Allégations: Marginalisation et exclusion des organisations professionnelles d’employeurs lors des processus décisionnels, excluant tout dialogue social, le tripartisme et, d’une manière plus générale, la tenue de consultations (en particulier lorsqu’il s’agit de lois primordiales concernant directement les employeurs), ce qui constitue une absence de mise en œuvre des recommandations du Comité de la liberté syndicale; actes de violence, de discrimination et d’intimidation contre des dirigeants employeurs et leurs organisations; lois contraires aux libertés publiques et aux droits des organisations d’employeurs et de leurs adhérents; harcèlement violent au siège de la FEDECAMARAS avec menaces et dégâts matériels; attentat à la bombe contre le siège de la FEDECAMARAS
- 874. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de juin 2014 et a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 372e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 321e session (juin 2014), paragr. 652 à 761.]
- 875. Par la suite, l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et la Fédération vénézuélienne des chambres et associations du commerce et de la production (FEDECAMARAS) ont adressé conjointement des communications en date du 27 novembre 2014 et du 3 mars 2015. Le gouvernement a transmis de nouvelles informations dans des communications en date du 17 octobre 2014, du 25 février et des 10 et 12 mars 2015.
- 876. La République bolivarienne du Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 877. Lors de son examen antérieur du cas à sa réunion de juin 2014, le comité a formulé les recommandations suivantes sur les questions restées en suspens [voir 372e rapport, paragr. 761]:
- a) Tout en exprimant sa profonde préoccupation devant les formes graves et variées de stigmatisation et d’intimidation menées par les autorités ou des groupes ou organisations bolivariennes contre la FEDECAMARAS, contre ses organisations membres et contre ses dirigeants et entreprises affiliées, qui incluent des menaces d’emprisonnement, des déclarations d’incitation à la haine, des accusations de mener une guerre économique, l’occupation et le pillage de commerces, la prise du siège de la FEDECAMARAS, etc., le comité attire l’attention du gouvernement sur l’importance de prendre des mesures fermes pour éviter ce type d’actes et de déclarations contre des personnes et organisations qui défendent légitimement leurs intérêts dans le cadre des conventions nos 87 et 98 ratifiées par la République bolivarienne du Venezuela. Le comité attire à nouveau l’attention du gouvernement sur le principe fondamental selon lequel les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, d’intimidation et de crainte, étant donné que ce genre de situations d’insécurité est incompatible avec les exigences de la convention no 87. Le comité prie le gouvernement de garantir le respect de ce principe.
- b) Le comité déplore de constater que les procédures pénales concernant l’attentat à la bombe contre le siège de la FEDECAMARAS, en date du 26 février 2008, et l’enlèvement et les mauvais traitements subis en 2010 par les dirigeants de cette organisation, MM. Noel Álvarez, Luis Villegas et Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz (cette dernière ayant été blessée par trois balles) ne sont toujours pas terminées, espère fermement qu’elles s’achèveront sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé sur ce point. Le comité insiste sur l’importance que les coupables de ces délits soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des délits commis afin que des faits similaires ne se reproduisent pas et que la FEDECAMARAS et les dirigeants concernés soient indemnisés pour les dommages causés par ces actes illégaux.
- c) En ce qui concerne les allégations relatives à la saisie d’exploitations, à des récupérations, occupations et expropriations au détriment de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité réitère les recommandations e) et f) de son examen antérieur du cas, demandant que ces dirigeants ou anciens dirigeants de la FEDECAMARAS reçoivent une indemnisation équitable. Parallèlement, le comité renvoie à la décision du Conseil d’administration de mars 2014 par laquelle il «a prié instamment le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela d’élaborer et d’appliquer, en consultation avec les partenaires sociaux nationaux, le plan d’action tel que recommandé par la mission tripartite de haut niveau», laquelle fait également référence à «la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, au sein duquel seraient examinés toutes les questions en suspens concernant la récupération de propriétés et les expropriations d’entreprises (y compris les nouvelles informations communiquées à la mission) ainsi que les autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine» et regrette que, dans sa dernière communication, le gouvernement déclare que la création d’un espace de dialogue en matière de récupération des terres n’est pas viable. Le comité prie instamment le gouvernement de donner effet à cette demande et de le tenir informé à cet égard. De même, comme l’a fait la mission, le comité note avec préoccupation les informations communiquées sur de nouveaux actes de récupération, d’occupation et d’expropriation de propriétés d’un dirigeant employeur de la FEDECAMARAS. Enfin, comme l’a fait la mission tripartite de haut niveau, le comité souligne «l’importance de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter toute forme d’arbitraire ou de discrimination dans les mécanismes juridiques relatifs à l’expropriation, la récupération ou autres actions touchant au droit de propriété».
- d) Concernant les organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite qui doivent être établis dans le pays, et le plan d’action établi en consultation avec les partenaires sociaux, et assorti d’un calendrier d’exécution précis, l’assistance technique du BIT ayant été recommandée par le Conseil d’administration, le comité prend note des déclarations du gouvernement indiquant qu’il a entamé un processus de consultations avec les différents secteurs concernés et lui demande qu’il s’assure que la FEDECAMARAS y est incluse. Le comité rappelle que les conclusions de la mission font référence à un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, en présence du BIT, et à la constitution d’une table ronde tripartite, avec la participation du BIT, dirigée par un président indépendant. Notant avec regret que le gouvernement n’a toujours pas fourni le plan d’action, le comité prie instamment le gouvernement de se conformer sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau ratifiées par le Conseil d’administration, exprime le ferme espoir que le gouvernement prenne, dans un avenir très proche, toutes les mesures nécessaires à cet effet et le tienne informé sur ce point.
- e) Enfin, le comité, suivant les conclusions de la mission tripartite de haut niveau, souligne l’importance de prendre sans attendre des mesures pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure en ce sens et demande au gouvernement, en tant que premier pas dans la bonne direction qui ne devrait pas poser de problème, de permettre la nomination d’un représentant de la FEDECAMARAS au sein du Conseil supérieur du travail.
- f) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes- 878. Dans leur communication du 27 novembre 2014, l’OIE et la FEDECAMARAS déclarent que le gouvernement continue d’ignorer les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et dénoncent de nouveaux cas de violation des conventions nos 87 et 98, en particulier: i) la détention, pendant douze heures, du président de CONINDUSTRIA, M. Eduardo Garmendia; ii) des actes de surveillance et de harcèlement visant le président de la FEDECAMARAS, M. Jorge Roig; iii) une recrudescence des attaques verbales lancées dans les médias par des hauts fonctionnaires de l’Etat contre la FEDECAMARAS; et iv) l’adoption par le Président de la République, en novembre 2014, de 50 décrets-lois sur des questions importantes touchant à l’économie et à la production sans avoir consulté la FEDECAMARAS.
- 879. Enfin, dans leur communication en date du 3 mars 2015, l’OIE et la FEDECAMARAS dénoncent la détention en février 2015, en dehors de toute procédure régulière et sans bénéfice du droit à la défense, de 15 entrepreneurs de divers secteurs, incluant le président de l’Association vénézuélienne des cliniques et hôpitaux, Dr Carlos Rosales Briceño, et le président de l’Association nationale des supermarchés et des libres-services, M. Luis Rodríguez, et formulent d’autres allégations.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 880. Dans sa communication du 17 octobre 2014, le gouvernement réitère ses déclarations antérieures. En ce qui concerne la recommandation a) formulée dans le cadre de l’examen antérieur du cas, le gouvernement déclare que, s’agissant de ce que le comité considère comme étant des formes graves et diverses de stigmatisation de la part des autorités à l’égard de la FEDECAMARAS, de nombreuses plaintes de ce type ont déjà été présentées sur la base d’opinions parfois offensantes exprimées publiquement par les membres de la FEDECAMARAS contre des représentants du gouvernement.
