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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 349, March 2008

Case No 2562 (Argentina) - Complaint date: 25-APR-07 - Closed

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  1. 383. La plainte figure dans une communication du Congrès des travailleurs argentins (CTA) et de la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) datée du 25 avril 2007.
  2. 384. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication datée du 19 octobre 2007.
  3. 385. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 386. Dans sa communication du 25 avril 2007, le Congrès des travailleurs argentins (CTA) et la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA) considèrent que s’est produite une situation d’une gravité sans précédent qui porte non seulement préjudice aux travailleurs de l’éducation de la province de Neuquén réunis au sein de l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN), association professionnelle de base de la CTERA, mais aussi à l’ensemble des travailleurs de la République argentine, motivant la présentation de cette plainte.
  2. 387. Les plaignants se réfèrent à la répression policière dont ont été victimes les enseignants de ladite province, le 4 avril 2007, et à l’assassinat du professeur Carlos Fuentealba qui en résulta. D’après les plaignants, outre la violation du droit à la vie que constitue le crime commis après que le gouverneur de la province a décidé de réprimer la mobilisation enseignante, l’extrême violence ici dénoncée a empêché aux enseignants de l’Etat de la province de Neuquén d’exercer leur droit de grève. A cela s’ajoute l’adoption, par le pouvoir exécutif dudit Etat argentin, du décret no 448 du 20 avril 2007 publié dans le no 3031 du Journal officiel de la province, relatif à l’«urgence éducative», qui autorise clairement la nomination d’enseignants intérimaires jusqu’à la fin de la grève initiée par l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN), association professionnelle de base de la CTERA.
  3. 388. Les plaignants indiquent que, conformément aux statuts du Congrès des travailleurs argentins (CTA) et de la Confédération des travailleurs de l’éducation de la République argentine (CTERA), dûment enregistrés auprès du ministère du Travail de la nation, et conformément aux dispositions de la loi no 23551 sur les organisations syndicales, les associations professionnelles se voient garanties, au nom de la liberté syndicale au sens collectif, «la formulation de leur programme d’action et la réalisation de toutes les activités licites visant à défendre les intérêts des travailleurs. En particulier, l’exercice du droit à la négociation collective, du droit de participation, du droit de grève et du droit d’adopter d’autres mesures légitimes en matière d’action syndicale» (alinéa d) de l’article 5 de la loi no 23551). De plus, la Constitution de la nation prévoit que «les associations professionnelles se voient garantis la conclusion de conventions collectives, le recours à la conciliation et à l’arbitrage, le droit de grève» (art. 14 bis, deuxième paragraphe). La Constitution indique clairement qu’il s’agit d’abord de négocier, de conclure des accords, de rétablir les équilibres, de corriger les inégalités, de rendre effective la parité en matière de négociation entre associations professionnelles et employeurs en élaborant la législation négociée dans le cadre de la convention collective; qu’il s’agit ensuite de mettre en place les mécanismes préventifs en matière de conflit par le biais de la conciliation et du recours volontaire à l’arbitrage, sans indiquer si cela incombe à l’Etat; enfin, qu’il s’agit, en dernier recours, que les associations professionnelles puissent exercer leur droit de grève. Les plaignants affirment que la Constitution ne comporte ni limites ni conditions.
  4. 389. Les plaignants signalent que le droit de grève peut être invoqué et exercé sans qu’existe une loi d’application du Congrès à ce sujet car l’exercice du droit de grève ne requiert pas de réglementation juridique. L’article 14 bis de la Constitution de la nation a ajouté la reconnaissance du rang constitutionnel des déclarations et traités relatifs aux droits de l’homme, conformément à la disposition de l’article 75, alinéa 22. Parmi ces instruments, seul le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels mentionne expressément le droit de grève (art. 8, 1, d)). En tout cas, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention américaine relative aux droits de l’homme font mention du droit à la liberté syndicale, qui englobe le droit de grève. L’Organisation internationale du Travail (OIT) n’enregistre pas de conventions ni de recommandations expresses relatives au droit de grève, mais celui-ci est implicitement reconnu dans le droit à la liberté syndicale consacré dans la convention no 87.
