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Interim Report - Report No 367, March 2013

Case No 2929 (Costa Rica) - Complaint date: 29-FEB-12 - Closed

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Allégations: Jugements de la Cour suprême de justice qui restreignent le droit de grève, et pratiques antisyndicales dans le secteur de la santé

  1. 603. La plainte figure dans des communications, en date des 29 février et 8 mai 2012, de l’Union nationale des employés de la Caisse de sécurité sociale (UNDECA). Cette organisation a présenté un complément d’information et de nouvelles allégations dans des communications des 9 et 12 juillet 2012. La Fédération syndicale mondiale (FSM) a appuyé la plainte par des communications en date des 6 et 20 mars 2012.
  2. 604. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date des 2 octobre et 5 novembre 2012.
  3. 605. Le Costa Rica a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 606. Dans ses communications en date des 29 février et 8 mai 2012, l’UNDECA affirme qu’en novembre 2011 un groupe de médecins anesthésistes, qui fournissent leurs services à la Caisse costaricienne de sécurité sociale, ont effectué une grève. D’une manière générale, ce mouvement visait à obtenir certaines prestations de santé au travail et des améliorations des conditions pratiques dans lesquelles ils effectuent leurs tâches, ce qui améliorerait aussi sensiblement la prestation des services aux usagers. Ils n’ont eu d’autre choix que de recourir à la grève, les autorités de la Caisse costaricienne de sécurité sociale ayant refusé, de manière injustifiée, de négocier leurs revendications justes. L’UNDECA ajoute que deux usagers qui n’avaient pas pu être pris en charge ont intenté des recours en amparo contre les autorités de deux centres hospitaliers (hôpital México et hôpital San Vicente de Paúl); la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice, dans les votes nos 17211-2011 et 17212-2011 du 14 décembre 2011, a fait droit à ces recours mais les syndicats intéressés n’ont pas été autorisés à participer à la procédure; de plus, la Chambre constitutionnelle, outrepassant ses compétences, a interdit le droit de grève dans les services essentiels, plus particulièrement dans les services hospitaliers.
  2. 607. L’UNDECA indique que le dispositif du premier vote établit ce qui suit: «Par conséquent, il est fait droit au recours. Ordre est donné à Donald Fernández Morales, en sa qualité de directeur général par intérim de l’hôpital México, ou à quiconque le remplacerait dans cette fonction, de transmettre les ordres qui relèvent de son champ de compétence pour que la femme bénéficiant de l’amparo soit hospitalisée dans un délai de trente jours à partir de la date de la notification de cette décision, sous l’entière responsabilité du médecin traitant, afin d’être opérée du carcinome papillaire qui a été diagnostiqué. Il est signalé à l’autorité devant laquelle le recours a été formé que, en vertu de l’article 71 de la loi sur la juridiction constitutionnelle, est passible d’une peine d’emprisonnement de trois mois à deux ans ou de vingt à soixante jours-amende quiconque n’exécuterait pas ou ne ferait pas exécuter l’ordre qui lui serait donné à la suite d’un recours en amparo, sauf si le délit est passible de sanctions plus lourdes. La Caisse costaricienne de sécurité sociale est condamnée au paiement des coûts, dommages et préjudices causés par les faits qui font l’objet de la présente déclaration, paiement qui sera effectué en application de la décision de la juridiction du contentieux administratif.» Le présent jugement doit être notifié personnellement à Donald Fernández Morales, en sa qualité de directeur général par intérim de l’hôpital México, ou à quiconque le remplacerait dans cette fonction. Le jugement établit aussi ce qui suit: «le vote sera notifié intégralement au conseil de direction et à chacun des présidents des associations syndicales existantes à la Caisse costaricienne de sécurité sociale ainsi qu’au président de l’Ordre des médecins et des chirurgiens du Costa Rica. Un magistrat, estimant que le recours devait être rejeté, s’est abstenu. En effet, il a considéré qu’on ne peut pas interdire à la suite d’un recours le droit de grève dans les services hospitaliers, tant qu’il n’y aura pas de réglementation juridique permettant de résoudre le différend du travail. Par ailleurs, aucun critère médical ne justifie la nécessité d’opérer la personne ayant bénéficié de l’amparo dans les délais indiqués par la majorité de la chambre.»
