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- 1111. La plainte est contenue dans une communication datée du 6 février 2007 émanant du Syndicat du secteur financier de Norvège (FSUN).
- 1112. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication datée du 5 mai 2007.
- 1113. La Norvège a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1114. Dans sa communication du 6 février 2007, le FSUN allègue que le gouvernement s’est indûment ingéré dans la négociation collective par la loi no 19 du 16 juin 2006 qui a soumis le règlement du différend opposant le FSUN à l’Association des employeurs norvégiens du secteur financier (FA) au Conseil national des salaires. La loi précitée a mis fin à une grève légale menée en rapport avec la révision de l’accord-cadre. L’organisation plaignante allègue également que le ministre du Travail et de l’Insertion sociale s’est indûment ingéré dans le conflit le 9 juin 2006.
- 1115. L’organisation plaignante rappelle que ces dernières années le gouvernement norvégien a utilisé, à plusieurs reprises, de telles méthodes législatives pour intervenir dans le processus de négociation collective et cite à cet égard les cas nos 1099, 1255, 1389, 1448, 1576, 1680, 1763 et 2484. Le FSUN affirme que les caractéristiques du présent cas et les questions qu’il soulève sont identiques à celles des cas examinés antérieurement par le comité au sujet de la Norvège. L’organisation plaignante explique en outre que, en vertu du droit du travail norvégien, le recours à un arbitrage obligatoire et l’interdiction de la grève doivent être approuvés par une loi spéciale du parlement. Il appartient au parlement de décider si le conflit en cause doit être résolu par un arbitrage obligatoire. Cependant, aucune loi ne précise les circonstances dans lesquelles un arbitrage obligatoire peut être imposé.
- 1116. L’organisation plaignante explique que la négociation collective entre le FSUN et la FA en vue de la révision de l’accord général, y compris sur les salaires, les conditions de travail et les pensions de retraite, a débuté le 20 avril 2006. En particulier, le FSUN a demandé qu’un système de négociation collective soit établi si des modifications devaient être apportées aux régimes de retraite existants. La plupart des employés du secteur financier sont soumis à un régime professionnel de retraite contributif défini qui n’est pas actuellement couvert par l’accord collectif. Ces dernières années, les entreprises ont réorganisé leurs régimes de retraite collectifs. Ce processus a été mené sans que les délégués syndicaux n’y prennent une part satisfaisante. Par conséquent, le FSUN a affirmé qu’il faudrait établir un système grâce auquel, lorsque les entreprises envisagent de modifier les systèmes de retraite existants, les délégués syndicaux participent à un mécanisme de codétermination. Les employeurs ont cependant rejeté la demande du syndicat tendant à ce que les représentants des travailleurs participent aux négociations en vue de l’adoption d’un régime professionnel de retraite conventionnel. Les employeurs ont prétendu que cela empiétait sur leurs prérogatives en matière de gestion ainsi que sur leur capacité d’administrer correctement les entreprises. Ils ont en outre expliqué que les dispositions des régimes professionnels de retraite ne font pas habituellement partie des droits de négociation d’un syndicat.
- 1117. Suite à une médiation, qui n’a pas permis aux deux parties de parvenir à un accord, les négociations ont débouché sur une impasse le 3 mai 2006. Le 5 mai 2006, le FSUN a transmis un préavis de grève aux employeurs au nom de ses 6 020 membres (tous employés dans le secteur des assurances). Le syndicat a décidé que seul un nombre restreint de syndicalistes participeraient à la grève et que celle-ci ne toucherait qu’un seul secteur afin de montrer que la grève ne visait que les employeurs et d’en limiter les désagréments pour le public. Le 12 mai 2006, le FSUN a prévenu que 1 573 employés du secteur bancaire (soit 6 pour cent des membres actifs du FSUN) participeraient à la grève le 12 juin 2006, portant ainsi le nombre total de grévistes à 7 593, soit 29 pour cent des membres actifs du FSUN. Les employeurs ont répondu le même jour en déposant un préavis de lock-out total de toutes les banques et compagnies d’assurances membres de la FA, bloquant ainsi la plupart des services bancaires et d’assurance à compter du 12 juin 2006. Pour tenter d’annuler l’appel à la grève dans le secteur des assurances, une nouvelle médiation a eu lieu avec le Médiateur national les 30 et 31 mai 2006 mais sans succès.
- 1118. Le 1er juin 2006, 6 020 membres du FSUN travaillant dans le secteur des assurances se sont mis en grève. Le 7 juin 2006, le Médiateur national a invité les parties à tenir deux réunions afin de tenter de sortir de l’impasse. Le 9 juin 2006, le ministre du Travail et de l’Insertion sociale a organisé une réunion avec les représentants des deux parties pour les exhorter à résoudre leur différend pour éviter l’escalade de la grève et le lock-out annoncé par les employeurs pour le 12 juin 2006 et leur a demandé de lui faire rapport. Les parties se sont réunies le lendemain, le 10 juin 2006, mais ne sont pas parvenues à un accord. L’organisation plaignante estime que les initiatives du ministre constituent un acte d’ingérence et de pression qui a affecté l’exercice concret du droit de grève et a violé les droits et garanties prévus à l’article 3 de la convention no 87 et à l’article 2 de la convention no 98.
