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Definitive Report - Report No 392, October 2020

Case No 3294 (Argentina) - Complaint date: 06-JAN-17 - Closed

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Allégations: L’organisation plaignante allègue que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis contre le secrétaire général de l’APPJ de la province de Buenos Aires et contre l’APPJ

  1. 217. La plainte figure dans une communication de l’Association du personnel judiciaire de la catégorie professionnelle (APPJ) datée du 6 janvier 2017. Celle-ci bénéficie de l’appui de la Fédération des associations du personnel d’encadrement de la République argentine. L’APPJ a transmis des informations additionnelles concernant la plainte dans des communications datées du 3 octobre et du 21 novembre 2017.
  2. 218. Le gouvernement a communiqué ses observations dans des communications datées du 23 mai 2018 et du 17 juillet 2019.
  3. 219. L’Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 220. Dans ses communications datées du 6 janvier, du 3 octobre et du 21 novembre 2017, l’APPJ indique qu’elle rassemble les professionnels qui relèvent du pouvoir judiciaire ou du ministère public de la province de Buenos Aires, qu’elle appartient à la catégorie des syndicats simplement enregistrés et qu’elle est membre de la Fédération des associations du personnel d’encadrement de la République argentine. L’organisation plaignante allègue que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par l’employeur, à savoir le procureur général de la Cour suprême de justice de la province de Buenos Aires, contre le secrétaire général de l’APPJ de la province de Buenos Aires (conduite d’une enquête dans le but de le licencier et de ne pas lui octroyer de congé syndical) et contre l’APPJ (refus d’engager un dialogue avec l’association et de la laisser participer aux négociations collectives).
  2. 221. L’organisation plaignante indique qu’une assemblée des membres de l’APPJ s’est tenue en novembre 2016 et que le secrétaire général a été chargé de demander aux représentants des parquets de la province de Buenos Aires qu’une journée de congé hebdomadaire soit octroyée aux travailleurs membres de l’APPJ, sachant qu’ils sont tenus de travailler pendant quinze jours consécutifs lorsque le parquet dont ils relèvent est en service. Elle indique également: i) que suite à cela, le secrétaire général a envoyé des notes à différents procureurs pour solliciter l’octroi d’une journée de congé hebdomadaire; ii) que les procureurs ont consulté à ce propos leur supérieur hiérarchique, à savoir le procureur général du Département judiciaire de San Martín, qui a requis que ce droit ne soit pas reconnu; iii) qu’en réponse l’APPJ a demandé, dans une lettre émise par le secrétaire général, que le procureur général cesse de mener des actions antisyndicales; et iv) que cette demande a été suivie de persécutions et de pressions institutionnelles démesurées, illégitimes et illégales, qui se sont traduites par l’ouverture d’une enquête administrative contre le secrétaire général de l’APPJ pour des motifs sans rapport avec ses activités professionnelles, le but ultime de cette démarche étant de le démettre de ses fonctions professionnelles et de lui retirer la direction du syndicat.
  3. 222. L’organisation plaignante allègue que, en soumettant le secrétaire général à un contrôle disciplinaire, le procureur général de la Cour suprême de la province de Buenos Aires exerce, dans les faits, un contrôle sur les décisions des assemblées dont le secrétaire général assure l’application, et qu’il empiète ainsi sur les activités institutionnelles de l’APPJ. Elle allègue également que le secrétaire général a été privé de congé syndical sous prétexte que l’APPJ ne disposait pas du statut syndical. L’organisation plaignante allègue en outre que, tandis que le procureur général refuse de maintenir un dialogue avec l’APPJ et laisse nombre de ses demandes sans réponse, il favorise une association civile sans but lucratif, à savoir le Collège des magistrats et des fonctionnaires de l’ordre judiciaire de la province de Buenos Aires. Elle ajoute que le ministère du Travail de la province de Buenos Aires a rendu une décision dans laquelle il indiquait que l’APPJ ne pouvait pas participer aux négociations collectives car elle ne possédait pas de statut syndical.
