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Definitive Report - Report No 391, October 2019

Case No 3328 (Panama) - Complaint date: 08-JUN-18 - Closed

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Allégations: Le cas no 3328 concerne des allégations selon lesquelles: i) le ministère du Travail favorise le syndicat des travailleurs de l’entreprise au détriment du SUNTRACS; ii) l’entreprise a violé des accords conclus avec le SUNTRACS; et iii) des travailleurs qui demandaient leur réintégration ont été brutalisés par la police et placés en détention. Le cas no 3340 concerne des allégations selon lesquelles le ministère du Travail favorise le SUNTRACS au détriment du syndicat des travailleurs de l’entreprise et le gouvernement tolère que ce syndicat tente d’imposer une convention collective qu’il a conclue avec la Chambre panaméenne de la construction à des travailleurs non membres du SUNTRACS

  1. 413. Les plaintes figurent dans une communication du Syndicat unique des travailleurs de l’industrie de la construction et des secteurs apparentés (SUNTRACS), de la Confédération nationale de l’unité syndicale indépendante (CONUSI) et de l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois (ICM) datée du 8 juin 2018 (cas no 3328) et dans des communications de la Confédération Union générale des travailleurs du Panama (UGT) datées du 29 novembre 2018 et du 19 juin 2019 (cas no 3340).
  2. 414. Le gouvernement a transmis ses observations dans des communications datées des 7 et 13 février et du 26 juin et 17 septembre 2019.
  3. 415. Le Panama a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
  4. 416. Le comité a décidé d’examiner ces deux cas conjointement étant donné qu’ils concernent une problématique similaire, bien qu’elle soit abordée depuis des perspectives syndicales différentes, et en tenant compte du fait que, dans ses réponses, le gouvernement a souligné que les cas étaient liés.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes

    Cas no 3328

  1. 417. Dans leur communication datée du 8 juin 2018, les organisations plaignantes (le SUNTRACS, la CONUSI et l’ICM) indiquent que, en 1997, l’entreprise Minera Panamá S.A. (filiale de la société minière canadienne First Quantum Minerals) (ci-après l’«entreprise») a obtenu une concession de plus de trente ans dans le cadre d’un projet d’exploitation de cuivre, dont la construction a débuté en décembre 2011 (ci-après le « projet d’exploitation minière»). Les organisations plaignantes allèguent que, au moment de la signature du contrat de travail, l’entreprise oblige les travailleurs à s’affilier à un syndicat qu’elle contrôle, à savoir le Syndicat des travailleurs de l’entreprise FQM construction et développement (ci-après le «syndicat des travailleurs de l’entreprise»), et que, s’ils n’adhèrent pas à ce syndicat, l’entreprise ne leur offre pas de contrat.
  2. 418. Les organisations plaignantes indiquent que, en raison de l’exploitation subie par les travailleurs du projet d’exploitation minière (journées de travail de plus de douze heures, absence de mesures relatives à la santé et à la sécurité au travail), une grève a été organisée le 13 mars 2015 qui a pris fin six jours plus tard avec la médiation du ministère du Travail et de la Formation professionnelle (MITRADEL) et la conclusion d’un accord dans lequel l’entreprise s’engageait à donner suite aux revendications relatives à la sécurité au travail, à la distribution de denrées alimentaires et au transport. Les organisations plaignantes allèguent que, dès le départ, l’entreprise a violé cet accord. Elles indiquent en outre que l’absence de mesures relatives à la santé et à la sécurité a causé le décès, le 23 décembre 2015, de Faustino Díaz, un travailleur âgé de 29 ans.
  3. 419. Les organisations plaignantes déclarent que, bien que le SUNTRACS soit le syndicat le plus représentatif du secteur du bâtiment, le MITRADEL a favorisé l’entreprise et le syndicat des travailleurs de l’entreprise dans les décisions qu’il a rendues en reconnaissant ce dernier comme le représentant présumé des travailleurs et en refusant au SUNTRACS le droit de négocier avec l’entreprise au nom de ses membres. Les organisations plaignantes étayent leur allégation par les décisions du MITRADEL datées du 30 novembre 2016 et du 5 avril 2017. Elles ont joint en annexe une copie de cette dernière décision, dont il ressort ce qui suit: i) le SUNTRACS et le syndicat des travailleurs de l’entreprise ont présenté concomitamment des cahiers de revendications, à la suite de quoi le MITRADEL a rendu une décision dans laquelle il enjoignait aux deux organisations de trouver un accord afin de nommer une représentation conjointe qui serait chargée de négocier les deux cahiers de revendications avec l’entreprise et les avertissait que, dans le cas contraire, il appartiendrait au syndicat majoritaire de négocier les cahiers de revendications; ii) le SUNTRACS a présenté un recours en amparo qui a été jugé recevable, ayant été admis que la décision enjoignant aux syndicats de trouver un accord n’était pas dûment motivée et que la procédure judiciaire régulière n’avait pas été respectée; iii) le MITRADEL a rendu une nouvelle décision dans laquelle il enjoignait aux syndicats de trouver un accord dans un délai de deux jours ouvrables afin de nommer une représentation conjointe qui serait chargée de négocier les deux cahiers de revendications et les avertissait que, dans le cas contraire, il appartiendrait au syndicat majoritaire de négocier les cahiers de revendications; iv) le SUNTRACS a formé un recours administratif contre cette décision, qui a été rejeté, et la décision visée a été confirmée; v) les parties n’étant pas parvenues à un accord, conformément à l’article 431 du Code du travail, le MITRADEL a procédé à un recensement des membres de chaque syndicat dont il est ressorti que le SUNTRACS comptait 167 membres contre 361 pour le syndicat des travailleurs de l’entreprise et a établi qu’il appartenait donc à ce dernier de négocier les cahiers de revendications des deux syndicats; et vi) des recours en appel et en révision pouvaient être présentés contre cette décision.
  4. 420. D’après les organisations plaignantes, le 13 février 2018, les travailleurs se sont mis en grève pour demander une augmentation de salaire, un traitement décent, des soins médicaux et la négociation d’une convention collective entre le SUNTRACS et l’entreprise. Elles indiquent que la grève s’est achevée le 18 février 2018 et que, deux jours plus tard, elles ont signé avec l’entreprise un accord qui avait mis fin au conflit et dans lequel cette dernière s’était engagée, entre autres: i) à réengager les travailleurs ayant participé à la grève et dont le contrat de durée déterminée avait pris fin entre le 1er et le 17 février 2018; ii) à engager un dialogue avec le SUNTRACS afin de donner suite à différentes revendications professionnelles, notamment la négociation d’une nouvelle convention collective entre les parties; et iii) à s’abstenir de toute mesure de représailles contre les travailleurs ayant participé à la grève. Les organisations plaignantes allèguent que, avec la complicité du MITRADEL, l’entreprise a violé chacun des points établis dans ledit accord. Les organisations plaignantes ont joint en annexe la copie d’un acte daté du 12 avril 2018 dans lequel le MITRADEL rend compte que l’entreprise a violé l’accord conclu le 20 mars 2018 concernant le réengagement des travailleurs licenciés pour avoir pris part à la grève du 1er au 17 février 2018. Dans ledit acte, le MITRADEL indiquait qu’il allait examiner les mesures juridiques nécessaires aux fins de l’application de l’accord.
  5. 421. Les organisations plaignantes indiquent en outre que l’entreprise a refusé d’appliquer les ordonnances de réintégration prononcées en faveur de plus de 30 travailleurs licenciés sans justification ni fondement juridique et que, pour protester contre le refus de l’entreprise de se conformer à ces ordonnances, le 4 juin 2018, les travailleurs avaient organisé une manifestation pacifique à l’entrée de l’entreprise qui avait fait l’objet d’une violente répression de la part de la police nationale de la province de Coclé et du service de sécurité privé de l’entreprise, lesquels avaient frappé et placé arbitrairement en détention les travailleurs licenciés, Adolfo Yerena, Carlos Gondola, Hector Ramos Joniel Hall, Erick Pérez, Luis Gaitan, Luis Martines, José Borbua, José Bonilla, Dagoberto Chang et Alejandro Valdés, ainsi que Francis Guerra, journaliste travaillant pour le média indépendant Frenadeso Noticias. Les organisations plaignantes indiquent que, au moment du dépôt de la plainte, ces travailleurs étaient maintenus en détention illégale par des membres de la police nationale.

