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- 629. La présente plainte figure dans une communication en date du 25 septembre 2008.
- 630. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 10 février et 12 mai 2009.
- 631. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 632. Dans sa communication en date du 25 septembre 2008, le Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire (SINALTRAINAL) allègue les faits suivants.
- Violation du droit à la liberté de la personne
- 633. Dans sa communication en date du 25 septembre 2008, le Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire (SINALTRAINAL) allègue les faits suivants. Le 15 septembre 2008, plus de 19 000 travailleurs embauchés par les coopératives sous-traitantes de travail associé, au service du secteur sucrier dans les départements de Valle del Cauca, Risaralda et Cauca ont participé à la grève dans les raffineries de sucre Pichichi, Providencia, Manuelita, Central Tumaco, Mayagüez, Central Castilla, María Luisa, La Cabaña et Cauca. Le motif principal de la grève était le refus des dirigeants des entreprises sucrières, que représentait ASOCAÑA, de négocier le cahier de revendications présenté le 14 juillet 2008 par le SINALTRAINAL, le SINALCORTEROS et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), cahier de revendications exigeant l’embauche directe des travailleurs, le droit au travail, une pesée correcte et un prix juste pour la canne coupée, une augmentation des salaires, des soins pour les plus de 300 travailleurs handicapés suite aux conditions de travail inhumaines, le droit à la santé, à l’éducation et au logement.
- 634. Selon l’organisation syndicale, avant la grève, des tentatives ont été faites pour parvenir à un accord mais les dirigeants ont refusé, comme au cours de l’audience publique à la municipalité de Pradera (Valle del Cauca), audience convoquée par la sixième commission du Sénat. Il n’y a pas eu non plus de réponse aux demandes des employés à la récolte de la canne à sucre dans les réunions tenues avec ASOCAÑA, lorsque la plainte a été portée devant les médias, à l’intervention des parlementaires du Pôle démocratique alternatif ainsi qu’aux débats au Congrès de la République. Le 5 septembre 2008, 5 000 travailleurs se sont portés au-devant du Président Alvaro Uribe Vélez à son arrivée à Cali pour dialoguer, mais celui-ci a refusé de les recevoir, sous-estimant ainsi la grave situation dans laquelle se trouvent les familles des employés à la récolte de la canne à sucre.
- 635. L’organisation syndicale allègue que l’Etat colombien a traité la grève des travailleurs du sucre comme un événement d’ordre public et non comme un conflit du travail, réprimant violemment ce droit des travailleurs et des syndicats, refusant de s’asseoir à la table de négociations pour traiter le cahier de revendications. Ce refus a été assorti d’agressions caractérisées dans les faits suivants:
- - l’armée et la police stationnent à l’intérieur et à l’extérieur des raffineries, intimidant les travailleurs; des francs-tireurs des forces officielles sont présents dans le conflit du travail;
- - les patrons empêchent plusieurs membres des coopératives de travailler;
- - plusieurs travailleurs ont été menacés de mort (Efraín Muñoz Yánez, Daniel Aguirre et Luis Aguilar);
- - les propriétaires des raffineries lancent des campagnes de désinformation dans les médias pour diviser les travailleurs;
- - des inconnus font constamment des filatures, prennent des photos des travailleurs et les filment;
- - vers 00 h 40, le 24 septembre, dans la raffinerie Providencia, des inconnus encagoulés se sont cachés dans les champs de canne à sucre et ont été débusqués par les travailleurs;
- - le 23 septembre 2008, des délégués du bureau du défenseur du peuple et de celui du procureur sont arrivés sur certains lieux où se tenait la grève, entre autres dans la raffinerie Providencia, demandant que les enfants et les femmes enceintes se retirent;
- - le ministre de la Protection sociale a tenu une réunion, le 23 septembre, avec les dirigeants des entreprises et les autorités et a justifié et organisé l’usage de la force publique pour déloger les travailleurs en grève, prétextant publiquement que, avec la sécurité démocratique, les dirigeants d’entreprises avaient le droit d’extraire leur éthanol et les travailleurs de travailler. Le ministre a qualifié ce conflit d’acte illégal mené par «des forces obscures et subversives», faisant ainsi allusion à la présence de syndicats de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de parlementaires et d’organisations sociales. Les propriétaires des raffineries ont tenté de le justifier en affirmant que du personnel était séquestré à l’intérieur des raffineries; ils ont emmené les autorités pour qu’elles constatent ce mensonge qui, évidemment, a été démenti par lesdites autorités;
- - ils ont faussement accusé, publiquement, des travailleurs grévistes d’avoir menacé de brûler le siège syndical de SINTRAPICHICHI si les membres de ladite organisation ne se mettaient pas en grève;
