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Interim Report - Report No 384, March 2018

Case No 3263 (Bangladesh) - Complaint date: 26-FEB-17 - Active

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Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent les violations graves des droits syndicaux par le gouvernement, y compris l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, les menaces de mort proférées et les violences physiques infligées au cours de la détention, les fausses accusations pénales, la surveillance, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales, ainsi que le licenciement massif de travailleurs d’usines de confection suite à une manifestation pacifique

  1. 146. La plainte figure dans une communication de la Confédération syndicale internationale (CSI), d’IndustriALL Global Union (IndustriALL) et d’UNI Global Union (UNI) en date du 26 février 2017.
  2. 147. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication en date du 1er novembre 2017.
  3. 148. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 149. Dans leur communication en date du 26 février 2017, les plaignants dénoncent les violations graves des droits syndicaux par le gouvernement, y compris l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, les menaces de mort proférées et les violences physiques infligées au cours de la détention, les fausses accusations pénales, la surveillance, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales, ainsi que le licenciement massif de travailleurs des usines de confection suite à une manifestation pacifique.
  2. 150. Les organisations plaignantes allèguent que plus d’une vingtaine de dirigeants syndicaux et de militants ont été arbitrairement arrêtés et détenus suite à un arrêt de travail chez Windy Apparels Ltd, une usine de prêt-à-porter d’Ashulia, dans la banlieue de la capitale Dhaka, le 11 décembre 2016. Les plaignants expliquent que cet arrêt de travail visait à obtenir la hausse du salaire minimum des travailleurs de l’habillement et qu’il avait été soutenu par des travailleurs d’une vingtaine d’usines, dont la plupart n’étaient pas syndiquées. Cependant, le 20 décembre 2016, au titre d’une décision de l’Association des fabricants et des exportateurs de vêtements du Bangladesh (BGMEA), une soixantaine d’usines, dont nombre d’entre elles n’étaient pas touchées par cette manifestation, ont décidé le lock-out, ont refusé de payer les travailleurs pour les jours où les usines étaient fermées et ont ainsi réussi à faire cesser l’arrêt de travail. D’après les plaignants, les arrestations et les détentions auxquelles il a été procédé suite à la grève étaient arbitraires parce que les syndicalistes concernés n’avaient ni mené d’acte violent ni causé de dommage matériel et que la plupart d’entre eux ne se trouvaient même pas dans la région lors de la grève ou qu’ils n’y avaient nullement pris part. Les plaignants allèguent que le gouvernement mène une attaque en règle contre le syndicalisme et qu’il a utilisé cette manifestation comme prétexte pour réprimer les syndicats qui ont œuvré à l’organisation du secteur de l’habillement et pour arrêter les dirigeants syndicaux et les accuser d’une série de crimes complètement différents. En particulier, les plaignants dénoncent les arrestations et détentions suivantes, auxquelles s’ajoutent des menaces de mort, des violences physiques ou de fausses accusations pénales:
    • – Le 21 décembre 2016, la police a invité plusieurs dirigeants syndicaux et militants à une réunion sur le récent arrêt de travail à Ashulia, mais a arrêté ceux qui s’y sont rendus: Ibrahim (un employé du Centre bangladais pour la solidarité avec les travailleurs (BCWS)), Shoumitro Kumar Das (président du comité régional Savar Ashulia-Dhamrai du Front des travailleurs du textile), Rafiqul Islam (président de la Fédération des travailleurs de l’industrie textile), Al Kamran (président du comité régional Savar-Ashulia-Dhamrai de la Fédération des travailleurs de l’habillement de Shwadhin Bangla), Shakil Khan (secrétaire général du comité régional Savar-Ashulia Dhamrai de la Fédération des travailleurs de l’habillement de Shwadhin Bangla), Shamim Khan (président de la Fédération communautaire des travailleurs et employés du textile du Bangladesh) et Md Mizan (membre de la Fédération des travailleurs de l’habillement). Aucun syndicaliste arrêté n’a pu parler avec un avocat, un collègue ou un membre de sa famille pendant plus de vingt-quatre heures, bien que la Constitution du Bangladesh énonce le droit de consulter un juriste dès que possible. Le lendemain, tous ont été présentés à un juge et inculpés en vertu des articles 16 et 25 de la loi de 1974 sur les pouvoirs spéciaux pour faits préjudiciables, ainsi que pour complot et aide à la commission d’une infraction en vertu de la loi de 1974 sur les pouvoirs spéciaux (affaire no 30/526 enregistrée au poste de police d’Ashulia). Les plaignants indiquent cependant que l’infraction de «faits préjudiciables» visée à l’article 16 a été abrogée, qu’elle n’a nullement été remplacée et que, en janvier 2017, la Haute Cour du Bangladesh a confirmé que l’utilisation de cette infraction était contraire à la loi. Les dirigeants syndicaux et les militants arrêtés ont également été inculpés dans huit autres affaires ouvertes suite à des plaintes déposées par différents propriétaires d’usines d’Ashulia pour rassemblement illégal, intrusion criminelle, vol, intimidation criminelle et autres accusations connexes. L’un des syndicalistes détenus a dit qu’il avait été interrogé dans un bâtiment isolé dans les bois, qu’il avait été menacé de mort et qu’on lui avait dit que sa mort apparaîtrait comme ayant été causée par des tirs croisés, tandis que deux autres détenus ont été roués de coups pendant leur garde à vue. Un autre syndicaliste, le président du syndicat chez Designer Jeans Ltd, a été arrêté à son domicile par un groupe d’hommes, certains en uniforme de police, d’autres en civil, présenté à un juge, inculpé pour la même affaire et placé en garde à vue à la prison centrale de Dhaka pendant trois jours.
