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Allégations: Refus des autorités d’enregistrer un nouveau syndicat et actes de discrimination antisyndicale (licenciements) de l’employeur public contre les travailleurs qui ont constitué le syndicat
- 494. La plainte figure dans une communication du 10 novembre 2015 de la Confédération pour l’action en faveur de l’unité syndicale (CAUS).
- 495. Le gouvernement a envoyé ses observations par une communication datée du 5 février 2016.
- 496. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 497. Dans sa communication du 10 novembre 2015, l’organisation plaignante dénonce le refus par les autorités d’enregistrer un nouveau syndicat et allègue des actes de discrimination antisyndicale (exercices de pression et licenciements) de la municipalité de El Crucero contre les travailleurs qui ont constitué le syndicat.
- 498. Concernant la chronologie des faits qui ont motivé la plainte, l’organisation plaignante indique que: i) le 26 novembre 2012, un groupe de travailleurs de la municipalité de El Crucero ont décidé de convoquer une assemblée générale en vue de constituer un nouveau syndicat dans cette municipalité; ii) l’assemblée générale a eu lieu le 5 décembre 2012; 32 travailleurs en activité dans la mairie y ont participé (leurs noms sont transmis par l’organisation plaignante); l’ensemble des conditions prévues par la législation du travail du Nicaragua ayant été respecté, il a été procédé à la constitution du Syndicat des travailleurs de la municipalité de El Crucero et à l’adoption de ses statuts après l’élection du comité directeur; iii) le 6 décembre 2012, le syndicat a présenté une demande d’enregistrement auprès de la Direction des associations syndicales du ministère du Travail, en vue de figurer dans le livre des enregistrements, de se doter d’une personnalité juridique et de faire reconnaître le comité directeur; tous les documents requis par la loi ont été annexés, y compris la liste des travailleurs, leurs noms et signatures respectifs; iv) étant donné que le délai de dix jours prévu par l’article 213 du Code du travail pour l’enregistrement a été dépassé sans que l’enregistrement ait lieu, le 11 février 2013, cinq membres du comité directeur du syndicat élues ont présenté une lettre à la Directrice des associations syndicales en lui demandant d’enregistrer le syndicat; v) par le biais de la résolution no 04-2013, la Direction des associations syndicales a refusé d’enregistrer le syndicat alléguant que, au terme d’une inspection spéciale réalisée par l’Inspection départementale du travail le 14 février 2013, il avait été vérifié que cinq des membres fondateurs et titulaires au comité directeur n’étaient pas des travailleurs en activité dans la municipalité.
- 499. L’organisation plaignante allègue que la Direction des associations syndicales: i) n’a pas respecté son obligation d’enregistrer le syndicat dans les délais prévus par la législation, soit dix jours à partir de la présentation du dossier, puisqu’elle ne s’est prononcée que soixante-quinze jours plus tard; ii) sans disposer du pouvoir légal pour ce faire, et alors qu’il ne s’agissait pas non plus d’une condition préalable à l’enregistrement et que personne ne le lui avait demandé, la Direction des associations syndicales a demandé la réalisation d’une inspection spéciale; or le syndicat ne se trouvait dans aucune des trois situations prévues par l’article 213 du Code du travail justifiant le refus d’un enregistrement (objectifs non conformes au Code du travail, minimum de 20 membres, ou encore preuve de la falsification de signatures ou de la non-existence des personnes enregistrées comme membres); et iii) en collusion avec la municipalité, la direction n’a pas enregistré le syndicat dans les temps et laissant sans protection les travailleurs de sorte que, deux mois après la constitution de ce syndicat, la municipalité a fait pression sur les travailleurs et les a sanctionnés par l’envoi d’une lettre de licenciement à la majorité des membres du comité directeur.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 500. Dans sa communication du 5 février 2016, le gouvernement affirme qu’il a agi en pleine conformité avec le système juridique interne et que nul droit fondamental lié à la liberté syndicale n’a été violé. Les faits, les actes et les décisions des autorités compétentes en témoignent. Ainsi: i) le 6 décembre 2012, la Direction des associations syndicales a reçu une demande d’enregistrement du Syndicat des travailleurs de la municipalité de El Crucero, adressée par une dirigeante de l’organisation plaignante; ii) le 19 décembre 2012, un groupe de travailleurs de cette municipalité s’est présenté et a demandé une reconnaissance du fait que le syndicat demandait son