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Report in which the committee requests to be kept informed of development - Report No 388, March 2019

Case No 3286 (Guatemala) - Complaint date: 03-JUN-17 - Follow-up

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Allégations: L’organisation plaignante allègue des actes d’ingérence et d’intimidation de la part de l’entreprise ainsi que des coercitions, des entraves à la liberté syndicale, des poursuites pénales à l’encontre des dirigeants du syndicat, la partialité du ministère public et des violations des garanties d’une procédure régulière

  1. 362. La plainte figure dans trois communications du Mouvement syndical, indigène et paysan guatémaltèque (MSICG) en date des 3 juin et 18 septembre 2017 et du 31 janvier 2018.
  2. 363. Le gouvernement a fait parvenir sa réponse dans quatre communications en date des 21 août et 8 décembre 2017, du 29 mai 2018 et du 28 janvier 2019.
  3. 364. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 365. Dans ses trois communications en date des 3 juin et 18 septembre 2017 et du 31 janvier 2018, le MSICG allègue des actes d’ingérence, d’intimidation ainsi que de coercition exercés par l’entreprise, et dans une certaine mesure par un syndicat sous emprise patronale, des entraves à la liberté syndicale, des poursuites pénales contre les dirigeants du syndicat, la partialité du ministère public et des violations des garanties d’une procédure régulière.
  2. 366. Dans sa communication en date du 3 juin 2017, l’organisation plaignante déclare que, le 20 octobre 2015, le Syndicat des travailleurs et travailleuses Fuerza y Esperanza de la zone libre industrielle et commerciale Santo Tomás de Castilla (SINTRAFE) a été constitué avec son soutien. Elle indique que, avant la constitution de ladite organisation syndicale, un seul syndicat exerçait ses activités dans la zone libre industrielle et commerciale Santo Tomás de Castilla (ci-après «l’entreprise»), un syndicat sous emprise patronale et qui jouissait de toute liberté pour obliger les travailleurs à s’y affilier.
  3. 367. L’organisation plaignante indique que, le 5 janvier 2016, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (MTPS) a octroyé l’enregistrement du SINTRAFE et que, à partir du 3 mars 2016 environ, un document a commencé à circuler dans l’entreprise, évoquant un présumé recours en révocation de l’enregistrement du SINTRAFE, au motif que: i) les membres du syndicat avaient présenté de faux documents pour la constitution du syndicat; ii) MM. Exon Eduardo Lainfiesta Perdomo et Jonnathan Christian Heimen Benítez, deux travailleurs de l’entreprise dont les noms et signatures apparaissent dans l’acte de constitution du syndicat en question, n’auraient pas signé cet acte et n’auraient pas donné leur consentement, raison pour laquelle ils allaient déposer plainte devant le ministère public; iii) après avoir pris connaissance de ces irrégularités, M. Juan José Merlo Llanes, membre du SINTRAFE, dont le nom apparaissait également dans l’acte de constitution, a renoncé à son affiliation de manière irrévocable; et iv) le consentement d’autres membres fondateurs du SINTRAFE était dès lors entaché.
  4. 368. L’organisation plaignante indique que le recours en révocation a été établi par le mandataire judiciaire de l’entreprise afin d’empêcher la constitution d’un nouveau syndicat dans l’entreprise. En outre, elle dénonce le fait que, depuis l’enregistrement du SINTRAFE, l’entreprise et, dans une certaine mesure, le syndicat sous emprise patronale ont lancé une campagne de harcèlement à l’encontre des travailleurs de l’entreprise, cherchant à décourager l’affiliation au nouveau syndicat, et que l’entreprise a exercé des pressions et harcelé les dirigeants syndicaux et les membres du SINTRAFE, les menaçant d’intenter des actions au pénal pour qu’ils présentent leur démission du syndicat et qu’ils déclarent qu’ils n’avaient pas signé l’acte de constitution de celui-ci. En outre, elle allègue que MM. Lainfiesta Perdomo, Merlo Llanes et Heimen Benítez auraient adhéré à l’organisation syndicale et participé à la constitution du syndicat avec la complicité de l’entreprise, dans le seul but de détruire la nouvelle organisation syndicale; que les autres membres du syndicat, dans des déclarations sous serment, ont contredit les déclarations de ces travailleurs; et que ni M. Lainfiesta Perdomo ni M. Merlo Llanes n’ont fait allusion, lors de leur renoncement au syndicat, à des agissements présumés illégaux du syndicat.
