Allégations: L’organisation plaignante dénonce l’adoption par le gouvernement du Québec de la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques et allègue que cette loi, en plus de nier le droit de grève aux avocats et notaires de l’Etat québécois sans mesure de compensation appropriée, porte atteinte à leurs droits à la négociation collective
- 152. La plainte figure dans une communication des avocats et notaires de l’Etat québécois (LANEQ) en date du 13 juillet 2017.
- 153. Le gouvernement du Canada a fait parvenir les observations du gouvernement du Québec dans des communications en date des14 février et 24 avril 2018.
- 154. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, mais pas la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 155. Dans sa communication en date du 13 juillet 2017, LANEQ explique qu’elle est une association de salariés constituée en vertu de la loi sur les syndicats professionnels et accréditée pour représenter les avocats et notaires dans l’ensemble des ministères et organismes de la fonction publique québécoise ainsi que, notamment, ceux de l’Agence du revenu du Québec (ci-après l’«ARQ»). Elle ajoute que le Conseil du trésor exerce les fonctions et pouvoirs conférés par le gouvernement du Québec et est responsable de la négociation des conventions collectives pour la fonction publique québécoise et définit les conditions de travail pour divers organismes, dont l’ARQ. Depuis son accréditation, l’organisation plaignante a négocié et conclu avec le gouvernement du Québec une première convention collective le 30 mars 2000 qui a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2005. Alors qu’elle s’apprêtait à commencer la négociation pour le renouvellement de la convention collective, la loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (ci-après la «loi 43») a été adoptée sous le bâillon et sanctionnée le 15 décembre 2005, imposant, sans discussion ni négociation, le contenu de la convention collective applicable aux juristes en regard des clauses normatives et pécuniaires, et ce jusqu’au 31 mars 2010. LANEQ, alors connue sous le nom de l’Association des juristes de l’Etat (AJE), a soumis une plainte au Comité de la liberté syndicale, qui a prié le gouvernement d’amender la loi 43 afin qu’elle soit conforme aux conventions nos 87 et 98. [Voir cas no 2467, 344e rapport, paragr. 587 a).]
- 156. LANEQ indique qu’à l’automne 2010, les effets de la loi 43 arrivant à leur terme, les négociations pouvaient débuter pour renouveler la convention collective imposée législativement. L’un des enjeux majeurs lors des négociations en vue du renouvellement de la convention collective était le rattrapage salarial à effectuer pour les avocats et notaires représentés par LANEQ, laquelle a insisté pour que les échelles de salaire soient ajustées. LANEQ a proposé de mettre en place un comité conjoint de rémunération travaillant avec l’Institut de la statistique du Québec, organisme institué par la législature de la province de Québec, afin de déterminer la rémunération pour l’année 2010. Le gouvernement du Québec a refusé cette proposition. Le 2 février 2011, lors d’une rencontre avec le gouvernement du Québec, LANEQ l’avise qu’elle déclenchera la grève le 8 février 2011, à moins qu’une entente survienne avant cette date. Face à l’impasse des négociations, la grève est déclenchée le 8 février 2011. Le 22 février 2011, la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics (ci-après la «loi 2») est adoptée sous le bâillon et sanctionnée. Elle a pour effet d’imposer, une deuxième fois consécutive, les conditions de travail des avocats et notaires représentés par LANEQ. Cette imposition unilatérale a effet jusqu’au 31 mars 2015 et n’intègre aucune entente intervenue entre les parties avant ou pendant la médiation et se contente plutôt de renouveler telle quelle la convention collective existante, forçant également le retour au travail des avocats et notaires en grève et leur interdisant d’exercer leur droit de grève. LANEQ intente alors un recours devant la Cour supérieure du Québec pour faire annuler la loi 2, dont elle allègue l’inconstitutionnalité et dépose une plainte à l’encontre de la loi 2 au Comité de la liberté syndicale.
- 157. LANEQ explique que, le 7 juillet 2011, elle conclut avec le Conseil du trésor une entente de principe concernant certains éléments modifiant la convention collective des avocats et notaires 2010-2015. Dans cette entente, elle accepte notamment de se désister de sa plainte formulée auprès du comité et obtient en contrepartie une lettre d’entente concernant la réforme du régime de négociation avec LANEQ (ci-après la «lettre d’entente no 5»), laquelle est intégrée à la convention collective liant les parties. Dans cette lettre d’entente, les parties conviennent de mettre sur pied un comité patronal-syndical composé d’un maximum de deux représentants de chacune des parties ayant le mandat de discuter de la réforme du régime de négociation et s’engagent, dans le cadre du mandat de ce comité, à «déterminer les éléments sur lesquels porteraient les travaux d’un nouveau comité présidé par un tiers indépendant, désigné par les parties». Ce comité formulerait des recommandations au gouvernement du Québec quant aux modifications à apporter au régime de négociation applicable aux avocats et notaires représentés par LANEQ.
- 158. L’organisation plaignante indique que, le 21 septembre 2011, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après l’«APPCP»), entité qui regroupe les avocats spécialisés qui représentent l’Etat québécois devant les tribunaux de juridiction criminelle et pénale, conclut avec le gouvernement du Québec une entente de principe concernant certains éléments modifiant l’entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2010-2015. Cette entente de principe contient notamment en annexe une lettre d’intention concernant la réforme du régime de négociation avec l’APPCP, lettre dans laquelle la mise en place d’un nouveau processus d’examen de la rémunération des procureurs et le retrait du droit de grève ainsi que le renouvellement aux quatre ans de l’entente relative aux conditions de travail des procureurs sont prévus. Le 1er décembre 2011, l’Assemblée nationale adopte la loi abrogeant la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics, et modifiant la loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Comme son titre l’indique, l’un des volets de cette loi consiste en l’abrogation de la loi 2 et l’autre volet consiste en la mise en œuvre de la lettre d’intention concernant la réforme du régime de négociation avec l’APPCP. Ainsi, la loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales devient la loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective. Cette loi institue un comité de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après les «PPCP») qui «a pour fonction d’évaluer tous les quatre ans si la rémunération, les régimes collectifs, les conditions de travail qui ont des incidences pécuniaires, celles qui concernent les accidents de travail et les maladies professionnelles et l’aménagement du temps de travail sont adéquats». Elle prévoit que le comité, après avoir reçu les observations de l’APPCP et du gouvernement du Québec, remet au gouvernement du Québec un rapport comportant les recommandations qu’il estime appropriées. Il revient au ministre de la Justice de la province de déposer ensuite ce rapport à l’Assemblée nationale. La loi prévoit ensuite que «l’Assemblée nationale peut par résolution motivée approuver, modifier ou rejeter en tout ou en partie les recommandations du comité. Le gouvernement prend avec diligence les mesures requises pour mettre cette résolution en œuvre.» Enfin, «[l]es conditions de travail qui font l’objet de la résolution de l’Assemblée nationale ou, à défaut, des recommandations du comité sont réputées faire partie de l’entente» liant l’APPCP et le directeur des poursuites criminelles et pénales. De plus, comme cela était prévu dans la lettre d’intention, la loi sur le processus de détermination de la rémunération des PPCP et sur leur régime de négociation collective prévoit l’intervention d’un arbitre lorsque les parties ne parviennent pas à une entente sur les autres conditions de travail. Cet arbitre, après avoir entendu les représentations des parties, rend une décision, laquelle constitue une recommandation au gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec doit approuver, modifier ou rejeter, en tout ou en partie, la recommandation de l’arbitre et doit publier les motifs de sa décision. Le régime particulier de détermination de la rémunération et de négociation introduit dans cette loi constitue la contrepartie au retrait du droit de grève des PPCP.
- 159. L’organisation plaignante indique que, dans le cadre des travaux du comité patronal-syndical mis en place en vertu de la lettre d’entente no 5, ses représentants et ceux du Conseil du trésor se réunissent les 4 octobre et 20 novembre 2012 ainsi que les 18 juin et 11 septembre 2013. Elle ajoute que, le 11 septembre 2013, les représentants du Conseil du trésor lui remettent la proposition patronale, laquelle prévoit le statu quo quant au régime de négociation actuel. Ainsi, selon cette proposition, les conditions de travail des avocats et notaires de l’Etat continueraient d’être négociées de la même façon, à l’échéance de chacun des contrats de travail, entre les mêmes parties. Le 25 septembre 2013, LANEQ refuse cette proposition du Conseil du trésor, jugeant qu’elle ne respecte pas la lettre d’entente no 5, prévoyant justement la réforme du régime de négociation. Le 2 octobre 2013, après avoir été informés du refus de leur proposition, les représentants patronaux du comité font parvenir leurs recommandations à LANEQ et au gouvernement visant à imposer unilatéralement le statu quo quant au régime de négociation. Le 19 novembre 2013, les membres syndicaux du comité soumettent leurs recommandations, lesquelles consistent à rendre applicable aux avocats et notaires de l’Etat, «au moyen de l’adoption et de l’entrée en vigueur de dispositions législatives appropriées avant le début de la prochaine négociation collective qui doit débuter en septembre 2014», un processus de détermination de la rémunération et de négociation des autres conditions de travail analogue à celui établi pour les PPCP par la loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective. L’organisation plaignante allègue que, après le dépôt des recommandations des membres syndicaux du comité, aucune réforme du régime de négociation n’a été conclue. Ainsi, alors que la lettre d’entente no 5 convenue entre les parties prévoyait un travail concernant la réforme du régime de négociation (une contrepartie essentielle pour l’organisation plaignante l’ayant menée notamment à se désister de ses recours, et particulièrement de sa plainte auprès du Comité de la liberté syndicale à l’encontre de la loi 2), notamment par la mise en place d’un comité présidé par un tiers indépendant, la position du gouvernement de maintien du statu quo à cet égard a fait obstacle à toute avancée.
- 160. L’organisation plaignante indique que le 1er octobre 2014 débute la phase des négociations en vue du renouvellement de la convention collective, dont l’échéance est le 31 mars 2015. Le 5 janvier 2015, elle envoie un avis de rencontre au Conseil du trésor en vue du dépôt des demandes syndicales. Le 29 janvier 2015, le comité de négociation de LANEQ procède au dépôt des demandes syndicales, parmi lesquelles figure une lettre d’intention no 2 concernant la réforme du régime de négociation, et notamment la mise en place d’un comité de rémunération qui soumettrait à l’Assemblée nationale du Québec ses conclusions sur cet aspect. Le 16 février 2015, le Conseil du trésor procède au dépôt de ses demandes, incluant le volet «régime de retraite». L’organisation plaignante allègue que ce dépôt ne fait toutefois aucunement mention du volet de la réforme du régime de négociation en rapport avec la proposition figurant à la lettre d’intention no 2.
- 161. Le 31 mars 2015, la convention collective 2010-2015 expire. Le 29 mai 2015, LANEQ procède à un dépôt par lequel elle amende son offre syndicale ainsi que la lettre d’intention no 2. Les 1er septembre et 30 octobre 2015, le Conseil du trésor soumet deux offres, sans que celles-ci ne portent sur le volet «régime de retraite» ni sur le volet de la réforme du régime de négociation en rapport avec la lettre d’intention no 2. Dans l’intervalle, le 16 octobre 2015, LANEQ envoie un avis de rencontre à l’ARQ en vue du dépôt des demandes syndicales dans le cadre du renouvellement de la convention collective entre l’ARQ et LANEQ. Le 3 novembre 2015, elle procède au dépôt des demandes syndicales, comprenant également une lettre d’intention concernant la réforme du régime de négociation lors d’une rencontre avec les représentants de l’ARQ. Jusqu’au 20 mars 2017, l’ARQ n’a soumis aucune réponse à ce dépôt. Le 24 novembre 2015, le Conseil du trésor procède à un amendement au dépôt du 16 février 2015 consistant en deux modifications concernant le volet «régime de retraite». Ce dépôt n’aborde toujours pas le volet de la réforme du régime de négociation en rapport avec la lettre d’intention no 2. Le 18 décembre 2015, le Conseil du trésor dépose une offre patronale, sans mention aucune du volet de la réforme du régime de négociation ni du volet du régime de retraite. Le 29 janvier 2016, LANEQ dépose une offre en matière de harcèlement psychologique et, le 8 mars 2016, elle procède à un dépôt quant au congé sans traitement. Le 21 mars 2016, le Conseil du trésor soumet une offre au regard des régimes d’assurance collectifs et, le 15 avril 2016, il dépose ses offres, sans mention du volet «régime de retraite». Le 19 avril 2016, après 18 séances de négociation échelonnées sur plus d’un an et qui n’ont permis que quelques avancées sur des volets secondaires, LANEQ dépose une demande de médiation. LANEQ et le Conseil du trésor participent à six séances de médiation entre le 5 mai et le 28 juin 2016.
