Allégations: L’organisation plaignante allègue que le gouvernement est intervenu dans la négociation collective dans le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec par l’imposition de l’arbitrage obligatoire, restreignant ainsi le droit de grève et le droit à la négociation collective
- 506. La plainte figure dans une communication en date du 17 avril 2015 émanant d’Industri Energi (IE).
- 507. Le gouvernement de la Norvège a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 7 mars 2016.
- 508. La Norvège a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 509. Dans sa communication en date du 17 avril 2015, l’organisation plaignante, IE, explique qu’elle est affiliée à la Confédération norvégienne des syndicats (LO) et qu’elle organise les salariés des industries pétrochimiques norvégiennes. La majorité des salariés de ces secteurs industriels sont représentés par l’IE.
- 510. L’IE allègue que, le 21 janvier 2014, eu égard à l’accord salarial de 2014, elle a mis fin à sa «convention collective pour le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec (convention no 105)» avec l’organisation d’employeurs, la Fédération norvégienne des industries (NHO). La convention arrivait à échéance le 30 avril 2014. Les négociations en vue de la nouvelle convention collective ont débuté le 16 juin 2014, mais ont été rompues dès le 17 juin 2014. Après l’échec des négociations, le 20 juin 2014, l’IE a émis un préavis d’arrêt de travail collectif pour tous les membres couverts par la convention collective, puis un avis de démission collective le 29 août 2014 pour 200 membres répartis entre 17 entreprises. La médiation a commencé le 3 septembre 2014 pour se terminer à l’aube du 5 septembre 2014 sans que les parties ne soient parvenues à un accord. Une grève a alors été entamée au début du jour ouvrable le 5 septembre 2014.
- 511. Comme certaines entreprises touchées par la grève fournissent des services de blanchisserie dans le secteur de la santé, la question s’est rapidement posée de savoir si la grève, dans le pire des scénarios, pouvait mettre en danger la vie et la santé de la population, les hôpitaux entre autres n’étant plus approvisionnés en linge propre.
- 512. L’organisation plaignante explique que, au sein de la Confédération du commerce et de l’industrie de Norvège, il est de tradition, en temps de grève, de charger des comités multipartites de traiter les demandes de dispense d’entreprises concernant une activité qui serait normalement touchée par la grève, mais qui, dans l’intérêt général, devrait en être exemptée partiellement ou intégralement. Pour améliorer la situation dans les établissements de santé, l’IE était disposée, comme lors de grèves antérieures, à accorder des dispenses aux blanchisseries et nettoyeurs à sec pour que les établissements de santé continuent d’être approvisionnés en linge propre. Plusieurs demandes d’une telle dispense ont également été reçues lors de la période suivant l’émission de l’avis de démission collective. L’organisation plaignante fournit une liste de neuf demandes. Selon l’organisation plaignante, et comme l’indique la liste, la NHO a rejeté toutes les demandes, à l’exception de deux pour lesquelles elle a réclamé un complément d’information.
- 513. L’organisation plaignante fournit copie d’une lettre en date du 9 septembre 2014 adressée au ministère de la Santé et des Services sociaux dans laquelle l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux indique que «le risque était alors nettement plus élevé pour les situations susceptibles de mettre en danger la vie et la santé» et que, selon les informations reçues, «la Fédération des industries norvégiennes n’était pas favorable au recours au mécanisme de dispense afin d’éviter de telles situations». L’IE précise que le ministre du Travail et des Affaires sociales a reçu un message de l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux indiquant qu’une grève prolongée sèmerait la confusion et l’incertitude dans les établissements de santé et les maisons de retraite dans les comtés de Rogaland, de Vest-Agder et de Nord-Trondelag, ce qui constituerait un risque pour la vie et la santé. Le ministre, ayant entendu les parties en présence, a noté qu’il n’y avait aucune possibilité de parvenir à un accord, la partie patronale refusant de modifier sa position sur l’approbation des demandes de dispense. Le ministre a prévenu que, dans ces conditions, le conflit serait réglé par voie d’arbitrage obligatoire. Le 19 septembre 2014, le cabinet a adopté une résolution à cet effet.
- 514. L’IE cite les paragraphes suivants du décret royal imposant l’arbitrage obligatoire, dans lequel le gouvernement expose les motifs de cette intervention:
- Le ministère du Travail et des Affaires sociales croit comprendre, d’après l’évaluation de l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux selon laquelle la situation serait dans une impasse, que, au nom de la santé et de la sécurité, le conflit du travail entre Industri Energi et la Fédération des industries norvégiennes doit être résolu sans qu’il n’y ait d’autres actions collectives.
- La Norvège a ratifié un certain nombre de conventions de l’OIT qui garantissent le respect du droit syndical et du droit de grève (conventions nos 87, 98 et 154). Selon l’interprétation de ces conventions faite par des organes de l’OIT, de strictes exigences sont imposées pour limiter le droit de grève, mais une telle intervention est néanmoins possible si la grève met en danger, dans l’ensemble ou dans une grande partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. Le paragraphe 6(4) de la Charte sociale du Conseil de l’Europe contient une disposition équivalente qui protège le droit de grève. Toutefois, l’article 6 doit être lu conjointement avec l’article G, qui autorise des restrictions à l’exercice de ce droit prescrites par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique pour garantir le respect des droits et libertés d’autrui ou pour protéger l’ordre public, la sécurité nationale, la santé publique ou les bonnes mœurs.
- Le ministère du Travail et des Affaires sociales estime qu’une décision de recourir à l’arbitrage obligatoire dans le présent conflit du travail s’inscrit dans le cadre des conventions que la Norvège a ratifiées. S’il est établi qu’il y a une contradiction entre des conventions internationales et le recours par la Norvège à l’arbitrage obligatoire, le ministère du Travail et des Affaires sociales est néanmoins convaincu de la nécessité d’intervenir dans ce conflit.
- 515. L’IE affirme que les employeurs impliqués dans le conflit perturbent le rapport des forces dans une action collective légitime en refusant de traiter des demandes de dispense. L’organisation plaignante ajoute que, ce faisant, les employeurs ont risqué la vie et la santé d’autrui, et l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux s’est vue obligée de signaler l’existence d’un risque pour la vie et la santé. Le conflit du travail a donc pris fin le 10 septembre 2014. Le Conseil national des salaires a rendu sa décision sur le conflit le 9 décembre 2014 et a fixé les conditions de la nouvelle convention collective salariale.
- 516. L’IE explique que le droit du travail norvégien reconnaît le droit syndical, le droit de négocier des conventions collectives et le droit de grève. Pour les salariés du secteur privé, les procédures de négociation collective sont énoncées dans la loi no 1 du 5 mai 1927 concernant les conflits du travail, qui contient les règles régissant notamment les préavis d’arrêt collectif de travail, la médiation obligatoire et l’obligation de paix sociale. Lorsqu’elles entament des négociations salariales collectives, les parties ont le droit d’engager une action revendicative en conformité avec la procédure établie, laquelle, selon l’IE, a été observée en l’espèce. L’IE ajoute que, conformément à cette loi, les syndicats ont l’obligation de maintenir la paix sociale pendant la négociation d’une convention collective jusqu’au recours à la médiation obligatoire. Si la médiation échoue, l’une ou l’autre des parties est en droit d’engager une action collective comme une grève, un lock-out ou un autre moyen pour forcer la partie adverse à négocier une convention collective. L’organisation plaignante affirme que, en l’espèce, en optant pour l’arbitrage obligatoire, les autorités ont empêché le recours à une action collective légitime. Elle indique en outre que la Norvège n’a pas de dispositions législatives permanentes relatives à l’arbitrage obligatoire: le recours à une telle mesure doit être adopté au cas par cas dans le cadre d’une ordonnance provisoire ou d’une loi.