  3. 608. L’UNDECA ajoute que le dispositif du second vote no 17212-2011 condamne la Caisse costaricienne de sécurité sociale dans des termes analogues et formule les mêmes ordres de notification. Un magistrat, estimant que le recours devait être rejeté, s’est abstenu. En effet, il a considéré qu’on ne peut pas interdire à la suite d’un recours le droit de grève dans les services hospitaliers, tant qu’il n’y aura pas de réglementation juridique permettant de résoudre le différend du travail.
  4. 609. Peu après ces deux votes, le service de presse du pouvoir judiciaire a diffusé le communiqué officiel suivant de la Chambre constitutionnelle: «Dans ses votes no 2011 17211, exprimé à 15 h 30, et no 2011-17212, exprimé à 15 h 31, le 14 décembre 2011, la majorité de la Chambre constitutionnelle a souligné que, bien que la grève découle directement de l’exercice de la liberté syndicale, l’article 61 de la Constitution politique dispose que le droit de grève est susceptible de restrictions dans les services publics, conformément aux dispositions de la loi. En particulier, l’article 376, paragraphe d), du Code du travail indique que la grève n’est pas autorisée dans les services publics lorsqu’elle entraîne un dommage grave ou immédiat pour la santé, ce qui est le cas dans les cliniques et hôpitaux. De même, le Comité de la liberté syndicale et la commission d’experts de l’OIT ont indiqué que la grève peut être interdite dans les services publics essentiels, c’est-à-dire ceux dont l’interruption met en péril la vie, la sécurité ou la santé de la population. Ces critères ont été retenus par la majorité de la Chambre constitutionnelle, avec les voix des magistrats Ginesta Lobo, Cruz Castro, Castillo Víquez, Rueda Leal et Salazar Cambronera. Ils ont estimé que la grève est interdite dans les services hospitaliers, qui sont une activité essentielle de l’Etat, afin de protéger les droits constitutionnels à la santé et à la vie de la population. En outre, la chambre a précisé que la possibilité de recourir à des procédures de conciliation, d’arbitrage et de négociation directe adaptées au secteur public ne peut pas être réglementée par la législation générale du travail; en effet, ses caractéristiques sont très différentes de celles du régime de la fonction publique, dont les principes ne sont pas aussi souples que ceux de l’autonomie de la volonté ou des droits minimums, étant donné que l’administration est assujettie à un bloc juridique et que les décisions en conscience et les tribunaux formés de non-juristes n’y ont pas leur place. Combler cette lacune par une action normative ne revient pas à la Chambre constitutionnelle mais au pouvoir législatif, conformément au principe d’autosaisine du juge constitutionnel. L’Assemblée législative examine actuellement un projet de réforme de la procédure du travail qui vise à régir ce domaine.»
  5. 610. Le communiqué de presse ajoute: «Néanmoins, pour le moment, les parties au différend, à savoir la Caisse costaricienne de sécurité sociale et les fonctionnaires, doivent chercher à résoudre leurs différends d’une façon qui ne nuira pas à la continuité du service hospitalier, qui est un service essentiel. La suspension de ce service porte atteinte aux droits constitutionnels fondamentaux de la population, droits supérieurs car ils visent à préserver ce qui est le plus important pour les êtres humains: la vie et la santé. Dans les cas qui ont été examinés, ont été suspendus les soins médicaux que devaient recevoir deux personnes qui avaient intenté un recours en amparo et qui souffraient de cancer; ces personnes n’ont pu être ni hospitalisées ni opérées aux dates prévues en raison de la grève des anesthésistes. Une magistrate, à l’instar de la majorité de la chambre, a estimé que le droit à la santé de ces personnes avait été compromis mais elle ne s’est pas prononcée sur l’illégalité de la grève dans les services publics essentiels au motif que le recours n’était pas le moyen approprié pour régler la question de la grève dans les services essentiels. Un magistrat s’est abstenu et a rejeté le recours: il a estimé impossible, par un vote sur un recours en amparo, d’interdire le droit de grève dans les services hospitaliers, d’autant moins que, comme le reconnaît la chambre dans son jugement, la législation ne prévoit pas de moyens alternatifs suffisants pour régler le différend du travail tel que celui qui a été soumis dans le présent cas. Un autre magistrat a formulé une observation.»