- 162. L’organisation plaignante indique que, le 8 juin 2016, l’Assemblée nationale du Québec adopte la loi modifiant certaines lois instituant des régimes de retraite applicables aux employés du secteur public, sans avoir négocié, préalablement à l’adoption de ce projet de loi, la question avec LANEQ, bien que ce projet de loi vienne modifier unilatéralement et au désavantage de ses membres les conditions liées notamment à l’admissibilité et au calcul de leur rente de retraite. Ce projet de loi est adopté alors que le Conseil du trésor et LANEQ sont toujours en processus de négociation quant au renouvellement de la convention collective, plaçant l’organisation plaignante devant le fait accompli.
- 163. Lors d’une rencontre tenue le 6 juillet 2016, LANEQ soumet au Conseil du trésor et au médiateur une synthèse de leur position concernant la réforme du régime de négociation et la mise en place d’un comité de la rémunération. Le 8 juillet 2016, le médiateur dépose son rapport de médiation. Les six séances de médiation n’ont permis aucune percée dans les discussions, notamment en ce qui a trait à la réforme du régime de négociation, le Conseil du trésor réitérant que le régime actuel est adéquat. Entre le moment du dépôt du rapport du médiateur et le déclenchement de la grève, soit de juillet à octobre 2016, aucune rencontre de négociation n’a eu lieu avec le Conseil du trésor ou avec l’ARQ.
- 164. L’organisation plaignante indique que, le 12 octobre 2016, elle transmet des avis préalables à l’exercice du droit de grève, tant en ce qui concerne le Conseil du trésor que l’ARQ. Avant de transmettre l’avis de grève à l’ARQ et au Conseil du trésor, le représentant de l’organisation plaignante communique avec le représentant de l’ARQ et celui du Conseil du trésor pour les en informer. Le représentant de l’ARQ déclare alors que l’Agence du revenu du Québec attendra le résultat des négociations de l’organisation plaignante avec le Conseil du trésor avant d’enclencher les négociations. LANEQ acquiert le droit de grève le 24 octobre 2016 à 00 h 01, et la grève est officiellement déclenchée ce même jour et cessera par la loi le 1er mars 2017. LANEQ indique que, tout au long de cette grève, elle-même ainsi que ses membres ont utilisé de nombreux moyens pour mettre de l’avant leurs revendications, notamment en effectuant du piquetage à plusieurs endroits, en organisant diverses manifestations, en publiant des communiqués et en participant à des entrevues, entres autres avec les médias. L’organisation plaignante souligne que ses membres n’ont jamais eu recours à la violence durant la grève et que, depuis le déclenchement de la grève, le Conseil du trésor n’a manifesté aucune volonté d’entreprendre de véritables discussions sur sa demande principale visant notamment la question de la mise en place d’un comité de rémunération.
- 165. Selon l’organisation plaignante, le 9 novembre 2016, lors d’une période de questions à l’Assemblée nationale du Québec, le ministre des Finances, alors président du Conseil du trésor, en réponse à une question lui étant adressée par une députée, déclare être ouvert à discuter du mode de négociation des conditions de travail des membres de LANEQ. Or, en dépit de cette déclaration, le négociateur du Conseil du trésor indique le même jour à LANEQ ne pas avoir de mandat de négociation quant à la question d’une réforme du mode de détermination des conditions de travail des avocats et notaires de l’Etat. L’organisation plaignante souligne que, lors d’une rencontre tenue le 23 novembre 2016 à son initiative, et souhaitant débloquer la situation au moyen de propositions constructives, elle dépose un amendement à la lettre d’intention no 2 et propose notamment quatre conventions collectives de quatre ans avec un arbitrage liant et une cinquième avec un arbitrage non liant. Le 25 novembre 2016, commentant les pourparlers depuis le Sommet de la francophonie à Madagascar, le Premier ministre de la province de Québec confirme le refus du gouvernement du Québec de négocier un nouveau régime de détermination des conditions de travail des avocats et notaires de l’Etat québécois, ajoutant qu’il fallait qu’un éventuel règlement soit compatible avec ce qui fut fait avec le secteur public québécois. L’organisation plaignante ajoute que le 30 novembre 2016, soit une semaine après le dépôt de sa proposition et cinq semaines après le début de la grève, le Conseil du trésor communique une offre patronale globale qui reprend les propositions soumises aux syndicats des secteurs publics québécois en décembre 2015 et dans laquelle le volet «régime de retraite» s’avère désormais régi par la loi modifiant certaines lois instituant des régimes de retraite applicables aux employés du secteur public. Le Conseil du trésor oppose une fin de non-recevoir aux propositions avancées par LANEQ en rapport avec l’amendement à la lettre d’intention no 2. L’organisation plaignante allègue que, lors de la rencontre tenue le 30 novembre 2016, les représentants du Conseil du trésor confirment, après consultation de leurs mandants, ne pas avoir le mandat de discuter d’une réforme du mode de négociation, ajoutant que celle-ci était «non requise et non justifiée». Les représentants patronaux justifient les propositions soumises à LANEQ au nom de la «cohérence gouvernementale», qui consiste à proposer les mêmes conditions que celles offertes aux syndicats des secteurs publics québécois, cette cohérence visant tous les salariés de l’Etat québécois, ce qui exclut, selon le Conseil du trésor, les juges, les juges administratifs et les PPCP, dont le régime distinct se justifierait par leurs «fonctions uniques».
- 166. L’organisation plaignante souligne que, le 1er décembre 2016, lors d’une rencontre tenue après la période de questions à l’Assemblée nationale du Québec, le Conseil du trésor, par la voix de son président, s’engage auprès d’elle à lui fournir dans les jours suivants une nouvelle proposition consacrée au cadre normatif et au mode de négociation adapté au rôle particulier des avocats et notaires de l’Etat québécois et à leur indépendance de fonction. Cependant, lors d’une rencontre tenue le 12 décembre 2016, le Conseil du trésor ne propose pas d’offre concernant le mode de négociation des conditions de travail des avocats et notaires de l’Etat québécois, comme il s’était pourtant engagé à le faire le 1er décembre 2016, se bornant à réitérer l’offre contenue à son dépôt du 30 novembre 2016, sans aucun ajout et en maintenant même la date initiale de la proposition. Malgré la proposition déposée par LANEQ le 23 novembre 2016 réduisant le nombre d’arbitrages qui seraient liants, le représentant du Conseil du trésor réitère ne pas avoir de mandat concernant la réforme du régime de négociation, malgré la déclaration du ministre des Finances du 1er décembre 2016. L’organisation plaignante indique que, le 14 décembre 2016, elle soumet verbalement à nouveau deux nouvelles propositions concernant la lettre d’intention no 2 au Conseil du trésor et que, le 15 décembre 2016, faisant suite à ces propositions, le représentant du Conseil du trésor l’informe par courriel que «toute proposition visant à modifier le régime de négociation actuel n’offre aucune expectative d’entente».
- 167. L’organisation plaignante indique que, le 20 décembre 2016, en assemblée générale extraordinaire, ses membres votent contre les offres du Conseil du trésor du 30 novembre 2016 à 97 pour cent et votent pour le maintien de la grève générale et illimitée à 90 pour cent. Un mandat est alors donné aux dirigeants de LANEQ visant la demande de la parité avec le régime de négociation des PPCP et leur augmentation de la rémunération de 10 pour cent accordée, sur quatre ans, par l’Assemblée nationale du Québec. L’organisation plaignante allègue que, le 22 décembre 2016, le Conseil du trésor déclare publiquement qu’il refuse de modifier le régime de négociation des avocats et notaires de l’Etat au motif qu’ils n’auraient pas le même niveau d’indépendance que les PPCP, en raison à la fois de la relation «employé-employeur», du fait qu’ils ne plaident pas devant les tribunaux et qu’ils ne prennent pas de décisions. L’organisation plaignante dénonce cette affirmation et allègue que le Conseil du trésor ne peut ignorer la fausseté tant factuelle que juridique de ces affirmations faites publiquement en vue de gagner la bataille de l’opinion publique et d’affaiblir l’action collective de ses membres. Après dix semaines de grève, des rencontres exploratoires sont tenues entre les parties les 27 décembre 2016 et les 3, 6, 7 et 11 janvier 2017 au cours desquelles LANEQ aborde notamment le rôle, la particularité des fonctions et la nécessité de contribuer à préserver l’indépendance de fonctions des avocats et notaires de l’Etat au regard de la demande de modification du régime de négociation. L’organisation plaignante allègue que, lors de l’une de ces rencontres exploratoires, soit le 27 décembre 2016, une représentante du Conseil du trésor déclare candidement que le «gouvernement prend le risque des conséquences de l’absence des avocats et notaires», et ce bien que publiquement le gouvernement du Québec soutienne ne pas subir les contrecoups de la grève de ses avocats et notaires.
- 168. L’organisation plaignante indique que, le 7 janvier 2017, le Conseil du trésor affirme mieux comprendre les arguments que LANEQ soulève et manifeste son intention de consulter ses négociateurs pour réévaluer sa position. L’organisation plaignante affirme que, au terme de cette réévaluation, le Conseil du trésor propose verbalement, le 12 janvier 2017, soit après douze semaines de grève de ses membres, les offres suivantes:
- – la même offre que celle présentée le 30 novembre 2016, rejetée à 97 pour cent par les membre de LANEQ sur le plan monétaire, l’offre ne visant au surplus que les membres de l’unité «fonction publique» et non ceux de l’ARQ;
- – la réduction du nombre de journées de maladie de douze à dix jours à compter du 1er avril 2017 en échange d’une majoration de traitement de 2 pour cent, à partir du 2 avril 2019;
- – que la rémunération variable pour les mandats spéciaux, qui passerait de 1,8 à 2,3 pour cent, ne soit plus cotisable au régime de retraite, alors que cette rémunération additionnelle peut représenter jusqu’à 10 pour cent du traitement des avocats et notaires de l’Etat;
- – sa disposition après la signature de la convention collective à créer un groupe de travail dont le mandat serait d’analyser le rôle et les responsabilités des avocats et notaires de l’Etat et de vérifier, le cas échéant, s’il existe un caractère qui les distingue des autres professionnels de la fonction publique ainsi que des PPCP.
- 169. L’organisation plaignante allègue que, en ne présentant cette dernière offre qu’aux seuls membres de l’unité «fonction publique», à l’exclusion des membres de l’unité de l’ARQ, qui sont aussi en grève, le Conseil du trésor a tenté de diviser les membres des deux unités de négociation alors que ceux-ci ont les mêmes conditions de travail, visant ainsi à miner et discréditer l’action collective de ses membres. Malgré l’exercice du droit de grève, il aura fallu attendre douze semaines avant que le Conseil du trésor ne soumette à nouveau une proposition exploratoire qui ne constitue pas une réforme du régime de négociation comprenant la mise en place, notamment, d’un comité de rémunération devant faire des recommandations à l’Assemblée nationale du Québec. L’organisation plaignante allègue qu’un tel modus operandi avait déjà prouvé ses limites par le passé, étant donné la fermeture du Conseil du trésor quant à l’idée de considérer quelque réforme du mode de négociation que ce soit.
- 170. L’organisation plaignante indique que, le 16 janvier 2017, le poste de président du Conseil du trésor est réattribué. Le 19 janvier 2017, une rencontre exploratoire a lieu entre les représentants du Conseil du trésor, incluant son nouveau président, et LANEQ. Lors de la même journée, dans l’après-midi, un représentant de LANEQ rencontre un représentant du Conseil du trésor et procède à une demande verbale formelle quant à l’instauration d’un régime de négociation analogue à celui s’appliquant aux PPCP, une augmentation de traitement de salaire de 10 pour cent sur quatre années et l’établissement d’un horaire de travail hebdomadaire de 37 h 30. Le 24 janvier 2017, les représentants du Conseil du trésor déposent leur proposition, cette offre s’avérant très semblable à celle déposée le 12 janvier 2017, laquelle ne contenait aucune proposition de réforme du régime de négociation. L’organisation plaignante allègue également que, les 24 et 25 janvier 2017, le nouveau président du Conseil du trésor déclare publiquement qu’il a déposé une offre monétaire équivalente à celle obtenue par les PPCP, déclaration à la fois fausse et destinée à miner la crédibilité et la légitimité de son action collective auprès du public et de ses membres, et déclare par la même occasion que les avocats et notaires de l’Etat n’ont pas le même statut que les PPCP, car ces derniers doivent faire appliquer la loi indépendamment des pressions politiques qui pourraient survenir du gouvernement. L’organisation plaignante allègue que cette déclaration s’avère sans fondement, les avocats et notaires participant, par leurs différentes fonctions, à l’application et au respect de la règle de droit dans une perspective d’intérêt public, principes directeurs qui sont applicables tant dans la sphère civile que criminelle et pénale et devant agir avec toute l’indépendance nécessaire à l’exercice de leurs fonctions.
