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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 367, March 2013

Case No 2907 (Lithuania) - Complaint date: 21-OCT-11 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des violations du droit de grève, en droit et en pratique, au sein de l’entreprise Svyturys-Utenos Alus UAB

  1. 881. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de mai-juin 2012 et a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 364e rapport, paragr. 650-675, approuvé par le Conseil d’administration à sa 315e session (juin 2012).]
  2. 882. L’organisation plaignante a envoyé des informations additionnelles dans une communication en date du 6 septembre 2012.
  3. 883. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 31 mai et du 14 septembre 2012.
  4. 884. La Lituanie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, le convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949 et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 885. Lors de son précédent examen de ce cas, en mai-juin 2012, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 364e rapport, paragr. 675]:
    • a) Notant que l’organisation plaignante indique que les tribunaux ont, dans ce cas et par le passé, considéré les brasseries comme un service essentiel, le comité prie le gouvernement d’indiquer si cela a bien été le cas et, si oui, de garantir le respect des principes mentionnés dans ses conclusions.
    • b) Le comité prie l’organisation plaignante de fournir un exemplaire, en anglais si possible, de la convention collective pertinente.
    • c) Notant que, selon le tribunal, la période de validité de la convention collective allait du 20 octobre 2008 au 20 octobre 2011, le comité veut croire que le syndicat et l’employeur se sont depuis engagés dans des négociations de bonne foi, en pleine conformité avec la législation nationale et les principes de la liberté syndicale, et prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.

B. Allégations de l’organisation plaignante

B. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 886. L’organisation plaignante, le Syndicat des producteurs de denrées alimentaires lituaniens, a fait parvenir avec sa communication du 6 septembre 2012 une copie en anglais de la convention collective conclue le 20 octobre 2008 entre la délégation des syndicats de l’entreprise Svyturys-Utenos Alus UAB (Groupe Carlsberg) et la direction de celle-ci. Cette convention comprend notamment une annexe 4 intitulée «Dispositions relatives à la rémunération».

