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Interim Report - Report No 351, November 2008

Case No 2528 (Philippines) - Complaint date: 31-OCT-06 - Follow-up

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  1. 1180. Le comité a déjà examiné le fond de cette affaire lors de sa session de mai-juin 2007, date à laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 346e rapport, paragr. 1429 à 1462, approuvé par le Conseil d’administration à sa 299e session (juin 2007).]
  2. 1181. Le gouvernement a présenté ses observations dans des communications en date du 31 août 2007 et des 9 et 16 janvier 2008.
  3. 1182. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 1183. A sa session de juin 2007, à la lumière des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore la gravité des allégations faites dans le présent cas et le fait que, plus de dix ans après le dépôt de la dernière plainte sur cette question, les avancées réalisées par le gouvernement pour mettre un terme aux meurtres, enlèvements, disparitions et autres graves violations des droits de l’homme qui ne peuvent que renforcer le climat de violence et d’insécurité et avoir un effet extrêmement dommageable sur l’exercice des droits syndicaux, ont été inadéquates.
    • b) Le comité demande au gouvernement de:
    • i) le tenir informé des avancées de l’enquête qui doit être conduite par l’organe d’enquête mixte concernant les meurtres de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et, en particulier, des mesures prises pour enquêter sur les meurtres allégués par l’organisation plaignante dont la liste est donnée dans l’annexe I. Le comité espère fortement que l’enquête et les procès démarreront sans retard et en toute indépendance, de telle sorte que toutes les parties responsables puissent être identifiées et sanctionnées par les tribunaux compétents dès que possible et que l’on évite un climat d’impunité;
    • ii) diligenter dès que possible une enquête judiciaire indépendante et entamer une procédure devant les tribunaux compétents portant sur les allégations d’enlèvements et de disparitions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes dont la liste est donnée dans l’annexe II, en vue de faire pleinement la lumière sur les faits et circonstances concernés, déterminer les responsabilités, punir les coupables et empêcher la répétition d’événements semblables;
    • iii) le tenir informé des progrès réalisés à cet égard.
    • c) Notant que le gouvernement est dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire identifier et sanctionner les parties coupables – en particulier en s’assurant que les témoins, qui sont un élément crucial pour réussir à identifier et à poursuivre des suspects, sont efficacement protégés – et pour parvenir à empêcher la répétition de violations des droits de l’homme, le comité demande au gouvernement de prendre sans retard toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission Melo pour ce qui concerne: i) le renforcement du programme de protection des témoins; ii) une législation pour exiger que les forces de la police et de l’armée et d’autres fonctionnaires maintiennent une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les meurtres extrajudiciaires et autres délits commis par un personnel placé sous leur commandement, contrôle ou autorité; et iii) l’orientation et la formation des forces armées.
    • d) Déplorant profondément l’implication de l’armée et de la police dans l’intervention mettant fin à la grève qui a coûté la vie à au moins sept dirigeants syndicaux et syndicalistes et des blessures graves à 70 autres, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’une enquête indépendante soit menée, aux fins d’identifier et de punir sans plus de retard les responsables. Il demande également au gouvernement de donner aux autorités chargées de faire appliquer la loi des instructions appropriées pour éliminer le danger induit par le recours à une violence excessive en tentant de maîtriser des manifestations. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
    • e) Exprimant son inquiétude devant la présence prolongée de l’armée à l’intérieur des lieux de travail, qui est susceptible d’avoir un effet d’intimidation sur les travailleurs souhaitant s’engager dans des activités syndicales et de créer une atmosphère de méfiance difficilement compatible avec des relations professionnelles harmonieuses, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures, notamment la remise d’instructions appropriées, pour mettre un terme à la présence militaire prolongée à l’intérieur des lieux de travail.
    • f) Le comité demande au gouvernement de donner des instructions appropriées pour garantir qu’aucune mesure d’exception visant à protéger la sécurité nationale n’empêche de quelque façon que ce soit l’exercice par tous les syndicats de leurs droits et activités légitimes, grèves incluses, et ce quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
    • g) Le comité demande au gouvernement de donner sans retard des instructions précises permettant de garantir le strict respect de méthodes dûment avalisées mises en œuvre dans le cadre de toutes opérations de surveillance et d’interrogatoire par l’armée et la police, d’une manière garantissant que les droits des organisations de travailleurs puissent être exercés dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
    • h) Le comité demande au gouvernement de lui faire part de ses commentaires au sujet des allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes affiliés au KMU.
    • i) Le comité demande au gouvernement de lui envoyer toute décision judiciaire rendue dans les affaires relatives à l’arrestation de Crispin Beltran, président de longue date du KMU, ainsi que de cinq membres de la NFSW et de s’assurer que toute information pertinente soit collectée de façon indépendante afin de clarifier leur situation et les circonstances entourant leur arrestation. S’il s’avère, suite aux procédures judiciaires, que leur arrestation a eu un lien avec leurs activités syndicales, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer qu’ils soient immédiatement libérés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1184. Dans ses communications en date du 31 août 2007 et des 9 et 16 janvier 2008, le gouvernement indique d’emblée qu’il souhaite attirer l’attention du comité sur le fait que, comme de récents événements l’ont démontré, une guerre non déclarée fait pratiquement rage aux Philippines. Les forces armées des Philippines mènent actuellement une lutte armée contre les membres du groupe criminel Abou Sayyaf – qui s’est rallié au groupe terroriste international Jema’ah Islamiyah – dans les provinces de Basilan et Jolo, au sud du pays. Ce conflit a des répercussions sur le pays tout entier, notamment l’île de Mindanao. Parallèlement, encore que cela soit aussi lié à ce conflit, des groupes séparatistes du Front de libération islamique Moro (MILF) et du Front Moro de libération nationale (MA/LP) menacent également de passer à l’offensive. Parmi les exemples récents du paroxysme atteint, il convient de mentionner, en l’espace d’un mois, l’enlèvement du père Bossi (missionnaire italien de Milan), et le meurtre de 56 soldats philippins (sans compter les nombreuses autres personnes grièvement blessées). Par ailleurs, le Parti communiste des Philippines-Nouvelle armée populaire (CPP-NPA) continue d’attaquer des postes militaires et policiers dans tout le pays. le président du CPPNPA, M. José Ma. Sison, a été récemment arrêté aux Pays-Bas et inculpé des deux chefs d’accusation de meurtres et d’assassinats qui jusqu’à présent avaient été qualifiés d’exécutions extrajudiciaires imputées au gouvernement. C’est dans ce climat que le KMU, groupe syndical étroitement lié au CPP-NPA, a allégué l’assassinat de syndicalistes.
  2. 1185. Le gouvernement souligne qu’une distinction devrait être établie entre les activités syndicales légitimes devant être légalement protégées et la commission de crimes contre l’Etat que l’Etat est en droit de prévenir. La guerre actuellement menée contre des insurgés communistes est une rébellion vieille de soixante ans entretenue par des individus qui veulent renverser le gouvernement. La guerre a été menée sur de nombreux fronts, le front syndical étant le plus important car le mouvement communiste est ancré dans le mouvement syndical. Le gouvernement des Philippines a donc été confronté au dilemme de traiter avec des personnes qui portent une double casquette, dont l’une illégitime et utilisée à des fins purement révolutionnaires. Le gouvernement ne peut assurément pas hésiter dans sa manière de traiter ceux qui ont franchi la limite de la légitimité.