- 517. L’organisation plaignante souligne qu’elle ne conteste pas l’évaluation de la situation faite par l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux: tant que l’employeur refuserait d’acheminer les demandes de dispense reçues, qu’un service minimal ne serait pas mis en place et que les blanchisseries disponibles en situation d’urgence ne seraient pas appelées en renfort, il y aurait un risque grave pour la vie et la santé de la population. Toutefois, l’IE estime qu’il s’agissait là d’une action délibérée et calculée de la part des employeurs, qui ne peut être considéré autrement qu’une «demande» d’arbitrage obligatoire adressée au gouvernement. Les autorités ont presque immédiatement «accueilli» cette «demande» par leur décision de mettre fin à la grève par voie de recours à l’arbitrage obligatoire. L’IE souligne que la question est alors de savoir si le gouvernement est obligé de faire en sorte que les employeurs ne puissent mettre en danger la vie et la santé dans un conflit du travail en dehors des «services essentiels» pour éviter d’avoir à recourir à l’arbitrage obligatoire.
- 518. L’IE souligne que le comité a examiné à maintes reprises la question du recours à l’arbitrage obligatoire dans les conflits du travail en Norvège en soutenant que le recours à l’arbitrage obligatoire ne peut être autorisé qu’aux conditions suivantes: 1) les parties elles-mêmes l’ont demandé; 2) le conflit du travail implique des services publics dans lesquels des fonctionnaires agissent au nom de l’Etat; 3) le conflit concerne des «services essentiels» au sens strict du terme, c’est-à-dire des services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne.
- 519. L’organisation plaignante considère que le fait que les conséquences d’une grève donnée, au sein d’un service ou d’une entreprise qui n’est pas jugé «essentiel», posent un risque pour la vie et la santé, ne signifie pas que le service ou l’entreprise sera jugé «essentiel» en soi. Elle souligne que le comité n’a pas examiné d’autres cas dans lesquels le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec était considéré comme étant un «service essentiel» au sens strict du terme. Elle en conclut que le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec ne devrait pas être considéré comme étant un «service essentiel» et que le droit de grève des travailleurs de ce secteur ne devrait donc pas être totalement limité.
- 520. Selon l’organisation plaignante, le droit norvégien prévoit le recours à un mécanisme de dispense multipartite avec l’accord des parties. En général, l’employeur n’est obligé ni de demander de dispenses ni de les utiliser. Néanmoins, le recours aux dispenses est, depuis longtemps, et jusqu’au présent cas, pratique courante en période de grève. Le mécanisme de dispense est probablement l’instrument le plus important que les parties puissent utiliser pour éviter de mettre la vie et la santé d’autrui en danger pendant une action collective. L’IE soutient que, si l’une des parties veut, d’entrée de jeu, mettre en danger la vie et la santé de la population en refusant des dispenses, le recours à l’arbitrage obligatoire s’ensuivra. Le droit de grève s’en trouve affaibli, avec les conséquences directes qui en résultent pour le droit d’association. Le contrôle du mécanisme de dispense fournit des occasions de manœuvrer pour imposer l’arbitrage obligatoire d’un conflit du travail. L’IE indique que, dans le secteur de la santé, des dispenses se sont avérées nécessaires en vue du maintien des activités pendant une action collective. L’obligation prescrite par la loi d’observer le principe de précaution dans les services de santé s’applique toujours pendant une grève, mais, dans la plupart des cas, la responsabilité personnelle des grévistes n’est plus engagée. L’employeur a à sa disposition une série d’instruments pour observer le principe de précaution dans les services de santé, même pendant une grève. Toutefois, les dispenses sont également utilisées dans des secteurs autres que celui de la santé. Dans le secteur des transports, par exemple, il est normal d’accorder des dispenses pour le transport de médicaments vitaux.
- 521. L’IE indique que, dans la décision du Conseil national des salaires en date du 9 décembre 2014, la NHO décrit la situation en ces termes:
- Lors de la médiation, la Fédération des industries norvégiennes a indiqué que les salariés en grève de l’IE pouvaient causer des problèmes aux fournisseurs des maisons de retraite et des hôpitaux de Levanger et Stavanger. Sur les 16 entreprises touchées par le préavis d’arrêt de travail collectif et de démission collective, la Fédération des industries norvégiennes a reçu une demande de dispense de la part de neuf entreprises au total.
- Des critères stricts doivent être respectés pour accorder une demande de dispense, et plusieurs des demandes reçues ne contenaient pas suffisamment d’informations pour prendre une décision éclairée quant au critère relatif au risque pour la vie et la santé. En outre, plusieurs des demandes étaient formulées en termes assez généraux, sans précisions, ce qui compliquait leur évaluation pour la Fédération des industries norvégiennes. Il était absolument nécessaire d’obtenir plus d’informations concernant les fonctions affectées par la grève et les motifs de la dispense demandée pour pouvoir prendre une décision.
- 522. L’organisation plaignante soutient, toutefois, que le directeur général de la NHO a clairement formulé la véritable raison pour laquelle l’organisation d’employeurs a refusé la dispense en ces termes (tel que publié sur le site Web d’un diffuseur norvégien):
- Toutefois, outre le conflit du travail, un désaccord de fond subsiste entre les parties concernant la façon dont la grève est menée. En effet, la Fédération norvégienne des industries ne souhaite pas octroyer de dispenses aux salariés en grève, même si un risque pour la vie et la santé pourrait se poser à l’Hôpital universitaire de Stavanger. Nous rejetons les demandes de dispense reçues parce que nous ne saurions tolérer une grève dans laquelle Industri Energi spécule, pour ainsi dire, sur les dispenses. Ils mettent les gens en grève, puis ils se font accorder une dispense; c’est une situation sans issue.
- Mais qu’en est-il si les autorités déclarent qu’il y a un risque pour la vie et la santé?
- Si cela arrive, nous croyons que l’Etat doit intervenir par voie d’arbitrage obligatoire. C’est pourquoi nous avons un mécanisme appelé arbitrage obligatoire.
- L’IE soutient que la «situation sans issue» qu’évoque le directeur général de la NHO révèle en fait la volonté du syndicat d’instaurer une pratique permettant d’éviter de mettre en péril la vie et la santé de la population.