- - les patrons obligent des travailleurs à se mobiliser contre la grève, comme pendant la marche vers Cali le 24 septembre, les obligeant à signer des lettres pour exiger des autorités qu’elles leur permettent d’aller travailler;
- -- ils encouragent les dirigeants de SINTRACAÑAVALC, SINTRARIOPAILA Castilla S.A., SINTRAPICHICHI CTC, FEGTRAVALLE CGT, SINTRAINCAUCA, SINTRAINDULCE Mayagüez et SINTRAPROVIDENCIA à exercer des pressions contre les travailleurs grévistes embauchés par des sous-traitants; ces associations accusent publiquement le SINALTRAINAL et les dirigeants de la CUT d’être des instigateurs de troubles, comme dans le programme radio de la W, où le président de SINTRAPICHICHI a fait ces fausses affirmations le 25 septembre 2008, ainsi que dans le courrier en date du 23 septembre 2008 adressé au ministre de la Protection sociale;
- - les patrons ont également imposé un régime de travail ouvertement discriminatoire contre les travailleurs qui sont embauchés en sous-traitance par des coopératives de travail associé, violant ainsi le droit à l’égalité consacré dans la Constitution nationale et dans les normes de travail internationales;
- - la force publique, faisant abus de son autorité, a réprimé de manière violente et répétée les travailleurs en grève, utilisant pour cela des bombes lacrymogènes, des balles en caoutchouc, des tanks de guerre munis de canons de 105 mm. Ces faits se sont produits dans les raffineries Providencia et Incauca le 15 septembre 2008, faisant des blessés graves: Willintong Obregón (fracture du bras droit et lèvre inférieure fendue); Faustino Cuero (blessures sur le cuir chevelu et plusieurs contusions sur le corps); Bonifacio Sinisterra (impact avec une arme contondante à l’œil droit); 30 travailleurs ont des contusions sur plusieurs parties du corps;
- - dans la raffinerie Providencia, le 15 septembre 2008, les biens de certains travailleurs (mallette, linge, éléments de travail et documents d’identité) ont été saccagés;
- - dans la raffinerie Central Tumaco, les travailleurs ont été bloqués sans nourriture les 15, 16 et 17 septembre 2008;
- - le 17 septembre, vers 23 h 45, plusieurs gardiens de sécurité de l’entreprise Atlas ont cassé les grilles de la raffinerie Providencia et sont entrés dans l’exploitation;
- - depuis le 23 septembre 2008, à l’intérieur des raffineries, ils terrorisent les travailleurs en leur annonçant que l’armée et la police vont déloger les travailleurs par la force;
- - le 24 septembre 2008, à la raffinerie Central Castilla, vers 11 h 50, un capitaine de police et deux agents de la SIJIN en civil ont demandé leurs noms aux dirigeants du SINALTRAINAL José Onofre Esquivel, Jairo Paz et Alberto Ayala, ont exigé que ces derniers montrent leurs cartes d’identité et ont tenté de détruire les tentes en utilisant leurs véhicules de service;
- - le 25 septembre 2008, dans les raffineries Central Tumaco et Providencia, entre autres, la police a de nouveau réprimé les travailleurs grévistes et les a délogés de là où ils se trouvaient, prenant le contrôle de l’accès aux raffineries. Ce même jour, à l’aube, l’armée et la police ont agressé des travailleurs, faisant deux blessés, Franklin Murillo et Rubén Dario Cordoba, et ont bloqué la voie d’accès à l’exploitation;
- - treize travailleurs de la raffinerie Mayagüez ont été licenciés après avoir participé à une réunion de concertation à la municipalité de Palmira; ils ont été informés verbalement du fait que ces licenciements constituaient une punition pour avoir participé aux différentes réunions et activités du mouvement des travailleurs.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 636. Dans ses communications en date des 10 février et 12 mai 2009, le gouvernement déclare que l’organisation syndicale ne fournit pas les éléments de preuve de nature à étayer ses accusations, raison qui devrait être suffisante pour déclarer la plainte irrecevable.
- 637. De manière liminaire, en ce qui concerne les allégations relatives aux droits humains, le gouvernement demande qu’elles soient renvoyées au cas no 1787.
- 638. Selon le gouvernement, dans le présent cas, le SINALTRAINAL se limite à formuler une série d’affirmations sans les étayer par des preuves permettant au comité d’analyser le fond de la question avec des éléments de jugement suffisants et invite le comité, avant toute recommandation, à demander à l’organisation plaignante de faire parvenir les preuves, sous peine de s’abstenir d’analyser le cas.
- 639. En ce qui concerne les actes de harcèlement présumés, le gouvernement signale que ceux-ci n’ont pas été dénoncés devant les autorités compétentes. A cet égard, le gouvernement souligne que l’Etat colombien, dans sa structure, comprend des organes de contrôle qui ont pour objectif principal d’exercer une surveillance supérieure sur l’attitude officielle de toute personne exerçant des fonctions publiques en diligentant les enquêtes correspondantes et en imposant les sanctions conformément à la législation interne. Cependant, le gouvernement estime que le fait que les autorités demandent aux citoyens leur nom et leur document d’identité ne constitue en aucun cas du harcèlement, encore moins si l’autorité qui sollicite ladite information est pleinement identifiée.