  5. 390. Les plaignants affirment que l’éducation n’est pas un service essentiel et que les résolutions, les directives et les avis du Comité de la liberté syndicale du BIT ont établi, comme par exemple dans le traitement du cas no 1679, que l’éducation n’était pas un «service essentiel».
  6. 391. Les plaignants considèrent que tant la répression aveugle envers les travailleurs de l’éducation qui a entraîné l’assassinat de M. Carlos Fuentealba que le susmentionné décret du gouvernement de la province de Neuquén, qui déclare que le système éducatif de la province est en situation d’«urgence» et qui consacre un mécanisme visant, à l’évidence, à empêcher les enseignants d’exercer leur droit de grève, sont des actes totalement inacceptables. Il est manifestement incongru, voire même schizophrène, de vouloir définir exclusivement l’éducation comme un service essentiel lorsqu’une mesure d’action directe est adoptée, qu’une mobilisation a lieu ou qu’est mise en place une forme de protestation face à ce que nous, enseignants, subissons. Pire encore, la conduite de l’Etat de Neuquén fait une dangereuse incursion dans la tristement célèbre «théorie de la faute de la victime» en tirant explicitement du problème posé l’intention de transférer aux éducateurs la responsabilité de la garantie du service.
  7. 392. Les plaignants indiquent que l’article 14 bis de la Constitution de la nation se révèle concluant car il garantit la création d’organisations syndicales libres et démocratiques par le biais d’une simple inscription sur un registre spécial. Cet article énonce aussi que «les associations professionnelles se voient garantis la conclusion de conventions collectives, le recours à la conciliation et à l’arbitrage, le droit de grève…». Par ailleurs, le susmentionné alinéa d) de l’article 5 de la loi no 23551 ainsi que l’article 31 de ladite loi prévoient que toute entité syndicale a le droit de formuler son programme d’action et de représenter les intérêts collectifs de tous les travailleurs compris dans le champ d’action d’un syndicat, qu’ils y soient affiliés ou non. L’adoption du susmentionné décret no 448/07 traduit l’objectif direct dudit Etat provincial, qui est d’empêcher l’exercice légitime du droit de grève, ainsi que son refus absolu de mener, avec l’association professionnelle concernée, des négociations collectives relatives aux conditions de travail des travailleurs de l’éducation.
  8. 393. Enfin, les plaignants déclarent que la répression policière absurde qui a entraîné l’assassinat du professeur Carlos Fuentealba ainsi que le décret d’«urgence éducative» no 448 du 20 avril 2007, adopté par le pouvoir exécutif de la province de Neuquén, sont des actes irréguliers qui violent la liberté syndicale et les droits les plus élémentaires de tout travailleur que sont le droit à la vie et le droit de grève.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 394. Dans sa communication du 19 octobre 2007, le gouvernement indique que la plainte présentée par le CTA et la CTERA est liée au différend qu’ont connu, à un moment donné, l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN) et le pouvoir exécutif provincial, qui s’est malheureusement soldé par la mort de l’enseignant Carlos Fuentealba. D’après le gouvernement, cette situation mérite que soient décrits de façon exhaustive et détaillée les faits depuis le 20 février 2007, date à laquelle l’organisation syndicale ATEN a sollicité, par écrit, l’ouverture de la table des négociations auprès du pouvoir exécutif provincial, plus précisément du ministère de l’Education. Tout d’abord, le gouvernement nie catégoriquement que des mesures aient été prises en vue de restreindre la liberté syndicale des organisations syndicales concernées par le différend dont la présente réponse fait l’objet.
  2. 395. Selon le gouvernement, les organisations ont exercé les droits qui leur sont garantis par l’article 14 bis de la Constitution nationale qui régit les activités dont elles ont la responsabilité et l’exercice du droit de grève. Elles ont ainsi exercé les droits exclusifs qu’elles possèdent en tant qu’organisations syndicales, conformément à l’article 31 de la loi no 23551: «a) défense et représentation devant l’Etat et les employeurs des intérêts individuels et collectifs des travailleurs; b) participation aux institutions de planification et de contrôle conformément aux dispositions des normes y afférentes; c) intervention dans les négociations collectives et surveillance du respect de la réglementation en matière de travail et de sécurité sociale; d) collaboration avec l’Etat lors de l’examen et de la résolution des problèmes rencontrés par les travailleurs; e) constitution de patrimoines d’affectation ayant les mêmes droits que les coopératives et les mutuelles; f) administration de ses propres œuvres sociales et, le cas échéant, participation à l’administration de celles créées par la loi ou par les conventions collectives de travail». C’est dans le cadre de l’exercice de ces droits que s’est produite la série d’événements décrits ci-après.