    • – Le 22 décembre 2016, Asaduzzama et Golam Arif, organisateurs de la Fédération du syndicat des travailleurs indépendants de l’habillement du Bangladesh (BIGUF), ont été arrêtés chez eux, à Gazipur, par des agents de la police judiciaire, et auraient été battus pendant leur garde à vue. Deux jours plus tard, le tribunal d’instance les a ajoutés à la liste des suspects visés par les articles 15(3) et 25(D) de la loi sur les pouvoirs spéciaux dans l’affaire no 32 de 2015 enregistrée au poste de police de Joydebpur, dans le district de Gazipur, alors qu’ils n’avaient pas été désignés comme suspects lorsque la plainte a été déposée en janvier 2015 (des charges ont été dans un premier temps retenues contre les dirigeants et militants du Parti nationaliste du Bangladesh (le principal parti d’opposition) et du Jamaat Islami (un parti islamique d’opposition)).
    • – Le 23 décembre 2016, Nazmul Huda, un journaliste ayant couvert l’arrêt de travail d’Ashulia, a été invité par la police à une conférence de presse. Cependant, à son arrivée, il a été contraint de monter dans un véhicule de police, battu et conduit dans les rues de Dhaka jusqu’aux environs de 4 heures du matin, tout en étant menacé de mort par «tirs croisés». Il a été présenté à un juge le lendemain. Ahmed Jjbon, un responsable syndical, s’est volatilisé le 23 décembre, après un appel téléphonique de la police judiciaire lui donnant rendez-vous avec des policiers le 27 décembre. Il est resté introuvable jusqu’à sa présentation à un juge le lendemain matin.
    • – Le 25 décembre 2017, trois militants de la Fédération unie des travailleurs de l’habillement ont été inculpés en vertu de l’article 15(3) de la loi sur les pouvoirs spéciaux pour sabotage, en particulier pour complot en vue de porter préjudice à l’économie du pays et de faire peur à l’ensemble de la population civile.
    • – Le 27 décembre 2016, Md Ranju, un organisateur de la BIGUF, a été arrêté à son bureau par la police judiciaire et inculpé en vertu de la loi sur les explosifs pour détention de substances explosives dans le but de tuer, de blesser ou de causer un dommage matériel. Le 14 février 2017, il a été libéré sous caution et, malgré les charges qui pèsent contre lui, rien ne prouve qu’il ait détenu ou posé des explosifs.
    • – Le 10 février 2017, quatre policiers armés en civil sont entrés dans le bureau de la BIGUF à Chittagong, où 25 dirigeants syndicaux au niveau des usines suivaient une formation relative au règlement des différends professionnels. Les policiers ont posé des questions sur la formation tout en photographiant la banderole et les participants, avant de demander à Chandon Kumar Dey, le secrétaire financier de la BIGUF, de sortir dans la rue, où six motos de police et dix policiers en civil attendaient. Kumar Dey et Jewel Borua, le secrétaire adjoint de la BIGUF, ont été priés d’accompagner les policiers pour être interrogés. Kumar Dey a insisté pour être emmené seul. Il a été conduit au poste de police de Double Mooring, à Chittagong, où il a été interrogé sur les activités et les membres de la BIGUF. Lorsque plusieurs organisateurs de la BIGUF et dirigeants syndicaux sont arrivés au poste de police pour manifester leur soutien, huit d’entre eux ont été arrêtés: Jewel Borua (secrétaire adjoint de la BIGUF), Rintu Barua, Nipa Akter, Ayub Nobi, Md Rafik, Sam Dulal Bormon, Jahangir et Zahir Uddin (dirigeants syndicaux de syndicats d’usines de confection). Les neuf syndicalistes ont par la suite été emmenés au poste de police de Kotuwali, où ils ont été officiellement arrêtés et inculpés en vertu des articles 143, 148, 149, 186, 332, 333 et 353 du Code pénal (affaire no 70/8/2016 enregistrée au poste de police de Kotowali d’août 2016). Ils ont été libérés sous caution le 13 février 2017.
  3. 151. Les plaignants dénoncent le manque évident d’éléments attestant de toute activité criminelle dans les cas susmentionnés et affirment que, si les allégations contre des travailleurs portent notamment sur des dommages matériels, par exemple la destruction de portes, de fenêtres et de matériel dans les usines, ni les propriétaires d’usines ni la police n’ont apporté de preuves corroborant ces allégations. De plus, d’après une enquête menée par Human Rights Watch à Ashulia, il n’y avait aucune preuve de destruction dans les usines, aucun appareil n’avait besoin d’être remplacé ou réparé et les résidents n’ont assisté à aucune déprédation ni acte de violence.
  4. 152. Par ailleurs, les plaignants allèguent que les syndicalistes font l’objet d’une surveillance et d’intimidations persistantes et que des organisations ont été dissoutes, sur ordre de la police, ce qui fait qu’au moins dix fédérations de travailleurs de l’habillement et deux organisations non gouvernementales protégeant les droits des travailleurs ne peuvent plus fonctionner. De nombreux organisateurs, membres du personnel et militants ont fui la zone ou se cachent, inquiets pour leur sécurité, et certains dirigeants syndicaux ont été contraints, par la police, de remplir des fiches de renseignements personnels, contenant 36 questions visant à recueillir des informations détaillées sur eux-mêmes et sur les membres de leur famille, sans rapport avec leur travail. D’après les plaignants, demander des informations personnelles aussi détaillées constitue une grave intrusion dans la vie privée des individus, et la seule raison d’une telle collecte est la volonté de harceler ou d’intimider les syndicalistes, leurs familles et leurs proches.
  5. 153. Les plaignants dénoncent également les actes suivants d’intimidation et d’ingérence dans les activités syndicales:
    • – Le 22 décembre 2016, Moshrefa Mishu, présidente du Forum pour l’unité des travailleurs de l’habillement, a été arrêtée et détenue par la police alors qu’elle se rendait à une conférence de presse. Si la police a affirmé qu’elle avait simplement été invitée à boire une tasse de thé, elle n’est rentrée chez elle qu’à 17 h 30 ce soir-là.
