Allégations: L’organisation plaignante allègue des attaques, des actes de harcèlement et de persécution, des agressions et des licenciements de syndicalistes indépendants, entre autres actes de discrimination et d’ingérence antisyndicale commis par les autorités publiques, ainsi que la reconnaissance officielle d’une centrale syndicale unique contrôlée par l’Etat et l’absence de négociation collective et de reconnaissance juridique du droit de grève
- 191. Le comité a examiné le présent cas (présenté en décembre 2016) pour la dernière fois à sa réunion de juin 2018 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 386e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa 333e session (juin 2018), paragr. 214 à 242.]
- 192. L’organisation plaignante a présenté des allégations supplémentaires dans des communications en date du 4 juin 2018 et des 14 février, 10 mai, 17 mai, 10 juin, 31 juillet et 27 août 2019.
- 193. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans six communications en date des 24 septembre et 26 novembre 2018 et des 27 mars, 7 mai, 13 et 26 septembre 2019.
- 194. Cuba a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 195. Lors de son précédent examen du cas, en juin 2018, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 386e rapport, paragr. 242]:
- a) Le comité prie le gouvernement de garantir la reconnaissance de l’ASIC, ainsi que son libre fonctionnement et l’exercice de ses activités syndicales, conformément aux principes de liberté syndicale.
- b) Le comité prie le gouvernement, à la lumière des décisions en application des principes de liberté syndicale mentionnées dans ses conclusions, de veiller à ce qu’une enquête soit menée sur toutes les allégations relatives à des attaques et à d’autres formes de discrimination antisyndicale formulées dans la plainte, de faire en sorte, si ces allégations sont avérées, que les sanctions dissuasives et les mesures compensatoires correspondantes soient prises, et de fournir au comité des informations détaillées à cet égard et sur le résultat (avec copie des décisions ou jugements rendus) de toute procédure administrative ou judiciaire ayant trait aux allégations en question, y compris celles engagées contre les syndicalistes susmentionnés, ainsi que sur les supposées poursuites judiciaires engagées à l’encontre de M. Reyes Consuegras.
- c) Le comité prie le gouvernement de l’informer sur l’exercice du droit de grève dans la pratique, y compris sur toute discrimination ou préjudice en matière d’emploi qui pourrait avoir été appliqué aux travailleurs pour avoir exercé ce droit pacifiquement.
B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante
B. Nouvelles allégations de l’organisation plaignante- 196. Dans ses communications en date du 4 juin 2018 et des 14 février, 10 mai, 17 mai, 10 juin, 31 juillet et 27 août 2019, l’organisation plaignante fournit de nouvelles informations concernant des allégations concrètes de violation des libertés publiques de dirigeants et de membres de l’Association syndicale indépendante de Cuba (ASIC).
- 197. Selon elle, les militants et dirigeants syndicaux de l’ASIC et des organisations affiliées continuent d’être harcelés, réprimés et menacés par différentes forces de sécurité de l’Etat, de faire l’objet de détentions arbitraires et, en outre, d’être empêchés, sans explication ni motif légitime, de voyager pour se rendre à des manifestations internationales en lien avec leur travail de syndicalistes.
- 198. L’organisation plaignante allègue en particulier que:
- a) Le 1er mai 2018, les dix principaux dirigeants de l’ASIC ont été assignés à résidence pendant huit heures et ainsi privés de participer à une manifestation s’opposant à la tenue du défilé officiel organisé par le régime.
- b) M. Iván Hernández Carrillo, secrétaire général de l’ASIC, a fait l’objet d’arrestations illégales et d’actes de harcèlement de la part des agents de la sécurité de l’Etat: i) au cours des cinq premiers mois de 2018, il a été arrêté à dix reprises et menacé de mort par les agents de la sécurité de l’Etat; ii) le 26 mars 2018, il a été arrêté et violemment frappé par des agents de l’Etat; iii) le 18 décembre 2018, il a été arrêté, ses affaires personnelles ont été fouillées et plusieurs documents lui appartenant ont été saisis (notamment sa carte de membre de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)); iv) le 27 juillet 2019, des unités de la police et de la police politique secrète ont ordonné au syndicaliste de demeurer chez lui; ce dernier, se rendant compte qu’il n’y avait pas d’ordonnance judiciaire, a quitté son domicile, de sorte qu’il a été arrêté pendant cinq heures puis libéré; v) après avoir quitté le commissariat, il a été suivi pendant 96 heures par une voiture de police; vi) ses communications sont systématiquement interceptées, l’accès à sa messagerie électronique limité et l’accès à ses comptes sur les réseaux sociaux souvent bloqué; et vii) le dirigeant syndical susmentionné, qui purge actuellement une peine de vingt-huit ans de privation de liberté dans le cadre d’une permission extrapénale (une forme de liberté conditionnelle en droit cubain), vit dans la crainte permanente d’être de nouveau emprisonné.
- c) Il a été interdit à M. Víctor Manuel Domínguez García, directeur du Centre national de formation syndicale (CNCS), membre de l’ASIC, de voyager et de participer à des manifestations internationales en rapport avec ses activités syndicales: i) le 17 octobre 2017, il a été empêché de se rendre à Bruxelles pour suivre un séminaire sur le monde du travail à Cuba organisé par la CFDT; ii) le 31 mai 2018, il a été empêché de se rendre à Genève pour participer aux travaux de la Conférence internationale du Travail (CIT) et au 49e congrès de la CFDT.
- d) M. Alejandro Sánchez Zaldívar, secrétaire général adjoint de l’ASIC, a fait l’objet de détentions arbitraires; il a été victime, avec ses proches, d’actes de harcèlement commis par les autorités publiques et il a été empêché de participer à plusieurs activités syndicales organisées hors de sa province natale: i) les 7 et 8 mars 2018, des agents du Département de sécurité de l’Etat (DSE) ont pénétré par effraction chez lui pour l’empêcher de se rendre à La Havane; ii) le 9 mars 2018, il a été convoqué au poste de police d’Artemisa et placé en garde à vue pendant plus de sept heures, au cours desquelles il a été dépouillé de ses effets personnels et menacé de voir son passeport confisqué; iii) en septembre 2018, il lui a été interdit de se rendre en Colombie pour participer à un atelier sur les affaires syndicales et les relations professionnelles organisé par l’Institut national des études sociales (INES); iv) le 1er novembre 2018, les autorités douanières l’ont empêché de prendre un avion pour le Panama, où il devait participer à un atelier organisé par l’Université des travailleurs d’Amérique latine (UTAL); v) le 12 février 2019, son épouse a été harcelée sur son lieu de travail par un agent du DSE; en outre, il a été averti que, avec son épouse, il ne pourrait prendre part à aucune activité au cours du référendum constitutionnel organisé le 24 février 2019; vi) le 17 avril 2019, à minuit, deux agents de la Police nationale révolutionnaire (PNR) ont conduit le dirigeant syndical au poste de police de Cabañas et ont rédigé à son encontre un avertissement pour tentative délictuelle d’organisation de réunions contre-révolutionnaires à La Havane; vii) le 7 juin 2019, il a été empêché de quitter le pays pour se rendre à la Conférence internationale du Travail, à laquelle il devait participer en tant que membre de la délégation d’Alternativa Democrática Sindical de las Américas (ADS); et viii) le 12 juillet 2019, il a été soumis à un interrogatoire, au cours duquel il a été informé qu’il ne voyagerait plus à l’étranger et que, le 13 juillet 2019 (date à laquelle la dissidence commémore le naufrage du ferry le 13 mars), il serait dans l’obligation de demeurer à son domicile; par ailleurs, il s’est vu proposer de se mettre au service de la police.
