secteur public, et elle a défini des compétences en vertu desquelles seul le Président de la République peut prendre des décisions en matière de salaire. Le gouvernement ajoute que, pour répondre aux informations mentionnées, le Procureur général de la nation a fait observer que, conformément à ce que prévoit l’article 1 de notre Constitution politique, respecter la Constitution et les lois est un devoir, ainsi que respecter les autorités et leur obéir, et qu’en soi ce respect implique un assujettissement total et inconditionnel aux sentences des juges, étant entendu que le respect des sentences juridictionnelles est un impératif de l’Etat social de droit. Ainsi, conformément à la réponse donnée par le tribunal administratif de Quindío par le biais du dossier no 1578 du 14 mars de l’année en cours, réponse adressée au secrétaire général des services du Procureur régional de Quindío, le jugement en deuxième instance rendu par le Conseil d’Etat concernant la requête d’exécution présentée par l’organisation syndicale SINTRAPROAN est devenu exécutoire le vingt-trois (23) août deux mille cinq (2005).
  52. 778. Le gouvernement conclut en faisant valoir que, conformément aux déclarations du Procureur, celui-ci a toujours été soucieux du dialogue avec l’organisation syndicale et des discussions sur les conditions de travail ont eu lieu.
  53. 779. Pour ce qui est des allégations présentées par la CGT concernant le harcèlement antisyndical présumé contre M. Carlos Tulio Franco Cuartas, fondateur et actuel dirigeant du SINTRAPROAN, le gouvernement fait savoir que les services du Procureur général de la nation, en conformité avec la législation du travail interne, ont entamé la procédure de levée d’immunité syndicale contre l’employé Carlos Tulio Franco Cuartas, dans laquelle un juste motif a été précisé, et que cette demande a été admise par le tribunal ordinaire le 18 octobre. A ce jour, le tribunal n’a pas encore été en mesure de notifier l’admission de la demande à M. Franco Cuartas, notification sans laquelle il ne peut exercer son droit à se défendre.
  54. 780. Par ailleurs, conformément à la Constitution politique de la Colombie qui, à son article 277, alinéa 5, dispose qu’il faut «veiller à l’exercice diligent et efficient des fonctions administratives», à son alinéa 6, qu’il faut «surveiller de très près la conduite officielle de ceux qui assument des fonctions publiques, y compris celles qui procèdent du choix populaire, de préférence exercer le pouvoir disciplinaire, faire progresser les enquêtes correspondantes et appliquer les sanctions prévues par la loi», et conformément à l’article 66 du Code disciplinaire unique qui prévoit que «les procédures disciplinaires établies par la présente loi devront être appliquées par les divers bureaux de contrôle interne et par les services du Procureur général de la nation», les services du Procureur général de la nation ont ouvert une série d’enquêtes concernant l’employé public Carlos Tulio Franco Cuartas, au motif qu’il méconnaissait les devoirs de sa charge et qu’il y avait matière à sanction, conformément à l’article 118 de la loi no 200 de 1995. M. Franco Cuartas s’est rendu coupable de négligence en omettant de s’acquitter des fonctions qui lui avaient été assignées, par exemple en omettant d’effectuer des démarches pour lesquelles il avait été légalement mandaté. Par conséquent, conformément à la Constitution politique de la nation et à la législation du travail, les services du Procureur de la nation se sont adressés aux autorités compétentes pour obtenir que soit levée l’immunité syndicale de M. Franco Cuartas.
