Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent la violation du droit de négociation collective au sein de l’entreprise Avianca S.A. par le recours à des pactes collectifs, le déni du droit de grève des pilotes de l’entreprise ainsi qu’une série d’actes antisyndicaux ayant fait suite à la déclaration d’illégalité de la grève menée par l’Association colombienne des aviateurs civils
- 158. Les organisations plaignantes ont fait parvenir leurs allégations dans des communications datées du 17 avril, des 29 et 31 mai, du 4 juin et des 1er et 31 octobre 2018; du 11 janvier, du 1er avril, des 15 et 21 mai, du 21 juin et du 26 août 2019; des 7 et 11 février et du 2 mars 2020; ainsi que des 14 et 21 janvier 2021.
- 159. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 24 avril, 13 juin et 3 septembre 2019, 21 février, 3 et 31 mars, 12 septembre et 23 décembre 2020, et 17 février 2021.
- 160. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 161. Dans une communication datée d’avril 2018, la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et l’Association colombienne des aviateurs civils (ACDAC) allèguent que la compagnie aérienne Avianca (ci-après «l’entreprise»), avec la complicité et l’assentiment des autorités publiques, viole le droit relatif à la liberté d’association, le droit de négociation collective et le droit de grève des aviateurs civils membres de l’ACDAC, par certains de ses comportements, notamment: i) des actes de discrimination antisyndicale; ii) la signature de pactes collectifs avec les aviateurs non syndiqués dont les contenus sont discriminatoires à l’égard des travailleurs syndiqués et dont l’existence nuit à l’affiliation syndicale et à l’exercice du droit de négociation collective; iii) le refus de négocier collectivement avec le syndicat; iv) des actes d’ingérence indue des autorités dans la grève moyennant la désignation d’un tribunal arbitral; v) le remplacement des pilotes grévistes par des pilotes étrangers; vi) la déclaration indue d’illégalité de la grève menée par le syndicat; vii) des violations du droit à une procédure régulière au détriment des organisations syndicales; viii) des licenciements massifs et des sanctions frappant les membres du syndicat; ix) la menace de liquidation du syndicat au motif que des travailleurs ont exercé leur droit de grève.
- 162. Les organisations plaignantes font valoir ce qui suit: i) l’ACDAC est une organisation syndicale de premier niveau, créée en 1949, qui regroupe les aviateurs de différentes compagnies aériennes colombiennes et de quelques entreprises spécialisées dans les activités de pulvérisation aérienne; ii) l’ACDAC signe avec chaque compagnie aérienne des conventions collectives distinctes, dont les dispositions sont intégrées aux contrats de travail des pilotes membres du syndicat; iii) l’entreprise qui fait l’objet de la plainte reconnaît l’ACDAC comme une organisation syndicale à caractère professionnel, conformément à l’article premier de la convention collective en vigueur; iv) avant le déclenchement du conflit objet de ce cas, l’ACDAC comptait 702 travailleurs de la compagnie aérienne; v) depuis la création de l’ACDAC, l’organisation syndicale et la compagnie aérienne ont conclu plusieurs conventions collectives ayant permis de reconnaître certains droits à caractère extralégal aux travailleurs membres du syndicat.
- 163. Les organisations plaignantes décrivent ci-dessous un certain nombre de faits qui remontent à 2013 et sont liés au processus de négociation collective entre l’ACDAC et la compagnie aérienne. Elles déclarent à cet égard ce qui suit: i) un groupe d’aviateurs non syndiqués, d’une part, et l’ACDAC, d’autre part, ont décidé de demander à la compagnie le réexamen de leurs conditions de travail dans le cadre d’un processus de négociation collective de notoriété publique ayant été engagé en mars 2013; ii) la direction de l’entreprise a fait pression sur les travailleurs non syndiqués en vue de parvenir à un accord qui a entraîné la signature d’un pacte collectif appelé «plan volontaire d’avantages». Les travailleurs syndiqués n’ont pas bénéficié d’un accord et se sont trouvés en position d’inégalité, discriminés en raison de la reconnaissance de meilleurs droits aux travailleurs non syndiqués; iii) le 22 mars 2013, l’ACDAC a fait connaître à la compagnie, par écrit, son intention de dénoncer partiellement la convention collective du travail en vigueur; iv) le 17 décembre 2013, l’ACDAC a présenté officiellement son cahier de revendications, mais l’entreprise a refusé de dialoguer avec l’organisation syndicale; v) l’ACDAC a intenté un recours en protection qui a porté ses fruits et a obligé l’entreprise à s’asseoir à la table des négociations; vi) l’entreprise ayant refusé d’examiner le cahier de revendications, aucun accord n’a été trouvé, ce qui a amené l’assemblée générale du syndicat à décider de saisir un tribunal arbitral; vii) le 30 avril 2014, le ministère du Travail a ordonné la constitution du tribunal arbitral, décision qui a été contestée par l’entreprise, sans succès; viii) par son arrêt no T-069, rendu le 18 février 2015, la Cour constitutionnelle a ordonné à l’entreprise de faire bénéficier également les travailleurs syndiqués des avantages et augmentations figurant dans le plan volontaire d’avantages et de s’abstenir de fixer des conditions qui décourageraient l’affiliation ou la poursuite de l’affiliation à un syndicat; ix) le 5 octobre 2015, l’ACDAC a fait part au ministère du Travail de sa décision de retirer le cahier de revendications présenté le 17 décembre 2013 en raison d’irrégularités observées dans le déroulement du conflit et parce que le tribunal arbitral n’offrait aucune garantie de véritable jugement en équité; x) le 8 août 2017, l’ACDAC a présenté un nouveau cahier de revendications, la phase de règlement direct a commencé le 23 août 2017 et s’est terminée le 11 septembre 2017, sans qu’aucun accord ne soit trouvé entre les parties; xi) devant l’impossibilité de parvenir à un accord, le syndicat a décidé d’engager une grève qui a débuté le 20 septembre 2017, alors que l’ACDAC comptait 702 pilotes parmi ses membres, sur les 1 200 au service de la compagnie; xii) le 28 septembre 2017, la ministre du Travail, par la décision no 3744 en date de 2017, outrepassant ses prérogatives et agissant sans qu’aucune des parties ne le lui ait demandé, a ordonné la constitution d’un tribunal arbitral du travail, en faisant valoir que le transport aérien était un service public essentiel et que, par conséquent, il était inenvisageable de mettre en place une grève (la convocation du tribunal arbitral a été contestée en justice par l’ACDAC au motif qu’elle portait atteinte aux droits fondamentaux de l’organisation, et ce recours est toujours en instance); xiii) le 3 octobre 2017, l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile a autorisé l’entreprise à recruter des pilotes étrangers pour effectuer les liaisons aériennes qui étaient annulées au motif que les pilotes entendaient exercer leur droit de grève; xiv) le ministère public a convoqué le président du syndicat à une audience devant permettre de formuler les chefs d’inculpation comme suite à la plainte déposée par l’entreprise au début de l’année pour délit présumé d’incitation à la panique économique; xv) le 6 octobre 2017, le Tribunal supérieur de Bogota a déclaré, en première instance, la grève de l’ACDAC illégale, décision qui a été contestée en appel par le syndicat; xvi) le 31 octobre 2017, le Défenseur du peuple a convoqué l’entreprise pour tenter de régler le conflit par voie de médiation, ce qu’a refusé l’entreprise, qui a indiqué attendre la décision du tribunal arbitral; xvii) le 10 novembre 2017, après 51 jours, une décision de l’assemblée générale de l’ACDAC a mis fin à la grève; xviii) l’entreprise a alors envoyé les pilotes dirigeants syndicaux en congé syndical permanent afin de les empêcher de revenir dans l’entreprise; xix) le 29 novembre 2017, la chambre du travail de la Cour suprême a confirmé en deuxième instance la décision déclarant la grève illégale au motif que le transport aérien était, selon elle, un service public essentiel et que la majorité requise pour le vote n’était pas atteinte, ce qui constituait deux éléments contraires à la Constitution politique, à la convention no 87 de l’OIT et aux recommandations des organes de contrôle de l’Organisation; xx) le 14 février 2018, la chambre du travail de la Cour suprême a rejeté les requêtes en nullité, les demandes d’éclaircissements ou d’informations supplémentaires présentées séparément par l’ACDAC et la CUT; xxi) à partir du 26 février 2018, l’entreprise a engagé plus de 230 procédures disciplinaires contre les pilotes syndiqués au motif qu’ils avaient participé à la grève; dans le cadre de ces procédures, l’entreprise a empêché les pilotes de se faire accompagner par un avocat et par des dirigeants syndicaux en organisant les différents entretiens préalables simultanément; xxii) au 6 avril 2018, 112 pilotes avaient été sanctionnés moyennant la suspension de leurs contrats, 116 avaient été licenciés, parmi lesquels 5 dirigeants de sections syndicales nationales et 23 dirigeants de sous directions; xxiii) les dirigeants syndicaux licenciés ont reçu une lettre de l’entreprise indiquant que celle-ci se réservait le droit de leur faire supporter financièrement les conséquences de l’action illégale qu’ils avaient dirigée en tant que membres du conseil de direction de l’ACDAC.
- 164. Les organisations plaignantes indiquent ci-après que le principal objectif d’une organisation syndicale est le développement du droit de négociation collective et que c’est pour cette raison que, lorsqu’il n’est pas possible de parvenir à un accord, les travailleurs ont la possibilité d’exercer leur droit de grève. Elles dénoncent le fait que les aviateurs civils de Colombie sont privés de ce droit au motif équivoque qu’ils fournissent un service public essentiel, quand le gouvernement national ne tient nullement compte des considérations relatives au «caractère essentiel au sens strict» qu’a fait valoir le Comité de la liberté syndicale dans ses décisions et dans les conventions de l’OIT que la Colombie a ratifiées, qui font partie intégrante du bloc constitutionnel. Les organisations plaignantes affirment que les faits décrits dans les paragraphes précédents sont contraires aux articles 2, 3, 6 et 8 de la convention no 87, aux articles 1, 3 et 4 de la convention no 98 et aux articles 3, 4 et 6 de la convention no 154.
- 165. Les organisations plaignantes énumèrent ci-après les différentes violations à la liberté syndicale dont l’ACDAC aurait été victime dans le cadre de ses relations avec l’entreprise. Premièrement, elles évoquent le fait que le ministère du Travail a imposé un tribunal arbitral pour résoudre le conflit collectif au mépris des normes de l’OIT, en particulier de l’article 6 de la convention no 154 relative à la participation volontaire des parties à la négociation collective, dans le cadre de mécanismes de conciliation ou d’arbitrage. Elles déclarent à cet égard que: i) le ministère du Travail a décidé de convoquer un tribunal arbitral en se fondant sur l’idée erronée selon laquelle la grève affectait un service public essentiel, ce qui nuisait gravement à l’économie nationale, oubliant que l’on trouve en Colombie 43 autres entreprises de transport aérien de passagers et que 37 d’entre elles sont étrangères, ce qui fait qu’aucun droit fondamental des citoyens n’a pu être enfreint, puisque l’entreprise qui fait l’objet de la plainte n’est qu’une entreprise destinée au transport de personnes parmi d’autres; ii) le gouvernement national n’a pas pris de mesures pour protéger les droits d’association, de négociation collective et de grève des travailleurs dans le cadre du conflit collectif, étant donné qu’il a offert ses bons offices, non pour permettre la négociation collective, mais pour intervenir dans le conflit et le porter devant les tribunaux.
- 166. Deuxièmement, les organisations plaignantes affirment que la déclaration d’illégalité de la grève menée par l’ACDAC, fondée sur le fait que le transport aérien constituait un service public essentiel et que la grève organisée par les pilotes syndiqués de l’entreprise devait être votée par la majorité des travailleurs de celle-ci, était contraire aux principes de l’OIT. Elles déclarent à cet égard que: i) le transport aérien en Colombie ne satisfait pas aux critères déterminés par le Comité de la liberté syndicale et la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (CEACR) visant à définir les services publics essentiels au sens strict; ii) le Comité de la liberté syndicale comme la CEACR ont indiqué à plusieurs reprises et dans des cas spécifiques que le transport aérien ne constituait pas un service public essentiel au sens strict; iii) le Comité de la liberté syndicale et la CEACR ont également souligné que le fait d’exiger une majorité démesurée pour pouvoir déclencher une grève pouvait constituer une limitation importante des possibilités d’action des organisations syndicales.
- 167. Troisièmement, les organisations plaignantes renvoient à l’embauche de pilotes extérieurs à l’entreprise pendant la grève moyennant une intervention de l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile. Elles déclarent à cet égard que: i) la condition indispensable à l’exercice du droit de grève est l’interdiction du «remplacement par glissement» des travailleurs; les organisations syndicales ont ainsi la garantie que l’entreprise ne pourra pas embaucher d’autres travailleurs pour remplacer les travailleurs grévistes; ii) la décision prise en vertu de la décision no 03033 de l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile, qui réforme la réglementation pour permettre l’embauche de pilotes étrangers et ainsi le remplacement des travailleurs en grève, est contraire aux obligations assumées par l’État colombien en matière de droit d’association et de droits syndicaux.
- 168. Quatrièmement, les organisations plaignantes allèguent que les instances judiciaires qui se sont prononcées sur la légalité de la grève ont fait fi des droits de représentation de la CUT en lui refusant, en première et deuxième instances, la possibilité d’intervenir dans la procédure aux côtés de l’ACDAC, partie défenderesse. Elles déclarent à cet égard que les tribunaux ont exigé à tort que la CUT fasse preuve d’une implication importante et tangible dans la procédure et elles n’ont tenu aucun compte de la représentativité syndicale, de l’autonomie et de la légitimité de la CUT pour défendre dans toutes les instances nécessaires les garanties fondamentales de la liberté syndicale, violant ainsi les normes de l’OIT.
- 169. Cinquièmement, les organisations plaignantes allèguent que, pendant le déroulement de la grève, le principal actionnaire de l’entreprise a qualifié à plusieurs reprises les grévistes de «criminels et extorqueurs», ce qui, compte tenu du grave contexte de violence en Colombie, met en péril l’intégrité physique et la vie des membres de l’ACDAC et fait que d’autres travailleurs s’abstiennent d’exercer leurs droits par crainte des représailles de l’employeur. Les organisations plaignantes indiquent en outre que les actes de stigmatisation, de criminalisation et de discrédit du syndicat et des responsables syndicaux n’ont pas cessé avec la grève puisqu’ils se sont intensifiés au moment des licenciements qui ont fait suite à celle-ci, avec notamment l’ouverture de procédures pénales initiées par le ministère public contre les dirigeants syndicaux pour des délits présumés d’obstruction à la justice, la promotion de campagnes publiques de discrédit au prétexte d’une mauvaise gestion présumée des ressources du syndicat, entraînant des accusations de corruption, d’évasion fiscale ainsi que différentes formes de dénigrement dans les médias de large diffusion.