  6. 611. L’UNDECA indique que, en vertu des deux votes, il a été fait droit aux recours en amparo intentés par les usagers et, dans le même temps, à la majorité, la Chambre constitutionnelle a interdit la grève dans les services essentiels, en particulier dans les services hospitaliers.
  7. 612. L’UNDECA, ayant fait valoir toute une série d’arguments d’interprétation, conclut que la Chambre constitutionnelle a adopté une interprétation contraire à la Constitution et aux conventions de l’OIT en particulier, et indique qu’est en cours d’examen une réglementation juridique sur les systèmes de résolution des différends dans la fonction publique dont les agents n’ont pas le droit de négociation collective.
  8. 613. L’UNDECA indique, au sujet des votes de la Chambre constitutionnelle, qu’elle conteste qu’un recours en amparo n’est pas le moyen approprié pour interdire la grève et moins encore quand on sait que les fonctionnaires ont été privés dans le passé des procédures de règlement volontaire des différends collectifs du travail, dont la négociation directe. Selon la législation applicable, le recours en amparo vise à protéger les droits fondamentaux contre les actes, dispositions, accords, résolutions, omissions ou actions matériels qui menacent ou enfreignent les droits fondamentaux, à l’exception de ceux protégés par la demande d’habeas corpus. Il s’agit d’une procédure informelle, à caractère «éminemment sommaire», comme l’a définie la Chambre constitutionnelle elle-même, dont le seul objet est d’établir si certains actes concrets et subjectifs, normalement décidés par l’administration, ont violé les droits fondamentaux des personnes. Le recours en amparo ne convient pas pour contester la constitutionnalité de lois ou de dispositions normatives, domaine qui est réservé aux recours en inconstitutionnalité (ce qui n’a pas été respecté dans le présent cas). Il ne convient pas non plus pour examiner des questions qui relèvent de la légalité ordinaire, pas plus que la Chambre constitutionnelle ne peut déterminer quelles sont les normes qui s’appliquent dans un cas concret. Le champ du recours en amparo est restreint et se limite à déterminer, ponctuellement, si un acte ou une omission ont porté atteinte à un droit fondamental.
  9. 614. Les votes de la Chambre constitutionnelle qui, de cette manière arbitraire, ont interdit le droit de grève dans les services essentiels et hospitaliers vont à l’encontre de l’article 61 de la Constitution, de l’article 376 d) du Code du travail et, manifestement, de la convention no 87 de l’OIT.
  10. 615. L’UNDECA estime que rien ne justifie, et moins encore dans un système démocratique, d’avoir sacrifié le droit de grève des travailleurs qui effectuent des services hospitaliers alors que ce droit peut raisonnablement être conservé pour l’essentiel, avec quelques restrictions néanmoins, mais en préservant la protection des droits fondamentaux à la santé et à la vie, lesquels sont des valeurs et des droits fondamentaux et protégés par la Constitution et qui y sont reconnus, comme le droit de grève. Une solution appropriée à cette divergence d’intérêts, qui sont l’un et l’autre protégés par la Constitution, est raisonnablement possible sans priver pour autant les fonctionnaires du droit de grève dans les services essentiels en recourant à la technique du maintien du service minimum. Malheureusement, dans les votes qui sont contestés dans la présente plainte, la Chambre constitutionnelle ignore ou refuse cette technique qui est conforme aux principes de l’OIT.
  11. 616. Selon l’UNDECA, la Chambre constitutionnelle indique dans son jugement que force est de faire observer que le Comité de la liberté syndicale a estimé que l’interdiction de la grève dans les services publics essentiels doit être assortie de protections suffisantes afin de compenser les restrictions que les travailleurs doivent subir. On compte parmi ces garanties l’accès à des procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et rapides qui permettent aux intéressés de participer à tous les stades du processus (dans un jugement précédent – no 1696-1992 –, la Chambre constitutionnelle avait estimé que les agents et fonctionnaires de l’Etat n’avaient pas le droit d’intenter des procédures de règlement de différends collectifs à caractère économique et social).
