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Interim Report - Report No 378, June 2016

Case No 3119 (Philippines) - Complaint date: 26-MAR-15 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes de harcèlement et d’intimidation et des menaces à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes de la part de membres des forces armées en collusion avec des entreprises privées

  1. 648. La plainte figure dans une communication du Kilusang Mayo Uno (KMU) en date du 26 mars 2015.
  2. 649. Le gouvernement n’ayant pas répondu, le comité a dû ajourner l’examen du cas à deux reprises. A sa réunion de mars 2016 [voir 377e rapport, paragr. 7], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 650. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 651. Dans une communication en date du 26 mars 2015, l’organisation plaignante KMU allègue des actes de harcèlement et d’intimidation et des menaces à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes de la part de membres des forces armées en collusion avec des entreprises privées.
  2. 652. L’organisation plaignante dénonce le fait que le gouvernement ne veille pas à ce que les droits des syndicats et des travailleurs soient pleinement respectés, comme le prévoient les conventions nos 87 et 98, et en particulier qu’il ne met pas fin à la culture de l’impunité dont souffre le secteur du travail dans le pays. Selon l’organisation plaignante, en dépit des réformes promises par le gouvernement actuel, les violations des droits des travailleurs et des syndicats se poursuivent, et le climat d’impunité créé par l’assimilation des relations professionnelles au programme gouvernemental de lutte contre l’insurrection Oplan Bayanihan a et continuera d’avoir un impact démontrable sur les activités syndicales telles que l’organisation, la représentation, l’affirmation des droits et la mise en œuvre des accords contractuels individuels et collectifs.
  3. 653. L’organisation plaignante déclare que les allégations concernent spécifiquement des cas qui se sont produits dans la Région 11 ou Région du Mindanao méridional (SMR) et démontrent clairement que les violations des droits syndicaux dans le pays continuent de se produire en toute impunité et constituent un obstacle au plein exercice des droits des travailleurs de se syndiquer, négocier collectivement et faire grève, droits consacrés par les conventions nos 87 et 98.

    a. Harcèlement, intimidation, chasse aux sorcières et menaces graves commis par les militaires et les forces de police à l’encontre de dirigeants syndicaux

    a.1. Inscription de dirigeants syndicaux dans l’ordre de bataille de l’armée; propos diffamatoires à l’égard de dirigeants syndicaux et de syndicalistes accusés d’être des membres et sympathisants du groupe rebelle armé la Nouvelle armée du peuple (NPA)

    1. Perlita Milallos, présidente du Syndicat des travailleurs de Freshmax-Fédération nationale des syndicats de travailleurs -Kilusang Mayo Uno (FWU-NAFLU-KMU), Compostela, Compostela Valley
  1. 654. L’organisation plaignante indique que Mme Milallos a mené le syndicat dans une grève victorieuse contre une bananeraie coréenne en 2013 et a continué de défendre les intérêts des travailleurs. L’organisation plaignante allègue que, le 26 novembre 2014, des éléments du 66e bataillon d’infanterie des Forces armées des Philippines (AFP) l’ont interrogée chez elle durant près de trois heures pour savoir notamment quelles activités elle exerçait en tant que dirigeante syndicale et communautaire. Les militaires lui ont parlé des programmes de paix et de développement que le gouvernement avait prévu d’instaurer à Compostela et lui ont rappelé qu’ils avaient besoin de la coopération des habitants et que les grèves et les piquets n’étaient d’aucune aide. Les soldats lui ont fait savoir qu’elle était inscrite dans l’ordre de bataille de l’armée, allant jusqu’à prétendre qu’elle avait un «nom de code» au sein du mouvement communiste clandestin. Les militaires ont essayé de soutirer des informations de Mme Milallos au sujet d’un certain rebelle nommé «Busyong» et lui ont dit, pour lui faire peur, qu’ils savaient que l’un de ses fils était membre de la NPA. Elle a rejeté catégoriquement ces allégations, déclarant que ce n’étaient que purs mensonges. En outre, les soldats ont essayé de la soudoyer en lui offrant une rétribution mensuelle et un téléphone mobile avec une recharge en échange de sa collaboration étroite avec le programme anti insurrection du gouvernement.