    • – Le 29 décembre 2016, quatre policiers se sont rendus au bureau du BCWS à Zirabo, Ashulia, ont confisqué un jeu de clés du bureau, l’ont donné au propriétaire et lui ont intimé l’ordre de les appeler directement si quelqu’un essayait de rouvrir le centre. Deux jours plus tard, des policiers, sous la conduite d’un inspecteur de la police industrielle, se sont de nouveau rendus au bureau de Zirabo pour vérifier que le centre n’avait pas rouvert et ont réitéré les mêmes instructions au propriétaire.
    • – Le 20 janvier 2017, des policiers ont interrompu une formation sur la santé et la sécurité dirigée par la BIGUF et l’Institut bangladais d’études dans le domaine du travail (BILS), dispensée avec l’appui du BIT. Les policiers ont regroupé les participants et en ont photographié un en raison de sa ressemblance avec Monowar Hossain, un organisateur de la BIGUF. Le sous-inspecteur a ordonné l’annulation de la formation, affirmant qu’une autorisation préalable de la police était requise (ce qui est faux, d’après les plaignants), et dit que tout travailleur qui continuerait à avoir un lien avec la BIGUF irait au-devant de problèmes et que, s’il attrapait le vice-président du syndicat, il le noierait. Il a également dit à Sanjida, le secrétaire général de la BIGUF, de quitter la fédération une bonne fois pour toutes ou, dans le cas contraire, d’assumer les conséquences, puis a continué à dénigrer et à menacer le syndicat, ses dirigeants et ses organisateurs devant les participants. Enfin, les policiers ont recueilli des informations personnelles des participants et des membres de leur famille, ont contraint les organisateurs à annuler la formation, ont saisi l’affiche du programme, les blocs notes, les tableaux de papier et les sacs, puis ont cadenassé le bureau. Le 2 février 2017, deux agents de la police industrielle en civil se sont rendus dans le bureau de la BIGUF à Chittagong, ont demandé à une membre de remplir la fiche de renseignements personnels pour elle même ainsi que pour toutes les personnes appartenant à la BIGUF, à la Campagne pour des vêtements propres et à IndustriALL, lui ont montré une lettre signée par un supérieur donnant ordre aux policiers de recueillir ces informations, mais ont refusé de laisser une copie de cette lettre à la BIGUF. Le lendemain, quatre agents de la police locale ont de nouveau pénétré dans le bureau de la BIGUF alors que se déroulait une formation à la législation du travail pour des travailleurs du secteur de l’habillement. Ils ont recueilli des informations personnelles de tous les participants, passé plusieurs heures dans le bureau et dit au personnel de la BIGUF d’informer la police de ses activités futures afin que des policiers puissent y assister.
    • – Le 30 janvier 2017, Nurul Amin Mamun, un organisateur de la Fédération révolutionnaire des travailleurs de l’habillement du Bangladesh (BRGWF), a été arrêté par la police dans les bureaux du syndicat, à Savar, après avoir rencontré, quelques heures plus tôt, un groupe de travailleurs demandant son aide. Il a été arrêté en raison de la plainte enregistrée à Ashulia (affaire no 28), déposée par l’usine de confection qui avait connu l’arrêt de travail de décembre 2016, bien qu’il n’ait pas été désigné au début comme suspect dans cette affaire. Le 7 février 2017, deux agents de la police industrielle en civil sont entrés dans les locaux de la BRGWF à Gazipur et, en vue de recueillir des informations sur deux organisateurs, ont appelé l’un des principaux dirigeants et lui ont posé des questions précises qui ressemblaient au questionnaire personnel que la police avait auparavant distribué aux différentes fédérations actives à Gazipur, y compris sur leurs activités politiques, leurs contacts et leur situation financière. La police a passé quatre heures dans les bureaux de la fédération et a posé les mêmes questions à une organisatrice qui y travaillait.
    • – Le 5 février 2017, des dirigeants de la Fédération pour la solidarité avec les travailleurs de l’habillement (GWSF) et de la Fédération des travailleurs de l’habillement d’Akota (AGWF) ont signalé que des agents de la police industrielle s’étaient rendus dans les bureaux locaux de ces deux fédérations à Gazipur et qu’ils avaient demandé aux organisateurs présents de remplir deux pages d’informations personnelles pour tous les responsables de ces fédérations.
    • – Le 6 février 2017, trois policiers du service spécial se sont rendus au bureau du Solidarity Centre à Gulshan pour demander des informations sur une réunion devant se tenir plus tard dans la journée avec des fédérations de l’habillement membres du Conseil d’IndustriALL pour le Bangladesh. Les policiers ont demandé à voir les documents attestant de l’enregistrement de l’organisation et ont demandé davantage d’informations sur la réunion, y compris l’identité des participants. Peu après, 15 autres policiers se sont regroupés devant la porte d’entrée du bureau, ont installé un grand appareil de prise de vue face à la porte des locaux et ont photographié ceux qui y entraient. Les arrivants ont indiqué que de nombreux policiers encerclaient le bâtiment, sans doute entre une trentaine et une cinquantaine. Les participants à la réunion ont également indiqué que toutes les fédérations représentées à cette formation avaient reçu la visite de la police qui avait demandé des renseignements personnels sur les dirigeants et les membres du personnel. Après l’arrivée d’un spécialiste de l’USAID, la police a commencé à se disperser. Le 8 février 2017, un agent du service du renseignement de la police industrielle s’est rendu au Solidarity Centre, a demandé à parler à un membre du personnel en particulier et a posé des questions sur les types de programmes et d’activités menés par l’organisation. Il a également brièvement parlé au directeur du programme du pays, lui a demandé les coordonnées de chaque membre du personnel et l’a prié de le tenir au courant de la date des activités de formation menées.