- 1119. Le 11 juin 2006, le gouvernement a informé les organisations de son intention d’intervenir dans le conflit au moyen de l’arbitrage obligatoire. Sa décision était fondée sur les rapports de l’Autorité norvégienne de contrôle financier, de la Banque centrale de Norvège (ci-après dénommée la Banque centrale) et des autorités de sécurité sociale. Le gouvernement a ensuite transmis une proposition de loi au parlement qui a adopté, le 16 juin 2006, une loi sur l’arbitrage obligatoire. Cette loi a soumis le différend à l’arbitrage obligatoire du Conseil national des salaires et a interdit de le régler par la grève. Le Conseil national des salaires a rendu sa décision le 16 août 2006.
- 1120. L’organisation plaignante estime que la loi du 16 juin 2006 sur l’arbitrage obligatoire, en particulier, et plus généralement le système tout entier d’arbitrage obligatoire tel qu’il est appliqué par le gouvernement, contreviennent aux garanties prévues par les conventions nos 87 et 98. Le lock-out annoncé par les employeurs et l’intervention immédiate du gouvernement au moyen de l’arbitrage obligatoire ont restreint le droit de grève et le droit de négociation collective.
- 1121. Selon l’organisation plaignante, la proposition de loi du gouvernement ne portait pas sur le fait de savoir si le secteur bancaire était un service essentiel mais sur les conséquences possibles d’un durcissement du conflit sur les titres et le marché financier norvégiens et sur la société en général. Les principaux arguments invoqués par le gouvernement pour justifier l’adoption d’une législation sur l’arbitrage obligatoire étaient fondés sur les rapports de l’Autorité norvégienne de contrôle financier et de la Banque centrale. Or ces rapports ont uniquement évalué les conséquences de la grève et du lock-out sur le secteur bancaire et non pas sur le secteur des assurances. Dans un communiqué de presse daté du 11 juin 2006, le gouvernement a affirmé que le facteur déterminant pour imposer un arbitrage obligatoire était que l’escalade du conflit risquait de créer rapidement des problèmes sociaux graves et généralisés. Le gouvernement a également indiqué dans ce communiqué que le conflit risquait de paralyser tellement de fonctions sociales essentielles qu’il devait intervenir avant que le chaos annoncé ne se produise.
- 1122. Selon la Banque centrale, la grève et le lock-out risquaient d’affecter la plupart des banques norvégiennes d’une manière ou d’une autre. La Banque centrale a considéré que, dans le cas d’un lock-out total, il était nécessaire de se résoudre à appliquer la «doctrine de fermeture», c’est-à-dire que toutes les infrastructures des services communs aux banques devraient être fermées. Concrètement, la «doctrine de fermeture» impliquait que même les banques non visées par la grève et le lock-out ne seraient pas en mesure d’effectuer de services de paiement et d’exécuter de transactions étant donné que les services communs de la BBS (entreprise basée sur les technologies de l’information détenue par les banques norvégiennes afin de gérer les paiements par cartes de crédit, les transactions bancaires en ligne et par virement) seraient interrompus. Cela signifiait par conséquent qu’aucune transaction bancaire ne pourrait être effectuée par les particuliers, que les salaires ne seraient pas crédités sur le compte des employés, que les demandes de prêts ne seraient pas examinées, que les crédits accordés ne seraient pas versés sur les comptes concernés et que les entreprises ne pourraient effectuer aucun paiement. La Banque centrale évalue ensuite la façon dont ces inconvénients auraient pu être minorés, par exemple grâce à des accords prévoyant d’avancer les dates de paiement. Les cartes de crédit auraient pu être utilisées pour l’achat de services et de biens par le biais d’un système non électronique. Les particuliers auraient pu régler leurs achats en espèces, à condition qu’ils disposent de réserves de liquidités suffisantes pour pouvoir continuer de fonctionner en cas de poursuite de la grève/du lock-out. Bien que plusieurs banques aient pu continuer de fonctionner durant la grève, elles n’auraient pu effectuer que des services limités de paiement du fait de la paralysie des services bancaires communs de la BBS. Bien que la plupart des ménages aient pu anticiper la grève en accumulant des liquidités, un certain nombre d’entre eux n’auraient pas pu retirer d’importantes sommes d’argent avant le début de la grève étant donné que le paiement mensuel des allocations de sécurité sociale et des pensions de retraite était prévu pour le 12 juin 2006, c’est-à-dire le jour même de la grève et du lock-out. La situation des personnes dépendantes des allocations sociales serait encore plus problématique car elles ne seraient pas en mesure d’acheter des produits de base, comme de la nourriture ou des médicaments.
- 1123. Selon l’Autorité norvégienne de contrôle financier, les organismes financiers seraient en mesure de garantir un certain niveau d’activité si les employés à des postes clés assuraient leur service et si la grève ne durait pas trop longtemps. Cependant, une grève plus longue aurait des conséquences graves à long terme sur l’image internationale des institutions financières norvégiennes.
- 1124. Le projet de loi du gouvernement a expliqué les différentes conventions pertinentes de l’OIT mais a conclu que l’arbitrage obligatoire ne contrevenait à aucune convention puisque l’escalade du conflit aurait conduit à une paralysie totale des services et activités de nature financière, ce qui n’aurait pas manqué d’avoir des conséquences graves sur la société. Le gouvernement a en outre considéré qu’il était de son devoir d’intervenir dans le conflit en imposant un arbitrage obligatoire, même si cela s’avérait contraire aux engagements internationaux de la Norvège.