- 523. Dans ce contexte, l’organisation plaignante plaide en faveur d’un fondement législatif autorisant des services minima afin d’assurer l’approvisionnement en biens et services dans le secteur de la santé ou tout autre secteur et de faire en sorte que le droit de grève ne soit pas compromis par des actions ou des omissions de la part de l’employeur qui engendrent des situations mettant en péril la vie et la santé de la population. L’organisation plaignante souligne que les autorités norvégiennes n’ont pas, malgré les recommandations répétées de l’Organisation internationale du Travail (OIT), établi de mécanismes pour la prestation de services minima dans les cas qui échappent à la définition de «services essentiels», mais où l’action collective peut porter atteinte à d’importants intérêts publics ou mettre en danger la vie et la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. L’IE poursuit en disant que la Norvège a négligé les obligations qui lui incombent en vertu des conventions nos 87 et 98 en ne mettant pas en place les mécanismes qui permettraient à l’Etat de limiter les effets d’une action collective dans des cas où la vie ou la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population risque d’être compromise, sans restreindre le droit de grève.
- 524. L’organisation plaignante rappelle que le comité a recommandé à plusieurs reprises la mise en place d’un système légal pour la détermination de services minima, qui peut être une solution de remplacement avantageuse dans les situations où une restriction totale du droit de grève serait contre-indiquée. L’organisation plaignante soutient que, au lieu de priver les salariés du droit de grève, l’Etat devrait faire en sorte que l’entreprise fournisse des services suffisants dans des secteurs où une action collective peut compromettre la vie et la santé d’autrui. Un service minimum peut servir les intérêts de toutes les parties concernées, en protégeant à la fois la vie et la santé d’autrui, et le droit de grève. L’organisation plaignante ajoute qu’il est important que des dispositions concernant les services minima soient énoncées en termes clairs et simples, que ces dispositions soient observées à la lettre et qu’elles soient communiquées aux parties concernées bien avant une action collective.
- 525. A cet égard, l’IE renvoie au Recueil de décisions du comité et fait valoir des cas où le comité a estimé que des services opérationnels minima pouvaient être fournis, lesquels, selon l’interprétation de l’organisation plaignante, incluent un service de transbordeurs, les ports, les transports métropolitains, le transport de voyageurs et de marchandises, les services postaux, le service de ramassage des ordures ménagères, l’institut monétaire, les services bancaires, les services du secteur pétrolier, les services d’enseignement et les services de santé animale.
- 526. L’organisation plaignante soutient que, comme il est indiqué plus haut, le comité a déjà recommandé au gouvernement l’adoption d’un tel mécanisme dans le cas no 3038 [372e rapport]:
- b) Regrettant que, malgré les recommandations à cet égard que le comité a déjà faites à plusieurs occasions, le gouvernement n’ait pas négocié un service minimum dans le secteur avec les parties concernées, et convaincu que de procéder de la sorte à l’avenir serait plus propice à des relations professionnelles harmonieuses dans le secteur du pétrole et du gaz, le comité encourage le gouvernement à examiner la possibilité de mettre en place un service minimum dans ce secteur en cas d’action collective dont la portée et la durée pourraient entraîner des dommages irréversibles; à cet égard, il conviendrait que les organisations syndicales puissent participer, dans une mesure égale à celle des employeurs et des pouvoirs publics, à la définition du service minimum, et que tout désaccord quant au nombre et aux obligations des travailleurs intéressés soit soumis à l’appréciation d’un organe indépendant.
- 527. L’IE ajoute que, dans le cas no 2484 [voir 344e rapport], les autorités norvégiennes ont indiqué que les accords concernant de tels services minima devraient être conclus entre les parties avant et non pendant un conflit, ce à quoi le comité a répondu en ces termes:
- 1094. (…) Tout en notant la préoccupation du gouvernement que la décision relative à la fourniture d’un service minimum aurait dû être prise par les parties concernées, le comité considère que, en l’absence de tout accord sur ce point entre les parties, un organe indépendant aurait pu être mis sur pied afin d’imposer un service minimum suffisant pour répondre aux préoccupations du gouvernement en matière de sécurité, tout en préservant le respect des principes du droit de grève et du caractère volontaire de la négociation collective. Même si le comité considère que, idéalement, un service minimum devrait être négocié par les parties concernées, de préférence avant l’apparition d’un conflit, il a considéré que les désaccords concernant le nombre et la nature du service minimum pouvaient être réglés par un organe indépendant, et reconnaît que le service minimum à fournir dans les cas où la nécessité ne s’en fait sentir qu’après une longue grève ne peut être mis en place durant le conflit. Le comité prie le gouvernement de veiller à l’avenir à ce que, lorsque la durée prolongée d’une grève risque de mettre en danger la santé et la sécurité publiques, il soit considéré de faire appel à la négociation ou à la mise en place d’un service de maintenance minimum plutôt que d’interdire catégoriquement une grève par l’imposition d’un arbitrage obligatoire.
- 528. Concernant la marche à suivre pour établir un tel mécanisme, l’organisation plaignante renvoie aux paragraphes pertinents du Recueil de décisions du comité.
- 529. Concernant la question de la mise en place, l’organisation plaignante explique que les mécanismes comme les services minima ne sont pas sans précédent en Norvège et peuvent être adoptés d’un commun accord à l’échelle locale ou établis par la loi pour certains secteurs. Par exemple, l’article 3-3 de l’accord de base conclu entre la LO et la NHO permet à un employeur de négocier un accord local concernant les mesures à prendre pour éviter de mettre en danger la vie et la santé et de causer des dommages importants (l’organisation plaignante souligne, cependant, que cette disposition est limitée à toutes fins pratiques à la situation propre à une entreprise et ne concerne pas les effets d’un conflit sur un tiers). Dans le secteur pétrolier, deux règlements s’appliquent à cette question: les installations mobiles (plates-formes, navires de forage, etc.) sont régies par le règlement relatif aux équipages des installations mobiles adopté en vertu de la loi sur la sûreté et la sécurité des navires; les activités pétrolières offshore sont, en général, assujetties au règlement relatif à la santé, la sécurité et l’environnement dans l’industrie pétrolière et dans certaines installations offshore. Les deux règlements donnent des exemples de service minimum à assurer pendant une action collective. Ces règlements comportent des dispositions concernant la sûreté, des plans de dotation de sécurité, le milieu de travail, la santé, l’environnement extérieur et les actifs financiers en cours de fonctionnement et pendant une action collective, et offrent une perspective différente du service minimum traditionnel qui vise à s’assurer qu’une grève ne met pas en danger la vie ou la santé d’autrui.
- 530. L’IE analyse le rôle de l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux et indique que sa raison d’être est de veiller à ce que les établissements de santé fournissent les services requis et que ces services soient conformes au principe de précaution. Selon l’IE, l’agence reconnaît que la grève est un instrument légitime en vertu du droit international. Dans l’exercice de sa fonction de contrôle, qui au fil du temps se fait de plus en plus de façon indépendante des parties au conflit, l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux maintient le dialogue avec les parties et évalue la prudence des activités. L’agence intervient et, si elle le juge nécessaire, ordonne à l’établissement de santé de remédier à tout manquement. Si l’agence croit à l’existence d’un danger clair et immédiat pour la vie et la santé de la personne, elle en avertit le ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans de tels cas, l’organisation plaignante soutient que les autorités devraient avoir leur mot à dire concernant le recours aux dispenses sans avoir à intervenir par voie d’arbitrage obligatoire en vue de mettre fin à la grève.