  6. 154. Les plaignants allèguent également que l’article 13(1) de la loi du Bangladesh sur le travail, qui permet aux employeurs de fermer une usine en cas de grève illégale, est employé de manière arbitraire et dénoncent le fait que, en l’espèce, le caractère illégal de la grève a été unilatéralement déterminé par la BGMEA (la BGMEA affirme qu’elle a fermé les usines concernées pour protéger les moyens d’existence d’une large majorité de travailleurs innocents). De plus, la loi du Bangladesh sur le travail ne prévoit pas de procédure permettant au Département du travail d’établir si l’article 13 est indûment invoqué. En outre, étant donné que les procédures judiciaires sont extrêmement longues et lourdement entachées d’actes de corruption, les travailleurs se tournent rarement vers les tribunaux du travail pour contester l’application de cette disposition. Les plaignants estiment également qu’un arrêt de travail organisé dans l’intérêt des travailleurs, même s’il est suivi par des travailleurs en majorité non représentés, devrait être protégé et qu’il ne devrait pas donner lieu à des représailles de la part des employeurs. Cependant, suite à la grève de décembre 2016 à Ashulia, plus de 1 600 travailleurs ont été mis à pied, licenciés ou contraints de démissionner. Même si le nombre exact reste inconnu, il semble qu’aucune mise à pied ou licenciement n’a suivi les procédures établies dans la loi du Bangladesh sur le travail. En effet, ces mises à pied et licenciements semblent avoir été prononcés sans discernement et sans preuve que les travailleurs concernés aient participé à l’arrêt de travail. De plus, dans les cas où des syndicats opéraient dans les usines concernées, leurs membres et responsables ont été ciblés et renvoyés lors de licenciements massifs.
  7. 155. En outre, d’après les plaignants, le gouvernement et les employeurs ont ignoré les cadres syndicaux élus et représentatifs dans les négociations ayant suivi les licenciements massifs. Ils ont au contraire engagé des négociations avec deux fédérations syndicales qui ne comptent aucun syndicat dans les usines de confection concernées et probablement aucun membre parmi les travailleurs licenciés (la Ligue bangladaise des travailleurs du textile et de l’habillement et la Ligue bangladaise des travailleurs du vêtement et de l’habillement). Ces fédérations ont été contraintes d’intimer aux travailleurs de reprendre le travail, bien qu’elles aient expliqué qu’elles n’avaient aucun pouvoir sur les travailleurs des usines en grève, étant donné que la majorité d’entre eux n’étaient pas syndiqués. Les plaignants allèguent également que d’autres mémorandums d’accord entre la BGMEA et plusieurs autres usines, dans lesquelles 1 395 travailleurs auraient choisi de démissionner contre indemnisation, ont également été conclus avec des syndicats choisis par le gouvernement ou par les employeurs qui ne représentaient pas les travailleurs concernés ou qui n’avaient pas été mandatés par les travailleurs non syndiqués pour négocier en leur nom. D’après les plaignants, toute dérogation au droit des travailleurs de contester leur mise à pied ou leur licenciement devrait donc être considérée comme nulle et non avenue. En ce qui concerne les suites de la grève à Ashulia, les plaignants ajoutent que, outre les plaintes pénales spécifiques visant les syndicalistes susmentionnés, la police intimide les dirigeants syndicaux et les travailleurs en enregistrant des plaintes pénales contre X, ce qui lui permet d’utiliser de manière abusive la menace d’arrestation à l’endroit de quiconque. Il y a désormais 1 600 plaintes ouvertes contre X pour des crimes commis lors de la grève d’Ashulia. Les plaignants dénoncent également les restrictions excessives au droit de grève qui figurent dans la loi du Bangladesh sur le travail, comme la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations l’a précédemment souligné.
  8. 156. Enfin, les plaignants prient le comité de prier instamment le gouvernement: de libérer tous les travailleurs emprisonnés, d’abandonner toutes les charges retenues par les autorités et d’encourager les entités privées à retirer leurs plaintes contre X ou contre des individus expressément désignés; d’enquêter sur toutes les allégations de menaces de mort et de violences physiques au cours de la garde à vue et d’engager des poursuites à l’égard des auteurs de tels actes; de permettre immédiatement aux syndicats et aux organisations non gouvernementales qui défendent les droits des travailleurs d’accéder à leurs locaux et de les utiliser sans menace ni intimidation; de veiller à ce qu’il ne soit dérogé à aucun droit dans les accords conclus entre les employeurs et les syndicats qui ne représentent pas les travailleurs au nom desquels ils affirment négocier; de garantir la réintégration immédiate de tous les travailleurs renvoyés; de garantir que, si une future grève devait être jugée illégale, la question serait traitée dans le respect des dispositions de la loi du Bangladesh sur le travail et non en appliquant le Code pénal ou d’autres lois; de modifier la législation afin que toutes les affaires, y compris les affaires pénales relatives aux différends entre travailleurs et employeurs, soient traitées par le tribunal du travail; de garantir que, dans le cas de tout futur trouble dans le secteur de l’habillement, aucune affaire pénale ne sera ouverte sans enquête approfondie et transparente du Département de l’inspection des usines et des établissements (DIFE) et du Département du travail, avec l’entière participation des représentants des travailleurs, cas dans lequel des données probantes fiables appuieront les accusations pénales; d’adopter des modifications, élaborées dans le cadre du dialogue social, afin d’empêcher l’utilisation arbitraire de l’article 13 de la loi du Bangladesh sur le travail par les employeurs; et de mettre entièrement la loi du Bangladesh sur le travail en conformité avec la convention no 87.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 157. Dans sa communication en date du 1er novembre 2017, en ce qui concerne les allégations d’arrestation et de détention de dirigeants syndicaux, de violences physiques et de fausses accusations pénales, le gouvernement indique que la loi oblige la police à présenter toute personne arrêtée ou détenue à un juge dans les vingt-quatre heures qui suivent l’arrestation et que tous les individus qui ont été arrêtés et détenus suite à l’épisode d’Ashulia ont été libérés sous caution. Il y a eu 11 affaires: 8 ont été classées après le rapport final d’enquête et 3 font encore l’objet d’enquête et seront résolues dans les plus brefs délais possibles. L’enquête est un processus indépendant dans lequel le gouvernement s’abstient d’intervenir, sauf pour prendre des mesures avec l’autorité d’enquête indépendante en vue d’accélérer les choses. Le gouvernement explique également qu’aucune plainte pour menace ou violence physique de dirigeants syndicaux en cours de détention n’a été déposée à la police mais que, si tel était le cas, la police mènerait une enquête. Les violences physiques en garde à vue sont rares mais, le cas échéant, les responsables reçoivent une réprimande, conformément à la loi. En ce qui concerne les allégations de surveillance et d’intimidation entraînant la fermeture des bureaux des syndicats et des organisations de travailleurs, le gouvernement déclare que, bien que les bureaux de deux organisations à Ashulia aient été fermés en raison de la réglementation relative au maintien de l’ordre afin de garantir leur sécurité, ils ont été rouverts dès qu’il n’y a plus eu de risque pour leur fonctionnement.
