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Interim Report - Report No 367, March 2013

Case No 2949 (Eswatini) - Complaint date: 23-MAY-12 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce sa radiation par le gouvernement et le déni par l’intermédiaire de la police et des forces armées de son droit de protester contre cette radiation et de célébrer le 1er mai

  1. 1186. La plainte figure dans des communications du Congrès des syndicats du Swaziland (TUCOSWA) datées du 23 mai 2012 et du 1er mars 2013.
  2. 1187. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date du 4 juin 2012 et du 5 mars 2013.
  3. 1188. Le Swaziland a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1189. Dans une communication datée du 23 mai 2012, le TUCOSWA indique qu’il est l’unique centrale syndicale nationale du Swaziland née de la fusion de la Fédération du travail du Swaziland (SFL) et de la Fédération des syndicats du Swaziland (SFTU) auxquelles, par la suite, est venue se joindre l’Association nationale des enseignants du Swaziland (SNAT). Selon l’organisation plaignante, le TUCOSWA a été enregistré le 25 janvier 2012 conformément aux dispositions de l’article 27 de la loi no 1 de 2000 sur les relations professionnelles (IRA) après que le commissaire au travail a estimé que la procédure était conforme aux prescriptions de ladite loi (des copies de la lettre du commissaire et du certificat d’enregistrement ont été jointes à la plainte). Il a tenu son congrès fondateur du 9 au 11 mars 2012, la SFTU et la SFL, en tant que telles, ayant officiellement été dissoutes.
  2. 1190. L’organisation plaignante allègue que, le 21 mars 2012, le commissaire au travail a adressé un courrier au TUCOSWA, lui demandant de clarifier ses objectifs, après que celui-ci a publié dans les médias qu’il avait décidé lors de son congrès fondateur de boycotter les prochaines élections nationales de 2013 si celles-ci n’étaient pas organisées dans le cadre d’un système multipartite, et lui donnant un délai de sept jours pour répondre (des copies de la lettre du commissaire et de la réponse du TUCOSWA ont été jointes à la plainte). Le 4 avril 2012, date confirmée par le commissaire au travail pour l’examen de la question, le TUCOSWA a reçu une lettre du Procureur général du Swaziland, dans laquelle celui-ci leur faisait savoir qu’il avait recommandé au commissaire au travail de radier le TUCOSWA du registre des syndicats au motif que ce n’était pas une organisation syndicale au sens de l’IRA et, que, de plus, la loi ne prévoit pas, quoi qu’il en soit, l’enregistrement de fédérations.
  3. 1191. Selon l’organisation plaignante, une telle déclaration du gouvernement constitue un changement radical de position dans la mesure où les centrales nationales dissoutes avaient été enregistrées en application de l’IRA et où toutes les fédérations professionnelles, la Fédération des employeurs et de la chambre de commerce du Swaziland (FSE-CC) ainsi que la Fédération des entreprises du Swaziland sont enregistrées en vertu de la même loi. Autre position contradictoire, le gouvernement avait salué la constitution du TUCOSWA dans un courrier du 16 mars 2012 adressé par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale (une copie de la lettre est jointe à la plainte).
  4. 1192. Le gouvernement, faisant valoir que l’IRA ne prévoit pas l’enregistrement de fédérations, a depuis lors procédé à la radiation du TUCOSWA sans suivre une quelconque procédure légale comme le prescrit la loi en question, et rendant de ce fait inopérantes toutes les structures nationales de dialogue tripartite.
  5. 1193. En outre, selon l’organisation plaignante, le TUCOSWA s’est vu refuser l’autorisation, par l’intermédiaire de la police et des forces armées, de protester contre sa radiation, de même qu’il s’est également vu dénier le droit de célébrer le 1er mai 2012.