- 640. En ce qui concerne l’attitude de la force publique face à la grève armée, le gouvernement estime que l’attitude de la force publique a été conforme aux décisions du comité selon lesquelles: «Des violences résultant d’une rivalité intersyndicale pourraient constituer une tentative de restriction au libre exercice des droits syndicaux. Si tel était le cas et si les actes en question étaient suffisamment sérieux, il semblerait que l’intervention des autorités et, en particulier, de la police serait nécessaire pour assurer la protection des droits menacés. La question de la violation des droits syndicaux par le gouvernement ne se poserait que dans la mesure où il aurait agi de façon impropre à l’égard des agressions alléguées.» (Recueil 2006, paragr. 1125.)
- 641. Le gouvernement relève que, dans le cas présent, les syndicats d’entreprise ont déposé des plaintes contre les actes d’intimidation, de menace et d’agression dont ils ont été victimes au motif qu’ils ne s’étaient pas ralliés au blocage. Les interventions de la police ont eu pour but de veiller à l’intégrité des personnes qui ne participaient pas au blocage, entre autres les syndicalistes, les dirigeants syndicaux des syndicats d’entreprise et les employés des raffineries. En réaction à l’action policière, les grévistes sont passés à l’attaque, ce qui a occasionné des blessés, parmi lesquels des membres de la force publique. Le gouvernement affirme qu’il s’agissait d’une «grève armée» et que les autorités ont gardé une attitude manifestement pacifique malgré le fait que les participants étaient armés.
- 642. Le gouvernement souligne que la grève a été menée par les employés à la récolte de la canne à sucre qui portaient des machettes (outil spécialement fait pour couper) qu’ils utilisent généralement dans leur travail. Pendant le blocage, ils les portaient sur eux, sans que l’on ne puisse affirmer, vu les circonstances, qu’ils en avaient besoin pour leur travail, car précisément ils étaient en arrêt de travail; ils les ont brandies de façon menaçante, ce qui permet de conclure qu’il ne s’agissait pas d’une activité syndicale légitime mais d’une grève armée.
- 643. Le gouvernement estime que, si le SINALTRAINAL avait ordonné aux employés à la récolte de ne pas porter leurs outils de travail (machettes) pendant la grève, ceux-ci auraient obéi. Il n’y a aucune preuve de ce que cela se soit passé ainsi. Conformément aux informations fournies par les raffineries, plusieurs travailleurs qui devaient entrer dans l’exploitation, vu qu’ils habitent dans les logements alloués par la compagnie, ont été entraînés par les employés préposés à la récolte alors qu’ils portaient ces armes. Le comité a énoncé à cet égard plusieurs principes qui montrent que de telles actions ne sont pas protégées par les instruments de l’Organisation: «Le comité a jugé légitime une disposition légale interdisant aux piquets de grève de troubler l’ordre public et de menacer les travailleurs qui poursuivraient leurs occupations.» (Recueil 2006, paragr. 650.) La légitimité d’une telle disposition obéit au fait que de telles menaces violent les conventions de l’OIT en matière de liberté syndicale et de droits d’association et de négociation collective.
- 644. Quant aux allégations selon lesquelles «les dirigeants des entreprises sucrières, que représentait ASOCAÑA, et les autorités ont refusé de négocier le cahier de revendications […] présenté par le SINALTRAINAL, le SINALCORTEROS et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT)», le gouvernement affirme que, selon ce qui ressort des communications envoyées par les raffineries de sucre, en aucun cas elles n’ont attribué, en leur qualité de membre, à ASOCAÑA le pouvoir de négocier collectivement en leur nom, attribution qu’elles se réservent en tant qu’entreprises. De fait, des négociations sont actuellement en cours entre l’une des raffineries et le syndicat. Le gouvernement fait parvenir en annexe copie de quelques conventions collectives en vigueur entre les raffineries et les organisations syndicales.
- 645. Le gouvernement ajoute qu’ASOCAÑA est une association privée sans but lucratif fondée le 12 février 1959. Sa fonction est de promouvoir les conditions requises par les entreprises privées du secteur du sucre, les conforter et les améliorer, établir des plans pour leur amélioration et leur développement et encourager l’esprit de solidarité, l’union et la concorde entre les membres et les entreprises du secteur. Au niveau légal et statutaire, la structure d’ASOCAÑA correspond à une association civile sans but lucratif qui regroupe différentes personnes physiques, juridiques et des entreprises sucrières, dans l’intérêt de la promotion du développement et de l’amélioration des conditions du secteur du sucre, mais n’a pas de représentation juridique dans les activités ou les commerces propres à chacun de ses membres. ASOCAÑA n’intervient pas dans les activités commerciales et n’a pas non plus d’ingérence dans les relations de travail et dans aucun commerce propre à l’un ou l’autre de ses membres. Elle n’a pas non plus et n’a jamais eu dans toute son histoire une condition qui lui permette d’exercer la représentation de ses membres pour aucune sorte de négociation collective dans les termes des normes juridiques en vigueur. Par conséquent, le rôle d’ASOCAÑA dans le secteur du sucre est d’étudier des scénarios, de mettre en place des politiques et de planifier des stratégies pour le développement économique des entreprises du secteur sucrier. C’est pourquoi ASOCAÑA n’a pas la faculté ni n’est en mesure d’embaucher, d’intervenir ou de gérer en lieu et place de ses affiliés en matière civile, commerciale, professionnelle ou administrative; elle n’exerce pas non plus d’autorité ni de pouvoir sur les entreprises ou les personnes qui lui sont affiliées; elle n’est pas autorisée à engager ses membres dans de telles activités. De la lecture de ses statuts, il ressort qu’à aucun moment ses membres ne lui ont accordé le pouvoir de les représenter dans la négociation des cahiers de revendications qui leur ont été présentés par des organisations de travailleurs, de quelque nature ou à quelque niveau que ce soit. ASOCAÑA n’a aucun pouvoir d’engager ses membres dans des sujets de nature professionnelle, administrative, contractuelle, etc. Ceci est la volonté des raffineries membres et apparaît dans les commentaires fournis par ces dernières à l’OIT en ce qui concerne la présente plainte.