- 170. Sixièmement, les organisations plaignantes dénoncent le fait que l’article 450 du Code du travail autorise la liquidation du syndicat et le licenciement de travailleurs syndiqués ayant participé à la grève déclarée illégale, bien que cette décision judiciaire soit contraire aux principes de l’OIT. Elles ajoutent que ces dispositions contreviennent aux recommandations répétées de la CEACR à cet égard.
- 171. Les organisations plaignantes se réfèrent ci-après à une plainte antérieure déposée contre l’entreprise en 2004 et examinée par le comité dans le cas no 2362. Elles font savoir que le cas faisait référence à des licenciements antisyndicaux dans le cadre d’un processus de restructuration, au recrutement des travailleurs licenciés par l’intermédiaire de coopératives de travail, ce qui impliquait que ces travailleurs n’étaient pas couverts par la convention collective signée avec le groupe d’entreprises, à des menaces proférées contre des dirigeants syndicaux, au non-respect de la convention collective, à la conclusion d’un pacte collectif et aux pressions pour que les travailleurs y adhèrent, au licenciement de dirigeants syndicaux et au non-respect d’une convention collective. Les organisations plaignantes demandent que les faits dénoncés à cette occasion et les conclusions du comité y relatives soient pris en compte dans l’historique du présent cas et pour témoigner des activités antisyndicales de l’entreprise et de la responsabilité du gouvernement colombien dans les violations répétées des droits.
- 172. Les organisations plaignantes fournissent ci-après la liste des nombreuses actions administratives et judiciaires qu’elles ont engagées dans le cadre du présent conflit, en indiquant l’état d’avancement de chacune des procédures. Elles évoquent notamment leur tentative ratée visant à régler le conflit par la conciliation auprès de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT (CETCOIT). Elles déclarent à cet égard que: i) la demande de traitement du conflit auprès de la CETCOIT a été présentée par les organisations syndicales le 12 octobre 2017; ii) cette initiative visait à éviter la judiciarisation excessive du conflit collectif; iii) cependant, fin 2017, les représentants des employeurs auprès de la CETCOIT ont réaffirmé que le conflit devrait être traité par les instances judiciaires déjà en place et que le cas ne devrait pas être porté devant la CETCOIT, avec le soutien des représentants du gouvernement qui ont également refusé que le cas soit traité par la CETCOIT au motif que l’entreprise ne voudrait pas trouver un moyen de régler le conflit devant cette instance.
- 173. Sur la base de ce qui précède, la CUT et l’ACDAC prient le Comité de la liberté syndicale de formuler des recommandations à l’intention du gouvernement de la Colombie afin que: i) celui-ci supprime l’article 450 du Code du travail, qui stipule que l’employeur pourra licencier les travailleurs ayant participé à une grève une fois que cette grève aura été déclarée illégale, au motif qu’il s’agit d’une mesure excessive, dissuasive de l’action syndicale; ii) le Code du Travail soit révisé de sorte que seuls les critères des organes de contrôle de l’OIT soient pris en compte pour définir les services qualifiés d’essentiels et que le transport aérien ne soit pas considéré comme un service public essentiel; iii) le gouvernement empêche que les effets juridiques de la décision déclarant la grève illégale ne s’appliquent, au motif que cette décision a été prononcée conformément à des normes nationales qui sont contraires aux normes internationales du travail et aux recommandations des organes de contrôle de l’OIT à cet égard; iv) l’entreprise réintègre les travailleurs ayant participé à la grève et ayant été licenciés en application de la décision déclarant la grève illégale, prononcée en violation des recommandations de l’OIT, et qu’elle rétablisse les droits des travailleurs sanctionnés; v) le ministère du Travail s’abstienne dorénavant de constituer des tribunaux arbitraux si la demande n’en a pas été faite par l’une ou l’autre des parties au conflit; vi) l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile et les autres entités publiques nationales s’abstiennent, dorénavant, de prendre une quelconque mesure visant à promouvoir, autoriser ou assurer le remplacement du personnel en grève («remplacement par glissement»); vii) le gouvernement national et les autorités chargées des poursuites ou les autorités judiciaires, à l’échelle nationale, mettent fin aux poursuites pénales intentées aux membres de l’ACDAC pour des raisons liées à l’exercice de leur activité syndicale; viii) la liquidation du syndicat pour des motifs liés à la grève soit évitée; ix) le syndicat et ses membres n’aient pas à subir de conséquences financières pour faits de grève; x) les actes antisyndicaux prennent fin une fois pour toutes.
- 174. Dans une communication du 17 avril 2018, l’Association colombienne des auxiliaires de vol (ACAV) et le Syndicat des travailleurs du transport aérien colombien (SINTRATAC) expriment leur souhait d’être associés à la plainte déposée par la CUT et l’ACDAC. Les deux organisations affirment que leurs membres ont également été victimes, avec la complicité de l’État, de la politique antisyndicale menée par l’entreprise, et en particulier que: i) l’entreprise fait preuve de discrimination à l’égard de leurs membres; ii) à l’instar de ce qui se passe avec les pilotes de l’ACDAC, l’entreprise méconnaît les conventions collectives ayant été signées et tente d’imposer aux autres catégories de travailleurs le pacte collectif conclu avec les travailleurs non syndiqués; iii) l’État n’a pris aucune mesure décisive visant à sanctionner, pour l’exemple, l’entreprise pour recours indu à des pactes collectifs alors qu’il existait des syndicats en son sein; iv) le non-respect des recommandations des organes de contrôle de l’OIT concernant les pactes collectifs a mis fin à la négociation collective avec les syndicats et a permis que lui soient substitués des pactes signés avec une minorité de travailleurs non syndiqués; v) l’État colombien n’a pas offert aux pilotes grévistes de l’ACDAC les garanties judiciaires d’une procédure régulière; vi) l’État colombien a violé le droit de grève des pilotes de l’ACDAC, puisque le transport en général et le transport aérien en particulier ne font pas partie des services publics essentiels. Compte tenu de ce qui précède, l’ACAV et le SINTRATAC demandent au comité de protéger de toute urgence les droits syndicaux des pilotes, des auxiliaires de vol et des membres du personnel de cabine de l’entreprise qui sont menacés par les pactes collectifs susmentionnés.
- 175. Dans leur communication du 31 mai 2018, la CUT et l’ACDAC fournissent des éléments supplémentaires concernant l’allégation selon laquelle le pacte collectif conclu entre l’entreprise et les pilotes non syndiqués aurait un caractère antisyndical. Ces organisations affirment que les recommandations adressées à la Colombie par le comité et la CEACR, visant à ce qu’il ne soit pas possible de négocier collectivement avec les travailleurs non syndiqués des entreprises qui sont dotées d’organisations syndicales, ont été ignorées par le gouvernement. Elles font valoir que ce qui précède est démontré par la situation dans l’entreprise, pour laquelle le ministère du Travail n’a pris aucune mesure afin d’empêcher que des pactes collectifs portant gravement atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective ne soient signés et imposés aux travailleurs – le ministère a, au contraire, encouragé cette pratique. Elles déclarent qu’en agissant de la sorte le ministère du Travail a ignoré non seulement les conventions nos 87 et 98, mais aussi l’arrêt no T-069 de 2015 concernant le pacte collectif conclu par l’entreprise en 2013 et par lequel la Cour constitutionnelle a non seulement ordonné à l’entreprise de payer aux travailleurs syndiqués les prestations figurant dans le pacte collectif, mais a en outre exigé le respect de la liberté syndicale et de la négociation collective, sur la base des conventions nos 87 et 98.
- 176. Les organisations plaignantes indiquent spécifiquement ce qui suit: i) l’entreprise et l’Organisation des aviateurs d’Avianca (ODEAA) – une entité civile et non syndicale – se sont liguées pour promouvoir des pactes collectifs applicables aux pilotes non syndiqués qui sont discriminatoires à l’égard des pilotes syndiqués et qui cherchent à réformer la convention collective en vigueur avec l’ACDAC; ii) l’entreprise et l’ODEAA ont signé un pacte collectif en mars 2017; iii) le pacte transcrit de manière abusive le contenu de la convention collective, tout en modifiant plusieurs de ses clauses (membre d’équipage supplémentaire ou «tripadi», jours de congés, nuitées, recours à des équipages multiples, prime d’alimentation, permanence dans les aéroports, attribution de créneaux de vol les 25 décembre et 12 janvier, aide éducative, fonds pour le logement, congés syndicaux, billets pour les membres de la direction, subvention annuelle accordée par l’entreprise à l’organisation, échelon hiérarchique des pilotes et des copilotes, classification des membres d’équipage, maladies professionnelles, prime d’ancienneté, rémunération mensuelle, prime d’assiduité, prime de vol, prime de vacances, procédures disciplinaires, assurances-vie, prime à la maternité, indemnités de transport, retraite, services médicaux et billets pour les travailleurs retraités, uniformes, indemnités de subsistance, prime de transfert définitif, rémunération variable, cours de langues, abattement en faveur du syndicat); iv) bien que l’ODEAA soit une organisation civile et non syndicale et que, au moment où cette communication a été envoyée, seuls 30 pilotes avaient signé le pacte collectif, l’entreprise et l’ODEAA ont décidé ensemble de mentir aux médias et aux pilotes, en présentant l’ODEAA comme l’organisation représentant la majorité des pilotes de l’entreprise, l’élaboration du pacte comme un processus de négociation collective mené avec l’ensemble des pilotes de l’entreprise et le pacte collectif comme une convention collective; v) l’entreprise fait primer le pacte collectif sur la convention collective pour ce qui est des différents éléments mentionnés au point iii); vi) auparavant, en octobre 2013, l’entreprise avait déjà conclu un pacte collectif avec l’ODEAA (appelé «plan volontaire d’avantages») dont le contenu était discriminatoire à l’égard des pilotes syndiqués sur de nombreux points; vii) l’entreprise a tenté d’obliger les pilotes syndiqués ainsi que les auxiliaires de vol et le personnel au sol à accepter ces modifications en décourageant, par la promotion du pacte collectif, l’affiliation syndicale des travailleurs et en cherchant à retirer aux syndicats leur droit de négociation collective; viii) par son arrêt no T-069 de 2015, la Cour constitutionnelle a protégé les droits des pilotes et des auxiliaires de vol syndiqués en ordonnant à l’entreprise: a) d’étendre les prestations figurant dans le plan volontaire d’avantages aux travailleurs membres de l’ACDAC et à ceux bénéficiant de sa convention collective; b) de faire en sorte que les travailleurs qui, pour pouvoir bénéficier des prestations du plan volontaire d’avantages, avaient tourné le dos à l’ACDAC puissent réintégrer le syndicat et être de nouveau soumis au régime de la convention collective sans perdre la jouissance des prestations du plan volontaire d’avantages; c) de s’abstenir d’établir dans les pactes collectifs des conditions de travail impliquant une discrimination à l’encontre des travailleurs syndiqués et d’adopter des politiques qui tendent à décourager les travailleurs d’adhérer au syndicat ou d’y rester affiliés; ix) l’entreprise ne respecte pas l’arrêt no T-069 de 2015, comme le montre le contenu du pacte collectif – décrit ci dessus – déposé au ministère du Travail en mars 2017.
- 177. Ayant déclaré que les faits susmentionnés avaient conduit les pilotes syndiqués à exercer leur droit de grève conformément à la doctrine de l’OIT, les organisations plaignantes demandent au Comité de la liberté syndicale: i) d’exiger du gouvernement de la Colombie qu’il prenne les mesures nécessaires pour que le pacte collectif conclu entre l’entreprise et l’association civile ODEAA ne porte pas atteinte au droit de syndicalisation et de négociation collective; ii) d’exiger de l’entreprise qu’elle mette fin sans délai au pacte collectif passé avec l’ODEAA et un groupe de 30 pilotes et qu’elle ne signe plus aucun autre pacte collectif lorsqu’il existe au sein de sa structure des organisations syndicales telles que l’ACDAC, l’ACAV ou le SINTRATAC; iii) de demander que les articles 430 et 450 du Code du travail ne soit pas appliqués au motif qu’ils sont contraires aux normes de l’OIT et qu’ils ont permis le licenciement antisyndical de nombreux pilotes membres de l’ACDAC.
- 178. Dans leurs communications datées des 29 mai, 31 mai et 4 juin 2018, la CUT et l’ACDAC ont fait parvenir des informations complémentaires. Ces organisations indiquent en premier lieu qu’il existe en Colombie plus de 60 entreprises de transport aérien de passagers et plus de 20 entreprises d’ambulances aériennes, ce qui a permis de conserver plus de 70 pour cent du trafic aérien national pendant la grève. Elles affirment en outre que, à la suite des actions menées par l’entreprise au cours du conflit collectif dont il est ici question, 25 pour cent des pilotes de l’entreprise membres de l’ACDAC ont quitté le syndicat (soit 179 des 702 membres que comptait l’ACDAC dans l’entreprise au début de la grève). Ces travailleurs sont désormais couverts par le pacte collectif que l’entreprise a conclu avec les pilotes non syndiqués, ce qui contribue ce faisant à décourager la liberté syndicale et la négociation collective, étant donné que la solution du pacte collectif est beaucoup moins risquée dans un contexte de discrimination antisyndicale.
- 179. Dans deux communications datées du 1er et du 31 octobre 2018, l’ACDAC fait valoir que les pilotes syndiqués ont fait l’objet d’écoutes illégales mises en place par un prestataire de l’entreprise afin de connaître à l’avance quels recours le syndicat était sur le point d’intenter, et elles allèguent en outre que le contenu intercepté a été utilisé par l’entreprise dans le cadre des procédures disciplinaires qui ont fait suite à la grève des pilotes. L’organisation plaignante indique que ces interceptions font l’objet d’une enquête du ministère public et que, dans le cadre de cette procédure, une personne a été arrêtée. L’organisation syndicale signale en outre que l’entreprise fait subir un blocus économique à l’ACDAC en bloquant le versement des cotisations ordinaires et extraordinaires de ses membres, essayant de cette façon d’empêcher le syndicat de remplir son rôle et de défendre les victimes du conflit collectif. Enfin, l’ACDAC déclare que ces nouveaux faits démontrent la nécessité d’un examen urgent par le comité de la présente plainte.