    Cas no 3340

  1. 422. Dans ses communications du 27 septembre 2018 et du 19 juin 2019, l’UGT indique que le projet d’exploitation minière compte un syndicat des travailleurs de l’entreprise, dénommé à l’heure actuelle Syndicat de branche des travailleurs de la construction de mines et du développement des industries extractives et des industries apparentées (STM), qui est affilié à l’UGT et à Convergence syndicale. L’UGT indique que le SUNTRACS et la Chambre panaméenne de la construction (CAPAC) (organisation d’entreprises) négocient des conventions collectives depuis les années quatre-vingt-dix et allègue que le gouvernement a toléré que le SUNTRACS tente d’imposer la convention collective de travail conclue entre ces deux syndicats à des travailleurs d’entreprises non affiliées à la CAPAC qui n’étaient pas membres du SUNTRACS. L’UGT allègue en outre que, avec la complicité et la complaisance du gouvernement, le SUNTRACS oblige les travailleurs de la construction à verser des cotisations syndicales en sa faveur même s’ils ne sont pas membres du syndicat et même si les entreprises au sein desquelles ils travaillent ne sont pas membres de la CAPAC. D’après l’organisation plaignante, cette situation a semé le chaos et a donné lieu à des affrontements entre les travailleurs du projet d’exploitation minière. Elle allègue en outre que le SUNTRACS prétend avoir le monopole syndical dans le pays et que le gouvernement fait preuve de passivité à cet égard.
  2. 423. L’organisation plaignante a joint en annexe un document intitulé «Violence et chantage exercés par les principaux dirigeants du SUNTRACS», daté du 23 mars 2018, dont il ressort que la lutte politique menée par le SUNTRACS pour obtenir le monopole syndical dans le pays dure depuis plus de vingt ans et que la stratégie de l’organisation consiste principalement à discréditer les autres dirigeants syndicaux qui ne partagent pas ses intérêts, ainsi qu’à commettre des actes de violence contre les travailleurs et les employeurs et à terroriser ces derniers. Dans ce document, il est également indiqué que, le 16 janvier 2016, un groupe de travailleurs et de militants soutenus par le SUNTRACS a violemment pris possession des installations de l’entreprise qui détient la concession du projet d’exploitation minière, faisant 16 blessés parmi les travailleurs. En outre, en février 2018, le SUNTRACS a violemment fait irruption dans les locaux de l’entreprise; à cet égard, l’UGT se demande pourquoi le gouvernement a laissé cette organisation occuper illégalement les installations de l’entreprise pendant plus de 72 heures et pourquoi le gouvernement devrait contraindre l’entreprise à conclure un accord avec un syndicat qui n’est pas lié aux industries extractives. L’organisation plaignante a fourni le lien de plusieurs articles publiés dans la presse faisant référence aux faits précités.
  3. 424. L’organisation plaignante a également joint en annexe un document intitulé «Chronologie du conflit au sein de Minera Panamá» dont il ressort ce qui suit: i) le syndicat des travailleurs de l’entreprise jouit de la personnalité juridique depuis février 2014 et est toujours à l’heure actuelle le syndicat majoritaire au sein du projet d’exploitation minière; ii) le 2 septembre 2014, la première convention collective entre le syndicat des travailleurs de l’entreprise et l’entreprise, valable quatre ans, a été enregistrée par le MITRADEL; iii) le 13 mars 2015, un groupe de travailleurs d’une entreprise sous-traitante de Minera Panamá affilié à la CAPAC a entrepris de paralyser l’entreprise et a empêché les travailleurs de quitter les lieux. Ces travailleurs étant protégés par une convention collective de travail conclue entre le SUNTRACS et la CAPAC, le SUNTRACS a exigé de l’entreprise qu’elle applique cette convention, ce qui était impossible sur le plan légal puisque l’entreprise avait déjà conclu une convention collective avec le STM; iv) en septembre 2016, le MITRADEL a approuvé le changement de nom du syndicat de l’entreprise, qui est désormais un syndicat de branche dénommé Syndicat de branche des travailleurs de la construction de mines et du développement des industries extractives et des industries apparentées (STM); et v) en 2017 et 2018, après plusieurs séries de négociations et une grève organisée par le STM en janvier 2018, le STM et l’entreprise ont conclu plusieurs accords portant sur le logement des travailleurs, le système de transport et les réfectoires.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 425. Dans ses communications datées des 7 et 13 février ainsi que du 26 juin et 17 septembre 2019, le gouvernement transmet ses observations au sujet des deux cas, ainsi que celles de l’entreprise, du Conseil national de l’entreprise privée (CONEP) et de la CAPAC. Le gouvernement indique que les cas nos 3328 et 3340 concernent le secteur du bâtiment et, en particulier, un conflit intersyndical survenu au sein du projet d’exploitation minière. Le gouvernement souligne qu’il met tout en œuvre pour que toutes les organisations puissent exercer pleinement la liberté syndicale et qu’il ne peut prendre parti dans le conflit qui oppose le SUNTRACS et le syndicat des travailleurs de l’entreprise, dénommé à l’heure actuelle STM et affilié à l’UGT, au sujet de la titularité des droits. Le gouvernement regrette en outre que les plaintes n’aient pas été examinées dans le cadre de la Commission de traitement rapide des plaintes, l’une des commissions instituées en vertu de l’accord tripartite du Panama, qui se réunit chaque semaine au sein du MITRADEL et qui est chargée de résoudre de manière consensuelle les cas dont elle est saisie.