- 646. Le gouvernement signale que, selon ASOCAÑA, à ce jour aucune enquête administrative du travail n’a été diligentée contre aucune des raffineries pour de présumées violations des droits d’association et de la liberté syndicale, selon un rapport de l’inspectrice du travail de Palmira (Valle).
- 647. En outre, le gouvernement ajoute que les faits allégués par le SINALTRAINAL concernant le refus de négocier sont sans fondement vu que dans toutes les raffineries il existe des syndicats et que dans toutes les raffineries des conventions collectives de travail sont en vigueur. Les relations avec les syndicats et les directions des syndicats sont excellentes dans tous les cas. Dans une communication en date du 12 mars 2009, le gouvernement indique que dans la totalité des raffineries touchées par le blocage les parties en présence ont trouvé un accord satisfaisant et que les points à l’origine du conflit ont été réglés. Le gouvernement communique copie d’un des accords et ajoute qu’actuellement les relations sont normales entre les raffineries et les coopératives qui regroupent les employés à la récolte de la canne.
- 648. En ce qui concerne le refus du Président de la République de dialoguer avec les employés à la récolte de la canne, ladite affirmation est vague vu que l’organisation syndicale n’en fournit aucune preuve, même sommaire. L’organisation plaignante méconnaît la disponibilité permanente du gouvernement national pour le dialogue, exprimée en de multiples occasions où le ministre de la Protection sociale a tenu des réunions pour trouver des solutions au blocage. Mais il appartient aux plaignants de préciser les allégations et de les étayer par des preuves.
- 649. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le ministre de la Protection sociale a tenu des réunions dans la ville de Cali, le 23 septembre, avec les dirigeants des entreprises sucrières et la force publique pour déloger les travailleurs en grève, le gouvernement signale que les employés à la récolte de la canne à sucre n’ont jamais été délogés par la force publique.
- 650. Au sujet des allégations selon lesquelles le ministre a qualifié le conflit d’«acte illégal», le gouvernement le dément et signale qu’il revient aux juges et non au gouvernement de déclarer une grève illégale. Ladite loi est déjà entrée en vigueur et, par conséquent, le ministre peut difficilement qualifier une grève d’illégale car cette prérogative appartient aux juges. Le gouvernement ajoute que ni le gouvernement ni les dirigeants des entreprises sucrières n’ont demandé aux autorités judiciaires de faire une telle déclaration.
- 651. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles le ministre a qualifié le conflit d’acte mené par des «forces obscures et subversives», prétendant ainsi établir ou, comme l’affirme la plainte, «faisant allusion à la présence de syndicats de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), de parlementaires et d’organisations sociales», le gouvernement indique que le ministre n’a à aucun moment affirmé ni suggéré que la CUT soit une force obscure ou subversive. Ce que le ministre a demandé aux autorités, c’est d’enquêter pour savoir si, effectivement, des éléments subversifs étaient présents dans l’organisation de la grève. Cette affirmation et cette demande ne contreviennent en rien au contenu et aux principes contenus dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT. Et cela ne s’est traduit par aucun acte à l’encontre des travailleurs, des parlementaires, des organisations sociales ou des membres et dirigeants de la CUT qui auraient eu à voir avec le blocage.
- 652. Le gouvernement déclare que le blocage a été une mesure de facto. C’est une violation absolue des normes internationales qui se réfèrent à l’arrêt de travail et à la protestation pacifique des travailleurs. Les centrales de travailleurs et les syndicats ont dénoncé la violation des droits humains, des droits au travail, à l’éducation, à la santé et au logement. Les employés à la récolte de la canne qui participaient au blocage ont interdit l’accès au travail à des milliers de travailleurs qui vivaient des raffineries et en dépendaient, et ils n’ont pas hésité à les menacer et à les intimider avec leurs machettes.
- 653. Ces faits ainsi que certaines menaces proférées à l’encontre de dirigeants syndicaux ont été dénoncés devant le bureau du défenseur du peuple, le parquet général de la nation et le bureau de représentation de l’Organisation internationale du Travail à Bogotá. Le gouvernement envoie en annexe lesdits documents comme preuves devant le Comité de la liberté syndicale, en particulier dans la communication du 12 mai 2008 dans laquelle le gouvernement se réfère aux résolutions accusatoires contre six employés à la récolte de la canne à sucre.