- 1125. L’organisation plaignante considère que le gouvernement est intervenu de façon inopportune en s’ingérant dans un conflit qui concernait un secteur et dont le durcissement dans un autre secteur n’était pas autorisé. De plus, cette intervention était injustifiée puisque le secteur financier n’est pas un service essentiel au sens strict du terme. En fait, le gouvernement n’est pas parvenu à démontrer en quoi l’interruption de ces services risquait de poser une menace claire et imminente à la vie, la santé ou la sécurité dans tout ou partie de la population. Les mesures qui auraient pu être prises par le gouvernement pour atténuer les effets probables de la grève n’ont été ni envisagées ni discutées. A cet égard, l’organisation plaignante indique que l’accord-cadre conclu par le FSUN et la FA contient une disposition relative à la poursuite des activités en cas de différend professionnel (service minimum) (voir annexe). Celle-ci prévoit un système de services minimums et un système accordant des dispenses au cours d’un conflit pour en limiter les dangers immédiats. Une liste comportant les noms et les fonctions des personnes retenues doit être établie bien avant que la négociation volontaire ne soit menée. Des dispenses peuvent en outre être accordées au cours du conflit. Ces deux types d’activités ont été menées. Lors de la grève menée dans le secteur des assurances, plusieurs services avaient en effet été assurés, notamment par la Compagnie d’assurance et d’assistance maritime, pour laquelle de nombreuses dérogations avaient été accordées. Cependant, le recours à ces services n’était plus possible du fait de l’application prévue de la «doctrine de fermeture» par les employeurs du secteur financier. En outre, le lock-out annoncé annulait les accords antérieurs conclus par les parties. Par conséquent, le FSUN s’interroge sur l’urgence qu’il y avait à recourir à l’arbitrage obligatoire dans le conflit en question alors que l’on n’a pas permis la mise en place du service minimum prévu par l’accord.
- 1126. L’organisation plaignante affirme que la grève ne portait pas sur un service essentiel et ne constituait pas un danger imminent pour la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population. S’il est vrai que l’escalade du conflit aurait notamment eu pour effet la fermeture des banques et l’arrêt de toutes les transactions bancaires, ce qui aurait rendu nécessaire le règlement en liquide de tous les achats, des mesures auraient pu être prises pour pallier ces inconvénients. Attendu que le gouvernement et le public avaient été avertis longtemps en avance de la fermeture des banques, la plupart des consommateurs auraient pu régler leurs achats en espèces et régler par cartes de crédit l’achat de produits de base. Le gouvernement aurait pu envisager de différer les dates de versement des allocations sociales et des pensions de retraite ou prévoir d’autres modes de paiement pour les personnes dépendant des allocations sociales et de leur pension de retraite. Le gouvernement a évalué la situation selon des risques hypothétiques et les conséquences probables de la grève. De plus, le préavis de grève et de lock-out aurait pu permettre au gouvernement de procéder au versement anticipé des prestations de sécurité sociale pour résoudre les problèmes immédiats des populations vulnérables. Si le gouvernement avait été plus critique à l’égard de la «doctrine de fermeture», les actions revendicatrices auraient pu se poursuivre et peut-être permettre de parvenir à d’autres mécanismes ou solutions par le biais de négociations entre les parties au conflit.
- 1127. En dernier lieu, l’organisation plaignante allègue que le dirigeant du comité exécutif de la FA avait indiqué que le lock-out avait été déclaré pour pousser le gouvernement à recourir à l’arbitrage obligatoire. Selon l’organisation plaignante, cette tactique s’est avérée payante. Le recours à la «doctrine de fermeture» et l’arbitrage obligatoire imposé par la suite était donc un moyen d’empêcher la tenue de négociations véritables entre les parties.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1128. Dans sa communication du 5 mai 2007, le gouvernement déclare comprendre que, bien que le droit de grève ne soit pas expressément prévu par les dispositions des conventions nos 87 et 98, il est néanmoins considéré comme l’un des principes de la liberté syndicale. Le gouvernement comprend également que, selon les organes de contrôle de l’OIT, les conséquences d’un conflit du travail pourraient devenir graves au point que des limitations du droit de grève pourraient devenir compatibles avec les principes de liberté syndicale. Lorsqu’une grève concerne des fonctionnaires exerçant des fonctions dans l’administration de l’Etat ou les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans tout ou partie de la population, des limitations ou des interdictions de grève sont jugées acceptables par les organes de contrôle de l’OIT. Le gouvernement dit connaître le principe selon lequel le secteur bancaire ne constitue pas un service essentiel. Cependant, les cas dans lesquels ces principes ont été appliqués sont plutôt anciens. Depuis lors, des progrès technologiques considérables ont eu lieu qui ont accru la dépendance à l’égard des moyens électroniques de paiement. La Norvège est l’un des pays les plus «avancés» en termes de système de paiements dématérialisés.
- 1129. Le gouvernement souligne que la Norvège déploie des efforts importants pour se conformer aux conventions de l’OIT. Une ingérence dans un conflit du travail n’a lieu que lorsque la vie et la santé de la personne ou d’importants intérêts publics sont mis en danger. Le gouvernement considère que son ingérence, qui a consisté à imposer un arbitrage obligatoire par la loi du 16 juin 2006 et à tenir une réunion le 9 juin 2006 à la demande du ministre du Travail et de l’Insertion sociale, ne constitue pas une infraction aux conventions nos 87 et 98.