    Cas no 3328

  1. 426. Le gouvernement indique que, le 4 octobre 2012, le MITRADEL a créé un bureau spécial à proximité de l’exploitation minière doté de 46 fonctionnaires chargés d’examiner les questions relatives au travail, compte tenu de la complexité des travaux menés au sein de l’entreprise ainsi que du grand nombre de travailleurs, qui s’élève approximativement à plus de 10 000.
  2. 427. Le gouvernement indique que le projet d’exploitation minière connaît une activité syndicale importante et libre et que cinq syndicats coexistent en son sein, notamment le syndicat des travailleurs de l’entreprise (dénommé actuellement STM) et le SUNTRACS. Le gouvernement souligne que le MITRADEL a été l’allié de toutes les organisations syndicales dans la recherche d’instruments facilitant le respect de la liberté syndicale; en outre, il a agi en qualité de médiateur à diverses reprises et plusieurs accords conclus dans ce cadre ont mis fin à des conflits. Le gouvernement se réfère en particulier à l’accord signé le 18 mars 2015, dans lequel il a été convenu que SUNTRACS aurait accès au projet minier, et à l’accord du 18 mars 2018 (signé le 20 mars 2018) qui comprend des clauses relatives aux visites des représentants de SUNTRACS sur le site du projet minier. Le gouvernement indique qu’il n’a eu connaissance d’aucune plainte concernant l’application de ce dernier accord, en ce qui concerne les visites et la présence de SUNTRACS sur le site du projet minier, de sorte qu’il est supposé que cet accord est mis en œuvre à la satisfaction des parties.
  3. 428. Dans sa réponse communiquée par le gouvernement, l’entreprise indique qu’elle n’intervient pas dans les affaires internes des syndicats, qu’elle n’interfère pas dans l’exercice du droit des travailleurs de s’affilier au syndicat de leur choix, ou de ne pas s’affilier à une organisation syndicale, et qu’elle ne favorise aucune organisation. L’entreprise réfute l’affirmation des organisations plaignantes selon laquelle elle oblige les travailleurs à s’affilier au syndicat des travailleurs de l’entreprise au moment de la signature de leur contrat de travail.
  4. 429. L’entreprise indique que, à plusieurs reprises, le SUNTRACS a eu recours à la violence et aux menaces pour tenter de forcer l’entreprise à négocier avec lui plutôt qu’avec le STM, lequel jouit du droit de négociation étant le syndicat le plus représentatif puisqu’il compte un plus grand nombre de membres que le SUNTRACS parmi les travailleurs de l’entreprise. L’entreprise indique que, en 2015 et 2018, le SUNTRACS et le STM ont présenté concomitamment des cahiers de revendications et que, dans les deux cas, le MITRADEL, après avoir procédé au recensement des travailleurs affiliés à chacun des syndicats, avait établi que le STM était le syndicat le plus représentatif et jouissait du droit de négociation de la convention collective. L’entreprise indique que, bien que le SUNTRACS soit un syndicat minoritaire, il a conclu avec elle un accord et un protocole d’accès au projet d’exploitation minière en mars 2015, ce qui ne l’avait pas empêché à plusieurs reprises de faire violemment irruption sur le chantier, d’imposer à chaque fois une paralysie des activités et de mettre en péril la vie et l’intégrité de toutes les personnes présentes sur les lieux. Le gouvernement ajoute que le SUNTRACS et le STM ont déposé une demande auprès du MITRADEL afin d’obtenir le droit de négocier une nouvelle convention collective, que la procédure prévue dans le Code du travail a été respectée, qu’elle est en cours étant donné que des recours en amparo ont été formés par le SUNTRACS et que la décision est attendue.
  5. 430. S’agissant des ordonnances de réintégration, l’entreprise indique que ces dernières avaient été prononcées par les instances judiciaires sans avoir entendu l’entreprise au préalable. Elle indique en outre que l’entreprise a contesté ces ordonnances et que, à ce jour, les instances judiciaires, après avoir entendu les parties et examiné les faits et les éléments de preuve, avaient rendu une décision dans 6 des 31 cas, annulant les ordonnances de réintégration respectives. L’entreprise indique que le SUNTRACS a interjeté appel et que, dans deux cas, le Tribunal supérieur du travail du premier district judiciaire a rendu un jugement confirmant l’annulation des ordonnances de réintégration, ces décisions demeurant dûment exécutoires. Le gouvernement a transmis le texte de ces jugements, lesquels concluent que l’entreprise n’avait pas licencié les travailleurs, mais que la relation de travail avait pris fin en raison de l’expiration de leur contrat de durée déterminée et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu de procéder à une réintégration.
  6. 431. En ce qui concerne les arrestations arbitraires présumées des travailleurs ayant organisé une manifestation pacifique pour demander leur réintégration, le gouvernement a transmis la copie d’un rapport de la police nationale, daté du 20 juin 2019, établi par le chef de la deuxième zone de police de la province de Coclé, dans lequel il est indiqué qu’il n’est consigné dans aucun registre que les personnes dont le nom figure dans la plainte aient été arrêtées.