  2. 158. En ce qui concerne les allégations de licenciements massifs suite aux troubles à Ashulia en décembre 2016, le gouvernement indique qu’aucun travailleur n’a été licencié pour avoir participé à la moindre activité liée à la grève, mais que plusieurs travailleurs ont volontairement démissionné après avoir reçu les indemnités prévues par la loi du Bangladesh sur le travail et que deux usines sont désormais fermées. Il affirme également que, suite aux grèves illégales et en raison de pertes financières continues, des employeurs sont contraints de fermer des usines en invoquant l’article 13 de la loi du Bangladesh sur le travail. Cette disposition est toutefois utilisée avec précaution; son utilisation arbitraire n’est jamais encouragée et les droits des travailleurs ne sont jamais enfreints.
  3. 159. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des mémorandums d’accord ont été conclus après la grève d’Ashulia avec des fédérations syndicales qui n’étaient pas représentatives des travailleurs concernés, le gouvernement déclare que plusieurs réunions se sont tenues avec les travailleurs en présence des dirigeants des centrales, comme il est d’usage au Bangladesh, et que les travailleurs étaient toujours représentés par une fédération ou par un syndicat. Le gouvernement indique également qu’aucun règlement entre travailleurs et employeurs ne peut entrer en vigueur si les travailleurs ne sont pas représentés par le représentant d’un syndicat ou d’une fédération et qu’il ne peut être dérogé aux droits des travailleurs dans ces accords.
  4. 160. En ce qui concerne le fait que les plaignants demandent que les tribunaux du travail soient saisis de toutes les affaires relatives au travail, y compris des affaires concernant des activités criminelles causées par des troubles sociaux, le gouvernement déclare que les travailleurs ayant participé à une grève illégale, ainsi que ceux ayant commis une infraction lors de troubles sociaux, infraction visée par la loi du Bangladesh sur le travail, voient leur cas examiné en application de celle-ci et non du Code pénal. Cependant, si un travailleur commet une infraction au cours d’une grève illégale (par exemple, émeute, destruction de biens appartenant à l’employeur, acte ayant causé des blessures graves ou ayant entraîné la mort, atteinte à un intérêt collectif ou trouble à la paix et à la tranquillité publique de quelque manière que ce soit, ou atteinte à l’ordre public ou création d’une situation de non-droit), il sera tenu pour responsable, en vertu du Code pénal. En effet, rien ne permet d’engager des poursuites pénales pour ce type d’infraction dans la loi du Bangladesh sur le travail, qui n’autorise pas la Direction du travail et la DIFE à se charger des infractions de nature pénale. Le gouvernement indique également que, même si la loi du Bangladesh sur le travail est en cours de révision, aucune modification permettant aux tribunaux du travail de connaître des affaires pénales relatives à des différends entre travailleurs et employeurs n’est prévue.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 161. Le comité note que ce cas concerne des allégations de violations graves des droits de liberté syndicale par le gouvernement, y compris l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, des menaces de mort proférées et des violences physiques infligées au cours de la détention, de fausses accusations pénales, la surveillance, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales, ainsi que le licenciement massif de travailleurs des usines de confection suite à une manifestation pacifique.
