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Definitive Report - Report No 348, November 2007

Case No 2492 (Luxembourg) - Complaint date: 29-MAY-06 - Closed

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  1. 967. La plainte initiale se trouve dans une communication de l’Association professionnelle des agents de la Banque centrale du Luxembourg (A-BCL) datée du 1er juin 2006 et a été complétée par des communications datées des 10 août et 20 décembre 2006.
  2. 968. Le gouvernement du Luxembourg a transmis sa réponse dans des communications des 19 juillet, 24 novembre et 28 décembre 2006.
  3. 969. Le gouvernement du Luxembourg a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 970. L’Association professionnelle des agents de la Banque centrale du Luxembourg (A-BCL) allègue que le gouvernement a omis de respecter ses engagements en matière de liberté syndicale, notamment en vertu des conventions nos 87 et 151, en particulier en ce qu’il a permis que l’A-BCL soit empêchée de vaquer pleinement à sa mission syndicale et notamment à celle de promouvoir et de défendre les intérêts des agents et employés de la Banque centrale du Luxembourg (BCL).
  2. 971. L’A-BCL s’est constituée le 14 juillet 2004, conformément à la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif. Elle a pour objet la défense collective des intérêts professionnels, sociaux, moraux et matériels, au sens le plus large, de ses adhérents, tous agents de la BCL, ainsi que leur représentation professionnelle vis-à-vis de la direction de la BCL et au sein de tout autre organe officiel intéressant ses affiliés. Les statuts de l’A-BCL ont fait l’objet d’une publication au Mémorial C, no 964, du 28 septembre 2004, pages 46236 à 46238, et l’A-BCL est dès lors investie depuis ce jour de la personnalité juridique, selon les dispositions de l’article 3 de la loi modifiée du 21 avril 1928 sur les associations et les fondations sans but lucratif au Luxembourg, ce qui la rend titulaire de tous les droits légaux attachés à un sujet de droit, tel que du droit d’ester en justice et du droit de bénéficier de l’application des dispositions légales quant à son organisation et son fonctionnement. L’A-BCL regroupe, en qualité de membres, 153 agents sur le total des 198 agents de la BCL. Elle est la seule association syndicale créée au sein de la BCL et, en ce sens, le seul partenaire de dialogue social possible avec la direction de la BCL. Sa représentativité au sein de la BCL ne saurait dès lors plus être contestée.
  3. 972. Les agents de la BCL ont le statut d’employés de l’Etat, au sens de la législation luxembourgeoise, telle qu’elle résulte de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le statut des employés de l’Etat. Le statut des employés de l’Etat est un statut de droit public, assimilé à celui applicable aux fonctionnaires de l’Etat. La fonction publique se qualifie, en matière de représentation du personnel, par un statut particulier. En effet, dans les ministères, administrations et établissements publics, les représentations du personnel se constituent librement par la seule volonté de leurs membres constituants sans qu’aucune initiative n’appartienne au gouvernement. Voilà pourquoi l’article 36 de la loi modifiée du 16 avril 1979 portant statut légal des fonctionnaires de l’Etat (loi de 1979) a mis en place une reconnaissance de la représentation du personnel la plus représentative par l’octroi d’un agrément ministériel. L’article 36 se lit ainsi: «Les associations professionnelles au sein des administrations, services et établissements de l’Etat peuvent être agréées par un arrêté du ministre du ressort comme représentation du personnel au nom duquel elles agissent.» Le système institué par l’article 36 est certainement le système le plus démocratique possible, alors que la liberté d’association y est entièrement et pleinement respectée par les règles mises en place.
  4. 973. Aux termes de l’article 11(1) de la loi du 23 décembre 1998 relative au statut monétaire et à la Banque centrale du Luxembourg, «la direction est l’autorité exécutive supérieure de la Banque centrale». En ce sens, la compétence accordée par l’article 36 au ministre du ressort, à l’effet d’accorder son agrément à une organisation appelée à assurer la défense collective des intérêts de ses membres, revient, pour la BCL, à la direction de cette dernière. L’A-BCL a sollicité, par demande adressée le 4 octobre 2004 à la direction de la BCL, son agrément comme représentation professionnelle de ses membres. Au moment de la plainte, la direction de la BCL avait toujours omis de rendre une décision expresse quant à la demande d’agrément précitée, ni dans le sens que l’agrément sollicité lui est accordé, ni dans le sens que cet agrément lui serait refusé pour des motifs légaux.