- 881. Le gouvernement déclare qu’il conviendrait de rappeler au Comité de la liberté syndicale qu’alors que celui-ci appelle l’attention sur les «déclarations stigmatisantes» qu’ont pu faire certains membres du gouvernement: 1) la FEDECAMARAS a participé ouvertement, en tant qu’organisation, à la planification et à l’exécution d’un coup d’Etat, fait public notoire; 2) la FEDECAMARAS a financé la prise d’un lieu et son occupation pendant plus de deux mois par des militaires en exercice qui se sont déclarés en rébellion militaire contre le gouvernement, légitimement constitué, et a collaboré avec les militaires à cette fin, fait public notoire; 3) la FEDECAMARAS a participé à un débrayage patronal illégal et à un sabotage pétrolier – et les a financés et mis en œuvre – dont l’objectif déclaré était de forcer le Président de la République bolivarienne du Venezuela à démissionner; et 4) la FEDECAMARAS a soutenu publiquement l’appel des propriétaires terriens à la défense de leurs terres, lancé notamment sous la forme d’actions menées par des groupes paramilitaires armés qui ont assassiné des centaines de dirigeants issus du monde agricole. Cela pour ne mentionner que les actions connues du grand public auxquelles la participation directe de la FEDECAMARAS en tant qu’organisation ne fait aucun doute.
- 882. Comme l’indique le comité, les droits des travailleurs et des organisations syndicales ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, d’intimidation et de crainte, mais le gouvernement indique qu’on n’a jamais su qu’il avait été fait appel à la FEDECAMARAS pour mener ces actions qui, compte tenu du climat qu’elles ont créé, sont à l’origine de certaines déclarations pouvant être considérées comme «stigmatisantes» du fait que l’organisation est accusée d’avoir perpétré des actes caractéristiques de son action. Ce ne sont pas les déclarations des membres du gouvernement, mais les actions menées par la FEDECAMARAS, qui ont fait naître, chez la population, un sentiment d’hostilité à l’égard de cette organisation. Malgré le fait qu’ils évoquent, dans leurs allégations, des menaces d’emprisonnement et de persécution, les membres de la FEDECAMARAS responsables des actes susmentionnés, qui ont conduit à la détention illégale du Président constitutionnel et causé la mort de centaines de personnes, ainsi que des dommages graves à la nation, n’ont jamais été arrêtés, ce qui crée une situation d’impunité qui ne permettra jamais d’instaurer la confiance. Le gouvernement demande au comité d’inviter la FEDECAMARAS à présenter, comme il se doit, des excuses publiques concernant les faits susmentionnés et les autres faits dont elle est responsable, comme un acte de contrition nécessaire pour instaurer un climat de confiance et apaiser les tensions créées par les déclarations des deux parties.
- 883. S’agissant de la recommandation b) (allégations faisant état d’actes de violence et de menaces contre la FEDECAMARAS et les employeurs qui en sont membres, et plus particulièrement de l’enlèvement des dirigeants de cette organisation, MM. Noel Álvarez, Luis Villegas et Ernesto Villasmil et Mme Albis Muñoz, et de mauvais traitements infligés à ces personnes), le gouvernement déclare qu’il a été confirmé que les auteurs des faits ont été arrêtés et n’ont pas été remis en liberté, et qu’il s’agissait d’un délit de droit commun qui ne constituait en aucune manière une attaque motivée par le fait que les victimes étaient des dirigeants employeurs ou des membres de la FEDECAMARAS; il a également été démontré, par voie de communication écrite, que la victime (Mme Muñoz) ne souhaitait pas s’associer à l’accusation formulée par le ministère public de la République, considérant que la procédure engagée par ce dernier était suffisante. Par conséquent, le gouvernement demande au Comité de la liberté syndicale de ne pas poursuivre l’examen de ce cas, car il ressort clairement que celui-ci ne constitue aucunement un cas de violation de la liberté syndicale et parce qu’il a été indiqué à plusieurs reprises que les auteurs des faits étaient incarcérés.
- 884. Pour ce qui est de l’attentat qui aurait été perpétré contre le siège de la FEDECAMARAS en février 2008, le gouvernement indique avoir plusieurs fois confirmé que l’auteur des faits avait été identifié et que celui-ci était décédé; en conséquence, le gouvernement demande au comité de ne pas poursuivre l’examen de ce cas.
- 885. En ce qui concerne la recommandation c) (allégations relatives à la saisie d’exploitations et à des opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au détriment de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs), le gouvernement déclare que, s’agissant des allégations relatives à la saisie d’exploitations appartenant à des dirigeants employeurs, à savoir MM. Eduardo Gómez Sígala, Egildo Luján, Vicente Brito, Rafael Marcial Garmendia et Manuel Cipriano Heredia, le ministère du Pouvoir populaire pour l’agriculture et les terres et l’Institut national des terres ont indiqué que, dans les cas de MM. Eduardo Gómez Sígala et Manuel Cipriano Heredia, la procédure légale de récupération des terres avait été appliquée, car ces citoyens n’avaient pas pu prouver qu’ils étaient propriétaires des terres en question et qu’il ne s’agissait donc pas d’expropriations.
- 886. En ce qui concerne M. Rafael Marcial Garmendia, les institutions susmentionnées ont indiqué que les terres qu’il occupait avaient fait l’objet d’une procédure de récupération: l’intéressé conservait la partie des terres dont il avait pu prouver qu’il était propriétaire, tandis que l’autre partie avait été récupérée par les autorités, car il n’avait pas pu prouver qu’il en était propriétaire. Le citoyen concerné reste donc en possession des terres dont il a pu prouver qu’il est propriétaire.
- 887. Pour ce qui est des deux autres cas, ceux de MM. Egildo Luján et Vicente Brito, l’Institut national des terres a indiqué que ses archives ne faisaient mention d’aucune opération de récupération ou d’expropriation en lien avec les noms de ces citoyens.
- 888. Le gouvernement indique qu’il a été démontré que l’application de la loi sur les terres et le développement agraire et des procédures instaurées par les institutions de l’Etat en la matière n’avait pas donné ni ne donnait lieu à des actes de discrimination et/ou de persécution syndicale, et que l’Etat ne faisait pas preuve d’arbitraire dans l’application de sa politique relative aux terres; les procédures et mécanismes concernant la récupération et l’expropriation des terres sont déterminés par la législation nationale et mis en œuvre par les organes compétents.
- 889. Par conséquent, dans la mesure où les politiques nationales relatives aux terres et au développement agraire ne sont pas censées être examinées par le Comité de la liberté syndicale, le gouvernement demande à ce dernier de ne pas poursuivre l’examen de ces cas puisqu’ils n’entraînent pas de violation de la liberté syndicale et qu’il s’agit encore moins de persécution syndicale.
- 890. En ce qui concerne la recommandation d) (dialogue social bipartite et tripartite), le gouvernement réaffirme, comme il l’a déjà dit à de nombreuses reprises au Comité de la liberté syndicale et aux autres organes de contrôle de l’OIT, qu’il existe un dialogue participatif, vaste et inclusif permanent dans le pays, comme dans le processus d’élaboration des lois, et que les consultations publiques sont une pratique quotidienne. Le gouvernement a plusieurs fois invité la FEDECAMARAS à participer au dialogue national sur divers sujets, mais l’organisation n’a jamais répondu présente. Cependant, d’autres organisations d’employeurs issues de différents secteurs ont répondu à cette invitation au dialogue pour examiner, entre autres, des questions économiques et liées au travail.
- 891. Le gouvernement note avec satisfaction ce qui figure au paragraphe 52 du rapport de la mission tripartite de haut niveau, à savoir que cette dernière prend en compte le dialogue inclusif mis en exergue par le gouvernement et mené dans le pays au titre de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela. Le gouvernement réaffirme également que le respect et l’application des conventions de l’OIT relatives à la liberté syndicale, à la négociation collective et au dialogue social ne sont pas remis en question dans le pays.