  2. 162. Le comité prend note des allégations des plaignants selon lesquelles le gouvernement mène une attaque en règle contre le syndicalisme et a utilisé la grève d’Ashulia de décembre 2016 comme prétexte pour réprimer les syndicats actifs dans le secteur de l’habillement. Il constate que, d’après les informations détaillées fournies par les plaignants, ces allégations concernent les arrestations et les détentions arbitraires de plus d’une vingtaine de dirigeants syndicaux et de militants, dont la plupart n’ont pas participé à l’arrêt de travail, arrestations et détentions auxquelles se seraient ajoutés des interrogatoires, des violences physiques, des bastonnades et des menaces de mort par la police, ainsi que le refus de permettre de consulter un avocat et le dépôt de fausses accusations pénales pour des infractions abrogées ou pour des crimes n’ayant rien à voir, pour lesquels des affaires pénales avaient été ouvertes des mois auparavant. Le comité note que le gouvernement indique, à cet égard, que toutes les personnes arrêtées et détenues ont par la suite été libérées sous caution, que 8 des 11 affaires ont été résolues et que les 3 autres font toujours l’objet d’une enquête, qu’aucune plainte pour menace ou violence physique au cours de la détention n’a été déposée à la police et que, en cas de plainte pour ces motifs, la police procédera à une enquête. Tout en prenant bonne note de ces informations, le comité constate que le gouvernement ne répond pas aux allégations selon lesquelles une infraction pénale abrogée a été utilisée dans les accusations portées contre plusieurs syndicalistes et les accusations pénales ont été portées sans preuve à l’appui. Il regrette que, malgré les allégations extrêmement sérieuses et détaillées formulées par les plaignants (menaces de mort, violences physiques et bastonnades par la police), le gouvernement n’en dise pas plus sur ce point et qu’il indique simplement qu’aucune enquête n’a à ce jour été menée, en l’absence de plainte. Constatant que le gouvernement suggère que les plaignants auraient dû déposer plainte auprès de l’institution contre laquelle ils portaient plainte (à savoir la police), le comité estime que des mesures auraient dû être prises pour diligenter une enquête indépendante afin que toute personne concernée réponde de ses actes, en particulier au vu de la gravité des allégations. Le comité rappelle à cet égard les recommandations de 2017 de la Commission de l’application des normes de la Conférence dans lesquelles la commission a prié le gouvernement de continuer à enquêter, sans retard, sur tous les actes de discrimination antisyndicale présumés, y compris dans la région d’Ashulia, et d’imposer des amendes ou des sanctions pénales (en particulier en cas de violence à l’encontre de syndicalistes) prévues par la loi. De la même manière, il note que, dans son dernier rapport, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations s’est dite profondément préoccupée par la poursuite de la violence et de l’intimidation dont souffrent les travailleurs et qu’elle a dit s’attendre à ce que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires pour prévenir à l’avenir de tels incidents et veiller à ce que, s’ils se produisent, une enquête appropriée soit diligentée. Elle a également observé que, d’après la CSI, des charges pénales infondées étaient maintenues contre des travailleurs au motif de leur participation à l’incident d’Ashulia et a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que toutes les procédures en cours relative à cet arrêt de travail soit menée à leur terme sans délai.
  3. 163. Le comité considère que la situation décrite soulève de profondes inquiétudes quant à l’existence d’un environnement propice au libre exercice des droits syndicaux et souhaite insister sur le fait que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. Si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. Les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. En relation avec les allégations de mauvais traitements physiques et de tortures infligés à des syndicalistes, le comité a rappelé que les gouvernements devraient donner les instructions nécessaires pour qu’aucun détenu ne fasse l’objet de mauvais traitements et imposer des sanctions efficaces dans les cas où de tels actes auraient été commis. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 43, 72, 63 et 55.] De plus, le comité a signalé le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des inculpations prononcées à l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d’activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 92.] Compte tenu de ce qui précède et souscrivant entièrement aux conclusions de la Commission de la Conférence et de la commission d’experts à cet égard, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur les allégations graves de menaces de mort, de violences physiques et de bastonnades au cours de la garde à vue, et pour garantir que les auteurs de tels actes sont traduits en justice et que les personnes concernées sont dûment indemnisées pour tout préjudice subi afin d’éviter que de tels faits ne se reproduisent. Le comité invite les plaignants à fournir toute information supplémentaire aux autorités nationales compétentes afin qu’elles puissent mener une enquête en toute connaissance de cause. Il prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les affaires en instance qui visent des syndicalistes pour leur participation présumée à la grève d’Ashulia, qu’elles aient été ouvertes par la police ou suite à la plainte de propriétaires d’usines de confection ou d’autres entités privées, soient réglées sans délai et de fournir des informations détaillées sur le nombre de cas, les charges exactes retenues et l’issue de ces affaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant les éléments susmentionnés et veut croire que tous les syndicalistes emprisonnés ou détenus après la grève d’Ashulia ont été libérés.
  4. 164. Le comité note que les plaignants allèguent également que les syndicalistes font l’objet d’une surveillance et d’intimidation persistantes par la police, y compris par des visites répétées dans les bureaux des syndicats, menaces de mort et autres menaces en vue de faire cesser toute activité syndicale, prise en photo des membres des syndicats et des participants aux formations relatives au travail, enquêtes répétées sur les dirigeants syndicaux et le personnel des syndicats, et collecte d’informations personnelles, en particulier au moyen de fiches de renseignements personnels. Le comité observe que les fiches de renseignements personnels fournies par les plaignants contiennent des questions personnelles très détaillées, par exemple sur la religion, l’état civil, le revenu annuel et les données bancaires, l’implication politique, la police d’assurance, le numéro d’immatriculation du véhicule personnel ou familial, les antécédents familiaux et les points faibles de l’intéressé, et relève avec préoccupation que la collecte de renseignements personnels aussi sensibles pourrait fortement donner une impression de harcèlement et d’intimidation des syndicalistes et de leur famille, en particulier compte tenu du climat général de peur et de répression du syndicalisme allégué par les plaignants, et regrette que le gouvernement ne fournisse aucun renseignement à cet égard. Constatant également avec préoccupation que, d’après les plaignants, de nombreux syndicalistes et militants se sont cachés, inquiets pour leur sécurité, il rappelle que le climat de peur qui résulte des menaces de mort proférées contre des syndicalistes ne peut manquer d’avoir une incidence défavorable sur l’exercice des activités syndicales, et que celui-ci n’est possible que dans le cadre du respect des droits fondamentaux de l’homme et dans un climat exempt de violence, de pressions ou de menaces en tout genre. Les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires par la police des dirigeants et des militants syndicaux contiennent un risque d’abus et peuvent constituer une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux. Un climat de violence, de menaces et d’intimidation à l’encontre des dirigeants syndicaux et de leurs familles ne favorise pas le libre exercice et la pleine jouissance des droits et libertés garantis par les conventions nos 87 et 98, et tous les Etats ont le devoir indéniable de promouvoir et de défendre un climat social où le respect de la loi règne en tant que seul moyen de garantir et de respecter la vie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 60, 68 et 58.] Dans ces conditions, le comité prie instamment le gouvernement de donner les instructions nécessaires et de dispenser une formation et des activités de sensibilisation complètes et obligatoires afin de garantir que toute forme d’intimidation et de harcèlement des syndicalistes et des militants par la police cesse immédiatement, que toutes les personnes concernées peuvent, en toute sécurité et sans crainte de répression, rentrer chez elles et retourner au travail, et que les actes d’intimidation et de harcèlement par la police ne se reproduisent réellement plus. Le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur tous les cas présumés d’intimidation et de harcèlement exposés dans la plainte afin de garantir que les auteurs de ces actes sont traduits en justice et que les travailleurs concernés sont dûment indemnisés pour tout préjudice subi, et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
