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Interim Report - Report No 359, March 2011

Case No 2528 (Philippines) - Complaint date: 31-OCT-06 - Follow-up

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  1. 1093. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de mars 2010 et à l’occasion, il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 356e rapport, paragr. 1117 à 1193, approuvé par le Conseil d’administration au cours de sa 307e session (mars 2010).]
  2. 1094. Le Syndicat des travailleurs de Filipro (UFE-DFA-KMU) a transmis de nouvelles allégations dans des communications datées des 16 août et 3 septembre 2010.
  3. 1095. Le gouvernement a soumis des observations supplémentaires dans une communication datée du 15 novembre 2010.
  4. 1096. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 1097. A sa session de mars 2010, à la lumière des conclusions intérimaires du comité, le Conseil d’administration a approuvé les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore la gravité des allégations formulées dans le présent cas et le fait que, presque deux décennies après la soumission de la dernière plainte qui porte sur des allégations similaires, aucun progrès adéquat n’a été accompli par le gouvernement pour mettre fin aux assassinats, enlèvements, disparitions et autres violations graves des droits de l’homme, qui ne peuvent que renforcer le climat de violence et d’insécurité et ont des conséquences extrêmement dommageables sur l’exercice des droits syndicaux.
    • b) En ce qui concerne les allégations d’exécutions extrajudiciaires, enlèvements et disparitions forcées, le comité:
    • i) demande au gouvernement de répondre sans délai aux nouvelles allégations de meurtres, tentatives de meurtres, enlèvements et tentatives d’enlèvements, avancées par l’organisation plaignante;
    • ii) veut croire que le gouvernement continuera à prendre les mesures nécessaires pour assurer pleinement la protection des témoins;
    • iii) demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’enquête et la procédure judiciaires concernant toutes les allégations en suspens d’exécutions extrajudiciaires, tentatives de meurtres, enlèvements et tentatives d’enlèvements progressent de manière positive et sans délai, et de communiquer toutes décisions de justice pertinentes;
    • iv) demande en particulier au gouvernement de fournir sans délai des détails sur l’inventaire complet des cas auxquels se réfère le gouvernement et de communiquer de plus amples informations sur les mesures prises pour enquêter pleinement sur les allégations en suspens d’exécutions extrajudiciaires, tentatives de meurtres, enlèvements et tentatives d’enlèvements, de manière que tous les coupables puissent être identifiés et sanctionnés le plus rapidement possible par les tribunaux compétents, en vue de lutter contre le climat d’impunité;
    • v) demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que, même lorsque des charges ne sont pas formellement retenues, tous les cas fassent l’objet d’une enquête approfondie;
    • vi) demande au gouvernement d’indiquer les mesures envisagées en vue d’appliquer la doctrine de la responsabilité du commandement à l’égard de tous les actes de violence;
    • vii) demande au gouvernement de fournir des détails sur tous nouveaux développements dans le cadre de l’EPJUST; et
    • viii) demande au gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de la procédure d’adoption du projet de loi concernant les disparitions forcées.
    • c) Tout en prenant note avec intérêt de la constitution du NTIPC comme un organe tripartite de surveillance de haut niveau, le comité demande au gouvernement:
    • i) de le tenir informé des travaux de la TEC et du NTIPC;
    • ii) de fournir des informations sur les allégations examinées, les décisions conjointes prises au sujet des liens avec le syndicalisme, les mesures adoptées pour accélérer et contrôler le suivi à cet égard, et les résultats obtenus; et
    • iii) de fournir des informations complémentaires sur la manière dont les résultats des délibérations tripartites du NTIPC sont prises en compte dans le cadre des processus de l’enquête et des poursuites judiciaires engagées par d’autres groupes de travail et organismes pertinents, notamment la CHRP.
    • d) En ce qui concerne l’incident de l’Hacienda Luisita, le comité, tout en notant que neuf officiers de police ont déjà été identifiés comme suspects et font l’objet d’une recommandation de poursuites pour homicides multiples, demande au gouvernement de fournir des informations spécifiques concernant l’institution de poursuites judiciaires au sujet de cette affaire qui remonte à 2004.
    • e) Le comité demande au gouvernement d’indiquer l’état d’avancement de la procédure d’adoption du projet de loi relatif aux pouvoirs de la CHRP et de transmettre le texte final de la loi dès son adoption. Par ailleurs, le comité demande à être tenu informé de tous nouveaux développements au sujet de l’adoption et de la mise en œuvre de la norme proposée en vue de renforcer la protection et la sécurité des victimes qui invoquent elles-mêmes ou leurs témoins la loi de protection (writ of Amparo), laquelle est en cours d’élaboration par la Cour suprême et la CHRP.
    • f) En ce qui concerne la question de la longueur des procédures, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mener à bien rapidement les poursuites judiciaires engagées au sujet des allégations de violence à l’égard des travailleurs. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement des 99 tribunaux régionaux de première instance désignés par la Cour suprême et de communiquer des informations détaillées sur les mesures prises pour créer une équipe spéciale de procureurs compétents et bien formés. Le comité demande à être tenu informé de tous nouveaux développements au sujet de l’adoption et de la mise en œuvre du Recueil de règles «Omnibus Rules» qui est en cours d’élaboration par la CHRP.
    • g) En ce qui concerne les allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et syndicalistes affiliés au KMU, le comité:
    • i) demande au gouvernement de communiquer ses observations au sujet des nouvelles allégations;
    • ii) demande à être tenu informé du progrès réalisé pour assurer pleinement et rapidement l’enquête au sujet de tous les cas allégués de harcèlement et d’intimidation; et
    • iii) tout en prenant note avec intérêt de l’article 17 du projet de loi concernant les disparitions forcées ou involontaires, demande à être tenu informé de tous développements au sujet de son adoption et de toutes mesures complémentaires prises pour supprimer l’«ordre de bataille» qui conduit à des actes de violence contre les syndicalistes sur la base de leur idéologie supposée.