- 892. Le gouvernement indique qu’il poursuit le processus de consultation engagé avec les organisations syndicales, les chambres et fédérations professionnelles, les comités des terres, les comités de paysans, les conseils communaux et d’autres organisations locales au sujet de l’élaboration et du contenu du plan d’action prévoyant l’établissement d’espaces de dialogue, tout cela conformément au cadre juridique et constitutionnel de la République bolivarienne du Venezuela. Néanmoins, le gouvernement souligne que, comme il l’a indiqué au président de la FEDECAMARAS, les questions soulevées par les différentes organisations aux fins du dialogue sont très éloignées des recommandations de la mission de l’OIT, car elles ne présentent aucun intérêt ou sont fondées sur des faits inexacts qui n’incitent pas à la création d’un espace de dialogue pour les examiner. Le gouvernement affirme qu’il serait important que le comité demande à l’organisation plaignante si elle est véritablement disposée à établir un espace de dialogue pour discuter, par exemple, de l’agression et de l’enlèvement de Mme Albis Muñoz, dirigeante employeuse, une question qui n’a jusqu’ici suscité l’intérêt d’aucune des organisations consultées, ni même des chambres affiliées à la FEDECAMARAS. Comme il l’a indiqué précédemment, le gouvernement affirme que l’OIT sera informée de l’achèvement des consultations avec les diverses organisations concernées. En dépit de ces consultations et tel qu’il l’a signalé dans sa communication du 24 mars 2014, présentée pendant la session correspondante du Conseil d’administration, le gouvernement réaffirme sa position concernant les recommandations contenues dans le rapport de la mission:
- a) s’agissant de la création d’un espace de dialogue au sein duquel seraient examinés les «autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine» (récupération de terres), le gouvernement indique que cette proposition n’est pas viable dans la mesure où, d’une part, il n’est pas possible d’établir un espace de dialogue pour traiter de questions qui pourraient éventuellement se poser dans un futur incertain et où, d’autre part, l’article 82 de la loi sur les terres et le développement agraire établit une procédure très claire qui ne peut être assouplie par le biais d’une négociation bipartite;
- b) une table ronde tripartite ne peut servir à la tenue de consultations sur les lois; dans tous les cas, cela pourrait relever de la compétence de l’un des organismes consultés. La Constitution de la République bolivarienne du Venezuela est très claire quant aux compétences en matière de consultations sur les lois et d’adoption ou d’abrogation des lois;
- c) l’examen des lois et des projets de loi est du ressort de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la politique socio-économique du pays relève de la compétence du pouvoir exécutif national, qui agit de concert avec les autres pouvoirs de l’Etat vénézuélien, ce qui ne limite pas pour autant les mécanismes de dialogue et de consultation avec les différents secteurs intéressés qui existent déjà et qui sont mis en œuvre dans le pays. Des consultations peuvent être menées auprès d’autres organismes dans le cadre d’une table ronde tripartite, qui ne peut toutefois s’ériger en organisme supraconstitutionnel; et
- d) il n’existe, dans le pays, aucune loi qui porte atteinte aux droits contenus dans les conventions de l’OIT mentionnées, car une telle loi serait inconstitutionnelle. A cet égard, on ne recense aucune action en justice contre une loi quelconque du pays à laquelle il ait été fait droit par les tribunaux constitutionnels de la République. C’est pourquoi le gouvernement déclare ne pas savoir à quoi fait référence le rapport de la mission tripartite de l’OIT lorsqu’il indique que l’objectif de la table ronde tripartite est de «mettre la législation nationale en conformité avec les conventions ratifiées». Le gouvernement recommande au Comité de la liberté syndicale et aux autres organes de contrôle d’étudier les articles 86 à 97 de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela, qui constituent la source de toute la législation du travail du pays, afin de déterminer si certaines dispositions de ces articles sont effectivement contraires aux conventions ratifiées.
- 893. Le gouvernement ajoute que les procédures judiciaires ou administratives en vigueur doivent suivre leur cours conformément à ce qui est établi dans la législation nationale et être menées à bien par les institutions compétentes.
- 894. Pour conclure, le gouvernement déclare qu’il est nécessaire que le comité se prononce sur ces questions afin que les organisations consultées puissent établir un véritable programme de dialogue, car il n’a toujours pas été répondu aux observations formulées par le gouvernement à propos du rapport de la mission ni, en particulier, aux recommandations qui ne sont manifestement pas conformes au cadre juridique et constitutionnel du pays.
- 895. Dans une communication en date du 25 février 2015, le gouvernement se réfère aux recommandations contenues dans le rapport de la mission tripartite de haut niveau effectuée dans le pays en janvier 2014 et réitère que la mise en œuvre de plusieurs de ces mesures n’est pas viable. Le gouvernement signale que les points ayant été spécifiquement abordés, et ce pendant 82 pour cent du temps d’activité lors de la visite de la mission tripartite en République bolivarienne du Venezuela, ont été omis du rapport de mission.
- 896. Dans ledit rapport, les activités déployées par la mission tripartite pendant sa visite en République bolivarienne du Venezuela restent alors inachevées et donc inutiles. Par conséquent, il est nécessaire que le Comité de la liberté syndicale se prononce de façon urgente sur la pertinence ou le lien avec les conventions nos 87 ou 98 des faits dénoncés figurant dans le cas no 2254, tels que:
- – la supposée agression envers la citoyenne Albis Muñoz, dirigeante de l’association civile FEDECAMARAS, affiliée à l’OIE; bien que, lors de la visite effectuée par la mission, il ait été démontré et non réfuté qu’il s’agissait d’un fait fortuit perpétré par une bande de délinquants ayant de lourds antécédents policiers, à des heures matinales, à la sortie d’un restaurant, et qui n’était nullement lié à l’activité syndicale;
- – les supposées expropriations de terres aux dirigeants de l’association civile FEDECAMARAS, affiliée à l’OIE; bien que, lors de la visite effectuée par la mission, il ait été démontré et non réfuté qu’il s’agissait d’une politique de récupération des terres à vocation agricole ayant été occupées illégalement, que les cas dénoncés ne représentent que 0,74 pour cent du total des terres récupérées, qu’il ne s’agit donc pas de représailles syndicales, et qu’à aucun moment la légalité de l’occupation desdites terres n’a été démontrée devant une quelconque instance par les intéressés;
- – le harcèlement supposé envers les employeurs ayant été illustré par les expropriations des entreprises SIDETUR et OWENS ILLINOIS; bien que, lors de la visite effectuée par la mission, il ait été démontré et non réfuté que lesdits cas concernent des actions prévues par le système juridique vénézuélien, les propriétaires desdites entreprises ont eu recours aux mécanismes juridiques établis garantissant leur droit à la défense, et qu’il ne s’agit pas de cas syndicaux;
- – l’exclusion supposée de l’association civile FEDECAMARAS du processus d’élaboration de la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT); bien que, lors de la visite effectuée par la mission, il ait été démontré et non réfuté que l’Assemblée nationale a mené des consultations sur cette question, pendant douze ans, auxquelles la FEDECAMARAS a pris part de façon directe ou indirecte, au moyen de la présentation de documents.
- 897. Le gouvernement ajoute que le texte du rapport est dédié principalement aux mécanismes tripartites mis en œuvre en République bolivarienne du Venezuela, ce thème n’ayant pas été traité dans le cadre des réunions soutenues avec des organes de l’Etat vénézuélien, les conclusions ont été formulées au dernier moment et en dehors du rapport. Par conséquent, le gouvernement demande également au Comité de la liberté syndicale de se prononcer officiellement sur la viabilité de la mise en œuvre de plusieurs recommandations contenues dans le rapport de la mission tripartite de haut niveau de l’OIT, certaines de ces dernières étant même illégales ou inconstitutionnelles. Plus spécifiquement, le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela n’a pas obtenu de réponse sur les recommandations suivantes:
- – en ce qui concerne le fait que la table ronde abordera «les autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine» (récupération des terres), la viabilité de la proposition est impossible, puisque le fait d’aborder un thème qui pourrait se poser dans un futur incertain ne saurait être subordonné à la constitution d’une table ronde. De plus, l’article 82 de loi sur les terres et le développement agraire prévoit clairement la procédure légale relative à la récupération des terres; cette dernière ne peut pas être assouplie par une négociation bipartite. D’autre part, la consultation faite auprès des organisations syndicales des travailleurs ruraux, recommandée dans les conclusions du rapport de la mission, témoigne d’un manque total d’intérêt à participer à une table ronde sur un thème, considéré comme passé et clos, dans le cadre duquel toutes les garanties juridiques ont été accordées aux personnes concernées;
- – la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela est très claire en ce qui concerne les compétences à des fins de consultation, d’adoption ou d’abrogation des lois. Il n’appartient pas à une table ronde tripartite de mener des consultations sur des lois et encore moins de prendre des décisions sur une quelconque législation, celle-ci n’étant pas l’organe compétent, tout cela étant inconstitutionnel dans le pays;
- – la discussion des lois et des projets de loi relève de la compétence de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la politique socio-économique du pays relève de la compétence de l’exécutif national, en coordination avec les autres pouvoirs de l’Etat vénézuélien, sans que pour autant cela ne limite les mécanismes de consultation et de dialogue déjà existants dans le pays et mis en œuvre avec les différents secteurs impliqués. Par conséquent, une table ronde tripartite ou bipartite ne peut se constituer en un organe supraconstitutionnel en République bolivarienne du Venezuela;
- – il n’existe aucune loi dans le pays contrevenant aux droits contenus dans les conventions faisant l’objet d’étude par le Comité de la liberté syndicale, car celle-ci serait anticonstitutionnelle. Le gouvernement n’a connaissance d’aucune action en justice dans le cadre de laquelle un tribunal constitutionnel de la République aurait déclaré l’inconstitutionnalité d’une loi nationale en se fondant sur ces motifs. Ainsi, on ne peut savoir à quoi il est fait référence dans le rapport de la mission tripartite lorsqu’il y est indiqué que l’objectif de la table ronde tripartite serait «de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions ratifiées»;
- – la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela prévoit la possibilité d’un référendum abrogatoire lorsque la population estime qu’une loi déterminée est contraire à l’intérêt public; le fait est que les plaignants n’ont même pas essayé d’activer ce mécanisme légal contre une loi qu’ils considèrent comme attentatoire à l’intérêt national;
- – dans le cadre de la consultation faite auprès de la Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs (CBST), une organisation syndicale majoritaire et la plus représentative des travailleurs vénézuéliens, celle-ci a émis un avis contraire à l’établissement des commissions recommandées dans le rapport de la mission. La centrale refuse de s’asseoir à la table ronde avec l’association civile FEDECAMARAS, cette dernière ayant choisi, dans le cadre de précédentes tables rondes, de participer à des actions illégales telles que le fait de perpétrer un coup d’Etat, fomenter un sabotage pétrolier, recourir à des sicaires contre des dirigeants paysans, et pendre part au sabotage économique de la population. La CBST réitère que, seulement si l’association civile FEDECAMARAS reconnaît publiquement les actions illégales commises par le passé et qu’elle condamne les actions menées actuellement par des adeptes de cette organisation, il sera possible de mettre en place un dialogue avec cette dernière. Entre-temps, la CBST préfère maintenir ouvert le grand dialogue national en cours, duquel la FEDECAMARAS s’est elle-même exclue.