- 1130. Le gouvernement indique que le conflit est né en raison de la révision en 2006 de l’accord-cadre conclu entre le FSUN et la FA. Le 3 mai, suite à l’échec des négociations, le FSUN a déposé un préavis d’arrêt collectif de travail des 6 020 membres du syndicat travaillant dans des compagnies d’assurances couvertes par l’accord-cadre, effectif à compter du 1er juin. Le 5 mai, le Médiateur national a interdit l’arrêt du travail avant toute tentative de médiation. Le 12 mai, le FSUN a informé les autorités d’un durcissement du conflit en indiquant que 1 573 autres membres du syndicat, travaillant dans 76 banques membres d’un groupe bancaire (Terra Group), allaient se joindre à l’arrêt collectif de travail à compter du 12 juin. Le même jour, la FA a envoyé un préavis de lock-out pour les 15 000 autres membres de la FSUN couverts par l’accord collectif, également à compter du 12 juin. Par conséquent, le lock-out a été provoqué par l’annonce de l’escalade de la grève faite par le syndicat. Etant donné qu’un seul groupe bancaire était visé par la grève, les employeurs ont considéré qu’il s’agissait d’un cas de distorsions de concurrence. Le 18 mai, le Syndicat norvégien des employés de commerce et de bureau et le Syndicat des postes et communications ont annoncé que 1 657 de leurs membres travaillant dans le secteur financier comptaient entamer une grève de solidarité à partir du 12 juin 2006.
- 1131. Aucune des tentatives de médiation menées (les 1er, 6 et 7 juin 2006) pour résoudre le conflit n’a abouti. Le ministre du Travail et de l’Insertion sociale a donc convoqué les parties à une réunion le 9 juin. Il a à cette occasion évoqué les conséquences très étendues qu’aurait une escalade du conflit et mis l’accent sur la responsabilité des parties. Il les a fortement exhortées à parvenir à un accord le plus rapidement possible. Le ministre a explicitement indiqué qu’il avait convoqué les parties parce que l’organisation des employeurs avait ouvertement déclaré aux médias que le gouvernement comptait intervenir en imposant un arbitrage obligatoire. Le ministre a considéré qu’il interprétait cette déclaration comme une tentative de l’organisation des employeurs de renoncer à sa responsabilité de trouver une solution au conflit et de charger le gouvernement d’y parvenir. Les parties ayant informé le ministre qu’elles n’étaient pas parvenues à une solution mutuellement acceptable, celui-ci a convoqué une nouvelle réunion le 11 juin. Il a, à cette occasion, fait savoir qu’au vu de l’escalade imminente du conflit dans le secteur financier, qui provoquerait l’arrêt total de tous les systèmes de paiement, causant ainsi de graves troubles et problèmes sociaux, le gouvernement avait l’intention de soumettre une proposition de loi au parlement afin de résoudre le conflit par l’arbitrage obligatoire. Le ministre a demandé aux parties d’empêcher l’escalade du conflit et de reprendre le travail, ce qu’elles se sont engagées à faire. Le gouvernement ne voit pas en quoi les démarches du ministre pourraient constituer une ingérence dans le conflit et, partant, une violation de l’article 3 de la convention no 87 et de l’article 2 de la convention no 98.
- 1132. La proposition de loi a été soumise au parlement le 12 juin et adoptée le 16 juin. Le Conseil national des salaires s’est ensuite saisi de l’affaire. Le gouvernement indique que le Conseil national des salaires est un organe indépendant composé de neuf membres (trois membres neutres, deux appartenant aux deux principales organisations de travailleurs et d’employeurs et deux membres pour chacune des parties au conflit). Cinq de ses membres ont le droit de vote (les trois membres neutres et un des deux représentants pour chaque partie au conflit), les quatre autres n’ayant qu’un pouvoir consultatif. La décision du Conseil national des salaires, qui a valeur d’accord collectif entre les parties, a été rendue le 17 août 2006.
- 1133. A partir du 1er juin, tous les membres du FSUN employés dans des compagnies d’assurances (soit quelque 65 pour cent des salariés des compagnies d’assurances) sont entrés dans le conflit. La grève avait provoqué une forte réduction de l’activité dans le secteur des assurances, causant un grand nombre de problèmes et d’inconvénients pour les consommateurs. Or l’annonce de l’escalade du conflit à partir du 12 juin a suscité des préoccupations encore plus graves. Tous les membres du FSUN auraient été soit en grève soit en lock-out et le conflit se serait étendu à toutes les banques norvégiennes, à l’exception de 11 d’entre elles. Cependant, même ces dernières risquaient d’être gravement touchées par le conflit attendu que toutes les opérations communes effectuées dans le cadre des systèmes et règlements des services de paiement allaient être interrompues pour des raisons de sécurité.