    • h) En ce qui concerne la militarisation des lieux de travail, le comité:
    • i) prie instamment le gouvernement de communiquer ses observations au sujet des nouvelles allégations;
    • ii) se félicite de l’engagement du gouvernement dans le cadre de la proposition de la coopération technique sur la formation et le renforcement des capacités, en vue de l’élaboration d’un programme commun sur les droits de l’homme, les droits syndicaux et les libertés civiles, destiné aux forces de l’ordre (en particulier la PNP et les AFP), et veut croire que de telles activités seront menées dans un proche avenir et en coordination avec la CHRP. Le comité demande à être tenu informé des progrès à cet égard;
    • iii) prie instamment le gouvernement de le tenir informé du suivi de la mise en œuvre des directives de conduite applicables à la PNP, aux membres des services de sécurité privés et aux membres des services de sécurité des entreprises, au cours des grèves, lock-out et conflits du travail et sur tout progrès réalisé pour les mettre à jour; et
    • iv) veut croire que le gouvernement prendra les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la mise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, afin de mettre un terme à la présence prolongée des militaires sur les lieux de travail, pour faire en sorte que toutes mesures d’exception destinées à assurer la sécurité nationale n’empêchent pas l’exercice des droits et activités syndicaux légitimes, y compris la grève, de la part de tous les syndicats, quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale; et pour assurer le strict respect des garanties de procédure dans le cadre de toutes opérations de surveillance ou d’interrogatoires de la part de l’armée ou de la police de manière à garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs puissent s’exercer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Le comité demande à être tenu informé à cet égard.
    • i) Le comité demande au gouvernement:
    • i) de communiquer ses observations au sujet des nouvelles allégations d’arrestations et de détentions illégales;
    • ii) de soumettre ultérieurement, dans la mesure du possible, des informations concernant ces arrestations et les procédures légales ou judiciaires sur lesquelles celles-ci sont fondées;
    • iii) de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’instruction et la procédure judiciaires relatives à tous les cas d’arrestations et de détentions illégales alléguées se déroulent en toute indépendance et sans délai, de manière à faire toute la lumière sur la situation actuelle des personnes concernées et les circonstances de leur arrestation; et
    • iv) de communiquer le texte de tout jugement rendu au sujet des cas susmentionnés, accompagné des motifs invoqués à son propos.
    • j) En ce qui concerne la détention prolongée de 20 travailleurs de Karnation Industries, le comité demande instamment au gouvernement:
    • i) de faire en sorte que tout travailleur de Karnation Industries, encore emprisonné, soit immédiatement libéré; et
    • ii) de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les charges restantes soient abandonnées, dans le cas où l’enquête concernant les allégations en suspens établit que les personnes concernées étaient détenues pour des motifs liés à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes.
    • k) Le comité veut croire que les mesures prises ou envisagées par le gouvernement, notamment dans le cadre du programme de coopération technique d’une durée de trois à quatre ans, contribueront de manière importante à l’édification progressive d’un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines et demande à être tenu informé des développements à cet égard.
    • l) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante

B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante
  1. 1098. Dans ses communications datées des 16 août et 3 septembre 2010, le syndicat UFE-DFA-KMU allègue que les violations syndicales se poursuivent à l’usine Nestlé Philippines Cabuyao. Selon lui, le gouvernement et la direction de l’entreprise ont créé le Syndicat de travailleurs Nestlé Cabuyao (NCWU) dans le but de mettre fin au statut d’agent de négociation exclusif des travailleurs de Cabuyao de l’UFE-DFA-KMU, afin de miner l’efficacité de la décision définitive et exécutoire de la Cour suprême et d’éliminer les prestations de retraite des questions négociables de la convention collective. Le syndicat indique en outre qu’en janvier 2010 la Cour d’appel des Philippines a entériné la décision antérieure de la Commission nationale des relations professionnelles (NLRC) selon laquelle le licenciement de plus de 600 travailleurs par l’entreprise était légal et justifié en raison de la violation par ces travailleurs de l’ordonnance de compétence juridictionnelle du ministre du Travail et de l’Emploi. En avril 2010, la Cour suprême a rejeté la demande de révision du syndicat relative au cas de licenciement illégal, aux motifs qu’elle était infondée.
  2. 1099. Le syndicat allègue par ailleurs que, le 2 juin 2010, vers 17 h 20, des inconnus ont tué un dirigeant syndical dans une rue bondée de Barangay Caingin, Santa Rosa City, Laguna. Edward Panganiban, 27 ans, est mort sur le coup des suites de 12 blessures par balles. M. Panganiban travaillait pour la société japonaise Takata Philippines située dans le Laguna Technopark (LTI) et avait été élu secrétaire du syndicat indépendant Samahang Laks ng Manggagawa as Takata Philippines (SALAMAT-Independent).
  3. 1100. Le syndicat UFE-DFA-KMU met également en cause la composition du comité directeur du Conseil tripartite pour la paix sociale (TIPC) et déclare que les représentants des travailleurs qui siègent au TIPC ne sont pas d’authentiques dirigeants de la classe ouvrière.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 1101. Dans sa communication datée du 15 novembre 2010, le gouvernement indique que l’organe de surveillance du TIPC a été établi en vertu de la résolution no 1 du 20 janvier 2010 comme organe de surveillance de l’application des normes internationales, notamment de la convention de l’OIT sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical. Le gouvernement souligne son engagement à promouvoir un tripartisme et un dialogue social ouverts à tous au moyen de la reconstitution des TIPC aux niveaux national et régional, et indique que la partie plaignante dans ce cas, le KMU, a déjà manifesté sa volonté de participer au TIPC national et à l’organe de surveillance du TIPC.
  2. 1102. Le gouvernement indique également que, par sa résolution no 2, adoptée le 25 juin 2010, l’organe de surveillance du TIPC a recommandé les mesures suivantes à l’égard des 39 cas d’exécutions extrajudiciaires: a) clôture de huit cas; b) traitement prioritaire par les tribunaux et le ministère de la Justice (DOJ) de six cas pendants en vue de l’exercice de poursuites judiciaires et de leur résolution; c) accélération de l’enquête par le DOJ pour 11 cas; et d) soumission de 14 cas à la Commission des droits de l’homme (CHR) en vue de la réalisation d’une enquête approfondie sur les circonstances des exécutions ou d’un «examen final» des cas qui avaient déjà fait l’objet d’une enquête par la CHR, le groupe de travail de la police nationale des Philippines (PNP) ou le groupe de travail 211 du DOJ, afin de rendre justice aux victimes et à leurs familles le plus rapidement possible. Une copie de cette résolution a été fournie par le gouvernement.