- 898. Le gouvernement réitère une nouvelle fois la recommandation et la demande formulées au Comité de la liberté syndicale ainsi qu’aux autres organes de contrôle de l’OIT portant sur l’étude du contenu de la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela et de la LOTTT, d’où découle la législation du travail, afin de vérifier si ladite législation est conforme aux conventions ratifiées.
- 899. Afin que les organisations et le gouvernement puissent formuler un véritable plan dont l’exécution soit possible, il est nécessaire que le comité se prononce sur ces questions puisque, jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a reçu aucune réponse aux considérations formulées par rapport aux recommandations contenues dans le rapport de la mission qui violent ouvertement le corpus juridique ainsi que la Constitution.
- 900. Finalement, le gouvernement informe que le président de la FEDECAMARAS a récemment manifesté qu’il considérait comme positives l’initiative et la décision du Président de la République de convoquer tous les secteurs à un dialogue national, à nouveau, afin de formuler des propositions. C’est ainsi que la première réunion s’est tenue au mois de février 2015, au siège de l’organisation entrepreneuriale FEDECAMARAS, entre le président et les représentants de cette organisation et les représentants de la Commission présidentielle de l’état-major économique.
- 901. Le président de la FEDECAMARAS a manifesté que la réunion avait été très productive et a considéré que le président de l’organisation industrielle FEDEINDUSTRIA, Miguel Pérez Abad, était l’interlocuteur approprié afin de coordonner ces rencontres et les dialogues avec les différents secteurs du pays. En outre, le représentant de la FEDECAMARAS a exprimé sa conviction qu’une nouvelle opportunité se présente afin d’initier avec le gouvernement national une nouvelle étape constructive et coopérative qui se traduira par des accords substantiels. A ce sujet, le 12 février 2015, la FEDECAMARAS a convoqué toutes les entreprises privées et publiques, les travailleurs, les entrepreneurs et les organisations sociales, par le biais d’un communiqué, à participer à cet important débat national.
- 902. Le gouvernement joint des coupures de presse, selon lesquelles le président de la FEDECAMARAS se dissocie des erreurs du passé (2002) et indique que le président d’alors avait mal compris son rôle; la FEDECAMARAS est une institution destinée à influencer le pouvoir politique et non à l’exercer.
- 903. Dans ses communications en date des 10 et 12 mars 2015, le gouvernement envoie des observations ainsi que des informations du ministère public concernant les nouvelles allégations des organisations plaignantes. Le gouvernement nie l’existence d’attaques contre les entrepreneurs, signale qu’il n’existe pas d’actions pénales contre les deux dirigeants employeurs mentionnés par les organisations plaignantes et fait état de la mise en examen de huit dirigeants d’entreprises pour des délits de caractère économique. Le gouvernement informe également que ces huit dirigeants font l’objet de mesures judiciaires préventives de privation de liberté ou de mesures conservatoires de substitution de liberté.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 904. De manière liminaire, le comité souhaite rappeler qu’il considère depuis plusieurs années le présent cas (no 2254) comme extrêmement grave et urgent et que le Conseil d’administration a décidé de demander au Directeur général d’envoyer en République bolivarienne du Venezuela une mission tripartite de haut niveau afin qu’elle examine toutes les questions en suspens se rapportant au cas no 2254, ainsi que toutes les questions relatives à la coopération technique. Cette mission était composée de la Présidente, du Vice-président employeur et du Vice-président travailleur du Conseil d’administration et s’est déroulée du 27 au 31 janvier 2014. Le Comité de la liberté syndicale a pleinement pris en compte le rapport de la mission dans son examen antérieur du cas (juin 2014) et a pris note, dans ses conclusions, du fait que la mission «encourage vivement le gouvernement à élaborer un plan d’action assorti d’un calendrier d’exécution précis» concernant les questions en suspens. Par ailleurs, sur le plan de la coopération technique, la mission a rappelé au gouvernement qu’il pouvait se prévaloir de l’assistance technique du Bureau international du Travail, non seulement pour établir un dialogue social et créer des organes structurés à cette fin, mais aussi pour définir des critères et des procédures afin de mesurer la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs. La mission a pris note de la déclaration générale du gouvernement indiquant qu’il n’excluait pas la possibilité de recourir à des programmes de coopération technique si cela s’avérait nécessaire. La mission a estimé que le gouvernement devrait exprimer en des termes plus concrets ses intentions à cet égard.
- 905. Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a toujours pas élaboré le plan d’action demandé et le calendrier d’exécution précis s’y rapportant en ce qui concerne les questions en suspens (dans sa première réponse, le gouvernement indique que les consultations relatives à des mécanismes tripartites de dialogue social se poursuivent, dans sa deuxième réponse, il ajoute que l’organisation syndicale CBST s’oppose aux commissions tripartites) et qu’il n’a pas non plus exprimé en des termes plus concrets ses intentions quant à l’assistance technique du Bureau international du Travail. Le comité regrette que, au lieu de cela, le gouvernement choisisse une fois de plus de discréditer l’organisation plaignante (la FEDECAMARAS) en invoquant le passé (bien que le gouvernement indique lui-même que le président de la FEDECAMARAS a reconnu les erreurs de son organisation par le passé), en demandant à ce qu’il soit mis fin à l’examen de plusieurs allégations, en retardant l’adoption des mesures demandées et en sollicitant qu’une décision soit prononcée sur la compatibilité entre la Constitution, la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT) et les conventions ratifiées. Le comité prie le gouvernement d’agir de façon plus constructive et de reconnaître, comme il se doit, que le présent cas concerne de graves actes de violence physique et des menaces contre des organisations d’employeurs et leurs dirigeants, ainsi que des entreprises, des expropriations de propriétés de dirigeants syndicaux et l’absence de dialogue avec la fédération patronale concernée (la FEDECAMARAS), dont il est tenu de garantir pleinement les droits découlant des conventions nos 87 et 98; à cet égard, la demande qui consiste à ce que les arrêts soient rendus sans retards excessifs est pleinement justifiée.