  12. 617. L’UNDECA ajoute qu’à la suite d’une manifestation qu’ont organisée le 26 juin 2012 les syndicats, dont l’UNDECA, constitués en Front intérieur des travailleurs de la caisse (FIT CAJA), manifestation qui visait à défendre l’institution, le directeur administratif et la directrice médicale, respectivement, de la Caisse costaricienne de sécurité sociale ont averti les travailleurs, par une circulaire en date du 27 juin 2012, que seraient diminués immédiatement les salaires des travailleurs qui participeraient à un mouvement de grève ou de débrayage – cette circulaire fait partie de la procédure que la hiérarchie doit suivre pour rendre effective une réduction salariale; elle autorise à diminuer immédiatement les salaires des travailleurs, sans procédure et sans avoir à déclarer préalablement l’illégalité de la grève ou du débrayage (contrairement à ce qu’a établi la jurisprudence de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême à propos du secteur privé).
  13. 618. Dans ses communications en date des 9 et 12 juillet 2012, l’UNDECA affirme que, à la clinique Dr Carlos Durán Martín, clinique qui relève de la Caisse costaricienne de sécurité sociale, à la suite d’instructions de sa directrice, l’UNDECA ne peut pas communiquer pleinement avec les travailleurs et n’a été autorisée qu’à distribuer des prospectus; elle ne peut pas avoir avec les travailleurs d’autres types de relation ou de communication, et il a été expressément interdit aux représentants du syndicat plaignant de s’adresser oralement aux travailleurs. En particulier, les 8 et 22 juin 2012, des agents de la sécurité privée ont expulsé de la clinique les dirigeants de l’UNDECA, Elizabeth Centeno Cascante, Marlen Pena Ortega, Arturo Abarca Durán et Roland Quesada, et les déléguées Guadalupe Murillo González et Cinthya Bermúdez Rivera. Il est important de souligner qu’à aucun moment ces syndicalistes n’ont cherché à entrer dans les zones dont l’accès est restreint ou à entraver la prestation normale du service public. Ces instructions de la direction sont donc arbitraires.
  14. 619. Dans d’autres centres de travail de la Caisse costaricienne de sécurité sociale, l’activité syndicale est empêchée mais, qui plus est, des actes de harcèlement antisyndical sont commis contre des délégués de plusieurs organisations syndicales, dont l’UNDECA. A l’hôpital San Francisco de Asís, hôpital régional de la localité de Grecia, qui a malheureusement subi de plein fouet les restrictions budgétaires imposées par le conseil de direction de la Caisse costaricienne de sécurité sociale, l’UNDECA a joué un rôle de premier plan pour obtenir des mesures appropriées afin que la prestation du service public ne se détériore pas davantage, ce qui n’a pas eu l’heur de plaire au directeur général de cet hôpital: en représailles contre les activités légitimes qui ont été menées, il a ordonné l’ouverture le 12 juin 2012 d’une procédure disciplinaire contre María Luz Alfaro Barrantes, déléguée syndicale de l’UNDECA dans cet hôpital, «en raison des faits rapportés à la direction générale, survenus le lundi 7 mai 2012, au cours d’une manifestation organisée par des femmes habitant la communauté de Grecia contre les mesures de rationalisation des dépenses que la direction générale a prises, manifestation à laquelle a participé María Luz Alfaro Barrantes, aide-soignante, en qualité de représentante syndicale».
  15. 620. Cette procédure a été ouverte parce que la déléguée syndicale en question a participé à une manifestation de femmes de la communauté qui s’opposaient aux réductions budgétaires alors que, à cause de ces mesures, l’hôpital est au bord du gouffre.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 621. Dans ses communications en date des 2 octobre et 5 novembre 2012, le gouvernement se réfère aux allégations de l’Union nationale des employés de la Caisse de sécurité sociale (UNDECA), laquelle est appuyée par la Fédération syndicale mondiale (FSM). Selon ces allégations, deux votes de la Chambre constitutionnelle, qui s’est prononcée au sujet de deux recours en amparo présentés à l’occasion de la grève qu’avait effectuée le 15 novembre 2011 un groupe d’anesthésistes, portent atteinte à la convention no 87 de l’OIT: ces votes remettent en question la réglementation de la négociation de conventions collectives dans le secteur public et restreignent arbitrairement le droit de grève dans les services essentiels, comme c’est le cas des hôpitaux et autres services de santé. Sur ce point, le gouvernement indique que, en vertu d’une disposition juridique, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice connaît des questions de constitutionnalité portant sur d’autres normes, et interprète à la lumière de la Constitution politique tous les cas dont elle est saisie, conformément à la loi sur la juridiction constitutionnelle, laquelle rend ses décisions obligatoires et valides erga omnes, sauf pour elle-même.