  3. 1103. Le gouvernement indique que cette résolution a été envoyée aux organismes pertinents afin que les mesures appropriées soient prises, et le ministre du Travail et de l’Emploi a cherché à rencontrer les directeurs de ces organismes dans le but d’obtenir leur engagement à accélérer l’enquête, les poursuites judiciaires et la résolution des cas. Le DOJ a répondu qu’il créerait une équipe spéciale de procureurs pour examiner les cas. De plus, concernant la demande du TIPC à la Cour suprême de traiter en priorité les six cas pendants devant différents tribunaux de première instance, la rencontre entre le ministre du Travail et de l’Emploi et les représentants de la Cour suprême est en train d’être organisée. Sur les 14 cas acceptés par la CHR, il a été recommandé que dix soient clos. La plupart de ces cas ont été soit classés en raison de l’absence de témoins/faute de preuves, soit clos sans préjudice de leur réouverture si des éléments nouveaux sont versés aux dossiers. Le gouvernement indique que les recommandations de l’organe de surveillance du TIPC, ainsi que les cas présumés de harcèlement et d’enlèvement cités dans le cas no 2528, seront examinés à sa réunion de novembre 2010.
  4. 1104. Le gouvernement indique en outre que: a) des lettres d’intervention ont été envoyées relativement au cas des travailleurs de la société Karnation Industries and Export et à celui de Felicidad Caparal; b) des lettres de suivi ont été envoyées à la direction des entreprises concernées; et c) des négociations «en coulisses» visant à faciliter le règlement du conflit du travail impliquant le syndicat AMADO-KADENA-NAFLU-KMU sont actuellement menées par le ministre du Travail et de l’Emploi.
  5. 1105. Le gouvernement réaffirme son engagement envers des activités de renforcement des capacités et de sensibilisation et envers les réformes de la législation engagées dans le but de renforcer le syndicalisme et de supprimer les obstacles qui entravent l’exercice effectif des droits syndicaux.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 1106. Le comité rappelle que le présent cas porte sur des allégations de meurtres, menaces graves, harcèlements et intimidations incessants et d’autres formes de violence infligés à des dirigeants, membres, organisateurs, et sympathisants syndicaux/défenseurs de syndicats et à des organisations de travailleurs du secteur informel qui continuent activement de faire valoir leurs exigences légitimes aux niveaux local et national. Le comité rappelle que, dans son examen antérieur du cas, il avait pris note des mesures prises ou envisagées par le gouvernement pour reconnaître la gravité des allégations. Le comité note avec intérêt les efforts poursuivis et les mesures supplémentaires indiquées par le gouvernement dans le but de traiter les questions soulevées dans ce cas, ainsi que les renseignements détaillés fournis par le gouvernement à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR).
  2. 1107. Le comité prend note en particulier, à la lumière des renseignements fournis à la CEACR, que des mesures ont été prises par le gouvernement pour renforcer la capacité de fonctionnement de la PNP et des forces armées des Philippines (AFP), afin de créer un environnement propice à la jouissance des libertés civiles et des droits syndicaux garantis par la Constitution: 1) en les incluant dans le manuel des procédures opérationnelles (POP) de la PNP et le manuel sur les règles en matière de gestion des conflits du travail, rassemblements et manifestations en faveur de la protection des droits humains à fournir aux victimes et aux criminels; 2) en ajoutant au manuel des POP un guide sur le respect des droits humains, en vue de fournir aux agents de police un document de référence de base sur ce sujet, ainsi que des suggestions pratiques sur la manière de faire appliquer les normes internationales en matière de droits humains dans les stations de police; 3) en renforçant les bureaux des droits de l’homme dans les stations de police; et 4) en menant une campagne visant à démanteler toutes les milices privées. Il note également l’indication du gouvernement selon laquelle les directives de conduite révisées pour le personnel de la PNP et les membres des services de sécurité privés durant les grèves et les lock-out doivent être signées avant la fin de 2010 après la dernière consultation.
  3. 1108. Le comité prend aussi note de l’information concernant les activités menées dans le cadre du programme UE-Philippines de soutien au système judiciaire (EPJUST) (police et autres organismes d’enquête, procureurs et appareil judiciaire), destinées notamment à: 1) augmenter les capacités et l’efficacité du système judiciaire philippin afin que les enquêtes soient réalisées de manière efficace et dans des délais appropriés, que des poursuites soient engagées et les coupables traduits en justice, et que les inculpés bénéficient d’un procès équitable, rapide et impartial; 2) augmenter les capacités et l’efficacité de la Commission des droits de l’homme; et 3) renforcer la capacité des services en uniforme à former leur personnel dans le domaine des normes internationales relatives aux droits de l’homme qui les intéressent.
  4. 1109. Le comité note, par ailleurs, que deux séminaires régionaux sur les droits civils, la liberté d’organisation et la négociation collective et sur la mise en œuvre et l’application du droit du travail dans les zones économiques philippines ont eu lieu en avril 2010, et qu’un séminaire sur le renforcement des capacités destiné aux responsables de l’administration de la justice au travail, aux juges de la Cour suprême et à leurs collaborateurs juridiques a eu lieu à la fin de 2010.
  5. 1110. Le comité note en particulier que l’organe de surveillance du TIPC a été établi en janvier 2010 comme organe de surveillance de l’application des normes internationales, notamment de la convention no 87. Tout en notant la préoccupation exprimée par l’UFE-DFA-KMU au sujet de la représentation des travailleurs au sein de cet organe, le comité prend note, à la lumière de l’information fournie par le gouvernement et de la résolution no 2 relative à ce cas adoptée par l’organe de surveillance le 25 juin 2010, des efforts fournis par le gouvernement pour impliquer le KMU, l’organisation plaignante, dans ce cas. Le comité veut croire que le gouvernement maintiendra le dialogue avec le KMU en ce qui concerne les cas impliquant ses membres ou ses dirigeants. Le comité attend du gouvernement qu’il le tienne informé à cet égard.