  3. 396. Le 23 février 2007, l’organisation syndicale a adressé une note à l’exécutif provincial, à laquelle le ministre de l’Education a répondu en recevant l’organisation syndicale requérante, le 26 février, afin d’octroyer un traitement paritaire au dossier de sollicitation présenté par l’ATEN. La négociation se référait aux points suivants: 1) informations relatives à l’infrastructure de la municipalité; 2) hausse des barèmes de rémunération, avec un minimum demandé de 2 882 pesos; 3) dispositions supplémentaires en matière de rémunération non modifiables; 4) l’organisation syndicale requérante, ATEN, fait savoir qu’elle ratifie l’arrêt de travail décrété pour le 5 mars d’une durée indéterminée si aucun accord n’est trouvé. En réponse à ces sollicitations présentées par l’ATEN, les travailleurs se sont vu proposer: 1) l’unification des accords relatifs à la rémunération sans bonification sur les bulletins de salaire; 2) la suppression de la rémunération en fonction des résultats (pour l’ATEN, l’«assiduité»), transformée en un accord inclus dans le traitement de base; 3) une augmentation de salaire d’au moins 150 pesos à nouveau garantie à ceux qui percevaient déjà le revenu minimum; 4) l’engagement de recommander à l’Institut de sécurité sociale de Neuquén d’accomplir les formalités nécessaires pour augmenter le pourcentage mobile des pensions de retraite des enseignants; 5) la constitution d’un groupe de travail concernant l’engagement permanent du personnel temporaire et les plans sociaux dans le secteur de l’éducation (ne concerne pas les enseignants); 6) en ce qui concerne le salaire, le montant offert respectait et dépassait les montants fixés à l’échelle nationale, puisque le montant de base proposé s’élevait à 1 140 pesos.
  4. 397. Le gouvernement signale qu’aucun accord salarial n’avait été trouvé, empêchant le gouvernement provincial de poursuivre le dialogue, sans porter préjudice aux mesures fortes décidées par l’ATEN à ce moment-là. Malgré cela, une nouvelle table des négociations a été ouverte avec les fonctionnaires du Trésor public de l’exécutif de la province de Neuquén afin de trouver une réponse aux demandes salariales pendant le conflit. Parallèlement à ces négociations, l’organisation syndicale a engagé des mesures d’action directe parmi lesquelles: 1) la non-reprise des cours; 2) le blocage de ponts; 3) les barrages routiers inopinés à divers endroits de la province pour empêcher l’approvisionnement des villes éloignées de la capitale de la province et empêcher toute commercialisation du secteur productif; 4) les mobilisations dans la ville; et 5) les menaces de renforcer les mesures.
  5. 398. Le gouvernement ajoute que la situation décrite empêche le bon déroulement des cours et que les enfants n’ont pu rejoindre les établissements d’enseignement par leurs moyens habituels. Face à cette situation, de nombreuses protestations ont été formulées par les parents, créant ainsi un malaise au sein de la société civile. Par la suite, face à l’impossibilité de poursuivre les négociations, le gouvernement provincial a adopté la conciliation obligatoire afin de ramener le différend à son point de départ, de faire réintégrer aux enseignants leur poste et de reprendre, dans un climat de paix sociale, le dialogue avec l’organisation syndicale. L’application de la loi no 14786 relative à la conciliation obligatoire a été refusée par le syndicat, malgré l’augmentation de 1 240 pesos du salaire d’un enseignant débutant décidée par l’exécutif provincial, selon sa situation géographique. Cette proposition a, elle aussi, été refusée. Il convient de souligner que la conciliation permet aux parties de rapprocher leurs positions, puisque ce sont elles qui, agissant de manière autonome et faisant des concessions réciproques, parviennent à un accord mettant, en principe, un terme aux éventuelles différences. De plus, dans ces instances, les parties ne sauraient subir des mesures limitant leur liberté de négociation. Dans ce contexte, l’instance de conciliation obligatoire à durée limitée est un pouvoir de l’Etat qu’il ne peut déléguer et qui vise à garantir la paix sociale. Elle ne peut, en aucun cas, être considérée comme une violation des principes de la liberté syndicale puisqu’elle sera toujours établie pour une durée limitée.