- e) M. Carlos Reyes Consuegras, secrétaire des affaires syndicales et des relations professionnelles de l’ASIC, a fait l’objet de détentions arbitraires et d’actes de harcèlement commis par les autorités publiques: i) le 12 janvier 2018, après avoir participé à une réunion de l’ASIC à La Havane, il a été arrêté par les forces conjointes de la PNR et des agents du DSE dans la province de Cienfuegos, et certains effets personnels lui ont été confisqués; ii) le 2 mars 2018, il a été retenu pendant plus de onze heures par les entités susmentionnées et ainsi empêché de participer à une réunion de l’ASIC; iii) le 8 mars 2018, il a été convoqué au poste de police où on lui a fait savoir qu’une procédure d’enquête avait été ouverte à son encontre pour délit présumé d’activités économiques illicites; et iv) le 19 novembre 2018, après avoir participé à un atelier sur les affaires syndicales et les relations professionnelles organisé par l’UTAL, il a été interrogé par des agents de la police politique du Bureau provincial de l’immigration et, devant son refus de fournir des informations concernant l’atelier, il s’est vu interdire tout déplacement hors de son lieu de résidence, à Cienfuegos.
- f) M. Yoanny Limonta García, réalisateur d’œuvres audiovisuelles pour le compte de l’ASIC, a fait l’objet de détentions arbitraires: i) le 7 février 2018, il a été arrêté par des agents de la PNR, conduit au poste de police de la même ville et ses outils de travail (une caméra, un trépied et un dispositif de mémoire flash) lui ont été confisqués; et ii) le 3 décembre 2018, alors qu’il se rendait au domicile du secrétaire général de l’ASIC pour tourner un film sur les droits de l’homme à Cuba, il a été arrêté, ses outils de travail lui ont de nouveau été confisqués et il a été menacé, s’il continuait à exercer ses activités de journaliste indépendant, d’être accusé d’usurpation de fonctions publiques.
- g) Le 17 janvier 2018, MM. Wilfredo Álvarez García et Bárbaro de la Nuez Ramírez ont été convoqués par le Département technique d’enquêtes (DTI) de Cienfuegos et retenus pendant six heures. Ils ont été contraints de revêtir la tenue des prisonniers de droit commun, ont été placés en cellule d’isolement, interrogés, pris en photo, ont dû donner leurs empreintes digitales, et ils n’ont eu la permission de quitter les lieux qu’à la condition de ne plus assister aux réunions organisées au domicile des dirigeants syndicaux de l’ASIC.
- h) M. Alexis Gómez Rodríguez, membre de l’ASIC, a été arrêté arbitrairement à deux reprises et, au cours de ces deux périodes de détention, on a tenté de le convaincre de devenir informateur au service de l’Etat: i) le 15 janvier 2018, il a été soumis à un interrogatoire au poste de police de la municipalité de Centro Habana et détenu pendant trente-huit heures; ii) le 23 février, il a été soumis à un interrogatoire et détenu pendant trente et une heures; et iii) d’après ses propres déclarations, au cours de ces deux périodes de détention, il aurait fait l’objet de traitements cruels et dégradants.
- i) Le 1er novembre 2018, les autorités douanières ont empêché M. Osvaldo Rodríguez Díaz, avocat et membre de l’ASIC, de se rendre au Panama pour participer à un atelier organisé par l’UTAL. Le 15 novembre 2018, il a été convoqué à l’unité de police de la municipalité de Cotorro (La Havane), conduit dans une «maison spéciale», interrogé sur son travail avec le syndicalisme indépendant et il lui a été proposé de collaborer avec le DSE.
- j) Le 26 janvier 2018, M. Jorge Anglada Mayeta, membre de l’ASIC, a été jugé devant le Tribunal municipal populaire de la municipalité Diez de Octubre pour un délit présumé d’outrage à agent et il a été condamné à deux ans de privation de liberté. Selon l’organisation plaignante, ces accusations découlent d’un incident survenu le 2 mai 2017 au cours duquel le syndicaliste s’est opposé à l’arrestation d’un travailleur indépendant par un policier en civil.
- k) Les 26 février et 14 mars 2018, M. Roberto Arsenio López Ramos, président du Collège de pédagogues indépendants de Cuba (CPIC), a été convoqué par la police et, à ces deux reprises, il a été interrogé sur la coopération existante entre l’ASIC et l’organisation qu’il représente.
- l) Le 15 mars 2019, M. Charles Enchris Rodríguez Ledzema, vice-président du CPIC, a été convoqué au siège du DSE dans la municipalité de Güines et il lui a été proposé de devenir un délateur.
- m) M. Eduardo Enrique Hernández Toledo, membre de l’ASIC et travailleur indépendant (chauffeur de taxi), a fait l’objet d’actes de harcèlement et de poursuites pénales: i) parce qu’il est membre de l’ASIC, il a été victime d’actes de harcèlement commis par des inspecteurs de l’Etat, et sa licence de taxi lui a été retirée; ii) le 27 septembre 2018, à l’instigation d’une procureure, un groupe d’habitants a commis des actes de provocation auxquels le syndicaliste aurait répondu par les mots «à bas Raúl»; iii) pour cette raison, il a été arrêté et condamné à un an de privation de liberté pour outrage à l’autorité publique; et iv) le membre syndical purgerait sa peine dans le camp de travail forcé de «Pianni».
- n) Le 3 octobre 2018, MM. Mateo Moreno Ramón et Leandro Vladimir Aguilera Peña, membres de l’Association cubaine des petits entrepreneurs (ACPE), organisation affiliée à l’ASIC, ont été arrêtés par des agents du DSE à Pinar del Río, où ils avaient prévu d’organiser une réunion avec des travailleurs indépendants dans le but de les informer de leurs droits, et ils ont été contraints de rentrer à La Havane.