  3. 1186. Pour que sa position soit tout à fait claire, le gouvernement ajoute que la police et l’armée philippines ne poursuivent que les syndicalistes qui ont commis des actes de rébellion et non les syndicalistes qui exercent leurs droits syndicaux. Lorsqu’un syndicaliste franchit la ligne de démarcation entre la rébellion et l’activité syndicale légitime, la légitimité de l’action policière ou militaire, pour autant qu’elle soit exercée conformément à la Constitution et à la législation nationales, ne devrait faire aucun doute.
  4. 1187. Le gouvernement attire également l’attention du comité sur le fait que la description des faits par Karapatan ou la liste des allégations d’exécutions extrajudiciaires de syndicalistes et de professionnels des médias – sur laquelle se fonde, en partie, la plainte du KMU – n’est pas totalement exacte. Au moins cinq des 836 victimes supposées sont effectivement en vie. Aussi, bon nombre des cas invoqués ont trait en réalité à des crimes de nature privée qui n’ont absolument rien à voir avec les droits des syndicats et des défenseurs syndicaux.
  5. 1188. Le gouvernement fournit également des informations actualisées sur la situation de certaines affaires relatives aux 39 meurtres et neuf cas de disparitions forcées figurant dans les annexes I et II de l’examen antérieur du présent cas par le comité. En ce qui concerne les mesures prises pour enquêter sur ces 39 meurtres, le gouvernement indique que trois d’entre eux ont été imputés à des membres de la police, à des militaires ou à des fonctionnaires locaux et que des poursuites pénales sont en cours. Plus précisément, un policier a été inculpé du meurtre d’Angelito Mabansag, deux soldats de l’armée ont été inculpés du meurtre de Ricardo Ramos, président du Syndicat de la sucrerie centrale de Tarlac (CATLU, l’un des syndicats impliqués dans l’incident de l’Hacienda Luisita) et un capitaine et deux policiers du secteur de Barangay ont été accusés du meurtre de Dante Teotino. En outre, la plainte pénale visant des forces de police et des officiers de l’armée pour le meurtre de Samuel Bandilla et les lésions infligées à Bernardo Devaras a été rejetée par le procureur pour insuffisance de preuves; ce rejet a été confirmé ultérieurement par le ministère de la Justice.
  6. 1189. Dans sept affaires, les suspects identifiés n’étaient pas liés à l’armée ou la police (Rommel Arcilla, Melita Carvajal, Mario Fernandez, Abelardo Ladera, Jimmy Legaspi, Rolando Mariano y Thalla, Ramon Namuro, Victoria Samonte et Albert Terredano). Des poursuites pénales engagées dans quatre de ces cas contre les personnes accusées des meurtres de Jimmy Legaspi, Rolando Mariano y Thalla, Ramon Namuro et Rommel Arcilla sont en instance. Les personnes soupçonnées de l’assassinat de Mario Fernandez et d’Albert Terredano ont été tuées lors d’échanges de tirs entre syndicats du crime. En outre, une procédure de détermination de la responsabilité de l’engagement de poursuites pénales contre l’assassin présumé d’Abelardo Ladera est en instance devant le bureau du procureur.
  7. 1190. Dans six affaires, les parents des victimes ou témoins oculaires ont refusé de témoigner ou déclaré qu’ils ne souhaitaient pas continuer d’ester en justice; c’est pourquoi l’enquête n’a pas avancé (Felipe Lapa, Edwin Bargamento, Manuel Batolina, Ronnie Almoete, Federico de Leon, Dionesio Halim).
  8. 1191. Dans dix affaires, l’enquête suit son cours (Jessie Alcantara, Nilo Bayas, Ryan Cabrigas, Florante Collantes y Ballon, Dalmacio Cepeda, Noel Daray, Samuel Dote, Diosdado Fortuna, Benedicto Gabon, Erol Sending y Chavez). En ce qui concerne Diosdado Fortuna, président du syndicat chez Nestlé, Cabuayo, il ressort des informations actualisées réunies par le Comité présidentiel des droits de l’homme (annexées par le gouvernement à ses réponses) que l’affaire le concernant a été archivée. Selon le gouvernement, aucun élément ne permet d’identifier ses meurtriers, malgré l’unité d’enquête ad hoc créée par la police, mais la question est désormais suivie par le Comité présidentiel des droits de l’homme et la Commission des droits de l’homme a diligenté sa propre enquête sur cette affaire.
  9. 1192. Concernant les neuf cas de disparitions forcées, le gouvernement transmet les informations suivantes: i) s’agissant de Rogelio Concepcion, qui aurait été enlevé par des éléments de la 24e division d’infanterie le 6 mars 2006, le gouvernement indique que l’affaire est suivie par le Comité présidentiel des droits de l’homme; ii) s’agissant de l’allégation relative à l’agression, la torture et l’enlèvement, le 17 avril 2006, de Virgilio et Teresita Calilap, de Bernabe Mendiola et d’Oscar Leuterio, le gouvernement indique qu’ils ont probablement été enlevés par des terroristes communistes et non par l’armée et que le Bureau régional du DOLE no III a indiqué qu’ils étaient rentrés chez eux même si la police n’a aucune trace de leur retour car ils n’ont jamais pris la peine de se signaler aux autorités de police; iii) en ce qui concerne Emerito Gonzales Lipio et William Aguilar qui auraient été enlevés le 3 juillet 2006, le gouvernement indique qu’ils n’ont pas été enlevés mais arrêtés avec cinq autres personnes. Quatre des sept individus interpellés étaient porteurs d’explosifs illicites. Aguilar et Lipio ont été libérés par la suite.
  10. 1193. S’agissant des victimes de l’Hacienda Luisita, le gouvernement rappelle que, selon les allégations, une des victimes – Jessie Valdez – a reçu une balle dans la cuisse au cours de la dispersion à l’Hacienda Luisita, mais que les militaires, au lieu de le transporter à l’hôpital, l’ont emmené dans un camp militaire où il est décédé des suites d’une hémorragie. Il indique que l’enquête sur l’incident de l’Hacienda Luisita a révélé que les rangs des manifestants avaient été infiltrés. Sur les sept victimes, une est enregistrée dans le registre de la Police nationale des Philippines (PNP) de Tarlac comme membre du CPPNPA; les analyses de paraffine réalisées par le laboratoire criminel de la PNP ont confirmé la présence de traces de poudre sur les brûlures. Sur les 110 personnes arrêtées sur les lieux de l’incident, seuls sept travaillaient à l’Hacienda Luisita. Sur les 36 membres de la PNP impliqués dans l’opération de dispersion et soumis aux analyses de paraffine, neuf présentaient des brûlures contenant des traces de poudre et ont été inculpés d’homicide par le NBI. Le Comité présidentiel des droits de l’homme (un organe ministériel placé sous l’autorité du Cabinet de la présidence) suit le déroulement de l’affaire et enquête sur le cas spécifique de Jessie Valdez.
  11. 1194. Le gouvernement ajoute que le ministère du Travail suit étroitement avec les autorités chargées de faire appliquer la loi – en particulier, l’USIG, groupe d’étude de la Police nationale des Philippines – et les bureaux régionaux du ministère l’évolution des autres affaires relatives à des allégations de meurtres et d’enlèvements ou de disparitions forcées. Des informations actualisées sur ces affaires seront communiquées dès qu’elles seront disponibles. Le gouvernement des Philippines multiplie les efforts pour que ces affaires soient résolues.