- 1134. Selon les estimations de la Banque centrale et de l’Autorité norvégienne de contrôle financier communiquées au gouvernement, le conflit allait prendre une telle ampleur que la «doctrine de fermeture» devait être appliquée en bloquant l’infrastructure conjointe des banques. La Banque centrale et l’Autorité norvégienne de contrôle financier ont en outre expliqué que les technologies informatiques ne permettaient pas de suspendre un nombre important de transactions lorsque les systèmes de la banque récipiendaire n’étaient pas opérationnels. Par conséquent, plutôt que de prendre le risque de voir tous les systèmes s’effondrer, il était plus sûr de procéder à une fermeture contrôlée des systèmes de paiement et de règlement. La Banque centrale a en outre expliqué à quel point la dépendance à l’égard des services modernes de paiement s’était accrue au cours des dernières années. Ainsi, alors que les billets de banque et la monnaie étaient utilisés dans 16 pour cent des transactions en 1996, cette part a été divisée par deux fin 2005. Au cours de la même période, les transactions par écritures ont augmenté de 137 pour cent. L’utilisation des chéquiers a quasiment disparu au cours de la même période et est passée de 3,4 pour cent en 1996 à 0,007 pour cent en 2005. Pendant le conflit, le public n’aurait pas été en mesure d’effectuer de paiements par l’intermédiaire des banques puisque celles-ci auraient été fermées et que les terminaux de paiement, la banque à distance, la banque par Internet et les distributeurs automatiques de billets n’auraient pas fonctionné. Les ordres de virement n’auraient pas été traités. Les cartes de crédit auraient pu être utilisées dans certains commerces, à condition que ceux-ci disposent de machines manuelles de traitement. Or la plupart des magasins d’alimentation ne disposent plus de ce genre d’outils. La Banque centrale a en outre indiqué que ni les salaires ni les prestations nationales d’assurance ne seraient versés sur les comptes des clients. Le public pouvait certes régler en espèces l’achat de biens et de services mais, compte tenu du fait que les distributeurs automatiques de billets seraient hors service et les banques fermées, la population devrait se contenter des espèces retirées avant le début de la grève. En outre, étant donné que les coffres-forts de nuit des banques seraient fermés, on assisterait à une accumulation d’espèces dans les commerces. La Banque centrale a estimé que, même si de nombreux ménages pouvaient se préparer à cette situation en accumulant des liquidités, cette option n’était pas viable pour tous car de nombreuses personnes n’étaient pas dans une situation économique leur permettant de constituer des réserves préalables d’espèces. Beaucoup de personnes dépendaient de l’accès immédiat à leur salaire et aux allocations sociales. La situation de ces dernières pourrait devenir préoccupante si elles ne pouvaient accéder ni à la nourriture ni aux médicaments. De l’avis de la Banque centrale, l’absence de services bancaires aurait eu rapidement de graves conséquences pour la société.
- 1135. La situation des personnes dépendant des allocations chômage, des pensions de retraite ou des prestations sociales deviendrait immédiatement difficile. Selon les autorités de sécurité sociale, 11,7 millions de couronnes norvégiennes devaient être versées le 12 juin en allocations chômage et 86 millions en prestations sociales diverses, y compris en pensions de retraite. Le lendemain, 144 millions de couronnes norvégiennes devaient être versées en allocations chômage et 154 millions en prestations sociales diverses, y compris en pensions de retraite. Des sommes considérables devaient également être débloquées les jours suivants. Une demande de paiement anticipé des pensions de retraite avait été soumise aux banques. Mais, si le lock-out annoncé avait eu lieu, les allocataires n’auraient pas eu accès à leur compte puisque les paiements quotidiens sont effectués une fois les déclarations validées. Le paiement des allocations chômage est effectué toutes les deux semaines après transmission de la déclaration de chômage par les bénéficiaires. Par conséquent, il était impossible de contrer les effets du conflit en versant les allocations avant le 12 juin. Le 9 juin, les autorités de sécurité sociale ont demandé à la FA de ne pas être soumises au lock-out. Cette demande a été rejetée.
- 1136. Le gouvernement ajoute que l’escalade du conflit aurait eu des conséquences évidentes sur la sécurité: l’accumulation d’espèces chez les commerçants et les particuliers aurait augmenté le risque de vols et d’autres délits.
- 1137. L’après-midi du 9 juin, la Banque centrale a été informée du fait que le système international de règlement des devises, The Continuous Linked Settlement (CLS), avait décidé de suspendre les règlements en couronnes norvégiennes à compter du 12 juin si le conflit se durcissait comme prévu. Le CLS a été établi en 2002 afin de réduire les risques associés au règlement des transactions en devises étrangères. Cela aurait été la première fois qu’une monnaie participante était suspendue du CLS. Ce dernier a expliqué sa position en invoquant la nervosité extrême ressentie par les partenaires étrangers à l’égard du règlement en couronnes norvégiennes alors que les banques seraient fermées. Le CLS craignait que la confiance dans le système tout entier ne s’effondre. Il a également souligné que l’utilisation de procédures d’urgence constituait un risque non nécessaire. Afin de rétablir la sérénité sur le marché, le CLS a donc décidé de suspendre la couronne norvégienne.
- 1138. L’Autorité norvégienne de contrôle financier a également prévenu qu’un conflit de grande ampleur dans le secteur bancaire et financier aurait paralysé rapidement de nombreuses fonctions vitales pour la société, les institutions financières et le marché boursier. Elle a considéré que, contrairement aux conflits sociaux dans le secteur de la santé ou des transports, dont les effets les plus graves pouvaient être atténués en assurant le fonctionnement de services essentiels, il était difficile d’établir une différence, dans le secteur financier, entre des fonctions vitales et des fonctions moins vitales nécessitant d’être maintenues au cours du conflit.
- 1139. Compte tenu de ce qui précède, le gouvernement a estimé que le durcissement annoncé du mouvement a eu pour conséquence de créer une situation dans laquelle les intérêts publics ont été mis en danger et qui était tellement préjudiciable à la société qu’il devait y mettre un terme. Le gouvernement souligne que le transfert de paiements constitue une infrastructure essentielle des sociétés modernes qui ne peut être interrompue. Le conflit aurait provoqué l’interruption de pratiquement toutes les activités bancaires et aurait eu des conséquences immédiates graves pour les allocataires de prestations sociales, les consommateurs, le commerce et l’industrie. Il ne fait aucun doute qu’il devait être très rapidement mis fin à ce conflit. Les réunions entre le ministre du Travail et de l’Insertion sociale et les parties ont clairement démontré que la situation était dans l’impasse et que les parties ne disposaient que de très peu d’options pour parvenir à un accord.