  5. 974. Par courrier joint à la plainte adressé le 23 mars 2005 au ministre des Finances, agissant en sa qualité de ministre de tutelle de la BCL pour tous les domaines, excepté le domaine des finances pour lequel la BCL bénéficie d’une autonomie, l’A-BCL s’est plainte du défaut de réaction de la direction de la BCL, tout en demandant au ministre d’intervenir auprès de la direction afin qu’elle accorde l’agrément sollicité, toutes les conditions légales pour l’obtenir étant remplies dans son chef. Cette lettre est toutefois restée sans réponse. L’A-BCL est dès lors intervenue le 21 juillet 2005 auprès du conseil de gouvernement (pièce jointe). Le ministre des Finances a finalement répondu, pour compte du gouvernement en conseil du Grand-Duché de Luxembourg, par courrier du 31 octobre 2005, en contestant en premier lieu le droit d’agir collectif de l’A-BCL en tant qu’association professionnelle sur la base légale invoquée et en relevant que la réclamation manquerait de fondement, dans la mesure où l’article 36 de la loi de 1979 laisserait une simple faculté à la direction de la BCL d’accorder son agrément, mais ne constituerait pas une obligation (pièce jointe). L’A-BCL n’avait pas pu obtenir au moment de la plainte l’agrément sollicité depuis le 4 octobre 2004 auprès de la direction de la BCL, qui refusait d’ailleurs de la reconnaître en tant que représentation professionnelle des agents de la BCL. Une telle situation était intolérable selon l’organisation plaignante car, bien que réunissant toutes les conditions légales à se voir reconnaître comme représentation professionnelle des agents de la BCL, elle ne disposait, deux ans après sa constitution, toujours pas d’une reconnaissance officielle par l’autorité exécutive de la BCL, et le gouvernement n’avait pris d’initiative pour remédier à cette carence.
  6. 975. Ce défaut de reconnaissance de l’A-BCL par la direction de la BCL s’avérait être d’autant plus grave que l’un des membres du conseil d’administration de l’A-BCL s’était récemment fait licencier par la direction de la BCL, alors même qu’il assumait les fonctions de vice-président et de secrétaire de l’A-BCL et qu’il devait ainsi bénéficier de l’interdiction légale de notifier une telle mesure à un délégué des agents de la BCL. La direction de la BCL, pour justifier le caractère légal de la mesure prise à l’égard du membre dirigeant de l’A-BCL, s’est notamment basée sur l’absence de reconnaissance de l’A-BCL pour s’estimer non tenue à respecter une quelconque interdiction légale. L’A-BCL se dit dès lors, à juste titre, d’avis que c’est dans cette intention de faire évincer toute protection légale revenant à un représentant du personnel de la BCL que la direction a à dessein évité la reconnaissance de l’A-BCL comme représentation officielle des agents de la BCL.