    2. Rogelio Cañabano, vice-président de Bigkis ng Nagkakaisang Manggagawa sa Apex Mines-Association des organisations syndicales démocratiques-Kilusang Mayo Uno (BINA-ADLO-KMU), Maco, Compostela Valley
  1. 655. L’organisation plaignante affirme que M. Cañabano a été victime de mesures de harcèlement de la part de militaires philippins. Le 7 août 2014, des soldats appartenant au 71e bataillon d’infanterie ont photographié sa maison et ont emporté une photo de lui. Le 25 août 2014, des soldats en civil ont interrogé M. Cañabano sur ses allées et venues et ses activités syndicales et ont insisté pour qu’il leur donne une liste de tous les dirigeants syndicaux. Le lendemain, les soldats ont pénétré chez lui et l’ont harcelé avec les mêmes questions, lui demandant aussi qui étaient les organisateurs du KMU. Le 9 septembre 2014, des soldats ont de nouveau fait irruption au domicile de M. Cañabano et l’ont interrogé. Ils ont insisté pour qu’il leur donne des informations sur les activités syndicales ainsi que les noms des dirigeants et membres syndicaux, y compris les noms des organisateurs.
    3. Syndicat des travailleurs de l’exploitation Musahamat 2-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (MWLU-NAFLU-KMU), Pantukan, Compostela Valley, ses dirigeants, à savoir Esperidion Cabaltera, Richard Genabe, Dionisio Gonazales, Jovito Socias, Geraldine Suico, Cenon Arcepulo et Bernardita Almero
  1. 656. L’organisation plaignante allègue que, le 29 août 2014, des responsables du Syndicat des travailleurs de l’exploitation Musahamat 2 à Pantukan, province de la Compostela Valley, ont été harcelés et forcés de poser comme s’ils étaient des rebelles repentis. Cet incident s’est produit à la suite d’un incendie provoqué, le 22 août 2014, sur le site de l’exploitation Musahamat 1 par des membres de la NPA. L’organisation plaignante affirme en outre que les militaires se sont entendus avec la direction de l’entreprise pour convoquer les dirigeants syndicaux à une réunion où les attendaient cinq soldats lourdement armés du 71e bataillon d’infanterie, qui les ont interrogés pendant quatre heures. Les soldats ont disposé du matériel et une bâche du Parti communiste des Philippines-Nouvelle armée du peuple-Front démocratique national (CPP-NPA-NDF) devant les dirigeants syndicaux et ont fait un enregistrement audio et vidéo de ces derniers tandis qu’ils leur posaient des questions. On continue de constater la présence de soldats dans l’entreprise Musahamat Farms, Inc.
    4. Syndicat des travailleurs de Radio Mindanao Network à Davao -Fédération nationale des syndicats de travailleurs -Kilusang Mayo Uno (RDEU-NAFLU-KMU), Davao
  1. 657. L’organisation plaignante déclare que, en raison de pratiques déloyales de travail et d’un refus de négocier, les travailleurs de Radio Mindanao Network (RMN) à Davao ont entamé, le 2 octobre 2014, une grève qui a duré quarante et un jours. Elle allègue que, au cours des mois qui ont précédé la grève menée par le syndicat RDEU-NAFLU-KMU et durant cette grève, des commentateurs appartenant à la direction n’ont cessé de tenir des propos diffamatoires à l’encontre des dirigeants du syndicat et de la fédération NAFLU-KMU, notamment en qualifiant le syndicat de tête de pont communiste du CPP-NPA-NDF. Le secrétaire général du KMU-SMR, Romualdo Basilio, a été lui aussi diffamé et diabolisé par des commentateurs dans le programme «Koskos Batikos».