Recommandations a) et b) de l’examen antérieur du cas
- 906. Le comité prend note des déclarations faites par le gouvernement au sujet des allégations restées en suspens se rapportant à des formes graves et diverses de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS, de ses organisations membres et de ses dirigeants et entreprises affiliées, qui incluent des menaces d’emprisonnement, des déclarations d’incitation à la haine, des accusations de mener une guerre économique, l’occupation et le pillage de commerces, l’occupation du siège de la FEDECAMARAS, etc. Le comité constate avec regret que, en réponse à la demande qu’il a faite au gouvernement de prendre des mesures fermes pour éviter ce type d’actes et de déclarations contre des personnes, le gouvernement déclare seulement que ce sont les actions menées par la FEDECAMARAS qui ont fait naître, chez la population, un sentiment de haine à l’égard de cette organisation, évoquant des faits qui remontent à 2001-02 et exigeant de la FEDECAMARAS qu’elle présente des excuses publiques comme condition nécessaire pour instaurer un climat de confiance. Le comité note avec préoccupation les nouvelles allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS faisant état d’une recrudescence des attaques verbales de la part des autorités contre la FEDECAMARAS et d’actes de harcèlement à l’encontre de dirigeants employeurs.
- 907. Le comité souhaite souligner qu’il appartient au gouvernement de garantir la sécurité des organisations d’employeurs et de leurs dirigeants et que, comme l’attestent les éléments de preuve fournis à la mission tripartite de haut niveau, une grande partie des menaces et des propos «stigmatisants» visant les organisations d’employeurs et leurs dirigeants proviennent des autorités publiques et ont été formulés de façon répétée ces dernières années. Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a pas fourni d’informations au sujet des mesures fermes qu’il lui avait demandé de prendre pour éviter ce type d’actes. Dans ces conditions, le comité ne peut qu’exprimer son regret et sa préoccupation concernant les faits allégués et réitérer les conclusions et recommandations formulées lors de l’examen antérieur du cas.
- 908. A cet égard, le comité exprime à nouveau sa profonde préoccupation concernant les formes graves et diverses de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS en tant qu’institution, de ses organisations membres et de ses dirigeants et entreprises affiliées; ces actes sont décrits de façon détaillée dans le rapport de la mission et incluent des menaces d’emprisonnement, le collage d’affiches incitant à la haine, des accusations de mener une guerre économique, la prise du siège de la FEDECAMARAS, l’occupation de commerces, l’incitation au vandalisme et au pillage, etc. Le comité rappelle que, pour que la contribution des syndicats et des organisations d’employeurs ait le degré voulu d’utilité et de crédibilité, il est nécessaire que leur activité se déroule dans un climat de liberté et de sécurité. Ceci implique que, dans une situation où ils estimeraient ne pas jouir des libertés essentielles pour mener à bien leur mission, les syndicats et les organisations d’employeurs seraient fondés à demander la reconnaissance et l’exercice de ces libertés et que de telles revendications devraient être considérées comme entrant dans le cadre d’activités syndicales légitimes. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 36.] De même, le comité rappelle que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne [voir Recueil, op. cit., paragr. 43], qu’un climat de violence se manifestant par des actes d’agression contre des locaux et des biens syndicaux constitue une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux, et que de telles situations devraient appeler des mesures sévères de la part des autorités, en particulier la présentation des personnes présumées responsables devant une autorité judiciaire indépendante. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 191.] Le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il est important de prendre des mesures fermes pour éviter ce type de menaces, de déclarations d’incitation à la haine et de pillages au détriment de personnes et d’organisations qui défendent légitimement leurs intérêts dans le cadre des conventions nos 87 et 98, par ailleurs ratifiées par la République bolivarienne du Venezuela et, en l’espèce, contre la FEDECAMARAS, ses dirigeants et ses entreprises affiliées. Le comité attire à nouveau l’attention du gouvernement sur le principe fondamental selon lequel les droits des organisations d’employeurs et de travailleurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, d’intimidation et de crainte, étant donné que ce genre de situations d’insécurité est incompatible avec les exigences de la convention no 87. Le comité prie le gouvernement de garantir le respect de ce principe. [Voir 372e rapport du comité, paragr. 733.]
- 909. En ce qui concerne les allégations relatives à l’enlèvement, en 2010, des dirigeants de la FEDECAMARAS, MM. Noel Álvarez, Luis Villegas et Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz (cette dernière ayant été blessée par trois balles) et aux mauvais traitements infligés à ces personnes, le comité constate que le gouvernement réitère ses déclarations antérieures (indiquant que les coupables ont été arrêtés, qu’il s’agirait, selon lui, d’un délit de droit commun sans rapport avec le fait que les victimes étaient des dirigeants employeurs et qu’il ne faudrait donc pas poursuivre l’examen de ce cas) et que les organisations plaignantes ne partagent pas le point de vue du gouvernement. Le comité avait exprimé le vif espoir que la procédure pénale s’achèverait sans délai supplémentaire et constate une fois de plus avec regret que la procédure relative à l’enlèvement des quatre dirigeants employeurs et aux mauvais traitements infligés à ces personnes n’est toujours pas achevée. Par conséquent, le comité réitère ses recommandations antérieures.
- 910. Par ailleurs, s’agissant de l’attentat à la bombe perpétré en 2008 contre le siège de la FEDECAMARAS, à propos duquel le gouvernement signale que l’auteur des faits est décédé, le comité constate que la FEDECAMARAS a indiqué ce qui suit à la mission tripartite de haut niveau: 1) la personne qui a posé la bombe (M. Héctor Serrano, inspecteur de police) est décédée lors de l’explosion; 2) le 26 février 2008, une plainte a été déposée auprès du ministère public; 3) le 26 août 2009, le ministère public a fait savoir qu’il classait l’affaire au motif que les éléments présentés n’étaient pas suffisants pour établir une quelconque responsabilité; la FEDECAMARAS a fait appel de la décision; 4) le 6 mai 2010, le Corps des enquêtes scientifiques, pénales et criminelles (CICPC) a annoncé que Crisóstomo Montoya, fonctionnaire de police, avait été arrêté pour terrorisme en raison de sa participation à l’attentat (l’intéressé aurait été libéré), de même qu’Ivonne Márquez; 5) le tribunal de première instance no 28 a fixé l’audience publique au 4 novembre 2011, laquelle a été reportée au 30 octobre 2013; et 6) à ce jour, personne n’a été déclaré responsable des faits. Le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations à ce sujet.
- 911. De manière générale, pour ce qui est des allégations d’actes de violence physique ou verbale contre des dirigeants employeurs et leurs organisations, le comité souligne une nouvelle fois que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 52], et que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 105.] Le comité insiste sur le fait qu’il est important que les coupables de ces délits soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des délits commis afin que des faits similaires ne se reproduisent pas et que la FEDECAMARAS et les dirigeants concernés soient indemnisés pour les dommages causés par ces actes illégaux. [Voir 372e rapport du comité, paragr. 734.]
Recommandation c) de l’examen antérieur du cas
- 912. En ce qui concerne les allégations relatives à la saisie d’exploitations et à des opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au détriment de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité avait demandé au gouvernement de faire en sorte que les dirigeants ou anciens dirigeants de la FEDECAMARAS, MM. Eduardo Gómez Sígala, Egildo Luján, Vicente Brito, Rafael Marcial Garmendia et Manuel Cipriano Heredia, reçoivent une indemnisation équitable. Dans le même temps, le comité a renvoyé à la décision du Conseil d’administration de mars 2014 par laquelle il «a prié instamment le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela d’élaborer et d’appliquer, en consultation avec les partenaires sociaux nationaux, le plan d’action tel que recommandé par la mission tripartite de haut niveau», qui fait quant à elle référence à «la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, au sein duquel seraient examinés toutes les questions en suspens concernant la récupération de propriétés et les expropriations d’entreprises (y compris les nouvelles informations communiquées à la mission), ainsi que les autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine». Le comité a prié instamment le gouvernement de donner effet à cette demande et de le tenir informé sur ce point. En outre, comme l’a fait la mission, le comité a noté avec préoccupation les informations concernant de nouvelles opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation visant les propriétés d’un dirigeant employeur de la FEDECAMARAS (M. Vicente Brito). Enfin, comme l’a fait la mission tripartite de haut niveau, le comité a souligné qu’il était important de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter toute forme d’arbitraire ou de discrimination dans les mécanismes juridiques relatifs à l’expropriation ou à la récupération de terres ou aux autres actions touchant au droit de propriété.