  6. 1194. Dans une communication en date du 1er mars 2013, l’organisation plaignante indique que, à la suite du dépôt, en septembre 2012, d’un avis de protestation d’ordre socio-économique visant à présenter, entre autres demandes, une contestation face à la non-reconnaissance du TUCOSWA par les autorités, le gouvernement a entrepris une action devant le tribunal du travail à l’encontre du congrès afin d’obtenir une décision visant à ce que le congrès soit déclaré comme ne constituant pas une fédération de travailleurs au sens de la loi sur les relations professionnelles. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement s’est tourné vers le tribunal en vue de rendre contraignantes sa décision illégale de radiation du TUCOSWA et l’interdiction subséquente des activités de ce dernier à partir d’avril 2012. Le cas a attiré une grande attention politique, et un jugement a été rendu le 26 février 2013, dont une copie finale a été transmise le 27 février 2013. Le tribunal, se prononçant contre le TUCOSWA, a constaté qu’il existait une lacune dans la loi puisqu’elle ne contenait pas de disposition prévoyant l’enregistrement de fédérations, que la loi donnait aux termes «organisation» et «fédération» un sens particulier ou technique que le tribunal ne pouvait pas généraliser et que le devoir du tribunal était d’interpréter et non de reformuler une disposition d’une loi.
  7. 1195. Selon l’organisation plaignante, le jugement a pour conséquence que le fonctionnement de l’ensemble des organes tripartites institutionnels pour le dialogue social va être entravé puisqu’ils nécessitent une représentation au niveau de la fédération. En conséquence, le TUCOSWA a rappelé tous ses représentants au sein de ces organes tripartites, dans l’attente de la finalisation du modus operandi qui doit être conclu entre le TUCOSWA et le gouvernement comme le demandait le tribunal. L’organisation plaignante a rappelé que le processus législatif pourrait durer très longtemps tandis que le droit à la liberté syndicale serait en suspens et qu’il n’y avait désormais pas de centre national des syndicats reconnu au Swaziland puisque les deux centres nationaux qui existaient – à savoir la SFTU et la SFL – avaient été formellement dissous, conformément aux termes de leurs statuts, lors de la constitution du TUCOSWA. Au final, le TUCOSWA se trouve dans une position similaire à celle des partis politiques dont l’existence est alléguée mais qui ne disposent pas de mécanisme pour être enregistrés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 1196. Dans sa communication du 4 juin 2012, le gouvernement a indiqué, à titre de remarque préliminaire, que l’IRA, qui constitue la principale loi régissant et réglementant les relations collectives du travail au Swaziland, ne contient pas de dispositions relatives à l’enregistrement, l’affiliation et la fusion de fédérations. Du fait de cette lacune de la législation, il n’existe aucune disposition qui aurait pu habiliter le commissaire au travail à enregistrer une fédération. En conséquence, l’enregistrement du TUCOSWA le 25 janvier 2012 en application de l’article 27 de l’IRA a été effectué par erreur, puisqu’aucune disposition légale ne permet un tel acte. L’IRA ne prévoit que l’enregistrement de syndicats, d’associations de personnel et d’associations d’employeurs.
  2. 1197. Le gouvernement a expliqué que, en l’absence de toute disposition relative à l’enregistrement d’une fédération, celui du TUCOSWA était malencontreusement nul et non avenu et par conséquent sans effet. Il a ajouté que, en quête d’une solution, il avait fait appel à l’expertise légale du bureau du procureur général. Ce dernier a estimé que l’enregistrement du TUCOSWA n’avait aucune valeur légale puisqu’il ne s’agit pas d’une organisation au sens de l’IRA. Conformément à l’article 2, qui définit les termes de la loi, une organisation s’entend d’un syndicat, d’une association du personnel ou d’une association d’employeurs. Toutefois, le même article 2 définit également une fédération comme étant «une corporation enregistrée en vertu de la présente loi, qui est en totalité composée d’associations d’employeurs et/ou d’une combinaison d’associations d’employeurs, de syndicats ou d’associations du personnel, selon le cas».
  3. 1198. De l’avis du gouvernement, il est clair que le TUCOSWA répond à la définition d’une fédération. Toutefois, il est également clair qu’il n’existe aucune disposition dans l’IRA permettant d’enregistrer une fédération. Cette omission n’a pas été voulue par l’organe tripartite qui a rédigé ladite loi. Le gouvernement a en outre constaté que cette loi ne contient aucune disposition prévoyant la fusion de deux ou plusieurs fédérations ou l’association de plusieurs syndicats, comme le TUCOSWA en avait manifestement eu l’idée. Le gouvernement a indiqué qu’une telle disposition serait essentielle étant donné que les fédérations, les syndicats et leurs membres ont à la fois des biens mobiliers et immobiliers ainsi que d’autres droits et obligations réels en leur nom ou au nom d’organisations affiliées et de leurs membres.