- o) Mme Magela Garcés Ramírez, galeriste et critique d’art, employée du ministère de la Culture, a été écartée du poste de travail qu’elle occupait dans la galerie Servando Cabrera de La Havane après la publication dans la revue ART OnCuba d’un texte intitulé «Les 100 questions de l’art cubain». A titre de mesure disciplinaire, elle a été affectée à un emploi moins rémunéré impliquant des qualifications et des conditions de travail différentes. N’acceptant pas la mesure, elle a présenté sa démission.
- p) A son retour du Panama, où elle a participé à un atelier sur les affaires syndicales et les relations professionnelles organisé par l’UTAL en novembre 2018, le domicile de Mme Sara Cuba Delgado, membre de l’ASIC, a été placé sous la surveillance du DSE.
- q) MM. Carlos Gómez Guevara et Yolsdan Armenteros Vázquez, membres de l’ASIC, ont déclaré avoir été suivis de près par trois agents du DSE à la suite d’une visite au domicile du secrétaire général de l’ASIC.
- r) Omara Ruiz Urquiola, professeure d’université, qui travaillait à l’Instituto Superior de Diseño de La Havane et qui avait publiquement exprimé son opposition au régime et son soutien au mouvement syndical indépendant, a été démise de ses fonctions le 29 juillet 2019.
- s) Le 5 août 2019, les forces de sécurité de l’Etat ont perquisitionné le domicile de M. Daniel Perea García, secrétaire provincial de l’ASIC à Santiago de Cuba, qui a été transféré et placé en détention à l’unité de police de Palma Soriana, puis libéré sans inculpation. Depuis 2018, le syndicaliste est victime de harcèlement continu, de détentions arbitraires et de menaces; en particulier les 6 février, 24 avril et 26 juin 2019, il a fait l’objet de menaces de la part d’un agent de la DSE dénommé «Adolfo», pour des déclarations faites sur les réseaux sociaux concernant les violations commises contre les professionnels de la médecine du programme «Masi Médicos» du Brésil. Le syndicaliste a porté plainte auprès du bureau du procureur général pour menaces mais n’a reçu aucune réponse de la part des autorités.
- t) Le 7 août 2019, M. Emilio Alberto Gottardi Gottardi, secrétaire provincial de l’ASIC à La Havane, a été arrêté devant son domicile par des unités combinées de la police nationale et de la sécurité de l’Etat, interrogé sur ses activités syndicales, notamment sur la dernière réunion tenue par le syndicat et menacé de poursuites judiciaires.
- u) Le 8 août 2019, à la suite d’une réunion au domicile du secrétaire général de l’ASIC dans la province de Matanzas, les syndicalistes Dannery Gómez Galeto, Willian Esmérido Cruz, Roque Iván Martínez Beldarrain et Yuvisley Roque Rajadel ont été arrêtés, interrogés et menacés; leurs biens ont été confisqués (y compris des documents de l’ASIC et une lettre adressée par le secrétariat du BIT à l’organisation syndicale) et leur argent leur a été retiré. Plus tard, aux premières heures du 24 août, les syndicalistes susmentionnés ainsi que le syndicaliste Yakdislania Hurtado Bicet ont été arbitrairement placés en détention pendant neuf heures, puis libérés après l’établissement d’un acte dans lequel ils se sont engagés à ne pas rencontrer de personnes «socialement dangereuses». De plus, Roque Rajadel et Martínez Beldarrain se sont vu proposer de travailler pour la sécurité de l’Etat.
- 199. L’organisation plaignante indique que, à la suite de la crise en République bolivarienne du Venezuela et de la menace de rupture de l’alliance entre les régimes des deux pays, les autorités publiques ont multiplié les actes de répression contre les syndicalistes indépendants ainsi que les détentions arbitraires, et le nombre de militants victimes d’actes de persécution et de harcèlement a augmenté. Elle allègue ainsi que: i) les coupures de services téléphoniques et les interceptions d’appels des membres de l’ASIC se sont considérablement accrues, ainsi que les coupures d’accès aux réseaux sociaux utilisés par ces syndicalistes; ii) la nouvelle méthode des forces de police consisterait à exercer un chantage sur les détenus dans le but de faire d’eux des informateurs; iii) à ce jour, environ une vingtaine de syndicalistes ont été interrogés et menacés; et iv) les actions du gouvernement auraient pour objectif de renvoyer le secrétaire général de l’ASIC en prison au motif qu’il n’aurait pas respecté les conditions de sa mise en liberté provisoire; on a en effet indiqué aux personnes interrogées que le secrétaire général recevait de l’argent de l’Agence centrale du renseignement (CIA) et que, si cette allégation était prouvée, il retournerait en prison; jusqu’à présent, la remise en prison a été évitée grâce aux pressions nationales et internationales.
- 200. Dans ses allégations supplémentaires, l’organisation plaignante se dit préoccupée par l’ingérence des autorités publiques dans le mouvement syndical indépendant. Elle réitère que ses membres continuent de subir de fortes pressions de la part des agents du DSE au cours des détentions arbitraires imposées par le régime dans le but de faire d’eux des informateurs, en leur promettant en contrepartie une prétendue amnistie et la fin du harcèlement.
- 201. Enfin, l’organisation plaignante dénonce la pratique – désormais courante – des autorités cubaines consistant à interdire aux dirigeants syndicaux indépendants de sortir du pays lorsqu’ils effectuent des déplacements dans le cadre de l’exercice de leurs fonctions syndicales, notamment pour participer à des conférences et à des cours de formation.
C. Réponse du gouvernement
C. Réponse du gouvernement- 202. Dans ses communications en date des 24 septembre et 26 novembre 2018, des 27 mars, 7 mai, 13 et 26 septembre 2019, le gouvernement fournit ses observations.
- 203. Le gouvernement déclare que, tout comme les allégations examinées lors de l’examen antérieur de ce cas, ces nouvelles allégations sont fausses et relèvent de campagnes de manipulation politique qui visent à discréditer le pays et sont organisées et financées depuis l’étranger en vue d’orchestrer un changement de régime qui permettrait à une puissance étrangère de contrôler le pays, ce qui est contraire aux principes de souveraineté, d’autodétermination et de non-ingérence dans les affaires internes. Le gouvernement indique que les recommandations formulées par le comité lors de son examen antérieur du cas montrent clairement la persistance de pratiques sélectives et de la manipulation politique exercées contre les pays en développement à travers les méthodes de travail et les organes de contrôle de l’OIT. Le gouvernement estime que ces pratiques vont à l’encontre de l’esprit de dialogue et de coopération nécessaire pour promouvoir effectivement les droits des travailleurs, qu’elles affaiblissent le tripartisme et ne contribuent pas à l’amélioration de la situation des travailleurs dans le monde. En outre, il considère que ces pratiques négatives ne correspondent pas aux principes d’objectivité, d’impartialité et de non-sélectivité qui doivent prévaloir dans le traitement des libertés syndicales, et le gouvernement espère donc que les éléments présentés dans ses observations permettront de rejeter toutes les allégations relatives au présent cas au motif qu’elles reposent sur de fausses bases.