  6. 399. Selon le gouvernement, il est extrêmement important de souligner que les établissements d’enseignement de la République argentine ne constituent pas seulement le cadre naturel de formation des enfants mais jouent aussi un rôle social de premier ordre car, dans divers domaines, ils servent à maintenir le lien entre divers secteurs de la société, notamment du fait de l’étendue du territoire de la province de Neuquén qui fait que de nombreux enfants doivent effectuer de très longs trajets, souvent dans des conditions climatiques hostiles, pour pouvoir assister aux cours. Ainsi, dans de nombreux établissements publics de la République argentine, les enfants prennent leur petit déjeuner et leur déjeuner: aller à l’école revêt donc une grande importance puisque, pour le secteur le plus appauvri de la région, l’Etat complémente, en partie, la responsabilité familiale.
  7. 400. Le gouvernement indique que les organisations syndicales ont considéré que les propositions de l’exécutif provincial n’avaient pas été réalisées et ont donc adopté des mesures d’action directe entraînant le blocage des ponts entre les villes de Cipolletti et de Neuquén. Le 3 avril 2007, un barrage routier a été mis en place sur la route no 22 à la hauteur d’Arroyito, carrefour des routes menant vers les lieux touristiques du sud de la République argentine (notamment Bariloche, Villa La Angostura, Caviahue, El Bolsón et San Martín de los Andes). Lorsque l’exécutif de la province de Neuquén a appris la nouvelle, il a fait savoir qu’il ne permettrait pas que la situation dure et a demandé aux manifestants de s’installer au niveau du pont Carancho afin que les piétons puissent passer. Cette demande fut ignorée par les manifestants, qui n’étaient pas seulement enseignants mais aussi membres d’organisations syndicales et politiques. Au vu de la situation, des agents de la force publique ont été envoyés afin de maintenir un dialogue avec les dirigeants syndicaux et d’empêcher les manifestants de couper la route susmentionnée afin de ne pas porter atteinte aux droits de tiers étrangers au problème, conformément à ce que prescrit la liberté de mouvement (garantie par la Constitution nationale). Aucun accord n’a été trouvé. C’est à ce moment-là que les agents de la force publique ont délogé les manifestants afin de faciliter la libre circulation des véhicules bloqués. Quelques minutes plus tard survenait le regrettable décès de l’enseignant Carlos Fuentealba suite à un tir de grenades lacrymogènes. Depuis lors, l’exécutif provincial a identifié les responsables et mené une enquête visant à exclure de la police de Neuquén les auteurs de ce regrettable événement, puis à les déférer. En ce qui concerne l’activité juridictionnelle, le magistrat en charge du dossier a fait savoir que José Darío Poblete était actuellement détenu après avoir fait l’objet d’une enquête le 6 avril 2007 et avait été inculpé le 27 avril de la même année; la décision est définitive.
  8. 401. Concernant la contestation du décret no 448, qui déclare l’état d’urgence éducative dans toute la province, celui-ci autorise le Conseil provincial de l’éducation de Neuquén à nommer le personnel permettant de faire fonctionner les différents établissements et les enseignants nécessaires afin d’offrir et de garantir le service éducatif, tout en indiquant que les personnes nommées ne resteront en fonction que jusqu’au retour à la normale. Cette décision de l’exécutif provincial est conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Bien que le système éducatif ne soit pas considéré comme un service essentiel, on commençait à entrevoir une situation de crise engendrée par la non-reprise des cours, ainsi que par le malaise des parents d’élèves et de l’ensemble de la société. C’est pour cette raison que l’article 3 dudit décret, remis en question par les organisations syndicales, établit que «le personnel défini à l’article 1 ne sera en fonction que jusqu’au retour à la normale». Pour les mêmes raisons, le gouvernement nie catégoriquement que ledit décret restreigne la liberté syndicale non seulement parce que son élaboration suit les recommandations du comité mais aussi parce que les personnes nommées pour remplacer les grévistes le sont de façon temporaire, comme cela est clairement formulé. Il convient de souligner que le droit de grève n’a pas été violé puisque la grève a duré aussi longtemps que décidé par l’organisation (deux mois) et que, à ce jour, les jours non travaillés du fait de l’adhésion des travailleurs à l’arrêt de travail sont payés conformément à ce qui a été décidé par le collège du Conseil provincial de l’éducation de la province de Neuquén, organisme tripartite chargé de l’application dudit décret.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 402. Le comité observe que, dans le cas présent, les organisations plaignantes allèguent que l’enseignant M. Carlos Fuentealba a été tué, le 4 avril 2007, au cours d’une mobilisation de travailleurs de l’enseignement dans la province de Neuquén qui a été réprimée par les forces de police, et qu’elles contestent le décret no 448 du 20 avril 2007 relatif à l’urgence éducative, adopté par le pouvoir exécutif de la province de Neuquén, qui a autorisé la nomination d’enseignants intérimaires jusqu’à la fin de la grève initiée par l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN).