  7. 976. L’A-BCL considère que 1’«agrément ministériel» a pour objectif de constituer la reconnaissance de la représentativité de l’association professionnelle qui en fait la demande. Ainsi, si les organisations du personnel sont créées et qu’elles bénéficient d’une certaine représentativité, et surtout si, comme en l’espèce, une seule représentation du personnel est en place pour un établissement public déterminé, l’autorité supérieure est tenue d’accorder l’agrément. Or, selon l’A-BCL, cet agrément lui est indûment refusé, sans que ce refus ne se justifie pour des motifs légaux. Bien plus, le gouvernement, en interprétant d’une manière non conforme aux principes constants existant en droit administratif et en refusant de faire usage de son pouvoir de contrôle sur la direction de la BCL, afin que celle-ci accorde l’agrément sollicité par l’A-BCL depuis octobre 2004, approuve implicitement ce refus illégal de la direction de la BCL et agit en contrariété avec ses engagements contractés en ratifiant les conventions nos 87 et 151. En particulier, le gouvernement donne une interprétation erronée à l’article 36, en faisant valoir que l’octroi de l’agrément par l’autorité supérieure de la BCL constituerait une simple faculté de cette dernière, laissée à son appréciation libre et non liée, un acte purement «potestatif» (lettre du gouvernement du 31 octobre 2005, jointe à la plainte). Le gouvernement méconnaît, selon l’organisation plaignante, notamment le sens et la portée à donner aux dispositions de l’article 36. En effet, les règles gouvernant la mise en œuvre de cette disposition légale sont les suivantes: l’article 36 de la loi de 1979 ne doit pas être appliqué textuellement, alors qu’une telle interprétation reviendrait à conférer un pouvoir discrétionnaire, non lié, à l’autorité appelée à donner l’agrément à l’organisation professionnelle requérante. Or la convention no 87 a pour objet notamment d’éviter tout arbitraire dans la reconnaissance des associations professionnelles appelées à assurer la défense des intérêts collectifs de ses membres. L’interprétation donnée par le gouvernement à l’article 36 et l’appui de la position adoptée par la direction de la BCL vont ainsi dans le sens contraire à l’objectif poursuivi par la convention no 87 et constituent dès lors une violation de ses principes.
  8. 977. Par communication du 10 août, l’organisation plaignante informe le comité du fait que, même si l’agrément a été octroyé par la BCL, elle désire maintenir sa plainte, car sa mise en œuvre pratique par la direction de la BCL continue à poser problème. Selon l’A-BCL, la BCL a en effet, sous la pression politique du ministre du ressort et sous l’effet de la plainte déposée par l’A-BCL devant le BIT, finalement accordé son agrément à l’A-BCL comme représentation des agents de la BCL, par sa décision du 15 juin 2006. Il est cependant évident pour l’A-BCL que les conditions sous lesquelles cet agrément a été accordé et continue à être mis en œuvre ne satisfont pas l’A-BCL, ni d’ailleurs son organisation faîtière, la Confédération générale de la fonction publique (CGFP). En effet, selon l’A-BCL, la décision de la direction de la BCL se porte avec l’idée de mettre en échec l’agrément, accordé sous la force politique et syndicale, en tentant d’amener le législateur à modifier la loi-cadre portant institution de la BCL, surtout dans l’optique d’une réduction des pouvoirs de cette organisation syndicale.
  9. 978. Aussi l’organisation CGFP a-t-elle pris position par rapport à la décision de la direction de la BCL du 15 juin 2006 dans une communication adressée à cette dernière le 19 juillet 2006. Cette communication, annexée à la plainte, fait état, selon l’organisation plaignante, de critiques sévères à l’encontre de l’initiative diligentée par la direction de la BCL, qui se traduit par un bafouement des droits syndicaux de l’A-BCL, et aussi quant à la mise en œuvre pratique de l’agrément accordé. L’A-BCL s’inquiète sérieusement quant au libre exercice de son activité syndicale dans le futur, tant que la proposition de loi initiée par la direction de la BCL n’aura pas été retirée ou mise à néant et tant qu’elle n’aura pas de garanties que son activité syndicale ne sera plus remise en cause par la direction de la BCL.
  10. 979. L’A-BCL joint à sa communication la lettre du 15 juin 2006 par laquelle la BCL lui a accordé l’agrément. La BCL y précise que cette question a fait l’objet d’une concertation avec le gouvernement, et qu’en date du 2 mai 2006 le ministre chargé des relations avec la BCL a reconfirmé que l’agrément relève de la seule compétence de la direction de la banque et qu’il s’agit d’un acte purement potestatif. La direction de la BCL tient à souligner dans cette communication qu’elle regrette la polémique qui est née à propos de cette demande, alors qu’elle a toujours veillé à garantir un dialogue social et constructif au sein de la BCL et que son souci est de permettre une représentation effective de tous les statuts et carrières existant à la banque par des représentants élus sur base d’un suffrage secret et direct auquel pourront participer tous les agents de la BCL. Cette proposition d’organiser des élections se trouve également dans un avant-projet de loi transmis par la BCL au gouvernement. Parce que la direction de la BCL continue à être d’avis que la situation juridique pour l’exercice d’une représentation du personnel à la BCL n’est – en l’état actuel des textes légaux – pas claire, elle a œuvré et continuera à œuvrer dans le sens d’une intervention du législateur pour combler cette lacune.
