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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 382, June 2017

Case No 3162 (Costa Rica) - Complaint date: 14-AUG-15 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que, pour donner suite à une décision du bureau du contrôleur général de la République, une banque nationale a modifié une disposition d’une convention collective

  1. 275. La plainte figure dans une communication de la Confédération costaricienne des travailleurs démocratiques (CCTD) en date du 14 août 2015.
  2. 276. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 26 septembre et du 15 décembre 2016.
  3. 277. Le Costa Rica a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 278. Dans sa communication du 14 août 2015, la CCTD indique que, le 30 avril 2014, la Banque nationale du Costa Rica (ci-après «la banque») et le Syndicat des employés de la Banque nationale du Costa Rica (SEBANA) ont conclu une convention collective portant sur une période de trois ans. L’organisation plaignante allègue que, pour donner suite à une décision du bureau du contrôleur général de la République (CGR) rendue le 16 janvier 2015, la banque a modifié l’article 63 de la convention collective.
  2. 279. L’organisation plaignante indique que l’article 63 de la convention collective régit l’octroi de primes versées dans le cadre du «Système d’évaluation de la performance et de gratification du personnel» (système SEDI), qui vise à promouvoir le perfectionnement et la satisfaction des fonctionnaires. Selon ledit article, les fonctionnaires de la banque ont droit, en fonction des résultats obtenus à l’issue de chaque période, à des primes financières liées à la performance, dont le montant équivaut à 15 pour cent des bénéfices nets réalisés par la banque et ses filiales au cours de l’année précédente, auquel s’ajoutent les réserves et les provisions supplémentaires prévues par les normes de la Surintendance générale des entités financières (SUGEF), comptabilisées à la fin de l’exercice en question, et dont sont déduites les taxes et les cotisations que la banque est juridiquement tenue de payer.
  3. 280. L’organisation plaignante indique que, dans le cadre d’un audit d’évaluation de la performance de la banque, le CGR a publié le rapport no DFOE-EC-IF-10-2015, figurant en annexe de la présente plainte, dans lequel il conclut que: «Si la convention collective prévoit que la banque consacre 15 pour cent de ses bénéfices au versement des primes, force est de constater que la banque doit également s’acquitter, conformément à l’article 26 de la convention collective, d’autres frais directement liés à ce versement, notamment les charges patronales, le treizième mois, les allocations scolaires, les cotisations à un fonds de capitalisation en faveur des travailleurs, les cotisations à un fonds de garantie et les cotisations de solidarité, qui ont représenté en moyenne 82 pour cent de la somme consacrée aux primes de performance du système SEDI au cours de la période examinée (2006-2012). Il apparaît ainsi que le coût total des primes ne correspond pas uniquement à leur versement en tant que tel, mais comprend également les frais supplémentaires dont la banque doit s’acquitter, lesquels pèsent sur les coûts globaux de fonctionnement et les fonds disponibles de l’institution.» Dans le rapport en question, le CGR recommande à la direction de la banque de «faire en sorte que le système SEDI tienne compte des conditions prévues par la législation en vigueur, de manière à ce que tous les coûts liés au versement des primes soient pris en considération».
  4. 281. Selon l’organisation plaignante, il est manifestement illégal que le CGR ait ordonné à la banque de verser la prime du système SEDI en veillant à ce que la somme correspondant à 15 pour cent des bénéfices à distribuer constitue un plafond et en incluant dans cette somme les coûts liés au versement des primes, à savoir les taxes et les cotisations dont les employeurs sont tenus de s’acquitter. L’organisation plaignante souligne que la prime versée en vertu de l’article 63 de la convention collective est de nature salariale et que le fait de déduire de cette prime ce que le CGR qualifie de coûts liés au versement des primes (taxes et cotisations que la banque est tenue de payer) entraîne une diminution considérable de la somme à partager entre tous les employés de l’institution qui ont le droit d’en bénéficier, ce qui porte gravement préjudice à tous les employés de la banque. Selon l’organisation plaignante, le CGR interprète et modifie de facto la convention collective, ce qui constitue une ingérence de l’Etat contraire aux principes censés régir toute négociation collective.