  12. 1195. Toutes les branches du gouvernement des Philippines sont en fait associées à la recherche de solutions à ce problème. Tout récemment, et fait sans précédent, la Cour suprême a convoqué un sommet multisectoriel sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées auquel ont participé des représentants de tous les secteurs sociaux. Le gouvernement joint à sa communication le résumé des recommandations du Sommet national consultatif sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées: recherche de solutions (Sommet national consultatif), qui a eu lieu les 16-17 juillet 2007 à Manille. Il indique en outre qu’une part importante de l’ordre du jour de ce sommet – portant sur la Haute Cour – portait sur une proposition visant à remédier à l’application imparfaite de la règle de procédure d’habeas corpus, afin d’améliorer la protection et la sauvegarde des droits constitutionnels. Selon les dernières informations en date, la Cour suprême s’apprêterait à édicter le principe de production obligatoire de preuves, en tant que mesure complémentaire du recours en habeas corpus, afin de permettre aux enquêtes d’aboutir. Cette initiative s’ajoute à la décision antérieure de la Haute Cour de désigner des tribunaux d’exception chargés de résoudre promptement et de statuer sur les cas d’exécutions extrajudiciaires.
  13. 1196. Plusieurs autres problèmes sont examinés par le 14e Congrès qui a été récemment convoqué. Des projets ou propositions de loi sont actuellement examinés qui visent à modifier le système de protection des témoins, la loi sur la protection, la sécurité et les garanties des témoins et/ou à alourdir les sanctions applicables aux exécutions extrajudiciaires – un projet de loi intitulé: loi qualifiant les exécutions extrajudiciaires commises par tout fonctionnaire public, personne ayant autorité ou agent placé sous le commandement d’une personne ayant autorité de crime odieux, passible de la peine de mort.
  14. 1197. Le gouvernement joint également à sa communication l’arrêt de la Cour suprême rendu dans le cadre de l’affaire relative à Crispin Beltran, afin de démontrer clairement que son arrestation n’est pas liée, de quelque manière que ce soit, à sa fonction de dirigeant syndical. A titre d’information, Crispin Beltran est désormais bien plus qu’un dirigeant syndical, c’est un politicien plus actif dans la sphère politique que syndicale.
  15. 1198. Le gouvernement assure le comité qu’un environnement ou climat sain en matière de syndicalisme règne actuellement dans le pays. La paix sociale y est relative, avec seulement trois grèves déclarées depuis janvier 2007; sur les 93 préavis de grève/lock-out déposés, un seul a effectivement donné lieu à un arrêt de travail. Le taux de normalisation professionnelle est de 100 pour cent attendu que toutes les velléités de grève ont été réglées ou résolues. Le gouvernement reconnaît que la situation actuelle en matière de relations de travail n’est pas aussi parfaite ou idéale que l’on pourrait ou que le comité pourrait le souhaiter mais estime qu’elle n’est certainement pas aussi mauvaise que le KMU le prétend ou tente de le faire croire au comité. Les succès obtenus à ce jour avec l’aide du BIT pour promouvoir des relations de travail pacifiques et le travail décent sont des avancées dont le gouvernement s’enorgueillit. Il espère que ces progrès ne seront pas réduits à néant parce que l’on aura considéré comme véridiques, et agi en conséquence, des accusations et informations infondées quant aux excès du gouvernement, et refusé de prendre en compte la situation à laquelle le gouvernement des Philippines est actuellement confronté.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1199. Le comité prend note de l’information fournie par le gouvernement.
  2. 1200. Le comité rappelle que le présent cas porte sur les allégations suivantes: i) exécutions sommaires de 39 dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux et travailleurs du secteur informel de 2001 à 2006; ii) neuf cas d’enlèvements et de disparitions forcées de dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux et travailleurs du secteur informel, commis par des éléments de l’armée et de la police de janvier 2001 à juin 2006; iii) harcèlement, intimidation et menaces graves commises par l’armée et les forces de police à l’encontre de dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux et travailleurs du secteur informel; iv) militarisation des lieux de travail dans des sociétés paralysées par une grève ou par l’existence d’un conflit du travail entre la direction et les travailleurs et où les syndicats déjà en place ou en cours de constitution sont considérés progressistes ou militants, par la mise en place de détachements de l’armée et/ou le déploiement de forces de police et de l’armée sous prétexte d’opérations de contre-insurrection; et v) arrestation et détention suivies de poursuites judiciaires pénales à l’encontre de dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux et travailleurs du secteur informel du fait de leur implication et de leur participation active dans des activités économiques et politiques légitimes de syndicats et d’associations de travailleurs du secteur informel.
  3. 1201. Le comité rappelle une nouvelle fois que la présente plainte est la troisième à lui être présentée concernant de très graves allégations de meurtres, disparitions, d’attaques de piquets de grève et d’arrestations illégales aux Philippines. [Voir 292e rapport, cas no 1572, paragr. 297-312, et 279e rapport, cas no 1444, paragr. 544-562.] Lors de l’examen antérieur du cas, le comité a déploré la gravité des allégations et le fait que, plus de dix ans après le dépôt de la dernière plainte sur cette question, les avancées réalisées par le gouvernement pour mettre un terme aux meurtres, enlèvements, disparitions et autres graves violations des droits de l’homme qui ne peuvent que renforcer le climat de violence et d’insécurité et avoir un effet extrêmement dommageable sur l’exercice des droits syndicaux ont été inadéquates. [Voir 346e rapport, paragr. 1437.]
  4. 1202. Le comité prend note des observations générales formulées par le gouvernement dans le cadre du présent cas, notamment en ce qui concerne la distinction qui, selon lui, devrait être établie entre les activités syndicales légitimes devant être légalement protégées et la commission de crimes contre l’Etat, que l’Etat est en droit de prévenir. Le gouvernement insiste sur le fait qu’une guerre non déclarée, menée par différents groupes fait rage aux Philippines. Le Parti communiste des Philippines-Nouvelle armée populaire (CPP-NPA) continue d’attaquer des postes militaires et policiers dans tout le pays. Le président du CPP-NPA, M. José Ma. Sison, a été récemment arrêté aux Pays-Bas et inculpé des deux chefs d’accusation de meurtres et d’assassinats qui jusqu’à présent avaient été qualifiés d’exécutions «extrajudiciaires» et imputés au gouvernement. C’est dans ce climat que le KMU, organisation plaignante étroitement liée au CPP-NPA, a formulé des allégations d’assassinats de syndicalistes. Le gouvernement ajoute que la guerre actuellement menée contre des insurgés communistes est une rébellion vieille de soixante ans entretenue par des individus qui souhaitent renverser le gouvernement; la guerre a été menée sur de nombreux fronts, le front syndical étant le plus important d’entre eux, parce que le mouvement communiste est ancré dans le mouvement syndical. Ainsi, le gouvernement a été confronté au dilemme de traiter avec des personnes portant une double casquette, dont l’une illégitime et utilisée à des fins purement révolutionnaires. Pour que sa position soit tout à fait claire, le gouvernement indique que la police et l’armée philippines ne poursuivent que les syndicalistes qui commettent des actes de rébellion et non les syndicalistes qui exercent leurs droits syndicaux. Lorsqu’un syndicaliste franchit la ligne de démarcation entre la rébellion et l’activité syndicale légitime, la légitimité de l’action policière ou militaire, pour autant qu’elle soit exercée conformément à la Constitution et à la législation nationale, ne devrait faire aucun doute.
  5. 1203. Le comité tient à souligner que le droit à la vie est la condition de base de l’exercice des droits consacrés dans la convention no 87 [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 42] ratifiée par les Philippines. Un climat de violence, tel que celui que reflètent l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux, ou des actes d’agression dirigés contre les locaux et les biens d’organisations de travailleurs et d’employeurs, constitue un grave obstacle à l’exercice des droits syndicaux; de tels actes exigent de sévères mesures de la part des autorités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 46.] L’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 48.] En conséquence, les gouvernements doivent s’efforcer de ne pas violer leurs devoirs de respect des droits et des libertés individuelles, ainsi que leur devoir de garantir le droit à la vie des syndicalistes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 47.]