  4. 1199. En outre, le gouvernement a indiqué qu’il n’avait aucune trace écrite ni aucun élément de preuve attestant, comme l’exige la loi, que la SFL, la SFTU et la SNAT ont été dissoutes. Il rappelle également que les statuts des organisations affirmant qu’elles ont fusionné ne donnent pas d’information sur la répartition des biens en cas de dissolution des organisations concernées.
  5. 1200. Le gouvernement indique que, en saisissant le bureau du procureur général de cette affaire, il reconnaissait qu’il relevait du mandat du Procureur général de prendre note de toute lacune éventuelle de la législation nationale et de la nécessité de la combler. La recommandation du Procureur général a eu pour effet de rendre nul (ab initio) l’enregistrement de la fédération, que celle-ci fait valoir. Le gouvernement a souligné que l’enregistrement du TUCOSWA n’avait par conséquent aucune valeur légale. Pour le gouvernement, il faut faire la distinction entre «l’annulation d’un acte» et «la radiation», que dénonce l’organisation plaignante.
  6. 1201. De l’avis du gouvernement, la radiation, telle qu’envisagée dans le Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale et telle que définie dans l’IRA, renvoie à l’exclusion d’une organisation pour non-respect de certaines dispositions de la loi. L’annulation d’un acte, en revanche, renvoie à l’action du commissaire consistant à défaire un acte administratif qui a été établi contrairement au droit.
  7. 1202. Le gouvernement estime que lorsqu’un nom est supprimé d’un registre, l’organisation concernée continue d’exister en tant qu’entité juridique, puisque l’entité juridique ne découle pas de l’enregistrement lui-même mais d’autres actes formels portant constitution. Une radiation peut être effectuée sur un plan judiciaire lorsqu’un syndicat ou une fédération ne respecte pas la loi, en l’occurrence l’IRA. La radiation met fin à l’existence d’une organisation et la réintégration ne peut se faire que si ladite organisation se met en conformité avec l’IRA. Le gouvernement a rappelé que le Procureur général faisait référence à la suppression d’une entrée dans un registre et non à la radiation de la nouvelle fédération. Dans le cas présent, la réintégration du nom du TUCOSWA ne peut se faire que si la loi pertinente est modifiée.
  8. 1203. Le gouvernement a indiqué qu’il approuvait sans réserve la visite d’une mission d’enquête conduite par le Conseil de coordination syndicale d’Afrique australe (SATUCC) en mai 2012 pour aider les parties à régler la question. Au cours de cette mission, les partenaires sociaux sont convenus qu’il était impératif de modifier l’IRA pour pouvoir régler les questions d’enregistrement, de fusion et d’affiliation des fédérations; que les amendements devraient être apportés dans le cadre d’une structure tripartite composée de représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs concernés; et que le Conseil consultatif du travail devrait être réuni à nouveau pour examiner et modifier l’IRA et conseiller le ministre du Travail et de la Sécurité sociale, dans un délai ne dépassant pas deux mois.
  9. 1204. En outre, le gouvernement a rappelé qu’il a également invité le Bureau régional de l’OIT à Pretoria à se rendre au Swaziland en avril 2012 à des fins d’assistance technique et d’appui à la rédaction des amendements à l’IRA. En lançant cette invitation, le gouvernement a aussi instamment prié le Bureau de l’OIT à Pretoria d’examiner la question en toute liberté avec les partenaires sociaux. Ces initiatives attestent à la fois la bonne volonté et la bonne foi du gouvernement.
  10. 1205. S’agissant des voies de recours, le gouvernement a rappelé qu’une disposition de la législation nationale autorise toute partie se sentant lésée à saisir le tribunal du travail pour qu’il rende une décision en matière d’enregistrement. Le gouvernement a dit être favorable à l’examen de cette question par le tribunal à des fins de clarification et d’orientation, et ce d’autant plus que la législation en la matière doit être examinée et modifiée.
  11. 1206. Le gouvernement a affirmé que l’annulation de la procédure d’enregistrement du TUCOSWA ne rendait pas inopérantes, comme allégué par le syndicat, toutes les structures nationales de dialogue tripartite. Celles-ci continuent de fonctionner comme auparavant.
  12. 1207. Le gouvernement a soutenu que la SFTU, la SFL et la SNAT existent toujours pour les raisons suivantes:
    • ■ A la suite de la création de la SFTU et de la SFL, le commissaire au travail a procédé à leur enregistrement.