  5. 369. L’organisation plaignante déclare que, le 10 juin 2016, dans sa décision administrative no 160-2016, le MTPS a jugé irrecevable le recours en révocation introduit par l’entreprise, décision qui a été contestée par l’entreprise le 29 septembre 2016 devant le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale du département d’Izabal. D’une part, l’organisation plaignante indique que, suite au recours en révocation déposé par l’entreprise le 22 mars 2016, le SINTRAFE a déposé une plainte au pénal contre le mandataire de l’entreprise et les travailleurs susmentionnés devant le ministère public pour falsification et coercition. D’autre part, elle dénonce la poursuite au pénal dont quatre dirigeants du syndicat ont été victimes: en effet, le 18 octobre 2016, soit sept mois après le dépôt de la plainte introduite par le syndicat à l’encontre du mandataire de l’entreprise et des deux travailleurs susmentionnés, l’entreprise a engagé une action contre les dirigeants Raúl Chávez Sánchez (secrétaire général du SINTRAFE), Tomás Lares López (secrétaire au travail et aux conflits), Nora Baibely Aquino López (secrétaire chargé des actes et des accords) et Elvin Antonio Godoy Berganza (secrétaire à l’organisation et à la propagande), les accusant de falsification matérielle dans l’acte de constitution, et ce en dépit du fait que l’auteur de cet acte serait une autre personne, étrangère aux dirigeants syndicaux.
  6. 370. En ce qui concerne la plainte déposée par le syndicat à l’encontre du mandataire judiciaire et des deux travailleurs susmentionnés, l’organisation plaignante déclare que: i) il était expressément indiqué dans la plainte qu’elle ne devait pas être transférée à l’unité spéciale du ministère public chargée d’enquêter sur les délits commis contre des syndicalistes, étant donné le manque d’impartialité dont fait preuve son procureur quand il s’agit de plaintes déposées par le MSICG; ii) le ministère public, ne faisant aucun cas de sa demande, a transmis le cas à cette unité; iii) le procureur de ladite unité a retenu la plainte jusqu’au 12 décembre 2016 et n’a effectué aucune démarche, le temps que la plainte au pénal déposée par l’entreprise le 18 octobre 2016 à l’encontre de quatre dirigeants syndicaux du SINTRAFE soit déclarée recevable; iv) une fois la plainte transmise à l’unité spéciale du ministère public chargée d’enquêter sur les délits de discrimination, les plaignants, à cause des mesures coercitives qui leur interdisaient de sortir de leur juridiction, mesures découlant de l’action au pénal introduite par l’entreprise contre quatre dirigeants du SINTRAFE, n’ont pas pu se présenter à Guatemala pour déposer leur déclaration; et v) ils dénoncent les agissements prétendument illégaux du procureur pour couvrir les auteurs matériels et intellectuels des délits commis contre les syndicalistes et leur garantir l’impunité.