  6. 1204. Le comité souligne que les personnes engagées dans des activités syndicales, ou titulaires d’un mandat syndical, ne peuvent invoquer l’immunité en matière pénale. Il rappelle qu’il incombe aux pouvoirs publics de préserver un climat social où le droit prévaut, puisque c’est la seule garantie du respect et de la protection de l’individu. Il convient d’adopter toutes les mesures adéquates pour garantir que, quelle que soit la tendance syndicale, les droits syndicaux puissent s’exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 34 et 35.] Tout en tenant dûment compte de l’affirmation du gouvernement selon laquelle «la police et l’armée philippines ne poursuivent que les syndicalistes qui ont commis des actes de rébellion et non ceux exerçant leurs droits syndicaux», le comité rappelle que la Commission indépendante chargée des meurtres de membres des médias et d’activistes (Commission Melo), dans sa décision du 22 janvier 2007, a conclu qu’«il existe des présomptions reliant certains éléments de l’armée aux meurtres» et a notamment recommandé à «la Présidente et à tous les services gouvernementaux de condamner avec la plus grande force politique possible les exécutions extrajudiciaires». Le comité prend également note du rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires du 16 avril 2008, dans lequel il a indiqué que: «[l]’armée nie son implication dans les nombreuses exécutions extrajudiciaires commises» [document A/HRC/8/3/Add.2, p. 2, paragr. 28] et recommandé à la Présidente, «en sa qualité de commandant en chef des forces armées, de prendre des mesures concrètes pour mettre un terme aux aspects spécifiques des opérations contre-insurrectionnelles qui ont conduit à prendre pour cible et à exécuter de nombreuses personnes travaillant avec des organisations de la société civile». [Document A/HRC/8/3/Add.2, paragr. 67.]
  7. 1205. Le comité rappelle que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a souligné que les conventions sur la liberté syndicale ne contiennent pas de dispositions permettant d’invoquer l’excuse d’un état d’exception pour motiver une dérogation aux obligations découlant des conventions aux termes de celles-ci ou une suspension de leur application. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 193.] Toutes les mesures appropriées devraient donc être adoptées pour garantir que, quelle que soit la tendance syndicale, les droits syndicaux puissent s’exercer normalement, dans le respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions, de crainte et de menaces de tous ordres. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 35.] Les travailleurs doivent avoir le droit, sans distinction d’aucune sorte, notamment sans aucune discrimination tenant aux opinions politiques, de s’affilier au syndicat de leur choix. Ils devraient pouvoir constituer dans un climat de pleine sécurité les organisations qu’ils jugent appropriées, qu’ils approuvent ou non le modèle économique et social du gouvernement ou même le modèle politique du pays. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 212 et 213.]
    • Exécutions extrajudiciaires
  8. 1206. Le comité rappelle que, lors de l’examen antérieur du présent cas, il avait prié le gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés dans le cadre de l’enquête menée par l’organe d’enquête mixte. Le comité avait également exprimé des réserves quant au fait que les parties chargées de la mise en place de cet organe incluaient des membres du Département de la défense nationale alors que la Commission Melo avait recommandé que l’enquête soit menée par un organe ou un organisme indépendant des forces armées. [Voir 346e rapport, paragr. 1436-1438.]
  9. 1207. Le comité note que la communication du gouvernement ne contient aucune information relative à la mise en place de l’organe mixte d’enquête ou sur les activités menées par ce dernier. Il ressort des informations figurant en annexe du rapport du gouvernement, que l’USIG, le groupe d’étude de la Police nationale philippine (PNP), a apparemment été institué le 13 mai 2006 sur ordre du ministre de l’Intérieur et du ministre des Autorités locales «afin d’enquêter sur l’assassinat de militants et de personnalités médiatiques». A la mi-juillet 2007, l’USIG avait été saisi de 116 affaires relatives à des militants assassinés. Ces 116 affaires avaient été sélectionnées, entre autres, parmi les 836 victimes signalées par Karapatan, une organisation liée à la communauté activiste du KMU. Le chiffre allégué de 836 victimes a été qualifié d’«exagéré et trompeur»; 529 cas signalés par Karapatan ont été «exclus» de l’enquête menée par l’USIG au motif que les meurtres n’avaient aucun rapport avec des activités militantes (entre autres, huit étaient liés à un «conflit de travail» et dix concernaient un «différend agraire/foncier»; en outre, cinq victimes présumées – non visées par la présente plainte – étaient en réalité en vie, malgré des allégations contraires).
  10. 1208. Ainsi, sur les 116 cas de «militants assassinés» en instance auprès de l’USIG à la mi-juillet 2007, 61 ont fait l’objet d’une enquête: cinq assassinats auraient été perpétrés par le CPP-NPA et sept auraient impliqué des membres de l’armée ou des militaires actifs. En outre, 55 autres affaires (47 pour cent des 116 cas) ont été «classées»: 24 ont été imputées au CPP-NPA (22 suspects en fuite, une personne arrêtée et une tuée); des éléments militaires étaient considérés suspects dans six autres (un suspect s’est rendu, un autre a été arrêté et un autre a «négocié»).
  11. 1209. En ce qui concerne les mesures prises pour enquêter sur les 39 assassinats retenus dans la plainte, le comité note que, selon le gouvernement, dix ont été imputés à des forces de police, à des militaires ou à des fonctionnaires locaux et que des poursuites pénales sont en cours. Plus précisément, un policier a été inculpé du meurtre d’Angelito Mabansag, deux soldats de l’armée ont été inculpés du meurtre de Ricardo Ramos, président du Syndicat de la sucrerie centrale de Tarlac (CATLU, l’un des syndicats impliqués dans l’incident de l’Hacienda Luisita) et un capitaine ainsi que deux policiers du secteur de Barangay ont été accusés du meurtre de Dante Teotino. En outre, neuf policiers ont été inculpés par le NBI de plusieurs homicides dans le cadre du décès de sept travailleurs lors de la dispersion de l’Hacienda Luisita (voir ci-dessous). Enfin, la plainte pénale (sans que l’on sache si elle a été formée par les autorités ou par la famille de la victime) visant des policiers et des officiers de l’armée pour le meurtre de Samuel Bandilla et les lésions infligées à Bernardo Devaras a été rejetée par le procureur pour insuffisance de preuves; ce rejet a été confirmé ultérieurement par le ministère de la Justice.
  12. 1210. Le comité note également que, dans sept cas, les suspects identifiés n’avaient aucun lien avec l’armée ou la police (Rommel Arcilla, Melita Carvajal, Mario Fernandez, Abelardo Ladera, Jimmy Legaspi, Rolando Mariano y Thalla, Ramon Namuro, Victoria Samonte et Albert Terredano ). Les poursuites pénales engagées dans quatre de ces cas à l’encontre des personnes accusées du meurtre de Rommel Arcilla, Jimmy Legaspi, Rolando Mariano y Thalla et Ramon Namuro sont en cours. Les personnes soupçonnées de l’assassinat de Mario Fernandez et d’Albert Terredano ont été tuées lors d’échanges de tirs entre syndicats du crime. En outre, une procédure de détermination de la responsabilité de l’engagement de poursuites pénales contre l’assassin présumé d’Abelardo Ladera est en instance devant le bureau du procureur.
  13. 1211. Le comité note également que, dans six affaires, les parents des victimes ou témoins oculaires ont refusé de témoigner ou déclaré qu’ils ne souhaitaient pas continuer à ester en justice; l’enquête n’a donc pas progressé (Ronnie Almoete, Edwin Bargamento, Manuel Batolina, Dionesio Halim, Felipe Lapa et Federico de Leon).