  2. 622. Le gouvernement précise que les deux questions soumises à la Chambre constitutionnelle que mentionne la plainte à l’examen ont fait l’objet d’un recours des usagers de la Caisse costaricienne de sécurité sociale (CCSS), dont le droit d’accéder aux services de santé a été apparemment entravé, le service médical ayant été paralysé en raison de la grève le 15 novembre 2011 d’un groupe d’anesthésistes. A cette occasion, la plus haute instance juridictionnelle a fait droit aux recours en amparo, qui visent à protéger les droits constitutionnels à la vie et à la santé des personnes touchées. Elle a estimé que ces droits sont inaliénables, qu’ils ne sauraient être considérés comme des droits patrimoniaux et qu’il ne peut pas y être renoncé, conformément à l’article 52 de la loi sur la juridiction constitutionnelle. Par conséquent, le droit à la vie, reconnu à l’article 21 de la Constitution, est la clé de voûte des autres droits fondamentaux des citoyens de la République. De même, cet article protège le droit à la santé car la vie est inconcevable si l’on ne garantit pas aux personnes les conditions minimales pour assurer un bon équilibre psychique, physique et environnemental. Si bien que tout retard dans les soins fournis par les hôpitaux, cliniques et autres unités de la Caisse costaricienne de sécurité sociale pourrait compromettre la garantie de la santé et de la vie de ses usagers.
  3. 623. A propos des restrictions au droit de grève dans un service de santé, et se référant aux considérants des votes nos 17211 et 17212 de 2011, dans lesquels la Chambre constitutionnelle s’est prononcée sur les recours en amparo que l’organisation plaignante conteste, le gouvernement indique que la chambre a établi que la restriction de l’exercice du droit de grève dans les services hospitaliers est constitutionnelle et conforme à la doctrine qui émane des organes de contrôle de l’OIT.
  4. 624. Dans ce contexte, la Chambre constitutionnelle, sur la base de la jurisprudence, a interprété les articles 375 et 376 du Code du travail à la lumière des dispositions de l’article 61 de la Constitution politique, lequel interdit expressément l’exercice du droit de grève dans les services publics, conformément aux dispositions de la loi.
  5. 625. Qui plus est, selon le critère de la Cour suprême de justice contenu dans son rapport no 2450-2012 du 6 août 2012, dont copie a été transmise, les jugements en question tiennent compte aussi de la définition de «services publics» et de la doctrine qui émane des organes de contrôle de l’OIT, et établissent ce qui suit: «… on entend par service public à caractère essentiel dans le secteur hospitalier les prestations dont l’interruption empêche la population d’accéder aux services de santé et met en péril des biens juridiques qui sont les valeurs supérieures du droit international relatif aux droits de l’homme et du droit constitutionnel costaricien lui-même, par exemple le droit à la santé, à la vie et à la sécurité personnelle».
  6. 626. De même, le Comité de la liberté syndicale, dans nombre de ses conclusions, a considéré le service hospitalier comme un service essentiel. En vertu des principes que cet organe de contrôle a élaborés pour déterminer les cas dans lesquels la grève pourrait être interdite, le critère déterminant est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. Quoi qu’il en soit, la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, établit que le programme d’action des organisations de travailleurs doit respecter la légalité. Or limiter l’exercice du droit de grève est raisonnable dans les services dont l’interruption mettrait en péril la santé ou la vie de la population. Le cas concret de la grève des médecins mentionnés dans la présente plainte constitue une situation analogue puisque, à l’évidence, elle a entraîné un retard dans de multiples interventions chirurgicales et porté gravement atteinte aux droits fondamentaux et primordiaux de la population. En ce sens, selon le rapport no PR-39.907-2012 de la présidence exécutive de la Caisse costaricienne de sécurité sociale, cette grève a duré quatorze jours et entraîné la suspension d’interventions chirurgicales qui étaient programmées pour 2 581 assurés. De plus, la grève a coûté environ 21 700 000 colones par jour à l’institution.