  7. 371. L’organisation syndicale dénonce également des irrégularités dans la procédure judiciaire des quatre dirigeants du SINTRAFE, pour les raisons suivantes: i) la procédure judiciaire engagée par l’entreprise, en comparaison avec la plainte présentée par le syndicat, aurait été conclue avec une extrême rapidité, étant donné que, normalement, les tribunaux mettent plus d’un an avant d’accorder une audience et que, dans le présent cas, de la demande d’audience (18 août 2017) à la tenue de celle-ci (18 septembre 2017) un mois s’est écoulé; ii) pendant l’audience du 18 septembre 2017, le juge de première instance de la chambre pénale chargée du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal, de manière tout à fait partiale, a interrompu l’avocat de la défense et l’a empêché d’exprimer ses arguments et de développer sa défense technique en ordonnant la détention provisoire des dirigeants syndicaux; iii) le juge a considéré en outre qu’il était légal que le ministère public n’ait pas informé les dirigeants syndicaux de l’existence d’une procédure pénale à leur encontre et qu’il ne les ait pas cités à comparaître, situation contraire à l’article 334 du Code de procédure pénale qui établit qu’en aucun cas le ministère ne présentera de charges sans auparavant avoir donné au prévenu l’opportunité de comparaître; iv) les prévenus n’ont pas reçu de copie du dossier, ce qui a porté atteinte à leur droit à la défense; et v) le juge aurait permis à l’entreprise d’intervenir comme plaignant dans la procédure conjointement avec le ministère public, considérant que l’entreprise avait subi de graves dommages patrimoniaux à la constitution du syndicat, dommages évalués à un demi-million de quetzales.
  8. 372. Parallèlement à ces actions, l’entreprise aurait déposé un incident de fin de contrat de travail à l’encontre du secrétaire au travail et aux conflits du SINTRAFE, M. Tomás Lares López, en dépit du fait que son contrat prenait fin le 28 février 2018, raison pour laquelle il ne pouvait être licencié sans motif justifié. Cette procédure est en attente de décision au tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale dans le cadre du conflit à caractère socio-économique no 132-2002. En outre, le mandataire judiciaire de l’entreprise aurait engagé une procédure pénale en diffamation contre le même dirigeant, suite à des déclarations que celui-ci aurait faites sur les médias sociaux, et l’organisation plaignante indique que la plainte aurait été déclarée recevable par le tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement, en dépit du fait que les conditions n’étaient pas réunies pour introduire une procédure pénale.
  9. 373. En outre, l’organisation plaignante allègue qu’elle a été victime d’extorsion étant donné que, dès que les quatre dirigeants ont été internés au centre de réadaptation pénal de Puerto Barrios, le 18 septembre 2017, le siège du MSICG a commencé à recevoir des appels provenant d’une personne identifiée comme étant un représentant du secteur pénitentiaire où avait été transféré le dirigeant Tomás Lares López, exigeant un dépôt de 75 000 quetzales, faute de quoi le dirigeant serait «envoyé de l’autre côté», ce qui veut dire assassiné, raison pour laquelle l’organisation s’est vue obligée d’effectuer le paiement. Cet incident aurait été dénoncé devant la Commission internationale contre l’impunité le jour même; cependant, à ce jour, aucune enquête n’aurait été diligentée en ce qui concerne les faits dénoncés.
  10. 374. Le 26 septembre 2017, ayant constaté des violations des droits fondamentaux des dirigeants syndicaux, le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme au Guatemala a obtenu qu’une audience de révision soit accordée et que la peine de prison préventive soit commuée pour adopter les mesures suivantes: i) obligation de se présenter tous les trente jours devant le juge de paix de la localité pour signer le registre de présence respectif; ii) interdiction de sortir du pays; iii) interdiction de consommer de l’alcool; iv) interdiction de visiter des lieux de vente d’alcool; v) assignation à résidence, avec possibilité de se déplacer uniquement dans le département d’Izabal; et vi) interdiction d’approcher les témoins et les personnes qui ont dénoncé les faits.
  11. 375. Selon l’organisation plaignante, ces mesures de coercition proviennent de l’interdiction d’accéder à l’entreprise décrétée pour les quatre dirigeants syndicaux, depuis le 26 septembre 2017, sous prétexte que MM. Lainfiesta Perdomo et Heimen Benítez travailleraient dans le centre et que le tribunal avait interdit qu’ils soient en contact avec les témoins. De plus, elle dénonce que, depuis le 18 septembre 2017, les quatre membres fondateurs n’auraient pas perçu leurs salaires, ni les autres indemnités de travail auxquelles ils ont droit, et que les autres dirigeants et membres du SINTRAFE sont, à ce jour, constamment soumis à des mesures d’intimidation de la part de l’entité patronale qui menace de les licencier s’ils ne comparaissent pas devant le ministère public et témoignent contre le syndicat; ils les conduiraient même au ministère public dans des véhicules de l’entreprise.