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 887. Dans sa communication en date du 31 mai 2012, le gouvernement fait savoir que, en vertu des articles 109 et 114 de la Constitution de la République de Lituanie et des articles 2 et 3 de la loi sur les tribunaux, les tribunaux administrent la justice de manière indépendante. Il n’appartient pas au ministère de la Sécurité sociale et du Travail de commenter leurs décisions ni de chercher à les influencer.
  2. 888. Par ailleurs, dans sa communication en date du 14 septembre 2012, le gouvernement constate avec intérêt, au sujet de la recommandation a) formulée lors du dernier examen du cas, que les critères donnés par le comité pour définir les services essentiels au sens strict du terme correspondent à ceux qui sont énoncés à l’article 81(4) du Code du travail en vigueur en République de Lituanie afin de servir de base pour identifier les services essentiels (vitaux) dans lesquels il est possible – lorsque ces critères sont remplis –d’interrompre une grève ou d’y mettre fin. Le Code du travail dispose que, si une grève menace directement la fourniture des services minimums nécessaires pour répondre aux besoins essentiels (et vitaux) du public et est de ce fait susceptible de mettre en danger la vie, la sécurité et la santé de personnes, le tribunal peut décider de reporter son déclenchement de trente jours ou de suspendre le mouvement pour la même durée.
  3. 889. Le gouvernement confirme que ni le tribunal régional de Klaipèda, dans sa décision no 2A-1599-460/2011 prise au civil le 5 août 2011, ni la Cour suprême de Lituanie, dans sa décision no 3K-3-81/2012 prise au civil le 6 mars 2012, ne se sont penchés sur la question de savoir si l’industrie brassicole représentait un service d’importance essentielle; l’un et l’autre se sont intéressés uniquement à la limitation du recours à la grève en vertu de l’article 78(3) du Code du travail, aux termes duquel il est interdit de mener une grève pendant la durée de validité d’une convention collective, dans la mesure où cette convention est respectée.
  4. 890. Le gouvernement indique par ailleurs que la Cour suprême n’a eu à se prononcer au sujet de l’application de l’article 81(4) du Code du travail que dans le cadre de deux affaires (arrêt no 3K-3-141/2008 pris au civil le 3 mars 2008 et arrêt no 3K-3-15/2011 pris au civil le 31 janvier 2011) et que l’interprétation qu’elle a donnée à ces occasions ne permet pas de considérer les brasseries comme un service nécessaire pour répondre aux besoins essentiels (vitaux) du public au sens de cette disposition.
  5. 891. En ce qui concerne la recommandation c), le gouvernement fait savoir que la législation nationale ne lui donne pas compétence pour s’ingérer dans les négociations entre employeurs et syndicats au niveau des entreprises. Par conséquent, il serait plus indiqué que le comité soit tenu informé de l’évolution des négociations collectives par les partenaires sociaux concernés.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 892. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue des violations du droit de grève, en droit et en pratique, au sein de l’entreprise Svyturys-Utenos Alus UAB.
  2. 893. Le comité prend note de la convention collective conclue le 20 octobre 2008 entre le syndicat et la direction, notamment de son annexe 4 («Dispositions relatives à la rémunération»), dont l’organisation plaignante lui a communiqué une copie. A cet égard, le comité note que: i) d’après son article 1.5, cette convention a été conclue pour une durée de trois ans et reste valide jusqu’à la signature d’un nouvel accord; si aucune des deux parties n’a engagé de démarches en vue de renouveler la convention deux mois avant l’expiration de sa période de validité, celle-ci est automatiquement reconduite pour une durée de trois ans; le programme d’avantages sociaux et la valeur de ces avantages sont révisés une fois l’an, en même temps que la grille des salaires; ii) aux termes de l’article 3.1 de l’annexe 4 de la convention collective, les salaires sont revalorisés une fois l’an, les négociations à cette fin débutant la première semaine de février et la grille des salaires révisée étant appliquée à compter du 1er avril; iii) il est prévu à l’article 3.3.4 de cette même annexe que le taux de revalorisation des salaires doit être au moins équivalent au taux moyen de l’inflation; et iv) d’après l’article 3.6, les salaires doivent être revalorisés deux fois l’an si l’inflation constatée au cours des six mois suivant la dernière révision donne à penser que son taux annuel pourrait être supérieur à 8 pour cent.
  3. 894. Le comité note les indications suivantes données par le gouvernement: i) en vertu de la Constitution et de la législation nationales, les tribunaux administrent la justice de manière indépendante et il n’appartient pas au gouvernement de commenter leurs décisions ni de chercher à les influencer; ii) les critères que le comité préconise d’employer pour déterminer les cas dans lesquels le recours à la grève pourrait être restreint ou interdit correspondent à ceux énoncés à l’article 81(4) du Code du travail, qui sert de base pour identifier les services essentiels (vitaux) dans lesquels il est possible d’interrompre une grève ou d’y mettre fin; iii) ni le tribunal régional de Klaipèda ni la Cour suprême ne se sont penchés sur la question de savoir si l’industrie brassicole était un service essentiel: l’un et l’autre ont déclaré la grève illégale en s’appuyant uniquement sur l’article 78(3) du Code du travail, aux termes duquel il est interdit de mener une grève pendant la durée de validité d’une convention collective, dans la mesure où cette convention est respectée; iv) la Cour suprême n’a jusqu’à présent eu à se prononcer au sujet de l’application de l’article 81(4) du Code du travail que dans le cadre de deux affaires jugées au civil, et l’interprétation qu’elle a donnée à ces deux occasions ne permet pas de considérer les brasseries comme un service nécessaire pour répondre aux besoins essentiels (vitaux) du public au sens de cette disposition; et v) il n’appartient pas au gouvernement de s’ingérer dans les négociations entre employeurs et syndicats au niveau des entreprises, de sorte qu’il serait plus indiqué que le comité soit tenu informé de l’évolution des négociations collectives par les partenaires sociaux concernés.
  4. 895. De manière liminaire, le comité tient à souligner qu’il n’a pas pour rôle d’évaluer si les tribunaux nationaux appliquent la législation nationale et la Constitution de la Lituanie, mais que son mandat consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 6.]