  6. 1111. Tout en se félicitant des mesures déjà prises par le gouvernement, le comité demande à ce dernier de continuer à le tenir informé des actions menées ou envisagées dans le but d’instaurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines, et encourage le gouvernement à élaborer un programme de coopération technique à part entière dans ce domaine.
    • Exécutions extrajudiciaires
  7. 1112. Le comité note que la résolution susmentionnée contient des renseignements détaillés sur le statut des 39 cas d’exécutions alléguées. Le comité note que, sur 39 cas, le groupe de travail de la PNP et/ou le groupe de travail 211 du DOJ ont recommandé que huit soient clos. Le comité note en outre concernant les huit cas précités que dans trois d’entre eux, les principaux suspects étaient morts; dans un cas, le suspect a été jugé et acquitté, et dans les quatre cas restants, les parties lésées ont «volontairement effectué une déclaration sous serment selon laquelle elles n’engageraient pas de poursuite civile, pénale ou administrative contre les suspects». Concernant ces quatre cas, le comité considère que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 48.] Le comité est d’avis qu’en raison de leur gravité de tels crimes devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites judiciaires d’office, c’est-à-dire même si la victime ou la partie lésée n’a pas formellement déposé de plainte pénale. Le comité souligne que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 52.] Il demande instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’enquête et l’examen judiciaires relatifs à tous les actes d’exécutions extrajudiciaires soient menés à terme et sans délai.
  8. 1113. Le comité note qu’en vertu de la résolution no 2 sur les 39 cas susmentionnés le TIPC a demandé: pour six cas déjà pendants devant le bureau du procureur et/ou des tribunaux, que des poursuites judiciaires soient engagées et les cas résolus à titre prioritaire; que l’enquête soit accélérée dans 11 cas et/ou qu’il soit immédiatement procédé à l’arrestation des suspects (le cas échéant); et que 14 cas soient transmis à la CHR. Sur ce dernier point, le comité note que le gouvernement indique que la CHR a recommandé que dix cas soient clos, et que la plupart de ces cas ont été soit classés en raison de l’absence de témoins/faute de preuves, soit clos sans préjudice de leur réouverture si des éléments nouveaux sont versés aux dossiers.
  9. 1114. Tout en prenant note de l’information ci-dessus, le comité déplore le fait que le gouvernement ait une fois de plus omis de fournir les données pertinentes au sujet de l’enquête, des poursuites et des procédures judiciaires engagées dans le cadre de l’incident de l’Hacienda Luisita, qui a coûté la vie à au moins sept dirigeants syndicaux et syndicalistes (Jhaivie Basilio, Adriano Caballero, Jun David, Jesus Laza, Jaime Pastidio, Juancho Sanchez et Jessie Valdez) et causé des blessures à 70 autres. Rappelant que neuf officiers de police avaient précédemment été identifiés comme suspects dans l’incident de l’Hacienda Luisita et fait l’objet d’une recommandation de poursuites pour homicides multiples, le comité prie instamment le gouvernement de fournir sans délai des renseignements précis indiquant si des poursuites judiciaires ont été engagées à l’égard de cet incident qui remonte à 2004.
  10. 1115. Le comité regrette également profondément qu’aucune information n’ait été fournie par le gouvernement au sujet des allégations de meurtres et tentatives de meurtres formulées par le KMU dans ses communications datées des 30 septembre et 10 décembre 2009. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante sur les allégations. Le comité comprend, à la lumière des renseignements fournis par le gouvernement, que ces cas devaient être examinés par le TIPC à sa réunion de novembre 2010. Par conséquent, le comité prie instamment le gouvernement d’indiquer l’état d’avancement de l’examen des cas suivants par le TIPC:
  11. 1. Carlito B. Dacudao, organisateur de la Fédération nationale des travailleurs du sucre (NFSW) – KMU à Negros, assassiné le 21 août 2009 dans le Negros Occidental.
  12. 2. Sabina Ariola, directrice du groupe des travailleurs semi-qualifiés et du groupe des citadins pauvres Mamamayan ng Sta Rosa para sa Kagalingan, Kaunlaran, Kapayapaan, Tungo sa Magandang Kinabukasan ng Bayan (MSRK3 ou habitants de Sta Rosa pour le bien-être, le développement et la paix pour une société meilleure), assassinée le 23 mars 2009 dans une camionnette qui la conduisait à la salle municipale de Sta Rosa, Laguna, pour diriger un mouvement de protestation.
  13. 3. Armando Dolorosa, vice-président de NFSW-KMU Hda Myrianne Chapter, municipalité de Manapla, Negros Occidental, assassiné le 6 juin 2008.
  14. 4. Gerardo «Gerry» Cristobal, ancien président du syndicat et organisateur de Samahan ng Manggagawa sa EDS Mfg., Inc. – Independent (SM-EMI-Ind), assassiné le 10 mars 2008 à Imus, Cavite.
  15. 5. L’avocat Gil Gojol, conseiller juridique de l’Association des organisations démocratiques du travail – KMU (ADLO-KMU) à Bicol, assassiné le 12 décembre 2006.
  16. 6. Jesus Buth Servida, président du Syndicat SM-EMI-Ind, assassiné le 11 décembre 2006 en face de l’entrée principale de l’usine.
  17. 7. Jerson Lastimoso, membre du Syndicat Nagkahiusang Mamumuo sa Suyapa Farm (NAMASUFA), affilié à la Fédération nationale des syndicats (NAFLU) – KMU, assassiné le 10 décembre 2006 à Compostela Valley, au sud de la région de Mindanao.
  18. 8. Tentative de meurtre de Joel Ascutia, président de Jeepney Drivers’ Group Condor Piston-Bikol et secrétaire adjoint de PISTON, le 13 juillet 2009, au cours d’une grève nationale du transport.
  19. 9. Tentative de meurtre, le 16 mai 2009, de Liza Alo, présidente du syndicat des travailleurs de l’usine d’emballage 92.
  20. 10. Tentative de meurtre, le 10 décembre 2006, de Vicente Barrios, président de NAMASUFA-NAFLU-KMU, au cours de laquelle mourut son compagnon, Jerson Lastimoso.