- 180. Dans une communication en date du 11 janvier 2019, l’ACDAC affirme que l’enquête sur les écoutes illégales menée par le ministère public a révélé l’existence d’un réseau criminel organisé dans lequel étaient impliqués les avocats de l’entreprise, mais aussi des fonctionnaires du ministère public lui-même. L’organisation syndicale indique en outre que le gouvernement et le Congrès de la République préparent un projet de loi intitulé «Statut du consommateur» qui vise à établir le transport aérien comme service public essentiel, ce qui va à l’encontre des normes de l’OIT et des recommandations des organes de contrôle de l’Organisation.
- 181. Dans une communication en date du 1er avril 2019, la CUT demande l’examen du cas par le comité. Outre les allégations présentées dans des communications précédentes, l’organisation plaignante dénonce: i) l’absence de protection du ministère du Travail et des tribunaux face aux nombreuses irrégularités et décisions arbitraires intervenues au cours des procédures disciplinaires qui ont abouti au licenciement de plus de 100 pilotes syndiqués et à la sanction de plus de 100 autres pilotes; ii) le préjudice irréversible causé aux pilotes licenciés qui ne peuvent pas être embauchés de nouveau par d’autres compagnies, parce que trop de temps s’est écoulé sans qu’ils puissent effectuer des heures de vol; iii) l’absence de garanties judiciaires concernant la résolution du conflit, étant donné que la Cour constitutionnelle est présidée par un avocat qui a été au service de l’entreprise et qui, malgré cela, intervient dans les recours en protection pour faire en sorte que la Cour constitutionnelle ne les examine pas; iv) la demande de dissolution de l’ACDAC entraînant la perte de sa personnalité juridique, présentée par l’entreprise moyennant une procédure judiciaire accélérée et basée sur la déclaration d’illégalité de la grève menée par le syndicat. La CUT déclare à cet égard que la suppression du syndicat, conséquence des erreurs commises par l’État en qualifiant de manière irrégulière la grève d’illégale, entraînerait la disparition de huit conventions collectives du secteur aérien et laisserait sans protection les plus de 1 000 familles qui en bénéficient. La CUT indique enfin que, devant la gravité des atteintes portées aux droits des travailleurs, les actions pertinentes ont été engagées non seulement auprès de l’OIT, mais aussi auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
- 182. Dans leurs communications en date des 15 et 21 mai 2019, l’ACAV, le SINTRATAC et l’ACDAC demandent également l’intervention urgente du comité afin que celui-ci examine la présente plainte, étant donné le risque de disparition imminente de l’ACDAC à la suite de la procédure judiciaire engagée à son encontre. L’ACAV et le SINTRATAC ajoutent que les auxiliaires de vol et les membres d’équipage ne peuvent pas non plus négocier collectivement avec l’entreprise par l’intermédiaire des syndicats existants, parce que celle-ci fait passer les intérêts du pacte collectif en premier et parce qu’une vingtaine d’auxiliaires de vol ont été licenciés après la présentation du cahier de revendications de leur syndicat.
- 183. Dans une communication en date du 21 juin 2019, l’ACAV et le SINTRATAC indiquent que la justice pénale vient de condamner un fonctionnaire du ministère public, Luis Carlos Góngora, pour les écoutes illégales dont les pilotes syndiqués de l’ACDAC ont été victimes au cours de la grève. Les organisations affirment que, dans le jugement, il est dit que les avocats de l’entreprise avaient un intérêt dans l’interception des conversations des pilotes tout au long du conflit collectif et elles ajoutent que le jugement démontre la gravité du cas et la nécessité qu’il soit examiné d’urgence par le comité.
- 184. Dans une communication en date du 26 août 2019, l’ACDAC déclare que les conséquences de sa dissolution judiciaire, laquelle, selon ses allégations, serait imminente, impliqueraient: i) la disparition de conventions collectives d’entreprises du secteur aérien et des avantages qu’elles offrent à des milliers de pilotes en activité et retraités; ii) l’impossibilité pour le syndicat de continuer à tenter d’améliorer les conditions de travail des pilotes; iii) l’impossibilité de poursuivre les actions juridiques engagées pour protéger les droits syndicaux dans le secteur de l’aviation; iv) la primauté du pacte collectif de l’entreprise en tant que source réglementaire de droit applicable à l’ensemble des pilotes, ce qui créerait un fâcheux précédent pour les autres syndicats de l’entreprise qui sont également menacés par les pactes collectifs; v) l’impunité face aux violations des droits syndicaux et des droits de négociation collective des membres de l’ACDAC.
- 185. Dans leurs communications datées des 7 et 11 février et du 2 mars 2020, les organisations plaignantes dénoncent les menaces de mort dont les dirigeants de l’ACDAC et les membres de leurs familles font l’objet. Selon elles, cette situation rend impossible la comparution de l’ACDAC devant la CETCOIT et impose l’examen urgent du cas par le comité.
- 186. Dans leurs communications datées des 14 et 26 janvier 2021, les organisations plaignantes font référence à un accord que l’entreprise et l’ACDAC ont signé le 27 octobre 2020. À cet égard, elles déclarent ce qui suit: i) elles se félicitent de l’accord en question, qui vise à maintenir l’entreprise en activité et à préserver les emplois dans un contexte économique très difficile; ii) cet accord, basé sur la confiance qui s’est établie entre le nouveau directeur général de l’entreprise et l’ACDAC, a été rendu possible par le sacrifice de droits extralégaux (réduction des salaires et suspension de l’application de certaines dispositions conventionnelles pour quatre ans) volontairement consenti par le syndicat et par la volonté de l’entreprise de maintenir le plus d’emplois possibles. Cela étant, les organisations plaignantes constatent ce qui suit: i) le fait que l’accord a pour seul objectif de maintenir l’entreprise en activité et de préserver les emplois au moyen des mesures susmentionnées; ii) le fait qu’il doit encore être remédié à la plupart des violations ayant donné lieu à la présente plainte, en particulier celles reliées à l’exercice du droit de grève, aux actes de discrimination commis contre les pilotes grévistes, aux plaintes pénales déposées contre les dirigeants de l’ACDAC et au recours à des conventions collectives conclues avec les travailleurs non syndiqués, raisons pour lesquelles le comité doit examiner le présent cas.
- 187. L’ACDAC communique le texte de l’accord du 27 octobre 2020 conclu avec l’entreprise et affirme ce qui suit: i) l’accord dispose expressément que l’ACDAC est un syndicat de profession; ii) le fait que l’entreprise s’est désistée unilatéralement de ses actions en justice démontre qu’il n’y avait pas de motifs justifiant qu’elle les poursuive; iii) au titre de l’accord, l’entreprise s’est engagée à s’abstenir de tout acte contraire à la liberté syndicale ou aux droits reconnus par la convention collective conclue avec l’ACDAC, mais cela ne l’a pas empêchée de signer le mois suivant un pacte collectif avec les pilotes non syndiqués, dans lequel elle sape l’accord et exerce une discrimination à l’égard des pilotes de l’ACDAC sur le plan opérationnel; iv) l’accord prévoit que l’entreprise se pliera à toute décision qui pourrait être rendue par une instance nationale ou internationale concernant la réintégration des pilotes, ce qui démontre qu’elle consent à ce que le présent cas soit examiné par le comité.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 188. Dans une communication datée du 24 avril 2019, le gouvernement transmet les observations de l’entreprise, ainsi que sa propre réponse aux allégations des organisations plaignantes. L’entreprise indique en premier lieu que: i) l’ACDAC est, selon ses statuts, une organisation syndicale de branche; ii) elle est minoritaire au sein de l’entreprise (au 15 septembre 2017, elle comptait 693 adhérents sur les 8 524 travailleurs que compte l’usine de l’entreprise); iii) l’entreprise a signé plusieurs conventions collectives avec l’ACDAC et a toujours respecté les droits extralégaux contenus dans ces instruments; iv) en 2013, l’ACDAC a présenté un cahier de revendications, mais a décidé de quitter la table des négociations, et aucun accord n’a pu être signé; v) dans le cadre d’une concertation organisée sous les auspices du ministère du Travail, un plan volontaire d’avantages a été proposé par l’entreprise à tous les pilotes, ce qui rendait impossible tout acte discriminatoire; vi) ce plan n’est pas pertinent en l’espèce, car il a cessé de s’appliquer au 1er mai 2017 et que cette question a déjà été tranchée par un tribunal et examinée dans le cadre du cas no 2362 par le Comité de la liberté syndicale; vii) le 17 décembre 2013, l’ACDAC a présenté un cahier de revendications, sans avoir préalablement dénoncé la convention collective de travail; viii) malgré l’absence de dénonciation de la convention, l’entreprise a engagé le 21 mars 2014 l’étape de règlement direct, qui s’est conclue le 10 avril de la même année sans qu’aucun accord ne soit trouvé; ix) à la demande de l’ACDAC, le ministère du Travail a convoqué un tribunal arbitral, décision contestée par l’entreprise, mais confirmée par une décision du 30 avril 2014; x) le 5 octobre 2015, l’ACDAC a retiré sans motif le cahier de revendications qu’elle avait présenté en décembre 2013; xi) le 8 août 2017, l’ACDAC a présenté un nouveau cahier de revendications sans avoir prouvé qu’elle avait dénoncé la convention collective; xii) l’étape de règlement direct a duré jusqu’au 11 septembre 2017 sans qu’aucun accord ne soit conclu; xiii) une fois cette étape achevée, l’entreprise a rencontré le syndicat à plus de six occasions avec l’appui du ministère du Travail; xiv) l’organisation syndicale a choisi de déclencher illégalement une grève dans l’entreprise, alors qu’elle n’avait pas obtenu les majorités requises par la législation et que la grève touchait un service public essentiel au sens strict; xv) le 3 octobre 2017, l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile a pris une décision de nature générale déployant des effets erga omnes en vue d’élargir les possibilités d’embauche de commandants étrangers en Colombie (l’ACDAC a déposé un recours en protection contre cette décision, qui a d’abord été suspendue puis déclarée illégale, raison pour laquelle l’entreprise s’est abstenue d’embaucher des commandants étrangers); xvi) l’entreprise considère que Jaime Hernández, président de l’ACDAC, a eu des comportements pouvant constituer un délit d’incitation à la panique économique, raison pour laquelle elle a porté plainte; xvii) le 6 octobre 2017, le Tribunal supérieur du district judiciaire de Bogotá a déclaré illégale en première instance la grève menée par l’ACDAC pour les deux motifs mentionnés au point xiv); xviii) le ministère du Travail a de nouveau convoqué un tribunal arbitral alors que l’action en justice concernant la détermination de la légalité de la grève avait déjà été engagée; xix) la sentence arbitrale a été rendue le 7 décembre 2017, donnant lieu à un recours en annulation qui est toujours en instance; xx) après la fin de la grève, l’entreprise a réintégré les travailleurs grévistes; xxi) après que la grève a été déclarée illégale et dans le plein respect des règles de procédure et sur la base de raisons objectives et impérieuses, l’entreprise a mis fin pour juste cause au contrat de travail de 83 pilotes; xxii) l’entreprise allègue que le conseil de direction de l’ACDAC a eu un comportement constituant un délit d’obstruction à la justice, raison pour laquelle elle a déposé plainte auprès de l’autorité compétente pour lui demander de procéder à une enquête; xxiii) bien que l’entreprise ait signalé la possibilité d’engager au civil des actions de nature patrimoniale en vue de l’indemnisation des dommages, aucune action de ce type n’a été engagée contre un adhérent de l’ACDAC.
- 189. L’entreprise donne son opinion sur la déclaration judiciaire d’illégalité de la grève, affirmant qu’elle était conforme aux principes de l’OIT et rappelant que la compétence judiciaire en matière de détermination de la légalité ou de l’illégalité d’une grève découle d’une réforme législative de 2008 adoptée pour donner effet aux recommandations des organes de contrôle à cet égard. L’entreprise fait observer que la Cour suprême a constaté en premier lieu que, conformément aux principes démocratiques reconnus par la Constitution politique et les organes de contrôle de l’OIT, l’ACDAC n’avait pas obtenu la majorité requise par l’article 444 du Code du travail pour pouvoir déclencher une grève. L’entreprise indique à cet égard que: i) sans préjudice du fait que l’ACDAC est considérée comme un syndicat de branche ou de profession, elle devait respecter les principes démocratiques en matière de vote de la grève établis par l’article 444 du Code du travail; ii) le comportement de l’ACDAC au moment du vote de la grève démontre qu’elle est reconnue comme un syndicat minoritaire puisque, comme le prouve le procès-verbal de la réunion, elle a demandé la convocation d’autres organisations syndicales de l’entreprise afin d’obtenir un vote majoritaire de tous les travailleurs de l’entreprise en faveur de la grève; iii) sans préjudice de ce qui précède, l’ACDAC a finalement tenu son vote dans une salle exclusivement réservée à ses adhérents, sans que finalement les adhérents des autres syndicats ne votent, sans permettre, malgré leur demande, la participation de travailleurs non syndiqués et sans non plus accepter que l’inspecteur du travail constate les résultats du vote pour en garantir la fidélité; iv) en conséquence de ce qui précède, 279 travailleurs seulement sur les 8 642 travailleurs que compte l’entreprise ont voté en faveur de la grève.