- 913. Le comité prend note des déclarations faites par le gouvernement au sujet des allégations de saisie d’exploitations appartenant aux dirigeants employeurs, MM. Eduardo Gómez Sígala et Manuel Cipriano Heredia, à savoir que: le ministère du Pouvoir populaire pour l’agriculture et les terres et l’Institut national des terres ont indiqué que, dans les cas de ces deux dirigeants, la procédure légale de récupération des terres avait été appliquée, car ces citoyens n’avaient pas pu prouver qu’ils étaient propriétaires des terres en question et qu’il ne s’agissait donc pas d’expropriations; en ce qui concerne M. Rafael Marcial Garmendia, les institutions susmentionnées ont indiqué que les terres qu’il occupait avaient fait l’objet d’une procédure de récupération: l’intéressé conservait la partie des terres dont il avait pu prouver qu’il était propriétaire, tandis que l’autre partie avait été récupérée par les autorités, car il n’avait pas pu prouver qu’il en était propriétaire; pour ce qui est des deux autres cas, ceux de MM. Egildo Luján et Vicente Brito, l’Institut national des terres a indiqué que ses archives ne faisaient mention d’aucune opération de récupération ou d’expropriation en lien avec les noms de ces citoyens. Le comité prend note de la réponse du gouvernement, qui indique qu’il a été démontré que l’application de la loi sur les terres et le développement agraire et des procédures instaurées par les institutions de l’Etat en la matière n’avait pas donné ni ne donnait lieu à des actes de discrimination et/ou de persécution syndicale et que l’Etat ne faisait pas preuve d’arbitraire dans l’application de sa politique relative aux terres; les procédures et mécanismes concernant la récupération et l’expropriation des terres sont déterminés par la législation nationale et mis en œuvre par les organes compétents. Le comité prend note du fait que le gouvernement estime que les politiques nationales relatives aux terres et au développement agraire ne sont pas censées être examinées par le Comité de la liberté syndicale et qu’il demande à ce dernier de ne pas poursuivre l’examen de ces cas puisqu’ils n’entraînent pas de violation de la liberté syndicale et qu’il s’agit encore moins de persécution syndicale.
- 914. Lors des examens antérieurs du cas, le comité a constaté que les organisations plaignantes affirmaient que les opérations d’expropriation et de récupération étaient liées au fait que les personnes visées étaient des dirigeants employeurs et que cela avait un caractère discriminatoire.
- 915. En ce qui concerne les allégations d’expropriation de propriétés de dirigeants employeurs, le comité note avec regret que le gouvernement exclut la création d’un espace de dialogue avec la FEDECAMARAS pour discuter de la récupération des terres en invoquant des raisons juridiques, à savoir le fait que la loi sur les terres et le développement agraire prévoit une procédure en la matière. Le comité note en particulier que, s’agissant de la création d’un espace de dialogue au sein duquel seraient examinés les «autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine» (récupération de terres), le gouvernement indique que cette proposition n’est pas viable dans la mesure où, d’une part, il n’est pas possible d’établir un espace de dialogue pour traiter de questions qui pourraient éventuellement se poser dans un futur incertain et où, d’autre part, l’article 82 de la loi sur les terres et le développement agraire établit une procédure très claire qui ne peut être assouplie par le biais d’une négociation bipartite. Le gouvernement indique que les organisations syndicales rurales (dont les noms ne sont pas précisés) ont témoigné de leur manque total d’intérêt à participer à une table ronde et ajoute qu’il n’appartient pas à une table ronde tripartite de mener des consultations sur des lois. Le comité rappelle qu’il examine les cas d’expropriation ou de récupération de propriétés de dirigeants employeurs uniquement sur la base d’une possible discrimination liée à leur statut de dirigeant. Le comité souligne que l’espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS servirait à réaliser un examen bipartite et une évaluation du fonctionnement du système existant et de l’utilité d’éventuels amendements législatifs, ainsi qu’un examen de l’application des procédures visant ces dirigeants. Le comité réitère donc ses recommandations antérieures, y compris celles relatives à l’indemnisation équitable à verser aux dirigeants ou anciens dirigeants concernés de la FEDECAMARAS.
Recommandations d) et e) de l’examen antérieur du cas
- 916. Lors de son examen antérieur du cas, le comité a constaté avec regret que, selon le rapport de la mission tripartite de haut niveau, la Commission tripartite des salaires minima qui existait dans la législation du travail précédente avait été supprimée dans la nouvelle loi (LOTTT); il a en outre pris note des allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS selon lesquelles le gouvernement, négligeant à nouveau les recommandations du comité, a continué d’adopter des réglementations ayant une incidence importante tant sur les entreprises privées vénézuéliennes que sur leurs travailleurs, sans mener les consultations tripartites et le dialogue social requis, auxquels la FEDECAMARAS devrait participer en tant qu’organisation la plus représentative des employeurs du pays; l’absence de consultations est un fait relevant de la décision no 8248 du 12 avril 2013 adoptée par le ministère du Pouvoir populaire pour le travail et la sécurité sociale, qui régit le Registre national des organisations syndicales, mais qui s’applique également aux organisations d’employeurs, et du règlement partiel du décret ayant rang, valeur et force de loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses concernant le temps de travail, publié le 30 avril 2013; précédemment, la FEDECAMARAS n’avait pas été consultée au sujet de cette loi organique et de nombreux autres instruments juridiques.
- 917. Le comité prend note des déclarations du gouvernement, qui réaffirme qu’il existe, dans le pays, un dialogue participatif, vaste et inclusif sur l’élaboration des lois et que les consultations publiques sont une pratique quotidienne. Le comité prend note du fait que le gouvernement a plusieurs fois invité la FEDECAMARAS à participer au dialogue national sur divers sujets, mais que l’organisation n’a jamais répondu présente; cependant, d’autres organisations d’employeurs issues de différents secteurs ont répondu à cette invitation au dialogue pour examiner des questions économiques et liées au travail, entre autres. Le comité constate que la FEDECAMARAS nie depuis plusieurs années le fait qu’elle se serait exclue elle-même du dialogue. Le comité note que le gouvernement a fourni un exemple d’invitation au dialogue (par le biais d’une première réunion, entre des représentants de la FEDECAMARAS et de la Commission présidentielle de l’état-major économique, tenue en février 2015). Le comité apprécie cette initiative et encourage le gouvernement à promouvoir le dialogue social. Le comité prend note des déclarations du gouvernement concernant la consultation faite auprès de la FEDECAMARAS sur la LOTTT, mais souhaite néanmoins rappeler que, bien que des consultations aient eu lieu sur les premiers avant-projets entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, le projet définitif de 2012 n’a pas fait l’objet de consultations entre la FEDECAMARAS et le pouvoir exécutif.
- 918. Le gouvernement signale qu’il poursuit le processus de consultation engagé avec les organisations syndicales, les chambres et fédérations professionnelles, les comités des terres, les comités de paysans, les conseils communaux et d’autres organisations locales au sujet de l’élaboration et du contenu du plan d’action prévoyant l’établissement d’espaces de dialogue, tout cela conformément au cadre juridique et constitutionnel de la République bolivarienne du Venezuela. Néanmoins, les questions soulevées par les différentes organisations aux fins du dialogue sont très éloignées des recommandations de la mission de l’OIT, laquelle sera informée de l’achèvement des consultations avec les diverses organisations concernées. Le comité prend note de la réponse du gouvernement, qui rappelle que l’examen des lois et des projets de loi est du ressort de l’Assemblée nationale; la politique socio-économique du pays relève de la compétence du pouvoir exécutif national, qui agit de concert avec les autres pouvoirs de l’Etat vénézuélien, ce qui ne limite pas pour autant les mécanismes de dialogue et de consultation avec les différents secteurs intéressés qui existent déjà. Des consultations peuvent être menées auprès d’autres organismes dans le cadre d’une table ronde tripartite, qui ne peut toutefois s’ériger en organisme supraconstitutionnel; la Constitution est très claire quant aux compétences en matière de consultations sur les lois et d’adoption ou d’abrogation des lois, et une table ronde tripartite ne peut servir à la tenue de consultations sur les lois; dans tous les cas, cela pourrait relever de la compétence de l’un des organismes consultés. Le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle il n’existe, dans le pays, aucune loi qui porte atteinte aux droits contenus dans les conventions nos 87 et 98, car une telle loi serait inconstitutionnelle; le gouvernement n’a connaissance d’aucune action en justice contre une loi quelconque du pays à laquelle il ait été fait droit par les tribunaux constitutionnels de la République; c’est pourquoi il déclare ne pas savoir à quoi fait référence le rapport de la mission tripartite de l’OIT lorsqu’il indique que l’objectif de la table ronde tripartite est de «mettre la législation nationale en conformité avec les conventions ratifiées»; il est nécessaire que le comité se prononce sur ces questions afin que les organisations consultées puissent établir un véritable programme de dialogue, car il n’a toujours pas été répondu aux observations formulées par le gouvernement à propos du rapport de la mission ni, en particulier, aux recommandations qui, d’après le gouvernement, ne sont manifestement pas conformes au cadre juridique et constitutionnel du pays.