Recommandation a)
- 204. En ce qui concerne la recommandation a), le gouvernement affirme une fois de plus que l’ASIC n’est pas une organisation syndicale compte tenu du fait que: i) l’ASIC n’a pas pour objectif de promouvoir ou de défendre les intérêts des travailleurs; ii) l’ASIC ne compte sur le soutien réel d’aucun collectif de travail et ne regroupe pas des travailleurs cubains; iii) les supposés dirigeants ou militants mentionnés dans la plainte ne représentent pas des collectifs de travail et ne sont pas eux-mêmes des travailleurs, étant donné qu’ils ne sont pas liés par une relation d’emploi à des entités ou des employeurs à Cuba, et ils ne sont donc ni concernés par les activités de l’OIT ni visés par le droit du travail; iv) le gouvernement des Etats-Unis, par l’intermédiaire du Groupe international pour la responsabilité sociale des entreprises de Cuba et de l’organisation américaine National Endowment for Democracy (Fondation nationale pour la démocratie), finance les dirigeants de l’ASIC lesquels, en échange d’une somme d’argent, ont pour mission de se faire passer pour des militants syndicaux indépendants, des dissidents ou des opposants au régime et de dénoncer des violations des droits des travailleurs imaginaires; v) le Code du travail de 2013 (loi no 116 de 2013) énonce, parmi ses principes fondamentaux, le droit des travailleurs à s’associer volontairement et à créer des organisations syndicales; vi) les organisations syndicales réunies dans la Centrale des travailleurs de Cuba (CTC) sont autonomes, leurs membres approuvent leurs propres statuts et règlements, discutent et parviennent démocratiquement à des accords et élisent ou révoquent leurs administrateurs; vii) les syndicats nationaux comptent 3 151 128 membres, et 95,1 pour cent des travailleurs cubains sont syndiqués; et viii) les travailleurs cubains bénéficient d’un dialogue social participatif et démocratique, à tous les niveaux de la prise de décisions.
Recommandation b)
- 205. En ce qui concerne la recommandation b), le gouvernement indique que les personnes mentionnées dans la plainte ont eu un comportement antisocial et délictueux. Il dément l’allégation selon laquelle des détentions ou des arrestations arbitraires ou temporaires seraient pratiquées dans le pays, étant donné que celles-ci ont lieu dans le cadre de la procédure pénale en vigueur et dans le strict respect des garanties d’une procédure régulière reconnues par l’ordre juridique interne. En outre, il indique que les institutions et forces de l’ordre exercent leurs activités dans le strict respect de la législation et n’ont pas pour pratique de réprimer, d’intimider, de harceler, de torturer ou de maltraiter la population. Il rappelle que le système interne prévoit des procédures et des recours permettant de sanctionner tout agent ou autorité qui abuserait de son pouvoir.
- 206. Pour ce qui est des cas individuels évoqués par l’organisation plaignante, le gouvernement fait valoir que:
- a) Il est faux d’affirmer que M. Iván Hernández Carrillo est un prisonnier politique: i) en 2003, la chambre chargée des crimes contre la sécurité de l’Etat du Tribunal provincial populaire de La Havane l’a déclaré coupable d’actes portant atteinte à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Etat, délit visé par la loi sur la protection de l’indépendance nationale et de l’économie de Cuba (loi no 88 de 1999), et il l’a condamné à vingt-cinq ans de privation de liberté; ii) le 23 mars 2011, M. Hernández Carrillo a bénéficié d’une permission extrapénale (sa sanction prendra fin au premier semestre de 2028); iii) en vertu de l’alinéa b) de l’article 25 de la loi sur les migrations (loi no 1312 de 1976 modifiée par le décret-loi no 302 de 2012), il lui est interdit de quitter le pays; et iv) en juillet 2016, septembre 2017 et mars 2018, trois plaintes ont été déposées à son encontre pour des délits de désobéissance, d’instigation à la délinquance et d’outrage prévus par le Code pénal (loi no 62 de 1987), et les autorités cubaines ont choisi de traiter ces délits comme des contraventions (imposition de mesures administratives, y compris d’amendes, et d’obligations spécifiques de faire ou de ne pas faire).
- b) M. Carlos Reyes Consuegras, qui n’est pas non plus engagé dans une relation d’emploi, a été jugé au pénal pour jeu non autorisé et il a, en outre, été condamné à payer une amende administrative pour location illégale d’un logement et une amende pour détention illégale de substances psychotropes. Par ailleurs, il a été poursuivi à deux reprises pour activité économique illicite. Pour ce qui est des agissements des autorités migratoires à son encontre, ils sont dus à son comportement antisocial et délictueux. Qui plus est, il n’a jamais été placé en détention mais simplement interrogé dans le respect des garanties prévues par la loi.
- c) M. Jorge Anglada Mayeta n’a pas été frappé par un agent de police alors qu’il tentait de défendre un travailleur indépendant. Il s’est jeté sur un policier en exercice sans raison valable et l’a agressé, ce qui est considéré comme un délit par toutes les législations pénales du monde. Le 16 février 2018, le Tribunal municipal populaire de la Vieille Havane, dans le respect des garanties d’une procédure régulière, l’a déclaré coupable d’outrage à agent et l’a condamné à une peine de deux ans de privation de liberté assortie d’une peine de limitation de liberté de même durée.
- d) MM. Víctor Manuel Domínguez García, Wilfredo Álvarez García, Bárbaro de la Nuez Ramírez, Alexis Gómez Rodríguez, Roberto Arsenio López Ramos et Charles Enchris Rodríguez Ledezma ont été poursuivis sur la base de plaintes portant sur des infractions qualifiées de délits par la législation cubaine (activités économiques illicites, jeux non autorisés, détention de substances psychotropes, spéculation et accaparement, détention, fabrication et vente d’instruments servant à commettre des délits, usurpation de fonctions publiques, recel, outrage, blessures graves, dommages, falsification de documents et troubles à l’ordre public). Compte tenu du fait que la législation nationale permet de traiter comme des contraventions les infractions peu dangereuses pour la société, les autorités cubaines ont appliqué des sanctions administratives.