  21. 1116. Le comité exprime sa profonde préoccupation concernant l’information fournie par l’organisation plaignante, selon laquelle un autre meurtre a été commis le 2 juin 2010, celui d’Edward Panganiban, dirigeant syndical à Barangay Caingin, Santa Rosa City, Laguna. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante et de répondre sans délai à cette nouvelle allégation de meurtre. Il s’attend à ce que ce cas soit également examiné par le TIPC et prie instamment le gouvernement d’indiquer sans délai les progrès accomplis à cet égard.
    • Enlèvements et disparitions forcées
  22. 1117. Le comité prend note que le gouvernement indique que la question des enlèvements et des disparitions forcées était inscrite à l’ordre du jour de la réunion de novembre 2010 de l’organe de surveillance du TIPC. Le comité attend par conséquent du gouvernement qu’il lui communique des renseignements détaillés sur la progression de l’enquête et des poursuites judiciaires relatives à tous les cas présumés d’enlèvements et de disparitions forcées et lui transmette tous les jugements pertinents.
  23. 1118. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté qu’un projet de loi visant à «définir et criminaliser l’acte conduisant à la disparition forcée ou involontaire» était soumis au congrès. Le comité avait estimé que l’adoption de ce projet de loi devrait représenter un pas important sur la voie de la reconnaissance de l’existence de cas de disparitions forcées et de l’application de sanctions significatives et dissuasives. En regrettant l’absence de nouveaux renseignements sur ce sujet, le comité prie instamment le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de la procédure d’adoption ou de toutes autres mesures législatives pertinentes.
    • Protection des témoins
  24. 1119. Le comité rappelle qu’au cours de l’examen antérieur de ce cas il avait noté que la Cour suprême avait estimé que le Programme de protection des témoins (WPP) était insuffisant sous certains aspects et que, de concert avec la CHRP, elle était en train d’examiner la loi de protection («writ of Amparo») adoptée en 2007. Le comité note avec intérêt l’adoption, le 11 décembre 2009, de la loi no 9851 sur les violations du droit international humanitaire, le génocide et les autres crimes contre l’humanité; laquelle prévoit, à l’article 13, des mesures pouvant être prises par le tribunal ou le procureur en vue de la protection des victimes et des témoins. Le comité note aussi avec intérêt l’approbation de la loi no 9745 (loi contre la torture) le 10 novembre 2009, qui condamne la torture et les autres traitements ou punitions cruels, inhumains et dégradants, et renforce les précédentes décisions de la Cour suprême concernant la procédure de habeas data et la procédure d’amparo.
    • Longueur des procédures
  25. 1120. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la résolution no 2 a été envoyée aux organismes pertinents afin que les mesures appropriées soient prises et le ministre du Travail et de l’Emploi a cherché à rencontrer les directeurs de ces organismes dans le but d’obtenir leur engagement à accélérer l’enquête, les poursuites judiciaires et la résolution des cas. Le comité note aussi que le gouvernement indique que le DOJ a répondu qu’il créerait une équipe spéciale de procureurs aux fins de l’examen des cas. De plus, concernant la demande du TIPC à la Cour suprême de traiter en priorité les six cas pendants devant différents tribunaux de première instance, il note que la rencontre entre le ministre du Travail et de l’Emploi et les représentants de la Cour suprême est en train d’être organisée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à ce sujet.
  26. 1121. Le comité rappelle qu’il avait précédemment constaté que les recommandations de la Commission Melo avaient notamment mis l’accent sur la nécessité de créer une équipe spéciale de procureurs compétents et bien formés pour traiter les dossiers, et des tribunaux spéciaux pour statuer sur ces cas. Le comité avait également constaté qu’à la suite de ces recommandations la Présidente des Philippines avait donné des instructions en vue de la création de tribunaux spéciaux chargés de connaître des affaires concernant des meurtres inexpliqués de nature idéologique ou politique. La Cour suprême avait répondu à cette demande en désignant 99 tribunaux régionaux de première instance comme tribunaux spéciaux chargés de statuer rapidement sur les cas d’exécutions extrajudiciaires. Les procès devaient se dérouler dans un délai de soixante jours et un jugement devait être rendu dans les trente jours, la priorité devant être accordée aux cas de militants et du personnel des médias, toutes plaidoiries ou motions dilatoires étant interdites. Le comité demande de nouveau au gouvernement de fournir des renseignements sur le fonctionnement des 99 tribunaux régionaux de première instance désignés par la Cour suprême, y compris sur la durée des procédures en pratique, et de communiquer des renseignements détaillés sur les mesures prises pour créer une équipe spéciale de procureurs compétents et bien formés.
  27. 1122. En outre, le comité demande une fois de plus au gouvernement de fournir de l’information concernant l’adoption et la mise en œuvre des «Omnibus Rules» élaborées par la CHRP, règles qui fixent à une année le délai maximum au cours duquel les affaires doivent être menées à terme.
    • Chaîne de commandement
  28. 1123. Le comité rappelle qu’il avait précédemment demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’appliquer pleinement les recommandations de la Commission Melo sur l’adoption d’une législation prévoyant l’obligation pour les forces de la police et de l’armée et d’autres fonctionnaires de maintenir une stricte responsabilité de la chaîne de commandement concernant les exécutions extrajudiciaires et autres crimes commis par un personnel placé sous leur commandement, contrôle ou autorité. Le comité note que les lois nos 9851 et 9745 susmentionnées contiennent des dispositions qui prévoient la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques et des sanctions à l’encontre des fonctionnaires de rang supérieur impliqués dans les actes prohibés et demande au gouvernement de fournir des informations sur leur mise en œuvre en pratique.