- 1140. Le gouvernement exprime son désaccord avec la déclaration du FSUN selon laquelle la loi du 16 juin 2006 sur l’arbitrage obligatoire, en particulier, et plus généralement le système tout entier d’arbitrage obligatoire appliqué par le gouvernement norvégien contreviennent aux garanties prévues par les conventions nos 87 et 98. En Norvège, les travailleurs jouissent d’un droit de grève très étendu. Il n’existe pas d’interdiction au droit de grève, excepté pour les membres des forces armées et les hauts fonctionnaires. Cependant, il existe un large consensus dans le pays eu égard à la responsabilité qui incombe en dernier ressort au gouvernement pour empêcher que des conflits sociaux ne causent un préjudice grave à la société. Le parlement a depuis longtemps adopté des lois spéciales autorisant l’intervention des pouvoirs publics dans des conflits sociaux ayant causé un préjudice social grave. Au départ, plusieurs de ces textes violaient à l’évidence les conventions. Cependant, la situation a depuis évolué de manière positive ces dix à quinze dernières années, en raison de la prise de conscience accrue des droits internationaux de l’homme. Le point essentiel est que chaque conflit et ses conséquences doivent faire l’objet d’un examen spécifique.
- 1141. Le gouvernement rejette l’affirmation du FSUN selon laquelle le gouvernement a évalué la situation sur la base de risques hypothétiques et de ses conséquences possibles. Le gouvernement s’est fondé sur les rapports et les évaluations des autorités de contrôle, qui sont des institutions indépendantes. En outre, le week-end précédent l’annonce de la grève/du lock-out, de nombreux distributeurs de billets ont été vidés, signe des difficultés ultérieures qui auraient pu survenir rapidement.
- 1142. S’agissant de la déclaration du syndicat selon laquelle un service minimum aurait pu être assuré, comme prévu par l’accord, le gouvernement souligne que selon la déclaration de l’organisation plaignante le lock-out annulait les accords précédents conclus par les parties. En outre, si le syndicat estimait que l’accord sur le maintien d’un service minimum aurait pu éviter le recours à la «doctrine de fermeture», il aurait dû soulever cette question lors des réunions tenues avec le ministre les 9 et 11 juin afin d’attirer l’attention du gouvernement sur ce point. Selon l’interprétation du gouvernement des recommandations de l’OIT concernant le service minimum, il est préférable que des accords de ce type soient conclus par les parties et, de préférence, pas durant le conflit. Quant à la question de savoir s’il aurait dû imposer un service minimum, le gouvernement ne pense pas que cela aurait été possible ou aurait eu le moindre effet. Selon lui, la responsabilité d’un accord sur un service minimum relève des deux parties au conflit. Le gouvernement a cependant pris note des recommandations formulées par le comité concernant le cas no 2484 et les examinera avec soin.
- 1143. S’agissant de la déclaration du FSUN selon laquelle le gouvernement avait l’intention de recourir à l’arbitrage obligatoire même si cette mesure était contraire aux conventions de l’OIT, le gouvernement confirme que ces termes sont effectivement utilisés dans toutes les propositions d’arbitrage obligatoire. Ce libellé a été incorporé au projet de loi en raison de spécificités juridiques nationales et du statut du droit international dans le système juridique norvégien.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1144. Le gouvernement note que ce cas concerne l’imposition par les autorités d’une procédure d’arbitrage obligatoire destinée à mettre fin à une grève dans le secteur des services financiers. Selon les informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, la grève, qui a débuté le 1er juin 2006 dans le cadre de la révision d’un accord collectif portant sur le secteur financier au printemps 2006, a pris fin à la suite d’une loi votée par le parlement le 16 juin 2006; le conflit a été soumis au Conseil national des salaires qui a rendu sa décision le 17 août 2006 (16 août selon l’organisation plaignante).
- 1145. Sur la base des informations fournies par l’organisation plaignante, le comité note que les négociations ont débouché sur une impasse lorsque les employeurs ont refusé de négocier des procédures sur les modifications à apporter aux régimes professionnels de retraite au motif que ceux-ci ne font pas partie du champ de négociation collective des syndicats. Le 5 mai 2006, un préavis de grève a été déposé, indiquant qu’une grève dans le secteur des assurances débuterait le 1er juin. Le 12 mai, le FSUN a indiqué que 1 573 employés du secteur bancaire (soit 6 pour cent de ses membres) se rallieraient au mouvement le 12 juin. Le même jour, la FA a annoncé le lock-out total de toutes les banques et compagnies d’assurances le 12 juin.
- 1146. Sur la base des informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, le comité note que les deux parties ont tenté de trouver un accord par le biais de la médiation. Il note en outre que le ministre du Travail et de l’Insertion sociale a rencontré les parties pour les exhorter à parvenir à une solution mutuellement acceptable. Le comité note que l’organisation plaignante considère que l’ingérence du ministre dans le conflit était en violation des conventions nos 87 et 98.
- 1147. Le comité relève que, bien que l’organisation plaignante considère que les services financiers ne sont pas essentiels au sens strict du terme, le gouvernement affirme que, compte tenu du fait que les progrès technologiques permettent d’effectuer des paiements dématérialisés, les services bancaires devraient être aujourd’hui considérés comme des services essentiels dont l’interruption risquerait de paralyser le fonctionnement de la société et d’avoir des conséquences préjudiciables sur les échanges, le commerce et la vie et la santé de la population. Le gouvernement présente une argumentation détaillée de son point de vue.