    a.2. Menaces de mort, listes noires et autres formes de harcèlement

    5. Vicente Barrios, président du KMU-SMR et président du Syndicat Nagkahiusang Mamumuo sa Suyapa Farm-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (NAMASUFA-NAFLU-KMU)
  1. 658. L’organisation plaignante déclare que M. Barrios est un dirigeant syndical qui a survécu à deux tentatives d’assassinat en 2005 et 2006 et qui a dû faire face à plusieurs menaces de mort et actes d’intimidation. La lutte menée par M. Barrios et les travailleurs de Compostela a été le sujet de la mission de haut niveau effectuée par l’OIT en 2009 mais, à ce jour, le cas n’a toujours pas été résolu.
  2. 659. L’organisation plaignante allègue que la lutte menée par M. Barrios contre la multinationale fruiticole Sumitomo Fruits a fait de lui une cible constante de harcèlement. Après avoir lutté durant des mois contre des pratiques antisyndicales, M. Barrios et des travailleurs de deux usines d’emballage à Compostela, dans la Compostela Valley, se sont trouvés engagés dans un conflit avec l’entreprise fruiticole en 2012, mais ils ont pu reprendre le travail et ont reçu la promesse que leurs arriérés de salaires leur seraient versés en vertu d’un accord de compromis entre les dirigeants de l’entreprise et les deux syndicats concernés. Or l’accord de compromis n’a pas été respecté par l’un des entrepreneurs. Le 25 janvier, alors que des travailleurs organisaient un piquet de grève en vue d’obtenir le paiement de leurs arriérés de salaires, l’entrepreneur a tiré un coup de feu et menacé M. Barrios avec son arme. L’incident a été réglé au niveau du barangay (commune), mais du fait que le conflit du travail entre l’entreprise fruiticole et les usines d’emballage de Compostela s’est intensifié la vie de M. Barrios continue d’être gravement menacée.

    b. Charges pénales forgées de toutes pièces contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes en raison de leur engagement et de leur participation active dans les activités économiques et politiques légitimes de leurs syndicats

    6. Artemio Robilla et Danilo Delegencia, président et membre du comité directeur, respectivement, du Syndicat des travailleurs de Dole Stanfilco à Maragusan-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (MDSLU-NAFLU-KMU)
  1. 660. L’organisation plaignante indique que MM. Robilla et Delegencia ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt pour l’assassinat présumé du superviseur Notalio Mamon de Dole Stanfilco le 3 février 2014. Les cas d’assassinat et de vol ont été soumis au bureau du procureur provincial sous le numéro de dossier NPS XI-01-INV-14B-00064. Les deux responsables syndicaux ont été accusés d’assassinat mais ont présenté un recours en révision et demandé le report de la délivrance du mandat d’arrêt. D’après l’organisation plaignante, les accusations d’assassinat et de vol sont totalement fallacieuses et fondées sur des motifs politiques, et les deux dirigeants ont toujours été fermement attachés à la défense des droits des travailleurs de Maragusan, une zone très militarisée de la Compostela Valley où la connivence entre les grandes entreprises et les forces armées de l’Etat a permis de réprimer brutalement le droit d’organisation et la liberté syndicale des travailleurs. Les responsables syndicaux ont contribué à aider les travailleurs illégalement licenciés à réclamer les prestations de retraite que Dole Stanfilco avait refusé de leur payer en 2013, en violation du Code du travail.