- 190. L’entreprise indique en outre que, aux fins de déterminer si la grève était légale, la Cour suprême a également considéré que, dans le contexte colombien, le transport aérien constitue un service public essentiel puisque: i) il assure la fourniture de biens et de services propres à garantir des droits fondamentaux comme la santé et l’éducation; ii) il permet le transport de patients et de fournitures médicales visant à garantir le droit de la population à la vie et à la santé; iii) il permet en outre d’apporter une assistance humanitaire à des populations éloignées et isolées au sein du territoire national et assure la liaison avec des régions enclavées ou reculées qui n’ont pas d’autres moyens de transport. L’entreprise cite en exemples les habitants de l’île de San Andrés et de la ville de Leticia, dont la situation géographique fait du transport aérien le principal et presque unique moyen d’approvisionner les personnes en vivres et en médicaments et d’assurer leurs déplacements. L’entreprise se réfère également à la déclaration du gouverneur du département de Caldas, citée dans l’arrêt de la Cour suprême, dans laquelle le gouverneur exprime sa préoccupation quant aux conséquences de la cessation des activités de l’entreprise pour la région, qui se trouve «[...] totalement isolée du reste du pays [...]» À ce propos, l’entreprise communique les chiffres suivants: en raison de la situation économique et de l’état des infrastructures de la Colombie, elle assure 48 pour cent du transport de passagers, 80 pour cent de l’approvisionnement en vivres du département de San Andrés, Providencia et Santa Catalina et 50 pour cent de l’approvisionnement en vivres de la ville de Leticia, capitale du département d’Amazonas. C’est la seule compagnie aérienne autorisée à transporter, entre autres, des médicaments, des organes humains, du sang, du plasma, des produits destinés à des traitements de chimiothérapie, des dépouilles humaines, des fournitures médicales et des équipements chirurgicaux. C’est la seule compagnie aérienne de Colombie qui assure le transport de la population de Manizales, dans le département de Caldas. La grève de 51 jours a touché plus de 377 000 passagers et entraîné l’annulation de 14 547 vols.
- 191. L’entreprise conclut en indiquant que le réaménagement de l’activité de l’entreprise et le fait qu’elle soit considérée comme un service public essentiel au sens strict ont fait l’objet d’une analyse détaillée par la voie judiciaire, suite à une audience au cours de laquelle il a été objectivement prouvé que la cessation de son activité en Colombie mettait en péril la vie, la sécurité et la santé de tout ou partie de la population, compte tenu du contexte et des infrastructures de transport du pays. L’entreprise affirme en outre que l’arrêté de la Cour suprême est fondé sur les lignes directrices élaborées par la Cour constitutionnelle du pays à l’occasion de son interprétation de l’article 56 de la Constitution politique, qui garantit le droit de grève, hormis dans les services publics essentiels définis par le législateur, et que cette jurisprudence tient pleinement compte des critères établis par les organes de contrôle de l’OIT à cet égard. L’entreprise ajoute que la Cour constitutionnelle a déjà souligné, à de précédentes occasions, le caractère essentiel de l’activité des entreprises de transport en général (arrêt no C-450 du 4 octobre 1995) et de l’entreprise qui fait l’objet du présent cas (arrêt no T-987 du 23 novembre 2012).
- 192. L’entreprise affirme que dans leurs allégations, les organisations plaignantes se réfèrent par erreur à des cas antérieurs du Comité de la liberté syndicale dont les éléments factuels sont très différents de ceux du présent cas, ce qui ne permet pas d’en faire un usage décontextualisé, surtout si l’on considère que: i) le comité soutient clairement que l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays; ii) un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé des populations; iii) en l’espèce, la grève de l’ACDAC a duré 51 jours.
- 193. L’entreprise fournit des détails supplémentaires sur les procédures disciplinaires qu’elle a appliquées aux grévistes, en précisant à cet égard que: i) elle respecte une procédure préalablement établie avec l’organisation syndicale dans le cadre de la convention collective, procédure qui est conforme aux dispositions de la législation colombienne; ii) cette procédure prévoit l’identification des travailleurs qui ont participé à la grève, l’établissement du degré de participation des intéressés et, par conséquent, l’application de sanctions non discrétionnaires correspondant au degré de participation de chacun des pilotes, sans préjudice des exemptions accordées dans les cas où il a été prouvé que le pilote n’était pas intervenu dans les activités de l’organisation syndicale; iii) en vertu de l’article 450 2) du Code du travail, l’employeur a le pouvoir de licencier les travailleurs qui ont participé à une grève déclarée illégale par la justice; iv) cette règle a été déclarée exécutoire par la Cour suprême de justice et est conforme à la position du Comité de la liberté syndicale sur la question, qui ne refuse le licenciement de travailleurs que s’il fait suite à une grève légitime; v) une procédure transparente et sérieuse a été mise en place pour réintégrer les travailleurs qui ont participé à la grève déclarée illégale, et la majorité des pilotes grévistes font toujours partie de l’entreprise (sur les 702 pilotes qui ont participé à la grève, 232 ont fait l’objet de mesures disciplinaires, ce qui a entraîné le licenciement de 83 pilotes et la suspension de 129 autres); vi) seuls les pilotes dont l’entreprise était certaine qu’ils avaient favorisé la grève en y participant activement ont vu leur contrat de travail résilié; vii) en revanche, lorsqu’il n’a pas été possible d’établir qu’un pilote avait favorisé la grève mais y avait pris part d’une manière que l’on pourrait qualifier de passive, la sanction imposée a été la suspension du contrat de travail. L’entreprise fait savoir que plusieurs actions administratives et judiciaires relatives à la présente affaire sont toujours en instance et que le comité devrait donc attendre qu’elles aient abouti au niveau national afin d’éviter une double enquête et de disposer de tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’analyse du cas.
- 194. L’entreprise communique également ses observations sur les allégations supplémentaires soumises par les organisations plaignantes en octobre 2018 et janvier 2019. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des actions auraient été engagées au civil et au pénal contre les dirigeants de l’ACDAC, l’entreprise indique que: i) une demande d’indemnisation ne saurait en aucun cas être considérée comme une action au pénal, et récemment l’entreprise a introduit une demande devant le seizième tribunal civil du circuit de Bogotá pour faire reconnaître et indemniser les graves dommages causés par la cessation d’activité illégale; ii) l’entreprise nie que le président de l’ACDAC ait fait l’objet d’un «procès au pénal» «pour avoir exercé ses fonctions statutaires et légales consistant à défendre et représenter les pilotes»; iii) le président de l’ACDAC fait effectivement l’objet d’une plainte au pénal à la demande du ministère public pour les déclarations qu’il a faites dans une émission de télévision concernant l’accident d’un avion appartenant à la compagnie Aerolínea Boliviana Lamia qui s’est produit le 28 novembre 2016; iv) au cours de cette émission, M. Hernández a fait des déclarations de caractère négatif et erroné sur l’entreprise; v) les déclarations concernant l’accident d’un avion appartenant à une compagnie extérieure à l’entreprise n’ont aucun rapport avec les «fonctions statutaires et légales de défense et de représentation des pilotes». En ce qui concerne les allégations de l’ACDAC selon lesquelles les procédures disciplinaires engagées et les licenciements prononcés suite à la grève seraient entachés d’irrégularités, l’entreprise déclare que les procédures disciplinaires ont été menées dans le plein respect des garanties d’une procédure régulière. La résiliation des contrats de travail pour juste cause découle de la décision judiciaire qui a déclaré illégale la grève de l’ACDAC dans le cadre d’une procédure spéciale, comme le prévoit la loi no 1210 de 2008. Des procédures disciplinaires ont ensuite été menées pour identifier les travailleurs qui avaient participé à la grève et déterminer leur degré de participation, et pour vérifier si des infractions aux règles disciplinaires avaient été commises à l’occasion de la cessation illégale des activités. En ce qui concerne les allégations d’écoutes illégales, l’entreprise: i) nie catégoriquement tout lien avec lesdites écoutes et indique qu’elle n’a jamais passé de contrat avec des services dans ce but ni demandé à une personne physique ou morale d’effectuer ces écoutes; ii) déclare qu’il n’existe à ce jour aucune décision judiciaire ou enquête pénale dont l’entreprise ait été informée et que cette dernière a agi en qualité de victime dans le cadre d’une action de groupe à l’issue de laquelle elle été reconnue comme telle par les juges de la République; iii) en avril 2017, l’entreprise a confié à la multinationale Berkeley Research Group (ci-après «la société d’enquête») la réalisation d’enquêtes mondiales visant à établir l’existence de fraudes internes commises au détriment de l’entreprise; iv) suite à l’arrestation de M. Fernández, représentant de la société d’enquête en Colombie, et jusqu’à ce que l’enquête du ministère public ait abouti, l’entreprise suspend ses relations avec la filiale de la société d’enquête dans le pays.
- 195. L’entreprise indique en outre que: i) elle a procédé en temps voulu au versement des cotisations syndicales à l’ACDAC, comme le montre une attestation de sa direction faisant état de cotisations syndicales d’un montant total de 3 684 836 518 pesos colombiens prélevé sur les salaires des pilotes en 2017, 2018 et pour les mois de janvier et février 2019; ii) il n’existe pas de liste noire des pilotes qui ont participé à la grève, comme en témoigne le pourcentage élevé d’entre eux qui continuent à exercer leurs fonctions au sein de l’entreprise; iii) en ce qui concerne la présentation de projets de loi relatifs à l’exercice de la grève dans le secteur aérien, ces projets de loi sont une nécessité pour faire face à un besoin social.
- 196. Le gouvernement répond aux allégations des organisations plaignantes. Il indique que tous les faits mentionnés dans la présente plainte qui sont antérieurs au dépôt du cahier de revendications par l’ACDAC le 8 août 2017 relèvent du cas no 2362 actuellement en instance devant le Comité de la liberté syndicale et que, conformément aux règles établies par le comité lui-même, ils ne devraient pas être réexaminés dans le cadre du présent cas. Le gouvernement déclare que ces faits concernent notamment des aspects liés au plan volontaire d’avantages proposé par l’entreprise en 2013 (qui n’est plus appliqué) et à l’exécution de l’arrêt de la Cour constitutionnelle no T-069 de 2015.
- 197. Le gouvernement indique de manière générale que les conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT font partie du bloc de constitutionnalité du pays et sont donc nécessairement utilisées aux fins de l’interprétation des droits des travailleurs. Il rappelle que la notion de négociation collective consacrée par la convention no 154 est plus large que celle de cahier de revendications et de convention collective et qu’elle couvre également les mécanismes d’arbitrage et de grève, qui sont donc protégés par le droit de négociation collective garanti par la Constitution politique et les conventions internationales.
- 198. Le gouvernement souligne que l’article 4 de la convention no 98 et le paragraphe 1 de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, insistent sur la nécessité d’adapter les mécanismes de négociation collective aux conditions nationales et établissent ainsi clairement qu’il appartient à chaque pays de réglementer, selon le contexte national, les aspects afférents à la négociation collective et au droit de grève, entre autres. Le gouvernement indique que le Comité de la liberté syndicale a par ailleurs toujours reconnu que la détermination du caractère essentiel d’un service public dépend largement de la situation propre à chaque pays et que ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue.
- 199. En ce qui concerne l’exercice du droit de grève dans le secteur aérien, le gouvernement renvoie en premier lieu au régime juridique du droit de grève en Colombie et à l’article 56 de la Constitution politique, qui garantissent ce droit en faisant une exception pour les services publics essentiels définis par la législation. Il précise que, si le droit de grève n’est pas un droit absolu, il ne peut être limité que dans le cas des services publics essentiels, deux conditions fixées par la Cour constitutionnelle, l’une matérielle et l’autre formelle, devant être respectées pour pouvoir limiter légitimement ce droit: i) du point de vue matériel, la grève doit être menée dans le cadre d’un service public qui, par sa nature même, peut être considéré comme un service public essentiel; et ii) du point de vue formel, le législateur doit avoir non seulement expressément attribué à l’activité concernée le caractère de service public essentiel, mais aussi expressément restreint le droit de grève à l’égard de cette activité, en suivant à cet effet le critère matériel de service public essentiel dans la mesure où il touche au cœur des droits fondamentaux.
- 200. Le gouvernement se réfère à l’arrêt no C-450 de 1995 de la Cour constitutionnelle dans lequel, au sujet du caractère non absolu du droit de grève, la cour précise que la grève ne peut pas porter atteinte aux libertés et droits fondamentaux des personnes qui ne sont pas acteurs du conflit, puisque ce dernier oppose les travailleurs et les employeurs et que le recours à la grève dans les services publics ne peut ni menacer ni violer les droits de la collectivité et de l’État lui-même. La cour affirme également que la balance entre intérêts et droits contradictoires doit pencher en faveur des droits fondamentaux, c’est-à-dire des droits des utilisateurs des services publics.
- 201. Le gouvernement ajoute qu’en vertu de la loi no 1210 de 2008, qui a été adoptée en vue de donner effet aux recommandations des organes de contrôle de l’OIT et accueillie avec satisfaction par la CEACR, il appartient au pouvoir judiciaire de déclarer si la grève est légale ou illégale. Le gouvernement indique que la chambre du travail du Tribunal supérieur du district judiciaire de Bogotá, dans son arrêt du 6 octobre 2017, tout comme la chambre du travail de la Cour suprême de justice, dans son arrêt du 7 octobre 2017, ont déclaré, en pleine conformité avec la législation colombienne et les normes de l’OIT, que la grève menée par l’ACDAC était illégale au motif que le transport aérien est un service public essentiel et que l’ACDAC n’avait pas convoqué la majorité des travailleurs de l’entreprise pour décider de cette grève. Le gouvernement ajoute que, en réponse à un recours en protection déposé par l’ACDAC contre les deux arrêts précités, la chambre civile de la Cour suprême a décidé, dans un arrêt du 18 juillet 2018, de confirmer l’illégalité de la grève engagée par l’ACDAC.