enregistrement; il a allégué que diverses personnes élues à des postes de responsabilité avaient démissionné de leur poste de travail; iii) le 8 février 2013, le ministère du Travail a reçu une plainte des membres du syndicat en cours d’enregistrement alléguant la violation de l’immunité syndicale et le licenciement de travailleurs qui avaient été proposés comme membres de son comité directeur; iv) le 11 février 2013, suite à la plainte qu’elle avait reçue le 19 décembre, la Direction des associations syndicales a demandé à l’Inspection départementale du travail d’effectuer une inspection dans la municipalité de El Crucero afin de vérifier si les personnes qui avaient assisté à l’assemblée constituante du syndicat étaient des travailleurs en activité; v) le 14 février 2013, l’Inspection départementale du travail a procédé à l’inspection pour vérifier les faits, y compris l’allégation de violation de l’immunité syndicale, et elle a constaté que deux seulement des huit membres qui prétendaient constituer le comité directeur du syndicat étaient des travailleurs en activité et que les six autres avaient manifesté d’une manière libre et spontanée leur souhait de démissionner de leur poste de travail; la plainte présentée au motif d’une violation de l’immunité syndicale n’avait donc pas lieu d’être (il découle également de la résolution de l’Inspection départementale du travail no 106-2013 que cette inspection a permis de constater, grâce au registre des salaires devant être versés lors de la première quinzaine de février 2013, que 13 des 32 travailleurs dont l’organisation avait donné le nom en tant qu’assistants dans l’assemblée constituante du syndicat n’étaient pas, en fait, des travailleurs en activité); vi) le 19 février 2013, suite à l’inspection réalisée, la Direction des associations syndicales a adopté la résolution no 4-2013 refusant d’enregistrer le syndicat au motif que les personnes qui avaient sollicité l’enregistrement n’étaient pas des travailleurs en activité dans la municipalité et que, par conséquent, l’une des conditions fondamentales établies par l’ordre juridique interne n’était pas remplie (article 207 du Code du travail qui prévoit que, pour constituer un syndicat de travailleurs, ce dernier doit compter 20 membres au moins); vii) le 21 février 2013, la Direction des associations syndicales a été saisie d’un recours en appel contre la résolution no 4-2013 et le dossier a été remis à l’Inspection générale du travail qui, à son tour, a adopté la résolution no 76-2013 déclarant que ce recours en appel n’avait pas lieu d’être et confirmant la résolution no 4-2013; viii) le 23 mai 2013, l’une des membres du comité directeur du syndicat qui avaient sollicité l’enregistrement (Mme Alejandra Urtecho Meléndez) a présenté un recours en amparo contre la résolution no 76-2013 et, le 30 octobre 2013, la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice a prononcé le jugement no 1530 selon lequel ce recours en amparo n’était pas recevable, car il ne précisait pas en quoi consistaient les allégations de violation au droit du travail et parce que la partie demanderesse n’avait fourni aucune preuve à l’encontre des conclusions de l’inspection du travail qui établissaient que plusieurs des membres présents pendant la constitution du syndicat n’étaient pas des travailleurs en activité dans la municipalité concernée. Le jugement de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice, décision de la cour qui a été transmise par le gouvernement, établit que la demanderesse: a) n’a pas annexé à son recours en amparo la preuve que chacun des assistants de l’assemblée constituante du syndicat étaient des travailleurs en activité; b) ne pouvait se prévaloir de l’immunité syndicale parce que le syndicat n’était pas encore autorisé; ainsi, le licenciement de plusieurs membres du comité directeur d’un syndicat qui n’est pas encore autorisé est conforme à ce que prévoit le Code du travail et la loi sur la carrière administrative municipale.
- 501. Enfin, le gouvernement souligne les progrès accomplis en matière de liberté syndicale dans le pays; il souligne une importante augmentation du nombre des enregistrements d’organisations syndicales (1 437 nouvelles organisations syndicales ayant été enregistrées entre 2007 et 2015) ainsi que la reconnaissance de l’existence d’organisations syndicales dans le secteur public et dans le secteur des travailleurs et travailleuses indépendants.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 502. Le comité note que la plainte dénonce le refus des autorités d’enregistrer un nouveau syndicat et allègue la discrimination antisyndicale (licenciements) de la part de l’employeur public (municipalité de El Crucero) à l’égard des travailleurs qui ont constitué le syndicat.