- 654. Concernant les menaces et faits de violence présumés perpétrés à l’encontre des dirigeants du blocage, ASOCAÑA a enquêté auprès de la direction régionale du parquet de Valle del Cauca et a trouvé 19 plaintes au pénal, toutes déposées par des raffineries, des travailleurs de raffineries, des dirigeants syndicaux et des sous-traitants; dans lesdites plaintes, le blocage est dénoncé ainsi que des contraintes illégales auxquelles ont été soumis les travailleurs, sans parler des menaces proférées contre les syndicats des raffineries et autres faits qui violent le Code pénal colombien. Aucun des faits ou situations rapportés dans la plainte du SINALTRAINAL ne s’y trouve.
- 655. Au sujet de l’information mentionnée dans la plainte du SINALTRAINAL concernant un abus d’autorité commis par les forces de police et de l’armée, le gouvernement fait état de la situation telle que rapportée par la police nationale dans les domaines des raffineries Central Tumaco S.A. et Providencia S.A. L’autorité policière affirme que, le 25 septembre 2008, la police est entrée dans ces deux raffineries pour vérifier une information en provenance des services de renseignements faisant état de la présence d’explosifs sur le site. Lorsque la police est arrivée, elle s’est adressée aux personnes qui bloquaient l’accès à ces raffineries et leur a demandé de se retirer pour pouvoir effectuer une inspection. Les manifestants se sont mis en colère et ont attaqué les policiers avec des explosifs, des bombes incendiaires et des pierres, situation qui a provoqué un affrontement. A l’issue, trois policiers et cinq employés à la récolte ont été blessés. Le parquet général de la nation a diligenté une enquête pour les infractions à la loi commises dans la situation décrite antérieurement.
- 656. En outre, dans le rapport du bureau du défenseur du peuple (envoyé en annexe par le gouvernement), il apparaît clairement que la présence de la force publique dans les raffineries bloquées a été en tous points pacifique, garantissant les droits et veillant à ce que des actes affectant la tranquillité, le patrimoine et les droits humains ne soient pas perpétrés. Il n’y a aucun rapport de cette entité sur les sites de la grève se référant à une attitude hostile ou d’agression commise par des représentants de la force publique.
- 657. Le gouvernement déclare qu’il existe un conflit intersyndical qui explique le blocage (grève) récent et la présente plainte. En effet, dans les raffineries, il y a des syndicats de base ou d’entreprise. Le blocage ou grève a été organisé par le SINALTRAINAL, syndicat d’industrie affilié à la CUT. Le gouvernement se rapporte aux observations d’ASOCAÑA, selon lesquelles le SINALTRAINAL estime que les syndicats d’entreprise devraient être remplacés par les syndicats d’industrie. La présentation du cahier de revendications, dans laquelle lesdits syndicats d’entreprise n’ont joué aucun rôle, visait cet objectif et met suffisamment en évidence une telle rivalité.
- 658. Le gouvernement signale que le bureau du défenseur du peuple et les organisations syndicales d’entreprise des différentes raffineries ont présenté des rapports sur cette question.
- 659. Les raisons pour lesquelles un changement dans la structure syndicale est voulu confirment encore davantage le conflit avec certains syndicats d’entreprise, comme dans le cas présent avec les syndicats des raffineries. En effet, le gouvernement affirme qu’une stratégie visant à remplacer les syndicats d’entreprise par les syndicats d’industrie est proposée et mise en œuvre, comme le signale l’un des documents du SINALTRAINAL dont ont été tirés les paragraphes antérieurs. C’est ainsi que la grève, en réalité le «blocage» de certaines raffineries, a clairement obéi à cette fin. Ceci explique, entre autres, les intimidations et les menaces dont ont fait l’objet les dirigeants des syndicats d’entreprise, intimidations et menaces qui ont fait l’objet de plaintes devant les autorités nationales et le représentant de l’OIT en Colombie. Le gouvernement souligne donc qu’on se trouve face à une situation qui n’implique pas un conflit entre le gouvernement et les organisations syndicales, mais qui provient d’un conflit au sein même du mouvement syndical; il revient aux parties intéressées et à elles seules de le résoudre.
- 660. Selon le gouvernement, la description faite par le SINALTRAINAL de la région de Valle del Cauca comme une zone pauvre, violente et aux conditions sociales déplorables, outre qu’elle n’est pas juste, offense la réalité des habitants de la région. Il existe une longue tradition des raffineries dans le développement de la région et du pays. Il ne s’agit pas d’entreprises étrangères, sorties du néant ou ayant des liens obscurs avec des personnes ou des capitaux étrangers. Depuis la fin du XIXe siècle, l’industrie du sucre existe dans le Valle del Cauca. Les entreprises qui composent le secteur sont reconnues dans tout le pays pour leur sérieux, leur intégrité morale et la qualité de vie qu’elles ont engendrée dans l’un des départements les plus prospères du pays qui fournit 11 pour cent du PIB de la Colombie, en grande partie généré par l’industrie du sucre.