- 1148. D’autre part, l’organisation plaignante considère que le gouvernement aurait dû exiger la mise en place d’un service minimum au lieu d’imposer un arbitrage obligatoire et qu’il aurait dû chercher d’autres solutions pour résoudre les problèmes immédiats plutôt que d’évaluer les conséquences hypothétiques de la grève et de mettre fin à toutes les actions revendicatives, notamment celles qui avaient déjà commencé dans le secteur des assurances et pour lesquelles aucun danger immédiat menaçant la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population ne pouvait être invoqué. L’organisation plaignante ajoute que certains services minimums convenus avaient en effet été offerts comme prévu par l’accord collectif en vigueur mais qu’ils auraient été suspendus suite à la décision des employeurs d’imposer un lock-out complet et de recourir à la «doctrine de fermeture» en vertu de laquelle les services communs de toutes les banques devaient cesser de fonctionner. Le gouvernement, pour sa part, considère qu’il revenait aux parties de s’entendre sur un service minimum sans qu’il ait eu besoin de s’immiscer dans la question. Selon l’organisation plaignante et le gouvernement, le lock-out total déclaré par les employeurs annulait tous les accords conclus précédemment entre les parties dans ce domaine et créait une situation qui ne permettait pas d’assurer le service minimum requis.
- 1149. Le comité considère qu’il est difficile de concilier un arbitrage imposé par les autorités de leur propre initiative avec le droit de grève et le principe du caractère volontaire de la négociation. Il rappelle en outre qu’un arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et à une grève est acceptable soit s’il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. Les services bancaires et d’assurance ne relèvent pas de cette catégorie. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 564 et 587.]
- 1150. En premier lieu, le comité observe que la loi du 16 juin 2006 a eu pour effet d’imposer un arbitrage obligatoire non seulement à l’égard du secteur bancaire, mais aussi à l’égard de l’action de grève initiale du 1er juin des employés du secteur des assurances, grève au sujet de laquelle les mêmes arguments relatifs à la paralysie de l’économie n’avaient pas été invoqués par le gouvernement qui, de plus, n’avait même pas fait mention de la nécessité d’un service minimum comme conséquence du conflit. Le comité estime donc que le recours à l’arbitrage obligatoire concernant la grève dans le secteur des assurances était contraire aux principes généraux relatifs au droit de grève et au caractère volontaire de la négociation collective. Il exprime le ferme espoir que le gouvernement évitera dans l’avenir d’adopter une loi qui a pour effet de mettre fin à l’ensemble des actions revendicatives d’un conflit, en particulier lorsque celui-ci concerne un secteur, comme ici celui des assurances, qui ne peut pas être considéré comme essentiel au sens strict du terme et pour lequel aucune difficulté particulière justifiant l’imposition d’un service minimum n’est apparue.
- 1151. Pour ce qui est du secteur bancaire, le comité prend note des arguments présentés par le gouvernement concernant les conséquences du lock-out total annoncé dans le secteur mais relève que le fait d’établir un lien entre les restrictions aux actions revendicatives et l’entrave aux échanges et au commerce permet effectivement de porter atteinte à une large gamme d’actions revendicatives légitimes. De plus, le comité exprime son inquiétude face au lock-out total annoncé par la FA (apparemment en contravention des dispositions de l’accord-cadre sur le service minimum) en réponse à la déclaration du FSUN concernant l’extension de la grève dans le secteur bancaire via l’appel fait à 6 pour cent de ses membres (soit 1 573 travailleurs) à rejoindre le mouvement. Il s’est aussi dit préoccupé par les allégations selon lesquelles la FA avait indiqué que le lock-out avait été déclaré pour pousser le gouvernement à recourir à l’arbitrage obligatoire. Il ne peut pas ignorer l’impact que la déclaration d’un lock-out total dans le secteur bancaire, associée à la mention d’une nécessaire application de la «doctrine de fermeture», avait eu sur l’évaluation des vastes conséquences prévisibles de la grève sur la vie quotidienne des Norvégiens.
- 1152. Bien que le comité considère que les services bancaires ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme, il reconnaît que, afin d’éviter de causer des dommages irréversibles ainsi que des préjudices aux tiers, à savoir les usagers ou les consommateurs victimes des effets économiques des conflits collectifs, les autorités auraient pu imposer le respect des procédures relatives au système minimum convenues par les parties dans l’accord-cadre plutôt que d’imposer l’arbitrage obligatoire. Même si le comité considère que, idéalement, un service minimum devrait être négocié par les parties concernées, de préférence avant l’apparition d’un conflit, il reconnaît que le service minimum à fournir dans les cas où la nécessité ne s’en fait sentir qu’après l’annonce de la grève ne peut être déterminé que durant le conflit. En l’absence de tout accord sur ce point entre les parties au niveau de l’entreprise, un organe indépendant aurait pu être établi afin d’imposer un service minimum suffisant pour répondre aux préoccupations du gouvernement concernant les conséquences du conflit sur les services bancaires, tout en préservant le respect des principes du droit de grève et du caractère volontaire de la négociation collective. Dans le cas d’espèce, le comité regrette que le gouvernement n’ait pas tenté de négocier un service minimum dans le secteur bancaire avec les parties concernées et, en cas de désaccord, n’ait pas laissé à un organe indépendant ayant la confiance des parties le soin de régler la question.