  14. 1212. Dans dix affaires, le gouvernement se borne à constater que l’enquête suit son cours (Jessie Alcantara, Nilo Bayas, Ryan Cabrigas, Florante Collantes y Ballon, Dalmacio Cepeda, Noel Daray, Samuel Dote, Diosdado Fortuna, Benedicto Gabon, Erol Sending y Chavez). En ce qui concerne Diosdado Fortuna, président du Syndicat chez Nestlé, Cabuayo, le comité relève du tableau établi par le Comité présidentiel des droits de l’homme (figurant en annexe du rapport du gouvernement) que l’affaire a été archivée. Le comité note que, selon le gouvernement, aucun élément ne permet d’identifier les auteurs du meurtre, malgré l’unité d’enquête ad hoc créée par la police, mais que l’affaire est suivie par le Comité présidentiel des droits de l’homme et que la Commission des droits de l’homme a diligenté sa propre enquête en l’espèce.
  15. 1213. Enfin, le comité note qu’aucune information n’a été communiquée concernant Ronald Andrada, Nemita Labordio, Antonio Pantonial et Albert Terredano.
  16. 1214. Tout en notant avec intérêt les progrès réalisés par l’USIG dans l’enquête sur les cas allégués d’exécutions extrajudiciaires, le comité ne peut que regretter que les informations portées à son attention ne se réfèrent à aucune condamnation prononcée à ce jour pour de tels actes d’une gravité extrême, en dépit du fait que les incidents remontent à 2001. En outre, le comité note que des suspects ont été identifiés dans 17 des 39 cas individuels portés à son attention et que des poursuites judiciaires n’ont été engagées que contre les suspects présumés de sept de ces cas. En outre, seuls les suspects de 42 des 116 cas dont est saisi l’USIG ont été identifiés sans que, visiblement, aucune condamnation n’ait été prononcée à ce jour par les juridictions compétentes. Le comité rappelle une nouvelle fois que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 105.] L’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 52.] Le comité note que l’USIG reconnaît les difficultés qui empêchent l’aboutissement des enquêtes, en particulier, la faiblesse du Programme de protection des témoins, le manque de formation des forces de police et les structures et ressources d’enquête limitées. Le comité reviendra sur ces questions ci-dessous.
  17. 1215. Le comité rappelle, une fois encore, que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou les lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 48.] Il prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’enquête et l’examen judiciaires de tous les actes d’exécutions extrajudiciaires soient menés à terme sans délai. En particulier, le comité demande instamment au gouvernement de lui communiquer des informations additionnelles sur les mesures prises pour enquêter de manière approfondie sur les 39 exécutions extrajudiciaires alléguées par l’organisation plaignante, de sorte que toutes les parties responsables puissent, dès que possible, être identifiées et sanctionnées devant les juridictions compétentes et qu’un climat d’impunité soit évité. Le comité espère que les recommandations formulées par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires seront prises en compte dans ce cadre, et demande à être tenu informé de l’évolution de la situation.
  18. 1216. Le comité prie instamment également le gouvernement de lui communiquer sans délai des informations et des précisions supplémentaires sur: les progrès réalisés par l’USIG pour enquêter sur les plaintes pour assassinats et identifier les suspects; les méthodes de travail utilisées par l’USIG, et en particulier la définition des affaires relatives à des «militants assassinés» que l’USIG considère comme relevant de son mandat; ce que l’on entend par les affaires «rejetées» et «réglées»; le processus suivi une fois l’enquête conclue en vue de traduire en justice les coupables; les activités menées par d’autres organismes actuellement chargés d’enquêter sur les meurtres; le taux de poursuites ayant abouti et les peines prononcées.
    • Enlèvements et disparitions forcées
  19. 1217. S’agissant de la demande du comité à l’effet qu’une enquête et que des procédures judiciaires indépendantes soient ouvertes et engagées devant les juridictions compétentes afin que toute la lumière soit faite sur les allégations d’enlèvements et de disparitions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes formulées par le requérant, le comité note avec regret qu’à l’exception d’informations parcellaires sur trois incidents, le gouvernement ne fait aucune référence dans sa réponse aux mesures prises à cette fin.
  20. 1218. Le comité note que le gouvernement transmet les informations suivantes concernant trois des neuf incidents portés à son attention: i) concernant Rogelio Concepcion, qui aurait été enlevé par des éléments de la 24e division d’infanterie le 6 mars 2006, le gouvernement indique que l’affaire fait l’objet d’un suivi par le Comité présidentiel des droits de l’homme; ii) s’agissant de l’allégation d’agression, de torture et d’enlèvement de Virgilio et Teresita Calilap, de Bernabe Mendiola et d’Oscar Leuterio le 17 avril 2006, le gouvernement indique qu’ils ont probablement été enlevés par des terroristes communistes et non par l’armée et que le Bureau régional du DOLE no III a indiqué qu’ils étaient rentrés chez eux mais que la police n’a aucune trace de leur retour car ils n’ont jamais pris la peine de se signaler auprès des autorités de police; iii) en ce qui concerne Emerito Gonzales Lipio et William Aguilar qui auraient été enlevés le 3 juillet 2006, le gouvernement indique qu’ils n’ont pas été enlevés mais arrêtés avec cinq autres personnes. Quatre des sept individus arrêtés étaient en possession d’explosifs illicites. Aguilar et Lipio ont été libérés par la suite. Notant qu’apparemment aucune charge n’a été retenue contre Aguilar et Lipio, le comité rappelle que l’arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n’est ultérieurement retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale et que les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 70.]
  21. 1219. Le comité note également que le gouvernement ne fournit aucune information sur les allégations suivantes: Rafael Tarroza (enlevé le 8 janvier 2006; aurait été interrogé et menacé par les militaires et renvoyé chez lui six heures plus tard, après avoir accepté de coopérer); Armando Leabres (enlevé le 10 janvier 2006, retrouvé mort); Francis Noel Desacula (enlevé le 29 septembre 2006, manquant); Robin Solano et Ricardo Valmocina (enlevés le 1er février 2006, manquants); Ronald Intal (enlevé le 3 avril 2006, manquant); Leopoldo Ancheta (enlevé le 24 juin 2006, manquant).
  22. 1220. Le comité rappelle que, lors de l’examen antérieur de ce cas, il avait exprimé sa préoccupation sur le fait que le mandat de la Commission Melo se limite aux exécutions extrajudiciaires, de sorte que les allégations d’enlèvements et de disparitions demeurent inexplorées malgré leur extrême gravité. [Voir 346e rapport, paragr. 1442.] Le comité souligne que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 48.] Le comité souligne également une nouvelle fois que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 52.] Le comité demande donc à nouveau instamment au gouvernement de diligenter dès que possible une enquête indépendante et d’engager des procédures devant les tribunaux compétents sur les allégations d’enlèvements et de disparitions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, en vue de faire pleinement la lumière sur les faits et circonstances concernés, de déterminer les responsabilités, de punir les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. Le comité demande à être tenu informé des progrès réalisés à cet égard.
    • Autres recommandations de la Commission Melo
  23. 1221. Le comité rappelle que, lors de l’examen antérieur de ce cas, il avait demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission Melo pour ce qui concerne: i) le renforcement du Programme de protection des témoins; ii) une législation pour exiger que les forces de la police et de l’armée et d’autres fonctionnaires maintiennent une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les meurtres extrajudiciaires et autres délits commis par un personnel placé sous leur commandement, contrôle ou autorité; et iii) l’orientation et la formation des forces armées.