- 661. Quant à l’utilisation des coopératives de travail associé dans les raffineries sucrières par le gouvernement et les dirigeants des entreprises du secteur pour précariser le travail, le gouvernement explique les efforts fournis pour empêcher que cela n’arrive et parvenir à ce que cette forme légale de relation de travail soit génératrice de développement et d’investissement. Par la loi no 1233 de 2008, une série de mesures visant cet objectif ont été adoptées, entre autres l’obligation pour les coopératives de payer des obligations parafiscales. Le but de ladite loi est d’étendre la protection sociale aux membres des coopératives, en particulier les rendre bénéficiaires des caisses d’allocations familiales et du SENA.
- 662. Deux droits minima et non aliénables pour les membres des coopératives de travail associé sont établis:
- - Ils ont le droit de recevoir une indemnisation ordinaire mensuelle qui ne sera en aucun cas inférieure au salaire minimum légal mensuel en vigueur.
- - La protection de l’adolescent travailleur, tenant évidemment compte des travaux permis et de l’âge minimal pour travailler. Protection de la maternité (interdiction de licencier, congé de maternité et autres indemnisations de la sécurité sociale pour la santé).
- 663. La loi prévoit que les coopératives de travail associé seront responsables de la procédure d’affiliation et du paiement des cotisations des membres pour le système global de sécurité sociale (santé, pension et risques professionnels).
- 664. La loi en question interdit l’intermédiation professionnelle par les coopératives de travail associé. L’article 8 de la loi est particulièrement intéressant puisqu’il affirme que les normes et les principes de l’OIT concernant le travail digne et décent seront appliqués aux coopératives de travail associé. La situation des coopératives de travail associé, conformément aux informations fournies par les raffineries, est fournie au comité avec le plus grand intérêt. Il existe actuellement 102 coopératives de travail associé qui constituent une source de travail autonome et indépendante, et ce sont ces mêmes entités, en leur condition d’entreprises, qui ont la responsabilité des démarches et des cotisations en ce qui concerne la sécurité sociale et les entités de prévoyance sociale. Les raffineries, fidèles au devoir de responsabilité sociale qui les caractérise, veillent à ce que les coopératives avec lesquelles elles travaillent respectent les droits du travail de leurs associés.
- 665. Depuis la promulgation de la loi no 1151 de 2007, les coopératives de travail associé peuvent s’affilier aux caisses d’allocations familiales et en obtenir tous les avantages, y compris les allocations familiales. Dans le secteur du sucre cependant, déjà avant la promulgation de ladite loi, de nombreuses coopératives de travail associé étaient affiliées aux caisses d’allocations familiales et payaient leurs cotisations.
- 666. Cette procédure d’affiliation aux caisses d’allocations familiales est toujours en vigueur et permet aux coopératives d’établir des conventions et d’élaborer des programmes pour obtenir des logements et une formation pour leurs membres.
- 667. Au cours du mois de mai 2008, et en coordination avec le ministère de la Protection sociale, ASOCAÑA a fait appel à une entreprise internationale d’audit pour effectuer un audit auprès des coopératives de travail associé qui fournissent des services pour la récolte de la canne à sucre. Le contrat a été conclu avec la firme internationale Deloitte & Touche, dont la maison mère se trouve à New York et qui est présente dans 150 pays. Entre autres raisons, l’audit a été attribué à cette entreprise parce que son travail est accepté et reconnu pour la présentation de projets de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement. Le gouvernement envoie en annexe une copie des rapports.
- 668. Selon les données que l’enquête d’audit qui a évalué le fonctionnement et l’organisation des coopératives pendant l’année 2007 a fournies, les coopératives ont effectué tous les paiements au système de sécurité sociale et ont respecté toutes les obligations de travail établies par les normes légales pendant la période étudiée. La situation des droits du travail et des droits sociaux des coopératives peut se résumer ainsi:
- - L’audit a établi que toutes les coopératives de travail associé respectent les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail (OIT) applicables à l’activité que les membres exercent pour les coopératives. L’audit a vérifié le respect de la convention (no 138) sur l’âge minimum, 1973, la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, la convention (no 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957, la convention (no 100) sur l’égalité de rémunération, 1951, et la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958.
- - Le respect de la recommandation (no 193) sur la promotion des coopératives, 2002, a également été vérifié, en particulier le respect des principes et des directives qui doivent être adoptés comme valeurs fondamentales coopératives, telles que l’adhésion volontaire et ouverte à tous, le pouvoir démocratique exercé par les membres, la participation économique des membres, l’autonomie et l’indépendance, l’éducation, la formation et l’information, la coopération entre les coopératives et l’engagement envers la collectivité.
- - Système global de sécurité sociale: toutes les coopératives de travail associé qui fournissent des services dans les activités de récolte de la canne à sucre affilient leurs membres au système global de sécurité sociale, en payant des cotisations aux services de santé, de pensions et de risques professionnels. Il a également été constaté que les liquidations et les cotisations versées au système global de sécurité sociale sont effectuées avec exactitude et en temps opportun. (Source: audit sur les coopératives de travail associé Deloitte, 2008.)