    Cas no 3340

  1. 432. Dans sa communication datée du 7 février 2019, le gouvernement indique qu’il met tout en œuvre pour que toutes les organisations syndicales puissent exercer pleinement la liberté syndicale et qu’il ne peut prendre parti ni dans les conflits entre syndicats ni dans les actions qu’ils entreprennent avec les organisations professionnelles d’employeurs dans l’exercice de cette liberté. Le gouvernement souligne en outre que le SUNTRACS a signé une convention collective avec la CAPAC, qui regroupe une centaine d’entreprises, conformément aux procédures de conciliation prévues par le Code du travail. Il indique que le MITRADEL n’est pas habilité à empêcher une entreprise de négocier une convention collective avec le SUNTRACS ayant la même teneur que celle qu’elle a conclue avec la CAPAC.
  2. 433. Pour sa part, la CAPAC indique qu’elle regroupe les principales entreprises menant des activités dans le secteur du bâtiment et que, jusqu’en 2018, elle a négocié avec le SUNTRACS dix conventions collectives régissant les relations de travail entre les entrepreneurs généraux et les entreprises spécialisées membres de la CAPAC et leurs travailleurs, conventions négociées conformément aux dispositions du Code du travail.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 434. Le comité observe que les cas nos 3328 et 3340 concernent le même projet d’exploitation minière qui, depuis 2011, mobilise environ 10 000 travailleurs. Tout en observant que les allégations formulées dans les deux cas sont différentes, et que les plaintes ont été présentées par des organisations distinctes, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle ces cas sont liés et ont comme dénominateur commun le conflit qui oppose deux des cinq syndicats présents au sein du projet d’exploitation minière au sujet de la titularité des droits de négociation avec l’entreprise: le SUNTRACS (organisation plaignante dans le cas no 3328) et le STM, affilié à l’UGT (organisation plaignante dans le cas no 3340). Compte tenu de ce qui précède, le comité a décidé d’examiner ces deux cas dans un seul rapport en examinant tout d’abord chacune des plaintes séparément, puis en présentant des conclusions relatives aux éléments communs.