  24. 1222. S’agissant du renforcement du Programme de protection des témoins, le comité rappelle, compte tenu de ce qui a été évoqué plus haut, que selon le gouvernement, dans six affaires de meurtre mentionnées dans la présente plainte, les parents des victimes ou les témoins oculaires ont refusé de témoigner ou déclaré qu’ils ne souhaitaient pas continuer d’ester en justice. Le comité note également qu’il ressort des informations figurant en annexe de la réponse du gouvernement que l’USIG estime que la «[r]éticence des familles de victimes et des témoins à coopérer à l’enquête par crainte de représailles» et le «champ limité ainsi que les infrastructures et ressources insuffisantes du Programme gouvernemental de protection des témoins (WPP)» constituaient l’un des principaux obstacles à la progression des enquêtes. Il note, en outre, que le Rapporteur spécial des Nations Unies a également indiqué, citation reprise dans les informations fournies par l’USIG, que «les témoins sont particulièrement vulnérables lorsque les forces accusées de meurtres sont trop souvent celles qui sont chargées, ou qui sont liées à ces dernières, d’assurer leur sécurité. Le message, concrètement, est que si vous voulez prolonger votre espérance de vie vous devez éviter d’être cité en qualité de témoin dans une procédure pénale pour homicide.» [Document A/HRC/8/3/Add.2, paragr. 52.] Le comité prend également note des recommandations spécifiques formulées par le Rapporteur spécial des Nations Unies en vue de «réformer et de mettre pleinement en œuvre le Programme de protection des témoins». [Document A/HRC/8/3/Add.2, paragr. 71.]
  25. 1223. A cet égard, le comité prend également note du résumé des recommandations du Sommet national consultatif sur les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées: recherche de solutions (Sommet national consultatif), qui a eu lieu les 16-17 juillet 2007 à Manille. Le comité note que le sommet, qui avait été convoqué par la Cour suprême, a recommandé entre autres choses d’examiner le Programme de protection des témoins afin de le «recentrer sur son objectif initial d’assurer la sécurité et la protection des témoins», d’autoriser «les organisations non gouvernementales (ONG) à élaborer et mettre en œuvre leurs propres programmes de protection des témoins» et d’autoriser le gouvernement «à mener cette mission en coopération avec les ONG et à trouver une solution au problème des témoins qui répugnent à solliciter une protection au titre du programme gouvernemental parce que les auteurs présumés des actes visés font eux-mêmes partie du gouvernement».
  26. 1224. Le comité note que, selon le gouvernement, des projets ou propositions de loi sont actuellement examinés en vue d’amender la loi sur la protection, la sécurité et les garanties des témoins. Constatant une fois de plus que le gouvernement est dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire identifier et sanctionner les parties coupables – en particulier en s’assurant que les témoins, qui sont un élément crucial pour réussir à identifier et à poursuivre des suspects, sont efficacement protégés – et pour parvenir à empêcher la répétition de violations des droits de l’homme, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour amender la loi susnommée et, de manière générale, renforcer le Programme de protection des témoins. Le comité espère que les recommandations formulées par toutes les parties, y compris la Commission Melo, le Sommet national consultatif et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, seront prises en considération à cet égard.
  27. 1225. S’agissant des questions relatives au maintien d’une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les meurtres extrajudiciaires et d’autres délits et à l’orientation et à la formation des forces armées, le comité regrette que la réponse du gouvernement ne contienne aucune information substantielle sur ce sujet. Le comité observe que le Rapporteur spécial des Nations Unies a estimé que «[l]es mesures nécessaires devraient être prises pour veiller à ce que le principe de la responsabilité de commandement, tel qu’entendu en droit international, constitue la base de la responsabilité pénale dans l’ordre juridique interne». [Document A/HRC/8/3/Add.2, paragr. 67.] Le comité note également que le Sommet national consultatif a souligné la nécessité de «trouver les moyens de mettre en œuvre la doctrine de la responsabilité de commandement ... en cas de commission d’abus humanitaires»; le sommet est également allé au-delà de la question de l’orientation et de la formation des forces armées en recommandant la réalisation d’«une campagne d’information publique de promotion des valeurs morales et éthiques qui mette l’accent sur l’importance de la tolérance et du respect de la primauté du droit, conformément aux exigences d’une société pluraliste».
  28. 1226. Le comité estime que, compte tenu des conclusions de la Commission Melo (voir ci-dessus) et du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, il importe au plus haut point que des mesures soient prises immédiatement pour que tous les militaires prennent pleinement conscience des principes en vertu desquels les travailleurs devraient pouvoir constituer dans un climat de pleine sécurité les organisations qu’ils jugent appropriées, qu’ils approuvent ou non le modèle économique et social du gouvernement ou même le modèle politique du pays. Un climat de violence, de menaces et d’intimidation à l’encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice et la pleine jouissance des droits et libertés garantis par les conventions nos 87 et 98, et tous les Etats ont le devoir indéniable de promouvoir et de défendre un climat social où le respect de la loi règne en tant que seul moyen de garantir et de respecter la vie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 213 et 58.]
  29. 1227. Le comité prie donc à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission Melo pour ce qui concerne l’adoption d’une législation pour exiger que les forces de la police et de l’armée et d’autres fonctionnaires maintiennent une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les meurtres extrajudiciaires et autres délits commis par un personnel placé sous leur commandement, contrôle ou autorité. Le comité demande à être tenu informé à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour que les forces armées reçoivent des instructions, une orientation et une formation adéquates de nature à promouvoir un climat social où le respect de la loi est le seul moyen de garantir le respect et la protection du droit à la vie. Le comité espère que les recommandations formulées par toutes les parties, y compris la Commission Melo, le Sommet national consultatif et le Rapporteur spécial des Nations Unies, seront prises en considération à cet égard et demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard.
  30. 1228. Le comité note qu’outre la question de la formation et de l’orientation des forces armées les documents communiqués par l’USIG insistent sur la nécessité d’offrir une formation aux forces de police pour améliorer l’efficacité des enquêtes. En outre, l’USIG fait référence aux «infrastructures et ressources limitées (médecine légale mobile et matériel de communication) qui entravent les procédures d’enquête». Le manque de structures médico-légales et la dépendance excessive à l’égard de témoins intimidés qui finissent par se volatiliser ont en outre été signalés par le Rapporteur spécial des Nations Unies [document A/HRC/8/3/Add.2, paragr. 55] et évoqués par l’USIG.
  31. 1229. Le comité prend également note des recommandations du Sommet national consultatif selon lesquelles la PNP devrait dispenser une «formation sur les procédures devant être respectées au cours des enquêtes préliminaires afin de traiter des problèmes liés au rejet des plaintes pour vice de procédure par les autorités de police»; et «une meilleure coopération devrait être instaurée entre les enquêteurs de police et les procureurs afin d’accélérer l’instruction des affaires».