  11. 980. Annexée à la communication du 10 août de l’A-BCL se trouve également une lettre adressée par la CGFP à la BCL en date du 19 juillet 2006, par laquelle la CGFP réagit à la lettre de la BCL. La CGFP allègue que certaines énonciations formulées par la BCL sont inacceptables car elles déforment la réalité des faits. En particulier, la direction de la BCL précise dans son courrier du 15 juin 2006 qu’elle «confirme sa reconnaissance de l’A-BCL comme représentation du personnel». L’A-BCL est, selon la CGFP, d’avis que la BCL ne reconnaît pas l’existence de l’A-BCL en tant que représentation du personnel de la BCL, dont elle a tout fait pour contrecarrer l’action syndicale en lui refusant l’agrément pendant près de deux ans. Par ailleurs, la BCL affirme que la direction de la BCL aurait, dès 1999, reconnu l’A-BCL «comme son interlocuteur dans le cadre du dialogue social». La CGFP se demande comment la direction de la BCL entend entretenir un dialogue social avec un partenaire social qu’elle a toujours refusé de reconnaître officiellement. D’autre part, l’interprétation donnée par la direction de la BCL aux dispositions de l’article 36 du statut général n’est pas conforme aux principes régissant l’application de ce texte. Il est encore inadmissible, selon la CGFP, que la direction de la BCL tente, par voie d’une proposition de loi modificative émanant d’elle, à restreindre les possibilités d’action de l’A-BCL et de s’immiscer ainsi indûment dans les compétences appartenant au ministre de la Fonction publique représentant le gouvernement et son partenaire social, la CGFP. La CGFP indique qu’elle s’opposera énergiquement à toute modification de la loi du 23 décembre 1998, qui aurait pour effet de restreindre le champ d’action de l’A-BCL, partant de la léser en ses droits syndicaux. En effet, les conventions nos 87, 98 et 151 érigent en principes fondamentaux les libertés d’association, de négociation collective et d’action syndicale. Ainsi, les initiatives de la direction de la BCL ont manifestement pour objectif de restreindre la libre mise en œuvre de ces libertés fondamentales dans le chef de l’A-BCL et trahissent des intentions malveillantes, ce qui se traduit par le fait que ces démarches ont été entreprises à l’insu de la représentation du personnel, c’est-à-dire sans consultation ni concertation préalables, donc en violation flagrante des dispositions légales et réglementaires concernant le dialogue et le partenariat sociaux.
  12. B. Réponse du gouvernement
  13. 981. Par une communication du 19 juillet 2006, le gouvernement informe le comité que la direction de la BCL a octroyé à l’A-BCL l’agrément comme représentant du personnel, conformément à l’article 36 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. Cet agrément a été accordé sur intervention du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et du ministre du Trésor et du Budget. Le gouvernement indique qu’il n’est donc pas complice d’un blocage du dialogue social et qu’il a pleinement respecté ses obligations dans le cadre des conventions de l’OIT.
  14. 982. Par communication du 24 novembre 2006, le gouvernement se dit fortement étonné que l’A-BCL continue le dossier. Les ministres luxembourgeois des Finances (ministre de tutelle) et du Travail estiment en fait qu’il ne revient pas au gouvernement de prendre position, alors que les reproches, notamment formulés par l’A-BCL dans sa lettre du 10 août 2006, ne visent pas du tout une violation des conventions internationales du travail par le gouvernement et le législateur luxembourgeois ni des actes et faits juridiques, mais de simples et prétendues intentions (d’ailleurs supputées ou devinées) de la direction de la BCL. Le gouvernement estime que tant sa législation que sa pratique sont conformes aux conventions internationales du travail invoquées.