  55. 781. De même, c’est au nom des fonctions constitutionnelles et légales qui leur ont été conférées que les services du Procureur de la nation ont mené à bien des enquêtes de nature disciplinaire concernant M. Franco Cuartas. Y renoncer parce qu’il s’agit d’un dirigeant syndical reviendrait à faire fi des principes légaux dont elles procèdent. Le fait d’être un dirigeant syndical ne constitue pas une dispense légale du respect de la législation interne en matière de discipline. Le gouvernement souligne que, si les services du Procureur de la nation ont exercé leurs fonctions conformément à la loi, M. Franco Cuartas a exercé son droit à se défendre, puisqu’il a entamé des actions pour contentieux administratifs à l’encontre des mesures prises par les services du Procureur de la nation.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 782. Le comité observe que le présent cas concerne des allégations concernant: 1) la limitation du droit à la négociation collective en conséquence de la récente modification de l’article 48 de la Constitution politique relatif à la sécurité sociale en vertu de l’acte législatif no 01, qui dispose que, à compter de l’entrée en vigueur dudit acte législatif, tout pacte, convention collective de travail ou sentence ne pourra définir des conditions en matière de retraite différentes de celles établies par la loi no 100 de 1993, que tout régime d’exception expirera le 31 juillet 2010, et que toutes les dispositions en matière de retraite établies en vertu de conventions, pactes ou sentences resteront d’application pendant la durée convenue, mais seront, dans tous les cas, déclarées caduques à compter du 31 juillet 2010; et 2) le fait que les services du Procureur général de la nation refusent de mener des négociations collectives avec le Syndicat national des travailleurs des services du Procureur général de la nation (SINTRAPROAN).
  2. 783. S’agissant des allégations relatives à la limitation du droit à la négociation collective en conséquence de la récente adoption de l’acte législatif no 01 du 22 juillet 2005 portant modification de l’article 48 de la Constitution politique relatif à la sécurité sociale, le comité prend acte que, selon les organisations plaignantes, l’article 1 de l’acte législatif dispose que tout pacte, convention collective de travail ou sentence ne pourra définir des conditions en matière de retraite différentes de celles établies par la loi; l’article 2 prévoit la suppression, à compter du 31 juillet 2010, de tout régime d’exception, sauf le régime applicable au Président de la République et aux membres de la force publique; et l’article 3 dispose que les pactes ou conventions collectives de travail existants qui contiennent des clauses relatives aux pensions resteront d’application, mais seront, dans tous les cas, déclarés caducs à compter du 31 juillet 2010.
  3. 784. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, ce nouveau système limite considérablement le droit à la négociation collective des organisations syndicales et ignore l’autonomie syndicale et la volonté des travailleurs d’améliorer leurs conditions de vie. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, la modification de la législation est contraire à la volonté populaire qui s’est exprimée sur la question par la voie d’un référendum.
  4. 785. Le comité prend acte que, selon le gouvernement, la réglementation des pensions n’est pas une matière qui relève à proprement parler des conditions de travail, mais qui concerne plutôt la période postactive et à ce titre, les conventions nos 98 et 154 ne lui sont pas applicables mais relèvent d’autres conventions qui permettent aux Etats de réglementer ou de légiférer sur les aspects relatifs aux pensions. Le comité note que, selon le gouvernement, la question des pensions concerne la totalité de la population et, en conséquence, elle ne peut pas être réglementée par des conventions. En outre, depuis l’adoption de la Constitution politique de 1991, le système dans lequel les pensions étaient la conséquence de la relation de travail a laissé place à un modèle distinct dans lequel la sécurité sociale est un service public garanti à toutes les personnes en application des principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité. Par ailleurs, le gouvernement fait savoir que l’Etat doit avoir la possibilité d’instaurer un régime universel non discriminatoire, qui soit financièrement viable.
  5. 786. Le comité prend note de l’explication fournie par le gouvernement à propos de la crise à laquelle le régime de retraite était confronté et des mesures successives qui ont été adoptées pour y remédier. Il note également que l’évolution démographique du pays a une grande incidence économique sur le régime de retraite.
  6. 787. Le comité note que, en ce qui concerne la limitation imposée à la négociation collective en particulier, le gouvernement fait savoir que l’article 55 de la Constitution politique dispose que la négociation collective pourra être menée dans les «limites établies par la loi» et en ce sens, il n’est pas contraire à cette disposition que la législation définisse la portée du droit à la négociation et prévoie que la négociation ne pourra pas réglementer les questions relatives aux pensions. Le comité note également que la Cour constitutionnelle, dans ses derniers arrêts, ne s’est pas montrée favorable à cette limitation de la négociation collective et, en conséquence, il s’est avéré nécessaire de modifier directement l’article 48 de la Constitution. Enfin, le comité note que, dans son jugement rendu le 14 juin 2006, la Cour constitutionnelle a décliné sa compétence pour se prononcer quant à l’inconstitutionnalité de l’acte législatif no 1.