  32. 1230. Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les policiers reçoivent la formation nécessaire et bénéficient des infrastructures adéquates afin qu’ils puissent efficacement et rapidement instruire et élucider les affaires d’exécutions extrajudiciaires et à ce que les coupables soient identifiés, traduits en justice et punis. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
  33. 1231. Enfin, le comité prend note des autres recommandations du Sommet national consultatif adressées aux tribunaux, au pouvoir exécutif et au pouvoir législatif. En particulier, le comité rappelle, parmi les nombreuses recommandations du sommet, celle relative à la nécessité «d’examiner soigneusement la possibilité de créer une nouvelle infraction lorsque la victime ou le plaignant est un journaliste, un juge, une personnalité des médias ou un militant exécuté ou enlevé dans l’exercice de ses fonctions ou de sa profession. A l’heure actuelle, ni le Code pénal révisé ni aucune autre loi pertinente ne qualifient les exécutions extrajudiciaires et les enlèvements d’infractions pénales.» En outre, le sommet a souligné que «la Cour suprême [devrait] édicter une norme permettant aux personnes menacées d’exécutions extrajudiciaires de solliciter une ordonnance en protection et d’être protégées par le NBI ou la police»; et que «les juges devraient être protégés par des gardes du corps pour assurer leur sécurité». En outre, le sommet a proposé que les tribunaux comblent les lacunes constatées dans la responsabilité de la chaîne de commandement en instituant une présomption contestable de connaissance par le supérieur des actes commis par son subordonné et d’éliminer la présomption de régularité dans l’exercice des fonctions officielles dans l’instruction des affaires relatives à des exécutions extrajudiciaires et à des disparitions forcées; selon les recommandations écrites du sommet, «cette proposition vise à tenter de renverser la charge de la preuve sur le gouvernement afin d’améliorer l’instruction de ces affaires, en particulier lorsque le gouvernement refuse de communiquer des documents essentiels aux parties concernées». Le comité note, d’après la réponse du gouvernement, que la Cour suprême s’apprêterait à édicter le principe de la production obligatoire de preuves, comme mesure complémentaire du recours en habeas corpus, pour garantir l’aboutissement des enquêtes. Enfin, le comité note que le Sommet national consultatif a proposé la création d’«[u]n organe indépendant et impartial [qui] exercerait des fonctions de surveillance afin de garantir la conformité des enquêtes menées par la police et d’autres organismes d’enquête aux normes internationales».
  34. 1232. Le comité note avec intérêt que les initiatives et les propositions formulées au niveau national peuvent être propices à l’élaboration de moyens novateurs et efficaces propres à combattre le problème des exécutions extrajudiciaires, des enlèvements et des disparitions forcées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises en vue de maintenir un dialogue continu, ouvert et constructif sur la base des recommandations du Sommet national consultatif et de la Commission Melo, en association avec toutes les parties prenantes, pour définir et mettre en œuvre d’autres moyens de lutter contre les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements et les disparitions forcées.
    • Incident de l’Hacienda Luisita
  35. 1233. En ce qui concerne la demande du comité tendant à ce qu’une enquête indépendante soit diligentée au sujet de l’incident de l’Hacienda Luisita, qui a coûté la vie à au moins sept dirigeants syndicaux et syndicalistes (Jhaivie Basilio, Adriano Caballero, Jun David, Jésus Laza, Jaime Pastidio, Juancho Sanchez et Jessie Valdez) et a causé des blessures à 70 autres personnes, et à ce que des instructions soient données aux autorités chargées de faire appliquer la loi pour éliminer le danger induit par le recours à une violence excessive en tentant de maîtriser des manifestations, le comité note qu’il ressort des communications du gouvernement que, sur les 36 membres de la PNP impliqués dans l’opération de dispersion, le NBI a recommandé que seuls neuf d’entre eux soient poursuivis pour homicides après que les analyses de paraffine ont confirmé qu’ils présentaient des brûlures révélant des traces de poudre. Le comité note en outre que le Comité présidentiel des droits de l’homme, un organe ministériel placé sous l’autorité du Cabinet de la présidence, suit actuellement le déroulement de l’affaire et enquête sur le cas spécifique de Jessie Valdez qui serait mort des suites d’une hémorragie (blessure par balle à la cuisse) parce que les militaires, au lieu de le transporter à l’hôpital, l’aurait emmené dans un camp militaire. Le comité rappelle en outre, selon les éléments indiqués plus haut, que des poursuites ont été engagées contre deux soldats de l’armée en rapport avec le décès de Ricardo Ramos, président du Syndicat de la sucrerie centrale de Tarlac (CATLU), l’un des syndicats concernés par l’incident de l’Hacienda Luisita.
  36. 1234. Tout en notant que neuf policiers ont été identifiés comme suspects dans le cadre de l’incident de l’Hacienda Luisita et inculpés d’homicides, le comité constate qu’il ne dispose d’aucune information quant à l’engagement de procédures judiciaires liées à un événement qui remonte à 2004. Il note également avec regret que le gouvernement n’a fourni aucune information sur les mesures prises pour appliquer la recommandation précédente du comité relative aux instructions devant être données aux autorités chargées de faire appliquer la loi pour qu’elles éliminent le danger induit par le recours à une violence excessive en tentant de maîtriser des manifestations.
  37. 1235. Tout en prenant bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle «les rangs des manifestants avaient été infiltrés» et que sur «les sept victimes, l’une est enregistrée dans les registres de la PNP de Tarlac comme membre du CPP-NPA; que les analyses de paraffine menées par le laboratoire scientifique de la PNP ont confirmé que trois d’entre elles présentaient des brûlures révélant des traces de poudre», le comité tient également à rappeler, comme indiqué lors de l’examen antérieur de ce cas, que les Comités des droits de l’homme, du travail et de l’emploi de la Chambre des représentants ont estimé qu’«il y a eu sans le moindre doute une utilisation excessive de la force à l’encontre des travailleurs» et conclu que:
    • [a]près une délibération et un examen minutieux des dépositions des témoins et de toutes les parties invitées par les comités et l’étude de tous les documents soumis dans le cadre du déroulement de l’enquête du Congrès, les comités sont parvenus à la conclusion que des violations des droits de l’homme ont été commises à l’encontre des travailleurs en grève de l’Hacienda Luisita par des éléments de la Police nationale des Philippines et des Forces armées des Philippines, y compris les fonctionnaires et le personnel du ministère du Travail et de l’Emploi. Il est dès lors impératif que les fonctionnaires concernés soient tenus responsables, directement ou du fait d’un ordre du commandement, desdits actes à l’issue des conclusions données par une enquête conduite en bonne et due forme. [Voir 346e rapport, paragr. 1448.]
  38. 1236. Le comité rappelle une nouvelle fois que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. Dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité a attaché une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 140 et 49.] Le comité prie donc à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin que les procédures judiciaires engagées dans le cadre du présent cas progressent sans plus tarder en vue d’identifier et de sanctionner les coupables. En outre, il demande à nouveau instamment au gouvernement de donner des instructions appropriées aux autorités compétentes en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler les manifestations. Le comité demande à être tenu informé des progrès réalisés à cet égard.
    • Arrestation de Crispin Beltran et de cinq membres de la NFSW
  39. 1237. En ce qui concerne l’arrestation et l’emprisonnement de Crispin Beltran, dirigeant de longue date du KMU, ainsi que de cinq membres de la Fédération nationale des travailleurs de l’industrie du sucre (NFSW), le comité prend note de l’arrêt de la Cour suprême communiqué par le gouvernement. Il note que la Cour suprême a annulé les charges portées contre Crispin Beltran et les cinq membres de la NFSW au motif que «les actes de procédure engagés contre Beltran pour rébellion sont nuls et non avenus» et qu’il «n’existe aucun motif valable de formuler d’accusation contre Beltran pour rébellion». S’agissant des autres prévenus, la Cour a estimé que «l’enquête préliminaire a été entachée d’irrégularités». La Cour a également déclaré qu’elle «soutient les doutes des requérants quant à l’impartialité de la partie adverse». Le comité croit comprendre que les prévenus ont par la suite été libérés. Le comité note également que, selon des informations rendues publiques, Crispin Beltran est décédé à la suite d’un accident survenu le 20 mai 2008.