    • ■ La dissolution et la fusion alléguées de la SFTU, de la SFL et de la SNAT auraient dû être précédées ou immédiatement suivies de la radiation, mais à ce jour celle-ci n’a pas eu lieu.
    • ■ La résolution transférant les biens de la SFTU et de la SFL au TUCOSWA aurait dû être suivie de l’exécution d’un acte de transfert de propriété ou d’un acte de donation. Cela signifie donc que les biens sont toujours la propriété de la SFTU et de la SFL respectivement.
    • ■ Une vérification des livres de comptes aurait dû être effectuée et un état de l’actif et du passif établi par des auditeurs avant la dissolution de la SFTU et de la SFL. Le gouvernement a rappelé que la common law exige ces états de vérification avant de procéder légalement à toute dissolution, toute fusion ou tout regroupement. En l’absence de tels éléments, le gouvernement affirme que la SFTU et la SFL existent toujours et que l’allégation selon laquelle il n’existe plus de centrale syndicale nationale au Swaziland est fausse.
    • ■ Le commissaire au travail aurait dû être informé, en particulier, des arrangements concernant les travailleurs de ces fédérations, comme le prévoit la loi sur l’emploi, mais cela n’aurait semble-t-il pas été fait.
    • ■ Le gouvernement a affirmé que la fusion et la dissolution de la SFTU, de la SFL et de la SNAT avaient gravement semé la confusion et le doute dans l’opinion publique ainsi que dans les syndicats affiliés à la SFTU et à la SFL notamment. Compte tenu de cela, le gouvernement estime qu’il était de son devoir de faire la lumière et de dissiper les doutes sur l’ensemble des procédures et des activités auxquelles les institutions du marché du travail sont parties prenantes.
  13. 1208. Le gouvernement est d’avis que cette question a été prématurément portée à l’attention du comité et réaffirme son engagement à faciliter la modification de l’IRA sur ce point dans les meilleurs délais. Dans une communication en date du 5 mars 2013, le gouvernement transmet copie du jugement rendu par le tribunal du travail le 26 février 2013.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1209. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations de radiation d’une fédération par le gouvernement et du déni par l’intermédiaire de la police et des forces armées de son droit de protestation contre cette radiation.
  2. 1210. Le comité prend note des explications fournies par le TUCOSWA, qui affirme être l’unique centrale syndicale nationale du Swaziland née de la fusion de la SFL et de la SFTU, auxquelles s’est par la suite jointe la SNAT. L’organisation plaignante indique avoir été enregistrée le 25 janvier 2012 conformément aux dispositions de l’article 27 de l’IRA, le commissaire au travail ayant estimé que la procédure était conforme aux prescriptions de la loi en question (des copies de la lettre du commissaire et du certificat d’enregistrement ont été fournies par l’organisation plaignante). Le comité note que le TUCOSWA a tenu son congrès fondateur du 9 au 11 mars 2012 et que la SFTU et la SFL en tant que telles ont officiellement été dissoutes.
  3. 1211. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, le commissaire au travail a, le 21 mars 2012, adressé un courrier au TUCOSWA, lui demandant de clarifier ses objectifs, après la révélation par les médias qu’il avait décidé lors de son congrès fondateur de boycotter les prochaines élections nationales de 2013 si celles-ci n’étaient pas organisées dans le cadre d’un système multipartite, et lui donnant un délai de sept jours pour répondre (des copies de la lettre du commissaire et de la réponse du TUCOSWA ont été jointes à la plainte). Le comité note en outre que, le 4 avril 2012, le TUCOSWA a reçu un courrier du Procureur général du Swaziland dans lequel celui-ci l’informait qu’il avait recommandé au commissaire au travail de supprimer le TUCOSWA du registre des organisations créé en vertu de l’IRA, étant donné qu’il n’était pas considéré comme une organisation au sens de ladite loi et que, de plus, la loi ne prévoit pas, quoi qu’il en soit, l’enregistrement de fédérations.
  4. 1212. Le comité note que l’organisation plaignante estime qu’une telle déclaration est un changement radical de position de la part du gouvernement étant donné que les centrales syndicales dissoutes avaient été enregistrées conformément à l’IRA et que toutes les fédérations professionnelles, la FSE-CC et la Fédération des entreprises du Swaziland sont enregistrées en application de la même loi. L’organisation plaignante ajoute que le gouvernement a adopté une autre position contradictoire en ce qu’il a salué la création du TUCOSWA dans une lettre du 16 mars 2012 adressée par le ministre du Travail et de la Sécurité sociale (une copie de la lettre a été jointe à la plainte).