    Cas no 3328

  1. 435. Le comité prend note que les organisations plaignantes allèguent que: i) l’entreprise oblige les travailleurs à s’affilier au STM, un syndicat contrôlé par l’entreprise et que, bien que le SUNTRACS ait présenté des cahiers de revendications dans le but de négocier des conventions collectives avec l’entreprise, le MITRADEL a favorisé le STM en le reconnaissant comme le représentant présumé des travailleurs et en refusant au SUNTRACS le droit de négocier collectivement au nom de ses membres; ii) l’entreprise n’a pas respecté les accords ayant mis fin au conflit conclus avec le SUNTRACS, notamment l’accord conclu le 20 mars 2018 dans lequel l’entreprise s’était engagée entre autres à réengager les travailleurs licenciés pour avoir participé à une grève; en outre, le MITRADEL n’aurait pas pris de mesures pour faire appliquer l’accord; et iii) les travailleurs qui participaient à une manifestation pacifique pour demander leur réintégration, qui avait été ordonnée par les instances judiciaires, avaient été brutalisés par la police et placés arbitrairement en détention.
  2. 436. A cet égard, le comité prend note que le gouvernement et l’entreprise indiquent que: i) l’entreprise n’oblige les travailleurs à s’affilier à aucun syndicat et négocie les conventions collectives avec le STM et non avec le SUNTRACS, car le MITRADEL avait déterminé que le STM était le syndicat le plus représentatif et jouissait du droit de négociation; le gouvernement indique en outre que, par la suite, les deux syndicats ont présenté une demande au MITRADEL afin de négocier une nouvelle convention collective et que la procédure était en cours étant donné que des recours en amparo avaient été formés par le SUNTRACS; ii) le MITRADEL a agi en qualité de médiateur entre le SUNTRACS et l’entreprise afin de résoudre différents conflits et a facilité la signature d’accords qui ont permis au SUNTRACS d’accéder au projet minier; et iii) il n’est consigné dans aucun registre que les travailleurs dont le nom figure dans la plainte aient été arrêtés par la police; en outre, les travailleurs n’ont pas été réintégrés, car les instances judiciaires ont annulé les ordonnances de réintégration au motif qu’ils n’avaient pas été licenciés, mais que leur contrat de travail était arrivé à échéance.
  3. 437. Tout en rappelant que les travailleurs ont le droit de s’affilier aux organisations de leur choix, et que tant les autorités que les employeurs devraient éviter toute discrimination entre les organisations syndicales, le comité observe que, dans le présent cas, il ne dispose pas d’éléments permettant de conclure que l’entreprise a obligé les travailleurs à s’affilier à un syndicat donné.
  4. 438. En ce qui concerne la négociation collective, le comité observe qu’il ressort de la décision rendue par le MITRADEL le 5 avril 2017 qu’il appartient au STM et non au SUNTRACS de négocier les cahiers de revendications étant donné que le recensement des membres a établi que le STM était le syndicat le plus représentatif, puisque le nombre de ses membres s’élevait à plus du double de celui du SUNTRACS. S’agissant de l’allégation selon laquelle, en vertu de cette décision, le MITRADEL aurait refusé au SUNTRACS le droit de négocier au nom de ses membres au sein du projet d’exploitation minière, le comité rappelle que la détermination du syndicat le plus représentatif devra toujours se faire d’après des critères objectifs et préétablis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d’abus. Des critères objectifs, précis et préétablis pour déterminer la représentativité d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs doivent exister dans la législation, et cette appréciation ne saurait être laissée à la discrétion des gouvernements. Le comité rappelle aussi que sont compatibles avec la convention no 98 tant le système du négociateur unique (l’organisation la plus représentative) que celui d’une délégation composée de toutes les organisations ou seulement des plus représentatives en fonction de critères clairs définis au préalable pour déterminer les organisations habilitées à négocier. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 529, 530 et 1360.]
  5. 439. D’autre part, le comité note que le gouvernement indique que, par la suite, les deux syndicats ont présenté une demande au MITRADEL afin de négocier une nouvelle convention collective et que la procédure était en cours, car le SUNTRACS avait introduit des recours en amparo. Le comité s’attend à ce que les instances judiciaires statuent dans les meilleurs délais sur les recours en amparo précités.
  6. 440. S’agissant du respect des accords ayant mis fin aux conflits qui opposaient le SUNTRACS et l’entreprise, le comité observe que, bien que le MITRADEL, ait facilité la conclusion de ces accords qui, entre autres, ont permis au SUNTRACS d’accéder au projet minier, le MITRADEL a également constaté le non-respect de certains points de ces accords par l’entreprise. Le comité note que, dans un acte daté du 12 avril 2018, fourni en annexe par les organisations plaignantes, le MITRADEL a établi que l’entreprise avait violé l’accord conclu le 20 mars 2018, notamment en ne procédant pas au réengagement des travailleurs auquel elle s’était engagée aux termes dudit accord. Le comité observe que, dans cet acte, le MITRADEL indiquait qu’il allait examiner les mesures juridiques nécessaires aux fins de l’application de l’accord. Le comité rappelle que les accords doivent être obligatoires pour les parties [voir Compilation, op. cit., paragr. 1334] et s’attend à ce que, en tant que facilitateur et signataire des accords, le MITRADEL prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à leur application.
  7. 441. D’autre part, le comité observe que les organisations plaignantes allèguent que l’entreprise aurait refusé d’appliquer les ordonnances de réintégration prononcées en faveur de plus de 30 travailleurs licenciés sans justification ni fondement juridique. A cet égard, le comité note que l’entreprise indique qu’elle a contesté ces ordonnances et que, à ce jour, les instances judiciaires ont annulé 6 des 31 ordonnances au motif que les travailleurs n’avaient pas été licenciés, mais que leur contrat de travail était arrivé à échéance. Le comité observe que ni les organisations plaignantes ni le gouvernement n’ont joint en annexe une copie des ordonnances de réintégration et indique qu’il n’est donc pas en mesure de prendre connaissance des motifs pour lesquels la réintégration a été ordonnée. Le comité observe toutefois que le gouvernement a joint en annexe des copies des jugements annulant les ordonnances de réintégration et constate que le nom des travailleurs mentionnés dans ces jugements ne coïncide pas avec le nom des travailleurs que l’entreprise s’était engagée à réengager aux termes de l’accord. Compte tenu de ce qui précède, et du fait que des procédures judiciaires sont en cours en rapport avec la contestation des ordonnances de réintégration, le comité s’attend à ce que les instances judiciaires statuent dans les meilleurs délais et à ce que les jugements rendus soient mis en œuvre.
  8. 442. S’agissant de l’allégation relative à la répression policière et à la détention des travailleurs qui manifestaient pour demander leur réintégration, le comité observe que les organisations plaignantes n’ont fourni aucune information ni aucun élément de preuve concernant la répression policière présumée. Le comité observe en outre que, d’après les informations communiquées par les organisations plaignantes, il est difficile de déterminer s’il s’agit d’une détention par la police ou le service de sécurité privé de l’entreprise. Le comité ne dispose pas non plus d’informations sur la date jusqu’à laquelle ces travailleurs auraient été détenus. Compte tenu de ce qui précède, et du fait que le gouvernement affirme qu’il n’est consigné dans aucun registre que les travailleurs aient été arrêtés par la police, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.