- 531. En outre, l’IE indique que le rôle de l’agence est également mis en évidence dans le rapport Fafo (fondation de recherche) publié en 2013 sur la grève de 2012 des agents de sécurité.
- L’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux interviendra toujours dans un conflit du travail si celui-ci met en danger la vie et la santé d’autrui. Lorsqu’une négociation salariale aboutit à une médiation et qu’il y a un risque qu’une grève perturbe des fonctions essentielles de la société, l’Agence de la santé et des services sociaux communique avec les parties pour savoir si elles ont prévu des procédures de sécurité pour parer aux situations susceptibles de se produire pendant une grève. Lorsqu’elles rencontrent l’agence, les parties doivent rendre compte de leurs procédures, y compris pour le traitement des dispenses, et des mesures éventuelles qu’elles ont prévues pour éviter les situations dangereuses. L’Union générale des travailleurs norvégiens était en contact avec l’Agence de la santé et des services sociaux avant que les agents de sécurité ne se mettent en grève et a rendu compte des procédures de l’union. L’Agence de la santé et des services sociaux peut intervenir directement auprès des établissements de santé lorsqu’il existe un danger pour la vie et la santé d’autrui. Concernant d’autres types d’institutions qui, d’une manière ou d’une autre, sont touchées par une grève, la mission de l’Agence de la santé et des services sociaux est de surveiller la situation, de recevoir d’éventuels rapports des parties prenantes et des cabinets médicaux des comtés locaux, et de les transmettre au ministère de la Santé et des Services sociaux dont elle relève. Lorsque l’Agence de la santé et des services sociaux estime que la situation présente un risque pour la vie et la santé d’autrui, elle en avise immédiatement le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère du Travail et de l’Inclusion sociale. Le ministre du Travail et des Affaires sociales détermine alors si le rapport justifie le recours à l’arbitrage obligatoire.
- 532. Compte tenu de ce qui précède, l’IE demande si l’on peut affirmer que l’Agence de la santé et des services sociaux a l’obligation – dans son domaine de compétence – de veiller à ce que les parties à un conflit du travail agissent d’une manière qui ne mette pas en danger la vie et la santé de la population. Si la réponse à cette question est négative, devrait-elle avoir cette obligation? L’IE soutient qu’une telle obligation est théoriquement justifiée au nom du principe de précaution qui exige les services minima précités, mais aussi au nom du devoir de la Norvège de veiller à ce que le droit de grève demeure une réalité.
- 533. Par ailleurs, l’organisation plaignante constate que le paragraphe 1-3(2) de la loi sur l’état de préparation du secteur de la santé contient le fondement juridique justifiant le maintien des services et d’autres avantages en situation de crise. Le ministère peut prendre des dispositions complémentaires stipulant que la loi s’applique aux entreprises qui fournissent aux secteurs de la santé et des services sociaux le matériel, les équipements et les services essentiels dont ils ont besoin. Selon l’IE, la législation nationale prescrit donc une norme minimale à respecter. La loi sur l’état de préparation du secteur de la santé contient des dispositions prévoyant les modalités d’application de cette norme. Autrement dit, selon l’IE, les occasions d’établir des services minima dans le secteur de la santé ne manquent pas.
- 534. L’organisation plaignante soutient que les autorités devraient établir une base juridique générale pour que des services minima permettent d’éviter les situations mettant en danger la vie ou la santé d’autrui dans les actions collectives. L’organe de contrôle compétent pourrait imposer un service minimum obligatoire en cas de grève susceptible, du fait de sa durée et sa portée, de présenter un danger pour la vie et la santé. Les services minima doivent, cependant, être limités à ce qui est strictement nécessaire pour éviter les situations susceptibles de présenter un danger pour la vie et la santé. Les organisations d’employeurs et de travailleurs seraient invitées à travailler avec les autorités à la définition du besoin, de la portée et de la mise en œuvre pratique d’un tel système. L’organisation plaignante allègue que, si les autorités norvégiennes avaient établi un système où les parties pouvaient déterminer ensemble le service minimum à maintenir en cas de grève dans le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec, la vie et la santé de la population n’auraient pu être mises en danger et le droit de grève aurait pu être exercé.
- 535. En outre, l’IE souligne que les établissements de santé ne se sont pas prévalus des «accords de services auxiliaires en blanchisserie» qui auraient pu remplacer certaines des entreprises touchées par la grève, éliminant ainsi tout ou partie du risque éventuel pour la vie ou la santé. Les accords de services de blanchisserie auxiliaires sont devenus pratique courante entre services de blanchisserie/nettoyage à sec, particulièrement ceux qui approvisionnent le secteur de la santé. Un accord de service de blanchisserie auxiliaire est, en bref, une entente mutuelle de soutien à la production conclue entre plusieurs blanchisseries dans l’éventualité d’un défaut de fonctionnement des machines, d’une panne d’électricité, d’un incendie ou d’un besoin d’aide immédiate ou à long terme. Lorsqu’il y a lieu, les entreprises de renfort s’acquittent des obligations de la partie touchée. En 2011, l’Organisation norvégienne responsable de la qualité des services de blanchisserie (NVK) a rédigé une norme pour les services de blanchisserie travaillant pour les établissements de santé. La norme est désormais obligatoire dans la plupart des appels d’offres pour les services de blanchisserie dans le secteur de la santé. De ce fait, presque toutes les entreprises soumissionnaires pour des services de blanchisserie dans des établissements de santé sont membres de la NVK, et l’une des exigences requises pour être membre de la NVK est d’avoir signé un accord de service de blanchisserie auxiliaire. Toutes les entreprises de blanchisserie qui ont demandé une dispense lors de la grève étaient membres de la NVK et avaient donc signé un accord de service de blanchisserie auxiliaire. Dans ce contexte, l’organisation plaignante se demande si les autorités devraient avoir l’obligation, ou l’autorisation, d’ordonner à une entreprise de blanchisserie de se prévaloir de son accord de service auxiliaire si elle risque de mettre en danger la vie ou la santé d’autrui en ne le faisant pas.
- 536. L’organisation plaignante fait valoir que la procédure de déclaration de grève comporte une faille majeure concernant un secteur où la santé ou la vie de la population pourrait être compromise, faille qui constitue une autre entrave à l’exercice du droit de grève. La législation actuelle de la Norvège stipule que le préavis d’arrêt de travail collectif constitue le cadre par lequel des salariés peuvent légalement participer à une grève ou à un lock-out. Tous les salariés concernés par le préavis d’arrêt de travail collectif doivent être pris en compte dans la grève ou le lock-out concerné, sauf si les parties en ont décidé autrement. Le préavis d’arrêt de travail collectif a donc force obligatoire dès son émission. Un préavis d’arrêt de travail collectif indique la portée et le moment de l’action collective. Une partie ne peut se retirer unilatéralement ni appliquer partiellement le préavis d’arrêt de travail collectif sans l’approbation de l’autre partie. Aucune des parties ne peut changer unilatéralement les conséquences d’un préavis d’arrêt de travail collectif dûment émis.