  5. 896. A cet égard, le comité prend bonne note de l’information qui lui a été communiquée par le gouvernement selon laquelle la Cour suprême n’a jamais donné d’interprétation juridique permettant de considérer l’industrie brassicole comme un service essentiel pour répondre aux besoins du public au sens de l’article 81(4) du Code du travail. Le comité note également que, en l’espèce, la justice ne s’est pas appuyée sur l’article 81(4) du Code du travail, relatif aux services essentiels, pour établir que le mouvement de grève en cours à la brasserie était illégal. Le comité rappelle qu’il ne considère pas la production de bière comme un service essentiel au sens strict du terme, dans lequel l’exercice du droit de grève peut être restreint, voire interdit, et il s’attend à ce que ce point continue d’être dûment pris en compte.
  6. 897. Le comité observe, d’après ce qu’indique le gouvernement, que la grève a en réalité été déclarée illégale au motif qu’il est interdit de mener une telle action durant la période de validité d’une convention collective, dans la mesure où cette convention est respectée (art. 78(3) du Code du travail). Le comité note que la convention collective était toujours en vigueur au moment des faits et que la justice a estimé que, quoique les négociations salariales aient échoué, l’entreprise avait respecté la convention collective étant donné qu’elle avait participé de bonne foi à ces négociations. Le fait est que, si le différend en question a trait à l’interprétation ou à l’application de la convention collective, le comité a toujours considéré que la solution d’un conflit de droit motivé par une différence d’interprétation d’un texte légal devrait relever des tribunaux compétents; l’interdiction de la grève dans une telle situation ne constitue pas une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 532.] Dans le présent cas, le comité relève que, aux termes de l’annexe 4 de la convention collective, «les salaires sont révisés une fois l’an» (art. 3.1); «les négociations sur les salaires s’ouvrent la première semaine de février et la nouvelle grille des salaires s’applique à compter du 1er avril» (art. 3.1); «la révision des salaires doit aboutir à une revalorisation au moins équivalente au taux moyen de l’inflation» (art. 3.3.4).
  7. 898. Le comité observe que, dans son arrêt du 6 mars 2012, la Cour suprême a estimé, en ce qui concerne l’article 3.3.4 de l’annexe 4 de la convention collective, que l’entreprise «ne s’est pas engagée à offrir chaque année, sans condition, une revalorisation des salaires au moins équivalente au taux moyen de l’inflation» et que, «outre le critère énoncé à l’article 3.3.4, un certain nombre de facteurs, qui sont énoncés dans d’autres articles, influent sur la décision de relever ou non le salaire des employés et, le cas échéant, sur le montant de la revalorisation accordée». Si, dans certains cas, les dispositions des conventions collectives fixant les modalités de revalorisation des salaires sont libellées de telle manière que, en cas de litige, celui-ci a trait à l’application d’un droit reconnu par les parties à l’accord, dans le présent cas, l’interprétation de l’article 3.3.4 donnée par la Cour suprême semble confirmer que la révision annuelle des salaires devait se faire à travers la négociation. Le comité rappelle également que, si les grèves sont interdites tant que les conventions collectives sont en vigueur, cette restriction doit être compensée par le droit de recourir à des mécanismes impartiaux et rapides, autorisant à examiner des plaintes individuelles ou collectives concernant l’interprétation ou l’application des conventions collectives; ce type de mécanismes non seulement permet de régler pendant la période de validité des conventions les difficultés d’application et d’interprétation qui apparaissent immanquablement mais présente en outre l’avantage de préparer le terrain pour de futures séries de négociations dans la mesure où cette procédure permet de déterminer les problèmes qui se sont posés pendant la période de validité de la convention collective en question. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 533.] Dans la mesure où dans le présent cas aucun mécanisme de règlement des différends ni de «disposition de repli» applicable en cas de désaccord ne semblent prévus dans la convention collective, cela soulève la question de savoir si le différend aurait dû plutôt être considéré comme un conflit d’intérêts incluant la possibilité d’exercer le droit de grève. Si tel est le cas, le comité estime que la grève aurait pu en effet être considérée comme une action légitime en raison d’un conflit d’intérêts.
  8. 899. A la lumière de ce qui précède, le comité souhaite tout d’abord inviter le gouvernement, au niveau national, à engager des consultations avec les partenaires sociaux en ce qui concerne la nécessité de revoir les dispositions pertinentes régissant la négociation collective. En outre, au niveau de l’entreprise, pour ce qui est de la demande formulée précédemment à l’effet d’être tenu informé au sujet des négociations collectives entre le syndicat et l’entreprise suite à l’expiration de la convention collective le 20 octobre 2011, le comité considère que, en lien avec l’obligation générale qui lui incombe de promouvoir et d’encourager la négociation collective, le gouvernement devrait être en mesure de donner effet à la recommandation qui lui a été faite sans s’ingérer dans les négociations collectives au niveau de l’entreprise. Le comité veut croire que le syndicat et l’employeur ont maintenant engagé des négociations de bonne foi, en pleine conformité avec les principes de la liberté syndicale, et il prie le gouvernement ainsi que l’organisation plaignante de fournir des informations au sujet de l’état d’avancement de ces négociations. En particulier, le comité prie le gouvernement de promouvoir la négociation d’un mécanisme de règlement des différends en cas de désaccord en ce qui a trait au processus de révision annuelle des salaires prévu dans la convention collective actuelle ou dans les futures conventions collectives.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 900. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Considérant que la grève aurait pu, en l’absence d’un mécanisme de règlement des différends, être considérée comme une action légitime en raison d’un conflit d’intérêts, le comité:
      • i) au niveau national, invite le gouvernement à engager des consultations avec les partenaires sociaux en ce qui concerne la nécessité de revoir les dispositions pertinentes régissant la négociation collective;
      • ii) au niveau de l’entreprise, le comité, confiant que le syndicat et l’employeur ont maintenant engagé des négociations de bonne foi, en pleine conformité avec les principes de la liberté syndicale, prie le gouvernement ainsi que l’organisation plaignante de fournir des informations au sujet de l’état d’avancement des négociations collectives dans l’entreprise et, en particulier, il prie le gouvernement de promouvoir la négociation d’un mécanisme de règlement des différends en cas de désaccord en ce qui a trait au processus de révision annuelle de salaires prévu dans la convention collective actuelle ou dans les futures conventions collectives.
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