    Cas no 3340

  1. 443. Le comité note que l’UGT, à laquelle le STM est affilié, allègue que le gouvernement a toléré que le SUNTRACS tente d’imposer la convention collective qu’il a conclue avec la CAPAC aux travailleurs d’entreprises du secteur du bâtiment non affiliées à la CAPAC qui n’étaient pas membres du SUNTRACS (en particulier à des travailleurs d’entreprises sous-traitantes du projet d’exploitation minière). L’organisation allègue en outre que le gouvernement a toléré que le SUNTRACS oblige les travailleurs de la construction à verser des cotisations syndicales en sa faveur même s’ils n’étaient pas membres du syndicat. Le comité observe en outre que, d’après l’organisation plaignante, le SUNTRACS commet des actes de violence contre les travailleurs et les employeurs et terrorise ces derniers et que, à plusieurs reprises, des membres du SUNTRACS ont violemment pris possession des installations de l’entreprise, faisant plusieurs blessés parmi les travailleurs.
  2. 444. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que les conventions collectives signées entre le SUNTRACS et la CAPAC ont été conclues conformément à la procédure prévue par le Code du travail et que le MITRADEL ne peut empêcher une entreprise de négocier un accord avec le SUNTRACS ayant la même teneur que celui qu’elle a conclu avec la CAPAC. Le comité note en outre que la CAPAC indique qu’elle regroupe les principales entreprises menant des activités dans le secteur du bâtiment et que, jusqu’en 2018, elle a négocié avec le SUNTRACS dix conventions collectives régissant les relations de travail entre les entrepreneurs généraux et les entreprises spécialisées membres de la CAPAC et leurs travailleurs, conventions négociées conformément aux dispositions du Code du travail.
  3. 445. Le comité observe que, d’après les allégations de l’organisation plaignante, le SUNTRACS aurait tenté d’imposer les conditions d’une convention collective qu’il a conclue avec la CAPAC aux travailleurs d’une entreprise sous-traitante du projet d’exploitation minière affiliée à la CAPAC. D’après l’organisation plaignante, cela est impossible sur le plan légal étant donné que l’entreprise a déjà conclu une convention collective avec le STM couvrant ces travailleurs. A cet égard, le comité rappelle que tant les systèmes de négociation collective, accordant des droits exclusifs au syndicat le plus représentatif, que les systèmes permettant à plusieurs syndicats d’une entreprise de conclure des conventions collectives différentes sont compatibles avec les principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 1351.]
  4. 446. S’agissant des allégations relatives aux actes violents commis par le SUNTRACS, tout en observant que l’organisation plaignante a fourni le lien de plusieurs articles publiés dans la presse indiquant que le SUNTRACS a violemment fait irruption dans les locaux de l’entreprise, le comité souligne que ces articles, ainsi que d’autres, mentionnent également que, afin de pousser le SUNTRACS à se retirer du projet, des travailleurs affiliés au STM auraient fait usage de violence contre des membres du SUNTRACS et les aurait empêchés d’accéder à l’entreprise. Compte tenu de ce qui précède, le comité rappelle que les organisations syndicales doivent se comporter de manière responsable et respecter la manière pacifique dont le droit de réunion doit être exercé. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 211.]