- 171. L’organisation plaignante indique que, le 26 janvier 2017, ses membres votent, lors d’une assemblée générale extraordinaire, à l’encontre de l’offre du Conseil du trésor à 97 pour cent et à 83 pour cent pour la poursuite de la grève générale et illimitée et que, à la suite du rejet massif de la dernière offre du Conseil du trésor, le président de l’ANEQ sollicite une rencontre avec le président du Conseil du trésor, rencontre qui s’est tenue le 31 janvier 2017 et au cours de laquelle une ouverture permettant d’envisager un déblocage est entrevue. Le 6 février 2017, LANEQ dépose une nouvelle proposition portant sur le rôle et le statut des avocats et notaires de l’Etat et sur le régime de négociation. Du point de vue de l’organisation plaignante, la proposition du Conseil du trésor du 24 janvier 2017 est loin d’offrir à ses membres une rémunération équivalente à celle des PPCP, l’exercice comparatif qu’elle a effectué conduisant à un écart de 22 540 dollars canadiens en quatre ans en faveur des PPCP, en plus de conférer à ces derniers une rente de retraite de 3 141 dollars canadiens supérieure annuellement. Des pourparlers du 10 et 12 février 2017 n’ont pas mené à une modification de la position du Conseil du trésor. Le 14 février 2017, alors que la grève tire à sa dix septième semaine, lors d’une assemblée générale extraordinaire, LANEQ rejette massivement les dernières offres du Conseil du trésor présentées verbalement le 12 février 2017. L’organisation plaignante allègue que le 16 février 2017, lors d’une conférence de presse, le Conseil du trésor reconnaît que l’offre salariale offerte à ses membres s’avère inférieure à l’entente faite aux syndicats des secteurs publics québécois: elle se retrouve ainsi sujette à recevoir, en termes de «rémunération globale», une offre équivalente à une hausse de 9,05 pour cent sur cinq ans alors que les syndicats des secteurs publics québécois ont obtenu 9,15 pour cent.
- 172. Le 21 février 2017, lors d’une rencontre entre les représentants de LANEQ et ceux du Conseil du trésor, le comité de négociation de l’organisation plaignante présente verbalement une nouvelle proposition en deux volets: la question de la particularité des fonctions des avocats et notaires serait évaluée par un comité indépendant dont les recommandations seraient soumises à l’Assemblée nationale du Québec pour décision, tandis que la question de la détermination de la rémunération pour l’exercice en cours serait évaluée par un comité indépendant qui ferait ses recommandations à l’Assemblée nationale du Québec pour décision. Le même jour, dans une lettre adressée au Premier ministre du Québec, la bâtonnière du Québec, au nom du Barreau, lui demande d’initier le règlement du conflit tout en lui soulignant que: «Les doutes soulevés quant à l’indépendance professionnelle des juristes de l’Etat minent la confiance du public envers notre Etat de droit qui repose justement sur l’indépendance professionnelle de ses avocats et notaires. J’en profite pour vous rappeler que tous les avocats sont soumis au Code de déontologie des avocats, et ce peu importe leurs fonctions, le mode d’exercice de leur profession et les circonstances dans lesquelles ils exercent leur profession. Que ce soit en entreprise, pour l’Etat ou en pratique privée, les avocats sont tenus de conserver leur indépendance.»
- 173. L’organisation plaignante indique que, le 22 février 2017, le représentant du Conseil du trésor l’avise qu’une rencontre de négociation pourrait avoir lieu le 24 février 2017 afin de discuter de sa dernière proposition. Elle allègue toutefois que, avant même que les parties n’aient pu discuter de cette dernière proposition, le président du Conseil du trésor convoque les médias le 23 février pour leur présenter une offre «finale et globale», assortie d’un ultimatum de 24 heures pour y répondre. Cette offre est communiquée officiellement à LANEQ le 23 février en soirée. Le vendredi 24 février 2017, le représentant de LANEQ communique avec celui du Conseil du trésor pour fixer une rencontre le samedi 25 février dans l’après-midi, ou le dimanche 26 février, lui indiquant que la contre-proposition était en préparation. La même journée, le représentant du Conseil du trésor confirme à deux reprises que le Conseil du trésor est disponible pour une rencontre le samedi 25 février, mais à midi. Dans la matinée du samedi 25 février 2017, le représentant de LANEQ écrit au représentant du Conseil du trésor pour lui réitérer que ses représentants travaillent d’arrache-pied pour finaliser leur contre-proposition, laquelle ne pourra malgré tout être complétée pour midi et lui demande quelles sont ses disponibilités pour l’après-midi ou le lendemain. Le représentant de LANEQ propose que la rencontre ait lieu le 26 février à 13 heures à Montréal pour transmettre la contre proposition.
- 174. L’organisation plaignante indique que le samedi 25 février vers 17 heures, avant même que la rencontre ait lieu, le président du Conseil du trésor annonce aux médias la présentation d’une loi spéciale le lundi 27 février ayant pour but de forcer le retour au travail des membres de LANEQ. LANEQ allègue également que, dans ce même point de presse, le président du Conseil du trésor déclare: «[…] je constate donc que 48 heures après le dépôt de notre offre finale et globale, nous n’avons pas reçu un signal de la part des dirigeants de LANEQ suggérant qu’une entente était possible», ce qu’elle considère manifestement non conforme aux faits. Toujours le même jour à 16 h 51, le Premier ministre du Québec demandait au président de l’Assemblée nationale de prendre les dispositions nécessaires afin que l’Assemblée nationale se réunisse en séance extraordinaire à compter de 17 heures le 27 février 2017, afin de permettre la présentation du projet de loi 127, c’est-à-dire le projet de loi spéciale. L’organisation plaignante allègue que, paradoxalement, à 19 h 21, le représentant du Conseil du trésor transmettait un courriel à son représentant indiquant que le Conseil du trésor acceptait son invitation à tenir une rencontre pour recevoir la contre-proposition de LANEQ le dimanche 26 février à 13 heures. Le 26 février 2017, LANEQ dépose sa proposition et la rend publique et, le même après-midi, les représentants du Conseil du trésor rejettent cette offre. Dans la matinée du 27 février 2017, LANEQ accepte la proposition du Barreau du Québec de désigner un médiateur nommé par le juge en chef de la Cour supérieure du Québec. Le même jour, le Barreau du Québec et la Chambre des notaires unissent leur voix en conférence de presse pour réclamer que le gouvernement du Québec et LANEQ soumettent le conflit de travail qui les oppose à un médiateur neutre et indépendant. Dans cette même conférence de presse, la bâtonnière du Québec déclare: «[qu]’une loi spéciale n’est aucunement un moyen approprié de régler un conflit de travail en plus d’ébranler la confiance du public à l’endroit du système de justice» et précise, après discussion avec le juge en chef de la Cour supérieure du Québec, que ce dernier a proposé deux candidats possibles pour mener la médiation, si les parties le souhaitaient. Le lundi 27 février 2017, le Conseil du trésor réitère sa position concernant la rémunération proposée et dépose une «Proposition sur le comité de travail» qui reprend en substance sa proposition antérieure du 23 février 2017.
- 175. L’organisation plaignante indique que le 27 février 2017, le président du Conseil du trésor rejette la demande de médiation proposée par le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec et que, vers 18 heures, il dépose à l’Assemblée nationale le projet de loi 127, intitulé loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques (ci-après la «loi»), loi qui sera adoptée et sanctionnée le 28 février 2017, sans consulter LANEQ. La loi vise LANEQ (ou l’association qui lui succéderait), les avocats et notaires nommés suivant la loi sur la fonction publique qui, le 28 février 2017, sont représentés par LANEQ (ou l’association qui lui succéderait) ou qui le deviennent par la suite, les ministères et organismes à l’égard desquels LANEQ est accréditée en vertu des articles 66 et 67 de la loi sur la fonction publique ainsi que l’Assemblée nationale (articles 2 et 3). L’organisation plaignante indique que la loi ne vise pas l’ARQ ni les avocats et notaires représentés par LANEQ qui travaillent pour elle. Elle ajoute que la section II de la loi comprend des dispositions forçant le retour au travail de tous les avocats et notaires nommés suivant la loi sur la fonction publique et qu’elle représente (articles 2 et 4). L’organisation plaignante indique que la loi interdit ainsi aux avocats et notaires de la fonction publique de participer à une grève ou «à toute action concertée qui implique l’arrêt, le ralentissement, la diminution ou l’altération des devoirs attachés à ses fonctions ainsi que de ses activités professionnelles ou administratives ou qui a pour effet d’empêcher ou de diminuer la prestation des services juridiques ou de retarder le cours de procédures pénales, civiles ou administratives» (articles 4 et 5). Des interdictions correspondantes sont imposées à LANEQ, qui se voit interdire «de déclarer ou de poursuivre une grève ou de participer à toute action concertée si cette grève ou cette action concertée implique une contravention par des salariés à une disposition de l’article 4 ou de l’article 5» (article 7). Des obligations «positives» sont également imposées à LANEQ qui «doit prendre les moyens appropriés pour amener les salariés qu’elle représente» à, entre autres, retourner au travail et ne pas participer à une grève ou une autre action concertée interdite (article 8). La loi impose également des obligations qui s’étendent jusqu’aux tiers: ainsi, «[n]ul ne peut, par omission ou autrement, faire obstacle ou nuire de quelque manière au respect des devoirs attachés aux fonctions d’un salarié, à la fourniture de services juridiques par un salarié, à l’accomplissement par un salarié de sa prestation de travail ou de ses activités professionnelles ou administratives ni contribuer directement ou indirectement à ralentir ou à retarder l’accomplissement de cette prestation» (article 9). Toujours en ce qui concerne les obligations s’étendant jusqu’aux tiers, la loi stipule que «[n]ul ne peut entraver l’accès d’une personne à un lieu où elle a le droit ou le devoir de se trouver et dans lequel un salarié doit exercer ses fonctions» (article 10). LANEQ souligne que les mesures privant les avocats et notaires de la fonction publique de l’exercice du droit de grève ou de tout autre moyen de pression qui puisse «faire obstacle ou nuire de quelque manière au respect des devoirs attachés aux fonctions d’un salarié, à la fourniture de services juridiques par un salarié, à l’accomplissement par un salarié de sa prestation de travail ou de ses activités professionnelles ou administratives ni contribuer directement ou indirectement à ralentir ou à retarder l’accomplissement de cette prestation» entrent en vigueur le 1er mars 2017, soit le lendemain de l’adoption de la loi, et restent en vigueur jusqu’au 31 mars 2020, à moins que le gouvernement n’en décide autrement à une date antérieure (articles 4 et 48).
- 176. L’organisation plaignante indique en outre que de sévères mesures administratives, civiles et pénales sont prévues aux sections III et V de la loi pour sanctionner le non-respect des dispositions de la section II sur le retour forcé au travail. Elle allègue que la loi prévoit ainsi notamment:
- – la cessation des retenues de cotisations syndicales par les organismes publics (douze semaines par jour ou partie de jour où les salariés ne se conforment pas à l’article 4 ou à l’article 5 en nombre suffisant pour assurer que sont dispensés les services) (articles 11 et 12);
- – la privation de rémunération pour tout salarié qui contreviendrait aux articles 4 et 5 (article 13);
- – la privation de rémunération des salariés libérés pour activités syndicales si LANEQ contrevient à l’article 7, la réduction du traitement de ces salariés qu’ils auraient dû recevoir en application de la convention collective, la cessation de paiement de tout traitement pendant le temps durant lequel est libéré, à hauteur de douze semaines par jour ou partie de jour pendant lequel LANEQ accomplirait un acte visé à l’article 7 (articles 15 et 17);
- – l’octroi au gouvernement du pouvoir de remplacer, modifier ou supprimer, par décret, toute stipulation de la convention collective relative au comblement de postes, à l’embauche de nouveaux employés et à toute matière se rapportant à l’organisation du travail si les salariés ne se conforment pas à l’article 4 ou à l’article 5 en nombre suffisant pour assurer la prestation des services (article 18);
- – une règle selon laquelle LANEQ est présumée responsable, sur le plan de la responsabilité civile, du préjudice causé à l’occasion d’une contravention à l’article 4 ou à l’article 5 par des salariés qu’elle représente (article 19);
- – la suspension des règles usuelles d’autorisation d’une action collective (article 575 du Code de procédure civile), donnant lieu à une autorisation automatique par le tribunal d’une telle action lorsque le tribunal est d’avis que la personne qui a subi un tel préjudice et qui présente une demande d’autorisation d’action collective est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres du groupe décrit dans la requête (article 20);
- – une infraction pénale pour toute violation des articles 4, 5, 6, 9 ou 10 de la loi, en vertu de laquelle les contrevenants sont passibles des amendes suivantes (article 41):
- ■ 100 à 500 dollars canadiens pour les avocats et notaires visés par la loi ou autres personnes physiques;
- ■ 7 000 à 35 000 dollars canadiens pour les dirigeants, employés ou représentants de LANEQ;
- ■ 25 000 à 125 000 dollars canadiens pour LANEQ ou un organisme public;
- – cette dernière amende peut aussi être imposée à LANEQ (ou à un organisme public, dans le cas d’une violation du deuxième alinéa de l’article 7) si elle commet:
- ■ une infraction pénale en raison d’une violation de l’article 7 (article 42);
- ■ une infraction pénale en raison d’une violation de l’article 8 (article 43);
- – quiconque aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une autre personne à commettre une infraction visée par la loi commet également une infraction passible de la même peine que celle prévue pour l’infraction qu’elle a aidé ou amené à commettre (article 44).