- 537. La plupart des parties à un conflit du travail s’entendent sur une pratique établie qui consiste à faire suivre le préavis d’arrêt de travail collectif, à une date ultérieure, d’un avis définitif de démission collective. Cet avis fixe le moment de l’arrêt de travail et indique quels sont les salariés et les entreprises concernés par l’action collective. A l’heure actuelle, les avis de démission collective ne sont pas régis par la loi. Ce système est généralement équilibré et fonctionnel, mais il ne tient pas compte des situations dans lesquelles la vie et la santé de la population pourraient être compromises et ne prévoit aucun mécanisme de prévention à cet égard. Il s’agit d’une faiblesse fondamentale et intrinsèque du système. Du point de vue de la procédure, des règlements devraient être prévus pour donner aux parties la possibilité d’adapter le contenu et la portée des actions collectives engagées lorsque celles-ci, de par leur évolution, risquent de compromettre la vie et la santé d’autrui.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 538. Dans sa communication en date du 7 mars 2016, le gouvernement rappelle que le conflit est survenu lors de la révision d’un accord entre l’IE et la NHO pour les blanchisseries et les nettoyeurs à sec, en rapport à la convention salariale collective de 2014. Après la rupture des négociations, le Médiateur national a émis, le 23 juin 2014, une interdiction temporaire de tout arrêt de travail et a convoqué les parties à la médiation à la fin de l’été. Le 29 août, la partie syndicale a exigé l’abandon de la médiation et a annoncé un arrêt de travail collectif pour 190 membres. Le médiateur a alors disposé de quatre jours pour amener les parties à conclure un accord. Le 5 septembre, la médiation a pris fin sans avoir abouti. Le même jour, l’IE a entamé la grève annoncée.
- 539. Le gouvernement explique que la grève concernait les salariés de 15 entreprises de blanchisserie et de nettoyage à sec, principalement à Bergen, Stavanger et Trondheim. La plupart des blanchisseries et nettoyeurs à sec concernés par la grève fournissaient des services à des entreprises privées. Certains établissements de santé figuraient parmi les clients affectés. Le gouvernement souligne que la grève a rapidement entraîné des difficultés à l’Hôpital universitaire de Stavanger et dans deux maisons de retraite à Kristiansand. Les autorités du secteur de la santé ont suivi la situation dans les établissements de santé. Au soir du 9 septembre 2014, l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux a fait savoir au ministère de la Santé et des Services sociaux que le risque pour la vie et la santé était assez élevé. Les maisons de retraite et établissements de santé des comtés de Rogaland, Vest Agder et Nord-Trondelag ont indiqué que la situation était telle qu’elle mettrait bientôt en danger la vie et la santé. Il a également été rapporté que la NHO refusait de recourir au système de dispense pour éviter ce genre de situation.
- 540. Le gouvernement indique qu’une pénurie de vêtements de travail ou de linge pour patients aurait obligé les établissements de santé à prendre des dispositions pour limiter leurs activités au nom du principe de précaution. Les activités dans les hôpitaux auraient dû être transférées dans d’autres installations qui n’étaient pas touchées par le conflit en cours. Des patients transférés dans d’autres établissements n’ayant pas les équipements médicaux nécessaires auraient dû interrompre leur traitement. D’autres patients auraient dû être renvoyés chez eux avant la fin de leur traitement. Le déplacement de patients aurait entraîné des retards dans les examens et les traitements et surchargé les services d’ambulance. La capacité de santé d’urgence s’en serait trouvée réduite d’autant. Les salles d’urgence et la capacité d’accueil des hôpitaux auraient également été affectées.
- 541. Bien que l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux n’ait pas reçu de rapports sur des situations données où la vie et la santé d’autrui avaient été mises en danger, elle a estimé que la situation était difficile à suivre et imprévisible. En effet, l’incertitude régnait non seulement quant aux conséquences des mesures mises en œuvre par le service de santé pour préserver les activités, mais également sur la question de savoir quand les entreprises reprendraient leurs services de blanchisserie et les établissements leur fonctionnement normal.
- 542. Entre-temps, selon le gouvernement, la situation entre les parties semblait avoir atteint une impasse. La partie patronale refusait de demander des dispenses, ce qui aurait remédié quelque peu à la situation, notamment à l’Hôpital universitaire de Stavanger. Dans la soirée du 9 septembre 2014, le ministère du Travail et des Affaires sociales a communiqué avec les parties pour savoir si elles pouvaient étudier la possibilité d’une solution au conflit. Les parties n’envisageaient pas une telle possibilité. Dans ce contexte, le ministre a convoqué les parties à une réunion, le 10 septembre 2014. Les deux parties ont confirmé qu’elles ne voyaient aucune possibilité de parvenir à un accord. La partie syndicale a exprimé la volonté d’accueillir des demandes de dispense de la grève, tandis que la partie patronale a refusé de présenter de telles demandes. Compte tenu de ces faits, et du rapport de l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux, le ministre a informé les parties que le gouvernement interviendrait pour proposer que le Conseil national des salaires règle le conflit par voie d’arbitrage obligatoire.
- 543. Le gouvernement fait valoir que le droit à l’action collective n’est pas expressément inscrit dans les conventions nos 87 et 98, mais qu’il découle des principes de la liberté syndicale. Les principes relatifs au droit de grève ont été définis progressivement; et l’OIT soutient que le droit de grève ne saurait être considéré comme un droit absolu, il peut exceptionnellement faire l’objet de restrictions, voire même d’une interdiction générale. Conformément aux normes de l’OIT telles qu’interprétées par ses propres instances, les conséquences d’un conflit du travail peuvent être d’une gravité telle que des interventions ou des restrictions du droit de grève deviennent compatibles avec les principes de la liberté syndicale. Lorsqu’une grève implique des fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique ou fournissant des services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire des services dont l’interruption mettrait en danger tout ou partie de la population, en portant atteinte à la vie, à la sécurité ou à la santé de la personne, l’exercice de ce droit fondamental peut être restreint, voire interdit. D’après l’interprétation de l’OIT, ces effets préjudiciables doivent, en outre, être évidents et imminents.
- 544. Le gouvernement affirme que la Norvège a une longue tradition de négociation collective et de conventions collectives. Le droit d’organisation et le droit de négociation collective sont des éléments fondamentaux du droit norvégien, et ils sont pris en compte dans la législation sous forme de règles et de mécanismes de règlement des différends. Il n’existe aucune restriction juridique quant aux personnes habilitées à constituer des syndicats et des organisations ou à y adhérer, et les autorités ne s’immiscent pas dans la constitution et les règles régissant les syndicats et les organisations et leurs activités. Le droit d’entreprendre une action collective fait partie intégrante du droit à la libre négociation collective. Il n’existe pas d’interdiction frappant les grèves ou les lock-out, sauf dans les forces armées et pour les fonctionnaires de haut rang. Ces groupes jouissent néanmoins du droit d’organisation et du droit de négociation collective. Le rôle des autorités est de créer les conditions permettant aux partenaires sociaux de prendre leurs responsabilités, notamment pour la fixation des salaires dans le cadre de conventions collectives. En Norvège, ce rôle nécessite d’offrir de bonnes solutions en matière de médiation et d’arbitrage pour résoudre des conflits d’intérêts et un tribunal du travail pour résoudre les différends de droit.