  5. 1213. Le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle l’IRA est la principale loi qui régit et règlemente les relations collectives du travail au Swaziland; cette loi ne comporte toutefois aucune disposition relative à l’enregistrement, l’affiliation et la fusion de fédérations. Du fait de cette lacune de la législation, il n’existe aucune disposition qui aurait pu habiliter le commissaire au travail à enregistrer une fédération. En conséquence, le gouvernement estime que l’enregistrement du TUCOSWA le 25 janvier 2012 en application de l’article 27 de l’IRA a été effectué par erreur, puisqu’aucune disposition ne permet de procéder à un tel acte.
  6. 1214. Le comité prend note de l’explication du gouvernement selon laquelle en l’absence de toute disposition relative à l’enregistrement d’une fédération, celui du TUCOSWA était nul et non avenu. Le gouvernement ajoute que, en quête d’une solution, il a fait appel à l’expertise légale du bureau du procureur général. Ce dernier a conclu que l’enregistrement du TUCOSWA n’avait aucune valeur légale étant donné que le TUCOSWA n’est pas une organisation au sens de l’IRA. Conformément à l’article 2, qui définit les termes de la loi en question, une organisation s’entend d’un syndicat, d’une association du personnel ou d’une association d’employeurs. Toutefois, le même article 2 définit également une fédération comme étant «une corporation enregistrée en vertu de la présente loi, qui est composée en totalité d’associations d’employeurs et/ou d’une combinaison d’associations d’employeurs, de syndicats ou d’associations du personnel, selon le cas».
  7. 1215. De l’avis du gouvernement, il est clair que le TUCOSWA répond à la définition d’une fédération. Toutefois, il est également clair que l’IRA ne comporte aucune disposition permettant d’enregistrer une fédération. Cette omission n’a pas été voulue par l’organe tripartite qui a rédigé ladite loi. Le gouvernement a en outre constaté que cette loi ne contient aucune disposition prévoyant la fusion de deux ou plusieurs fédérations ou l’association de plusieurs syndicats, comme le TUCOSWA en a manifestement eu l’idée. Le gouvernement a indiqué qu’une telle disposition serait essentielle étant donné que les fédérations, les syndicats et leurs membres ont à la fois des biens mobiliers et immobiliers ainsi que d’autres droits et obligations réels en leur nom ou au nom d’organisations affiliées et de leurs membres. Par ailleurs, le gouvernement indique qu’il n’a aucune trace écrite ni aucun élément de preuve attestant, comme l’exige la loi, que la SFL, la SFTU et la SNAT ont été dissoutes.
  8. 1216. Le comité note en outre le point de vue du gouvernement selon lequel la recommandation du Procureur général a eu pour effet de rendre nul (ab initio) l’acte d’enregistrement de la fédération que celle-ci fait valoir, et qu’il s’agit d’un cas «d’annulation d’un acte» et non d’un cas de «radiation» comme allégué par l’organisation plaignante. Le gouvernement souligne que la radiation, au sens de l’IRA, renvoie à l’exclusion d’une organisation pour non-respect de certaines dispositions de ladite loi. L’annulation d’un acte, en revanche, renvoie à l’action du commissaire consistant à défaire un acte administratif qui a été établi contrairement au droit. Le gouvernement ajoute que lorsqu’un nom est supprimé d’un registre, l’organisation concernée continue d’exister en tant qu’entité juridique, puisqu’une entité juridique ne découle pas de l’enregistrement lui-même mais d’autres actes formels portant constitution. Dans le cas présent, le Procureur général fait référence à la suppression d’une entrée du registre et non à la radiation de la nouvelle fédération. En conséquence, la réintégration du nom TUCOSWA dans le registre ne peut se faire que si la loi est modifiée.