  7. 627. La Chambre constitutionnelle a estimé que la restriction de l’exercice de la grève dans les services publics implique que les travailleurs doivent renoncer à leur droit de défendre leurs intérêts au moyen de la grève lorsqu’elle entraîne ou risque d’entraîner des situations plus graves que celles dont les grévistes font état dans leurs revendications ou demandes.
  8. 628. C’est ce que montre le vote nº 1317-1998 de 10 h 12 du 27 février 1998, dans lequel la Chambre constitutionnelle a reconnu la convergence qui existe entre la notion de service public mentionnée à l’article 61 de la Constitution politique et la notion de services essentiels. La chambre a indiqué ce qui suit: «… il convient de répéter que, du point de vue de la Constitution, il y a d’un côté la liberté de syndicalisation, entendue comme étant la liberté de créer des syndicats et de s’y affilier, qui couvre de la même manière les fonctionnaires ayant une relation à caractère administratif ou statutaire avec le service des administrations publiques – ainsi que les autres travailleurs liés par une relation de travail –, et de l’autre le droit de grève, qui est la manifestation extrême de l’activité syndicale, lequel comporte des restrictions importantes afin de garantir le fonctionnement des services essentiels de la communauté. Par conséquent, les restrictions du droit de grève, qui est une mesure extrême de pression pour réaliser les objectifs syndicaux, doivent s’en tenir au nécessaire pour éviter d’entraver la prestation des services publics qui sont jugés essentiels, et il revient au législateur de les déterminer d’une manière raisonnable et proportionnée …».
  9. 629. Cette interprétation se fonde sur les articles 191 et 192 de la Constitution politique, qui établissent un régime de l’emploi public dont la nature et les caractéristiques sont différentes des relations relevant du droit commun du travail. Ce régime d’emploi comporte des conséquences dues à sa nature et des principes généraux qui lui sont propres, lesquels sont non seulement différents de ceux du droit du travail, mais aussi souvent opposés.
  10. 630. De même, dans le vote no 1317-1998 susmentionné, la Chambre constitutionnelle ajoute que le droit de grève ne peut pas être considéré comme un droit absolu, comme l’indique le passage suivant du vote: «… la grève est un droit indissociablement lié au droit de syndicalisation qui est protégé par la convention no 87 de l’OIT. Le droit de grève ne peut pas être considéré comme un droit absolu. La grève, dans des circonstances exceptionnelles, peut être interdite de manière générale mais elle peut aussi être réglementée par des dispositions imposant des modalités d’exercice de ce droit fondamental ou des restrictions à son exercice. La grève est considérée comme le dernier recours dont les organisations de travailleurs disposent pour faire valoir leurs revendications… Autrement dit, la grève est un droit de tous qui peut être exercée dans n’importe quelle activité. Néanmoins, le législateur doit déterminer dans quels cas elle ne doit pas être exercée, par exemple les services publics qui, par leur nature et en raison de leur impact social, ne peuvent pas être suspendus, interrompus ou paralysés sans entraîner des dommages considérables, graves et immédiats pour certains biens.»
  11. 631. Par conséquent, les allégations que l’organisation expose dans sa plainte sont dépourvues de tout fondement légal étant donné que les décisions contestées sont conformes à la Constitution politique, laquelle indique que le droit de grève n’est pas illimité et qu’il peut être restreint en ce qui concerne les services essentiels lorsque sont affectés des biens juridiques supérieurs tels que la vie et la santé de la population, ce que les organes de contrôle de l’OIT ont indiqué aussi dans plusieurs de leurs conclusions.