- 545. Le gouvernement explique que, pour contrebalancer cette liberté syndicale et de négociation collective illimitée, y compris ce droit à l’action collective, un large consensus s’est dégagé en Norvège selon lequel il appartient en dernier ressort au gouvernement de faire en sorte que les conflits du travail ne causent pas de graves préjudices. S’il estime qu’un conflit peut avoir des effets préjudiciables au point de mettre en danger la vie, la sécurité, la santé de la personne ou des intérêts publics vitaux, le gouvernement soumet un projet de loi au Parlement dans lequel il propose d’interdire la grève ou le lock-out en question et de saisir le Conseil national des salaires du règlement dudit conflit. En dehors de la session du Parlement, ces cas font l’objet d’une ordonnance provisoire (loi provisoire) adoptée par décret royal, comme dans la situation actuelle.
- 546. Le gouvernement insiste sur les efforts qu’il a déployés pour se conformer aux obligations qui lui incombent au titre des conventions. L’interprétation des instruments internationaux doit être un processus vivant, et il y aura toujours des débats à propos des limites de ces obligations lorsqu’il y va de cas concrets. Une action collective est un moyen de faire pression sur la partie adverse. Tout pays reconnaissant le droit d’entreprendre des actions collectives doit supporter les inconvénients et les conséquences préjudiciables que de telles actions occasionnent. Il doit toutefois y avoir des limites à l’ampleur des conséquences que la société doit supporter. En principe, l’OIT le reconnaît en ce qui a trait à des conflits du travail impliquant des fonctionnaires qui agissent au nom de l’Etat et des conflits du travail concernant des «services essentiels» au sens strict du terme.
- 547. Le gouvernement constate que l’IE ne met pas en doute l’évaluation que fait l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux de la situation et admet que, vu les circonstances, il y avait un risque grave pour la vie et la santé. Le gouvernement croit comprendre que, pour l’organisation plaignante, l’intervention dans ce conflit par voie d’arbitrage obligatoire n’est pas en soi le point essentiel de la plainte. L’organisation plaignante estime plutôt que les autorités devraient établir une base juridique générale pour les services minima qui permettront d’éviter les situations mettant en danger la vie ou la santé d’autrui dans les actions collectives. Si rien n’est fait à cet égard, il y a violation des conventions nos 87 et 98, selon l’organisation plaignante.
- 548. Le gouvernement ne considère pas que les Etats Membres soient obligés, en vertu des conventions, d’établir une base juridique générale pour prévoir des services minima dans le cadre d’actions collectives. Le gouvernement soutient que la Norvège a mis en place un système différent et que l’on ne saurait présumer que ce système est moins conforme auxdites conventions ni qu’il pénalise davantage les salariés en cas d’action collective. Ce système n’empêche pas les partenaires sociaux de déclarer ou de mener une action collective, quelles qu’en soient les conséquences.
- 549. Selon le gouvernement, un règlement qui implique une obligation d’instituer des services minima dérogerait au système en vigueur en Norvège depuis des décennies et introduirait un changement radical. Le système d’intervention adopté par le gouvernement et le recours à l’arbitrage obligatoire (adopté par le Parlement) font partie intégrante du modèle norvégien du marché du travail. Le gouvernement explique qu’une obligation de paix sociale strictement réglementée est combinée à un droit à l’action collective assez large aux fins de la conclusion de nouvelles conventions salariales collectives ou de leur renouvellement. Le recours à l’arbitrage obligatoire vient circonscrire le droit à l’action collective lorsqu’il s’avère nécessaire de protéger les services essentiels.
- 550. Le gouvernement ajoute qu’il existe un large consensus entre les partis politiques et entre les partenaires sociaux concernant le système d’intervention dans les actions collectives. Ce système a été évalué périodiquement, et les partenaires sociaux prennent part à ces évaluations. En 2001, un comité officiel réunissant les dirigeants des principales organisations d’employeurs et de travailleurs et quelques experts ont déposé un rapport officiel norvégien. Le comité avait été mandaté pour déterminer si le système de négociation norvégien et le cadre institutionnel dans lequel il s’inscrit fonctionnaient bien dans les secteurs public et privé. Le comité a évalué les pratiques norvégiennes en matière d’intervention des autorités dans les actions collectives et de recours à l’arbitrage obligatoire. En outre, il a évalué la possibilité d’introduire un système de services minima en cours d’action collective. Les évaluations à cet égard n’ont pas donné suite à des propositions précises. Les partenaires sociaux et les experts du comité se sont dits satisfaits, dans l’ensemble, du statu quo.
- 551. Le gouvernement indique qu’un autre comité officiel (Holden III) a déposé son rapport officiel en 2013. Il avait pour mandat d’évaluer la formation des salaires et les défis que cela pouvait représenter pour l’économie norvégienne. Le comité a analysé sous divers angles les processus régissant les conventions salariales collectives, notamment les mécanismes de négociation et de médiation. Les organisations principales étaient toutes représentées au sein du comité. Dans ses conclusions, adoptées à l’unanimité, le comité indique que, concernant la fixation des salaires, le système de négociation fonctionnait bien. La question de l’arbitrage obligatoire n’a pas été prise en compte parce que, selon le gouvernement, les principaux partenaires sociaux n’avaient pas d’objection sérieuse au recours à de telles interventions.
- 552. En outre, le gouvernement indique que les propositions visant à interdire une action collective et à soumettre le conflit à l’arbitrage obligatoire ont toujours été adoptées par une large majorité parlementaire en Norvège. Au cours des dix dernières années, elles ont été adoptées à l’unanimité. C’est pourquoi ce modèle fait l’objet d’un large consensus. L’IE est l’un des 22 syndicats nationaux affiliés à la LO et regroupe 60 000 des 900 000 membres de la LO. Il y a bien d’autres syndicats en Norvège. La position de l’IE ne constitue pas un motif suffisant pour amorcer une réforme aussi radicale du système de négociation collective. Le gouvernement n’a reçu aucun message des huit organisations principales concernées soulignant la nécessité d’un tel changement.
- 553. Le gouvernement explique que le droit à l’action collective a été plus ou moins officialisé au moyen d’une combinaison de lois et de conventions collectives. Le rôle des autorités est de créer les conditions permettant aux partenaires sociaux de prendre en charge la fixation des salaires dans le cadre de conventions collectives. Simultanément, les partenaires sociaux sont censés agir de manière responsable. Le postulat est que les partenaires sociaux se montrent responsables et sont prêts à trouver des solutions à des questions difficiles et à mettre en œuvre ces solutions dans leurs conventions. Les partenaires sociaux sont libres de soumettre la question des services minima à la table de négociation. Ils peuvent étoffer les conventions existantes en la matière ou s’entendre sur de nouvelles conventions et élaborer d’autres procédures pour le règlement des situations de grève difficiles. Une convention à l’échelle d’un secteur peut être «faite sur mesure» en étant adaptée aux besoins des lieux de travail propres à ce secteur. Une convention collective peut même constituer une meilleure base que la législation pour de tels services, du fait de l’expertise des parties et de leur volonté de parvenir à un arrangement. On attend des partenaires sociaux qu’ils soient responsables de la fixation des salaires.