- 919. Le comité souhaite rappeler que, lors des examens antérieurs du cas, il a mis en exergue un certain nombre de dispositions légales au sujet desquelles la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a émis des objections, précisant que les lois concernées n’avaient pas fait l’objet de consultations tripartites; il rappelle également que ces dispositions devraient être soumises à des consultations tripartites et mises en conformité avec les conventions nos 87 et 98. [Voir 368e rapport du comité, cas no 2917, paragr. 1018 et 1023.]
- 920. Le comité souhaite reproduire à nouveau certaines conclusions de la mission tripartite de haut niveau [voir rapport de la mission et 372e rapport du comité, paragr. 755 et 756]:
- La mission observe que la FEDECAMARAS continue d’affirmer que le dialogue social présente de graves déficiences et qu’elle n’est pas consultée, sauf dans de rares occasions aux fins de la détermination du salaire minimum et sans que ne lui soient impartis des délais suffisants pour faire part de ses observations. La mission observe également que la FEDECAMARAS et le gouvernement s’accordent sur le fait que certaines chambres affiliées à la FEDECAMARAS sont consultées dans certaines circonstances.
- La mission rappelle à cet égard qu’il importe de créer les conditions nécessaires pour engager avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives un dialogue social tripartite sur les questions relatives aux relations professionnelles, ce qui suppose que les parties fassent preuve de bonne foi et d’un esprit constructif, se respectent les unes les autres, soient indépendantes et respectent la liberté syndicale, qu’un délai raisonnable soit imparti pour mener des discussions de fond et que des efforts soient faits pour parvenir dans la mesure du possible à des solutions mutuellement convenues, qui permettront d’atténuer dans une certaine mesure la polarisation qui mine la société vénézuélienne. La mission souligne que le dialogue inclusif préconisé par la Constitution de la République bolivarienne du Venezuela est pleinement compatible avec l’existence d’organes tripartites de dialogue social et que, quelles que soient les expériences négatives du tripartisme que le pays a pu connaître dans le passé, elles ne peuvent ni remettre en cause l’application des conventions de l’OIT relatives à la liberté syndicale, à la négociation collective et au dialogue social ni invalider le profit que tire l’ensemble des Etats Membres de l’OIT du tripartisme.
- La mission, suivant en cela les conclusions du Comité de la liberté syndicale, a rappelé au gouvernement qu’il pouvait se prévaloir de l’assistance technique du Bureau international du Travail non seulement pour établir un dialogue social et créer des organes structurés à cette fin, mais aussi pour définir des critères et des procédures afin de mesurer la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs. La mission a pris note de la déclaration générale du gouvernement indiquant qu’il n’excluait pas la possibilité de recourir à des programmes de coopération technique si cela s’avérait nécessaire. Elle estime que le gouvernement devrait exprimer en termes plus concrets ses intentions à cet égard. Compte tenu de la préoccupation exprimée plus haut, la mission invite fermement le gouvernement à tenir compte des recommandations ci-dessous.
Coopération technique
- Rappelant, dans le même sens que le Comité de la liberté syndicale, la nécessité et l’importance de la mise en place d’organes structurés de dialogue social tripartite dans le pays, et observant qu’il n’y a pas eu de progrès tangibles à cet égard, la mission estime essentiel que des mesures soient prises sans attendre pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Elle encourage vivement le gouvernement à élaborer un plan d’action, assorti d’un calendrier d’exécution précis, qui prévoit:
- 1) la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, au sein duquel seraient examinés toutes les questions en suspens concernant la récupération de propriétés et les expropriations d’entreprises (y compris les nouvelles informations communiquées à la mission), ainsi que les autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine;
- 2) la constitution d’une table ronde tripartite, avec la participation du BIT, dirigée par un président indépendant jouissant de la confiance de tous les secteurs et dont la composition respecte pleinement la représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs, qui se réunirait de manière régulière afin d’examiner toute question ayant trait aux relations professionnelles choisie par les parties et dont l’un des objectifs principaux serait la réalisation de consultations sur tout nouveau projet de loi concernant les questions relatives au travail et les questions sociales et économiques (y compris dans le cadre de la loi d’habilitation). Les critères de représentativité des organisations de travailleurs et d’employeurs doivent être déterminés selon des procédures objectives qui respectent pleinement les principes établis par l’OIT. La mission estime donc important que le gouvernement puisse faire appel à l’assistance technique du Bureau pour définir ces critères et procédures;
- 3) l’examen, au sein de la table ronde tripartite susmentionnée, des lois, projets de loi et autres textes juridiques ainsi que de la politique socio-économique, en vue de mettre la législation nationale en conformité avec les conventions ratifiées en matière de liberté syndicale et de négociation collective; et
- 4) la détermination des causes des problèmes liés aux procédures administratives et judiciaires qui visent les organisations de travailleurs et d’employeurs et leurs représentants, afin de parvenir au règlement de toutes les questions encore pendantes dans le cas no 2254.
- 921. Le comité note avec préoccupation que, dans ses deux réponses, le gouvernement répète les informations, précédemment communiquées, concernant l’invitation faite à tous les secteurs à participer à une conférence nationale sur la paix et à des tables rondes sur les questions économiques auxquelles la FEDECAMARAS prend part, sans faire état des progrès réalisés en ce qui concerne les mesures demandées en vue d’un véritable dialogue social.
- 922. Le comité rappelle que, lors de sa réunion de mars 2014, ayant pris note du rapport de la mission tripartite de haut niveau, le Conseil d’administration a prié instamment le gouvernement d’élaborer et d’appliquer, en consultation avec les partenaires sociaux, le plan d’action recommandé par la mission tripartite de haut niveau et a demandé au Directeur général de fournir l’assistance technique nécessaire à cet effet.
- 923. Le comité réitère les conclusions et recommandations qu’il a formulées lors de l’examen antérieur du cas et prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement des mesures concrètes pour l’établissement d’un dialogue social et d’espaces de dialogue bipartite et tripartite, comme demandé par la mission tripartite de haut niveau.
- 924. Le comité note avec une grande préoccupation qu’il n’a pas été donné effet rapidement aux décisions du Conseil d’administration et que le gouvernement n’a toujours pas présenté le plan d’action et le calendrier d’exécution précis s’y rapportant, qui doivent être élaborés en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, conformément aux recommandations.
- 925. Le comité rappelle que les conclusions de la mission font référence à la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, et à la constitution d’une table ronde tripartite dirigée par un président indépendant et à laquelle le BIT participerait. Le comité prie instamment le gouvernement de mettre en œuvre immédiatement les consultations tripartites et souligne que, bien que certaines organisations syndicales ne souhaitent pas avoir des tables rondes tripartites, le gouvernement a le devoir de promouvoir la consultation tripartite et le dialogue social sans qu’en soient exclues les organisations représentatives, telles que la FEDECAMARAS.
- 926. Le comité prie instamment le gouvernement de se conformer sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau ratifiées par le Conseil d’administration et le prie de le tenir informé à cet égard. De même, conformément aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure en ce sens.
- 927. Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de faire un premier pas dans la bonne direction en permettant la désignation d’un représentant de la FEDECAMARAS au sein du Conseil supérieur du travail, ce qui ne devrait pas poser problème.
- 928. Le comité prend note du fait que, dans leur communication du 27 novembre 2014, l’OIE et la FEDECAMARAS déclarent que le gouvernement continue d’ignorer les recommandations de la mission tripartite de haut niveau et dénoncent de nouveaux cas de violation des conventions nos 87 et 98, en particulier: i) la détention, pendant douze heures, du président de CONINDUSTRIA, M. Eduardo Garmendia; ii) des actes de surveillance et de harcèlement visant le président de la FEDECAMARAS, M. Jorge Roig; iii) une recrudescence des attaques verbales lancées dans les médias par des hauts fonctionnaires de l’Etat contre la FEDECAMARAS; et iv) l’adoption par le Président de la République, en novembre 2014, de 50 décrets-lois sur des questions importantes touchant à l’économie et à la production sans avoir consulté la FEDECAMARAS. Le comité prend note avec préoccupation de ces allégations et prie le gouvernement de fournir des observations complètes à cet égard.