    • Harcèlement et intimidation:
    • Militarisation des lieux de travail
  29. 1124. Le comité rappelle qu’il avait précédemment demandé au gouvernement de communiquer ses observations concernant les allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes affiliés au KMU suivantes: i) inscription dans l’ordre militaire de bataille de Romualdo Basilio, président de KMU-SMR, d’Omar Bantayan, secrétaire général de KMU-SMR et de Joel Maglungsod, représentant de la liste du parti ANAKPAWIS, ancien secrétaire général de KMU-SMR et aussi ancien secrétaire général du KMU; ii) propos diffamatoires à l’égard de Rene «Boyet» Galang, président de ULWU et UMA en tant que membre de la NPA; iii) harcèlement et intimidation à l’égard de Gaudencio Garcia, président du Syndicat de travailleurs de Universal Robina Corporation, Division agricole, de la part d’éléments de l’armée qui ont pris contact avec lui pour l’inviter à devenir un agent militaire, l’ont forcé à signer un papier dans lequel il avoue être membre de la NPA et l’ont inclus dans le «Rizal 26» en l’accusant de meurtre; iv) menaces de mort et surveillance exercées à l’encontre de Vicente Barrios, président de NAMASUFA-NAFLU-KMU; v) surveillance et filature de Arman Blase, comité de NAMAOS et porte-parole du KMU, sud de Mindanao; vi) harcèlement à l’égard de Belen Navarro Rodriguez, épouse d’Ariel Rodriguez (membre actif de l’Association des travailleurs des cordages du Pacifique); vii) surveillance de Leo Caballero, porte-parole du bureau des droits de l’homme du KMU Bicol; viii) harcèlement et intimidation à l’égard de dirigeants et membres actifs de AMADO-KADENA-NAFLU-KMU; ix) surveillance, intimidation, menaces et harcèlement continus à l’égard de dirigeants et membres actifs du Syndicat KMU Nestlé Cabuyao depuis le déclenchement de sa grève en 2002, y compris la surveillance et le harcèlement en ce qui concerne les activités du syndicat comme les réunions, les actions de protestation et les piquets de grève pacifiques, de la part d’éléments de la police et de l’armée en uniforme ou en civil et fausses charges pénales engagées contre 250 syndicalistes qui ont également été mis sur les listes noires en matière d’emploi; x) intimidations de la part des militaires à l’égard de Luz Fortuna, épouse de Diosdado Fortuna, dirigeant assassiné du Syndicat de Nestlé Cabuyao; et xi) intimidations et surveillance continues à l’égard de dirigeants du Syndicat indépendant de travailleurs de Tritran de la part des militaires.
  30. 1125. Le comité prend par ailleurs note que, dans ses communications datées des 16 août et 3 septembre 2010, le syndicat UFE-DFA-KMU allègue que les violations des droits syndicaux se poursuivent à l’usine Nestlé Philippines Cabuyao. Selon le syndicat, le gouvernement et la direction de l’entreprise ont créé le NCWU dans le but de mettre fin au statut d’agent de négociation exclusif des travailleurs de Cabuyao de l’UFE-DFA-KMU, afin de réduire l’efficacité de la décision définitive et exécutoire de la Cour suprême et d’éliminer les prestations de retraite des questions négociables de la convention collective. Le syndicat indique en outre que, en janvier 2010, la Cour d’appel des Philippines a entériné la décision antérieure de la NLRC selon laquelle le licenciement de plus de 600 travailleurs par l’entreprise était légal et justifié en raison de la violation par ces travailleurs de l’ordonnance de compétence juridictionnelle du ministre du Travail et de l’Emploi. En avril 2010, la Cour suprême a rejeté la demande de révision du syndicat relative au cas de licenciement illégal, aux motifs qu’elle était infondée.
  31. 1126. Le comité note que le gouvernement indique que des lettres de suivi ont été envoyées à la direction des entreprises concernées; et que des négociations «en coulisses» visant à faciliter le règlement du conflit du travail impliquant le syndicat AMADO-KADENA-NAFLU-KMU sont actuellement menées par le ministre du Travail et de l’Emploi. Il note aussi que le gouvernement indique que la question des harcèlements évoquée dans le présent cas était inscrite à l’ordre du jour de la réunion de novembre 2010 du TIPC.
  32. 1127. Le comité prie instamment le gouvernement de répondre sans délai à l’allégation formulée par le syndicat UFE-DFA-KMU. Il demande aussi au gouvernement de l’informer des résultats de l’examen par l’organe de surveillance du TIPC des cas de harcèlement susmentionnés ou de toute autre mesure prise en vue de faciliter le règlement des conflits du travail, et de faire état du progrès réalisé pour instruire pleinement et rapidement les affaires portant sur les actes allégués de harcèlement et d’intimidation. Le comité rappelle que de telles mesures devraient être prises en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives.
  33. 1128. Le comité avait précédemment demandé à être tenu informé de toutes mesures prises en vue de supprimer l’«ordre de bataille» qui entraîne la perpétration d’actes de violence contre les syndicalistes sur la base de leur prétendue idéologie. Le comité note avec intérêt que l’article 6 de la loi no 9745 dispose qu’«un “ordre de bataille” ne doit ni ne peut en aucun cas être invoqué pour justifier un acte de torture, un traitement ou une punition de nature cruelle, inhumaine ou dégradante».