  7. 788. Le comité observe tout d’abord que, même s’il n’est pas compétent pour commenter l’adoption du nouveau régime de retraite par le gouvernement, il peut examiner si, ce faisant, le gouvernement a respecté les principes de la liberté syndicale et en particulier le droit à la négociation collective.
  8. 789. Premièrement, le comité doit rappeler que la négociation volontaire des conventions collectives, et donc l’autonomie des partenaires sociaux à la négociation, constitue un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 925.]
  9. 790. Notant qu’il n’a pas compétence en matière de législation concernant la sécurité sociale, le comité observe toutefois que la nouvelle législation sort ses effets tant pour le passé que pour le futur quant à la négociation collective, étant donné que l’article 3 de l’acte législatif dispose que si les pactes, conventions ou sentences définissant des conditions en matière de pensions, applicables avant l’entrée en vigueur dudit acte législatif, restent d’application, ils seront indéfectiblement réputés caducs le 31 juillet 2010.
  10. 791. S’agissant des conventions signées avant l’entrée en vigueur de la législation, le comité estime qu’une disposition législative qui modifie unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou qui contraint les parties à la renégocier, est contraire aux principes de la négociation collective ainsi qu’au principe de droits acquis des parties.
  11. 792. En outre, il faut tenir compte de la réalité de la négociation collective qui est un processus de concessions mutuelles, basé sur la certitude raisonnable que les engagements négociés seront tenus, au moins pendant la durée de validité de la convention, ladite convention résultant de compromis auxquels les deux parties ont abouti sur certains aspects, ainsi que d’exigences qu’elles ont abandonnées pour obtenir d’autres droits auxquels les syndicats et leurs membres accordaient une priorité plus élevée. Si les droits acquis en vertu de concessions accordées sur d’autres points peuvent être annulés unilatéralement, on ne peut raisonnablement pas s’attendre à ce que les relations professionnelles soient stables ni à ce que les accords négociés soient suffisamment fiables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 941.] Troisièmement, les partenaires à la négociation collective sont mieux placés pour apprécier les justifications et déterminer les modalités d’application des clauses négociées sur la retraite. Dans ces circonstances, le comité conclut que les conventions négociées antérieurement devraient continuer à sortir tous leurs effets, y compris ceux relatifs aux clauses sur les pensions, jusqu’à leur date d’expiration, même si celle-ci dépasse le 31 juillet 2010. Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures correctives qui s’imposent et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  12. 793. S’agissant des conventions signées après l’entrée en vigueur de l’acte législatif no 01, le comité estime tout d’abord qu’un régime généralisé de retraite n’est pas forcément incompatible avec la négociation collective. En effet, bien que le régime général établisse un seuil minimal obligatoire garanti à la population en général, rien n’empêche d’instaurer, au moyen de la négociation collective, un régime complémentaire qui vienne s’ajouter au régime général. Le comité estime qu’il y a lieu ici de faire la différence entre les entreprises privées et le secteur public. Dans le premier cas, l’employeur négociera avec le syndicat l’octroi éventuel d’une pension complémentaire, en tenant compte de ses possibilités et perspectives économiques.
  13. 794. Le comité prend note que selon le gouvernement l’article 5, paragraphe 1, stipule qu’il convient d’adopter des mesures adaptées aux circonstances nationales en vue de promouvoir la négociation collective. Le gouvernement insiste pour que cette règle donne aux Etats qui ont ratifié la convention la latitude de limiter le champ de la négociation collective, lorsque des régimes obligatoires comme le régime de retraite permettent de créer des exceptions qui ont une incidence importante sur le budget national et l’égalité des travailleurs, dans un domaine aussi important que celui des pensions. A cet égard, le comité considère que dans la fonction publique la négociation collective, en conformité avec les dispositions de la convention no 154, peut être soumise à des modalités particulières d’application. En effet, le comité est conscient de ce que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises et de ce que ces ressources dépendent du budget de l’Etat, ce qui n’empêche pas, comme l’a affirmé la commission d’experts, l’organe compétent en matière budgétaire d’établir une «enveloppe» budgétaire globale dans le cadre de laquelle les parties peuvent négocier les clauses relatives au régime de retraite. Il est essentiel, toutefois, que les travailleurs et leurs organisations puissent participer pleinement et de façon significative à la détermination de ce cadre global de négociation, ce qui implique notamment qu’ils aient à leur disposition toutes les données financières, budgétaires ou autres, leur permettant d’apprécier la situation en toute connaissance de cause. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1037 et 1038.]