- 554. S’agissant de l’argument de l’organisation plaignante selon lequel, dans les situations où la partie patronale a la haute main sur le système de dispense, les salariés sont, dans une large mesure, privés de leur droit fondamental de grève pour améliorer leurs conditions de travail, le gouvernement souligne que les deux parties sont responsables de la sûreté et de la sécurité de l’action collective. Les syndicats sont les premiers à choisir qui participera à une grève et quels services seront touchés. En vertu de l’article 17 de la loi sur les conflits du travail, une action collective est engagée pour tous les salariés concernés par le préavis d’arrêt de travail collectif, à moins que les parties n’en décident autrement. Conformément à la plupart des conventions collectives, il est permis de limiter le nombre de salariés impliqués dans une action de grève. En Norvège, il est d’usage non de mettre immédiatement en grève tous les membres d’un syndicat concernés par un préavis d’arrêt de travail collectif, mais d’entamer une grève avec un nombre limité de salariés pour en élargir ensuite la portée. En conséquence, les syndicats ont de bonnes possibilités d’engager une action collective visant à éviter l’intervention du gouvernement. La partie syndicale ne saurait entamer une grève sans prendre en considération les conséquences éventuelles et peut donc envisager des demandes de dispense de la part de l’employeur. Le syndicat doit tenir compte de la possibilité que la partie patronale ne soit pas d’accord sur la question de la dispense.
- 555. Le gouvernement souligne que, dans des cas antérieurs, le comité a soutenu qu’une intervention et le recours à l’arbitrage obligatoire pouvaient être autorisés si le conflit du travail concerne des «services essentiels» au sens strict du terme. L’OIT a en général expliqué que le contenu de cette notion dépend dans une large mesure des conditions propres à chaque pays. En outre, il est dit que le concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si une grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. Le comité a également fait valoir une longue liste de services considérés comme étant «essentiels» ainsi qu’une liste de services ne constituant pas des «services essentiels au sens strict du terme». L’organisation plaignante en a fait état et a indiqué que, selon elle, le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec ne devrait pas être considéré comme un «service essentiel». Selon le gouvernement, toutefois, les conséquences d’une action collective, et pas seulement le fait que les salariés fournissent des services essentiels au sens strict du terme, devraient être prises en considération pour décider d’une intervention par voie d’arbitrage obligatoire.
- 556. Le gouvernement souligne que les autorités ne décident pas de l’issue d’un conflit du travail en cas d’intervention par voie d’arbitrage obligatoire. En vertu de l’ordonnance provisoire du 19 septembre 2014, le conflit a été porté devant le Conseil national des salaires, un organe d’arbitrage volontaire permanent institué en vertu de la loi relative au Conseil national des salaires de 2012. Le conseil se compose de neuf membres dont cinq sont nommés par le gouvernement pour une période de trois ans. Trois des membres permanents sont neutres, c’est-à-dire indépendants du gouvernement et des organisations d’employeurs et de travailleurs. Deux membres représentent les intérêts des employeurs; et deux membres, ceux des travailleurs. Toutefois, ces derniers agissent davantage en qualité de conseillers et n’ont pas le droit de vote. Les parties à un conflit désignent chacune deux membres du conseil. Seul un des membres représentant chaque partie et les trois membres neutres sont appelés à voter. Par ailleurs, le conseil n’est pas lié par la politique gouvernementale. Il prend ses décisions de façon indépendante, en toute liberté, concernant les conflits dont il est saisi.
- 557. Le gouvernement transmet une communication de la NHO datée du 23 décembre 2015. Cette dernière considère que, dans le cadre législatif existant, les syndicats prennent à eux seuls toutes les décisions relatives à la grève, y compris concernant les entreprises qui seront touchées par la grève et les salariés qui y participeront, et soutient qu’il incombe uniquement aux syndicats de garder à l’esprit les risques éventuels pour la santé et la sécurité.
- 558. La NHO rappelle que les employeurs au sein de l’OIT ont toujours estimé que le droit de grève n’est pas inscrit dans la convention no 87. A cet égard, à compter de février 2015 (déclaration conjointe), les mandants de l’OIT sont convenus de ne pas être d’accord. La déclaration conjointe ne reconnaît pas que le droit de grève entre dans le champ d’application de la convention no 87 ni ne légitime les interprétations larges du comité d’experts sur la question.
- 559. La NHO indique qu’elle n’a pas de préoccupations particulières au sujet de l’usage que fait le gouvernement de l’arbitrage obligatoire dans le cas présent. Elle soutient que la grève était arrangée de manière à mettre en évidence la menace qu’elle représenterait pour la vie et la santé de la population puisque les entreprises touchées étaient d’importantes blanchisseries commerciales travaillant pour des établissements de santé.
- 560. La NHO en conclut qu’elle n’avait aucune obligation de chercher à obtenir des dispenses, étant donné que le système de dispense n’était régi ni par la loi ni par des conventions collectives et que les travailleurs en grève avaient été choisis délibérément par l’organisation plaignante. Ce système ne peut être utilisé que si les deux parties le jugent nécessaire, et les syndicats ne peuvent se décharger de leur obligation de mener une grève socialement responsable en invoquant la pratique des dispenses. La NHO considère que l’organisation plaignante assume l’entière responsabilité du fait que la grève met en danger la vie et la santé de la population.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 561. Le comité note que l’organisation plaignante, dans ce cas, allègue que le gouvernement est intervenu dans la négociation collective et a imposé un arbitrage obligatoire, mettant ainsi fin à l’action de grève dans le secteur de la blanchisserie et du nettoyage à sec. Le comité note par ailleurs que certaines des entreprises de blanchisserie et de nettoyage à sec touchées par la grève fournissent des services à certains établissements de santé.
- 562. Le comité prend note de la communication de la NHO transmise par le gouvernement. La NHO rappelle que les employeurs au sein de l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont toujours estimé que le droit de grève n’est pas inscrit dans la convention no 87. A cet égard, la NHO se réfère à la déclaration conjointe des groupes d’employeurs et de travailleurs de l’OIT faite en février 2015.
- 563. Le comité note, compte tenu de l’historique fourni respectivement par l’organisation plaignante et par le gouvernement, que: i) la négociation collective de 2014 en vue d’une nouvelle convention collective salariale entre l’IE et la NHO a échoué; ii) la médiation qui a suivi a pris fin le 5 septembre 2014 sans que les parties ne soient parvenues à un accord; iii) le 9 septembre 2014, l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux a signalé au ministère de la Santé et des Services sociaux que le risque pour la vie et la santé était assez élevé; iv) le 10 septembre 2014, le ministre du Travail et des Affaires sociales a discuté de la question avec les parties, qui ont confirmé qu’elles ne voyaient aucune possibilité de parvenir à un accord – la partie syndicale a exprimé la volonté d’accueillir des demandes de dispense de la grève tandis que la partie patronale a refusé de présenter de telles demandes; v) le 19 septembre 2014, le Conseil national des salaires a été saisi du conflit à régler; et vi) le 9 décembre 2014, le conseil a rendu sa décision sur le conflit et a fixé les conditions de la nouvelle convention collective salariale.