- e) La procédure pénale à l’encontre de M. Eduardo Enrique Hernández Toledo n’a pas été engagée au motif que celui-ci aurait exercé ses droits syndicaux, et les autorités n’ont pas commis d’actes de persécution ou de harcèlement. Cette personne n’est pas un dirigeant syndical et n’a jamais fait l’objet de harcèlement ou de pressions de la part des autorités. M. Hernández Toledo a été jugé au pénal par le Tribunal municipal populaire de Trinidad pour délit d’outrage et condamné à un an de privation de liberté assorti d’une peine de travail correctionnel avec internement et, actuellement, il devrait bénéficier de la liberté conditionnelle.
- f) M. Yoanny Limonta García, qui n’est pas non plus dirigeant syndical et n’est pas engagé dans une relation d’emploi, a fait l’objet d’un contrôle de police en raison de récidive s’agissant de faits considérés comme des délits et d’autres comportements antisociaux (spéculation en 2011, détention, fabrication et vente d’instruments servant à commettre des délits en 2013 et usurpation de fonctions publiques en 2016).
- g) MM. Mateo Moreno Ramón et Leandro Vladimir Aguilera Peña n’ont pas été arrêtés, ils ont simplement reçu, en toute conformité avec la législation, des avertissements de la part des autorités compétentes qui visaient à les empêcher de commettre les faits délictueux qu’ils projetaient.
- h) Les restrictions au droit de libre circulation de MM. Osvaldo Rodríguez Díaz et Alejandro Sánchez Zaldívar ont été appliquées conformément à la loi sur les migrations en vigueur. M. Sánchez Zaldívar n’est pas engagé dans une relation d’emploi depuis 2013 et il a un long passé de violations des normes, réglementations et lois en vigueur; il a notamment été poursuivi pour activités économiques illégales et désobéissance. En outre, les allégations d’actes de menace et de harcèlement qui auraient été commis sur lui et son épouse sont totalement fausses. M. Sánchez Zaldívar a participé à plusieurs manifestations et ateliers syndicaux à l’étranger financés par une puissance étrangère. En 2018, dans le cadre de ses activités contre Cuba, il s’est rendu à Genève pour la 107e session de la Conférence internationale du Travail. Cette année, sa liberté de voyager n’a pas été arbitrairement restreinte; les autorités n’ont agi que dans le respect des dispositions de la législation sur les migrations.
- i) Mme Magela Garcés Ramírez a écrit et publié un article dans lequel elle formulait des accusations graves et infondées à l’encontre de nombreux artistes et institutions artistiques et, devant la gravité de ces allégations, son employeur a estimé qu’elle devrait travailler pour une autre collection, raison pour laquelle elle a elle-même renoncé à ses fonctions.
- j) Mme Sara Cuba Delgado n’a pas été surveillée ni harcelée par des agents de l’Etat.
- 207. En ce qui concerne les restrictions imposées aux membres et dirigeants syndicaux de l’ASIC qui les empêcheraient de voyager et de participer à des événements internationaux, le gouvernement fait savoir que c’est la législation sur les migrations en vigueur qui établit les motifs pour lesquels les autorités peuvent décider de limiter le droit d’un citoyen de quitter le pays et que ce pouvoir est exercé par les autorités compétentes de manière non arbitraire et dans le respect des garanties prévues par la loi. Il nie en outre avoir empêché certaines personnes de sortir de chez elles au cours des célébrations du 1er mai et avoir procédé à des assignations à résidence.
Recommandation c)
- 208. En ce qui concerne la recommandation c) relative à l’exercice, dans la pratique, du droit de grève, le gouvernement indique que la législation en vigueur n’interdit nullement ce droit et que la législation pénale ne prévoit aucune sanction relative à son exercice. Le fait que les travailleurs n’aient pas recours à ce mécanisme n’est pas dû à une interdiction législative mais au fait qu’ils puissent recourir à d’autres moyens plus efficaces, par exemple la participation effective – sous de multiples modalités – et l’exercice d’un pouvoir réel dans la prise de décisions sur des sujets qui les concernent. De plus, la protection des dirigeants syndicaux contre de possibles actes de discrimination antisyndicale, y compris en ce qui concerne l’exercice du droit de grève, est régie par l’article 16 du Code du travail de 2013, qui établit que les dirigeants des organisations syndicales disposent de toutes les garanties nécessaires à l’exercice de leurs fonctions et garantit leur protection contre les mutations, les mesures disciplinaires, les licenciements antisyndicaux ou toute autre mesure qui porte atteinte à leurs conditions de travail et qui leur est imposée en raison de leurs activités syndicales.
- 209. Le gouvernement espère que, sur la base de toutes les informations fournies, les allégations qui ont donné lieu à l’ouverture du présent cas seront rejetées en raison du fait qu’elles sont fallacieuses et ont été inventées pour des motifs tout autres que la protection des travailleurs.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 210. Le comité rappelle que la présente plainte porte sur de nombreuses allégations d’attaques, de harcèlement et de persécution de dirigeants et de membres de l’ASIC et de ses organisations affiliées, se traduisant par des détentions et des agressions, des restrictions au droit de libre circulation des dirigeants et membres syndicaux dans l’exercice de leurs fonctions, entre autres actes de discrimination et d’ingérence commis par les autorités publiques. En outre, l’organisation plaignante dénonce la reconnaissance d’une centrale syndicale unique contrôlée par l’Etat et l’absence de reconnaissance du droit de grève.
- 211. Le comité prend note des objections du gouvernement en ce qui concerne l’examen qu’il a effectué du présent cas. Il note en particulier que, de l’avis du gouvernement, les allégations présentées par l’organisation plaignante relèveraient de campagnes de manipulation politique financées depuis l’étranger et visant à discréditer Cuba, en violation des principes de souveraineté, d’autodétermination et de non-ingérence dans les affaires internes, et que les conclusions formulées par le comité lors de son examen antérieur du cas montrent clairement la persistance de pratiques sélectives et de la manipulation politique exercées contre les pays en développement à travers les méthodes de travail et les organes de contrôle de l’OIT. A cet égard, le comité souhaite rappeler que, dans le cadre de son mandat, il lui appartient d’examiner dans quelle mesure l’exercice des droits syndicaux peut être affecté dans des cas d’allégations d’atteintes aux libertés civiles. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 22.] Le comité rappelle en outre qu’il n’est pas compétent pour traiter les allégations de nature purement politique, mais il lui appartient d’examiner les dispositions de nature politique prises par un gouvernement dans la mesure où elles peuvent avoir des répercussions sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 24.]