  12. 376. Enfin, l’organisation plaignante déclare que, face au refus du ministère public de fournir une copie de la plainte au pénal et de tout ce qui apparaît dans le dossier à son encontre, de sorte que les quatre dirigeants du syndicat puissent exercer leur droit à la défense, les dirigeants syndicaux ont adressé le 24 octobre 2017 une communication au ministère public dénonçant toutes les violations dont cette instance se serait rendue coupable, y compris les entraves au droit de défense et les violations des garanties d’une procédure régulière, indiquant que l’attitude partiale du ministère public aurait pour objectif d’emprisonner les dirigeants syndicaux. Selon l’organisation plaignante, à ce jour, aucune réponse n’est parvenue du ministère public ni aucune copie de la plainte au pénal. Considérant que le présent cas constitue une criminalisation évidente de l’exercice de la liberté syndicale de la part du gouvernement, l’organisation plaignante attire l’attention du comité sur le caractère grave et urgent du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 377. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 21 août et 8 décembre 2017, du 29 mai 2018 et du 28 janvier 2019.
  2. 378. Le gouvernement indique, en ce qui concerne la procédure ordinaire en nullité de la décision administrative no 160-2016 du MTPS, procédure qui déclare non recevable le recours en révocation introduit par l’entreprise, que: i) le mandataire judiciaire de l’entreprise a déposé ledit recours devant le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale le 29 septembre 2016; ii) le tribunal de première instance a donné suite à la plainte et a fixé l’audience pour un jugement oral au 21 juin 2017; iii) cette audience a été suspendue à trois reprises à la demande des parties; iv) pendant l’audience du 25 mai 2018, le tribunal de première instance a constaté que le SINTRAFE n’avait pas comparu via son représentant légal; l’Etat du Guatemala, le MTPS et l’Inspection générale du travail avaient été légalement notifiés, et au cours de cette audience la présentation des preuves a été ordonnée; et v) le gouvernement du Guatemala fait savoir que le tribunal du travail rendra son jugement une fois que toutes les décisions relatives aux moyens de preuve en faveur du syndicat auront été notifiées.
  3. 379. Le gouvernement signale, en ce qui concerne la plainte introduite par le SINTRAFE à l’encontre du mandataire de l’entreprise et des deux travailleurs susmentionnés, pour falsification matérielle et coercition, que: i) la plainte devait être examinée originellement par l’unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes mais, suite à la récusation exprimée par les victimes, le dossier a été envoyé à l’unité spéciale du ministère public chargée des délits de discrimination; ii) cette unité a effectué une analyse préliminaire du dossier, dans le but d’établir quels sont les faits qui font l’objet de poursuites d’office et ceux qui font l’objet de poursuites à la demande d’une partie, étant donné que certains faits dénoncés seraient des délits qui ne peuvent être poursuivis qu’à la demande d’une partie; iii) les victimes n’ont pas comparu pour présenter leur témoignage, ayant déclaré qu’elles étaient assujetties à une procédure pénale et à une mesure conservatoire d’assignation à résidence qui leur interdisait de sortir du département d’Izabal; iv) cette unité d’enquête a programmé un voyage les 6 et 7 décembre 2017 à Puerto Barrios, dans le département d’Izabal, pour pouvoir prendre le témoignage des victimes; et v) un rapport circonstancié du dossier no MP282-2016-5254 aurait été demandé au procureur chargé des délits de Puerto Barrios du département d’Izabal, dans le but d’établir si MM. Lares López et Godoy Berganza étaient effectivement limités dans leurs déplacements et établir si la poursuite pénale engagée à leur encontre avait quelque rapport avec le présent cas.