- 564. Le comité constate que l’organisation plaignante et le gouvernement sont d’accord avec les conclusions de l’Agence norvégienne de la santé et des services sociaux selon lesquelles, tant que l’employeur refuserait d’acheminer les demandes de dispense reçues, qu’un service minimal ne serait pas en place et que les blanchisseries disponibles en situation d’urgence ne seraient pas appelées en renfort, il y aurait un risque grave pour la vie et la santé de la population.
- 565. Le comité prend note de l’indication de la NHO selon laquelle elle n’a pas de préoccupations particulières au sujet de l’usage que fait le gouvernement de l’arbitrage obligatoire dans le cas présent; elle considère que, dans le cadre législatif existant, les syndicats prennent à eux seuls toutes les décisions relatives à la grève, y compris concernant les entreprises qui seront touchées par la grève et les salariés qui y participeront, et elle soutient qu’il incombe uniquement aux syndicats de garder à l’esprit les risques éventuels pour la santé et la sécurité de la personne.
- 566. Le comité note que le gouvernement ne conteste pas le fait que le droit de grève est un droit fondamental découlant des principes de la liberté syndicale, mais considère que ce droit peut être soumis à des restrictions ou à une interdiction dans certaines circonstances, en particulier dans le cas d’une grève affectant des services essentiels au sens strict du terme ou si les conséquences d’une grève donnent lieu à des effets préjudiciables au point de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne ou des intérêts publics vitaux.
- 567. En outre, le comité constate que ni l’organisation plaignante ni le gouvernement ne soutiennent que les services de blanchisserie et de nettoyage à sec sont des services intrinsèquement essentiels au sens strict du terme, mais que les deux parties acceptent que les conséquences d’un arrêt total sans dispense pouvaient donner lieu à une situation susceptible de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne.
- 568. Le comité note, toutefois, que l’organisation plaignante et le gouvernement ont des interprétations divergentes de la nécessité pour le gouvernement d’imposer l’arbitrage obligatoire en l’espèce. Le comité note que le gouvernement estime que sa décision de soumettre le conflit à l’arbitrage obligatoire est tout à fait conforme aux normes de l’OIT, et il avance plusieurs arguments à l’appui de cet avis. Le gouvernement explique que, pour contrebalancer la liberté syndicale et la négociation collective vastes et illimitées, y compris ce droit à l’action collective, un large consensus s’est dégagé en Norvège selon lequel il appartient en dernier ressort au gouvernement de faire en sorte que les conflits du travail ne causent pas de graves préjudices. S’il estime qu’un conflit peut avoir des effets préjudiciables au point de mettre en danger la vie, la sécurité, la santé de la personne ou des intérêts publics vitaux, le gouvernement soumet un projet de loi au Parlement dans lequel il propose d’interdire la grève ou le lock-out en question et de saisir le Conseil national des salaires du règlement dudit conflit. Le gouvernement considère que les Etats Membres ne sont pas obligés, conformément aux conventions nos 87 et 98, d’établir une base juridique générale pour prévoir des services minima dans le cadre d’actions collectives. Le gouvernement soutient que la Norvège a mis en place un système différent et que l’on ne saurait présumer que ce système est moins conforme auxdites conventions ni qu’il pénalise davantage les salariés en cas d’action collective. Ce système n’empêche pas les partenaires sociaux de déclarer ou de mener une action collective, quelles qu’en soient les conséquences. En outre, le gouvernement indique que ce modèle fait l’objet d’un large consensus dans le pays et souligne que l’IE est l’un des 22 syndicats nationaux affiliés à la LO; il y a bien d’autres syndicats en Norvège. La position de l’IE n’est pas une raison suffisante pour amorcer un processus en vue d’une réforme aussi radicale du système de négociation collective. Le gouvernement n’a reçu aucun message des huit organisations principales concernées soulignant la nécessité d’un tel changement.
- 569. En revanche, le comité note que l’organisation plaignante soutient que, au lieu d’imposer l’arbitrage obligatoire, le gouvernement aurait dû intervenir et imposer des services minima pour faire en sorte que le conflit ne mette pas en danger la vie ou la santé d’autrui, d’une part, et que les travailleurs puissent exercer leur droit de grève, d’autre part. L’IE demande au gouvernement d’établir des mécanismes pour la prestation de services minima dans des situations où une action collective a lieu dans des services ne rentrant pas dans la définition de «services essentiels», qui peut toutefois porter atteinte à d’importants intérêts publics ou mettre en danger la vie et la santé de l’ensemble ou d’une partie de la population. L’organisation plaignante soutient que de tels mécanismes existent ou sont du moins permis par la loi dans certains secteurs (la santé et l’industrie pétrolière). L’IE ajoute que le gouvernement aurait pu recourir aux accords de services auxiliaires en blanchisserie afin d’atténuer le risque potentiel.
- 570. Le comité rappelle, comme l’a souligné l’IE, qu’il a examiné plusieurs cas d’imposition d’arbitrage obligatoire en Norvège dans des services non essentiels pour mettre fin à une grève. A ces occasions, il a rappelé qu’il était difficile de concilier un arbitrage imposé par les autorités de leur propre initiative avec le droit de grève et le principe du caractère volontaire de la négociation. [Voir cas no 1255 (234e rapport), cas no 1389 (251e rapport), cas no 1576 (279e rapport), cas no 2545 (349e rapport) et cas no 3038 (372e rapport).] Le comité rappelle que l’arbitrage obligatoire visant à mettre fin à un conflit collectif du travail est acceptable soit s’il intervient à la demande des deux parties au conflit, soit si la grève en question peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger dans tout ou partie de la population la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 564.]
- 571. Le comité rappelle que toute restriction du droit des organisations de travailleurs de négocier librement avec les employeurs et leurs organisations les salaires et les conditions de travail ne devrait être imposée qu’à titre exceptionnel. Constatant que la question du recours à l’arbitrage obligatoire par le gouvernement pour mettre fin à une grève légitime et imposer les conditions d’une convention collective dans le but de protéger la santé et la sécurité publiques s’est posée dans le pays en plusieurs occasions exceptionnelles, comme en témoignent les plaintes précédentes, le comité encourage le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux des moyens possibles d’assurer le maintien des services de base en cas de grève dont les conséquences pourraient mettre en danger la vie ou la santé de la population.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 572. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Constatant que la question du recours à l’arbitrage obligatoire par le gouvernement pour mettre fin à une grève légitime et imposer les conditions d’une convention collective dans le but de protéger la santé et la sécurité publiques s’est posée dans le pays en plusieurs occasions exceptionnelles, comme en témoignent les plaintes précédentes, le comité encourage le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux des moyens possibles d’assurer le maintien des services de base en cas de grève dont les conséquences pourraient mettre en danger la vie ou la santé de la population.