- 177. L’organisation plaignante rappelle que, dans son rapport sur la plainte à l’encontre de la loi 43, le Comité de la liberté syndicale avait jugé que les mêmes sanctions étaient «excessives et ne sont pas propres à développer des relations harmonieuses entre les parties ni à encourager le déroulement de négociations fructueuses». [Voir cas no 2467, 344e rapport, paragr. 579.]
- 178. Elle indique en outre que la section IV de la loi prévoit, dès son entrée en vigueur, une très courte période de négociation (maximum de quarante-cinq jours, ne pouvant être prolongée qu’une seule fois, sur demande conjointe, pour une période de quinze jours) (articles 21 à 24), lors de laquelle peut intervenir un conciliateur, et une très courte période de médiation (maximum de trente jours, ne pouvant être prolongée qu’une seule fois, sur demande conjointe, pour une période de quinze jours) (articles 25 à 38). Elle signale que, à défaut d’entente sur le choix du médiateur, celui-ci est choisi par le ministre du Travail de la province de Québec (article 25), et que le médiateur peut aider LANEQ et le Conseil du trésor à s’entendre sur certaines conditions de travail (article 28), mais que la loi stipule expressément que «la modification, directement ou indirectement, du régime de négociation applicable aux salariés» (article 29), soit la demande principale de LANEQ, est complètement exclue du processus de médiation. D’autre part, le médiateur n’a aucun pouvoir décisionnel. A défaut d’entente à l’expiration de la très courte période de médiation, il ne fait que préparer un rapport, dans lequel il consigne les matières qui ont fait l’objet d’un accord et celles qui font encore l’objet d’un différend (article 35). L’organisation plaignante en conclut que, nécessairement, puisque toute question relative à la réforme du régime de négociation est exclue du processus de médiation, le rapport du médiateur ne traitera pas de ce sujet crucial. Le médiateur remet alors son rapport à LANEQ, au Conseil du trésor et au ministre du Travail (article 36). Si les parties ne parviennent pas à une entente sur l’ensemble de la convention collective, la loi impose le renouvellement de la convention collective jusqu’au 31 mars 2020. L’organisation plaignante allègue que les seules modifications apportées à la convention collective expirée seront donc les dispositions qu’elle a convenues avec le Conseil du trésor selon le texte intégral inclus dans le rapport du médiateur et les ajustements salariaux et montants forfaitaires prévus en annexe à la loi. Ainsi, l’échelle de traitement des avocats et notaires ainsi que les primes et allocations non exprimées en pourcentage du traitement sont majorées selon les pourcentages suivants:
- – de 2015 à 2016: 0 pour cent;
- – de 2016 à 2017: 1,5 pour cent;
- – de 2017 à 2018: 1,75 pour cent;
- – de 2018 à 2019: 2 pour cent;
- – de 2019 à 2020: 0 pour cent.
- 179. De surcroît, des montants forfaitaires de 0,30 dollar canadien pour chaque heure rémunérée (de 2015 à 2016) et de 0,16 dollar canadien pour chaque heure rémunérée (de 2016 à 2017), qui ne sont pas compris dans le traitement de base, sont également ajoutés. L’organisation plaignante allègue que les mesures salariales prévues à l’annexe de la loi sont substantiellement inférieures à l’offre du Conseil du trésor faite en date du 24 janvier 2017 dans le cadre des négociations entre les parties, et que la loi a pour effet d’imposer des conditions de travail inférieures aux offres du Conseil du trésor. Elle signale également que, lors des débats sur le projet de loi, le président du Conseil du trésor considère que le projet de loi est conforme aux exigences posées dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Saskatchewan Federation of Labour c. Saskatchewan, notamment l’exigence selon laquelle «[l]orsque le législateur limite le droit de grève d’une manière qui entrave substantiellement un processus véritable de négociation collective, il doit le remplacer par l’un ou l’autre des mécanismes véritables de règlement des différends couramment employés en relations de travail» (paragraphe 25 du jugement). Selon le président, «on aménage un mécanisme qui compense le retrait du droit de grève et l’obligation d’entrer au travail. Et ce mécanisme-là, c’est un mécanisme balisé dans le temps qui s’appelle une négociation, négociation avec ou sans conciliation et négociation avec ou sans conciliation suivie d’une médiation pour une période additionnelle de cent cinq jours.»
- 180. LANEQ indique que le 3 mai 2017, conformément à l’article 24 de la loi, son président transmet au président du Conseil du trésor une lettre confirmant qu’aucune entente n’est intervenue entre les parties et établissant la liste des éléments de mésentente. En ce qui concerne le premier volet de mésentente, soit la réforme du régime de négociation et le processus de détermination de la rémunération, le président de LANEQ explique que la proposition du 24 avril 2017 du Conseil du trésor ne démontre pas une volonté claire et sincère de régler la question, pour les raisons suivantes. Premièrement, selon LANEQ, cette proposition ajoute la possibilité que le comité puisse évaluer les régimes de négociation autres que traditionnels tout en refusant que le comité puisse formuler quelque conclusion à cet égard dans le cadre de son mandat exprès. En d’autres termes, le Conseil du trésor refuse de donner mandat au comité de se prononcer sur la demande principale de LANEQ. Deuxièmement, cette proposition maintient l’évaluation des tâches avec les professionnels du gouvernement qui est complètement étrangère au désaccord en cause, soit la distinction de fonctions présumée par le Conseil du trésor entre les fonctions et responsabilités des avocats et notaires de l’Etat québécois et celles des PPCP alors que par leurs particularités de fonctions, les deux groupes participent au respect de la primauté du droit. Troisièmement, la proposition ne permet pas davantage de mettre en œuvre, de façon exécutoire, des conclusions du comité. Plus inquiétant encore selon l’organisation plaignante, le Conseil du trésor a même fait valoir que sa proposition permettrait à LANEQ de recourir au grief si le gouvernement ne respectait pas son engagement «à prendre des mesures qui tiendront compte des conclusions du rapport». En ce qui concerne le deuxième volet de mésentente, c’est-à-dire la parité en matière de rémunération entre les avocats et notaires de l’Etat québécois et les PPCP, LANEQ souligne, sur la base d’une analyse comparative faite en réponse à celle du Conseil du trésor, qu’un écart moyen annuel de 15 600 dollars canadiens au niveau juriste expert, pour la période du 1er avril 2015 au 31 mars 2019, persiste en faveur des PPCP. Cet écart est notamment dû au fait que la méthode d’analyse de la rémunération globale employée par le Conseil du trésor exclut la contribution de l’employeur au régime de retraite des PPCP. L’organisation plaignante précise enfin que, durant la période de négociation prévue par la loi, le Conseil du trésor a en somme maintenu sa proposition monétaire du 23 février 2017. Ainsi, du point de vue de LANEQ, les éléments fondamentaux de mésentente sont demeurés tels qu’ils étaient avant l’adoption de la loi.
- 181. L’organisation plaignante indique en outre que, le 19 mai 2017, le ministre du Travail nommait en vertu de l’article 25 de la loi un médiateur. Le 7 juillet 2017, après l’expiration de son mandat le 2 juillet 2017, le médiateur rendait son rapport dans lequel il constatait qu’aucune entente n’est intervenue entre les parties. Après avoir noté que l’article 29 de la loi l’empêchait d’intervenir dans les discussions entre les parties quant à la modification du régime de négociation, le médiateur note dans son rapport que l’incapacité de parvenir à une entente pouvait s’expliquer par le fait que les parties considéraient «que le règlement pouvant intervenir entre elles se devait d’être global et que chaque proposition de l’une ou l’autre était liée à une entente sur l’ensemble des points en litige».
- 182. LANEQ souligne que, étant donné la persistance de la mésentente au terme de la médiation, l’article 40 de la loi aura pour effet d’imposer le renouvellement de la convention collective selon les termes de la loi rapportés ci-dessus, alors que les avocats et notaires de l’Etat québécois sont privés du droit de grève.
- 183. Ainsi, l’organisation plaignante considère que la loi porte atteinte à la protection du droit à la négociation collective et au droit de grève. LANEQ invite le comité à recommander au gouvernement du Québec d’abroger la loi; d’appliquer en fait et en droit les principes du comité aux droits de grève et de négociation collective; d’instaurer un mécanisme de négociation recueillant la confiance des parties et permettant de régler leurs différends de façon efficace et impartiale avec conclusions exécutoires; et considérant les violations graves et répétées par le gouvernement du Québec des droits et principes fondamentaux en matière de normes internationales du travail, et notamment de la liberté syndicale et de la négociation collective, de dépêcher rapidement une mission de contacts directs pour aider le gouvernement du Québec à rechercher des solutions visant à faciliter les accords selon les principes et droits fondamentaux et d’en assurer le suivi.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 184. Dans ses communications en date des 14 février et 24 avril 2018, le gouvernement du Canada a fait parvenir les observations du gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec soutient avoir agi en respectant les principes de la liberté syndicale et que l’adoption de la loi en question était nécessaire, qu’elle a été limitée à l’indispensable, que la période visée est raisonnable et qu’elle ne brime pas le droit à la liberté syndicale ni à la négociation collective. Le gouvernement souligne que la loi ne s’applique qu’aux seuls salariés représentés par LANEQ et qui sont à l’emploi du gouvernement. Il ajoute que la loi visait donc uniquement à assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et qu’elle ne s’appliquait d’aucune façon à d’autres organisations, y compris l’ARQ, dont les salariés ne sont pas sujets à la loi sur la fonction publique. Le gouvernement explique que l’ARQ a été instituée le 1er avril 2011 suite à l’adoption de la loi sur l’ARQ et, à compter de cette date, toute personne à l’emploi du ministère du Revenu est devenue un employé de cette agence. L’ARQ constitue donc un employeur distinct. Les salariés à son emploi, que LANEQ représente, font d’ailleurs partie d’une unité de négociation spécifique. Le gouvernement souligne en outre que les salariés de l’ARQ représentés par LANEQ, également en grève au moment de l’adoption de la loi, ont tenu une assemblée générale le 1er mars 2017 au cours de laquelle ils ont procédé à un vote pour décider alors de mettre fin à leur grève et de revenir au travail. De plus, l’ARQ et LANEQ poursuivent toujours des négociations en vue du renouvellement de la convention collective applicable aux salariés représentés par celle-ci.
- 185. Le gouvernement souligne que les différentes manifestations auxquelles les salariés représentés par LANEQ ont participé à l’occasion de leur conflit, y compris plusieurs activités de piquetage, ne sont d’aucune manière visées par la loi qui ne prévoit non plus aucune disposition visant à empêcher de telles manifestations et activités de piquetage postérieurement à son adoption. Le gouvernement souligne ainsi à ce sujet que le piquetage constitue une forme d’expression qui n’est d’aucune manière mise en cause par la loi.
- 186. Le gouvernement dresse un portrait général du régime de négociation en place au Québec. Le gouvernement précise que, sous réserve de certaines adaptations, le Code du travail du Québec s’applique dans les secteurs public et parapublic (qui comprennent le gouvernement, ses ministères et organismes, les établissements du réseau public de la santé et des services sociaux ainsi que les établissements du réseau public de l’éducation). Les négociations de la convention collective entre LANEQ et le gouvernement sont, entre autres, régies par certaines dispositions de la loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic et de la loi sur la fonction publique. En effet, le Code du travail réfère à ces lois, notamment relativement au déclenchement d’une grève et d’un lock-out. Les dispositions de la loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic prévoient, entre autres, un mécanisme de médiation obligatoire, lequel est préalable au recours à la grève et au lock-out. Ainsi, les parties sont dans l’obligation de se soumettre au processus de médiation. Si aucune entente n’est intervenue à l’expiration d’un délai de soixante jours de la nomination d’un médiateur, ce dernier remet un rapport public aux parties. Ce rapport contient ses recommandations relativement au différend qui oppose les parties et doit être transmis au ministre du Travail. Les dispositions particulières du Code du travail prévoient le respect d’un délai de vingt jours, suivant la réception du rapport par le ministre, devant ensuite être observé avant de pouvoir recourir à la grève. De plus, la partie qui entend recourir à la grève ou au lock-out doit envoyer un avis préalable d’un minimum de sept jours francs au ministre ainsi qu’à l’autre partie de son intention de recourir à la grève ou au lock-out.