  2. 661. Compte tenu des violations persistantes des droits syndicaux, l’organisation plaignante exprime l’espoir que: i) les responsables militaires et gouvernementaux à l’origine des cas de répression antisyndicale, en particulier les cas de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux, seront poursuivis; ii) les charges pénales forgées de toutes pièces contre les dirigeants syndicaux seront abandonnées; iii) les militaires quitteront immédiatement et sans condition les locaux des entreprises et les communautés de travailleurs; iv) les militaires mettront fin à leur ingérence dans les activités syndicales et dans les questions relatives au travail car leurs interventions constituent une entrave au dialogue productif entre les organisations d’employeurs et de travailleurs; v) les campagnes de diffamation menées par les militaires contre le KMU prendront fin; et vi) cessera l’assimilation des relations professionnelles au programme anti-insurrection Oplan Bayanihan. L’organisation plaignante espère que le gouvernement respectera les conventions fondamentales du travail qu’il a signées et le principe selon lequel le plein exercice du droit d’organisation et d’association suppose l’existence d’une saine démocratie et ne porte pas atteinte à la stabilité économique et politique, et que la justice sociale finira par régner, permettant ainsi aux travailleurs et au peuple de jouir de leurs droits fondamentaux de s’exprimer, d’être entendus, de s’associer, de négocier collectivement et de mener des actions concertées.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 662. Le comité regrette que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations de l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris par un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur ce cas.
  2. 663. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 664. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations en violation de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent, à leur tour, reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
  4. 665. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante allègue des actes de harcèlement et d’intimidation et des menaces à l’encontre de dirigeants syndicaux et syndicalistes par des membres des forces armées en collusion avec des entreprises privées.
  5. 666. Le comité note en particulier les allégations – accompagnées de documents à l’appui – de l’organisation plaignante, à savoir: i) en ce qui concerne Perlita Milallos, présidente du Syndicat des travailleurs de Freshmax-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (FWU-NAFLU-KMU), le 26 novembre 2014, des éléments du 66e bataillon d’infanterie des Forces armées des Philippines l’ont interrogée chez elle pendant trois heures, lui posant des questions sur ses activités syndicales, soulignant qu’ils avaient besoin de coopération plutôt que de grèves et de piquets, l’informant qu’elle était inscrite dans l’ordre de bataille de l’armée, prétendant savoir qu’elle faisait partie du mouvement communiste clandestin et que son fils était membre de la NPA (ce qu’elle nie), essayant de lui soutirer des informations et de la soudoyer pour qu’elle coopère avec le programme gouvernemental de lutte contre l’insurrection; ii) en ce qui concerne Rogelio Cañabano, vice-président de Bigkis ng Nagkakaisang Manggagawa sa Apex Mines-Association des organisations syndicales démocratiques-Kilusang Mayo Uno (BINA ADLO-KMU), le 7 août 2014, des soldats du 71e bataillon d’infanterie ont pris des photos de sa maison et de lui-même, les 25 et 26 août et le 9 septembre 2014, ils ont pénétré chez lui, l’ont interrogé sur ses allées et venues et ses activités syndicales et ont insisté pour qu’il leur donne une liste de tous les dirigeants syndicaux et les noms des organisateurs du KMU; iii) en ce qui concerne Esperidion Cabaltera, Richard Genabe, Dionisio Gonazales, Jovito Socias, Geraldine Suico, Cenon Arcepulo et Bernardita Almero, responsables du Syndicat des travailleurs de l’exploitation Musahamat 2 (MWLU) à Pantukan, le 29 août 2014, à la suite d’un incendie provoqué par des membres de la NPA, des militaires se sont entendus avec l’entreprise pour convoquer les dirigeants syndicaux à une réunion où des soldats lourdement armés du 71e bataillon d’infanterie les ont interrogés pendant quatre heures sur leur lieu de travail, les filmant avec du matériel du CPP-NPA-NDF placé devant eux. On continue de constater la présence de soldats dans l’entreprise; iv) en ce qui concerne le Syndicat des travailleurs de Radio Mindanao Network à Davao-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (RDEU-NAFLU-KMU), avant et durant une grève