  14. 795. En tout état de cause, tant dans le secteur privé que dans le secteur public, le comité estime que les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs en vue de rechercher l’accord des parties. En ce sens, le comité observe que, d’après les allégations de l’organisation plaignante qui n’ont pas été démenties par le gouvernement, la réforme de la législation a été menée à bien en dépit de l’opposition des partenaires sociaux, qui se sont prononcés par la voie d’un référendum. Le comité observe qu’en dépit de la demande expresse qu’il a adressée au gouvernement et aux organisations plaignantes en mars 2006 concernant ce référendum il n’a reçu aucune communication à cet égard. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement, compte tenu des circonstances particulières du présent cas et afin de garantir l’harmonie des relations de travail dans le pays, de procéder à de nouvelles consultations approfondies avec les parties intéressées à propos de la retraite et des pensions, afin de trouver une solution négociée acceptable pour toutes les parties intéressées et conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la convention collective ratifiées par la Colombie.
  15. 796. S’agissant des allégations relatives au refus des services du Procureur général de la nation de mener des négociations collectives avec le Syndicat national des travailleurs des services du Procureur général de la nation (SINTRAPROAN), le comité prend acte que, en dépit des cahiers des revendications présentés par l’organisation syndicale, les services du Procureur ont refusé jusqu’à présent de mener des négociations; c’est pourquoi SINTRAPROAN a présenté une requête d’exécution de l’article 55 de la Constitution relatif à la négociation collective et des lois nos 411 et 524 portant approbation des conventions nos 151 et 154 respectivement, laquelle requête a été rejetée par le tribunal administratif de Quindío, décision qui a été confirmée par le Conseil d’Etat en mars 2005.
  16. 797. Le comité note également que, d’après le gouvernement, la législation colombienne établit une différence entre les fonctionnaires et les employés publics. Les premiers sont liés par contrat et peuvent mener des négociations collectives, tandis que les seconds sont liés statutairement, c’est-à-dire que leurs conditions de travail sont fixées par la loi et les règlements et, en conséquence, ils ne peuvent pas mener de négociations collectives, étant donné que cela perturberait la faculté qu’ont les autorités de fixer unilatéralement les conditions de travail. Cette catégorie de travailleurs a seulement la faculté de présenter des requêtes respectueuses.
  17. 798. A cet égard, le comité rappelle qu’il a examiné à de nombreuses occasions des allégations relatives au refus de négocier collectivement au sein du secteur public en Colombie et qu’il a estimé que, s’il est vrai que certaines catégories de fonctionnaires devaient déjà jouir du droit de négociation collective conformément à la convention no 98, la promotion de ce droit a été reconnue de façon générale pour tous les fonctionnaires à partir du moment où la convention no 154 a été ratifiée, le 8 décembre 2000, et en conséquence, les travailleurs du secteur public et de l’administration publique centrale doivent jouir du droit à la négociation collective. Dans ces conditions, rappelant que la négociation collective dans l’administration publique admet la fixation de modalités particulières d’application, mais soutenant en même temps que la simple possibilité de présenter des requêtes respectueuses ne suffit pas pour considérer qu’il existe un véritable droit à la négociation collective libre et volontaire, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour que le droit à la négociation collective des fonctionnaires soit respecté, conformément aux dispositions des conventions nos 98 et 154 ratifiées par la Colombie.