  15. 983. Par une communication du 28 décembre 2006, le gouvernement indique que le litige en question ne tourne pas autour d’un texte législatif en vigueur ou en voie d’instance, mais exclusivement autour d’assertions, en grande partie d’ailleurs des procès d’intention, à l’encontre d’une entreprise isolée sur sa façon potentielle d’appliquer un texte, fût-il actuel ou en cours de vote. Le gouvernement argumente que le comité n’a pas compétence pour trancher sur des documents n’incriminant que des agissements futurs possibles de la part d’une direction. Le gouvernement ajoute à titre strictement accessoire et subsidiaire que, quant au fond, la contrariété ni du texte en vigueur ni du texte en élaboration, par rapport aux normes internationales du travail, n’est ni évoquée ni a fortiori prouvée. Les incriminations à l’attention de la direction de la BCL sont virtuelles et non réelles ou avérées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 984. Le comité note que l’Association professionnelle des agents de la Banque centrale du Luxembourg (A-BCL), légalement constituée en juillet 2004 et représentant plus de 75 pour cent de tous les agents de la Banque centrale du Luxembourg (BCL), allègue que les autorités refusent de lui accorder l’agrément nécessaire pour assurer la défense collective des intérêts de ses membres, malgré plusieurs demandes en ce sens depuis octobre 2004. L’organisation plaignante allègue également que la BCL tente, par voie d’une proposition de loi modificative, à restreindre les possibilités d’action de l’A-BCL.
  2. 985. Le comité note que les trois communications du gouvernement sont brèves, énonçant que 1) l’agrément a été accordé en 2006; 2) les allégations de l’A-BCL visent de simples et prétendues intentions de la BCL; et 3) le litige en question ne tourne pas autour d’un texte législatif en vigueur ou en voie d’instance, mais exclusivement autour d’assertions, en grande partie d’ailleurs des procès d’intention, à l’encontre d’une entreprise isolée sur sa façon potentielle d’appliquer un texte, fût-il actuel ou en cours de vote. Le gouvernement insiste qu’il n’a pas porté atteinte aux conventions de l’OIT.
  3. 986. Le comité note que l’A-BCL est une organisation légalement constituée ayant la personnalité juridique. Il note que l’article 36 de la loi modifiée du 16 avril 1979 portant statut légal des fonctionnaires de l’Etat (loi de 1979) stipule que «les associations professionnelles au sein des administrations, services et établissements de l’Etat peuvent être agréées par un arrêté du ministre du ressort comme représentation du personnel au nom duquel elles agissent» et que l’A-BCL a demandé cet agrément à la BCL le 4 octobre 2004. Le comité note que l’A-BCL estime que l’article 36 n’accorde pas la faculté au ministre du ressort d’accorder l’agrément, mais que ce dernier doit accorder l’agrément si l’association est représentative et si elle a été constituée légalement. Le comité note que le gouvernement donne une interprétation différente de cet article (lettre annexée à la plainte de l’A-BCL) et est d’avis que l’article 36 prévoit l’agrément d’une association en tant que représentation du personnel comme un acte purement potestatif, qui appartient à la direction de la BCL. Le comité observe que l’agrément a été finalement accordé à l’A-BCL le 15 juin 2006.
  4. 987. Le comité note cependant que, malgré la position exprimée par la direction de la BCL dans sa lettre au plaignant qui souligne qu’elle a depuis le début du fonctionnement opérationnel de la banque en 1999 reconnu l’A-BCL comme interlocuteur dans le cadre du dialogue social, en la consultant régulièrement sur toutes les questions qui relevaient de ses domaines de compétence et en organisant des réunions régulières avec son conseil d’administration, l’organisation plaignante allègue qu’elle n’a pas pu œuvrer dans l’intérêt de ses membres tant que l’agrément ne lui était pas accordé. En effet, selon l’organisation plaignante, l’un des membres du conseil d’administration de l’A-BCL s’est fait licencier par la direction de la BCL, alors même qu’il assumait les fonctions de vice-président et de secrétaire de l’A-BCL et qu’il devait ainsi bénéficier de l’interdiction légale de notifier une telle mesure à un délégué des agents de la BCL. La direction de la BCL, pour justifier le caractère légal de la mesure prise à l’égard du membre dirigeant de l’A-BCL, se serait notamment basée sur l’absence de reconnaissance de l’A-BCL pour s’estimer non tenue à respecter une quelconque interdiction légale.