des travailleurs de la radio qui a eu lieu en octobre 2014, des commentateurs appartenant à la direction n’ont cessé de tenir des propos diffamatoires à l’encontre des dirigeants du syndicat, de la fédération NAFLU-KMU et du secrétaire général du KMU-SMR, Romualdo Basilio, l’accusant d’être membre du CPP-NPA-NDF, raison pour laquelle l’intéressé a déposé plainte contre l’Association des radiodiffuseurs des Philippines; v) en ce qui concerne Vicente Barrios, président du KMU-SMR et président du Syndicat Nagkahiusang Mamumuo sa Suyapa Farm-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (NAMASUFA-NAFLU-KMU), dans le cadre d’un long conflit du travail entre la multinationale fruiticole Sumitomo Fruits et deux usines d’emballage, le 25 janvier 2014, lors d’un piquet de grève organisé pour exiger le respect de l’accord de compromis conclu après un lock-out, un entrepreneur a tiré un coup de feu et menacé M. Barrios avec son arme. Celui-ci continue d’être en danger de mort du fait que le conflit du travail s’est intensifié; et vi) en ce qui concerne Artemio Robilla et Danilo Delegencia, président et membre du comité directeur, respectivement, du Syndicat des travailleurs de Dole Stanfilco à Maragusan-Fédération nationale des syndicats de travailleurs-Kilusang Mayo Uno (MDSLU-NAFLU-KMU), le 3 février 2014, un mandat d’arrêt a été émis à l’encontre de ces dirigeants syndicaux, faussement accusés, pour des motifs politiques, de meurtre et de vol sur la personne du superviseur de Dole Stanfilco, Notalio Mamon; les deux intéressés avaient contribué à aider des travailleurs illégalement licenciés à réclamer les prestations de retraite que Dole Stanfilco avait refusé de leur payer en 2013; le bureau du procureur provincial les a accusés de meurtre.
  6. 667. Le comité note avec préoccupation que les allégations formulées dans le présent cas ont des similitudes avec celles qui ont été examinées précédemment par le comité dans le cadre du cas no 2528. Il note également que tous les actes allégués se sont produits dans la région de Mindanao, en particulier dans la Compostela Valley et à Davao.
  7. 668. En premier lieu, en ce qui concerne les divers actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des responsables syndicaux susmentionnés, le comité souhaite rappeler d’une manière générale que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. S’agissant en particulier de la menace avec une arme à feu dont M. Barrios aurait fait l’objet dans le cadre d’un piquet de grève (les menaces de mort et la tentative d’assassinat à son encontre ont été évoquées auparavant dans le cas no 2528), le comité rappelle que le climat de peur qui résulte des menaces de mort proférées contre des syndicalistes ne peut manquer d’avoir une incidence défavorable sur l’exercice des activités syndicales, et que celui-ci n’est possible que dans le cadre du respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces en tout genre. S’agissant des longs interrogatoires que les militaires auraient fait subir à des dirigeants syndicaux, le comité rappelle que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux, et que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 44, 60, 63 et 786.] En ce qui concerne plus précisément les propos diffamatoires qui auraient été prononcés à l’encontre de responsables syndicaux, les accusant d’appartenir au CPP-NPA-NDF, le comité rappelle que, bien que l’exercice d’une activité syndicale ou d’une fonction syndicale n’assure pas l’immunité quant à l’application du droit pénal ordinaire, les travailleurs doivent avoir le droit, sans distinction d’aucune sorte, notamment sans aucune discrimination tenant aux opinions politiques, de s’affilier au syndicat de leur choix. Ils devraient pouvoir constituer dans un climat de pleine sécurité les organisations qu’ils jugent appropriées, qu’ils approuvent ou non le modèle économique et social du gouvernement ou même le modèle politique du pays. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 212 et 213.]
  8. 669. Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de Vicente Barrios, de Perlita Milallos, de Rogelio Cañabano et des autres responsables syndicaux susmentionnés victimes de harcèlement. Rappelant que, dans le cadre du cas no 2528, les allégations de harcèlement et d’intimidation avaient été soumises à l’organe de surveillance du Conseil tripartite national pour la paix sociale (NTIPC) pour examen et recommandations, le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’instruction et le règlement complets et rapides des affaires portant sur les actuels actes allégués de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et syndicalistes affiliés au KMU.