Recommandation a)
- 212. En ce qui concerne la reconnaissance de l’ASIC ainsi que son libre fonctionnement et l’exercice de ses activités syndicales, le comité note que le gouvernement réitère que: i) l’ASIC n’est pas une organisation syndicale; ii) l’ASIC ne compte sur le soutien d’aucun collectif de travail; iii) les supposés dirigeants syndicaux de cette organisation ne sont pas liés par une relation d’emploi à des entités ou des employeurs à Cuba et ils n’ont, en outre, pas été élus par les travailleurs pour les représenter; iv) le droit de s’associer et de constituer librement des organisations syndicales est consacré par le Code du travail de 2013; et v) certains membres et dirigeants syndicaux de l’ASIC ne sont pas engagés dans une relation d’emploi. Tout en prenant bonne note de la réponse du gouvernement, le comité fait observer, en premier lieu, qu’il y a plusieurs décennies qu’il examine des allégations relatives à la non reconnaissance d’organisations syndicales non affiliées à la CTC et à l’ingérence du gouvernement dans le droit au libre fonctionnement de ces dernières. [Voir cas nos 1198, 1628, 1805, 1961, 2258 du Comité de la liberté syndicale.] Le comité rappelle que le droit à une reconnaissance par un enregistrement officiel est un aspect essentiel du droit syndical en ce sens que c’est la première mesure que les organisations de travailleurs ou d’employeurs doivent prendre pour pouvoir fonctionner efficacement et représenter leurs membres convenablement. En outre, il rappelle que la liberté syndicale implique le droit pour les travailleurs et les employeurs d’élire librement leurs représentants ainsi que d’organiser leur gestion et leur activité sans aucune intervention des autorités publiques. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 449 et 666.] Considérant que, selon les informations qu’il a reçues de l’organisation plaignante, certains membres et dirigeants syndicaux mentionnés dans la plainte sont des travailleurs indépendants et que certains d’entre eux ont été licenciés pour des motifs antisyndicaux, le comité rappelle, en second lieu, que le critère à retenir pour définir les personnes couvertes par le droit syndical n’est pas la relation d’emploi avec un employeur. Les travailleurs qui ne sont pas liés par un contrat de travail doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, constituer les organisations de leur choix. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 330.] Au vu de ce qui précède, le comité renvoie à ses conclusions précédentes et prie instamment le gouvernement de garantir la reconnaissance de l’ASIC, ainsi que son libre fonctionnement et l’exercice de ses activités syndicales.
Recommandation b)
Libertés publiques
- 213. En ce qui concerne les restrictions présumées des libertés publiques, le comité rappelle que, lors de son examen antérieur du cas, l’organisation plaignante avait allégué, dans sa plainte, des actes de discrimination antisyndicale, y compris des détentions arbitraires, des actes de harcèlement, des violations de domicile, des poursuites judiciaires, entre autres [voir 386e rapport, paragr. 220], et il rappelle en outre qu’il avait demandé au gouvernement de mener une enquête sur toutes ces allégations. Le comité prend note des nombreuses allégations supplémentaires de l’organisation plaignante relatives à la perpétration de nouveaux actes de discrimination antisyndicale, notamment de détentions arbitraires, d’actes de harcèlement, de poursuites pénales et d’ingérence de la part des autorités publiques, ainsi que de restrictions au droit de libre circulation des dirigeants et membres de l’ASIC, et il prend également note de la réponse du gouvernement concernant 17 cas spécifiques sur les 40 mentionnés dans les allégations.
- 214. Par ailleurs, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles MM. Iván Hernández Carrillo, Carlos Reyes Consuegras, Jorge Anglada Mayeta, Víctor Manuel Domínguez García, Alejandro Sánchez Zaldívar, Wilfredo Álvarez García, Bárbaro de la Nuez Ramírez, Alexis Gómez Rodríguez, Roberto Arsenio López Ramos, Charles Enchris Rodríguez Ledezma, Eduardo Enrique Hernández Toledo et Yoanny Limonta García, victimes des détentions arbitraires alléguées, auraient été jugés et condamnés pour différentes activités considérées comme des délits par la législation cubaine, sans rapport aucun avec leur activité syndicale, et ont bénéficié de toutes les garanties d’une procédure régulière. En ce qui concerne la situation particulière de MM. Mateo Moreno Ramón et Leandro Vladimir Aguilera Peña, le gouvernement indique que les autorités ont agi conformément à la législation afin d’empêcher les syndicalistes de commettre les faits délictueux qu’ils projetaient et il nie le fait que Mme Sara Cuba Delgado ait été surveillée et harcelée par des agents de l’Etat.
- 215. Le comité fait observer dans le même temps que: i) le gouvernement ne lui a pas donné copie des jugements concernant les cas des personnes susmentionnées; ii) si le gouvernement énumère les délits ou les antécédents judiciaires de chacun (activités économiques illicites, jeux non autorisés, détention de substances psychotropes, spéculation et accaparement, détention, fabrication et vente d’instruments servant à commettre des délits, usurpation de fonctions publiques, recel, outrage, dommages, falsification de documents, troubles à l’ordre public, désobéissance, comportements antisociaux en raison de détention, fabrication et vente d’instruments servant à commettre des délits), il ne donne aucun élément relatif à la perpétration de ces délits; iii) les délits dont les membres de l’ASIC et les organisations syndicales affiliées sont accusés, par leur nature même, sont très similaires à ceux que le comité a examinés dans le cadre du cas no 2258, à la suite d’une plainte déposée en 2003 par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL); iv) la situation de M. Iván Hernández Carrillo, secrétaire général de l’ASIC, et de M. Víctor Manuel Domínguez García, directeur du CNCS, a déjà été examinée par le comité dans le cadre du cas no 2258; et v) dans le cadre du cas précité, le gouvernement n’a pas fourni copie de la décision de condamnation prononcée contre M. Iván Hernández Carrillo et a nié l’existence d’une action en justice ou d’une quelconque autre nature contre M. Víctor Manuel Domínguez García.
- 216. Le comité rappelle que, dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicalistes avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d’activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s’est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l’examen des allégations. Il rappelle également que, dans de nombreux cas, le comité a demandé aux gouvernements intéressés de communiquer le texte des jugements prononcés avec leurs attendus. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 178 et 179.] Tenant compte des différents cas antérieurs présentés au comité, ayant trait à des mesures de harcèlement et de détention de syndicalistes d’organisations syndicales indépendantes de la CTC, le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer, sans plus tarder, une copie des jugements de condamnation prononcés à l’encontre de MM. Iván Hernández Carrillo, Carlos Reyes Consuegras, Jorge Anglada Mayeta, Víctor Manuel Domínguez García, Alejandro Sánchez Zaldívar, Wilfredo Álvarez García, Bárbaro de la Nuez Ramírez, Alexis Gómez Rodríguez, Roberto Arsenio López Ramos, Charles Enchris Rodríguez Ledezma, Eduardo Enrique Hernández Toledo et Yoanny Limonta García, et il le prie en outre de le tenir informé des résultats des procédures administratives et judiciaires en cours d’instruction.