  5. 988. Le comité considère que, si l’agrément est réellement créateur de droits pour l’organisation, cet agrément ne devrait pas être accordé de manière discrétionnaire. Le comité rappelle que les employeurs, y compris les autorités publiques agissant en tant qu’employeurs, devraient reconnaître, aux fins de la négociation collective, les organisations représentatives des travailleurs qu’ils occupent et que la reconnaissance par un employeur des principaux syndicats représentés dans son entreprise ou du plus représentatif d’entre eux constitue la base même de toute procédure de négociation collective des conditions d’emploi au niveau de l’établissement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 952 et 953.] Le comité demande au gouvernement de réviser l’article 36 de la loi de 1979, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, s’il ressort que la lecture de cette disposition permet une reconnaissance discrétionnaire des syndicats afin de la rendre conforme à la convention.
  6. 989. L’organisation plaignante exprime son inquiétude sur les relations professionnelles futures au sein de la banque en se fondant sur un certain nombre d’affirmations de la direction de la BCL. Dans une lettre de la BCL annexée à la plainte, la direction de la BCL regrette la polémique à propos de la demande d’agrément, alors que, selon elle, elle a toujours veillé à garantir un dialogue social et constructif au sein de la BCL. Son souci est de permettre une représentation effective de tous les statuts et carrières existant à la banque par des représentants élus sur base d’un suffrage secret et direct auquel pourront participer tous les agents de la BCL. La BCL explique qu’elle continue à être d’avis que la situation juridique pour l’exercice d’une représentation du personnel à la BCL n’est – en l’état actuel des textes légaux – pas claire, et elle a pour cette raison œuvré et continuera à œuvrer dans le sens d’une intervention du législateur pour combler cette lacune.
  7. 990. La CGFP considère dans une lettre en réponse à la BCL (également annexée à la plainte) que ces initiatives sont de nature à restreindre la libre mise en œuvre des libertés fondamentales dans le chef de l’A-BCL et trahissent des intentions malveillantes, ce qui se traduit par le fait que ces démarches ont été entreprises à l’insu de la représentation du personnel, c’est-à-dire sans consultation ni concertation préalables, donc en violation flagrante des dispositions légales et réglementaires concernant le dialogue et le partenariat sociaux.
  8. 991. Le gouvernement, pour sa part, affirme que le litige en question ne tourne pas autour d’un texte législatif en vigueur ou en voie d’instance, mais exclusivement autour d’assertions, en grande partie d’ailleurs des procès d’intention, à l’encontre d’une entreprise isolée sur sa façon potentielle d’appliquer un texte, fût-il actuel ou en cours de vote.
  9. 992. Le comité considère que les éléments d’information fournis n’appellent pas un examen plus approfondi sur la question. Toutefois, le comité note les allégations selon lesquelles la direction de la BCL souhaiterait parvenir à l’organisation d’élections de représentants de travailleurs auxquelles pourront participer tous les agents de la banque. A cet égard, le comité souhaite rappeler que les conventions (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et (no 154) sur la négociation collective, 1981, contiennent des dispositions expresses pour garantir que, lorsqu’une entreprise compte des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées soient prises pour assurer que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés et qu’il est essentiel que l’introduction d’un projet de loi affectant la négociation collective ou les conditions d’emploi soit précédée de consultations complètes et détaillées avec les organisations intéressées de travailleurs et d’employeurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 946 et 1075.]

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 993. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité demande au gouvernement de réviser l’article 36 de la loi de 1979 en consultation avec les partenaires sociaux concernés, s’il ressort que la lecture de cette disposition permet une reconnaissance discrétionnaire des syndicats, ceci afin de la rendre conforme à la convention.
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