  9. 670. Soulignant à nouveau que les militaires ont de toute évidence un rôle clé à jouer pour faire régner la loi et l’ordre dans le pays, mais que, cependant, le fait d’assimiler purement et simplement les syndicats à un mouvement d’insurrection a eu pour effet de les stigmatiser et de mettre souvent les dirigeants syndicaux et les syndicalistes dans une situation d’extrême insécurité [voir aussi 356e rapport, cas no 2528, paragr. 1182], le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires à l’avenir pour garantir le respect des principes énoncés plus haut. Rappelant que, en 2009, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations avait pu noter que, conformément aux recommandations de la mission de haut niveau, le secrétaire exécutif, s’exprimant au nom de la présidence, avait déclaré que, suite à l’abrogation de la loi antisubversion, les opposants au gouvernement n’étaient plus considérés comme subversifs ni visés en tant que tels et qu’aucune persécution ne serait tolérée, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la remise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, pour assurer le strict respect des garanties de procédure dans le cadre de toutes opérations de surveillance ou d’interrogatoires par l’armée ou la police, de manière à garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs peuvent s’exercer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes. [Voir aussi 356e rapport, cas no 2528, paragr. 1184.] En ce qui concerne l’allégation selon laquelle des syndicalistes auraient été inscrits dans ce qui est connu sous le nom d’«ordre de bataille», le comité, ayant noté auparavant avec préoccupation, dans le cadre du cas no 2528, que les Forces armées des Philippines (AFP) ont effectivement conservé des listes d’«ordre de bataille» dans lesquelles figurent des syndicalistes qui ont abouti à des actes de violence à leur encontre, rappelle que de telles mesures vont à l’encontre du devoir de prendre toutes les mesures appropriées pour garantir que, indépendamment de toute affiliation syndicale, les droits syndicaux peuvent être exercés dans des conditions normales par rapport aux droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de toute violence, pressions, peur ou menaces de toutes sortes. [Voir aussi 356e rapport, cas no 2528, paragr. 1179.] Rappelant que la pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux et que, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques [voir Recueil, op. cit., paragr. 803], le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises en vue de supprimer les listes d’«ordre de bataille» susceptibles d’entraîner la perpétration d’actes de violence contre les syndicalistes sur la base de leur prétendue idéologie.
  10. 671. Deuxièmement, pour ce qui est de la présence alléguée de militaires à l’intérieur et aux alentours du lieu de travail, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la mise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, pour mettre un terme à la présence prolongée de l’armée sur les lieux de travail, ce qui est susceptible d’avoir un effet d’intimidation sur les travailleurs souhaitant s’engager dans des activités syndicales légitimes et de créer une atmosphère de méfiance difficilement compatible avec des relations professionnelles harmonieuses. [Voir aussi 356e rapport, cas no 2528, paragr. 1184.]