- 217. Par ailleurs, le comité note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni d’informations spécifiques en lien avec MM. Osvaldo Arcis Hernández (détention arbitraire), Bárbaro Tejeda Sánchez (violation de domicile et saisie de ses affaires personnelles), Pavel Herrera Hernández (détention arbitraire et licenciement antisyndical), Emilio Gottardi Gottardi (restriction de déplacement et menaces), Raúl Zerguera Borrell (restriction de déplacement), Aimée de las Mercedes Cabrera Álvarez (restriction de déplacement), Reinaldo Cosano Alén (restriction de déplacement), Felipe Carrera Hernández (détention arbitraire), Pedro Scull (menaces), Lázaro Ricardo Pérez (restriction de déplacement), Hiosvani Pupo (restriction de déplacement), Daniel Perea García (menaces et effraction), Dannery Gómez Galeto (détention arbitraire), Willian Esmérido Cruz (détention arbitraire), Roque Iván Martínez Beldarrain (détention arbitraire), Yuvisley Roque Rajadel (détention arbitraire), Yakdislania Hurtado Bicet (détention arbitraire) et Mmes Ariadna Mena Rubio (détention arbitraire) et Hilda Aylin López Salazar (détention arbitraire). Le comité rappelle que, si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, les activités syndicales ne devraient pas en elles-mêmes servir de prétexte aux pouvoirs publics pour arrêter ou détenir arbitrairement des syndicalistes. Les interpellations et les interrogatoires systématiques ou arbitraires par la police des dirigeants et des militants syndicaux contiennent un risque d’abus et peuvent constituer une sérieuse entrave à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 132 et 128.] Le comité prie instamment le gouvernement, à la lumière des décisions mentionnées dans ses conclusions, de veiller à ce qu’une enquête soit menée sur toutes les allégations relatives à des attaques et à des restrictions aux libertés publiques concernant les personnes susmentionnées, et il le prie également de lui transmettre des informations détaillées au sujet de chacune d’entre elles et du résultat (avec copie des décisions ou jugements rendus) de toute procédure administrative ou judiciaire ayant trait aux allégations susmentionnées.
- 218. En ce qui concerne les restrictions présumées au droit de libre circulation, le comité note que, d’après l’organisation plaignante, il est devenu courant que les autorités cubaines interdisent aux dirigeants et membres de l’ASIC de sortir du pays lorsqu’ils effectuent des déplacements pour participer à des événements internationaux en lien avec leurs activités syndicales, y compris pendant la Conférence internationale du Travail. Il ressort également des allégations communiquées par l’organisation plaignante que les autorités publiques auraient imposé des restrictions au droit de libre circulation des membres de l’ASIC et d’organisations affiliées en vue de les empêcher de prendre part à des réunions syndicales ou à des manifestations publiques organisées sur le territoire national.
- 219. En ce qui concerne les restrictions présumées qui empêcheraient certains membres de l’ASIC de voyager à l’étranger en vue de participer à des activités en lien avec leurs fonctions syndicales, y compris les réunions et les invitations de l’OIT, le comité note que, selon le gouvernement: i) c’est la législation sur les migrations en vigueur qui établit les motifs pour lesquels les autorités peuvent décider de limiter le droit d’un citoyen de quitter le pays, et ce pouvoir est exercé de manière non arbitraire; ii) en vertu de cette même législation, MM. Osvaldo Rodríguez Díaz et Alejandro Sánchez Zaldívar n’ont pas le droit de quitter le pays; iii) M. Iván Hernández Carrillo, secrétaire général de l’ASIC, purge actuellement une sanction pénale; et iv) M. Carlos Reyes Consuegras a eu par le passé un comportement antisocial et délictueux pour lequel il lui est interdit de sortir du territoire. Le comité fait observer que, en vertu des alinéas d), e), f) et h) de l’article 25 de la loi sur les migrations (loi no 1312 de 1976 modifiée par le décret-loi no 302 de 2012), qui interdisent à toute personne la sortie du territoire: «d) lorsque la défense ou la sécurité nationales l’exigent; e) lorsqu’elle a contracté des obligations vis-à-vis de l’Etat cubain ou en matière de responsabilité civile, si celles-ci ont été expressément établies par les autorités compétentes; f) si elle ne dispose pas de l’autorisation requise, en vertu des lois visant à préserver la main d’œuvre qualifiée nécessaire au développement économique, social, scientifique et technique du pays, ainsi qu’à la sécurité et à la protection des informations officielles. […]; h) lorsque, pour d’autres raisons d’intérêt public, les autorités compétentes en décident ainsi», les autorités publiques jouissent d’un important pouvoir discrétionnaire pour déterminer si une personne a le droit de voyager à l’étranger, ce qui pourrait avoir une incidence sur le droit des dirigeants de l’ASIC et d’autres organisations syndicales non affiliées à la CTC de constituer des organisations et d’exercer leurs activités syndicales librement. Le comité a fait valoir que les syndicalistes, comme toute autre personne, devraient jouir de la liberté de mouvement. Ils devraient en particulier avoir le droit, dans le respect de la législation nationale, qui ne doit pas être contraire aux principes de la liberté syndicale, de participer à des activités syndicales organisées à l’étranger. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 190.] Le comité rappelle l’importance particulière qu’il attache au droit des représentants des organisations de travailleurs et d’employeurs d’être présents et de participer à des réunions des organisations internationales de travailleurs et d’employeurs ainsi que de l’OIT. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1069.] Regrettant l’indication du gouvernement selon laquelle la présence d’un dirigeant syndical à la Conférence internationale du Travail en 2018 constitue un acte de ce dirigeant contre le gouvernement cubain, le comité s’attend à ce que le gouvernement s’abstienne de restreindre indûment le droit des dirigeants et membres de l’ASIC d’organiser et d’exercer librement leurs activités syndicales, y compris lorsque celles-ci ont lieu en dehors du territoire national.