  2. 403. Concernant l’allégation relative à l’assassinat de l’enseignant M. Carlos Fuentealba, le 4 avril 2007, au cours d’une mobilisation de travailleurs de l’enseignement dans la province de Neuquén qui a été réprimée par les forces de police, le comité note que le gouvernement informe que: 1) dans le cadre d’un différend entre l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN) et le pouvoir exécutif de cette province, les organisations syndicales avaient décidé de prendre des mesures d’action directe entraînant le blocage de ponts reliant deux villes et que, le 3 avril 2007, la route nationale no 22 avait été coupée au carrefour des routes desservant les lieux touristiques du sud de l’Argentine; 2) le pouvoir exécutif avait fait savoir qu’il ne permettrait pas le blocage de cette route et qu’il avait demandé aux manifestants de se placer à hauteur du pont Carancho pour laisser passer les piétons; 3) cette demande n’ayant pas été entendue par les manifestants, des agents de la force publique avaient été envoyés afin de maintenir le dialogue avec les responsables syndicaux pour empêcher les manifestants de bloquer la route; 4) aucun accord n’ayant été trouvé, la force publique avait délogé les manifestants afin de permettre la libre circulation des véhicules. Quelques minutes plus tard décédait l’enseignant M. Carlos Fuentealba, suite à un tir de grenades lacrymogènes; 5) le pouvoir exécutif provincial a identifié les responsables et a mené une enquête pour exclure de la police de Neuquén les auteurs de cet acte et les déférer; 6) dans le cadre d’une procédure judiciaire, la détention et l’inculpation de M. José Darío Poblete ont été décidées.
  3. 404. Le comité déplore profondément la mort de l’enseignant M. Carlos Fuentealba suite à un tir de grenades lacrymogènes par la police et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure judiciaire concernant la personne identifiée comme étant le responsable présumé de son décès. En outre, le comité rappelle qu’il a souligné, à de nombreuses reprises, que «les droits syndicaux comprennent le droit de tenir des manifestations publiques. Si, pour éviter des désordres, les autorités décident d’interdire une manifestation dans les quartiers les plus fréquentés d’une ville, une telle interdiction ne constitue pas un obstacle à l’exercice des droits syndicaux, mais les autorités devraient s’efforcer de s’entendre avec les organisateurs de la manifestation afin de permettre sa tenue en un autre lieu où des désordres ne seraient pas à craindre.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 139.] A cet égard, le comité observe que le gouvernement a essayé de dissuader les manifestants de barrer la route et que ce n’est qu’après leur refus d’obtempérer que la force publique a été envoyée afin de permettre la circulation des véhicules. Toutefois, prenant en compte la conséquence tragique de cette intervention dans ce cas précis, le comité rappelle que «les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public.» [Voir Recueil, op. cit., paragr. 140.] De même, le comité souligne que les organisations syndicales devraient se conduire de manière responsable et respecter la manière pacifique dont le droit de réunion devrait être exercé. Le comité demande au gouvernement de s’assurer que les principes ci-dessus sont respectés et de donner les instructions aux forces de sécurité à cet effet, de manière à garantir la mesure et l’équilibre dans l’usage de la force et à éviter tout excès.