  34. 1129. Le comité renouvelle sa précédente demande au gouvernement de fournir des observations au sujet des allégations suivantes: i) déploiement militaire massif à partir du 66e IB des AFP depuis septembre 2008 et cas de harcèlement militaire contre MUWU, NAMAOS, NAMASUFA et NAMASAN, le Syndicat de travailleurs de l’usine d’emballage 92, et le Syndicat de travailleurs de Rotto Freshmax; ii) organisation de réunions de la part des militaires en septembre 2009 dans les locaux du Syndicat des travailleurs de Universal Robina Corporation, Division agricole, enjoignant les travailleurs de se dissocier du KMU; iii) déploiement depuis novembre 2008 du 66e IB à proximité de Sumitomo Fruits Corporation, les militaires pénétrant tous les jours dans les locaux de l’entreprise après que la direction eut refusé d’appliquer la dernière convention collective avec NAMAOS, organisant des tribunes quotidiennes, projetant des vidéos comportant des propos calomnieux à l’égard du KMU et de NAMAOS, les qualifiant de sympathisants de la NPA, et enquêtant pour savoir où se trouvaient les dirigeants syndicaux et les syndicalistes en janvier 2009; iv) déploiement en 2006 du 28e IB des AFP à proximité de la ferme de Suyapa afin de surveiller le syndicat, des motards armés patrouillant dans les environs du lieu de travail et s’enquérant de l’endroit où se trouvait le président du syndicat Vicente Barrios et au sujet des activités du syndicat; v) déploiement, en février 2008, des 71e, 48e et 69e IB dans les différents barangays, villages autour de l’Hacienda Luisita, organisant des réunions et projetant des films qui accusent le communisme d’être derrière les syndicats et les grèves, et surveillant les activités des dirigeants de l’ULWU; vi) projection du film militaire «Connaître votre ennemi» aux fermiers du Cagayan Valley, Bukidnon et Davao del Sur, qualifiant de communistes les différentes organisations militantes telles que le KMU; vii) déploiement d’éléments des AFP à Polomolok, Cotabato, où AMADO-KADENA-NAFLU-KMU est actif, accusant ouvertement les dirigeants du KMU d’être des recruteurs en faveur de la NPA, organisant des programmes comme le système intégré de défense territoriale («integrated territorial defence system») ou des opérations de guerre psychologique dans la communauté, ainsi que des campagnes de diffamation contre le KMU et la liste du parti ANAKPAWIS, les accusant notamment d’être des communistes, et menant des programmes de sensibilisation sociale et des séminaires sur la sécurité du travail social («awareness programme, industrial safety focus seminars») dans le cadre d’une campagne dirigée contre le KMU et le syndicalisme en général; et viii) à Bicol, déploiement de l’équipe des AFP relative à l’organisation, au redressement et au développement de la collectivité ACORD et du BDS dans les communautés de travailleurs à proximité de la Société des cordages du Pacifique (Pacific Cordage Corporation).
  35. 1130. Le comité demande de nouveau au gouvernement de le tenir informé au sujet des actions engagées, y compris la mise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, en vue de: i) mettre un terme à la présence prolongée de l’armée sur les lieux de travail, ce qui est susceptible d’avoir un effet d’intimidation sur les travailleurs souhaitant s’engager dans des activités syndicales légitimes et de créer une atmosphère de méfiance difficilement compatible avec des relations professionnelles harmonieuses; ii) veiller à ce que toute mesure d’exception visant à protéger la sécurité nationale n’empêche pas de quelque façon que ce soit l’exercice par tous les syndicats de leurs droits et de leurs activités légitimes, grèves incluses, et ce quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale; et iii) donner des instructions précises permettant de garantir le strict respect de méthodes dûment avalisées mises en œuvre dans le cadre de toutes opérations de surveillance et d’interrogatoire par l’armée et la police, d’une manière garantissant que les droits des organisations de travailleurs puissent être exercés dans un climat exempt de violence, de pressions et de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations.
    • Arrestations et détentions
  36. 1131. Le comité déplore profondément qu’en dehors du fait de déclarer que des lettres d’intervention ont été envoyées relativement au cas des travailleurs de Karnation Industries, aucune nouvelle information n’a été fournie par le gouvernement au sujet des allégations d’arrestations et de détentions de syndicalistes avant que des charges pénales ne soient ultérieurement retenues contre eux, soumises par l’organisation plaignante, dont notamment: i) la détention de 20 travailleurs de Karnation Industries depuis le 10 mai 2007 à la prison de Karangalan pour avoir exercé leur droit de s’organiser et de lutter contre les pratiques de leur employeur qu’ils qualifient d’injustes et d’illégales; ii) l’arrestation et la détention illégales depuis le 7 mai 2007 de Vincent Borja, membre du Conseil national du KMU et coordinateur régional de KMU oriental Visayas, et les poursuites pénales pour des motifs forgés de toutes pièces à son encontre; iii) la plainte pénale pour des faits fabriqués de toutes pièces contre les dirigeants et les membres de AMADO-KADENA; iv) les charges pénales forgées de toutes pièces pour multiples meurtres, tentatives de meurtres et tentatives multiples de meurtres contre le président de PAMANTIK-KMU, Romeo Legaspi, et d’autres membres du comité directeur du syndicat; v) les poursuites pénales engagées contre 250 travailleurs de Nestlé Cabuyao, pour 37 affaires en moyenne chacun, devant le tribunal municipal de première instance de Cabuyao et le tribunal régional de première instance de Biñan; vi) les nouvelles poursuites engagées contre 72 personnes, dont 12 dirigeants syndicaux et défenseurs des syndicats, pour meurtres et tentatives de meurtres inventés de toutes pièces à Calapan City, Mindoro Oriental; et vii) l’arrestation et la détention illégales de l’avocat Remigio Saladero Jr, conseiller juridique en chef du KMU, pour des charges fabriquées de toutes pièces l’accusant d’incendie volontaire, de meurtre, de meurtres multiples et de multiples tentatives de meurtres. Le comité demande instamment au gouvernement de soumettre de nouveaux renseignements sur ces arrestations et sur la procédure légale ou judiciaire sur laquelle celles-ci sont fondées.
  37. 1132. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté avec une profonde préoccupation, en se fondant sur les allégations de l’organisation plaignante, que, pendant plus de deux ans et demi, les travailleurs de Karnation Industries avaient été emprisonnés, sans jugement, dans des conditions qualifiées d’épouvantables (cellule carcérale ne permettant pas aux 20 personnes qu’elle abrite de dormir en même temps, nourriture et soins médicaux inadéquats, etc.). Deux travailleurs sur les 20 – Melvic Lupe et Leo Paro – sont morts en prison des suites de la tuberculose. En novembre 2009, sur les conseils de l’avocat Remigio D. Saladero Jr du Centre d’assistance légale Pro-Labor (PLACE), le tribunal régional de première instance de Morong, Rizal, a accepté la demande de mise en liberté sous caution. Quatorze travailleurs sur les 18 ont été mis en liberté provisoire sous caution. Cependant, la libération des quatre travailleurs restants a été reportée par le tribunal après que le plaignant eut déposé, le 28 décembre 2009, une demande de réexamen en vue d’annuler la mise en liberté sous caution. Le tribunal doit examiner cette demande le 11 janvier 2010.