    • Demandes auxquelles le gouvernement n’a pas répondu
  40. 1238. Le comité note avec regret que le gouvernement ne fournit aucune réponse précise à ses demandes antérieures concernant les allégations relatives: au harcèlement, à l’intimidation et aux graves menaces infligées à des dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux/défenseurs de syndicats et des organisations de travailleurs du secteur informel par des militaires et des forces de police; à la militarisation des lieux de travail en grève ou entreprises où un conflit de travail existe et où les syndicats déjà en place ou en cours de constitution sont considérés comme progressistes ou militants, par la mise en place de détachements de l’armée et/ou le déploiement de forces de police et de l’armée sous prétexte d’opérations de contre-insurrection; et à l’arrestation et à la détention suivies de poursuites judiciaires pénales à l’encontre de dirigeants, membres, organisateurs et sympathisants syndicaux et travailleurs du secteur informel du fait de leur implication et de leur participation active dans des activités économiques et politiques légitimes de syndicats et d’associations de travailleurs du secteur informel.
  41. 1239. Dans ces circonstances, le comité réitère ses précédentes demandes concernant: i) l’adoption de mesures, y compris l’émission d’instructions appropriées pour mettre un terme à la présence militaire prolongée dans les lieux de travail qui est susceptible d’avoir un effet intimidant sur les travailleurs qui souhaitent se livrer à des activités syndicales légitimes et de créer une atmosphère de méfiance qui n’est guère propice à des relations professionnelles harmonieuses; ii) l’émission d’instructions pour qu’aucune mesure d’exception visant à protéger la sécurité nationale n’empêche de quelque façon que ce soit l’exercice par tous les syndicats de leurs droits et activités légitimes, grèves incluses, et ce quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale; iii) l’émission d’instructions précises permettant de garantir le strict respect de méthodes dûment avalisées mises en œuvre dans le cadre de toutes opérations de surveillance et d’interrogatoire par l’armée et la police, d’une manière garantissant que les droits légitimes des organisations de travailleurs puissent être exercés dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations; iv) la demande faite au gouvernement de lui faire part de ses commentaires au sujet des allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes affiliés au KMU. Le comité prie instamment le gouvernement de répondre à ces demandes sans plus tarder.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1240. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, et compte tenu du fait que les gouvernements et les syndicats ont l’obligation de mener des activités légitimes, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’enquête et l’examen judiciaires de tous les actes d’exécutions extrajudiciaires soient menés à terme sans délai. En particulier, le comité demande instamment au gouvernement de lui communiquer des informations additionnelles sur les mesures prises pour enquêter de manière approfondie sur les 39 exécutions extrajudiciaires alléguées par l’organisation plaignante, de sorte que toutes les parties responsables puissent, dès que possible, être identifiées et sanctionnées devant les juridictions compétentes et qu’un climat d’impunité soit évité. Le comité espère que les recommandations formulées par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires seront prises en compte dans ce cadre, et demande à être tenu informé de l’évolution de la situation.
    • b) Le comité prie également le gouvernement de lui communiquer des informations et des précisions supplémentaires sur: les progrès réalisés par l’USIG pour enquêter sur les plaintes pour assassinats et identifier les suspects; les méthodes de travail utilisées par l’USIG et, en particulier, la définition des affaires relatives à des «militants assassinés» que l’USIG considère comme relevant de son mandat; ce que l’on entend par les affaires «rejetées» et «réglées»; le processus suivi une fois l’enquête conclue en vue de traduire en justice les coupables; les activités menées par d’autres organismes actuellement chargés d’enquêter sur les meurtres; le taux de poursuites ayant abouti et les peines prononcées.
    • c) Le comité demande à nouveau instamment au gouvernement de diligenter dès que possible une enquête judiciaire indépendante et d’engager des procédures devant les tribunaux compétents sur les allégations d’enlèvements et de disparitions de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, en vue de faire pleinement la lumière sur les faits et circonstances concernés, de déterminer les responsabilités, de punir les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. Le comité demande à être tenu informé des progrès réalisés à cet égard.
    • d) Constatant une fois de plus que le gouvernement est dans l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire identifier et sanctionner les parties coupables – en particulier en s’assurant que les témoins, qui sont un élément crucial pour réussir à identifier et à poursuivre des suspects, sont efficacement protégés – et pour parvenir à empêcher la répétition de violations des droits de l’homme, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises pour amender la loi susnommée et, de manière générale, renforcer le Programme de protection des témoins. Le comité espère que les recommandations approfondies formulées par toutes les parties, y compris la Commission Melo, le Sommet national consultatif et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, seront prises en considération à cet égard.
    • e) Le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la mise en œuvre intégrale des recommandations de la Commission Melo pour ce qui concerne l’adoption d’une législation pour exiger que les forces de la police et de l’armée et d’autres fonctionnaires maintiennent une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les meurtres extrajudiciaires et autres délits commis par un personnel placé sous leur commandement, contrôle ou autorité. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
    • f) Le comité prie également le gouvernement de prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour que les forces armées reçoivent des instructions, une orientation et une formation adéquates de nature à promouvoir un climat social où le respect de la loi est le seul moyen de garantir le respect et la protection du droit à la vie. Le comité espère que les recommandations formulées par toutes les parties, y compris la Commission Melo, le Sommet national consultatif et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, seront prises en considération à cet égard et demande à être tenu informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • g) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que les policiers reçoivent la formation nécessaire et bénéficient des infrastructures adéquates afin qu’ils puissent efficacement et rapidement instruire et élucider les affaires d’exécutions extrajudiciaires et à ce que les coupables soient identifiés, traduits en justice et punis. Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à cet égard.
    • h) Notant avec intérêt les initiatives et propositions formulées au niveau national pour combattre le problème des exécutions extrajudiciaires, des enlèvements et des disparitions forcées, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises en vue de maintenir un dialogue continu, ouvert et constructif sur la base des recommandations du Sommet national consultatif et de la Commission Melo, en association avec toutes les parties prenantes, pour définir et mettre en œuvre d’autres moyens de lutter contre les exécutions extrajudiciaires, les enlèvements et les disparitions forcées.
    • i) S’agissant de l’incident de l’Hacienda Luisita, qui a coûté la vie à au moins sept dirigeants syndicaux et syndicalistes, le comité prie à nouveau le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires afin que les procédures judiciaires engagées dans le cadre du présent cas progressent sans plus tarder en vue d’identifier et de sanctionner les coupables. En outre, il demande à nouveau instamment au gouvernement de donner des instructions appropriées aux autorités compétentes en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler les manifestations. Le comité demande à être tenu informé des progrès réalisés à cet égard.
    • j) Le comité réitère ses précédentes demandes concernant:
    • i) l’adoption de mesures, y compris l’émission d’instructions appropriées pour mettre un terme à la présence militaire prolongée dans les lieux de travail qui est susceptible d’avoir un effet intimidant sur les travailleurs qui souhaitent se livrer à des activités syndicales et de créer une atmosphère de méfiance qui n’est guère propice à des relations professionnelles harmonieuses;
    • ii) l’émission d’instructions pour qu’aucune mesure d’exception visant à protéger la sécurité nationale n’empêche de quelque façon que ce soit l’exercice par tous les syndicats de leurs droits et activités légitimes, grèves incluses, et ce quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale;
    • iii) l’émission d’instructions précises permettant de garantir le strict respect de méthodes dûment avalisées mises en œuvre dans le cadre de toutes opérations de surveillance et d’interrogatoire par l’armée et la police, d’une manière garantissant que les droits légitimes des organisations de travailleurs puissent être exercés dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations;
    • iv) la demande faite au gouvernement de lui faire part de ses commentaires au sujet des allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes affiliés au KMU.
      • Le comité prie instamment le gouvernement de répondre à ces demandes sans plus tarder.
    • k) Le comité estime nécessaire d’attirer spécialement l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes en cause.
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