- 202. En ce qui concerne le caractère de service public essentiel du transport aérien, le gouvernement fait observer que la législation colombienne définit clairement et expressément le transport public aérien comme un service public essentiel, comme le prévoient les articles 5 et 68 de la loi no 336 de 1996 et l’article 430 b) du Code du travail. Le gouvernement déclare à cet égard que: i) le transport aérien relie les personnes, les pays et les cultures, offre un débouché sur les marchés mondiaux et génère des échanges commerciaux et du tourisme, crée des liens entre pays développés et pays en développement; ii) les réseaux de transport aérien facilitent l’acheminement de l’aide d’urgence et humanitaire vers n’importe quelle partie du globe et assurent la livraison rapide de fournitures médicales et d’organes destinés à la transplantation chez l’homme; iii) le transport aérien en Colombie est souvent le seul moyen de se déplacer vers et depuis les régions reculées, ce qui lui permet de répondre à de nombreux besoins et même d’être un acteur majeur de l’inclusion sociale dans la mesure où il relie les habitants de ces régions avec le reste de la nation; iv) cette activité est essentielle, car elle est étroitement liée à l’exercice du droit à la vie et au travail, qui est reconnu comme un droit fondamental par la Constitution politique; v) il est obligatoire de tenir compte des conséquences que la grève de pilotes d’une entreprise de transport aérien peut avoir pour les usagers; les données concernant les annulations de vols, le nombre de passagers lésés, l’impact sur des événements programmés (opérations chirurgicales, congrès, séminaires, forums…) ainsi que sur les entreprises des différents secteurs montrent clairement que la grève affecte directement la vie et l’activité économique des personnes et peut même mettre en péril la santé, la vie et les possibilités de travail des passagers potentiels; vi) le fait pour une entreprise de ne pas assurer un service public de transport aérien pendant plus de 50 jours est une source de préoccupation, a des incidences négatives graves, affecte la vie, la santé, le bien-être, les projets de toutes les personnes qui ont déjà acheté leur billet d’avion ainsi que de celles qui prévoient de voyager pour le plaisir, pour rendre visite à leur famille, pour une opération chirurgicale, pour une consultation médicale ou parce qu’elles espèrent trouver du travail; vii) le pays ne dispose pas d’autres moyens de transport qui soient de près ou de loin aussi efficaces que le transport aérien, il ne possède ni embarcations fluviales ni moyens de transport ferroviaire de faible ou forte capacité; seul le transport aérien permet de se déplacer sans risques entre deux points éloignés l’un de l’autre. Le gouvernement indique que, au vu de tout ce qui précède, la Cour suprême a considéré dans son arrêt du 29 novembre 2017 précité que, «[d]ans des environnements sociaux comme le nôtre, le transport aérien assure la fourniture de biens et de services garantissant des droits fondamentaux tels que la santé et l’éducation». Il indique également que, dans le même arrêt, le juge Ernesto Carvajalino Contreras a considéré «que l’entreprise [...] assure un service public essentiel et qu’il est donc interdit à ses travailleurs de faire grève [...]. Par conséquent, conformément à la Constitution, la cessation des activités doit être déclarée illégale en vertu des dispositions des articles 430 et 450 a) du Code du travail et des articles 5 et 68 de la loi no 336 de 1998, ainsi que de la jurisprudence suivie par la Cour suprême tout au long du présent arrêt».
- 203. En ce qui concerne le soutien minoritaire à la grève au sein de l’entreprise, le gouvernement déclare que, en vertu de l’article 444 du Code du travail, «[l]a grève ou la demande d’arbitrage sont décidées dans un délai de dix (10) jours ouvrables [...] au moyen d’un vote à bulletin secret, personnel et sans possibilité de procuration, à la majorité absolue des travailleurs de l’entreprise ou de l’assemblée générale des membres du syndicat ou des syndicats qui regroupent plus de la moitié des travailleurs». Le gouvernement indique que, comme le souligne la décision prise en première instance par le Tribunal supérieur du district judiciaire de Bogotá, le vote n’a eu lieu qu’au sein de l’assemblée générale des membres, et non à la majorité absolue des voix de l’ensemble des effectifs de l’entreprise, et que 279 travailleurs seulement ont voté pour la grève alors que l’entreprise compte 8 642 travailleurs.
- 204. Le gouvernement se réfère à la décision du ministère du Travail de convoquer, pendant la durée de la grève, un tribunal arbitral. Il indique que cette décision était pleinement légale et constitutionnelle puisque, comme mentionné ci-dessus, il ressort clairement de plusieurs dispositions législatives que le transport aérien constitue un service public essentiel et que, selon l’article 452 du Code du travail, déclaré constitutionnel par la Cour constitutionnelle, les conflits collectifs affectant des services publics essentiels qui n’ont pas été résolus par voie de règlement direct sont soumis à arbitrage obligatoire. Le gouvernement ajoute que la convocation d’un tribunal arbitral par le ministère du Travail ne préjuge pas de la légalité ou de l’illégalité d’une grève dans un service public essentiel, puisque la détermination du caractère légal ou illégal d’une grève relève de la compétence des autorités judiciaires, comme le précise l’article 2 de la loi no 1210 de 2008. En ce qui concerne les recours en justice introduits par l’ACDAC contre la convocation du tribunal arbitral, le gouvernement indique que le tribunal administratif de Cundinamarca et celui d’Antioquia ont tous deux rejeté ces recours au motif que l’acte administratif était conforme au droit applicable en cas de conflit collectif affectant la fourniture d’un service public essentiel.
- 205. En ce qui concerne la décision de l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile qui, selon les organisations plaignantes, aurait permis l’embauche de pilotes étrangers pour assurer les liaisons aériennes annulées en raison de la grève, le gouvernement fait observer que la décision en question était de nature générale et visait toutes les compagnies aériennes, et pas seulement l’entreprise faisant l’objet de la présente plainte, et n’avait donc pas pour but de procéder à un «remplacement par glissement». Le gouvernement ajoute que, en dépit de ce qui précède, le recours en protection déposé par l’ACDAC a abouti et que, par conséquent, la décision susmentionnée n’a pas été appliquée et l’entreprise n’a pas embauché de pilotes étrangers.
- 206. En ce qui concerne les procédures disciplinaires engagées suite à la grève, le gouvernement indique que: i) suite à l’arrêt de la Cour suprême du 29 novembre 2017 confirmant l’illégalité de la grève, la ministre du Travail a immédiatement écrit à l’entreprise pour lui rappeler qu’elle était tenue d’appliquer les dispositions de l’article 1 du décret no 2164 de 1959 et pour préciser que le ministère du Travail suivrait les affaires pour lesquelles il est compétent; ii) suite à la demande formulée par l’ACDAC par l’intermédiaire du Défenseur du peuple d’accompagner le processus de réintégration des pilotes une fois la grève déclarée illégale, le ministère du Travail a chargé une inspectrice du travail de mener des enquêtes les 17 et 18 janvier et les 21 et 22 mars 2018; iii) une fois les procédures disciplinaires engagées par l’entreprise, la Direction territoriale de Bogotá a chargé un inspecteur du travail de vérifier le 1er mars 2018 que des mesures avaient été prises à l’encontre des travailleurs concernés; iv) sans préjudice de ce qui précède, il n’appartient pas au ministère du Travail d’intervenir dans une procédure disciplinaire liée à l’illégalité d’une grève car, conformément à la jurisprudence, il s’agit d’une procédure préalable qui doit être menée par l’employeur en dehors de toute ingérence ou intervention d’une quelconque autorité administrative ou judiciaire.
- 207. En ce qui concerne le licenciement de nombreux pilotes dans le cadre des procédures disciplinaires, le gouvernement renvoie aux déclarations de l’entreprise. Il se réfère également à l’arrêt de la Cour suprême du 29 novembre 2017 dans lequel celle-ci a déclaré que, en vertu de l’article 450 du Code du travail, «[s]i un arrêt de travail ou un débrayage est déclaré illégal, l’employeur est libre de licencier pour ce motif les personnes qui sont intervenues dans cet arrêt de travail ou débrayage ou qui y ont participé, et à l’égard des travailleurs bénéficiant de l’immunité syndicale le licenciement ne requiert pas de qualification judiciaire». Le gouvernement renvoie également à l’arrêt no C-450/99 de la Cour constitutionnelle, dans lequel la Cour a déclaré ce qui suit: «Cependant, l’arrêt de travail est non seulement un fait grave qui porte atteinte aux intérêts de l’entreprise et de la société en général, mais constitue également une violation évidente des devoirs et obligations du travailleur, violation susceptible de donner lieu à la résiliation du contrat pour juste cause.» Le gouvernement indique enfin que les travailleurs qui auraient été licenciés sans avoir pris une part active à la grève peuvent faire valoir leurs droits devant l’autorité judiciaire, mais que d’après l’enquête aucun d’eux ne s’est prévalu de cette possibilité.
- 208. Concernant les différentes plaintes que l’entreprise a déposées au pénal contre les dirigeants de l’ACDAC et qui ont été mentionnées par les organisations plaignantes, le gouvernement renvoie à la réponse donnée par l’entreprise et indique qu’elles ne relèvent pas d’activités syndicales, mais plutôt de comportements supposément délictueux, sans rapport avec l’exercice légitime de la liberté syndicale, et qu’il incombera aux organes compétents de se prononcer sur ces questions. Concernant plus particulièrement les poursuites pénales engagées contre le président de l’ACDAC pour des déclarations faites sur une chaîne de télévision, le gouvernement déclare que le groupe d’entreprises a porté les faits à la connaissance du ministère public et qu’une audience préparatoire était prévue le 21 mai 2019. Le gouvernement ajoute que les faits sont sans rapport avec l’exercice de la liberté syndicale et que c’est la personne physique et non l’organisation syndicale qui est appelée à répondre des faits dénoncés, raison pour laquelle il considère que le comité n’est pas compétent en la matière.
- 209. S’agissant de l’allégation de blocus économique que l’entreprise imposerait à l’ACDAC, le gouvernement confirme que cette dernière verse les cotisations syndicales au syndicat en temps opportun et, pour appuyer ses propos, fournit une attestation faisant état des cotisations syndicales prélevées aux pilotes syndiqués en 2017, 2018 et jusqu’en janvier 2019.
- 210. En ce qui concerne les allégations d’écoutes illégales à l’encontre de pilotes ayant participé à la grève, le gouvernement, après s’être référé aux déclarations de l’ACDAC et de l’entreprise, déclare que l’enquête est toujours en cours, mais qu’à ce jour aucune décision judiciaire ne lui a été notifiée dans le cadre de la procédure. Il ajoute qu’il incombera à la justice pénale colombienne de déterminer les responsabilités et la peine correspondant à ces agissements, si les preuves le permettent.
- 211. Dans ses communications datées du 3 septembre 2019 et des 21 février et 3 et 31 mars 2020, le gouvernement apporte des réponses supplémentaires et transmet en même temps de nouvelles observations formulées par l’entreprise. En plus de rappeler les informations et les affirmations exprimées dans sa première communication, l’entreprise fait savoir ce qui suit: i) elle a garanti l’exercice du droit de grève de l’ACDAC en n’interférant aucunement avec le déroulement de la cessation des activités, en présumant en théorie la légalité de la grève et en recourant à l’outil prévu par la législation nationale pour obtenir la qualification de la grève; ii) les procédures disciplinaires consécutives à la déclaration d’illégalité de la grève engagées par l’entreprise se sont déroulées dans le respect de toutes les garanties légales et conventionnelles, et il convient de préciser à cet égard que, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi no 1210 de 2008, il n’est plus nécessaire de faire appel au ministère du Travail pour déterminer le niveau de participation à la grève des travailleurs faisant l’objet d’une procédure disciplinaire; iii) un certain nombre de travailleurs concernés par les faits dénoncés dans le présent cas ont intenté des recours en protection, ce qui invalide la thèse selon laquelle leurs droits fondamentaux n’auraient pas été protégés; iv) en ce qui concerne ces recours, l’entreprise a comparu devant les tribunaux, s’est conformée aux obligations imposées par la procédure et a exécuté les ordonnances prises par les juges; v) le fait que les pilotes licenciés après leur participation à la grève n’aient pas été en mesure de voler immédiatement avec une autre compagnie n’est pas imputable à l’entreprise mais est dû, d’une part, à la nécessité de respecter le règlement aéronautique colombien qui exige d’un pilote ayant interrompu son activité pendant plus de 90 jours qu’il passe par une phase de remise à niveau et, d’autre part, au défi technique qu’a représenté, une fois la grève terminée, le retour au travail simultané de 581 pilotes dans un contexte marqué par la pénurie de simulateurs de vol; vi) l’allégation de la CUT selon laquelle la Cour constitutionnelle ne posséderait pas l’impartialité nécessaire pour se prononcer sur les conflits liés à l’entreprise est totalement dénuée de fondement, et il convient de souligner que les procédures appliquées par la cour satisfont à tous les critères d’une procédure régulière; vii) conformément à l’article 450 3) du Code du travail et dans la mesure où une décision judiciaire a déclaré illégal l’arrêt du travail déclenché par l’ACDAC, l’organisation syndicale encourt la dissolution et la liquidation, et l’entreprise est en droit de requérir une décision de justice à cet égard; viii) la dissolution ne se fait pas de manière automatique, elle doit être le fruit d’une décision judiciaire reposant sur une procédure respectant toutes les garanties d’une procédure régulière; ix) il est faux d’affirmer que l’ACDAC court un risque imminent de dissolution, puisque les procédures de ce type durent 17,3 mois en moyenne et sont en outre soumises au principe constitutionnel de la double instance, avec des recours durant en moyenne 185 jours avant qu’une résolution soit apportée au conflit; x) en vertu de l’article 474 du Code du travail, la dissolution du syndicat contractant n’implique pas l’extinction de la convention collective que celui-ci a signée; xi) l’action en justice intentée par l’entreprise contre le syndicat dans le but d’obtenir des compensations financières, qui n’a fait l’objet d’aucune décision jusqu’à présent, découle de la nécessité pour cette dernière de protéger son capital et de préserver ses actifs.
- 212. En ce qui concerne l’enquête en cours sur les écoutes illégales dont les dirigeants de l’ACDAC ont fait l’objet, l’entreprise déclare que le procureur en charge du dossier a demandé, le 4 juillet 2019, de procéder à l’évaluation des mesures de protection prises en faveur d’un dirigeant de l’entreprise qui a engagé, en octobre 2019, une procédure devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme aux fins de la mise en place de mesures conservatoires de protection. L’entreprise ajoute que, le 18 novembre 2019, le ministère public l’a déclarée, avec l’ACDAC, victime des écoutes en question. Après avoir réaffirmé qu’elle a toujours respecté la liberté syndicale, comme en témoigne l’existence de neuf associations de travailleurs en son sein, l’entreprise souligne que, à compter de la prise de fonction de son nouveau directeur général en juillet 2019, elle a intensifié ses efforts en vue de parvenir à un accord qui mette fin au conflit du travail avec l’ACDAC, en organisant plusieurs réunions de travail à ce sujet.
- 213. À son tour, en plus de rappeler les informations et les affirmations exprimées dans sa communication d’avril 2019, le gouvernement déclare ce qui suit: i) en ce qui concerne les faits relatifs au présent cas, l’État n’a procédé à aucune destruction du travail et le ministère du Travail a organisé de nombreuses réunions visant à rapprocher les parties; ii) la procédure de demande de dissolution judiciaire du syndicat établie par le Code du travail est parfaitement régulière et il n’est pas correct d’affirmer que l’ACDAC est privée de ses droits de défense ou encourt un risque imminent de dissolution, comme le prouve le délai déjà écoulé depuis le moment où la demande a été présentée; iii) en vertu de l’article 474 du Code du travail, si le syndicat ayant signé une convention collective est dissous, cette convention cesse de s’appliquer, mais son contenu est intégré aux contrats de travail des personnes qui étaient couvertes tant qu’elles continuent à travailler dans la même entreprise.