  12. 632. Enfin, en ce qui concerne l’affirmation de l’organisation syndicale au sujet de l’interdiction de la négociation collective dans le secteur public, le gouvernement la réfute au motif qu’elle est exagérée et inexacte et souligne que la caisse a signé un accord avec deux organisations syndicales sur la question des salaires; une des clauses prévoit de se soumettre à la décision du tribunal du travail. Le gouvernement ajoute que, comme le savent les organes de contrôle de l’OIT, le droit de négociation collective, dans l’ordre juridique positif costaricien et dans la pratique nationale, est l’instrument collectif par excellence et bénéficie d’une protection privilégiée en raison de son rang constitutionnel. Cet instrument a pour finalité de régir les conditions de travail, et il revient aux syndicats de désigner les représentants des travailleurs aux fins de la négociation collective. Dans le secteur public, la négociation collective est autorisée pour l’ensemble des fonctionnaires, à l’exception de ceux qui ont des fonctions de décision dans la gestion publique, comme le dispose l’article 2 du règlement pour la négociation de conventions collectives dans le secteur public. Ainsi, selon le registre que tient à cette fin le Département des relations du travail du ministère du Travail et de la Sécurité sociale, il y a actuellement 70 conventions collectives en vigueur dans le secteur public.
  13. 633. Au vu des raisons de fait et de droit exposées précédemment, le gouvernement demande au comité de rejeter dans son ensemble le présent cas.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 634. Le comité note que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante appuyée par la FSM affirme ce qui suit: 1) en raison d’une grève, qui visait à améliorer leurs conditions d’emploi, qu’un groupe d’anesthésistes de la Caisse costaricienne de sécurité sociale ont réalisée en novembre 2011 parce que la caisse avait refusé de négocier leurs revendications, deux usagers ont présenté des recours en amparo devant la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice contre deux hôpitaux; et 2) la Chambre constitutionnelle a fait droit à ces recours, a condamné la caisse (l’employeur) à payer les coûts, dommages et préjudices entraînés par la grève et, sans que les organisations syndicales ne puissent participer à la procédure, a interdit arbitrairement la grève dans les services essentiels, en particulier dans les services hospitaliers. La chambre n’a pas tenu compte du fait que la solution qui convient, conformément aux principes de l’OIT, est de reconnaître le droit de grève tout en exigeant le maintien d’un service minimum. L’organisation plaignante apporte des arguments pour contester l’interprétation de différentes normes constitutionnelles et légales en ce qui concerne la portée des votes de la Chambre constitutionnelle dans le cadre de recours en amparo. Elle estime que la Chambre constitutionnelle n’a pas respecté ces normes. Le comité souhaite rappeler à ce sujet qu’il ne lui appartient pas d’exprimer des jugements de valeur sur la question de savoir si des normes ou décisions judiciaires sont conformes à la Constitution politique d’un pays.
  2. 635. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, les fonctionnaires ne bénéficient pas du droit de négociation collective et que, actuellement, les procédures de règlement des différends qui concernent les fonctionnaires et agents publics, en particulier la conciliation et l’arbitrage, ne sont pas réglementées. Enfin, l’organisation plaignante affirme que, en raison d’une manifestation qu’elle a réalisée en juin 2012 avec d’autres organisations syndicales, les autorités de la caisse ont diffusé une circulaire qui indique que seront diminués les salaires des travailleurs qui participeraient à un mouvement de grève ou de débrayage, qu’une déclaration préalable d’illégalité de la grève ait été formulée ou non.
  3. 636. Le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les votes de la Chambre constitutionnelle au sujet des recours en amparo que l’organisation conteste s’inscrivent dans le cadre de son mandat et sont conformes à la Constitution. Le gouvernement ajoute que les principes du comité et ceux d’autres organes de contrôle de l’OIT permettent de restreindre considérablement, voire d’interdire le droit de grève dans le secteur de la santé. Le comité note que le gouvernement, se fondant sur différents jugements de la Cour suprême, conteste les interprétations de l’organisation plaignante sur le droit de grève dans la législation et dans la Constitution. Le gouvernement souligne que, de l’avis de la Cour suprême, le droit de grève n’est ni absolu ni illimité et que l’on peut le restreindre dans les services essentiels lorsque sont compromis des biens supérieurs tels que la vie ou la santé de la population. Le gouvernement ajoute que la restriction du droit de grève dans le secteur de la santé est conforme à la Constitution. Enfin, le comité prend note des déclarations du gouvernement sur les conséquences de la grève (suspension d’opérations chirurgicales pour 2 581 assurés, coûts se chiffrant par millions, etc.).