  5. 165. Le comité constate également que, parallèlement aux allégations d’intimidation et de surveillance des syndicalistes, les plaignants dénoncent également l’ingérence répétée de la police dans les activités syndicales, y compris l’irruption dans les bureaux des syndicats, l’interruption d’une séance de formation sur la santé et la sécurité dispensée avec l’appui du BIT et la confiscation du matériel de formation (banderoles, blocs-notes, tableaux de papier et sacs), l’annulation forcée d’une activité de formation, les questions concernant les anciennes et futures réunions, la confiscation des clés des bureaux d’un syndicat et la dissolution d’organisations, ordonnée par la police. Le comité prend note avec préoccupation de ces allégations graves et observe que le gouvernement indique simplement que, même si les bureaux de deux organisations à Ashulia ont été fermés pour des questions de sécurité, ils ont été immédiatement rouverts dès que leur fonctionnement ne représentait plus aucun risque. Dans ces circonstances, le comité doit rappeler que toute agression contre des syndicalistes constitue une grave violation des droits syndicaux. Ce type d’activités criminelles crée un climat d’intimidation qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 59.] Le comité tient également à souligner que l’inviolabilité des locaux et des biens syndicaux constitue l’une des libertés civiles essentielles pour l’exercice des droits syndicaux. En dehors des perquisitions effectuées sur mandat judiciaire, l’intrusion de la force publique dans les locaux syndicaux constitue une grave et injustifiable ingérence dans les activités syndicales. La confiscation des biens des organisations syndicales par les autorités, en l’absence de mandat judiciaire, constitue une atteinte au droit de propriété des organisations syndicales et une ingérence indue dans les activités des syndicats. Un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 178, 181, 190 et 188.] Soulignant la gravité des conséquences que cette ingérence présumée peut avoir sur le fonctionnement des syndicats, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les bureaux de syndicats et d’organisations de travailleurs mentionnés dans la plainte puissent fonctionner librement, sans crainte d’intimidations, et à ce que la totalité du matériel confisqué appartenant à ces entités leur soit rendue. Compte tenu de la gravité et du caractère répété de l’ingérence présumée de la police dans les activités syndicales, y compris l’interruption d’une séance de formation dispensée avec l’appui du BIT, le comité encourage le gouvernement à diligenter une enquête interne afin d’établir les responsabilités et de garantir que des sanctions adéquates sont prises pour éviter que des actes aussi graves ne se reproduisent.
  6. 166. Le comité note également que les plaignants et le gouvernement ne sont pas d’accord sur plusieurs points concernant la grève d’Ashulia, y compris la légalité de l’action collective et la fermeture concomitante des usines par les employeurs, la nature du licenciement d’environ 1 600 travailleurs et l’ouverture de 1 600 plaintes pénales contre X. De plus, si les plaignants dénoncent le fait que les négociations qui ont suivi cet événement ont été menées avec des fédérations syndicales choisies par le gouvernement ou les employeurs qui ne représentaient pas les travailleurs concernés, le gouvernement indique qu’aucun travailleur n’a été licencié pour avoir participé à quelconque activité liée à la grève, mais que plusieurs d’entre eux ont volontairement démissionné après avoir reçu les indemnités prévues et que les travailleurs étaient représentés dans les négociations par les dirigeants des centrales, comme il est d’usage, et qu’un accord ne peut être appliqué si les travailleurs ne sont pas représentés. A cet égard, le comité prend également note des informations fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 2017 d’après lesquelles un accord tripartite a été conclu avec IndustriALL en février 2017, accord en vertu duquel toutes les personnes détenues et placées en garde à vue après l’incident d’Ashulia ont été libérées sous caution et les travailleurs ayant quitté leur emploi ont reçu leur salaire conformément à la législation du travail. Le comité prend également note des conclusions de la Commission de la Conférence dans lesquelles la commission a prié le gouvernement de continuer à enquêter, sans retard, sur tous les actes de discrimination antisyndicale présumés et de veiller à ce que ceux qui ont été licenciés illégalement à Ashulia soient réintégrés.
  7. 167. Compte tenu des opinions divergentes des plaignants et du gouvernement sur les questions susmentionnées et tout en reconnaissant qu’il ne dispose pas de suffisamment d’informations pour se prononcer sur la légalité de la grève d’Ashulia et sur le lock-out qui a suivi, le comité tient à rappeler que le droit de grève est une prérogative des organisations de travailleurs (syndicats, fédérations et confédérations) et que la décision de déclarer la grève illégale devrait appartenir à un organe indépendant et impartial. Tout en soulignant également que les principes de la liberté syndicale ne protègent pas les abus dans l’exercice du droit de grève qui constituent des actions de caractère délictueux [voir Recueil, op. cit., paragr. 667], le comité ne peut que dire sa préoccupation quant au fait que plus d’un millier de travailleurs ont perdu leur emploi. A cet égard, il rappelle que des arrestations et des licenciements massifs de grévistes comportent de graves risques d’abus et de sérieux dangers pour la liberté syndicale. Les autorités compétentes devraient recevoir des instructions appropriées afin de prévenir les risques que ces arrestations ou ces licenciements peuvent avoir pour la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 674.] En ce qui concerne les allégations relatives à 1 600 plaintes pénales contre X, le comité rappelle que des sanctions pénales ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas d’infraction à des interdictions de la grève conformes aux principes de la liberté syndicale. Toute sanction infligée en raison d’activités liées à des grèves illégitimes devrait être proportionnée au délit ou à la faute commis, et les autorités devraient exclure le recours à des mesures d’emprisonnement contre ceux qui organisent une grève pacifique ou y participent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 668.] De plus, le comité souhaite faire remarquer que, s’il comprend qu’il est utile d’aborder la question de l’indemnisation avec les porte-parole des syndicats représentatifs, en particulier dans les cas qui concernent des milliers de travailleurs d’usines différentes, il considère qu’il est essentiel que ces représentants soient clairement mandatés à cette fin par les travailleurs concernés. En raison des circonstances de ce cas et souscrivant pleinement aux conclusions de la Commission de la Conférence à cet égard, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que soient réintégrés sans délai tous les travailleurs licenciés ou mis à pied pour des motifs antisyndicaux à la suite de la grève d’Ashulia qui n’ont pas encore été réintégrés dans le cadre des différents accords conclus et qui ont indiqué qu’ils souhaitaient reprendre le travail, et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la suite donnée aux 1 600 plaintes pénales qui auraient été déposées après la grève d’Ashulia, y compris sur le nombre de plaintes ayant donné lieu à des affaires pénales, les charges retenues et l’issue de ces affaires.
