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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 376, October 2015

Case No 3040 (Guatemala) - Complaint date: 24-JUN-13 - Follow-up

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Allegations: L’organisation plaignante allègue que, dans le cadre d’un conflit collectif, le Syndicat des travailleurs de l’entreprise Koa Modas n’a pas pu bénéficier de la garantie d’une procédure judiciaire régulière, ce qui a mis ses adhérents dans une situation de grande vulnérabilité face à d’éventuelles mesures de représailles antisyndicales

  1. 472. La plainte figure dans une communication en date du 24 juin 2013, présentée par la Fédération nationale des travailleurs (FENATRA).
  2. 473. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 20 mai, 22 juin et 27 juillet 2015.
  3. 474. Le Guatemala a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 475. Dans sa communication en date du 24 juin 2013, la FENATRA allègue que le Syndicat des travailleurs de l’entreprise Koa Modas s’est vu refuser, dans le contexte d’un conflit collectif, l’accès à une procédure judiciaire régulière, ce qui a mis ses adhérents dans une situation de grande vulnérabilité face à d’éventuelles mesures de représailles antisyndicales. A cet égard l’organisation plaignante déclare que: i) le 12 juin 2013, face au refus de leur entreprise de négocier une convention collective sur les conditions de travail, les représentants légaux du Syndicat des travailleurs de l’entreprise Koa Modas (ci après «le syndicat») ont porté devant la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale un différend collectif à caractère économique et social contre l’entreprise sous-traitante Koa Modas SA. L’ouverture de cette procédure a pour effet, en vertu du droit guatémaltèque, que les parties en conflit doivent s’abstenir de tous actes de représailles contre l’autre partie et que, pendant la durée du conflit, toute rupture de contrat de travail doit être autorisée par l’organe juridictionnel («notification de la citation à comparaître et mesures préventives»); ii) le vendredi 14 juin 2013, le tribunal en question a rendu une ordonnance imposant au syndicat de répondre à quatre exigences dans les quarante-huit heures, faute de quoi la notification de la citation à comparaître et les mesures préventives seraient levées et l’action en justice serait classée; iii) le samedi 15 juin 2013, les membres du syndicat se sont rendus de nouveau au tribunal du travail pour présenter leur requête satisfaisant aux conditions exigées, mais ils ont trouvé le tribunal fermé parce que c’était samedi; iv) le juge de paix, ouvert de façon permanente tous les jours de l’année, a refusé de recevoir le dossier, alléguant qu’il obéissait à des ordres supérieurs et ne pouvait recevoir que des actions en amparo; v) ce même jour, le 15 juin, l’avocat du syndicat a introduit devant les bureaux du procureur aux droits de l’homme une plainte contre le pouvoir judiciaire pour avoir refusé aux travailleurs syndiqués leur droit à la défense et à une procédure régulière; vi) le lundi 17 juin 2013, à 8 heures du matin, le dossier a de nouveau été présenté devant le tribunal du travail, et les différentes tentatives visant à le présenter pendant le week-end ont été expliquées; vii) ce même jour, l’avocat du syndicat a introduit devant la Cour suprême une plainte pour refus du juge de paix de recevoir le dossier en question; et viii) le 20 juin 2013, le syndicat s’est vu notifier la décision du 17 juin 2013 de la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale par laquelle la plainte était classée et la notification de la citation à comparaître et les mesures préventives levées au motif que les conditions exigées n’avaient pas été remplies dans les délais impartis.
  2. 476. L’organisation plaignante affirme que la décision de la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale de classer la plainte du syndicat a eu pour effet de mettre les travailleurs syndiqués dans l’impossibilité d’assurer leur défense et en état de vulnérabilité dans le cadre du conflit avec leur employeur, ce qui remet en cause les garanties prévues dans les conventions nos 87 et 98 de l’OIT.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 477. Dans ses différentes communications, le gouvernement fait savoir que, après que le différend opposant l’entreprise Koa Modas SA et le Syndicat des travailleurs de l’entreprise Koa Modas a abouti au licenciement de dizaines de travailleurs syndiqués, le cas est en cours d’examen par la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective. Le gouvernement déclare que ladite commission, après cinq séances de médiation, a réussi à obtenir que la réintégration de 37 membres du syndicat, ordonnée par les instances judiciaires, devienne effective.