- 220. En ce qui concerne les restrictions présumées au droit de libre circulation des dirigeants et membres syndicaux de l’ASIC sur le territoire national, le comité note que le gouvernement nie avoir procédé à des assignations à résidence et avoir empêché des membres de l’ASIC de sortir de chez eux durant les célébrations du 1er mai, et il nie également les accusations de l’organisation plaignante selon lesquelles plusieurs de ces restrictions auraient eu pour objectif d’empêcher les membres du syndicat de participer à des réunions syndicales et auraient entravé leur liberté d’expression. Tout en prenant note du caractère contradictoire des versions présentées par le gouvernement et l’organisation plaignante, le comité se doit de rappeler que le fait de restreindre à une région limitée la liberté de mouvement d’une personne et de lui interdire l’accès de la région où le syndicat auquel elle appartient exerce son activité, et où elle remplit normalement ses fonctions syndicales, est incompatible avec la jouissance normale du droit d’association et avec l’exercice du droit de poursuivre une activité syndicale et de remplir des fonctions syndicales. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 200.] Ainsi, le comité espère fermement que le gouvernement garantira pleinement aux dirigeants de l’ASIC la liberté de mouvement nécessaire à l’exercice de leurs activités syndicales sur le territoire national sans ingérence du gouvernement.
Mutations et licenciements antisyndicaux
- 221. En ce qui concerne les licenciements antisyndicaux présumés de MM. Kelvin Vega Rizo et Pavel Herrera Hernández, le comité prie à nouveau le gouvernement de lui communiquer dans les plus brefs délais ses observations à cet égard. Pour ce qui est de la mutation de Mme Magela Garcés Ramírez, en l’absence d’éléments permettant de prouver son appartenance à une quelconque organisation syndicale ou d’attester que sa mutation ait eu lieu pour des motifs antisyndicaux, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation. En ce qui concerne le licenciement de Mme Omara Ruíz Urquiola, le comité prie l’organisation plaignante de fournir de plus amples informations concernant son caractère antisyndical allégué.
Actes d’ingérence
- 222. Enfin, s’agissant de l’infiltration présumée du gouvernement dans le mouvement syndical ainsi que des actes d’ingérence, le comité note que l’organisation plaignante allègue que le gouvernement continue à s’ingérer dans le mouvement syndical indépendant et que les membres du syndicat subissent toujours de fortes pressions de la part des agents du DSE au cours des détentions arbitraires, le but étant de faire d’eux des informateurs. Constatant l’absence de réponse du gouvernement, le comité prie ce dernier de lui fournir sans délai ses observations à cet égard.
Recommandation c)
- 223. En ce qui concerne la recommandation c) du comité relative à l’exercice du droit de grève dans la pratique, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) la législation en vigueur ne proscrit pas le droit de grève et la législation pénale ne prévoit pas de peines sanctionnant l’exercice de ce droit; ii) dans la pratique, les travailleurs n’ont pas recours à ce mécanisme, compte tenu du fait qu’il existe des mécanismes de règlement des différends plus efficaces; et iii) l’article 16 du Code du travail de 2013 offre aux dirigeants syndicaux une protection contre les mutations, l’imposition de mesures disciplinaires ou les licenciements antisyndicaux. Rappelant que l’exercice du droit de grève est, pour les travailleurs et leurs organisations, un moyen légitime de défense de leurs intérêts économiques et sociaux [voir Compilation, op. cit., paragr. 752], le comité veut croire que le gouvernement veillera au respect de ce droit dans la pratique.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 224. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Renvoyant à ses conclusions précédentes, le comité prie instamment le gouvernement de garantir la reconnaissance de l’Association syndicale indépendante de Cuba (ASIC), ainsi que son libre fonctionnement et l’exercice de ses activités syndicales.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de lui communiquer, sans plus tarder, une copie des jugements de condamnation prononcés à l’encontre de MM. Iván Hernández Carrillo, Carlos Reyes Consuegras, Jorge Anglada Mayeta, Víctor Manuel Domínguez García, Alejandro Sánchez Zaldívar, Wilfredo Álvarez García, Bárbaro de la Nuez Ramírez, Alexis Gómez Rodríguez, Roberto Arsenio López Ramos, Charles Enchris Rodríguez Ledezma, Eduardo Enrique Hernández Toledo et Yoanny Limonta García, et il le prie en outre de le tenir informé des résultats des procédures administratives et judiciaires en cours d’instruction.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement, à la lumière des décisions mentionnées dans ses conclusions, de veiller à ce qu’une enquête soit menée sur toutes les allégations relatives à des attaques et à des restrictions aux libertés publiques concernant MM. Osvaldo Arcis Hernández, Bárbaro Tejeda Sánchez, Pavel Herrera Hernández, Emilio Gottardi Gottardi, Raúl Zerguera Borrell, Aimée de las Mercedes Cabrera Álvarez, Reinaldo Cosano Alén, Felipe Carrera Hernández, Pedro Scull, Lázaro Ricardo Pérez, Hiosvani Pupo, Daniel Perea García, Dannery Gómez Galeto, Willian Esmérido Cruz, Roque Iván Martínez Beldarrain, Yuvisley Roque Rajadel, Yakdislania Hurtado Bicet, ainsi que Mmes Ariadna Mena Rubio et Hilda Aylin López Salazar, et il le prie également de lui transmettre des informations détaillées au sujet de chacune des personnes précitées et du résultat (avec copie des décisions ou jugements rendus) de toute procédure administrative ou judiciaire ayant trait aux allégations susmentionnées.
- d) En ce qui concerne les restrictions présumées qui empêcheraient certains membres de l’ASIC de voyager à l’étranger en vue de participer à des activités internationales en lien avec leurs fonctions syndicales, y compris les réunions et invitations de l’OIT, le comité s’attend à ce que le gouvernement s’abstienne de restreindre indûment le droit des dirigeants et membres de l’ASIC d’organiser et d’exercer librement leurs activités syndicales, y compris lorsque celles-ci ont lieu en dehors du territoire national.
- e) S’agissant des restrictions présumées au droit de libre circulation des dirigeants et membres syndicaux de l’ASIC sur le territoire national, le comité espère fermement que le gouvernement garantira pleinement aux dirigeants syndicaux la liberté de mouvement nécessaire à l’exercice de leurs activités syndicales sur le territoire national.
- f) Pour ce qui est des licenciements antisyndicaux présumés de MM. Kelvin Vega Rizo et Pavel Herrera Hernández, le comité prie à nouveau le gouvernement de lui communiquer dans les plus brefs délais ses observations à cet égard.
- g) En ce qui concerne le licenciement de Mme Omara Ruíz Urquiola, le comité prie l’organisation plaignante de fournir de plus amples informations concernant son caractère antisyndical allégué.
- h) S’agissant de l’infiltration présumée du gouvernement dans le mouvement syndical ainsi que des actes d’ingérence, le comité prie instamment le gouvernement de lui transmettre sans plus tarder ses observations à cet égard.
- i) En ce qui concerne l’exercice du droit de grève dans la pratique, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce qu’il soit respecté.