- 214. En ce qui concerne la déclaration judiciaire d’illégalité de la grève menée par l’ACDAC, le gouvernement réaffirme que la Cour suprême, dans la décision qu’elle a rendue à cet égard: i) a rappelé que la Cour constitutionnelle, par décision no C-450 de 1995 ayant force de chose jugée, a jugé constitutionnel l’article 450 1) b) du Code du travail qui définit les services de transport aérien comme essentiels; ii) a souligné que les syndicats minoritaires n’ont pas l’exclusivité de la décision de faire grève ou non; l’autonomie syndicale doit être relativisée afin de pouvoir protéger et garantir les droits des travailleurs non syndiqués, travailleurs que la loi autorise à jouer un rôle dans la prise d’une telle décision; iii) a indiqué que, en tant que syndicat de branche minoritaire, l’ACDAC devait, pour déclarer une grève, avoir obtenu le vote positif de la majorité des travailleurs de l’entreprise et pas exclusivement de ses membres.
- 215. Pour ce qui est des allégations d’écoutes illégales portées à l’encontre des dirigeants de l’ACDAC et la condamnation prononcée par un tribunal mentionnée par l’ACAV et le SINTRATAC, après avoir rappelé qu’il relève de la compétence des autorités judiciaires de déterminer l’innocence ou la culpabilité des prévenus, le gouvernement déclare ce qui suit: i) l’entreprise a fait savoir qu’aucune décision en sa défaveur ne lui a été notifiée et qu’elle sera attentive à ce que les autorités pourront décider à cet égard; ii) à sa connaissance, Luis Carlos Gómez Góngora a été condamné à huit ans de prison pour irrégularités de procédure, violation illégale du secret des communications et faux en écriture publique.
- 216. En ce qui concerne les allégations de menaces de mort dont auraient été victimes les dirigeants de l’ACDAC, le gouvernement déclare ce qui suit: i) il n’en a eu connaissance que parce que l’OIT lui a fait parvenir les communications de l’ACDAC et de la CUT concernées, en date du 11 février 2020; ii) le ministère du Travail a immédiatement prévenu l’Unité nationale de protection (UNP), laquelle n’avait jusqu’alors pas connaissance des menaces en question; iii) il a, en conséquence, demandé au président de l’ACDAC de transmettre à l’UNP les informations dont il disposait afin qu’une protection adéquate et immédiate puisse être assurée.
- 217. Suite à la mention dans sa communication du 13 juin 2019 selon laquelle le cas serait traité dans le cadre de la CETCOIT, le gouvernement souligne les efforts déployés en vue de trouver une solution consensuelle au conflit moyennant la médiation de cet organe. À cet égard, il déclare ce qui suit: i) une réunion prévue le 10 septembre 2019 n’a pu avoir lieu en raison de l’absence de l’ACDAC et de la CUT; ii) pourtant, à la demande de l’ACDAC, un facilitateur international avait été contacté et, entre octobre 2019 et février 2020, l’organisation devait indiquer si elle souhaitait participer ou non au processus de facilitation; iii) il est regrettable que l’ACDAC, qui a reconnu l’importance de la CETCOIT dans le domaine du dialogue social, ait remis en cause l’impartialité du facilitateur national qu’elle proposait; iv) en dépit de ce qui précède, le gouvernement réaffirme sa volonté constante de rapprocher les parties au conflit.
- 218. Dans une communication datée du 12 septembre 2020, le gouvernement met à jour les renseignements précédemment fournis et transmet de nouvelles observations émanant de l’entreprise. En plus de répéter les informations et affirmations figurant dans les communications antérieures, l’entreprise déclare ce qui suit: i) les actions judiciaires qu’elle a engagées contre l’ACDAC (action en dissolution de l’organisation syndicale et action en dommages et intérêts en réparation des effets de la grève) n’ont connu aucune avancée importante; ii) elle entretient un dialogue permanent avec les 11 associations de travailleurs qui sont présentes en son sein et, depuis 2019, un rapprochement s’opère avec l’ACDAC dans le but de rétablir la confiance entre les parties, efforts qui se sont intensifiés avec la recherche de solutions aux conséquences de la pandémie de COVID-19; iii) dans ce contexte, l’entreprise est disposée à se désister des actions judiciaires susmentionnées, à condition que les parties aient l’une et l’autre la volonté de trouver des solutions de fond à leurs désaccords naturels; iv) elle reste disposée à solliciter la CETCOIT ou tout autre mécanisme de médiation national ou international. L’entreprise ajoute que, dans le contexte des effets de la pandémie de COVID-19: i) l’aviation civile subit la pire crise de son histoire, et la suspension temporaire des activités nationales et internationales de transport de passagers durant plus de cinq mois a eu des effets dévastateurs sur les finances de l’entreprise, compromettant gravement sa viabilité et sa pérennité; ii) en conséquence, le 10 mai 2020, un processus de réorganisation de l’entreprise a été engagé à l’initiative de celle-ci en vertu de la loi sur les faillites des États-Unis d’Amérique, dans le but principal d’assurer la survie de l’entreprise en tant que pourvoyeuse d’emplois en Amérique latine et en Colombie; iii) face à la situation de force majeure à laquelle est confronté le secteur aérien, l’entreprise se préoccupe avant tout de nouer le dialogue et de trouver des solutions de règlement stables et pérennes avec toutes les parties concernées, y compris les travailleurs et les syndicats qui les représentent.
- 219. En plus de réitérer les informations et affirmations qui figurent dans ses communications précédentes, en particulier concernant l’existence, en matière de grève, d’un cadre légal et constitutionnel – précisé par la Cour constitutionnelle (arrêt C 858 08) – conforme aux normes et principes de l’OIT, le gouvernement: i) déclare que l’indépendance totale de la justice colombienne sur la question de la grève a été démontrée une nouvelle fois par l’issue judiciaire des différentes demandes de réintégration déposées par des travailleurs licenciés au motif de la grève visée dans le présent cas, en ce que les tribunaux se sont prononcés en faveur de l’entreprise et du ministère du Travail dans certaines affaires (décision T-509 de 2019) et en faveur des travailleurs (décision SU-598 de 2019) dans d’autres; ii) souligne que l’entreprise serait disposée à se désister des actions judiciaires qu’elle a engagées contre l’ACDAC si elle devait trouver un accord à cet égard dans le cadre de ses réunions de travail avec le syndicat; iii) signale que le ministère du Travail a fait tout son possible pour faciliter l’examen du cas par la CETCOIT, qui constitue un espace de dialogue social idéal pour le règlement des conflits de ce type; iv) regrette que, en dépit des garanties qui lui ont été fournies pour répondre à ses préoccupations, l’ACDAC ait refusé de recourir à ce cadre de concertation; v) fait observer que, dès qu’ils ont eu connaissance des allégations de menaces contre les dirigeants de l’ACDAC, le ministère du Travail et l’Unité nationale de protection ont pris toutes les mesures de protection nécessaires; vi) indique que, du fait de la situation engendrée par la pandémie de COVID-19, l’entreprise, qui fournit un service public essentiel en assurant environ 50 pour cent des liaisons aériennes dans le pays, traverse une grave crise financière, si bien que le gouvernement lui a fait un prêt visant, d’une part, à maintenir le transport aérien en Colombie et, d’autre part, à préserver les 500 000 emplois que l’entreprise génère directement ou indirectement par son activité.
- 220. Dans une communication reçue le 23 décembre 2020, le gouvernement indique que, après avoir déployé beaucoup d’efforts pour régler le conflit qui les opposait et grâce à leur ténacité et à leur foi dans le dialogue social, l’entreprise et l’ACDAC sont parvenues, le 27 octobre 2020, à conclure un nouvel accord d’une durée de quatre ans, en dépit des très graves difficultés économiques qui frappent le secteur de l’aviation. Le gouvernement affirme que les motifs qui ont donné lieu à la plainte n’existent par conséquent plus, compte tenu en particulier de ce qui suit: i) l’entreprise s’est engagée à se désister de ses actions judiciaires visant, d’une part, à faire annuler l’enregistrement de l’ACDAC et, d’autre part, à obtenir des dommages et intérêts de celle-ci comme suite à la grève de 2017, malgré le fait que ces actions reposent sur de solides fondements juridiques; et ii) l’entreprise et le syndicat entretiennent un dialogue permanent qui témoigne du respect mutuel qu’ils se vouent et du respect des droits syndicaux dans l’entreprise. À la lumière de ce qui précède, le gouvernement considère qu’il n’y a plus de motifs justifiant que le comité examine le présent cas.
- 221. Le gouvernement transmet également une communication que l’entreprise lui a adressée à la demande du ministère du Travail, et dans laquelle elle indique ce qui suit: i) dans le contexte des graves difficultés que connaissent les acteurs du secteur aérien dans le monde entier, qui compromettent la poursuite de leur activité, l’entreprise a entamé le dialogue avec les organisations de travailleurs présentes en son sein, dont l’ACDAC, dans le but principal de trouver des solutions d’accord à long terme, propres à garantir la stabilité et la survie de l’entreprise; ii) après plus d’une décennie de conflit ouvert, le 27 octobre 2020, l’entreprise et l’ACDAC ont conclu un accord d’ajustement des avantages extralégaux pour une durée de quatre (4) ans, visant à protéger l’entreprise en tant que pourvoyeuse de milliers d’emplois; iii) le 28 octobre 2020, bien que ses actions judiciaires reposaient sur des prétentions légales et raisonnables, l’entreprise, désireuse de démontrer sa bonne foi et agissant dans une démarche de déjudiciarisation des relations du travail, s’est désistée de sa demande de retrait de la personnalité juridique de l’ACDAC et a entrepris de retirer la demande de dommages et intérêts qu’elle avait introduite au civil contre le syndicat.
- 222. Par une nouvelle communication datée du 17 février 2021, le gouvernement a transmis le document du pouvoir judiciaire établissant la clôture définitive, suite au désistement de la part de l’entreprise de ses actions judiciaires visant à faire annuler la personnalité juridique de l’ACDAC. Le gouvernement indique que la notion juridique du désistement entraîne la fin de la procédure judiciaire et produit les mêmes effets qu’un jugement. Le gouvernement déclare que le désistement susmentionné démontre la volonté claire de règlement et de conciliation entre les parties.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 223. Le comité constate que le présent cas porte sur un conflit collectif relatif au renouvellement d’une convention collective conclue entre une entreprise de transport aérien et le syndicat de pilotes, l’ACDAC, qui a conduit à un mouvement de grève s’étant poursuivi du 20 septembre au 10 novembre 2017, qui a été déclaré illégal par la Cour supérieure de Bogotá le 6 octobre 2017, décision confirmée ensuite par la Chambre de cassation du travail de la Cour suprême de justice le 29 novembre 2017.
- 224. Le comité note que les organisations plaignantes et les différents syndicats nationaux et internationaux qui se sont associés à la plainte allèguent principalement que: i) l’entreprise, avec la complicité du ministère du Travail, aurait porté atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective des pilotes en concluant avec les pilotes non syndiqués des pactes collectifs comportant des dispositions discriminatoires à l’égard des travailleurs syndiqués, et en faisant la promotion de ces pactes; ii) en se fondant sur une législation contraire aux conventions nos 87 et 98 de l’OIT, le ministère du Travail – en convoquant pendant la grève un tribunal arbitral en vue d’un arbitrage obligatoire – tout comme les instances judiciaires du pays – en déclarant la grève illégale – auraient privé de manière injustifiée les pilotes de leur droit de grève; iii) durant les procédures judiciaires relatives au conflit collectif, la CUT aurait été privée du droit de défendre les intérêts de ses membres et de ses organisations affiliées; iv) les pilotes en grève auraient été remplacés par des pilotes étrangers; v) sur la base de la décision déclarant la grève illégale, de nombreux pilotes auraient été licenciés de manière injustifiée et en violation du droit à une procédure régulière; vi) toujours sur la base de cette décision, l’ACDAC aurait fait l’objet d’une procédure judiciaire accélérée de dissolution; vii) les dirigeants de l’ACDAC feraient l’objet de nombreuses poursuites civiles et pénales pour avoir exercé des activités syndicales légitimes; viii) l’entreprise aurait cessé de verser à l’ACDAC les cotisations syndicales de ses adhérents; ix) pendant la grève, le syndicat aurait été illégalement placé sur écoute par des personnes liées à l’entreprise et des agents des pouvoirs publics; x) début 2020, les dirigeants de l’ACDAC et les membres de leur famille auraient reçu des menaces de mort.
- 225. Le comité note par ailleurs que l’entreprise et le gouvernement nient tous deux avoir violé d’une quelconque manière la liberté syndicale et le droit de négociation collective et font valoir qu’ils ont chacun pour leur part agi conformément à l’ordre constitutionnel colombien, lequel repose sur les normes et principes de l’OIT. Ils affirment que c’est l’organisation syndicale – l’ACDAC – qui a manqué à l’ordre constitutionnel en menant une grève illégale.