  4. 405. Concernant la contestation du décret no 448 du 20 avril 2007 relatif à l’urgence éducative, adopté par le pouvoir exécutif de la province de Neuquén, autorisant la nomination d’enseignants intérimaires jusqu’à la fin de la grève initiée par l’Association des travailleurs de l’enseignement de Neuquén (ATEN), le comité note que le gouvernement fait savoir que: 1) par le biais de ce décret est déclaré l’état d’urgence éducative dans toute la province, et que le Conseil provincial de l’éducation de Neuquén est autorisé à nommer le personnel permettant de faire fonctionner les différents établissements et les enseignants nécessaires afin d’offrir et de garantir le service éducatif, tout en indiquant que les personnes nommées ne resteront en fonction que jusqu’au retour à la normale; 2) cette décision de l’exécutif est conforme à la Déclaration universelle des droits de l’homme, à la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; 3) bien que le système éducatif ne soit pas considéré comme un service essentiel, on commençait à entrevoir une situation de crise engendrée par la non-reprise des cours, ainsi que par le malaise des parents d’élèves et de l’ensemble de la société; ledit décret ne viole pas la liberté syndicale non seulement parce que son élaboration suit les recommandations du comité mais aussi parce que les personnes nommées pour remplacer les grévistes l’étaient de façon temporaire; 4) le droit de grève n’a pas été violé puisque la grève a duré aussi longtemps que décidé par l’organisation (deux mois) et que, à ce jour, les jours non travaillés du fait de l’adhésion des travailleurs à l’arrêt de travail sont payés conformément à ce qui a été convenu par le collège du Conseil provincial de l’éducation de la province de Neuquén, organisme tripartite chargé de l’application dudit décret.
  5. 406. Le comité rappelle qu’il a souligné, à de nombreuses reprises, que le secteur de l’éducation ne constituait pas un service essentiel au sens strict du terme et que «l’embauche de travailleurs pour briser une grève dans un secteur qui ne saurait être considéré comme un secteur essentiel au sens strict du terme, où la grève pourrait être interdite, constitue une violation grave de la liberté syndicale». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 587 et 632.] Toutefois, le comité rappelle qu’il a aussi indiqué que «des services minima peuvent être établis dans le secteur de l’enseignement en pleine consultation avec les partenaires sociaux dans les cas de grève de longue durée». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 625.] Dans le cas présent, le comité observe que le gouvernement n’a pas fourni d’informations relatives au nombre de travailleurs qui ont remplacé ceux en grève et qu’il n’a pas nié que ceci résulte d’un décret adopté sans consultation avec les organisations syndicales concernées. Dans ces conditions, le comité exprime le ferme espoir qu’à l’avenir en cas de conflit dans le secteur éducatif en Argentine, dans le cadre duquel serait menée une grève de longue durée, priorité sera donnée à la création de services minima, après pleine consultation avec les interlocuteurs sociaux concernés, en évitant la nomination de remplaçants des travailleurs grévistes de la part des autorités sans consultation des organisations syndicales concernées.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 407. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore profondément la mort de l’enseignant M. Carlos Fuentealba par un tir de la police et demande au gouvernement de le tenir informé du résultat de la procédure judiciaire engagée contre la personne identifiée comme l’auteur présumé de l’homicide.
    • b) Le comité rappelle le principe selon lequel les autorités ne devraient recourir à la force publique en cas de grève que si l’ordre public est réellement menacé. L’intervention de la force publique devrait être proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue de supprimer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. Le comité demande au gouvernement de prendre des mesures pour faire respecter ces principes et souligne que les organisations syndicales devraient se conduire de manière responsable et respecter la manière pacifique dont le droit de réunion devrait être exercé. Le comité demande au gouvernement de s’assurer que les principes ci-dessus sont respectés et de donner les instructions aux forces de sécurité à cet effet, de manière à garantir la mesure et l’équilibre dans l’usage de la force et à éviter tout excès.
    • c) Le comité demande au gouvernement d’assurer le respect du droit de grève et exprime le ferme espoir qu’à l’avenir en cas de conflit dans le secteur éducatif en Argentine, dans le cadre duquel serait menée une grève de longue durée, priorité sera donnée à la création de services minima, après pleine consultation avec les interlocuteurs sociaux concernés, en évitant la nomination de remplaçants des travailleurs grévistes de la part des autorités sans consultation des organisations syndicales concernées.
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