- 187. En ce qui a trait à la loi sur la fonction publique, le gouvernement indique qu’il est prévu que la grève est interdite en l’absence d’une entente sur le maintien des services essentiels ou d’une décision du tribunal administratif du travail faisant état de la détermination des services essentiels. Le gouvernement précise que le régime de négociation applicable n’est pas modifié par la loi, dont l’effet est de prévoir le retour au travail tout en permettant la poursuite des négociations, avec l’assistance possible d’un conciliateur, ainsi que la nomination d’un médiateur, la convention collective préalablement négociée étant renouvelée advenant la subsistance d’une impasse malgré ces phases de négociation et de médiation, sauf en ce qui a trait aux paramètres salariaux de base.
- 188. Le gouvernement rappelle l’adoption, le 22 février 2011, de la loi 2, laquelle a permis la reconduction, jusqu’au 31 mars 2015, de la convention collective de LANEQ, ainsi que de l’entente sur les conditions de travail des PPCP, lesquelles étaient expirées depuis le 31 mars 2010. Le gouvernement indique que, malgré l’adoption de la loi 2, il a repris des discussions avec LANEQ en avril 2011. Ces négociations ont, entre autres, permis de convenir d’une entente de principe en date du 7 juillet 2011. Le gouvernement précise que cette entente ne s’appliquait qu’aux seuls salariés représentés par LANEQ et qui étaient alors à l’emploi du gouvernement et ne visait donc pas les avocats et notaires à l’emploi de l’ARQ. Incidemment, l’ARQ et LANEQ ont convenu d’une convention collective distincte le 12 septembre 2012, la lettre d’entente ci-après commentée à propos de la réforme du régime de négociation ne faisant pas partie de cette convention collective. Le gouvernement indique que l’annexe 8 de cette entente de principe prévoyait que, s’il devait convenir d’une entente avec l’APPCP ayant pour effet d’octroyer un pourcentage d’augmentation de la rémunération globale supérieur à celui convenu avec l’organisation plaignante, alors il devrait y avoir un ajustement afin que les membres de l’organisation plaignante aient une augmentation en rémunération globale équivalente à celle accordée aux PPCP. Une telle entente, soit l’entente de principe concernant certains éléments modifiant l’entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2010-2015, est intervenue en date du 21 septembre 2011. Le gouvernement signale que des rencontres se sont tenues entre ses représentants et ceux de LANEQ afin de respecter le contenu de l’annexe 8. C’est donc le 18 juin 2012 que le gouvernement et LANEQ en sont arrivés à une entente intitulée «Application de la lettre d’entente concernant une augmentation équivalente de la rémunération globale des procureurs aux poursuites criminelles et pénales», laquelle prévoyait des augmentations salariales additionnelles aux membres de LANEQ de l’ordre de deux montants forfaitaires, soit un premier montant de 5 000 dollars canadiens et un second montant de 2 500 dollars canadiens. Suite au règlement intervenu sur la question salariale, laquelle incluait le versement de sommes forfaitaires et l’engagement d’obtenir une rémunération globale équivalente à celle des PPCP, LANEQ s’est désistée d’une plainte de négociation de mauvaise foi déposée dans la foulée de l’adoption de la loi 2, de même que de la contestation de la loi 2.
- 189. Le gouvernement indique de surcroît que la lettre d’entente no 5 traitait, quant à elle, de la réforme du régime de négociation avec LANEQ, en ce qu’elle prévoyait la formation d’un comité patronal-syndical pour discuter de la réforme du régime de négociation. En lien avec cet engagement relié à la formation d’un comité pour discuter de la réforme du régime de négociation, le gouvernement et LANEQ se sont rencontrés à plusieurs reprises. Suite à une proposition verbale de LANEQ, ainsi qu’à une proposition écrite du gouvernement, les membres de LANEQ ont transmis, le 25 septembre 2013, une lettre à l’attention de la secrétaire associée du secrétariat du Conseil du trésor l’informant qu’ils désiraient poursuivre les travaux, mais autrement que par le biais des travaux du comité. Le gouvernement a donc proposé le maintien du statu quo relativement au régime de négociation des membres de LANEQ. Le 19 novembre 2013, LANEQ a transmis des recommandations réalisées à l’extérieur des travaux du comité, lesquelles étaient les mêmes que celles formulées préalablement. Le gouvernement a donc invité LANEQ à reprendre les travaux en comité. Cependant, devant le refus de LANEQ de négocier, les travaux ont achoppé.
- 190. En outre, le gouvernement a procédé, le 1er décembre 2011, à l’abrogation de la loi 2 par l’adoption de la loi abrogeant la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et modifiant la loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. Ainsi, le 4 juillet 2012, le gouvernement et LANEQ ont signé une nouvelle convention collective, laquelle prévoyait les conditions de travail des membres de LANEQ jusqu’au 31 mars 2015, dont certaines étaient rétroactives au 1er avril 2010. Devant cette situation, LANEQ s’est désistée de la contestation de la constitutionnalité de la loi 2, de même que d’une plainte ayant été déposée à l’OIT, et a donné quittance complète et finale à l’égard de tout recours contestant l’adoption de la loi 2.
- 191. Le gouvernement indique que la convention collective venant à échéance le 31 mars 2015, LANEQ dépose, en date du 29 janvier 2015, des demandes syndicales qui comprennent notamment un projet de le lettre d’intention no 2, soit une proposition relative à la réforme du régime de négociation des salariés qu’elle représente. Cette proposition, revendiquant un modèle d’examen de la rémunération similaire à celui des juges, prévoit la mise en place d’un nouveau processus de détermination des conditions de travail des salariés représentés par LANEQ ainsi que la conclusion d’une convention collective. De plus, cette proposition prévoit un engagement du gouvernement à déposer un projet de loi à l’Assemblée nationale visant la réforme du régime de négociation. Le gouvernement signale que le 16 février 2015 il a déposé une proposition, laquelle ne constituait pas une réponse au projet de lettre d’intention no 2. Suite au dépôt du projet de lettre d’intention no 2, LANEQ a indiqué être en réflexion quant au contenu de cette proposition, et ce suite à un jugement rendu par la Cour suprême du Canada à la fin de janvier 2015, soit l’arrêt Saskatchewan.
- 192. Le gouvernement signale que, le 29 mai 2015, LANEQ a procédé au dépôt d’une version modifiée du projet de lettre d’intention no 2 du 29 janvier 2015. Cette nouvelle version, bien que plus substantielle, ne modifiait en rien la raison d’être ni l’objet de ce que LANEQ recherchait, soit l’aménagement d’un nouveau régime de négociation devant permettre la détermination des conditions de travail ainsi que la conclusion d’une convention collective. Du point de vue du gouvernement, le projet de lettre d’intention no 2, que ce soit dans sa version du 29 janvier 2015 ou dans celle du 29 mai 2015, n’a jamais abordé le contenu des conditions de travail recherchées par LANEQ et portait exclusivement sur la revendication relative à la mise en place, par le législateur, d’un nouveau régime de négociation de ses conditions de travail modifiant le régime prévu par le Code du travail ainsi que par les législations le complétant, dont plus particulièrement la loi sur le régime de négociation des conventions collectives dans les secteurs public et parapublic. Le gouvernement souligne par ailleurs que, à l’occasion de la rencontre du 29 mai 2015, le gouvernement a insisté sur le fait que la négociation en cours portait uniquement sur les salariés à l’emploi de la fonction publique, les autres salariés mentionnés dans la proposition étant à l’emploi d’employeurs distincts faisant partie de la catégorie des services publics au sens de l’article 111.0.16 du Code du travail et dont les avocats et notaires sont représentés par l’organisation plaignante.
- 193. Le gouvernement indique que ses représentants et ceux de LANEQ ont discuté plus amplement de la portée de la demande de LANEQ relativement à la mise sur pied d’un nouveau régime de négociation ainsi que de son fonctionnement puisque la détermination des conditions de travail des salariés à l’emploi du gouvernement représentés par LANEQ serait dorénavant confiée à des tiers selon les modalités prévues à cet effet dans le projet de lettre d’intention no 2. Une rencontre subséquente s’est ainsi tenue le 15 juin 2015. Au cours de cette dernière, le gouvernement et LANEQ ont discuté du partage des matières, à savoir les matières relatives à des conditions de travail ayant des incidences pécuniaires et relevant donc à ce titre du comité de la rémunération, et celles n’ayant pas de telles incidences et relevant donc du pouvoir décisionnel de détermination de l’arbitre. Le gouvernement indique que, de l’avis de LANEQ, la rémunération directe, la rémunération indirecte ou différée ainsi que la rémunération circonstancielle sont incluses dans la notion de rémunération et de conditions de travail ayant une incidence pécuniaire. Il signale que des échanges ont également eu lieu sur les difficultés pouvant résulter de la coexistence en parallèle de deux mécanismes de détermination des conditions de travail, et ce plus particulièrement à l’égard de matières comportant à la fois des dispositions ayant une incidence pécuniaire et des dispositions n’ayant aucune telle incidence pécuniaire.
- 194. Le gouvernement informe que les discussions portant sur le partage des matières entre, d’une part, l’arbitre et, d’autre part, le comité de la rémunération se sont poursuivies lors d’une rencontre le 19 juin 2015. Il ajoute qu’à cette occasion LANEQ exigeait de conclure d’abord les discussions portant sur le partage des matières ainsi que sur le régime de négociation, pour ensuite poursuivre les discussions sur les autres sujets. Le gouvernement signale en outre que, sans qu’il n’ait aucune espèce d’obligation à l’égard de la volonté manifestée par LANEQ à propos d’un nouveau régime de négociation, il n’en a pas moins poursuivi son exercice de révision et ses réflexions sur le partage des matières entre, d’une part, les dispositions de nature normative et, d’autre part, les dispositions relevant de la rémunération ainsi que des conditions de travail ayant des incidences monétaires. Cet exercice a été complété par le gouvernement et LANEQ en date du 23 juin 2015.
- 195. Lors d’une rencontre le 6 juillet 2015, le gouvernement a avisé LANEQ que, suite à son analyse, aucun motif ne justifiait la mise en place d’un régime de négociation particulier pour les salariés représentés par LANEQ, et donc qu’il n’était pas possible de mener à terme cette demande. Selon le gouvernement, le régime existant, tel que prévu par le Code du travail, convient tout à fait et ne doit pas être écarté. Par le fait même, le gouvernement a invité LANEQ à poursuivre les discussions, se disant convaincu qu’ils étaient capables de négocier une entente à l’intérieur du régime existant et insistant sur le fait que des rencontres avaient déjà été fixées entre septembre et décembre 2015. Le gouvernement signale que, en réaction, LANEQ a fait valoir que le projet de lettre d’intention no 2 constituait la pierre angulaire de ses demandes et a rappelé la toile de fond de sa réclamation, soit le retrait du droit de grève en relation avec des motifs éthiques et déontologiques, et ce tant pour la profession d’avocat que pour celle de notaire, le lien de confiance avocat-client, l’indépendance pour exercer la profession, la confiance mutuelle entre le client et l’avocat et l’arrêt Saskatchewan.
- 196. Le gouvernement souligne par ailleurs que de nombreuses rencontres se sont tenues entre le 1er septembre 2015 et le 15 avril 2016, rencontres au cours desquelles le gouvernement a tenté, sans succès, de faire avancer les discussions portant sur la négociation des conditions de travail des salariés représentés par LANEQ contenues dans la convention collective ayant pris fin le 31 mars 2015. Le gouvernement indique qu’un processus de médiation s’est échelonné du 5 mai au 28 juin 2016. A l’occasion de ce processus, LANEQ a réitéré la nécessité d’obtenir une réforme du régime de négociation applicable. Elle a d’ailleurs déposé, en date du 6 juillet 2016, un document à l’attention du Conseil du trésor et du médiateur du ministère du Travail faisant état de cette demande. Le 12 octobre 2016, LANEQ a transmis un avis de grève d’une durée illimitée au gouvernement. Cette grève a pris effet le 24 octobre 2016 et s’est échelonnée jusqu’à l’adoption et la sanction de la loi le 28 février 2017. Le gouvernement souligne que, suite à la réception de l’avis de grève, préoccupé par les perturbations qu’une telle grève est susceptible de causer aux services à la population offerts par les salariés représentés par LANEQ, qu’il s’agisse de services directement fournis au public ou de services dont la population en général bénéficie du fait qu’ils contribuent à assurer le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire, de l’Etat ou de l’Assemblée nationale, il a communiqué avec le porte-parole de LANEQ pour solliciter une rencontre afin de présenter une nouvelle proposition relative aux clauses de nature monétaire. Cette rencontre s’est tenue le 18 octobre 2016. Selon le gouvernement, le porte-parole de LANEQ a fait valoir qu’il était prématuré de déposer une nouvelle proposition monétaire, et ce sauf si le gouvernement modifiait sa position sur la demande de LANEQ relative à un nouveau régime de négociation. Il ajoute que, selon LANEQ, les négociations seront faciles à régler une fois que le nouveau régime de négociation aura été convenu avec le gouvernement, et que cette position s’inscrivait donc tout à fait dans la logique de ce que LANEQ avait constamment manifesté tout au long des nombreuses séances, à savoir qu’elle n’était pas disposée à négocier quoi que ce soit sans d’abord obtenir gain de cause dans la mise en place d’un nouveau régime de négociation.