  5. 282. L’organisation plaignante indique que la banque a déposé un recours en révision contre la décision du CGR, qui l’a rejeté. Elle estime que l’Etat viole ainsi une nouvelle fois les conventions collectives, dont certaines normes avaient déjà été visées par des actions en inconstitutionnalité et qui font à présent l’objet d’interprétations et de modifications par un organe administratif, le CGR, qui n’a pas compétence pour le faire.
  6. 283. L’organisation plaignante indique également que le SEBANA a saisi la justice pour faire respecter les dispositions de la convention collective, mais que le tribunal du travail de la deuxième circonscription judiciaire de San José a décidé de classer l’affaire au motif que les syndicats n’étaient pas habilités à saisir la justice afin de faire respecter une convention collective et que le SEBANA devait bénéficier d’une délégation de pouvoirs des employés concernés pour les représenter devant les tribunaux. Elle a joint à sa plainte une copie de l’appel déposé le 13 août 2015 auprès du tribunal supérieur du travail. Dans ledit appel, le syndicat fait valoir que l’affaire ne porte pas sur les intérêts individuels des employés de la banque, mais sur une question relative à une convention collective conclue par le syndicat.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 284. Dans ses communications du 26 septembre et du 15 décembre 2016, le gouvernement a transmis ses observations et un rapport établi par la direction générale de la banque. Il explique que la banque est une institution autonome de droit public qui appartient à l’Etat et que, conformément aux dispositions de la loi organique qui la régissent, la banque est tenue de suivre les instructions contraignantes du CGR. Il ajoute qu’il incombe également à la banque de remédier aux erreurs ou aux mesures du Trésor public qui se sont avérées préjudiciables et qui ont donné lieu à des dépenses supplémentaires sans motif juridique valable.
  2. 285. Le gouvernement indique que le CGR, en tant qu’entité de contrôle du Trésor public, a notamment pour mission d’examiner les comptes des institutions publiques et des fonctionnaires. Le CGR a ainsi établi un rapport intitulé «Rapport d’audit exceptionnel sur la performance des banques publiques: cas de la Banque nationale du Costa Rica», daté du 16 janvier 2015, dans lequel il évalue le caractère raisonnable des politiques menées par la banque et le coût global du maintien du système SEDI, appliqué depuis 1997.
  3. 286. Dans ce rapport, le CGR reconnaît que l’article 63 de la convention collective en vigueur prévoit l’octroi de primes de productivité d’un montant équivalent à 15 pour cent des bénéfices consolidés de la banque, mais constate que, au cours de la période examinée (2006 2012), la banque a versé des primes de productivité dont le montant total est supérieur à 30 pour cent de ses bénéfices, étant donné que les coûts liés à ces primes (notamment les charges patronales) n’ont pas été pris en considération dans le calcul du plafond de 15 pour cent prévu par la convention collective.
  4. 287. Le gouvernement signale que, à la suite de la publication de ce rapport, la direction de la banque a présenté un recours en révision, qui a été rejeté par l’Unité de supervision des services économiques de la division de supervision des opérations et d’évaluation du CGR, au moyen d’une décision rendue le 19 février 2015, dans laquelle il est indiqué ce qui suit:
    • […] la convention collective de la banque définit un pourcentage correspondant au montant que la banque s’engage à consacrer aux primes, et ce chiffre a été fixé à 15 pour cent des bénéfices, après déduction des charges et cotisations dont la banque est juridiquement tenue de s’acquitter. L’objectif de la décision, qui ne constitue en aucun cas une violation de la convention collective, est de faire en sorte que l’institution considère ce pourcentage comme un plafond à ne pas dépasser et non comme une simple donnée indicative, et tienne ainsi compte de toutes les dépenses liées à ces primes dans le calcul du montant total qui leur est consacré, comme prévu dans la convention collective. Le fait que la banque ait adopté une pratique contraire aux dispositions de la convention collective, consistant à ne pas déduire de la somme à distribuer les charges et cotisations et à octroyer ainsi à ses employés des avantages patrimoniaux plus élevés (d’un montant total supérieur à 15 pour cent de ses bénéfices nets), ne donne aucunement droit à ces employés de continuer à profiter de l’erreur commise.