- 226. Avant de passer à l’examen des allégations exposées ci-dessus et des réponses y relatives présentées par le gouvernement et l’entreprise, le comité observe que les informations soumises par chacune des parties permettent de resituer le contexte et de retracer les différentes étapes du conflit collectif sur lequel porte le présent cas. Ainsi: i) à partir de 2013, des tentatives sont engagées afin de réviser la convention collective qui unit l’entreprise et l’ACDAC; ii) en octobre 2013, l’entreprise adopte de son côté un plan volontaire d’avantages; iii) dans son arrêt no T-069 du 18 février 2015, la Cour constitutionnelle assimile ce plan à un pacte collectif et demande à l’entreprise de ne pas utiliser ce type d’instruments pour affaiblir la liberté syndicale et le droit de négociation collective (le plan volontaire d’avantages a cessé de s’appliquer en 2017); iv) en l’absence d’accord sur le renouvellement de la convention collective et à la demande de l’ACDAC, le ministère du Travail désigne en 2015 un tribunal arbitral; v) le 5 octobre 2015, faisant valoir l’absence d’impartialité dudit tribunal, l’ACDAC retire le cahier de revendications qu’elle avait présenté en 2013 et qui constituait le fondement de la désignation du tribunal arbitral; vi) en mars 2017, l’entreprise et l’association civile ODEAA concluent un pacte collectif applicable aux travailleurs non syndiqués de l’entreprise, conformément à la législation colombienne; vii) le 8 août 2017, l’ACDAC présente un nouveau cahier de revendications concernant le renouvellement de la convention collective; viii) la phase de règlement direct avec l’entreprise a pris fin le 11 septembre 2017 sans que les parties soient parvenues à un accord; ix) le 20 septembre 2017, suite à un vote de ses membres, l’ACDAC lance un mouvement de grève; x) le 28 septembre 2017, sur la base des dispositions légales qui définissent le transport aérien comme un service public essentiel, la ministre du Travail ordonne la constitution d’un tribunal arbitral en vue d’un arbitrage obligatoire, décision contestée par l’ACDAC; xi) le 6 octobre 2017, le Tribunal supérieur de Bogota donne raison à l’entreprise dans une décision déclarant la grève illégale, dont l’ACDAC fait appel; xii) le 31 octobre 2017, le Défenseur du peuple convoque l’entreprise pour tenter de régler le conflit par voie de médiation, ce que refuse l’entreprise au motif qu’une décision judiciaire a déjà été rendue concernant la grève; xiii) le 29 novembre 2017, la chambre du travail de la Cour suprême confirme la décision rendue en première instance par le Tribunal supérieur de Bogota concernant l’illégalité de la grève; xiv) le 10 novembre 2017, l’ACDAC met fin au mouvement de grève; xv) le 26 février 2018, l’entreprise entame des procédures disciplinaires contre les pilotes ayant pris part à la grève; xvi) le 18 juillet 2018, la chambre civile de la Cour suprême rejette le recours en protection présenté par l’ACDAC contre la décision prononcée par la chambre du travail de la même Cour; xvii) l’entreprise, sur la base de l’article 450 du Code du travail, demande en justice la dissolution de l’ACDAC. En ce qui concerne les étapes de négociation des cahiers de revendications susmentionnés, le comité prend note des positions divergentes de l’ACDAC et de l’entreprise sur, d’une part, la légalité des procédures appliquées par l’ACDAC et, d’autre part, la volonté de l’entreprise de mener une négociation effective.
- 227. Le comité note que, postérieurement aux faits qui sont décrits au paragraphe précédent, et qui constituent le contexte factuel des allégations qui sont formulées dans le présent cas, il a reçu des communications du gouvernement et des organisations plaignantes l’informant de ce qui suit: i) la conclusion, le 27 octobre 2020, dans le cadre de la grave crise économique qui touche le secteur aérien dans le monde entier en conséquence de la pandémie de COVID-19, d’un accord entre l’entreprise et l’ACDAC, visant à garantir la continuité de l’entreprise et à préserver ses emplois; et ii) le fait que, par souci d’améliorer le dialogue social, l’entreprise a entrepris de se désister des actions judiciaires qu’elle avait engagées en vue de faire annuler l’enregistrement de l’ACDAC et d’obtenir des dommages et intérêts en réparation des conséquences économiques de la grève.
- 228. Le comité note que le gouvernement: i) déclare que l’accord du 27 octobre 2020 constitue une réalisation majeure après des années de conflit et qu’il est le résultat du pari fait par les parties sur le dialogue social; ii) le désistement de la part de l’entreprise de ses actions judiciaires visant à faire annuler l’enregistrement de l’ACDAC confirme la volonté des parties de parvenir à un accord; iii) considère que cet accord apporte la confirmation que la liberté syndicale est pleinement respectée; iv) considère que les motifs ayant donné lieu à la plainte sont maintenant résolus. Le comité note également que, tout en se félicitant de la conclusion d’un accord et en soulignant l’importance de la confiance qui s’est établie entre le nouveau directeur général de l’entreprise et l’ACDAC pour la réalisation de cet accord, les organisations plaignantes déclarent ce qui suit: i) l’accord, fondé sur le sacrifice de droits extralégaux volontairement consenti par le syndicat et la volonté de l’entreprise de sauver le plus d’emplois possibles, a pour seul objectif de maintenir l’entreprise en activité et de préserver les emplois; ii) il doit encore être remédié à la plupart des violations qui ont donné lieu à la plainte (en particulier celles liées à l’exercice du droit de grève, les actes de discrimination commis contre les pilotes grévistes, les plaintes pénales déposées contre les dirigeants de l’ACDAC et l’utilisation des conventions collectives conclues avec les travailleurs non syndiqués).
Allégations relatives à l’utilisation par l’entreprise des pactes collectifs à des fins antisyndicales présumées
- 229. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, malgré la présence de syndicats de travailleurs représentatifs, l’entreprise conclut et promeut des pactes collectifs applicables aux travailleurs non syndiqués en vue d’affaiblir, avec l’appui du ministère du Travail, le droit des travailleurs et de leurs organisations syndicales de s’affilier à un syndicat et de négocier collectivement. Le comité prend note des affirmations des organisations plaignantes, selon lesquelles: i) malgré l’arrêt no T-069 du 18 février 2015, dans lequel la Cour constitutionnelle lui a ordonné, à propos d’un pacte collectif conclu en 2013 (appelé «plan volontaire d’avantages»), de ne pas fixer dans de tels pactes de conditions décourageant l’affiliation ou la poursuite de l’affiliation à un syndicat, l’entreprise, avec la complicité de l’ODEAA, association à caractère civil, a conclu en avril 2017 un nouveau pacte collectif dont les dispositions, applicables exclusivement aux travailleurs non syndiqués, modifient le contenu de la convention collective sur de nombreux points et sont discriminatoires à l’égard des pilotes syndiqués; ii) malgré le fait qu’à peine 30 pilotes aient signé le pacte au moment de la présentation de la plainte, l’entreprise fait primer ce texte sur la convention collective et le présente de manière ambiguë comme le résultat d’une négociation menée avec l’ensemble de ses pilotes; iii) les licenciements et les autres actes antisyndicaux commis par l’entreprise après la fin de la grève ont conduit de nombreux pilotes à quitter l’ACDAC pour bénéficier des avantages prévus par le pacte collectif; iv) l’utilisation par l’entreprise des pactes collectifs à des fins antisyndicales concerne non seulement les pilotes, mais aussi le personnel navigant et le personnel de cabine, et nuit à deux autres organisations syndicales, le SINTRATAC et l’ACAV; v) malgré le précédent que constitue l’arrêt no T-069 et les recommandations répétées des organes de contrôle de l’OIT concernant les pactes collectifs, le ministère du Travail n’a pris aucune mesure pour mettre un terme à l’utilisation de ces pactes à des fins antisyndicales dans l’entreprise; et vi) malgré le fait qu’elle se soit engagée, au titre de l’accord du 27 octobre 2020, à s’abstenir de tout acte contraire à la liberté syndicale ou aux droits reconnus par la convention collective conclue avec l’ACDAC, l’entreprise a signé le mois suivant un nouveau pacte collectif avec les pilotes non syndiqués, pacte qui sape l’accord conclu et est discriminatoire à l’égard des pilotes de l’ACDAC sur le plan opérationnel. Le comité note que, sur la base de ce qui précède, les organisations plaignantes demandent que l’entreprise cesse de conclure des pactes collectifs lorsqu’il existe des syndicats en son sein, et que les dispositions du Code du travail relatives aux pactes collectifs soient mises en conformité avec les recommandations du comité.
- 230. Le comité note par ailleurs que l’entreprise et le gouvernement indiquent que le plan volontaire d’avantages adopté en 2013 ne s’applique plus et que les faits antérieurs à la négociation du cahier de revendications de 2017 rapportés par les organisations plaignantes sont déjà examinés dans le cadre du cas no 2362, en suivi devant le comité. Le comité rappelle à cet égard que le cas no 2362 concerne une plainte présentée par l’ACDAC en 2008, alléguant, notamment en ce qui concerne l’utilisation des pactes collectifs, une série d’actes antisyndicaux commis par l’entreprise, et que ledit cas est actuellement en suivi. Tout en soulignant le caractère itératif des recommandations qu’il a formulées à l’intention de la Colombie concernant les pactes collectifs conclus avec des travailleurs non syndiqués qui ne devraient pas être utilisés pour affaiblir la position des organisations syndicales [voir cas nos 1973, 324e rapport; 2068, 325e rapport; 2046, 332e rapport; et 2493, 349e rapport] et dont la signature ne devrait être possible qu’en l’absence d’organisations syndicales [voir cas no 2796, 368e et 362e rapports; et cas no 3150, 387e rapport, paragr. 336], et notant que la coexistence au sein de l’ entreprise de conventions collectives avec des pactes collectifs signés avec des travailleurs non syndiqués constitue l’un des éléments du conflit qui fait l’objet du présent cas, le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir dans les plus brefs délais ses observations sur les allégations des organisations plaignantes concernant la conclusion par l’entreprise d’un nouveau pacte collectif en avril 2017, afin qu’il puisse examiner cette question dans le cadre du cas no 2362.
Allégations relatives à la violation présumée du droit de grève des pilotes de l’entreprise
- 231. Le comité prend note de l’allégation des organisations plaignantes, selon laquelle le ministère du Travail, qui a convoqué, au cours du mouvement de grève, un tribunal arbitral en vue d’un arbitrage obligatoire, ainsi que les instances judiciaires nationales, qui ont déclaré illégale la grève menée par l’ACDAC, ont privé de manière injustifiée les pilotes de l’entreprise de leur droit de grève. Le comité note en particulier que les organisations plaignantes considèrent comme infondés les deux motifs principaux invoqués pour déclarer la grève illégale, à savoir le caractère de service public essentiel du transport aérien et l’obligation – à laquelle l’ACDAC n’a pas satisfait – aux termes de laquelle la majorité des travailleurs de l’entreprise doivent avoir voté en faveur de la grève. Concernant la qualification du transport aérien en tant que service public essentiel, le comité note que les organisations plaignantes font valoir que: i) le transport aérien en Colombie ne satisfait pas aux critères établis par le comité, selon lesquels seuls les services dont l’interruption met en danger la vie, la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population peuvent être qualifiés de services publics essentiels au sens strict; ii) à maintes reprises, le comité a estimé que le transport aérien ne remplissait pas les critères énoncés et, de ce fait, la législation colombienne doit être modifiée sur ce point; iii) il existe en Colombie plus de 60 entreprises de transport aérien de passagers et plus de 20 entreprises d’ambulances aériennes; iv) en conséquence, plus de 70 pour cent du trafic aérien national ont été maintenus pendant la grève sur laquelle porte le présent cas.
- 232. Le comité note que l’entreprise indique que, dans le contexte colombien, le transport aérien en général et les services de transport aérien fournis par l’entreprise en particulier constituent un service public essentiel. L’entreprise affirme que ce constat repose sur les éléments suivants: i) le transport aérien assure la fourniture de biens et de services propres à garantir des droits fondamentaux comme la santé et l’éducation; ii) il permet le transport de patients et de fournitures médicales visant à garantir ainsi le droit de la population à la vie et à la santé; iii) il permet en outre de fournir une assistance humanitaire à des populations éloignées et isolées au sein du territoire national et assure la liaison avec des régions enclavées ou reculées qui n’ont pas d’autres moyens de transport; iv) en raison de la situation économique et de l’état des infrastructures de la Colombie, l’entreprise assure 48 pour cent du transport de passagers, 80 pour cent de l’approvisionnement en vivres du département de San Andrés, Providencia et Santa Catalina et 50 pour cent de l’approvisionnement en vivres de la ville de Leticia, capitale du département d’Amazonas; v) l’entreprise est la seule compagnie aérienne autorisée à transporter, entre autres, des médicaments, des organes humains, du sang, du plasma, des produits destinés à des traitements de chimiothérapie, des dépouilles humaines, des fournitures médicales et des équipements chirurgicaux; vi) l’entreprise est la seule compagnie aérienne de Colombie qui assure le transport aérien de la population de Manizales, dans le département de Caldas; vii) la grève de 51 jours a touché plus de 377 000 passagers et entraîné l’annulation de 14 547 vols.
- 233. Le comité note que l’entreprise ajoute que la Cour suprême, se fondant sur une analyse détaillée et objective tenant compte des éléments susmentionnés, a estimé que, dans le contexte colombien, le transport aérien constitue bien un service public essentiel. L’entreprise affirme en outre que la position de la chambre du travail de la Cour suprême est conforme aux décisions antérieures dans lesquelles la Cour constitutionnelle avait souligné le caractère essentiel de l’activité des entreprises de transport en général (arrêt no C-450 du 4 octobre 1995) et de transport aérien en particulier (arrêt no T-987 du 23 novembre 2012). L’entreprise déclare enfin que les organisations plaignantes se sont référées en les sortant de leur contexte à des cas de liberté syndicale portant sur des éléments factuels sans aucun rapport avec le présent cas.
- 234. Le comité note que le gouvernement déclare quant à lui que: i) l’article 4 de la convention no 98 et le paragraphe 1 de la recommandation no 91 insistent sur la nécessité d’adapter les mécanismes de négociation collective aux conditions nationales et établissent ainsi clairement qu’il appartient à chaque pays de réglementer, selon le contexte national, les aspects afférents à la négociation collective et au droit de grève, entre autres; ii) le comité a par ailleurs toujours reconnu que la détermination du caractère essentiel d’un service public dépend largement de la situation propre à chaque pays et que ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue; iii) l’article 56 de la Constitution colombienne garantit le droit de grève en faisant une exception pour les services publics essentiels définis par la législation; iv) se fondant sur cette disposition et sur les autres articles de la Constitution politique qui protègent la liberté syndicale, la Cour constitutionnelle a rendu plusieurs arrêts (voir en particulier l’arrêt C-858-08) dans lesquels elle précise la portée et les limites du droit de grève selon les normes et principes de l’OIT; v) sur le fondement de l’article 56 de la Constitution politique, la Cour constitutionnelle estime que le droit de grève peut être limité dans les services qui, de par leur nature, peuvent être considérés comme des services publics essentiels (critère matériel) dès lors que leur interruption touche au cœur des droits fondamentaux et qui ont en outre été expressément définis comme tels par le législateur (critère formel); vi) la législation colombienne définit clairement et expressément le transport public aérien comme un service public essentiel, ce qui est conforme à la Constitution politique; vii) le transport aérien facilite l’acheminement de l’aide d’urgence et humanitaire vers n’importe quelle partie du globe et assure la livraison rapide de fournitures médicales et d’organes destinés à la transplantation chez l’homme; viii) le transport aérien en Colombie est souvent le seul moyen de se déplacer vers et depuis les régions reculées sans courir de risques, le pays ne disposant pas d’autres moyens de transport qui soient de près ou de loin aussi efficaces que le transport aérien et ne possédant ni embarcations fluviales ni moyens de transport ferroviaire de faible ou forte capacité; et ix) la grève dans le transport aérien a une incidence directe sur les activités des personnes et peut même mettre en péril la santé, la vie et les possibilités de travail des passagers. Le gouvernement indique que, compte tenu de ce qui précède et en application de la loi no 1210 de 2008, qui donne au pouvoir judiciaire compétence pour déclarer une grève légale, la chambre du travail de la Cour suprême, dans son arrêt du 29 novembre 2017, a confirmé la décision de première instance par laquelle le Tribunal supérieur de Bogota a déclaré que la grève organisée par l’ACDAC était illégale.