- 197. Le gouvernement signale que, le 9 novembre 2016, ses représentants ont communiqué avec ceux de LANEQ pour tenter de tenir des rencontres afin d’effectuer une nouvelle proposition monétaire, mais que LANEQ a adopté la même position qu’à l’occasion de la rencontre précédente. Il ajoute que, quelques jours plus tard, LANEQ prend contact avec lui afin de formuler une nouvelle proposition relative à la mise en place d’un nouveau régime de négociation. Une rencontre a eu lieu le 23 novembre 2016. Au cours de cette rencontre, LANEQ émet une proposition de même nature que la proposition contenue dans le projet de lettre d’intention no 2. Le 30 novembre 2016, après consultations, le gouvernement transmet sa réponse à LANEQ, selon laquelle la dernière proposition ne modifie en rien le cœur de la demande du 29 mai 2015 et qu’elle ne peut être acceptée. Le gouvernement explique notamment qu’il en va du respect de la cohérence gouvernementale, les 533 000 salariés des secteurs public et parapublic étant assujettis au régime de négociation prévu au Code du travail. Il ajoute qu’il a soumis une nouvelle proposition salariale, laquelle aurait pu être déposée dès le mois d’octobre, et ce n’eut été du refus de LANEQ de recevoir toute proposition les 18 octobre et 9 novembre 2016. A l’occasion de cette rencontre, LANEQ a réitéré sa position à l’effet que les salariés ont refusé d’être considérés comme des fonctionnaires et sa revendication à propos d’un régime de négociation qui les distingue des autres salariés à l’emploi du gouvernement, le régime qui serait comparable à celui octroyé aux juges et aux PPCP.
- 198. Le gouvernement indique qu’une rencontre additionnelle a eu lieu le 14 décembre 2016, mais que, au cours de celle-ci, LANEQ a fait fi des ouvertures du gouvernement et s’en est tenue à présenter, une fois de plus, deux propositions portant sur l’adoption d’une nouvelle loi pour mettre en place un nouveau régime de négociation comportant le retrait du droit de grève et s’appuyant sur la reconnaissance de l’indépendance des avocats et du caractère unique de leurs fonctions. Devant cette situation, le gouvernement a réitéré que toute tentative de modification du régime de négociation n’offrait pas de perspective d’entente.
- 199. Le gouvernement signale que, en décembre 2016, LANEQ a tenu une assemblée extraordinaire des membres afin de voter pour le maintien de la grève, laquelle a été approuvée par 90 pour cent des participants. A la fin du mois de décembre 2016 et au début du mois de janvier 2017, plusieurs rencontres ont eu lieu, à la demande du gouvernement, entre ses représentants et ceux de LANEQ. A l’occasion de ces rencontres, le gouvernement a fait valoir à LANEQ que le régime de négociation existant ne brime en rien la primauté du droit et que les avocats et notaires de l’Etat ne bénéficient pas de conditions d’indépendance et d’imputabilité faisant en sorte qu’ils devraient être exclus du régime de négociation applicable à l’ensemble des salariés à l’emploi de l’Etat. Le gouvernement affirme qu’il est respectueux du droit de grève exercé par LANEQ tout en étant conscient de la nécessité de déployer tous les efforts pour explorer différentes pistes de solution pouvant mener à une entente, y compris du point de vue de la rémunération des salariés de LANEQ dans le cadre du régime existant de négociation.
- 200. Le gouvernement indique que, devant l’impasse totale découlant du fait que LANEQ s’obstinait à obtenir un nouveau régime de négociation, le gouvernement a formulé verbalement une proposition en date du 11 janvier 2017 prévoyant la formation d’un groupe de travail ayant comme mandat d’évaluer les fonctions et les responsabilités des membres de LANEQ et de déterminer si la nature de ces fonctions et responsabilités pouvait justifier de les distinguer des autres professionnels syndiqués faisant partie de la fonction publique. Cette proposition a été rejetée par LANEQ.
- 201. Le 24 janvier 2017, le gouvernement a déposé, par écrit, une nouvelle proposition reprenant l’ouverture importante qu’elle avait mise verbalement de l’avant le 11 janvier 2017 à propos de la formation d’un groupe de travail. Cette proposition permettait aux salariés de LANEQ de bénéficier d’une rémunération globale équivalente à celle consentie aux PPCP. Le gouvernement indique cependant que cette proposition n’était pas satisfaisante pour LANEQ, en ce qu’elle réclamait, sur la question salariale, une somme représentant une augmentation salariale de 10 pour cent afin d’obtenir, selon elle, la parité avec les conditions salariales consenties aux PPCP.
- 202. A l’occasion d’une rencontre tenue le 6 février 2017, LANEQ a proposé la formation d’un comité ou d’un groupe de travail et s’est déclarée disposée à des modifications pour autant que le comité puisse se prononcer tant sur le rôle et la responsabilité des salariés de LANEQ que sur le régime de négociation. La mise en place d’un tel comité avait été proposée par le gouvernement en janvier 2017 et LANEQ l’avait refusée.
- 203. Le gouvernement signale que le, 7 février 2017, dans le contexte de la proposition salariale formulée le 24 janvier 2017, il a remis aux représentants de LANEQ un document intitulé «Présentation aux avocats et notaires de la fonction publique» démontrant que les bonifications salariales offertes aux avocats et notaires avaient pour effet de leur octroyer une rémunération similaire à celle des PPCP, notamment en raison du coût des cotisations plus élevé au régime de retraite des PPCP (Régime de retraite du personnel d’encadrement) que celui payable par les avocats et notaires (Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics). Il indique qu’il va d’ailleurs de l’avant et, le 12 février 2017, procède au dépôt d’une nouvelle proposition salariale plus avantageuse, ses propositions permettant aux salariés représentés par LANEQ de bénéficier d’une rémunération globale équivalente à celle des PPCP. Le gouvernement souligne incidemment que la convention collective faisant alors l’objet de discussions en vue de son renouvellement ne prévoyait d’aucune manière un engagement de sa part garantissant aux salariés représentés par LANEQ une rémunération équivalente à celle des PPCP. Il ajoute par ailleurs que la constitution d’un groupe de travail qu’il avait mise de l’avant traduisait de sa part le souci de vouloir imaginer une piste de solution à l’impasse qui s’alourdissait en raison de la persistance des demandes formulées par LANEQ en vue d’obtenir un nouveau régime de négociation, le gouvernement ayant exprimé dès juillet 2015 l’absence de justification relative à une telle réforme que seul le législateur peut réaliser.
- 204. Le gouvernement indique que, le 14 février 2017, LANEQ a tenu une assemblée générale extraordinaire à laquelle participent 77 pour cent des salariés qu’elle représente, 96 pour cent de ces salariés ayant rejeté les dernières propositions du gouvernement, alors que 63 pour cent d’entre eux ont voté en faveur de la poursuite de la grève générale illimitée. Le 19 février 2017, le gouvernement présente verbalement une nouvelle proposition salariale qui prévoit désormais une augmentation de la rémunération globale des salariés représentés par LANEQ de 9,15 pour cent, plutôt que de 9,05 pour cent lors des offres formulées le 12 février 2017.
- 205. Le gouvernement signale que le 23 février 2017, soucieux de parvenir à dénouer l’impasse, il a présenté une «proposition globale et finale concernant les paramètres salariaux et les aspects normatifs» et a requis de LANEQ une réponse au plus tard à 17 heures le 24 février 2017. LANEQ y a répondu le 26 février 2017 en présentant une proposition modifiant certains points proposés par le gouvernement. Selon le gouvernement, malgré les efforts déployés suite à son initiative prise au début de janvier 2017 afin de dénouer l’impasse qui persistait, LANEQ est clairement revenue à la case départ et a éteint tout espoir résidant dans la voie préconisée par le gouvernement en vue de pouvoir aller de l’avant et de finaliser la négociation d’une convention collective, soit la création d’un groupe de travail ayant comme mandat de se prononcer sur le statut des salariés représentés par LANEQ.
- 206. Le gouvernement indique que, devant l’absence d’effort véritable de LANEQ pour en arriver à une entente permettant d’aller de l’avant avec la conclusion d’une convention collective et devant les divergences importantes qui persistent, l’Assemblée nationale entreprend, le 27 février 2017, ses travaux d’examen du projet de loi. Il ajoute que, avant et au début de cette séance, les représentants de LANEQ ont pris acte de l’impossibilité de convenir de modalités acceptables à leurs yeux quant à la constitution d’un groupe de travail, à son mandat et aux suites à donner ses conclusions tout en réitérant, une fois de plus, le fonctionnement inadéquat du régime de négociation existant et la nécessité de déterminer les conditions de travail de leurs membres selon un même modèle que celui consenti aux PPCP en 2011, cette situation étant à l’origine, selon le gouvernement, de toute la problématique existant depuis le dépôt du projet de lettre d’intention no 2 en date du 29 janvier 2015. Il en conclut que, devant les propos tenus par LANEQ concernant l’état des négociations, il ne pouvait dès lors que constater l’existence d’une impasse à laquelle LANEQ ne souhaitait pas véritablement mettre fin.
- 207. Le gouvernement explique que la grève, qui s’est prolongée pendant plus de quatre mois, a eu des impacts majeurs sur l’ensemble du système de justice québécois, plus particulièrement sur les services normalement rendus à la population. Il ajoute que le président de LANEQ s’est manifesté à plusieurs reprises dans les médias afin de véhiculer sur toutes les tribunes le sérieux des impacts de la grève des salariés représentés par LANEQ. Selon le gouvernement, avant même le début de la grève, le président de LANEQ prévoyait déjà que le gouvernement serait semi-paralysé. Le gouvernement indique en outre que quelques semaines seulement après le début de la grève, le président de LANEQ faisait parvenir une lettre à l’attention de la ministre de la Justice, par l’intermédiaire des médias, afin de faire état des conséquences engendrées par la grève. Il y invoquait que des centaines de dossiers devant les tribunaux étaient freinés, que des frais étaient engendrés pour les justiciables, que les justiciables étaient dans l’impossibilité d’obtenir le soutien nécessaire requis de la part des différents procureurs, que d’importantes poursuites judiciaires étaient touchées, que la rédaction de projets de loi ainsi que des règlements était arrêtée et, finalement, qu’un grand nombre de décisions étaient prises quotidiennement par les différentes autorités gouvernementales alors qu’aucune opinion préalable n’avait été obtenue de la part d’un juriste. A de multiples reprises, le président de LANEQ a fait état du blocage occasionné par la grève, à savoir le retard dans la préparation d’une vingtaine de projets de loi, d’environ 200 projets de règlement et d’environ 5 000 causes devant les différents tribunaux, sans omettre l’attribution de multiples contrats sans expertise juridique, et ce pour un montant totalisant plusieurs centaines de millions. Le gouvernement affirme enfin que le président de LANEQ s’est même dit inquiet pour la sécurité juridique de l’Etat et que, de son propre aveu, la grève a eu d’importants impacts pour la population, le gouvernement et la sécurité juridique de l’Etat.
- 208. Le gouvernement indique que l’Assemblée nationale a entrepris l’étude du projet de loi dans la soirée du 27 février 2017 et que la loi a été adoptée et sanctionnée le 28 février 2017. Tel qu’énoncé dans les notes explicatives de la loi, son objectif est de mettre fin au conflit de travail tout en laissant la porte ouverte à la poursuite des négociations:
- Cette loi a pour objet d’assurer la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement. Elle prévoit également la poursuite de la négociation de la convention collective des salariés ayant pour fonction de fournir cette prestation de services. A défaut d’entente, elle pourvoit au contenu de la convention collective.
- A cette fin, la loi prévoit notamment que les avocats et notaires nommés suivant la Loi sur la fonction publique et représentés par Les avocats et notaires de l’Etat québécois doivent cesser de participer à la grève en cours et doivent reprendre le travail conformément à leur horaire habituel et aux autres conditions de travail qui leur sont applicables.
- La loi prévoit également un mécanisme de négociation permettant dans un premier temps la poursuite de la négociation avec la possibilité de nommer un conciliateur et dans un second temps, si cela s’avère nécessaire, un processus de médiation.
- La loi procède au renouvellement de la convention collective liant ces avocats et notaires qui a expiré le 31 mars 2015, selon l’entente à laquelle les parties seront parvenues dans le cadre de la poursuite de la négociation ou, à défaut d’entente, en y apportant certaines modifications afin notamment de majorer l’échelle de traitement.
- La loi contient enfin des dispositions relatives à la continuité des services juridiques qu’elle vise, notamment de nature administrative, civile et pénale.