  2. 478. Dans sa dernière communication, le gouvernement fait parvenir également les observations de la juge en charge de la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale du Guatemala qui déclare que: i) le vendredi 14 juin 2013, le tribunal en question a rendu une ordonnance prévoyant que le syndicat devait répondre à quatre exigences indispensables dans les quarante-huit heures pour pouvoir donner suite à leur plainte; ii) le lundi 17 juin 2013, soit après expiration du délai (selon la loi, «en ce qui concerne les différends à caractère économique et social, tous les jours et toutes les heures sont ouvrables»), le tribunal a ordonné le classement de la plainte du syndicat et par conséquent la levée de la notification de la citation à comparaître et des mesures préventives applicables aux parties en conflit; iii) le 18 juin 2013, le tribunal a accordé une audience aux représentants du syndicat et a établi qu’il devait se conformer à la décision rendue la veille; iv) il ne se trouve dans le dossier aucun document émanant du juge de paix ni d’allégation des représentants du syndicat faisant allusion au refus du juge de paix de recevoir le dossier du syndicat; v) le 5 juillet 2013, la chambre juridictionnelle a déclaré nul et non avenu le recours introduit par le syndicat contre la décision de classer son action en justice; et vi) indépendamment de ces informations, les décisions en question des 14 et 17 juin 2013 de la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale n’ont pas été rendues par la juge habituelle qui était en congé à ces dates-là.
  3. 479. Sur la base de ces éléments, le gouvernement déclare qu’il n’existe pas de violation flagrante des conventions nos 87 et 98 dans ce cas, dans la mesure où: i) la requête dans laquelle le syndicat a formulé le différend collectif à caractère économique et social ne satisfaisait pas aux critères de validité requis indispensables; et ii) le document émanant du juge de paix déclarant son refus de recevoir le dossier du syndicat dans lequel les conditions préalables exigées étaient respectées n’a pas été présenté à la deuxième Chambre du tribunal du travail et de la prévoyance sociale dans le délai imparti par le tribunal du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 480. Le comité observe que le présent cas porte sur le classement d’une action en justice introduite par le Syndicat des travailleurs de l’entreprise Koa Modas, lequel aurait placé les adhérents de cette organisation dans une situation de grande vulnérabilité. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que le bénéfice d’une procédure judiciaire régulière leur a été refusé dans la mesure où: i) la demande d’ouverture d’une procédure pour différend économique et social à l’encontre de l’entreprise Koa Modas SA, qui aurait eu pour effet de garantir que les parties en conflit s’abstiennent de tout acte de représailles contre l’autre partie et que, pendant la durée du conflit, toute rupture de contrat de travail devrait être autorisée par l’organe judiciaire, a été présentée par le syndicat le mercredi 12 juin 2013; ii) le vendredi 14 juin 2013, le tribunal du travail a imposé un délai de quarante-huit heures au syndicat pour qu’il satisfasse à une série de conditions; iii) le lundi 17 juin 2013, l’action en justice du syndicat a été classée pour présentation des documents exigés hors délais après que le dépôt desdits documents pendant le week-end avait été refusé par le juge de paix, seule institution judiciaire ouverte sept jours sur sept.