    Conclusions communes

  1. 447. Le comité observe que, dans les deux cas, des allégations ont trait au favoritisme dont le gouvernement aurait fait preuve envers l’une ou l’autre des organisations syndicales. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique qu’il ne peut prendre parti dans le conflit qui oppose le SUNTRACS et le STM et qu’il regrette que les plaintes n’aient pas été examinées dans le cadre de la Commission de traitement rapide des plaintes, l’une des commissions instituées en vertu de l’accord tripartite du Panama, qui est chargée de résoudre de manière consensuelle les cas dont elle est saisie.
  2. 448. Le comité observe que les informations et documents présentés dans les deux cas montrent que le gouvernement, par l’intermédiaire du MITRADEL, a agi en qualité de médiateur dans le cadre de différents conflits survenus au sein de l’entreprise, a facilité la signature d’accords et a en outre rendu compte du non-respect de certains points de ces accords par l’entreprise. Les informations et documents présentés dans les deux cas ne permettent pas au comité de conclure que le gouvernement a fait preuve de favoritisme envers l’une ou l’autre des organisations syndicales ou a accordé un traitement différent à l’une ou l’autre de ces organisations.
  3. 449. Compte tenu de ce qui précède, et du fait que plusieurs problèmes soulevés dans les plaintes semblent récurrents et n’ont pas encore été résolus, le comité invite le gouvernement à s’employer, dans ses échanges avec les organisations syndicales concernées et l’entreprise, à instaurer un climat de dialogue et de confiance propice, dans un contexte de pluralisme syndical, au maintien de relations de travail harmonieuses au sein de l’entreprise. A cette fin, le comité encourage le gouvernement à redoubler d’efforts en matière de dialogue et de conciliation et à examiner les problèmes soulevés, conjointement avec les organisations et l’entreprise, afin de parvenir à des accords qui permettent de régler ces problèmes, avec l’appui des instances de dialogue tripartite existantes dans le pays.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 450. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité s’attend à ce que, en tant que facilitateur et signataire des accords conclus entre les organisations syndicales et l’entreprise, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle (MITRADEL) prenne toutes les mesures nécessaires pour veiller à leur application.
    • b) Le comité s’attend à ce que les instances judiciaires statuent dans les meilleurs délais sur les procédures judiciaires en cours concernant la réintégration des travailleurs et s’attend en outre à ce que les jugements rendus soient mis en œuvre.
    • c) Le comité invite le gouvernement à s’employer, dans ses échanges avec les organisations syndicales concernées et l’entreprise, à instaurer un climat de dialogue et de confiance propice, dans un contexte de pluralisme syndical, au maintien de relations de travail harmonieuses au sein de l’entreprise. A cette fin, le comité encourage le gouvernement à redoubler d’efforts en matière de dialogue et de conciliation et à examiner les problèmes soulevés, conjointement avec les organisations et l’entreprise, afin de parvenir à des accords qui permettent de régler ces problèmes, avec l’appui des instances de dialogue tripartite existantes dans le pays.
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