- 209. Le gouvernement souligne que l’adoption de cette loi intervient dans le contexte d’une négociation à laquelle il a consacré de nombreux efforts afin, en tout temps, de préserver un dialogue franc et sincère avec les représentants de LANEQ et de rechercher, avec ouverture d’esprit, des pistes de solution visant à convenir d’une convention collective de travail et, ce faisant, de régler les différends opposant le gouvernement et LANEQ. Il ajoute que, malgré tous les efforts déployés par le gouvernement et l’ouverture d’esprit qu’il a manifestée dans la recherche de solutions, le processus de négociation s’étant étalé sur deux ans n’a pas permis de mettre fin à l’impasse et aux différends l’opposant à LANEQ. Selon le gouvernement, l’intervention législative devenait nécessaire du fait de l’incapacité d’en venir à une entente. La responsabilité du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner aux citoyens les services dont ils sont privés et auxquels ils ont droit menait directement vers l’adoption de la loi. Quant aux effets de la grève décrits ci-dessus, le gouvernement considère que les représentants de LANEQ, dans plusieurs communiqués et déclarations publiques, en ont démontré l’efficacité, en ce qu’elle bloque l’aboutissement de projets de loi, de règlements, tout en causant le retard de milliers de causes devant les tribunaux.
- 210. Le gouvernement souligne en outre que les articles des sections II, III et V de la loi visent plus précisément à assurer le maintien de la continuité des services à la population et sont essentiels à l’application et au respect de la loi. Il insiste sur le fait que ces objectifs se rapportent clairement à des préoccupations urgentes et réelles pour le gouvernement élu et pour l’ensemble de la population du Québec, car:
- ■ Tous les efforts de négociation ont été épuisés et aucune perspective raisonnable d’entente entre le gouvernement et LANEQ n’est concevable, les demandes de cette dernière et les offres du gouvernement étant tout simplement irréconciliables.
- ■ Il subsiste des divergences de vues fondamentales à propos des revendications de LANEQ relativement à la modification du régime de négociation applicable aux salariés qu’elle représente, ces positions étant irréconciliables, et ce même dans le contexte de la troisième voie proposée par le Conseil du trésor en janvier 2017 en vue de tenter de dénouer cette impasse.
- ■ Les positions des parties sont également irréconciliables au sujet des positions salariales, le gouvernement étant convaincu, alors qu’il n’a aucune obligation à cet effet, d’offrir une rémunération globale équivalente à celle des PPCP, qui ne sont pas des salariés au sens du Code du travail, alors que LANEQ a ajouté, à compter de janvier 2016, une demande visant à obtenir une augmentation salariale de 10 pour cent qu’elle a qualifié d’«argent neuf».
- ■ Cette impasse au sujet des questions salariales et monétaires doit être appréciée dans sa juste mesure et elle revêt une importance fondamentale puisque, pour le gouvernement, il est impératif de respecter l’équité interne et la cohérence requises quant aux paramètres salariaux applicables aux salariés des secteurs public et parapublic, étant entendu que les circonstances propres à des groupes de salariés peuvent permettre de convenir d’avantages particuliers à caractère monétaire, le Conseil du trésor ayant d’ailleurs tenté, sans succès, de négocier et de convenir de tels avantages avec l’organisation plaignante. LANEQ s’est de toute manière montrée tout à fait réfractaire à ces tentatives du gouvernement en ce qu’elle exigeait d’avoir gain de cause relativement à la mise en place d’un régime de négociation et d’obtenir la parité salariale avec les PPCP.
- 211. En somme, selon le gouvernement, il était essentiel à la préservation des intérêts collectifs de la population québécoise que le législateur mette un terme à la situation d’impasse à laquelle il était confronté du fait de l’impossibilité de parvenir à une entente. Le gouvernement précise que, à titre de garant des intérêts de l’ensemble de la population du Québec, il se devait conséquemment de faire adopter la loi par l’Assemblée nationale puisque, agir autrement aurait continué à mettre en péril de manière sérieuse la continuité des services normalement offerts au public par les salariés représentés par LANEQ. Le gouvernement affirme que la loi a pour objectif d’assurer l’uniformité, la cohérence et la stabilité des rapports collectifs de travail entre le gouvernement et ses employés.
- 212. Le gouvernement souligne que la loi prévoit un ensemble de dispositions qui favorisent la poursuite des négociations aux fins de l’obtention d’un véritable compromis dans le respect mutuel des parties. Ainsi, son article 21 prévoit que l’association syndicale et l’employeur ont l’obligation de «poursuivre avec diligence et bonne foi, pendant une période maximale de quarante-cinq jours, la négociation en vue de convenir d’une entente». Ce délai peut, en vertu de l’article 22, être prolongé pour une période n’excédant pas quinze jours. Cela fait donc un total de soixante jours de négociation, soit approximativement deux mois. Le gouvernement explique qu’en tout temps, au cours de cette période de négociation de quarante-cinq jours, l’association ou l’employeur a la possibilité de demander la nomination d’un conciliateur au ministre du Travail. Dans le cadre de cette négociation, l’association et l’employeur sont notamment appelés à dresser par écrit une liste des éléments ayant fait l’objet d’une entente. Le gouvernement ajoute que, dans l’hypothèse où subsiste toujours une mésentente au terme du délai prévu aux articles 21 et 22, la loi prévoit la mise en place d’un processus de médiation. A cet égard, le médiateur est conjointement choisi par les parties ou, à défaut, par le ministre du Travail. Dans ce dernier cas, l’article 26 exige que le médiateur bénéficie d’une expérience reconnue et qu’il n’ait pas été employé, dirigeant, représentant ou membre de l’association ou du gouvernement. En outre, le médiateur doit tenter d’amener l’association et l’employeur à s’entendre dans un délai de trente jours suivant sa nomination ou de quarante-cinq jours en cas de prolongation. Le gouvernement mentionne que le processus de médiation porte sur toutes les conditions de travail des salariés, à l’exception du régime de négociation qui, manifestement, ne constitue évidemment pas une telle condition de travail. Plus encore, en tout temps pendant ce processus, le médiateur a le pouvoir de formuler des propositions de nature exploratoire et confidentielle afin de favoriser le règlement du différend. Le gouvernement signale également qu’à cela il faut ajouter l’article 33 prévoyant que le médiateur possède «tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de son mandat et, à cette fin, il peut, notamment, rencontrer l’association ou l’employeur sur une base individuelle et confidentielle» en plus de pouvoir mettre fin au processus de médiation avant les délais prévus s’il juge les positions des parties inconciliables, les parties étant tenues de participer à toute réunion convoquée par le médiateur. Enfin, à défaut d’entente, le médiateur confectionne un rapport dans lequel il indique les matières qui ont fait l’objet d’un accord et celles faisant toujours l’objet d’un différend. Une copie du rapport est également remise au ministre, lequel le rendra public par la suite.
- 213. Le gouvernement indique par ailleurs que, en cas d’impasse ou d’échec des négociations, l’article 40 prévoit que «la convention collective qui a expiré le 31 mars 2015 est renouvelée à compter du jour où le ministre du Travail rend public le rapport du médiateur» et lie les parties jusqu’au 31 mars 2020. Il allègue que cette disposition prévoit donc le statu quo, sauf quant aux paramètres salariaux et aux dispositions ayant fait l’objet d’une entente entre LANEQ et le gouvernement. Il ajoute que, ce faisant, le législateur accorde clairement préséance aux négociations qui se poursuivent malgré l’adoption de la loi entre le gouvernement et LANEQ, et il privilégie la possibilité pour les parties de convenir d’une entente globale ou, à défaut, d’un certain nombre d’ententes permettant de régler leurs différends, ces ententes étant incorporées à la convention collective ainsi renouvelée. Advenant ainsi l’absence d’une entente portant sur l’ensemble de la convention collective devant être renouvelée, le législateur prévoit dans la loi le renouvellement de la convention collective qui a expiré le 31 mars 2015 et en y intégrant les dispositions ayant fait l’objet d’une entente entre les parties, de même que les modifications énoncées à l’annexe A de la loi et qui portent uniquement sur les paramètres salariaux. Le gouvernement souligne d’ailleurs que ces paramètres salariaux ont fait l’objet d’ententes intervenues entre le gouvernement et de nombreuses associations de salariés représentant 99 pour cent des salariés des secteurs public et parapublic.
- 214. Le gouvernement souligne que, clairement, le législateur démontre l’importance qu’il accorde à la libre négociation puisque la loi ne s’immisce d’aucune manière dans le contenu de la convention collective, ayant pris fin le 31 mars 2015 et faisant alors l’objet d’un renouvellement intégral, ni non plus dans ce que les parties ont tenté sans succès de régler quant aux conditions de travail applicables aux salariés représentés par l’organisation plaignante. Le législateur n’entend pas se substituer aux parties et à la libre négociation qui s’est poursuivie après le 27 février 2017 en raison des dispositions prévues explicitement à cet effet, l’adoption de la loi ayant été rendue nécessaire du fait d’une impasse insoluble en raison des exigences de LANEQ. A la lumière de ce qui précède, le gouvernement constate que les mesures prévues par la loi ont été conçues afin de porter le moins possible atteinte aux conditions de travail des salariés et que les mesures législatives préconisent une approche équilibrée dont l’unique objectif est d’assurer la continuité des services juridiques dans le respect des droits fondamentaux.
- 215. En outre, le gouvernement mentionne que, depuis l’échéance des conventions collectives en 2015, il s’est entendu avec 99 pour cent des 510 000 salariés faisant partie des secteurs public et parapublic, et ce sans que les associations syndicales impliquées n’aient eu recours à des grèves, sinon de façon tout à fait exceptionnelle. Il ajoute que seuls les salariés représentés par LANEQ ont déclenché une grève de durée illimitée comportant un arrêt complet de travail qui s’est prolongé pendant plus de quatre mois, l’Assemblée nationale s’étant vue contrainte, au nom de l’intérêt et de l’ordre public ainsi que de la nécessité de mettre fin à un arrêt de travail dont les impacts créaient un problème réel et urgent qu’il importait de régler, d’adopter la loi, tous les efforts déployés par le gouvernement afin de trouver des pistes de solution s’étant avérés infructueux face à l’inflexibilité de LANEQ et à sa volonté bien arrêtée d’avoir gain de cause.
- 216. Le gouvernement dénonce qu’en réalité LANEQ réclame le droit à un régime de négociation précis, à savoir celui qui est applicable aux procureurs aux poursuites criminelles et pénales et qui s’inspire de celui applicable aux juges, un tel régime conférant à des tiers des responsabilités importantes relatives à la détermination des conditions de travail. Il allègue qu’il appert clairement que c’est en raison de l’inflexibilité de LANEQ que le législateur a été contraint d’adopter des mesures nécessaires à la préservation de l’intérêt et de l’ordre publics, et que la loi est soigneusement adaptée de façon à ce que l’atteinte aux droits ne dépasse pas ce qui est nécessaire, en supposant bien sûr qu’une telle atteinte puisse exister dans le contexte des circonstances ayant mené à l’adoption de la loi.
- 217. Enfin, le gouvernement considère que la loi respecte les principes fondamentaux en matière de liberté syndicale et n’enfreint ni la négociation collective ni le droit de grève, et qu’elle prévoit un ensemble de mesures appropriées et équitables, de façon à ce que l’atteinte aux droits, s’il en est, ne dépasse pas ce qui est nécessaire.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 218. Le comité observe que, dans le présent cas, LANEQ, l’organisation plaignante, dénonce l’adoption par le gouvernement du Québec de la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques et allègue que cette loi, en plus de nier le droit de grève aux avocats et notaires de l’Etat québécois sans mesure de compensation appropriée, porte atteinte à leurs droits à la négociation collective.