  4. 380. En ce qui concerne la procédure pénale à l’encontre des quatre dirigeants syndicaux, le gouvernement indique que: i) l’entreprise a introduit une plainte pour falsification devant le tribunal pénal de première instance chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal; ii) l’audience de première déclaration a été fixée au 18 septembre 2017 et les syndicats ont été mis en examen pour falsification matérielle; iii) pendant cette audience, vu qu’il existait un délit de fuite, la détention préventive a été ordonnée contre les quatre dirigeants, raison pour laquelle il a été ordonné qu’ils soient internés au centre de réadaptation pénal de Puerto Barrios, dans le département d’Izabal; iv) le 26 septembre 2017, a eu lieu l’audience de révision de la mesure d’emprisonnement et il a été décidé de commuer la peine de prison préventive pour la remplacer par cinq mesures coercitives (obligation de se présenter tous les trente jours devant le juge de paix de leur localité pour signer le registre de présence respectif, interdiction de sortir du pays; interdiction de consommer de l’alcool ou de visiter des lieux de vente d’alcool; assignation à résidence, avec possibilité de se déplacer uniquement dans le département d’Izabal; interdiction d’approcher les témoins et les personnes qui ont dénoncé les faits); v) le 15 janvier 2018, s’est tenue l’audience d’étape intermédiaire au cours de laquelle un principe d’opportunité des poursuites a été décidé (mesure de déjudiciarisation qui autorise le ministère public à s’abstenir de toute action au pénal considérant que l’intérêt public ou la sécurité des citoyens n’est pas gravement affectée, et au bout d’un an, l’action au pénal s’éteint) en faveur des dirigeants Chávez Sánchez, Godoy Berganza et Aquino López, et toutes les mesures coercitives imposées ont cessé le 26 septembre 2017; vi) quant à M. Lares López, l’audience d’étape intermédiaire s’est tenue le 10 juillet 2018, et il a été décidé d’engager contre lui une procédure pour falsification matérielle ou subsidiairement pour falsification idéologique; et vi) le 2 août 2018, une audience de présentation de preuves a eu lieu et, au cours de celle-ci, une audience a été fixée au 8 mars 2019 devant le tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal.
  5. 381. En ce qui concerne l’interdiction d’accéder à l’entreprise pour les quatre dirigeants syndicaux contre lesquels a été engagée une procédure pénale pour falsification matérielle et le refus de l’entreprise de payer les salaires et autres indemnités à ces dirigeants, le gouvernement communique la réponse de l’entreprise selon laquelle: i) Mme Aquino López ne travaille plus dans l’entreprise, vu qu’elle a présenté sa démission de manière volontaire, mesure qui a pris effet le 2 novembre 2018; elle a reçu les salaires et indemnités qui lui étaient dus; ii) MM. Chávez Sánchez et Godoy Barganza continuent à fournir leurs services dans l’entreprise; iii) M. Tomás Lares López subit une restriction juridique et ne peut accéder à l’entreprise étant donné qu’à ce jour il est astreint à une procédure pénale pour falsification matérielle et étant soumis aux mesures conservatoires, il ne peut approcher MM. Lainfiesta Perdomo et Heimen Benítez, qui travaillent dans l’entreprise.
  6. 382. Enfin, en ce qui concerne l’autorisation judiciaire de fin de contrat de travail introduite par l’entreprise contre le dirigeant Tomás Lares López, le gouvernement indique que ledit incident a été déclaré non recevable le 18 avril 2016 par le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale, et a été classé.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 383. Le comité note que le présent cas porte sur des allégations d’ingérence, d’actes d’intimidation et de coercition exercés par l’entreprise (et, dans une certaine mesure, par un syndicat sous emprise patronale), d’entraves à la liberté syndicale, de poursuites pénales à l’encontre de quatre dirigeants du syndicat, de partialité du ministère public et de violations des garanties d’une procédure régulière.
  2. 384. Le comité note que, le 20 octobre 2015, le Syndicat des travailleurs et travailleuses de la zone libre industrielle et commerciale Santo Tomás de Castilla (SINTRAFE), affilié à l’organisation plaignante, a été constitué. Il note également, selon les informations fournies par l’organisation plaignante, que: i) avant la constitution du SINTRAFE, le seul syndicat présent dans l’entreprise était un syndicat présumé sous l’emprise de l’entreprise; ii) suite à la constitution du SINTRAFE, l’entreprise aurait commencé à faire circuler un document suggérant l’existence d’un recours en révocation contre son enregistrement dû à une prétendue falsification de signatures dans l’acte de constitution; et iii) cette action judiciaire a été suivie d’actes d’ingérence et de coercition ainsi que de menaces de poursuites pénales à l’encontre de dirigeants et de membres du syndicat dans le but de les obliger à renoncer au SINTRAFE.