  8. 168. Enfin, le comité note que, d’après les allégations des plaignants, la loi du Bangladesh sur le travail impose des restrictions excessives au droit de grève. Il note également que les plaignants demandent que les tribunaux du travail soient saisis pour toute grève qui serait à l’avenir jugée illégale, ainsi que pour les affaires pénales relatives à des différends au travail, dans le cadre de la loi du Bangladesh sur le travail. Le gouvernement indique quant à lui que, si les travailleurs ayant participé à une grève illégale sont visés par la loi du Bangladesh sur le travail, les infractions commises lors d’une grève illégale, par exemple des actes entraînant de graves blessures ou la mort, sont visées par le Code pénal car la loi du Bangladesh sur le travail ne prévoit pas l’ouverture de poursuites pour ces infractions. Par conséquent, le comité veut croire que, si les infractions pénales commises pendant une grève, telle la violence délibérée à l’endroit de personnes ou de biens, sont légitimement examinées dans le cadre de la législation pénale interdisant de tels actes, le gouvernement veillera à ce que le recours aux sanctions pénales et l’engagement de poursuites pénales ne soient pas utilisés de manière abusive pour réprimer des activités syndicales pacifiques ni pour menacer ou intimider des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 169. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur les allégations graves de menaces de mort, de violences physiques et de bastonnades au cours de la garde à vue et pour garantir que les auteurs de tels actes sont traduits en justice et que les personnes concernées sont dûment indemnisées pour tout préjudice subi afin d’éviter que de tels faits ne se reproduisent. Le comité invite les plaignants à fournir toute information supplémentaire aux autorités nationales compétentes afin qu’elles puissent mener une enquête en toute connaissance de cause. Il prie également le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que toutes les affaires en instance qui visent des syndicalistes pour leur participation présumée à la grève d’Ashulia, qu’elles aient été ouvertes par la police ou suite à la plainte de propriétaires d’usines de confection ou d’autres entités privées, soient réglées sans délai et de fournir des informations détaillées sur le nombre de cas, les charges exactes retenues et l’issue de ces affaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant les éléments susmentionnés et veut croire que tous les syndicalistes emprisonnés ou détenus après la grève d’Ashulia ont été libérés.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de donner les instructions nécessaires et de dispenser une formation et des activités de sensibilisation complètes et obligatoires afin de garantir que toute forme d’intimidation et de harcèlement des syndicalistes et des militants par la police cesse immédiatement, que toutes les personnes concernées peuvent, en toute sécurité et sans crainte de répression, rentrer chez elles et retourner au travail, et que les actes d’intimidation et de harcèlement par la police ne se reproduisent réellement plus. Le comité prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour diligenter une enquête indépendante sur tous les cas présumés d’intimidation et de harcèlement exposés dans la plainte afin de garantir que les auteurs de ces actes sont traduits en justice et que les travailleurs concernés sont dûment indemnisés pour tout préjudice subi, et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard.
    • c) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que tous les bureaux de syndicats et d’organisations de travailleurs mentionnés dans la plainte puissent fonctionner librement, sans crainte d’intimidations, et à ce que la totalité du matériel confisqué appartenant à ces entités leur soit rendue. Compte tenu de la gravité et du caractère répété de l’ingérence présumée de la police dans les activités syndicales, y compris l’interruption d’une séance de formation dispensée avec l’appui du BIT, le comité encourage le gouvernement à diligenter une enquête interne afin d’établir les responsabilités et de garantir que des sanctions adéquates sont prises pour éviter que des actes aussi graves ne se reproduisent.
    • d) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que soient réintégrés sans délai tous les travailleurs licenciés ou mis à pied pour des motifs antisyndicaux à la suite de la grève d’Ashulia qui n’ont pas encore été réintégrés dans le cadre des différents accords conclus et qui ont indiqué qu’ils souhaitaient reprendre le travail, et de le tenir informé de tout fait nouveau à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la suite donnée aux 1 600 plaintes pénales qui auraient été déposées après la grève d’Ashulia, y compris sur le nombre de plaintes ayant donné lieu à des affaires pénales, les charges retenues et l’issue de ces affaires.
    • e) Le comité veut croire que si les infractions pénales commises pendant une grève, telle la violence délibérée à l’égard de personnes ou de biens, sont légitimement examinées dans le cadre de la législation pénale interdisant de tels actes, le gouvernement veillera à ce que le recours aux sanctions pénales et l’engagement de poursuites pénales ne soient pas utilisés de manière abusive pour réprimer des activités syndicales pacifiques ni pour menacer ou intimider des syndicalistes ou des dirigeants syndicaux.
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