- - Durée de travail et activités: les journées de travail dans la récolte de la canne à sucre commencent entre 6 h 30 et 7 h et se terminent entre 15 h 30 et 16 h, avec des périodes de repos de deux heures pour déjeuner, se reposer et planifier. La moyenne des heures de travail est de 7,8 heures par jour. Tous les coupeurs de canne bénéficient d’un moyen de transport qui les prend près de chez eux et les ramène après le travail.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 669. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante, le Syndicat national des travailleurs de l’industrie alimentaire (SINALTRAINAL), allègue la répression violente par les autorités publiques d’une grève dans les raffineries de canne à sucre, grève qui a commencé le 15 septembre 2008 et à laquelle ont participé 19 000 travailleurs employés par des coopératives sous-traitantes de travail associé. Au cours de ladite répression, quelques travailleurs ont été blessés et leurs biens ont été détruits. Selon les allégations, ladite grève a été motivée par le refus des raffineries de sucre et d’ASOCAÑA, association qui les regroupe, de négocier collectivement avec l’organisation syndicale. Le comité prend note de ce que, selon le SINALTRAINAL, le gouvernement et les dirigeants d’entreprise ont considéré le conflit collectif comme une question politique et non comme un conflit de travail. Ils allèguent également que l’armée et la police sont restées stationnées à l’intérieur et à l’extérieur des raffineries, que des francs-tireurs ont été placés sur les lieux, que les employeurs ont empêché plusieurs membres des coopératives de travailler et ont désinformé les travailleurs pour les diviser, faisant pression sur certains d’entre eux pour qu’ils se mobilisent contre la grève; plusieurs travailleurs ont été menacés et 13 travailleurs de la raffinerie Mayagüez ont été licenciés après avoir participé au mouvement des travailleurs; quelques travailleurs ont été accusés d’avoir commis des actes de violence.
- 670. A cet égard, le comité prend note de ce que le gouvernement demande que les questions ayant trait aux droits humains soient renvoyées au cas no 1787 en cours de traitement devant le comité.
- 671. Le comité note également que le gouvernement conteste les allégations présentées et signale que l’organisation plaignante n’a pas présenté de preuves pour les étayer, ce qui ne permet pas de les analyser en profondeur faute d’éléments de jugement suffisants. En outre, selon le gouvernement, il n’y a pas de document attestant que le SINALTRAINAL ait dénoncé les actes de violence dont, selon ses allégations, il a été victime.
- 672. En ce qui concerne les faits concrets allégués par le SINALTRAINAL, le comité prend note de ce que le gouvernement signale qu’il s’agit d’une grève armée, vu que les travailleurs s’y sont présentés munis de machettes (leurs instruments de travail) alors qu’ils n’en avaient pas besoin à ce moment-là pour travailler. Le comité note que, selon le gouvernement, l’action de la force publique s’est faite en réponse aux actes de violence des travailleurs en grève qui bloquaient l’accès aux raffineries; qu’à aucun moment les travailleurs grévistes n’ont été délogés; qu’ils ne sont entrés que dans une raffinerie pour répondre à une dénonciation faisant état de présence d’explosifs sur le site, et cela a donné lieu à une réaction violente de la part des travailleurs qui bloquaient l’accès, et a fait plusieurs blessés parmi eux et également parmi les forces de police. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle il ressort du rapport du bureau du défenseur du peuple qui était présent lors de ces événements que la force publique est intervenue pacifiquement et que le parquet général de la nation a diligenté une enquête à cet égard.
- 673. Le comité prend note également de ce que, selon le gouvernement, plusieurs travailleurs et syndicats d’entreprise qui n’étaient pas d’accord avec la grève ont fait l’objet d’intimidations et de menaces et qu’ils ont été empêchés d’accéder au lieu de travail, de même qu’à leurs domiciles situés à l’intérieur des raffineries. Le comité prend note de ce que plusieurs travailleurs et syndicats ont déposé 19 plaintes contre les travailleurs grévistes devant le parquet général de la nation et devant le bureau du défenseur du peuple concernant ces événements.
- 674. Le comité note que, selon le gouvernement, ni les autorités publiques ni les dirigeants d’entreprise n’ont demandé que la grève soit déclarée illégale. Le comité prend note de ce que le ministre du Travail a cependant demandé qu’une enquête soit diligentée pour déterminer si, parmi les travailleurs grévistes, il y avait des éléments subversifs.
- 675. Le comité observe que, dans le présent cas, il y a une contradiction de fond entre les allégations de l’organisation plaignante et la réponse du gouvernement. D’un côté, l’organisation plaignante se réfère à une grève qui a été réprimée violemment par la force publique, en particulier le 25 septembre 2008 lorsqu’elle est entrée sur les lieux de deux raffineries, causant des blessures à plusieurs travailleurs, que les lieux ont été militarisés et que les raffineries ont incité les travailleurs à se mobiliser contre la grève. De son côté, le gouvernement signale que: 1) la grève était armée et a consisté en un blocage des lieux; 2) des menaces et des intimidations ont été proférées contre les travailleurs qui n’étaient pas d’accord avec la grève et l’accès aux raffineries leur a été interdit; 3) les travailleurs qui participaient à la grève ont réagi de manière violente contre la force publique présente le 25 septembre suite à une dénonciation faisant état de présence d’explosifs dans deux raffineries; 4) plusieurs travailleurs et quelques policiers ont été blessés; et 5) les autorités ont demandé qu’une enquête soit diligentée pour déterminer si des éléments subversifs ne participaient pas au blocage.