  9. 1217. A titre de remarque préliminaire, le comité rappelle que le principe énoncé à l’article 2 de la convention no 87, selon lequel les travailleurs et les employeurs doivent avoir le droit de constituer les organisations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier, implique, pour les organisations elles-mêmes, le droit de constituer les fédérations et les confédérations de leur choix ainsi que celui de s’y affilier. Le comité rappelle en outre que l’acquisition par les fédérations et les confédérations de la personnalité juridique ne peut être soumise à des conditions de nature à limiter ce droit. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 710 et 711.] Le comité note que le gouvernement admet que le TUCOSWA répond à la définition d’une fédération au sens de l’article 2 de l’IRA. Tout en comprenant, d’après la réponse du gouvernement, que l’enregistrement du TUCOSWA ne saurait être validé en vertu de l’article 27 de ladite loi puisque celle-ci ne prévoit pas l’enregistrement d’une fédération, le comité exprime sa préoccupation quant au fait que l’article 32 de la loi sur la réglementation des fédérations et l’article 41 sur la fusion et l’affiliation des organisations et des fédérations (invoqués par le TUCOSWA dans sa réponse d’avril 2012 concernant le point de vue du Procureur général) n’aient pas été pris en considération pour le règlement de la question.
  10. 1218. Le comité prend néanmoins dûment note que le gouvernement indique qu’il approuve sans réserve toute assistance fournie aux parties en vue du règlement de la question. A cet égard, le comité prend note, d’après la réponse du gouvernement, qu’une mission d’enquête de la SATUCC s’est rendue dans le pays en mai 2012 et que, pendant la mission, les partenaires sociaux sont convenus qu’il était impératif de modifier l’IRA pour régler les questions d’enregistrement, de fusion et d’affiliation des fédérations; que le processus d’amendement devrait s’inscrire dans le cadre d’une structure tripartite composée de représentants du gouvernement, des employeurs et des travailleurs concernés; et que le Conseil consultatif du travail devrait être réuni à nouveau pour examiner et amender l’IRA et pour fournir des avis au ministère du Travail et de la Sécurité sociale, et ce, dans un délai ne dépassant pas deux mois. Le comité prend également note que le gouvernement a invité le Bureau régional de l’OIT à Pretoria à envoyer des fonctionnaires au Swaziland en avril 2012 pour fournir une assistance technique ainsi qu’un appui à la rédaction des amendements à l’IRA. Tout en prenant dûment note de la volonté exprimée par le gouvernement de remédier promptement à l’omission législative concernant l’enregistrement et la fusion de fédérations, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, le comité se dit vivement préoccupé par le fait que, près d’un an après que l’enregistrement du TUCOSWA a été invalidé, la question n’a apparemment pas encore été résolue, ce qui entrave l’exercice effectif des droits syndicaux de cette organisation. Le comité prie instamment le gouvernement de lui fournir des informations sur les progrès accomplis en vue d’amender l’IRA. Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le TUCOSWA est enregistré sans délai supplémentaire et prie le gouvernement d’indiquer les mesures spécifiques prises à cet égard.
  11. 1219. Le comité prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles le TUCOSWA s’est vu refuser l’autorisation, par l’intermédiaire de la police et des forces armées, de protester contre l’annulation de son enregistrement et, en outre, dénier le droit de célébrer le 1er mai 2012. Il constate que le gouvernement n’a pas répondu à ces graves allégations. Le comité rappelle avec fermeté que la tenue de réunions publiques et la présentation de revendications d’ordre social et économique à l’occasion du 1er mai sont des manifestations traditionnelles de l’action syndicale. Les syndicats devraient avoir le droit d’organiser librement les réunions qu’ils désirent pour célébrer le 1er mai, pourvu qu’ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 137.] En outre, le comité souligne l’importance qu’il attache au droit d’effectuer des manifestations pacifiques en rapport avec les intérêts professionnels des membres, et regrette que les autorités aient refusé au TUCOSWA le droit de manifester contre l’annulation de son enregistrement et de célébrer le 1er mai. Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que les principes susmentionnés soient pleinement respectés à l’avenir.
  12. 1220. Le comité note que, selon les allégations de l’organisation plaignante, l’annulation de l’enregistrement du TUCOSWA par les autorités publiques, sans suivre une quelconque procédure légale, comme le prescrit l’IRA, a rendu toutes les structures nationales de dialogue tripartite inopérantes. Le comité note, en ce qui concerne les voies de recours, que le gouvernement mentionne une disposition de la législation nationale en vertu de laquelle toute partie se sentant lésée est en droit de saisir le tribunal du travail pour qu’il se prononce sur la question de l’enregistrement. En outre, le gouvernement a indiqué qu’il approuvait que le tribunal soit saisi de cette question à des fins de clarification et d’orientation, d’autant plus que la législation en la matière nécessite d’être examinée et modifiée. Le comité note également que, selon le gouvernement, l’annulation de l’enregistrement du TUCOSWA n’a pas rendu inopérantes toutes les structures de dialogue tripartites, comme allégué. Selon le gouvernement, ces structures continuent de fonctionner comme auparavant.