- 219. Le comité note la description détaillée des faits qui ont précédé la plainte. Le contexte de la plainte peut être résumé comme suit: i) alors que l’organisation plaignante s’apprêtait à commencer la négociation pour le renouvellement de la convention collective en vigueur jusqu’au 31 décembre 2005, la loi concernant les conditions de travail dans le secteur public (ci-après la «loi 43») a été adoptée et sanctionnée le 15 décembre 2005, imposant le contenu de la convention collective applicable aux juristes en regard des clauses normatives et pécuniaires, et ce jusqu’au 31 mars 2010. LANEQ, alors connue sous le nom de l’Association des juristes de l’Etat (AJE), a soumis une plainte au Comité de la liberté syndicale, qui a prié instamment le gouvernement d’amender la loi 43 afin qu’elle soit conforme aux conventions nos 87 et 98 (344e rapport, cas no 2467, paragr. 587 a)); ii) à l’automne 2010, les effets de la loi 43 arrivant à leur terme, les négociations pour renouveler la convention collective imposée législativement pouvaient débuter. Face à l’impasse des négociations, l’AJE a déclenché une grève le 8 février 2011. Le 22 février 2011, le gouvernement a adopté la loi 2, imposant le retour au travail et les conditions d’une nouvelle convention collective jusqu’au 31 mars 2015. L’organisation plaignante dépose une plainte au Comité de la liberté syndicale; et iii) le 7 juillet 2011, l’AJE et le gouvernement concluent une entente de principe concernant certains éléments modifiant la convention collective des avocats et des notaires 2010-2015. En contrepartie, LANEQ accepte de se désister de sa plainte formulée auprès du comité. En termes de l’entente, le gouvernement du Québec propose une restructuration de l’échelle de traitement, l’introduction à la convention collective d’un niveau juriste expert, une rémunération variable, une majoration des primes et des allocations, droits parentaux et mesures permettant à certains juristes occasionnels d’accéder au statut de juriste temporaire, libérations syndicales, aménagement du temps de travail, etc. Parmi des «autres éléments convenus», «une lettre d’entente concernant la réforme du régime de négociation avec l’Association des juristes de l’Etat sera introduite, tel que prévu à l’annexe 5». Le comité observe que l’annexe 5 se lit comme suit:
Lettre d’entente concernant la réforme du régime de négociation avec l’association des juristes de l’Etat
- Le gouvernement du Québec et l’Association des juristes de l’Etat conviennent de mettre sur pied, à la date de la signature de l’entente modifiant la convention collective 2010-2015 des avocats et notaires, un comité patronal-syndical composé d’un maximum de deux représentants de chacune des deux parties dont le Secrétaire associé au Sous-secrétariat au personnel de la fonction publique du Secrétariat du Conseil du trésor et le président ou le vice-président de l’Association des juristes de l’Etat, afin de discuter de la réforme du régime de négociation. Ce comité adopte les règles de fonctionnement appropriées pour l’exécution de ce mandat. A cette fin, chaque partie peut notamment s’adjoindre, au besoin, les personnes qu’elle juge nécessaires. Le comité doit déposer ses recommandations aux parties dans les 12 mois suivant sa mise sur pied. Après le dépôt des recommandations, les parties ont six mois pour convenir des suites à donner. Dans le cadre de son mandat, le comité devra déterminer les éléments sur lesquels porteraient les travaux d’un nouveau comité présidé par un tiers indépendant, désigné par les parties. Les recommandations formulées par le comité pourraient être approuvées, modifiées ou rejetées en tout ou en partie par le gouvernement.
- 220. Le comité note l’indication de LANEQ que, en septembre 2011, l’Association des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (ci-après l’«APPCP»), entité qui regroupe les avocats spécialisés qui représentent l’Etat québécois devant les tribunaux de juridiction criminelle et pénale, conclut avec le gouvernement une entente de principe concernant certains éléments modifiant l’entente relative aux conditions de travail des procureurs aux poursuites criminelles et pénales 2010-2015 (similaire à la lettre d’entente avec l’AJE). Cette entente contient aussi en annexe une lettre d’intention concernant la réforme du régime de négociation avec l’APPCP. Le 1er décembre 2011, l’Assemblée nationale adopte la loi abrogeant la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et de certains organismes publics et modifiant la loi sur le régime de négociation collective des procureurs aux poursuites criminelles et pénales. LANEQ explique que, comme cela était prévu dans la lettre d’intention, la loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales (PPCP) et sur leur régime de négociation collective prévoit l’intervention d’un arbitre lorsque les parties ne parviennent pas à une entente sur les autres conditions de travail. Cet arbitre, après avoir entendu les représentations des parties, rend une décision, laquelle constitue une recommandation au gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec doit approuver, modifier ou rejeter, en tout ou en partie, la recommandation de l’arbitre et doit publier les motifs de sa décision. Le régime particulier de détermination de la rémunération et de négociation introduit dans cette loi constitue la contrepartie au retrait du droit de grève des PPCP.
- 221. Concernant la lettre d’entente sur le régime de négociation avec l’AJE, le comité note que le comité patronal-syndical a été mis en place, et ses représentants et ceux du Conseil du trésor se sont réunis à quelques reprises en 2012 et 2013. Tandis que les membres syndicaux du comité soumettent une proposition consistant à rendre applicable aux avocats et notaires de l’Etat, «au moyen de l’adoption et de l’entrée en vigueur de dispositions législatives appropriées avant le début de la prochaine négociation collective qui doit débuter en septembre 2014», un processus de détermination de la rémunération et de négociation des autres conditions de travail analogue à celui établi pour les PPCP par la loi sur le processus de détermination de la rémunération des procureurs aux poursuites criminelles et pénales et sur leur régime de négociation collective, les représentants patronaux du comité proposent le statu quo quant au régime de négociation. Ainsi, aucune réforme du régime de négociation n’a été conclue. Or le comité note l’indication de LANEQ que la lettre d’entente no 5 convenue entre les parties prévoyait un travail concernant la réforme du régime de négociation (une contrepartie essentielle l’ayant menée notamment à se désister de ses recours, et particulièrement de sa plainte auprès du Comité de la liberté syndicale à l’encontre de la loi 2), notamment par la mise en place d’un comité présidé par un tiers indépendant, la position du gouvernement de maintien du statu quo à cet égard a fait obstacle à toute avancée.
- 222. Le comité note la suite des faits comme décrit par LANEQ et le gouvernement: i) le 1er octobre 2014 débute la phase des négociations en vue du renouvellement de la convention collective, dont l’échéance est le 31 mars 2015; ii) le 6 juillet 2015, le gouvernement a avisé LANEQ que, suite à son analyse, aucun motif ne justifiait la mise en place d’un régime de négociation particulier pour les salariés représentés par LANEQ et donc qu’il n’était pas possible de mener à terme cette demande. Selon le gouvernement, le régime existant, tel que prévu par le Code du travail, convient tout à fait et ne doit pas être écarté. Par le fait même, le gouvernement a invité LANEQ à poursuivre les discussions, se disant convaincu qu’ils étaient capables de négocier une entente à l’intérieur du régime existant et insistant sur le fait que des rencontres avaient déjà été fixées entre septembre et décembre 2015; iii) le 19 avril 2016, après 18 séances de négociation échelonnées sur plus d’un an et qui, selon l’organisation plaignante, n’ont permis que quelques avancées sur des volets secondaires, LANEQ dépose une demande de médiation; iv) LANEQ et le Conseil du trésor participent à six séances de médiation entre le 5 mai et le 28 juin 2016 sans aucune percée dans les discussions, notamment concernant le régime de négociation; v) le 24 octobre 2016, LANEQ a acquis le droit de grève, et la grève est officiellement déclenchée ce même jour; et vi) le 28 février 2017, le gouvernement du Québec a adopté la loi assurant la continuité de la prestation des services juridiques au sein du gouvernement et permettant la poursuite de la négociation ainsi que le renouvellement de la convention collective des salariés assurant la prestation de ces services juridiques, imposant le retour au travail, aux avocats et notaires de l’Etat québécois.
- 223. A cet égard, le comité note que le gouvernement souligne que la loi représente la solution considérée nécessaire par le législateur pour assurer la continuité de la prestation des services juridiques essentiels, au sein du gouvernement, et donc la préservation des intérêts collectifs de la population québécoise. Le gouvernement explique que l’adoption de cette loi intervient dans le contexte d’une négociation à laquelle il a consacré de nombreux efforts afin, en tout temps, de préserver un dialogue franc et sincère avec les représentants de LANEQ et de rechercher, avec ouverture d’esprit, des pistes de solution visant à convenir d’une convention collective de travail et, ce faisant, de régler les différends opposant le gouvernement et LANEQ. Il ajoute que, malgré tous les efforts déployés par le gouvernement et l’ouverture d’esprit qu’il a manifestée dans la recherche de solutions, le processus de négociation s’étant étalé sur deux ans et une grève de plus de quatre mois n’ont pas permis de mettre fin à l’impasse et aux différends l’opposant à LANEQ. Selon le gouvernement, l’intervention législative devenait nécessaire du fait de l’incapacité d’en venir à une entente.
- 224. Le gouvernement souligne aussi que la loi prévoit un ensemble de dispositions qui favorisent la poursuite de négociations aux fins de l’obtention d’un véritable compromis dans le respect mutuel des parties. A cet égard, le comité se réfère à ses conclusions dans le cas no 2467 (paragraphe 587 d)) [voir 344e rapport, mars 2007] où il a prié le gouvernement d’établir une procédure de négociation ayant la confiance des parties intéressées et leur permettant de régler leurs différends, notamment en ayant recours à la conciliation ou la médiation, puis en faisant volontairement appel à un arbitre indépendant pour résoudre leurs différends, les décisions arbitrales devant être obligatoires pour les deux parties et être exécutées complètement et rapidement. Le comité considère qu’une possibilité offerte aux parties de recourir volontairement à un arbitre indépendant pour résoudre leur différend pourrait s’avérer utile pour les parties et éviter une intervention législative pour résoudre un conflit, comme cela a été le cas pour les deux dernières conventions collectives. Le comité réitère ses recommandations et prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 225. Le comité note que l’organisation plaignante allègue que la loi porte atteinte à un processus libre, véritable et volontaire de négociation collective, notamment en ce que la loi: i) prévoit une très courte période de négociation et médiation; et ii) exclue du processus de médiation la modification du régime de négociation applicable aux salariés. A cet égard, le comité note la réponse du gouvernement dans laquelle il souligne que la loi: i) ne restreint pas le droit à la liberté syndicale ni à la négociation collective en prévoyant la continuation des négociations afin qu’un compromis soit atteint; et ii) accorde préséance à la libre négociation puisque, en cas d’échec des échanges qu’elle permet suite à son adoption, le statu quo est privilégié. La convention collective expirée le 31 mars 2015 est renouvelée intégralement en y incorporant les dispositions ayant fait l’objet d’une entente ainsi que les paramètres salariaux qui, au moment de son adoption, avaient déjà fait l’objet d’ententes pour 99 pour cent des salariés des secteurs public et parapublic.
- 226. L’organisation plaignante allègue la sévérité et la disproportion des sanctions en cas de violation des dispositions (articles 4 et 5) interdisant le recours à la grève ou à des moyens de pression. Le comité note que la loi 43 qu’il a examinée dans le cadre du cas no 2467 prévoyait les mêmes sanctions. La loi prévoit notamment que les retenues à la source des cotisations syndicales pourront être arrêtées par les organismes publics, et ce pour une période de douze semaines par jour ou partie de jour où les salariés ne se conforment pas à l’article 4 ou à l’article 5 en nombre suffisant pour assurer que sont dispensés les services (articles 11 et 12). En l’espèce, le comité observe que l’interruption de la retenue des cotisations à la source s’est produite pendant un temps supérieur à la période en cause et considère que ceci n’est pas proportionné et n’est pas propice à l’instauration de relations professionnelles harmonieuses et devrait donc être évitée. En cas de contravention à l’interdiction de recours à la grève, les salariés subissent la non-rémunération. De plus, si la contravention résulte d’une absence ou d’un arrêt de travail, le traitement à être versé au salarié en application de la convention collective pour le travail effectué après cette absence ou cet arrêt est réduit d’un montant égal au traitement qu’il aurait reçu pour chaque période d’absence ou d’arrêt (article 12). En outre, tout salarié qui est en libération syndicale pendant une période où son association de salariés contrevient à ses obligations subit également une cessation de traitement pour le temps durant lequel il est en libération syndicale, pour une durée de douze semaines par jour ou partie de jour pendant lequel LANEQ accomplirait un acte visé à l’article 7 (articles 14 et 16). Le comité est d’avis que les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point de vue des principes de la liberté syndicale [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 942], mais, étant donné que, en l’espèce, les déductions de salaire ont été supérieures aux montants correspondant à la durée de la grève, le comité considère que le fait d’imposer ce type de sanctions pécuniaires pour une grève légitime n’est pas de nature à favoriser le développement de relations professionnelles harmonieuses. Par ailleurs, l’article 20 facilite considérablement l’exercice d’un recours collectif contre une association de salariés en cas de contravention à la loi en réduisant les conditions requises par le Code de procédure civile pour son exercice. Selon le comité, il n’y a pas lieu de traiter ce type de recours collectif différemment des autres et il ne voit aucune justification à cette différence de traitement. Finalement, de sévères sanctions pénales peuvent être imposées en cas de contravention allant jusqu’à la somme considérable de 35 000 dollars canadiens par jour de contravention pour les personnes physiques et de 125 000 dollars canadiens par jour de contravention pour les associations (article 41). Le comité invite donc le gouvernement à revoir les sanctions prévues à la loi en consultation avec LANEQ afin d’assurer qu’elles ne sont pas excessives ni disproportionnées à la violation commise.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 227. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Se référant à ses conclusions au cas no 2467, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures adoptées afin d’établir une procédure de négociation ayant la confiance des parties intéressées et leur permettant de régler leurs différends, notamment en ayant recours à la conciliation ou la médiation, puis en faisant volontairement appel à un arbitre indépendant pour résoudre leurs différends, les décisions arbitrales devant être obligatoires pour les deux parties et être exécutées complètement et rapidement.
- b) Le comité prie le gouvernement de revoir les sanctions prévues à la loi en consultation avec LANEQ, afin d’assurer qu’elles ne sont pas excessives ni disproportionnées à la violation commise.