  5. 288. Le gouvernement indique que la banque, après le rejet du recours en révision qu’elle avait déposé, a modifié son mode de calcul de la prime en question, conformément aux instructions et recommandations du CGR. Dans un rapport de la direction de la banque, transmis en annexe par le gouvernement, il est indiqué que le fait que la banque, coupable d’une erreur, ait adopté une pratique incorrecte, fondée sur une interprétation non conforme au texte de la convention collective, ne donne pas droit aux travailleurs de continuer à bénéficier de cette erreur. Selon la direction de la banque, la décision qu’elle a prise ne va pas à l’encontre de l’esprit et du contexte historique de la convention collective, mais permet bien au contraire de faire appliquer correctement cette convention, conformément à ce qui avait été convenu entre les parties et aux dispositions juridiques pertinentes. La direction de la banque estime que le CGR n’a aucunement ordonné de ne plus appliquer la convention collective, mais au contraire en a rappelé les dispositions et a attiré l’attention de la banque sur son véritable objet, lequel n’était pas pris en considération.
  6. 289. Enfin, le gouvernement signale que quatre procédures judiciaires relatives à la réaction de la banque à la décision du CGR sont en cours d’examen.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 290. Le comité observe que, dans le présent cas, la CCTD allègue que, pour donner suite à une décision du CGR, la banque a modifié une disposition d’une convention collective conclue avec le SEBANA.
  2. 291. Le comité prend note des renseignements fournis par l’organisation plaignante et le gouvernement, selon lesquels: i) la banque applique depuis 1997 un Système d’évaluation de la performance et de gratification du personnel (système SEDI), qui vise à promouvoir le perfectionnement et la satisfaction des fonctionnaires; ii) le 30 avril 2014, la banque et le SEBANA ont conclu une septième convention collective, qui porte sur une période de trois ans et dont l’article 63 établit que: a) les fonctionnaires de la banque ont droit à une prime financière liée à la performance, en fonction des résultats obtenus à l’issue de chaque période; b) cette prime découle d’une somme équivalente à 15 pour cent des bénéfices nets réalisés par la banque et ses filiales au cours de l’année précédente, à laquelle s’ajoutent les réserves et les provisions supplémentaires prévues par les normes de la Surintendance générale des entités financières, et dont sont déduites les taxes et les cotisations que la banque est juridiquement tenue de payer; iii) le 16 janvier 2015, le CGR a publié un rapport d’audit dans lequel il constate que, au cours de la période examinée (2006-2012), le coût réel du système SEDI avait représenté en moyenne 30 pour cent des bénéfices nets de la banque et non 15 pour cent, chiffre prévu par la convention collective, étant donné que la banque n’avait pas pris en considération les coûts qui découlent du versement des primes dans son calcul du montant à ne pas dépasser; iv) ces coûts liés au système SEDI correspondent à des charges sociales dont la banque est tenue de s’acquitter et sont inhérents à tout type de paiement de nature salariale, notamment les charges patronales, le treizième mois, les allocations scolaires ou les cotisations à un fonds de capitalisation en faveur des travailleurs; v) dans son rapport, le CGR recommande à la direction de la banque de faire en sorte que le versement de primes dans le cadre du système SEDI soit conforme aux dispositions de la législation en vigueur, de manière à ce que les coûts qui y sont liés soient pris en considération dans le calcul du montant de 15 pour cent prévu dans la convention collective.
  3. 292. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que les coûts liés au versement des primes auxquels fait référence le CGR dans son rapport correspondent à des charges et à des taxes que les employeurs sont juridiquement tenus de payer, et qu’il est manifestement illégal que ces coûts soient déduits de primes de nature salariale, comme celles prévues par l’article 63 de la convention collective. Il prend note des informations fournies par l’organisation plaignante selon lesquelles le fait de déduire ces coûts des primes entraîne une diminution considérable de la somme à partager entre tous les employés de l’institution qui ont le droit d’en bénéficier, ce qui porte gravement préjudice à tous les employés de la banque. Selon l’organisation plaignante, si l’Etat bafouait des conventions collectives au moyen d’actions en inconstitutionnalité, c’est à présent par l’intermédiaire du CGR qu’il interprète et modifie de facto ces accords.