  18. 799. En ce qui concerne les allégations relatives au harcèlement qui a pris la forme de procédures disciplinaires successives à l’encontre de M. Franco Cuartas, membre fondateur et dirigeant de SINTRAPROAN, le comité prend note de l’information transmise par le gouvernement selon laquelle M. Franco Cuartas n’a pas rempli les devoirs de sa charge, ce qui a motivé les procédures disciplinaires. Le comité observe que ces procédures disciplinaires ont eu lieu parallèlement aux actions engagées par M. Franco Cuartas en vue de constituer le syndicat, et à l’obtention, par les fonctionnaires des services du Procureur, du droit à la négociation collective. Dans ces conditions et pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête concernant les allégations et les circonstances qui ont provoqué la démission de M. Franco Cuartas. Cette enquête devrait être menée à bien par une personnalité indépendante qui jouit de la confiance des parties et, si cette enquête constate la véracité des allégations, de prendre les mesures nécessaires en vue de la réintégration de M. Franco Cuartas et pour mettre fin à toute sanction disciplinaire à son égard. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  19. 800. Pour ce qui est de l’allégation relative au licenciement de MM. Luis Carmelo Cataño Cataño, Carlos Romero Aguilar, Francisco Molina et Silvio Elías Murillo, en dépit du fait qu’ils jouissaient de l’immunité syndicale et, dans le cas de M. Murillo, bien que le tribunal administratif du Chocó ait ordonné sa réintégration à son poste, le comité observe que le gouvernement n’a pas envoyé d’observations et il lui demande de le faire sans délai.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 801. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) S’agissant des allégations relatives à la limitation du droit à la négociation collective en conséquence de la récente adoption de l’acte législatif no 01 du 22 juillet 2005 portant modification de l’article 48 de la Constitution politique relatif à la sécurité sociale, le comité:
    • i) reconnaît le droit des Etats de réglementer les régimes de retraite mais souligne la nécessité qu’ils respectent le principe de la négociation collective en ce faisant;
    • ii) s’agissant des conventions signées avant l’entrée en vigueur de la législation, considérant que les conventions négociées antérieurement devraient continuer à sortir tous leurs effets, y compris ceux relatifs aux clauses sur les pensions, jusqu’à leur date d’expiration, même si celle-ci dépasse le 31 juillet 2010, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures correctives qui s’imposent et de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard;
    • iii) s’agissant des conventions signées après l’entrée en vigueur de l’acte législatif no 01, tenant compte du résultat du référendum, le comité demande au gouvernement, compte tenu des circonstances particulières du présent cas et afin de garantir l’harmonie des relations de travail dans le pays, de procéder à de nouvelles consultations approfondies avec les parties intéressées à propos de la retraite et des pensions, afin de trouver une solution négociée acceptable pour toutes les parties intéressées et conforme aux conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective ratifiées par la Colombie.
    • b) S’agissant des allégations relatives au refus des services du Procureur général de la nation de mener des négociations collectives avec le Syndicat national des travailleurs des services du Procureur général de la nation (SINTRAPROAN), le comité demande au gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour que le droit à la négociation collective des fonctionnaires soit respecté, conformément aux dispositions des conventions nos 98 et 154 ratifiées par la Colombie.
    • c) Pour ce qui est des allégations relatives au harcèlement, qui a pris la forme de procédures disciplinaires successives à l’encontre de M. Franco Cuartas, membre fondateur et dirigeant du SINTRAPROAN, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête concernant les allégations et les circonstances qui ont provoqué la démission de M. Franco Cuartas; cette enquête devrait être menée à bien par une personnalité indépendante qui jouit de la confiance des parties et, si cette enquête constate la véracité des allégations, de prendre les mesures nécessaires afin de réintégrer M. Franco Cuartas et pour mettre fin à toute sanction disciplinaire à son égard. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • d) Pour ce qui est de l’allégation relative au licenciement de MM. Luis Carmelo Cataño Cataño, Carlos Romero Aguilar, Francisco Molina et Silvio Elías Murillo, en dépit du fait qu’ils jouissaient de l’immunité syndicale et, dans le cas de M. Murillo, bien que le tribunal administratif du Chocó ait ordonné sa réintégration, le comité demande au gouvernement de lui faire parvenir ses observations sans délai.
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