  11. 672. Troisièmement, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les accusations pénales portées à l’encontre d’Artemio Robilla et Danilo Delegencia ayant donné lieu à leur inculpation pour meurtre étaient fausses et liées à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité note que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a pu noter en 2015 que, selon les indications du gouvernement, les accusations pénales portées à l’encontre d’Artemio Robilla et Danilo Delegencia faisaient l’objet d’une nouvelle enquête. Toujours selon le gouvernement, le ministère du Travail et de l’Emploi (DOLE) et le ministère de la Justice ont publié conjointement la circulaire no 1 15 pour clarifier les dispositions des Directives conjointes DOLE DILG PNP DND AFP sur le comportement des AFP et de la police nationale des Philippines (PNP) eu égard à l’exercice des droits des travailleurs à la liberté syndicale, à la négociation collective, aux actions concertées et à d’autres activités syndicales. Ce document précise que, avant l’enregistrement au tribunal d’informations sur des cas relatifs ou liés à un conflit du travail, les procureurs doivent obtenir l’autorisation du DOLE ou du bureau du président et que cette obligation s’applique aux cas relatifs à l’exercice, par les travailleurs, de la liberté syndicale, de la négociation collective et d’autres activités syndicales. Le comité accueille favorablement cette initiative du gouvernement de fournir des garanties contre les fausses accusations pénales à l’encontre de syndicalistes et d’éviter la détention de travailleurs en raison de leurs activités syndicales. S’agissant de l’allégation concrète relative aux deux dirigeants syndicaux, le comité n’est pas en mesure de déterminer, sur la base des informations qui lui ont été présentées, si ces cas concernent des activités syndicales, et il prie le gouvernement de lui fournir des informations complémentaires aussi précises que possible concernant les procédures juridiques ou judiciaires engagées à la suite de ces accusations et le résultat de ces procédures.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 673. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité déplore que, malgré le temps écoulé depuis la soumission de la plainte, le gouvernement n’ait pas répondu aux allégations du plaignant, et ce même si la demande lui a été faite à plusieurs reprises, notamment par voie d’appel pressant, de présenter ses commentaires et observations sur cette affaire. Le comité prie instamment le gouvernement de transmettre sans délai ses observations concernant les allégations du plaignant.
    • b) En ce qui concerne les actes allégués de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de plusieurs responsables syndicaux dans la région du Mindanao méridional, en particulier dans la Compostela Valley et à Davao, le comité:
      • i) prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la sécurité de Vicente Barrios, de Perlita Milallos et des autres responsables syndicaux susmentionnés victimes de harcèlement et pour assurer à l’avenir le respect des principes énoncés dans ses conclusions;
      • ii) rappelant que, dans le cadre du cas no 2528, des allégations de harcèlement et d’intimidation avaient été soumises à l’organe de surveillance du Conseil tripartite national pour la paix sociale (NTIPC) pour examen et recommandations, prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer l’instruction et le règlement complets et rapides des affaires portant sur les actuels actes allégués de harcèlement et d’intimidation de dirigeants syndicaux et syndicalistes affiliés au KMU;
      • iii) prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires à l’avenir pour garantir le respect des principes énoncés dans ses conclusions et s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la remise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, pour assurer le strict respect des garanties de procédure dans le cadre de toutes opérations de surveillance ou d’interrogatoires par l’armée ou la police, de manière à garantir que les droits légitimes des organisations de travailleurs peuvent s’exercer dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes;
      • iv) en ce qui concerne l’inscription alléguée de syndicalistes dans ce qui est connu sous le nom d’«ordre de bataille», prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises en vue de supprimer les listes d’«ordre de bataille» susceptibles d’entraîner la perpétration d’actes de violence contre les syndicalistes sur la base de leur prétendue idéologie.
    • c) Pour ce qui est de la présence alléguée de militaires à l’intérieur et aux alentours du lieu de travail, le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne les mesures d’accompagnement nécessaires, y compris la mise en circulation d’instructions appropriées de haut niveau, pour mettre un terme à la présence prolongée de l’armée sur les lieux de travail, ce qui est susceptible d’avoir un effet d’intimidation sur les travailleurs souhaitant s’engager dans des activités syndicales légitimes et de créer une atmosphère de méfiance difficilement compatible avec des relations professionnelles harmonieuses.
    • d) En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les accusations pénales portées à l’encontre d’Artemio Robilla et Danilo Delegencia étaient fausses et liées à l’exercice de leurs activités syndicales légitimes, le comité n’est pas en mesure de déterminer, sur la base des informations qui lui ont été présentées, si ces cas concernent des activités syndicales, et il prie le gouvernement de lui fournir des informations complémentaires aussi précises que possible concernant les procédures juridiques ou judiciaires engagées à la suite de ces accusations et le résultat de ces procédures.
    • e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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