  3. 385. D’autre part, le comité observe que, selon les allégations de l’organisation plaignante en ce qui concerne le recours en révocation: i) celui-ci aurait été établi par le mandataire judiciaire de l’entreprise le 7 mars 2016, de manière à décourager l’affiliation au SINTRAFE; ii) MM. Lainfiesta Perdomo, Merlo Llanes et Heimen Benítez se seraient introduits dans l’organisation syndicale et auraient participé à la constitution du syndicat dans le but de détruire la nouvelle organisation syndicale; iii) le 10 juin 2016, le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (MTPS), dans sa décision administrative no 160 2016, a déclaré le recours en révocation introduit par l’entreprise non recevable; iv) l’entreprise a contesté le 29 septembre 2016 la décision administrative devant le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale; et v) la décision serait encore en instance.
  4. 386. En ce qui concerne la procédure en nullité de la décision administrative no 160-2016 du MTPS qui n’a pas jugé recevable le recours en révocation introduit par l’entreprise sur l’enregistrement du syndicat, le comité observe que, selon les informations actualisées fournies par le gouvernement, le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale a donné suite à la plainte, qu’au cours de l’audience du 25 mai 2018, où seule a comparu l’entreprise, la présentation de preuves a été ordonnée et qu’une fois terminée l’étape de présentation des preuves, le tribunal procédera au jugement. Tout en notant que la décision du tribunal de première instance est toujours en attente de décision, le comité note avec préoccupation que le gouvernement ne communique pas ses observations quant aux allégations d’ingérence, de coercition et de menaces de poursuites pénales adressées aux travailleurs de l’entreprise, dirigeants et membres du SINTRAFE. Rappelant que toute pression ayant pour but que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux renoncent à leur affiliation syndicale constitue une violation du principe de libre affiliation syndicale énoncé dans la convention no 87 [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1198], ratifiée par le Guatemala, le comité espère que le gouvernement diligentera une enquête impartiale sur les faits dénoncés et qu’il le tiendra informé de son résultat. Il prie également le gouvernement de le tenir informé de la décision finale concernant le recours en nullité de la décision administrative no 160-2016.
  5. 387. En ce qui concerne les allégations relatives à la violation des garanties d’une procédure régulière et à la partialité du ministère public, le comité observe qu’elles ont été formulées au sujet de la plainte introduite par le syndicat à l’encontre du mandataire judiciaire de l’entreprise et de deux travailleurs pour coercition et falsification matérielle, ainsi qu’au sujet de la plainte introduite par le mandataire judiciaire de l’entreprise à l’encontre de quatre dirigeants du SINTRAFE pour falsification matérielle.
  6. 388. Le comité note que, en ce qui concerne la plainte au pénal introduite par le syndicat le 22 mars 2016 pour falsification matérielle et coercition, l’organisation plaignante considère que: i) en dépit du fait que le syndicat avait demandé que la plainte ne soit pas transférée à l’unité spéciale du ministère public chargée des enquêtes sur les délits commis contre des syndicalistes, considérant que son procureur n’était pas impartial, la plainte a été transférée à cette unité et retenue jusqu’au 12 décembre 2016; ii) ce procédé aurait permis qu’il soit donné suite à la plainte au pénal introduite par l’entreprise; et iii) lorsque la plainte a été transférée à l’unité chargée des délits de discrimination, sept mois plus tard, les quatre dirigeants syndicaux du SINTRAFE ne pouvaient pas se déplacer jusqu’à Guatemala pour présenter leur déclaration, étant sous le coup des mesures coercitives consécutives à la plainte introduite par l’entreprise.