  38. 1133. Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer ses observations concernant les allégations relatives à ces 20 travailleurs, notamment au sujet des quatre travailleurs encore emprisonnés; de Vincent Borja, membre du conseil national du KMU et coordinateur régional de KMU Visayas oriental; des dirigeants et membres de AMADO-KADENA; du président de PAMANTIK-KMU, Romeo Legaspi, et d’autres membres du comité directeur du syndicat; des 250 travailleurs de Nestlé Cabuyao; et des 72 personnes, dont 12 dirigeants syndicaux et défenseurs des syndicats à Calapan City, Mindoro Oriental. En ce qui a trait aux travailleurs de Karnation Industries en particulier, le comité presse de nouveau le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que chacun de ces travailleurs encore emprisonné soit immédiatement libéré. Dans le cas où l’enquête menée au sujet des allégations en cours établit que les personnes en question ont été détenues pour des motifs liés à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes (y compris le recours à une grève légale), le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les charges restantes soient abandonnées. Il demande aussi au gouvernement de communiquer le texte de toute décision de justice rendue dans les affaires susmentionnées, accompagnée des motifs qui y ont été invoqués.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1134. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en se félicitant des mesures déjà prises par le gouvernement, le comité prie ce dernier de continuer à le tenir informé des actions menées ou envisagées dans le but d’instaurer un climat de justice et de sécurité pour les syndicalistes aux Philippines, et encourage le gouvernement à élaborer un programme de coopération technique à part entière dans ce domaine. Le comité veut croire que le gouvernement maintiendra le dialogue avec le KMU en ce qui concerne les cas impliquant ses membres ou ses dirigeants et demande à être tenu informé à cet égard.
    • b) En ce qui concerne les allégations d’exécutions extrajudiciaires, d’enlèvements et de disparitions forcées, le comité:
    • i) prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’enquête et l’examen judiciaires relatifs à tous les actes d’exécutions extrajudiciaires, aux tentatives de meurtres, aux enlèvements et aux disparitions forcées soient menés à terme et sans délai. Le comité demande au gouvernement d’indiquer sans délai le progrès réalisé en la matière et de communiquer toutes décisions de justice pertinentes;
    • ii) s’agissant de l’incident de l’Hacienda Luisita, rappelant que neuf officiers de police avaient déjà été identifiés comme suspects relativement à cet incident et faisaient l’objet d’une recommandation de poursuites pour homicides multiples, prie instamment le gouvernement de fournir sans plus tarder des informations précises sur l’engagement de poursuites judiciaires au sujet de cette affaire qui remonte à 2004; et
    • iii) prie le gouvernement de l’informer de l’état d’avancement de la procédure d’adoption du projet de loi concernant les disparitions forcées.
    • c) En ce qui concerne la longueur de procédures, le comité:
    • i) demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mener à bien rapidement les poursuites judiciaires engagées au sujet des allégations de violence à l’égard des travailleurs;
    • ii) demande au gouvernement de fournir des renseignements sur le fonctionnement des 99 tribunaux régionaux de première instance désignés par la Cour suprême, y compris sur la durée des procédures en pratique, et de communiquer des renseignements détaillés sur les mesures prises pour créer une équipe spéciale de procureurs compétents et bien formés; et
    • iii) demande à être tenu informé de tous nouveaux développements au sujet de l’adoption et de la mise en œuvre du Recueil de règles «Omnibus Rules» qui est en cours d’élaboration par la CHR.
    • d) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre des lois nos 9851 et 9745.
    • e) En ce qui concerne les allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et syndicalistes affiliés au KMU, le comité prie instamment le gouvernement de répondre sans délai aux allégations formulées par l’UFE-DFA-KMU et de le tenir informé des résultats de l’examen des allégations de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes affiliés au KMU par l’organe de surveillance du TIPC, ou de toute autre mesure prise dans le but de faciliter le règlement des conflits du travail, et de lui faire part du progrès réalisé pour instruire pleinement et rapidement les affaires portant sur les actes allégués de harcèlement et d’intimidation.
    • f) En ce qui concerne la militarisation des lieux de travail, le comité:
    • i) prie instamment le gouvernement de communiquer ses observations au sujet des nouvelles allégations;
    • ii) demande au gouvernement de le tenir informé du suivi de la mise en œuvre des directives de conduite applicables à la PNP, aux membres des services de sécurité privés et aux membres des services de sécurité des entreprises, au cours des grèves, lock-out et conflits du travail, et sur tout progrès réalisé quant à leur mise à jour; et
    • iii) veut croire que le gouvernement prendra les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la mise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, afin de mettre un terme à la présence prolongée des militaires sur les lieux de travail, pour faire en sorte que toutes mesures d’exception destinées à assurer la sécurité nationale n’empêchent pas l’exercice des droits et activités syndicaux légitimes, y compris la grève, de la part de tous les syndicats, quelle que soit leur orientation philosophique ou politique, dans un climat de sécurité totale; et pour assurer le strict respect des garanties procédurales dans le cadre de toutes opérations de surveillance ou d’interrogatoire de la part de l’armée ou de la police, de manière à garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs puissent s’exercer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. Le comité demande à être tenu informé à ce propos.
    • g) En ce qui concerne les cas d’arrestation et de détention, le comité prie le gouvernement:
    • i) de communiquer ses observations au sujet des nouvelles allégations d’arrestations et de détentions illégales;
    • ii) de soumettre ultérieurement des informations précises concernant ces arrestations et les procédures légales ou judiciaires sur lesquelles celles-ci sont fondées;
    • iii) de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que l’instruction et la procédure judiciaires relatives à tous les cas d’arrestations et de détentions illégales alléguées se déroulent en toute indépendance et sans délai, de manière à faire toute la lumière sur la situation actuelle des personnes concernées et les circonstances de leur arrestation;
    • iv) de communiquer le texte de tout jugement rendu au sujet des cas susmentionnés, accompagné des motifs invoqués à son propos; et
    • v) en ce qui concerne la détention prolongée de 20 travailleurs de Karnation Industries, dans la mesure où l’enquête concernant les allégations en suspens établit que les personnes concernées étaient détenues pour des motifs liés à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité demande instamment au gouvernement de faire en sorte que tout travailleur encore emprisonné soit immédiatement libéré, et de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les charges restantes soient abandonnées.
    • h) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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