  4. 293. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que: i) la banque est une institution autonome de droit public tenue d’appliquer les décisions du CGR; ii) dans la convention collective, la banque s’est engagée à hauteur d’un montant correspondant à 15 pour cent de ses bénéfices nets, après déduction des taxes et des charges que la banque est juridiquement tenue de payer; iii) le fait que la banque ait adopté une pratique contraire aux dispositions de la convention collective, consistant à ne pas déduire de la somme à distribuer les taxes et cotisations, et à octroyer ainsi à ses employés des avantages patrimoniaux plus élevés (d’un montant total supérieur à 15 pour cent de ses bénéfices nets), ne donne aucunement droit à ces employés de continuer à profiter de l’erreur commise; iv) bien que, dans un premier temps, la banque ait déposé un recours en révision (rejeté par le CGR au moyen d’une décision rendue le 19 février 2015), la direction de la banque a fait savoir que le CGR n’a aucunement ordonné de ne plus appliquer la convention collective, mais au contraire en a rappelé les dispositions et a attiré l’attention de la banque sur son véritable objet, lequel n’était pas pris en considération.
  5. 294. Au vu de ce qui précède, le comité observe que la présente plainte porte sur un conflit d’interprétation concernant une clause de la convention collective en vigueur dans une banque nationale. Le comité constate à cet égard que l’organisation plaignante allègue que le CGR a imposé une interprétation de la clause relative au versement d’une prime dans le cadre d’un système dénommé SEDI alors qu’il n’a pas compétence pour le faire et que, en outre, l’action en justice menée par le syndicat pour contester cette interprétation a été jugée irrecevable par le tribunal du travail de la deuxième circonscription judiciaire de San José (dossier no 15-0713-0166-LA) (l’organisation plaignante n’a pas fourni de copie de la décision en question). Selon l’organisation plaignante, ce tribunal a ordonné le classement de l’affaire, car il a considéré que les syndicats n’étaient pas habilités à saisir la justice pour faire appliquer les dispositions d’une convention collective, étant donné qu’ils devaient bénéficier d’une délégation de pouvoirs de la part de leurs membres pour les représenter devant les tribunaux. Le comité note que l’organisation plaignante a joint en annexe de sa plainte une copie du recours déposé auprès du tribunal supérieur du travail le 13 août 2015, lequel n’aurait pas encore été examiné. Il observe que, dans le recours en question, le syndicat a souligné que l’affaire ne portait pas sur les intérêts individuels des employés de la banque, mais sur une convention collective conclue par le syndicat. Il constate également que le gouvernement signale que quatre procédures judiciaires relatives à la réaction de la banque à la décision du CGR sont en cours d’examen.
  6. 295. A cet égard, le comité rappelle que, dans le paragraphe 6 de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, il est indiqué que les différends résultant de l’interprétation d’une convention collective devraient être soumis à une procédure de règlement appropriée établie soit par accord entre les parties, soit par voie législative, suivant la méthode qui correspond aux conditions nationales. Le comité considère ainsi que le conflit d’interprétation de l’article 63 de la convention collective devrait être résolu dans le cadre des mécanismes prévus à cet effet dans ladite convention ou, dans tous les cas, d’un mécanisme impartial accessible à toutes les parties signataires, tel qu’un organe judiciaire indépendant. Au vu de ce qui précède, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé de l’issue des procédures judiciaires en cours.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 296. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Soulignant l’importance de résoudre les conflits d’interprétation des conventions collectives dans le cadre des mécanismes prévus à cet effet par les conventions en question ou, dans tous les cas, d’un mécanisme impartial accessible à toutes les parties signataires, tel qu’un organe judiciaire indépendant, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de le tenir informé de l’issue des procédures judiciaires en cours.
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