  7. 389. En ce qui concerne la plainte au pénal introduite par l’entreprise à l’encontre des quatre dirigeants syndicaux, le comité observe que, selon les allégations de l’organisation plaignante: i) cette plainte, en comparaison avec celle du syndicat, aurait été conclue avec une extrême rapidité; ii) pendant l’audience du 18 septembre 2017, le juge de première instance de la chambre pénale chargée du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal, de manière tout à fait partiale, a interrompu l’avocat de la défense et l’a empêché d’exprimer ses arguments et de développer sa défense technique, en ordonnant ce même jour la détention provisoire des dirigeants syndicaux; iii) les dirigeants syndicaux n’ont pas été informés de l’existence d’une procédure pénale à leur encontre, ils n’ont pas été cités à comparaître avant l’audience et il ne leur a pas été remis de copie de leur dossier; et iv) le juge aurait permis à l’entreprise d’intervenir en tant que coplaignant.
  8. 390. Le comité note que le gouvernement indique, en ce qui concerne la plainte au pénal introduite par le syndicat, que l’unité chargée des délits de discrimination a déjà établi une analyse préliminaire de la plainte pénale, de façon à établir quels sont les faits qui font l’objet de poursuites d’office ou à la demande d’une partie; que l’unité d’enquête a programmé un voyage au département d’Izabal les 6 et 7 décembre 2017 pour prendre la déclaration des plaignants; et qu’il a été demandé au procureur de la chambre des délits de Puerto Barrios de fournir un rapport circonstancié du dossier pour déterminer si les plaignants étaient limités dans leur liberté de mouvement et si la poursuite pénale avait un rapport avec le cas.
  9. 391. Le comité note également, en ce qui concerne la procédure pénale introduite par l’entreprise à l’encontre des quatre dirigeants du SINTRAFE, que: i) la première audience a été fixée au 18 septembre 2017 et, à cette occasion, les dirigeants ont fait l’objet d’une procédure pour falsification matérielle et ont été mis en détention préventive, parce qu’il y avait un risque de fuite; ii) le 26 septembre 2017, pendant l’audience de révision de la mesure d’emprisonnement, il a été décidé de commuer la peine de prison préventive en lui substituant cinq mesures coercitives, dont une assignation à résidence; iii) le 15 janvier 2018, une mesure de déjudiciarisation a été décrétée en faveur des dirigeants Chávez Sánchez, Godoy Berganza et Aquino López, ce qui a mis fin à toutes les mesures coercitives prises à leur encontre; iv) en ce qui concerne M. Lares López, le 10 juillet 2018, une procédure pour falsification matérielle ou subsidiairement pour falsification idéologique a été engagée contre lui; v) le 2 août 2018, une audience de présentation de preuves a été fixée et la prochaine audience devant le tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal aura lieu le 8 mars 2019; et vi) dans un rapport en date du 24 octobre 2017 adressé au ministère public, les dirigeants syndicaux ont dénoncé toutes les violations dont cette instance se serait rendue coupable, ont demandé une copie de la plainte au pénal introduite par l’entreprise et ont exigé qu’une enquête relative aux agissements présumés partiaux du ministère public dans le présent cas soit diligentée.
  10. 392. A la lumière de ce qui précède, le comité constate que: i) la plainte au pénal introduite par le SINTRAFE, le 22 mars 2016, est toujours en cours d’instruction; ii) la plainte au pénal introduite par l’entreprise, le 18 octobre 2016, est à l’étape finale de la procédure pénale; iii) le gouvernement ne communique pas d’information concernant les violations présumées du droit à une procédure régulière et du droit à la défense; iv) le ministère public n’a diligenté aucune enquête sur les agissements partiaux dans le présent cas, malgré la demande écrite du syndicat en date du 24 octobre 2017; et v) à ce jour, soit plus de quinze mois après la première mise en détention préventive de M. Tomás Lares López, la situation juridique de ce dirigeant n’a toujours pas été définie. Le comité rappelle que les syndicalistes détenus doivent, à l’instar des autres personnes, bénéficier d’une procédure judiciaire régulière et avoir le droit à une bonne administration de la justice, à savoir notamment être informés des accusations qui pèsent contre eux, disposer du temps nécessaire à la préparation de leur défense, communiquer sans entrave avec le conseil de leur choix et être jugés sans retard par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 167.] Par conséquent, le comité prie le gouvernement de fournir dans les plus brefs délais une réponse détaillée en ce qui concerne les violations présumées du droit à une procédure régulière et du droit à la défense, de garantir que M. Tomás Lares López pourra bénéficier, pendant la procédure pénale engagée à son encontre, de toutes les garanties judiciaires et de son droit à la défense plein et entier. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la décision finale du tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal en ce qui concerne ce dirigeant. En outre, le comité prie le gouvernement de garantir que l’enquête relative à la plainte pénale introduite par le syndicat en rapport avec les actes présumés de falsification et de coercition sera menée avec diligence et, si un motif antisyndical était constaté, d’établir une réparation appropriée.