  13. 1221. Le comité note, de la communication la plus récente de l’organisation plaignante, que, à la suite du dépôt en septembre 2012 d’un avis de protestation d’ordre socio-économique visant à présenter, entre autres demandes, une contestation face à la non-reconnaissance du TUCOSWA par les autorités, le gouvernement a entrepris une action devant le tribunal du travail à l’encontre de l’organisation afin qu’elle soit déclarée comme ne constituant pas une fédération de travailleurs au sens de la loi sur les relations professionnelles.
  14. 1222. Le comité note que le tribunal du travail a rendu un jugement le 26 février 2013 et que, se prononçant contre le TUCOSWA, il a constaté qu’il existait une lacune dans la loi puisqu’elle ne contenait pas de disposition prévoyant l’enregistrement de fédérations et que le devoir du tribunal était d’interpréter et non de reformuler une disposition d’une loi. Selon l’organisation plaignante, le jugement a pour conséquence que le fonctionnement de l’ensemble des organes tripartites institutionnels pour le dialogue social va être entravé puisqu’ils nécessitent une représentation au niveau de la fédération. En conséquence, le TUCOSWA avait rappelé tous ses représentants au sein de ces organes tripartites, dans l’attente de la finalisation du modus operandi qui doit être conclu entre le TUCOSWA et le gouvernement comme le demandait le tribunal. Au final, il n’y avait désormais pas de centre national des syndicats reconnu au Swaziland puisque les deux centres nationaux qui existaient – à savoir la SFTU et la SFL – avaient été formellement dissous, conformément aux termes de leurs statuts, lors de la constitution du TUCOSWA.
  15. 1223. Le comité doit exprimer sa profonde préoccupation quant au délai dans la solution de la question de la reconnaissance et de l’enregistrement et aux conséquences que cela a eu sur l’existence d’un véritable dialogue social tripartite dans le pays.
  16. 1224. Compte tenu des préoccupations initiales exprimées par le commissaire au travail dans la lettre du 21 mars 2012 remettant en question les revendications du TUCOSWA en faveur d’un système multipartite, le comité doit rappeler que le système démocratique est fondamental pour le libre exercice des droits syndicaux. Par ailleurs, le comité a souligné, de manière consistante, l’importance, pour l’équilibre de la situation sociale d’un pays, d’une consultation régulière des forces représentant les employeurs et les travailleurs et, pour ce qui concerne le monde syndical, de l’ensemble de ses composantes, quelles que puissent être par ailleurs les options philosophiques ou politiques des dirigeants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 32 et 1065.] En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre d’urgence toutes les mesures, y compris celles nécessaires à l’enregistrement du TUCOSWA, pour faire en sorte que ses représentants participent aux structures tripartites pertinentes et d’indiquer les mesures spécifiques prises à cette fin.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 1225. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Tout en prenant dûment note que le gouvernement a manifesté sa volonté de remédier dans les meilleurs délais à l’omission législative concernant l’enregistrement et le regroupement de fédérations, en consultation avec les partenaires sociaux concernés, le comité se dit vivement préoccupé par le fait que, près d’un an après que l’enregistrement du TUCOSWA a été invalidé, la question n’a apparemment pas encore été résolue, ce qui entrave l’exercice effectif des droits syndicaux de cette organisation. Le comité prie instamment le gouvernement de lui fournir des informations sur les progrès accomplis en vue d’amender l’IRA.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que le TUCOSWA est enregistré sans délai supplémentaire et prie le gouvernement d’indiquer les mesures spécifiques prises à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre d’urgence toutes les mesures, y compris celles nécessaires à l’enregistrement du TUCOSWA, pour faire en sorte que ses représentants participent aux structures tripartites pertinentes et d’indiquer les mesures spécifiques prises à cette fin.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à l’avenir au plein respect des principes de la liberté syndicale concernant le droit de manifestation pacifique ainsi que de célébration du 1er mai qui constitue une manifestation traditionnelle de l’action syndicale.
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