  4. 223. L’organisation plaignante indique que, le 1er juillet 2016, elle a déposé une plainte auprès de l’autorité judiciaire pour pratiques déloyales. Dans cette plainte, elle a notamment allégué: l’absence de dialogue; le refus de laisser l’APPJ participer aux négociations collectives; le fait que la liste de travailleurs permettant de désigner les délégués du personnel n’avait pas été remise; et le fait que des réunions n’avaient pas été organisées périodiquement avec les délégués. Dans sa communication du 21 novembre 2017, l’organisation plaignante fait savoir que cette plainte a été rejetée sur tous les points par un jugement rendu le 31 octobre 2017, et qu’un recours en révision déposé le 3 novembre 2017 a également été rejeté. Elle indique que les juges ayant prononcé le jugement sont membres du collège des magistrats, l’association civile que favorise le procureur général de la Cour suprême de justice de la province de Buenos Aires au détriment de l’APPJ. Selon l’organisation plaignante, cela explique pourquoi le jugement omet toute mention des pratiques discriminatoires dont a fait l’objet l’APPJ.
  5. 224. L’organisation plaignante indique en outre qu’elle a engagé, le 22 septembre 2016, une procédure d’amparo liée à la persécution dont le secrétaire général de l’APPJ a fait l’objet et, plus précisément, à l’enquête administrative illégale le visant et au refus de lui octroyer un congé syndical. Elle précise que ce recours est toujours en cours.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 225. Dans ses communications datées du 23 mai 2018 et du 17 juillet 2019, le gouvernement indique que, d’après le rapport envoyé par la Direction nationale des associations syndicales, l’APPJ, qui compte 75 membres, est un petit syndicat créé récemment (il a été simplement enregistré en 2014). Il indique également que, bien que cette considération d’ordre quantitatif n’empiète en rien sur son droit de représentation, c’est au syndicat le plus représentatif que revient, d’après la loi no 23.551 sur les associations syndicales, le statut syndical, ce qui inclut la possibilité de participer à des négociations collectives en qualité de représentant du secteur. En l’occurrence, le syndicat le plus représentatif – celui qui est doté du statut syndical et qui participe aux négociations collectives – est l’Association judiciaire de Buenos Aires.
  2. 226. En ce qui concerne l’enquête administrative visant le secrétaire général de l’APPJ, le gouvernement affirme qu’aucun élément, dans la décision émise par le procureur général de la province, n’indique que le secrétaire général a été persécuté en raison de son statut de dirigeant syndical, et que son comportement a fait l’objet d’une surveillance car il avait manqué à ses devoirs de fonctionnaire public, les recours juridiques prévus pour sa défense ayant été épuisés.
  3. 227. Le gouvernement indique par ailleurs que le tribunal du travail no 5 du Département judiciaire de San Martín (province de Buenos Aires) a, par un jugement définitif, rejeté sur tous les points la plainte pour pratiques déloyales présentée par l’APPJ, considérant que les agissements prêtés au pouvoir judiciaire n’offraient pas la preuve d’une volonté de compromettre, de perturber ou d’entraver l’action de l’APPJ. Il précise que ce jugement a été accepté par l’organisation plaignante et qu’il est sans appel.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 228. Le comité observe que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante allègue que des actes de discrimination antisyndicale ont été commis par le procureur général de la Cour suprême de justice de la province de Buenos Aires contre le secrétaire général de l’APPJ (qu’il a soumis à une enquête administrative pour des motifs sans rapport avec ses activités professionnelles et à qui il a refusé des congés syndicaux) et contre l’APPJ (avec laquelle il ne dialogue pas et à laquelle la participation aux négociations collectives a été refusée).