  11. 393. En ce qui concerne les actes d’extorsion présumés et les menaces proférées contre les dirigeants au cours de leur détention, le comité note que le MSICG a introduit une plainte devant la Commission internationale contre l’impunité, plainte qui n’aurait donné lieu à aucune enquête. Observant que le gouvernement ne communique pas ses observations à ce sujet, et ne sachant pas si le syndicat ou l’organisation plaignante ont introduit d’autres plaintes, le comité invite l’organisation plaignante à lui communiquer ses observations détaillées à cet égard et prie le gouvernement de lui fournir une information sur toute plainte au pénal introduite en rapport avec les faits dénoncés.
  12. 394. En ce qui concerne l’autorisation judiciaire de fin de contrat de travail demandée par l’entreprise contre le dirigeant syndical Tomás Lares López, le comité observe qu’elle a été déclarée irrecevable par le tribunal de première instance du travail et de la prévoyance sociale le 18 avril 2016 et a été classée, raison pour laquelle le comité ne poursuivra pas l’analyse de cette allégation. Quant à la plainte au pénal pour diffamation à l’encontre du même dirigeant syndical devant le tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement alléguée par l’organisation plaignante, observant que le gouvernement ne fournit aucune information à cet égard, le comité prie le gouvernement de fournir dans les plus brefs délais une information concernant les charges qui pèsent contre M. Lares López et l’état d’avancement de la plainte.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 395. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) En ce qui concerne l’enregistrement du syndicat et les actes présumés d’ingérence et de coercition et les menaces, le comité espère que le gouvernement diligentera une enquête impartiale sur les faits dénoncés et qu’il le tiendra informé du résultat de celle-ci. Il prie également le gouvernement de le tenir informé de la décision finale ayant trait au recours en nullité de la décision administrative no 160-2016.
    • b) En ce qui concerne la violation des droits à une procédure régulière et à la partialité du ministère public, le comité prie le gouvernement de lui fournir dans les plus brefs délais une réponse détaillée concernant ces faits, de garantir que le dirigeant Tomás Lares López pourra bénéficier pendant la procédure pénale engagée à son encontre de toutes les garanties judiciaires et de son droit plein et entier à la défense, et de le tenir informé de la décision finale du tribunal pénal chargé du trafic de stupéfiants et des atteintes à l’environnement du département d’Izabal au sujet du dirigeant en question.
    • c) Le comité prie le gouvernement de garantir que l’enquête relative à la plainte au pénal introduite par le syndicat concernant les actes présumés de falsification et de coercition sera diligentée le plus rapidement possible et, si un motif antisyndical était constaté, d’établir une réparation appropriée.
    • d) En ce qui concerne les actes présumés d’extorsion et les menaces proférées à l’encontre des dirigeants pendant leur détention, le comité invite l’organisation plaignante à lui communiquer ses observations détaillées à cet égard et prie le gouvernement de lui fournir ses informations sur toute plainte au pénal concernant les faits dénoncés.
    • e) Quant à la plainte au pénal pour diffamation à l’encontre du dirigeant Tomás Lares López, le comité prie le gouvernement de lui fournir dans les plus brefs délais une information concernant les charges qui pèsent contre ledit dirigeant et l’état d’avancement de la plainte.
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