- 503. S’agissant du refus d’enregistrer le syndicat, le comité observe qu’une inspection menée à bien par l’Inspection départementale du travail en réaction à une plainte selon laquelle les membres du comité exécutif n’étaient pas des travailleurs en activité, il a été démontré que 13 des 32 travailleurs énumérés par l’organisation plaignante sur la liste des assistants à l’assemblée constituante du syndicat n’étaient pas des travailleurs en activité. Le comité observe que, selon ces informations, la Direction des associations syndicales a refusé d’enregistrer le syndicat au motif qu’il ne remplissait pas la condition relative au nombre minimum de 20 travailleurs établie dans l’article 206 du Code du travail. Le comité rappelle à cet égard que le nombre minimum de 20 membres fixé pour la création d’un syndicat ne semble pas exagéré ni, par conséquent, être en soi un obstacle à la constitution d’un syndicat. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 292.] Cependant, le comité regrette la lenteur du traitement de la demande d’inscription du syndicat, qui avait été reçue le 6 décembre 2012 et n’était pas résolue au 19 février (soit soixante-quinze jours plus tard – alors que l’article 213 du Code du travail prévoit un délai de dix jours). Le comité note que, d’après la résolution no 106-2013 de l’Inspection départementale du travail transmise par le gouvernement, le constat selon lequel les conditions minimales relatives à la composition du syndicat n’étaient pas remplies (puisqu’il manquait un seul travailleur ou une seule travailleuse) s’appuie sur un registre des salaires donnant la liste des travailleurs en activité en février 2013, soit deux mois après le dépôt de la demande d’enregistrement, et que, après ce dépôt précisément, des plaintes auraient été déposées relatives à des licenciements violant l’immunité syndicale. Ne pouvant pas exclure l’hypothèse que le retard de la procédure ait eu un impact négatif sur la possibilité de remplir la condition requise concernant le nombre minimum de membres nécessaire à l’enregistrement du syndicat et à l’immunité syndicale effective de membres de son comité directeur, le comité prie le gouvernement de diligenter une enquête supplémentaire à cet égard, d’indiquer si, à la date de dépôt de la demande, les conditions pour l’enregistrement étaient satisfaites et, dans la mesure où des licenciements antisyndicaux sont démontrés, d’approuver l’enregistrement du syndicat si les travailleurs le souhaitent encore. Enfin, le comité souhaite rappeler «qu’une longue procédure d’enregistrement constitue un obstacle sérieux à la création d’organisations, ce qui équivaut à un déni du droit des travailleurs de créer des organisations sans autorisation préalable». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 307.]
- 504. Quant aux allégations relatives à l’exercice de pressions et à des licenciements antisyndicaux, le gouvernement observe que, si ces allégations sont vérifiées, les licenciements auraient empêché l’enregistrement du syndicat (refusé parce qu’il manquait un seul travailleur ou une seule travailleuse). A cet égard, le comité regrette que l’organisation plaignante n’ait pas fourni des informations plus précises pour étayer l’allégation et qu’elle n’ait pas non plus transmis les lettres de licenciement auxquelles elle fait allusion, non plus que les noms des travailleurs affectés. Le comité note, d’une part, que le gouvernement indique qu’il a reçu une plainte pour violation de l’immunité syndicale et que l’Inspection départementale du travail a pu constater que les six travailleurs du comité directeur qui n’étaient pas en activité avaient volontairement démissionné de leur poste, raison pour laquelle la plainte déposée avait été rejetée. Par ailleurs, le comité note que le jugement de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice transmis par le gouvernement fait référence à des licenciements et indique que l’immunité syndicale ne s’appliquait pas dans ces cas, car le syndicat n’avait pas encore été autorisé, et que le licenciement de plusieurs membres du comité directeur d’un syndicat qui n’est pas dûment autorisé est conforme à la législation (le jugement n’établit pas s’il y a eu motivation antisyndicale, il se limite à constater que la protection due à l’immunité syndicale n’était pas applicable). Le comité s’inquiète du fait que l’allégation de discrimination antisyndicale n’a pas été étudiée plus en détail, notamment parce que, si elle était fondée, elle aurait un impact non seulement sur les travailleurs concernés, mais aussi sur les efforts déployés pour constituer un syndicat dans la municipalité. Le comité rappelle que, lorsqu’elles sont saisies de plaintes en discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui ont été constatés. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 835.] Devant la nature divergente des informations transmises sur cette allégation de licenciements antisyndicaux, y compris celle des jugements administratifs et judiciaires transmis par le gouvernement, et devant l’absence d’éléments concrets permettant d’examiner l’allégation, le comité demande à l’organisation plaignante de remettre au gouvernement des informations et des preuves aussi détaillées que possible concernant ces licenciements et la motivation antisyndicale alléguée. Le comité prie également le gouvernement de diligenter une enquête supplémentaire afin de déterminer si des travailleurs ont fait l’objet de licenciements antisyndicaux et, dans l’affirmative, d’imposer des sanctions suffisamment dissuasives et de prendre des mesures de compensation appropriées. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 505. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- 1. En ce qui concerne les allégations de licenciements antisyndicaux, le comité demande à l’organisation plaignante de transmettre au gouvernement des informations et des preuves aussi détaillées que possible concernant ces licenciements et la motivation antisyndicale alléguée.
- 2. Le comité prie le gouvernement d’indiquer si, à la date du dépôt de la demande, toutes les conditions d’enregistrement étaient satisfaites, de diligenter une enquête supplémentaire afin de déterminer si des travailleurs ont fait l’objet de licenciements antisyndicaux et, dans l’affirmative, d’imposer les sanctions suffisamment dissuasives et les mesures de compensation appropriées, et de procéder à l’enregistrement du syndicat si les travailleurs le souhaitaient encore. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.