- 929. Le comité prend note avec préoccupation du fait que, dans leur dernière communication conjointe, l’OIE et la FEDECAMARAS dénoncent la détention en février 2015, en dehors de toute procédure régulière et sans le bénéfice du droit à la défense, de 15 entrepreneurs de divers secteurs, incluant le président de l’Association vénézuélienne des cliniques et hôpitaux et le président de l’Association nationale des supermarchés et des libres-services, M. Luis Rodríguez, et formulent d’autres allégations. Le comité a reçu dernièrement les observations du gouvernement sur ces allégations et se propose d’examiner les questions soulevées lors de son prochain examen du cas. Le comité prend note des communications des 10 et 12 mars 2015 du gouvernement niant l’existence d’attaques contre les entrepreneurs, signalant qu’il n’existe pas d’actions pénales contre les deux dirigeants employeurs mentionnés par les plaignants, informant de la mise en examen de huit dirigeants d’entreprises pour des délits de caractère économique et informant également que ces huit dirigeants font l’objet de mesures judiciaires préventives de privation de liberté ou de mesures conservatoires de substitution de liberté. Le comité prie le gouvernement de compléter sa réponse et se propose d’examiner ces questions de manière détaillée lors de son prochain examen du cas en mai 2015.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 930. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en exprimant sa profonde préoccupation devant les formes graves et diverses de stigmatisation et d’intimidation de la part des autorités ou de groupes ou organisations bolivariennes à l’égard de la FEDECAMARAS, de ses organisations membres et de ses dirigeants et entreprises affiliées, qui incluent des menaces d’emprisonnement, des déclarations d’incitation à la haine, des accusations de mener une guerre économique, l’occupation et le pillage de commerces, la prise du siège de la FEDECAMARAS, etc., le comité attire l’attention du gouvernement sur le fait qu’il est important de prendre des mesures fermes pour éviter ce type d’actes et de déclarations contre des personnes et organisations qui défendent légitimement leurs intérêts dans le cadre des conventions nos 87 et 98, ratifiées par la République bolivarienne du Venezuela.
- b) Le comité constate avec regret que les procédures pénales concernant l’attentat à la bombe perpétré le 26 février 2008 contre le siège de la FEDECAMARAS et l’enlèvement, en 2010, des dirigeants de cette organisation, MM. Noel Álvarez, Luis Villegas et Ernesto Villamil et Mme Albis Muñoz (cette dernière ayant été blessée par trois balles), ainsi que les mauvais traitements infligés à ces personnes, ne sont toujours pas achevées (la FEDECAMARAS ayant fait appel de la décision de classement de l’affaire concernant l’attentat à la bombe), espère vivement qu’elles s’achèveront sans plus tarder et prie le gouvernement de le tenir informé sur ce point. Le comité rappelle qu’il est important que les coupables de ces délits soient condamnés à des peines proportionnelles à la gravité des délits commis afin que des faits similaires ne se reproduisent pas et que la FEDECAMARAS et les dirigeants concernés soient indemnisés pour les dommages causés par ces actes illégaux. Le comité prie le gouvernement de fournir ses observations sur les questions soulevées par la FEDECAMARAS au sujet de l’attentat à la bombe perpétré contre le siège de l’organisation.
- c) En ce qui concerne les allégations relatives à la saisie d’exploitations et à des opérations de récupération, d’occupation et d’expropriation au détriment de dirigeants ou d’anciens dirigeants employeurs, le comité demande à ce que ces dirigeants ou anciens dirigeants de la FEDECAMARAS reçoivent une indemnisation équitable. Dans le même temps, le comité renvoie à la décision du Conseil d’administration de mars 2014 par laquelle il «a prié instamment le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela d’élaborer et d’appliquer, en consultation avec les partenaires sociaux nationaux, le plan d’action tel que recommandé par la mission tripartite de haut niveau», qui fait quant à elle référence à «la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, au sein duquel seraient examinés toutes les questions en suspens concernant la récupération de propriétés et les expropriations d’entreprises ainsi que les autres problèmes existants ou qui pourraient se poser à l’avenir dans ce domaine», et regrette que, dans ses dernières communications, le gouvernement déclare qu’il n’est pas viable de créer un espace de dialogue pour examiner les questions liées à la récupération des terres et aux consultations sur des lois. Le comité prie instamment le gouvernement de donner effet à cette demande conformément aux lignes directrices contenues dans les conclusions de la mission et de le tenir informé à cet égard. Enfin, comme l’a fait la mission tripartite de haut niveau, le comité souligne qu’il est important de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter toute forme d’arbitraire ou de discrimination dans les mécanismes juridiques relatifs à l’expropriation ou à la récupération de terres ou aux autres actions touchant au droit de propriété.
- d) S’agissant des organes structurés de dialogue social bipartite et tripartite qui doivent être établis dans le pays, ainsi que du plan d’action et du calendrier d’exécution précis s’y rapportant qui doivent être élaborés en consultation avec les partenaires sociaux et avec l’assistance technique du BIT, conformément aux recommandations du Conseil d’administration, le comité prend note des déclarations du gouvernement indiquant que ce dernier n’a pas encore achevé le processus de consultation engagé avec les différents secteurs et organisations concernés et le prie de garantir la participation de la FEDECAMARAS à l’ensemble de ces consultations. Le comité rappelle que les conclusions de la mission font référence à la création d’un espace de dialogue entre le gouvernement et la FEDECAMARAS, avec la présence du BIT, et à la constitution d’une table ronde tripartite dirigée par un président indépendant et à laquelle le BIT participerait. Le comité prie instamment le gouvernement d’adopter immédiatement des mesures tangibles en ce qui concerne le dialogue social bipartite et tripartite comme demandé par la mission tripartite de haut niveau. Constatant que le gouvernement n’a toujours pas présenté le plan d’action demandé, le comité prie instamment le gouvernement de se conformer sans délai aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau ratifiées par le Conseil d’administration et de faire rapport à cet égard. Le comité prie instamment le gouvernement de promouvoir le dialogue social ainsi que les initiatives allant dans ce sens, telles que la réunion tenue entre les autorités et la FEDECAMARAS en février 2015, et de mettre en œuvre immédiatement les consultations tripartites.
- e) Enfin, conformément aux conclusions de la mission tripartite de haut niveau, le comité prie instamment le gouvernement de prendre immédiatement des mesures pour instaurer un climat de confiance fondé sur le respect des organisations d’employeurs et des organisations syndicales afin de promouvoir des relations professionnelles stables et solides. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure en ce sens et lui demande de faire un premier pas dans la bonne direction en permettant la désignation d’un représentant de la FEDECAMARAS au sein du Conseil supérieur du travail, ce qui ne devrait pas poser problème.
- f) Le comité prend note avec préoccupation des nouvelles allégations formulées par l’OIE et la FEDECAMARAS le 27 novembre 2014 relatives à: i) la détention, pendant douze heures, du président de CONINDUSTRIA, M. Eduardo Garmendia; ii) des actes de surveillance et de harcèlement visant le président de la FEDECAMARAS, M. Jorge Roig; iii) une recrudescence des attaques verbales lancées dans les médias par des hauts fonctionnaires de l’Etat contre la FEDECAMARAS; et iv) l’adoption par le Président de la République, en novembre 2014, de 50 décrets-lois sur des questions importantes touchant à l’économie et à la production sans avoir consulté la FEDECAMARAS. Le comité prie le gouvernement de fournir des observations complètes à cet égard.
- g) Le comité note avec préoccupation les nouvelles allégations de l’OIE et de la FEDECAMARAS dans leur communication ainsi que les récentes observations du gouvernement concernant une partie de ces allégations. Le comité prie instamment le gouvernement de compléter sa réponse des 10 et 12 mars 2015 et se propose d’examiner ces questions de manière détaillée lors de son prochain examen du cas à sa réunion de mai 2015.
- h) Le comité attire tout particulièrement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.