  4. 637. Quant aux allégations relatives à l’absence de négociation collective et à l’interdiction du droit de grève pour les fonctionnaires, dont ceux du secteur de la santé, en vertu de jugements de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice, le comité rappelle qu’il a souligné à maintes reprises que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: dans la fonction publique uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 576.] Néanmoins, le comité a souligné également que, en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer, et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 596.] Le comité note que, selon le gouvernement, contrairement à ce que la plainte indique, les fonctionnaires bénéficient du droit de négociation collective (à l’exception de ceux qui occupent des fonctions de décision dans la gestion publique). Le gouvernement fait état de 70 conventions collectives dans le secteur public. Le comité fait observer que lui et la commission d’experts ont pris connaissance des normes nationales applicables et ont constaté ce droit.
  5. 638. Toutefois, le comité note qu’il ressort de la plainte et des décisions contestées dans le présent cas que les mécanismes de règlement des différends dans le secteur public ne sont pas encore réglementés. Par conséquent, compte tenu du dernier principe qui figure dans le paragraphe précédent, le comité invite le gouvernement, en consultation avec les organisations les plus représentatives de travailleurs et d’employeurs, à soumettre un projet de loi à l’Assemblée législative.
  6. 639. En ce qui concerne les questions salariales, le comité note que le gouvernement communique copie d’un accord de la caisse avec deux organisations syndicales qui comporte une clause qui prévoit de se soumettre à la décision du tribunal du travail. Enfin, en ce qui concerne la circulaire relative aux déductions sur les salaires des fonctionnaires qui participent à des grèves ou à des manifestations, le comité note que le gouvernement n’a pas répondu à cette allégation. Cela étant, le comité rappelle le principe selon lequel les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 654.] Ce principe sur les déductions de salaire s’applique aussi pour le temps passé dans des manifestations au cours des horaires de travail.
  7. 640. Par ailleurs, le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante relatives aux restrictions qui empêchent des dirigeants syndicaux de communiquer pleinement avec les travailleurs de la clinique Dr Carlos Durán Martín, et en particulier à l’intervention du service de sécurité privée qui a fait sortir de la clinique quatre dirigeants et deux déléguées syndicales de l’UNDECA. Le comité note que l’organisation plaignante affirme aussi que le directeur général de l’hôpital San Francisco de Asís a ordonné le 12 juin 2012 l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre la déléguée syndicale María Luz Alfaro Barrantes en raison de sa participation à une manifestation contre les mesures de rationalisation des dépenses appliquées par l’hôpital. Le comité note que ces allégations ont été présentées dans des communications postérieures à la première plainte. Le gouvernement affirme préparer actuellement sa réponse à ce sujet. Le comité exprime l’espoir que cette réponse parviendra sans tarder.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 641. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement, en consultation avec les organisations les plus représentatives de travailleurs et d’employeurs, à soumettre un projet de loi à l’Assemblée législative sur des mécanismes de règlement des différends dans l’administration publique.
    • b) Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante relatives aux restrictions qui empêchent des dirigeants syndicaux de communiquer pleinement avec les travailleurs de la clinique Dr Carlos Durán Martín, et en particulier à l’intervention du service de sécurité privée qui a fait sortir de la clinique quatre dirigeants et deux déléguées syndicales de l’UNDECA. Le comité note que l’organisation plaignante affirme aussi que le directeur général de l’hôpital San Francisco de Asís a ordonné le 12 juin 2012 l’ouverture d’une procédure disciplinaire contre la déléguée syndicale María Luz Alfaro Barrantes en raison de sa participation à une manifestation contre les mesures de rationalisation des dépenses que l’hôpital a prises. Le comité note que ces allégations ont été présentées dans des communications postérieures à la première plainte et que le gouvernement indique qu’il prépare actuellement sa réponse à ce sujet. Le comité exprime l’espoir que cette réponse parviendra sans tarder.
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