- 676. Le comité relève que, selon ce qui ressort des actes d’inspection et du rapport du bureau du défenseur du peuple envoyés en annexe par le gouvernement, les travailleurs ont bloqué l’accès aux raffineries et n’ont pas laissé passer les travailleurs non grévistes. Le comité note également que le parquet général de la nation a ouvert une enquête concernant les faits de violence qui ont eu lieu et que, dans ce cadre, une résolution accusatoire a été retenue contre six employés à la récolte de la canne (MM. Cedano García, Bedoya Muñoz, Valencia Llanos, Ochoa Bejarano Sehess et Chacón Lenis) pour violence aggravée à l’encontre d’officiers de police, complot en vue de commettre des crimes et sabotage. Dans ces conditions, le comité rappelle que le seul fait de participer à un piquet de grève et d’inciter fermement, mais pacifiquement, les autres salariés à ne pas rejoindre leur poste de travail ne peut être considéré comme une action illégitime. Il en va toutefois autrement lorsque le piquet de grève s’accompagne de violences ou d’entraves à la liberté du travail par contrainte exercée sur les non-grévistes, et que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 651 et 667.] Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des actions de justice en cours sur cette question.
- 677. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les raffineries de sucre et ASOCAÑA, association qui regroupe lesdites raffineries, ont refusé de négocier le cahier de revendications présenté par le SINALTRAINAL qui représentait les travailleurs employés en sous-traitance à la récolte de la canne à sucre, ce qui a entraîné la grève des travailleurs en sous-traitance et ses conséquences examinées plus haut, le comité note que, en premier lieu, le gouvernement se réfère à l’information fournie par les raffineries et ASOCAÑA qui signalent que cette dernière n’a aucun pouvoir pour négocier collectivement mais que ce sont les raffineries, individuellement, qui négocient avec les organisations syndicales. Le gouvernement ajoute également qu’il existe des conventions collectives en vigueur dans toutes les raffineries.
- 678. En ce qui concerne le refus de négocier avec le SINALTRAINAL, le comité observe que, selon ce qui ressort du rapport de situation du secteur du sucre pour la grève des employés à la récolte de la canne élaboré par le bureau du défenseur du peuple, dont le gouvernement a envoyé une copie, les coupeurs de canne sont employés par 102 coopératives de travail associé qui concluent un accord commercial avec les raffineries. Selon le rapport, les directions des raffineries n’acceptent pas la grève et déclarent que les travailleurs des coopératives ne sont pas leurs employés directs mais qu’ils fournissent des services aux raffineries par l’intermédiaire des coopératives. Le comité note que, dans sa communication en date du 12 mai 2009, le gouvernement indique que, dans la totalité des raffineries touchées par le blocage, les parties en présence ont trouvé un accord satisfaisant et que les points à l’origine du conflit ont été réglés. Le gouvernement communique copie d’un des accords et ajoute qu’actuellement les relations sont normales entre les raffineries et les coopératives qui regroupent les employés à la récolte de la canne.
- 679. A cet égard, le comité a estimé que, tenant compte de la nature spécifique du mouvement coopératif, les coopératives de travail associé (dont les membres sont leurs propres employeurs) ne peuvent être considérées ni de fait ni de droit comme des «organisations de travailleurs» dans le sens de la convention no 87, c’est-à-dire comme des organisations qui ont comme objectif de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, et qu’il faudrait permettre aux travailleurs associés en coopératives de se constituer en organisations syndicales ou d’adhérer à celles qu’ils estimeraient pertinentes, puisque la notion de travailleur n’inclut pas seulement le travailleur dépendant mais aussi l’indépendant ou l’autonome. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 262.] Le comité estime que, comme conséquence logique de ce droit d’association, il devrait être garanti que les organisations syndicales auxquelles les travailleurs des coopératives se sont affiliés puissent négocier collectivement en leur nom dans le but de promouvoir et de défendre leurs intérêts. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de s’assurer que le SINALTRAINAL puisse négocier collectivement, au moins au nom de ses membres, et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 680. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne les allégations présentées par le SINALTRAINAL concernant la répression violente d’une grève des employés à la récolte de la canne à sucre commencée le 15 septembre 2008, grève au cours de laquelle plusieurs travailleurs et membres de la force publique ont été blessés et qui a impliqué, selon le gouvernement, le blocage des installations de plusieurs raffineries, le comité relève, dans le cadre de l’enquête diligentée par le parquet général de la nation, une résolution accusatoire a été retenue contre six employés à la récolte de la canne pour violence aggravée à l’encontre d’officiers de police, complot en vue de commettre des crimes et sabotage, et demande au gouvernement de le tenir informé des actions de justice en cours sur cette question.
- b) En ce qui concerne les allégations selon lesquelles les raffineries de sucre ont refusé de négocier le cahier de revendications présenté par le SINALTRAINAL qui représentait les travailleurs employés en sous-traitance à la récolte de la canne à sucre, le comité demande au gouvernement de s’assurer que le SINALTRAINAL puisse négocier collectivement, au moins au nom de ses membres, et demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.