  2. 481. Le comité prend note des observations du gouvernement qui confirment les affirmations de l’organisation plaignante en ce qui concerne le délai de quarante-huit heures imposé par le tribunal du travail le vendredi 14 juin 2013 pour que le syndicat satisfasse à une série de conditions et le classement de la procédure judiciaire le lundi 17 juin 2013, parce que le délai de quarante-huit heures en question était écoulé. Le comité note que le gouvernement déclare cependant qu’il ne se trouve dans le dossier aucun document émanant du juge de paix ni d’allégation des représentants du syndicat faisant allusion au refus du juge de paix de recevoir le dossier du syndicat pendant le week-end et que, le 5 juillet 2013, la chambre juridictionnelle a déclaré nul et non avenu le recours introduit par le syndicat contre la décision de classer son action en justice.
  3. 482. En outre, le comité note que les informations fournies par le gouvernement indiquent que, après le dépôt de la présente plainte, de nombreux travailleurs de l’entreprise membres du syndicat (le nombre exact n’est pas précisé) ont été licenciés, ce qui a motivé la médiation de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective, médiation qui a abouti à l’application effective de la réintégration, ordonnée par les instances judiciaires, de 37 travailleurs membres du syndicat.
  4. 483. En ce qui concerne l’existence d’un document prouvant le refus du juge de paix de recevoir le dossier du syndicat pendant le week-end des 15 et 16 juin 2013, le comité observe que, dans les annexes de la plainte fournies par l’organisation plaignante, se trouvent les copies des plaintes officielles introduites par le syndicat les 15 et 17 juin 2013 devant les bureaux du procureur aux droits de l’homme et devant le pouvoir judiciaire, plaintes dénonçant le refus du juge de paix de recevoir le dossier du syndicat le 15 juin 2013. Le comité observe également que, dans le rapport remis le 1er octobre 2015 par le gouvernement dans le cadre de l’examen par le Conseil d’administration de la plainte relative à la violation par le Guatemala de la convention no 87 présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT, il est indiqué que: i) la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective s’est réunie en août 2015, dans le cadre de l’examen du différend entre le syndicat et l’entreprise, avec les membres de la Cámara de Amparo y Antejuicio de la Cour suprême pour garantir que les juges de paix en matière pénale et les juges de paix recevront les requêtes concernant les droits collectifs du travail pendant les week-ends et les jours fériés.
  5. 484. Des différents éléments exposés ci-dessus, le comité constate que: i) la conjonction du délai de quarante-huit heures imposé par le tribunal du travail au syndicat pour compléter sa plainte et de l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé le syndicat de déposer son dossier pendant le week-end a conduit au classement de leur action en justice et à la non-application des règles de protection applicables aux règlements des différends économiques et sociaux; ii) après ce classement et l’introduction de la présente plainte devant le comité, de nombreux travailleurs de l’entreprise affiliés au syndicat ont été licenciés, 37 d’entre eux ayant été réintégrés après l’intervention de la justice et la médiation de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et négociation collective; et iii) suite aux contacts pris par la commission en question, la Cour suprême a adopté un accord qui garantit que les juges de paix en matière pénale et les juges de paix recevront les requêtes concernant les droits collectifs du travail pendant les week-ends et les jours fériés.
  6. 485. Rappelant que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes [voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 818], la commission note avec satisfaction l’adoption, suite à l’intervention de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective par la Cour suprême, d’un accord qui garantit que les juges de paix en matière pénale et les juges de paix recevront les dossiers concernant les droits collectifs du travail pendant les week-ends et les jours fériés. Le comité prie le gouvernement de lui communiquer une copie dudit accord.
  7. 486. Le comité prie en outre l’organisation plaignante de préciser si tous les travailleurs membres du syndicat et dont la réintégration avait été ordonnée par la justice ont effectivement été réintégrés à leur poste de travail.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 487. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer une copie de l’accord de la Cour suprême qui garantit que les juges de paix en matière pénale et les juges de paix recevront les dossiers concernant les droits collectifs du travail pendant les week-ends et les jours fériés.
    • b) Le comité prie en outre l’organisation plaignante de préciser si tous les travailleurs membres du syndicat et dont la réintégration avait été ordonnée par la justice ont effectivement été réintégrés à leur poste de travail.
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