  2. 229. En ce qui concerne le secrétaire général de l’APPJ, le comité note que l’organisation plaignante allègue: i) que le secrétaire général a demandé en novembre 2016, au nom de l’APPJ, l’octroi d’un jour de repos hebdomadaire pour des affectations de quinze jours, suite à quoi une enquête administrative a été ouverte à son encontre pour des motifs sans rapport avec ses activités professionnelles, et ce dans le but de le démettre de ses fonctions professionnelles et de lui retirer la direction du syndicat; ii) que, en soumettant le secrétaire général à un contrôle disciplinaire, le procureur général de la Cour suprême exerce un contrôle et empiète, dans les faits, sur l’intégralité des activités de l’APPJ; et iii) que le secrétaire général a été privé de congé syndical sous prétexte que l’APPJ ne disposait pas du statut syndical. En ce qui concerne l’APPJ, les allégations ci-après ont quant à elles été formulées: i) elle n’est pas autorisée à participer aux négociations collectives car elle ne possède pas de statut syndical; et ii) le procureur général refuse de se réunir avec l’APPJ et n’engage pas le moindre dialogue avec celle-ci, mais accepte de se réunir et de dialoguer avec le Collège des magistrats et des fonctionnaires de l’ordre judiciaire de la province de Buenos Aires, qui est une association civile sans but lucratif.
  3. 230. À cet égard, le comité note que le gouvernement indique que l’APPJ est un syndicat créé récemment qui compte 75 membres et que, bien que cette considération d’ordre quantitatif n’empiète en rien sur le droit de représentation de cette association, c’est un autre syndicat (l’Association judiciaire de Buenos Aires) – plus représentatif et doté du statut syndical – qui bénéficie de la possibilité de participer aux négociations collectives en qualité de représentant du secteur. Le gouvernement indique également que le secrétaire général a fait l’objet d’une enquête administrative, car il avait manqué à ses devoirs de fonctionnaire public, et que cette enquête n’était en aucun cas liée à son statut de dirigeant syndical.
  4. 231. Le comité note que, comme l’indiquent l’organisation plaignante et le gouvernement, la plainte déposée par l’APPJ pour pratiques déloyales a été rejetée sur tous les points. Il observe que dans le jugement, qui a été rendu le 31 octobre 2017, le tribunal a conclu que les agissements prêtés au pouvoir judiciaire n’offraient pas la preuve d’une volonté de compromettre, de perturber ou d’entraver l’action de l’APPJ. Il observe également que, d’après l’organisation plaignante: i) un recours en révision déposé par l’APPJ a également été rejeté (celui-ci n’étant pas recevable); et ii) le recours en révision était axé sur le fait que le jugement omettait toute mention des pratiques discriminatoires dont avait fait l’objet l’APPJ (selon l’APPJ, les juges n’ont pas fait mention du traitement préférentiel que le procureur général réservait au collège des magistrats, car ils étaient eux-mêmes membres de cette association).
  5. 232. Le comité observe que la question du refus d’accorder un congé syndical au secrétaire de l’APPJ du fait que l’association n’était pas dotée du statut syndical n’a pas été soulevée par l’APPJ dans sa plainte, qui a donné lieu à un jugement définitif, mais dans le cadre de la procédure d’amparo qui, comme l’indique l’organisation plaignante, a été engagée en 2016. À défaut de posséder davantage d’informations au sujet de cette procédure, le comité veut croire que, dans ce cas, le droit des travailleurs à bénéficier d’une protection adéquate contre la discrimination antisyndicale a été protégé.
  6. 233. Rappelant que les organisations syndicales minoritaires auxquelles sont déniés les droits de négocier collectivement doivent pouvoir mener leur action et avoir au moins le droit de se faire les porte-parole de leurs membres et de les représenter en cas de réclamation individuelle [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 545], le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour encourager le dialogue entre les parties afin de garantir le droit de l’APPJ de formuler des requêtes au nom de ses membres et de représenter ceux-ci en cas de réclamation individuelle.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 234. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
    • Le comité invite le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour encourager le dialogue entre les parties afin de garantir le droit de l’APPJ de formuler des requêtes au nom de ses membres et de représenter ceux-ci en cas de réclamation individuelle.
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