- 1153. Compte tenu de ce qui précède, le comité exprime sa préoccupation quant au fait que la loi du 16 juin 2006 n’est pas conforme aux conventions nos 87 et 98. Il rappelle qu’un service minimum pourrait être approprié comme solution de rechange possible dans les situations où une limitation importante ou une interdiction totale de la grève n’apparaît pas justifiée et où, sans remettre en cause le droit de grève de la plus grande partie des travailleurs, il pourrait être envisagé d’assurer la satisfaction des besoins de base des usagers. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 607.] En outre, le comité note que la situation a été aggravée notamment par le lock-out total et le refus de la FA d’accorder des dispenses ou de demander les services minima prévus dans l’accord-cadre. Prenant note du fait que le gouvernement a assuré qu’il étudiera les recommandations formulées récemment par le comité concernant le cas no 2484 relatif à l’imposition d’un arbitrage obligatoire dans le secteur des ascenseurs, et en particulier les préoccupations du comité concernant l’établissement d’un service minimum, le comité exprime le ferme espoir que le gouvernement veillera, à l’avenir, à ce qu’il soit considéré de faire appel à la négociation ou à la mise en place d’un service minimum plutôt que d’interdire catégoriquement une grève par l’imposition d’un arbitrage obligatoire.
- 1154. S’agissant de l’allégation de la partie plaignante selon laquelle la FA a refusé de négocier des procédures sur les modifications apportées aux régimes professionnels de retraite sous le prétexte que cette question ne fait pas partie du champ de la négociation collective, le comité rappelle que les questions qui peuvent être sujettes à la négociation collective comprennent le type d’accord qui peut être proposé aux travailleurs ou le type d’accord industriel devant être négocié par la suite, ainsi que le salaire, les allocations et indemnités, les horaires de travail, les congés annuels, les critères de sélection en cas de mise à pied, le champ d’application de la convention collective, l’octroi de facilités syndicales, y compris un accès au lieu de travail plus large que celui prévu par la législation, etc., et que ces questions ne devraient pas être exclues du champ de la négociation collective par la loi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 913.] Le comité considère que les procédures sur les modifications à apporter aux régimes professionnels de retraite relèvent légitimement du domaine des conditions d’emploi qui peuvent faire l’objet de la négociation collective et note à cet égard que rien dans la législation norvégienne ne semble limiter la négociation collective dans ce domaine et que, au contraire, le gouvernement était initialement intervenu pour encourager les parties à parvenir à un accord sur cette question.
- 1155. Enfin, s’agissant de l’allégation de la partie plaignante relative à l’ingérence indue du ministre du Travail et de l’Insertion sociale dans le conflit, le comité note que, selon les informations fournies par l’organisation plaignante et le gouvernement, le ministre s’est entretenu avec les parties pour les exhorter à parvenir à un accord. Dans ces circonstances, le comité considère que le fait d’exhorter les partenaires sociaux, dans le cadre de l’encouragement et de la promotion du plein développement et de l’utilisation des mécanismes de négociation collective, à trouver une solution mutuellement acceptable au conflit n’est pas contraire aux conventions nos 87 et 98.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1156. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité exprime le ferme espoir que, dans l’avenir, à moins qu’il ne soit confronté à une situation d’urgence qui mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population, le gouvernement évitera d’adopter une loi ayant pour effet de mettre fin à l’ensemble des actions revendicatives d’un conflit, en particulier lorsque celui-ci concerne un secteur, comme ici celui des assurances, qui ne peut pas être considéré comme essentiel au sens strict du terme et pour lequel aucune difficulté particulière justifiant l’imposition d’un service minimum n’était apparue, et qu’il soit envisagé de faire appel à la négociation ou à la mise en place d’un service de maintenance minimum dans un secteur comme le secteur bancaire plutôt que d’interdire catégoriquement une grève par l’imposition d’un arbitrage obligatoire.
Annexe
Annexe- Accord-cadre entre le FSUN et la FA
- Chapitre 8
- Dispositions diverses
- 28. Formation d’un accord sur les salaires
- En règle générale, le Syndicat du secteur financier de Norvège suivra la pratique établie, en vigueur depuis plusieurs années dans le monde du travail en Norvège, de recours aux actions revendicatives pour la formation d’un accord sur les salaires si seulement une minorité des employés est syndiquée.
- 29. Soumission d’un accord collectif d’entreprise
- Les parties à un accord collectif d’entreprise doivent avoir l’obligation de soumettre un accord collectif d’entreprise nouveau ou révisé à l’Association des employeurs norvégiens du secteur financier et au Syndicat du secteur financier de Norvège.
- 30. Travaux relatifs à un conflit du travail/groupe exempté
- A. Travaux relatifs à un conflit du travail
- 1. L’Association des employeurs norvégiens du secteur financier et le Syndicat du secteur financier de Norvège supposent que, si nécessaire et bien avant l’expiration de l’accord général, des directives seront établies ou des accords conclus dans l’entreprise pour réglementer les conditions d’arrêt et de reprise des activités afin de protéger les actifs dans toute la mesure possible et de contribuer de surcroît à une reprise rapide et efficace du travail une fois le conflit terminé.
- 2. Les accords visés au paragraphe précédent doivent être approuvés par l’Association des employeurs norvégiens du secteur financier et le Syndicat du secteur financier de Norvège.
- B. Groupe exempté
- 1. L’entreprise peut exiger que des employés nommément désignés dont le nombre est indiqué ci-après ne soient pas visés par un préavis de cessation collective du travail (groupe exempté):
- – les entreprises de plus de 1 000 employés permanents peuvent exiger que le nombre d’employés exemptés soit de 2 pour cent;
- – les entreprises de moins de 1 000 employés permanents peuvent exiger que le nombre d’employés exemptés puisse atteindre 2 pour cent, un employé au moins étant exempté si l’entreprise n’a pas nommé d’adjoint au chef d’entreprise.
- Ce mécanisme vise à empêcher la dépréciation continue des principaux actifs mais n’a pas pour objet de limiter les effets d’un arrêt de travail officiel conforme à la loi norvégienne sur les conflits du travail.