- 235. À cet égard, le comité note que, dans l’arrêt susmentionné, la Cour suprême a par décision majoritaire estimé que «le transport aérien de passagers constitue un mode de transport ordinaire, principal et habituel pour de nombreuses personnes devant se déplacer en vue de s’acquitter de leurs obligations et de leurs devoirs et d’exercer leurs droits, par exemple à la santé et à l’éducation. À cet égard, il est significatif que, selon les chiffres de l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile, plus de 36 millions de passagers se soient déplacés par voie aérienne en 2016, 48 pour cent d’entre eux sur des vols opérés par l’entreprise demanderesse. […] Par conséquent, si le transport aérien est assurément utilisé à diverses fins comme le tourisme, les loisirs ou les affaires ainsi que pour beaucoup d’autres activités sociales non essentielles au sens strict, il est erroné de considérer qu’il n’a pas d’autre utilité et qu’il s’agit par conséquent uniquement d’un mode de transport dispendieux ou d’un moyen de divertissement réservé aux catégories aisées. Au contraire, la Cour estime que, compte tenu de l’importance fondamentale prise par le transport aérien dans notre environnement, sa suppression, même partielle, entraîne des risques pour la santé et la vie de la population, de sorte que, du point de vue matériel, il peut être considéré comme un service public essentiel.»
- 236. Le comité note aussi que, dans la même décision, la Cour suprême déclare: «Toutefois, en dépit de ce qui précède, sans méconnaître les réalités de notre pays et la justification matérielle de l’interdiction de grève dans le service public de transport aérien examinée ci dessus, la Cour reconnaît l’importance fondamentale de la doctrine des organes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail, qui est dérivée d’interprétations autorisées des droits relatifs à la liberté syndicale et à la négociation collective consacrés dans les conventions fondamentales de l’OIT nos 87 et 98, que la Colombie s’est engagée à respecter, à promouvoir et à mettre en œuvre de bonne foi, selon laquelle l’interdiction du droit de grève dans ce secteur ne saurait en aucun cas être absolue. À cet égard, la chambre estime que la doctrine du Comité de la liberté syndicale de l’Organisation internationale du Travail à laquelle fait référence le représentant de l’organisation demanderesse, bien qu’utile pour l’interprétation des normes constitutionnelles et légales relatives au droit du travail, doit servir de base au législateur pour préciser, dans le cadre d’une politique publique et en vertu des pouvoirs constitutionnels qui lui sont conférés, avec la participation de toutes les organisations de la société civile intéressées et de manière démocratique et délibérative, les conditions de l’exercice exceptionnel du droit de grève dans les services publics tels que le transport aérien, avec une garantie de service minimum de fonctionnement visant à préserver les droits fondamentaux de la population à la santé, à la vie et à la sécurité. Par conséquent, il est utile de rappeler au Congrès de la République qu’il est nécessaire de mettre à jour la réglementation relative au droit de grève et les limites applicables aux services publics essentiels, dans le respect du domaine de la loi défini par l’article 56 de la Constitution.»
- 237. Le comité prend bonne note des différents éléments susmentionnés et constate que les organisations plaignantes et le gouvernement, ainsi que la Cour suprême dans son arrêt, mentionnent l’importance des critères généraux établis par le comité pour la qualification des services publics essentiels au sens strict et la nécessité de les interpréter à la lumière du contexte particulier et des conditions concrètes dans lesquels s’est déroulée la grève.
- 238. Le comité rappelle qu’il a estimé que, pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 836.] Le comité a estimé également que ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. [Voir Compilation, paragr. 837.]
- 239. À cet égard, le comité prend note en particulier des informations détaillées communiquées par l’entreprise concernant l’importance des vols assurés par cette dernière, selon lesquelles l’entreprise: i) assure 80 pour cent de l’approvisionnement en vivres du département de San Andrés, Providencia et Santa Catalina (archipel de San Andrés, Providencia et Santa Catalina) et 50 pour cent de l’approvisionnement en vivres de la ville de Leticia, capitale du département d’Amazonas; ii) est la seule compagnie aérienne autorisée à transporter, entre autres, des médicaments, des organes humains, du sang, du plasma, des produits destinés aux traitements de chimiothérapie, des dépouilles humaines, des fournitures médicales et des équipements chirurgicaux; iii) est la seule compagnie aérienne de Colombie qui assure le transport aérien de la population de Manizales, dans le département de Caldas. Le comité note également que, concernant les conséquences concrètes du mouvement de grève objet de la présente plainte, les organisations plaignantes affirment que: i) il existe en Colombie plus de 60 entreprises de transport aérien de passagers et plus de 20 entreprises d’ambulances aériennes; ii) pendant la grève, plus de 70 pour cent du trafic aérien national ont été maintenus. Le comité prend aussi note des chiffres mentionnés par la chambre du travail de la Cour suprême dans son jugement, selon lesquels l’entreprise assure 48 pour cent du transport aérien de passagers du pays et que, pendant la grève, 60 pour cent de l’activité de transport aérien du pays a été maintenue. Le comité constate qu’il ressort de ce qui précède que, pour certaines parties du territoire national reculées qui, en raison de leur isolement, dépendent dans une large mesure du transport aérien pour leur approvisionnement et leur accès à la santé, ainsi que pour le transport de certains produits de santé sur l’ensemble du territoire national, l’importance des activités de transport aérien correspondantes de l’entreprise semblent telle qu’il serait permis de conclure que leur interruption totale peut mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une partie de la population. Le comité observe également que l’importance susmentionnée ne s’étend pas à l’ensemble de l’activité de l’entreprise et du secteur.
- 240. Le comité souligne que ces observations, fondées sur la situation particulière du pays concerné par la présente plainte, sont conformes aux conclusions qu’il a adoptées dans d’autres cas relatifs au secteur du transport aérien d’autres pays, dans lesquels, sur la base de la situation propre à chaque cas, il a considéré que le secteur du transport aérien dans son ensemble n’est pas un service public essentiel au sens strict mais que son importance pouvait justifier la mise en place d’un service minimum visant à répondre aux besoins de base des usagers, sans remise en cause du droit de grève de la plus grande partie des travailleurs du secteur.
- 241. Sur la base des éléments qui lui ont été communiqués concernant l’importance du secteur aérien dans le pays, le comité estime qu’un mécanisme permettant de déterminer par la négociation les services minima devant être assurés en cas de grève dans le transport aérien du pays pourrait donc être institué, en vue de garantir le respect des droits fondamentaux de la population comme le droit des pilotes à défendre leurs intérêts professionnels par voie de grève. Le comité prie donc le gouvernement de prendre sans tarder, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs du pays, les mesures nécessaires pour réviser la législation conformément aux principes de la liberté syndicale évoqués plus haut, en garantissant l’existence d’un mécanisme de négociation de services minima en cas de grève dans le secteur du transport aérien, et l’invite à solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard.
- 242. En ce qui concerne le fondement de la déclaration judiciaire d’illégalité de la grève menée par l’ACDAC relatif au fait que la majorité requise par la législation colombienne n’a pas été atteinte, le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) il ressort de ses relations avec l’entreprise et de la convention collective conclue avec celle-ci que l’ACDAC est une organisation syndicale représentant une profession qui, au déclenchement de la grève, regroupait 702 des 1 200 pilotes de l’entreprise; ii) la grève de nature professionnelle organisée par l’ACDAC a été suivie par les 702 pilotes de l’entreprise membres de l’organisation; iii) la règle selon laquelle la grève des pilotes aurait dû être soutenue par la moitié de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise, pilotes et non-pilotes confondus, constitue une prescription excessive contraire aux principes de la liberté syndicale. Le comité note que, par ailleurs, selon l’entreprise et le gouvernement: i) l’ACDAC est un syndicat minoritaire au sein de l’entreprise, car elle regroupait, au 15 septembre 2017, 693 travailleurs sur les 8 524 que comptait alors l’entreprise; ii) qu’elle soit une organisation de profession ou sectorielle, l’ACDAC avait l’obligation de respecter les principes démocratiques énoncés à l’article 444 du Code du travail; iii) après avoir dans un premier temps convoqué les autres syndicats de l’entreprise pour obtenir un vote de la majorité des travailleurs, l’ACDAC a finalement limité le vote à ses propres membres; iv) seuls 279 travailleurs membres du syndicat ont voté personnellement en faveur de la grève; v) le syndicat a refusé que l’inspection du travail soit présente pour garantir la validité du vote; vi) le Tribunal supérieur de Bogota, ainsi que la Cour suprême par arrêt majoritaire ont constaté que la grève n’avait pas été approuvée par un vote à la majorité absolue des travailleurs de l’entreprise ni par vote personnel de la majorité des travailleurs membres du syndicat et que, en conséquence, la grève était contraire aux articles 444 et 450 d) du Code du travail et donc, illégale.
- 243. Le comité prend bonne note des informations communiquées par les différentes parties et constate que le premier aspect à examiner s’agissant de la validité du vote de la grève initiée par l’ACDAC concerne la règle selon laquelle la grève aurait dû être appuyée par la majorité des travailleurs de l’entreprise.
- 244. Le comité note que le gouvernement et l’entreprise renvoient à cet égard aux dispositions de l’article 444 du Code du travail, qui distinguent, concernant le vote d’une grève, selon que celle-ci est organisée ou non par un syndicat majoritaire de l’entreprise concernée. Si le syndicat représente la majorité des travailleurs de l’entreprise, il doit voter la grève en assemblée générale; dans le cas contraire, la grève doit être approuvée par la majorité des travailleurs de l’entreprise dans son ensemble. Le comité note en outre que le gouvernement souligne que, dans son arrêt du 29 novembre 2017, la Cour suprême de justice a insisté sur le fait que l’ACDAC, en tant que syndicat sectoriel minoritaire au sein de l’entreprise, devait pour déclarer la grève obtenir le vote de la majorité des travailleurs de l’entreprise et non de celle de ses seuls membres car, conformément aux dispositions du Code du travail, l’autonomie syndicale des organisations minoritaires doit être relativisée en vue de protéger les droits des travailleurs non syndiqués et d’en assurer le respect.
- 245. Tout en rappelant qu’il a estimé que le fait que la décision de déclarer la grève doive être approuvée par plus de la moitié de tous les travailleurs concernés est une exigence trop élevée qui pourrait par trop limiter la possibilité de faire grève, surtout dans les grandes entreprises [voir Compilation, paragr. 806], le comité note que, en l’espèce, la grève a été lancée par l’ACDAC à l’occasion d’un conflit collectif dont l’enjeu se limitait à la négociation du renouvellement de la convention collective applicable uniquement aux pilotes de l’entreprise, les autres professions de l’entreprise étant régies par des conventions collectives différentes. Le comité note que, si l’exigence d’un vote majoritaire en matière de grève est en soi pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale, les modalités de sa mise en œuvre doivent être raisonnables et objectives et, partant, fondées sur la participation des travailleurs effectivement couverts par l’instrument collectif faisant l’objet du conflit que la grève vise à résoudre. En conséquence, dans le cadre d’une négociation dont le caractère exclusivement centré sur une profession n’est pas contesté (c’est la nature de l’ACDAC qui a donné lieu à débat), et en vue de préserver l’autonomie des parties à la négociation en cours, le comité estime qu’il appartient aux travailleurs de la profession concernée de se prononcer sur la pertinence de l’éventuel recours à la grève pour résoudre le conflit collectif en question.
- 246. Compte tenu de ce qui précède, le comité estime que, dans le cadre d’une négociation professionnelle limitée au renouvellement de la convention collective applicable aux pilotes de l’entreprise, subordonner l’exercice du droit de grève de ces pilotes au vote de tous les travailleurs de l’entreprise ne semble pas tenir compte des caractéristiques du conflit collectif né de la négociation et qu’en l’espèce il conviendrait, pour déterminer si l’ACDAC est une organisation majoritaire, de se référer au nombre de pilotes employés par l’entreprise. À cet égard, le comité prie le gouvernement de prendre, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs, les mesures nécessaires pour réviser l’article 444 du Code du travail de sorte que les processus de négociation collective concernant une profession garantissent l’autonomie des organisations participantes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 247. Le comité constate qu’un deuxième aspect relatif à la validité du vote de la grève initiée par l’ACDAC concerne le fait que, outre l’absence d’appui de la majorité des travailleurs de l’entreprise, le syndicat n’aurait pas obtenu le vote personnel et direct de la majorité de ses membres, contrairement à ce que prescrit le Code du travail. Le comité note à cet égard que, dans son arrêt, la chambre du travail de la Cour suprême a constaté qu’il ressortait des actes de vote de la grève présentés par l’organisation syndicale et par l’inspection du travail que, bien que 699 votes en faveur de la grève aient été comptabilisés, seuls 215 des 702 membres du syndicat ont participé directement et personnellement au scrutin, les autres ayant voté par procuration, contrairement à ce que prévoit l’article 444 du Code du travail, qui exige «un vote à bulletins secrets, personnel et sans possibilité de procuration, à la majorité absolue [...] des membres du syndicat ou des syndicats qui regroupent plus de la moitié des travailleurs».
- 248. Le comité prend bonne note des éléments exposés. Le comité rappelle en premier lieu à titre général qu’il a considéré qu’il n’y a pas violation des principes de la liberté syndicale lorsque la législation contient certaines règles destinées à promouvoir des principes démocratiques au sein des organisations syndicales ou à garantir le déroulement normal de la procédure électorale dans le respect des droits des membres afin d’éviter tout conflit au sujet des résultats des élections. [Voir Compilation, paragr. 600.] En l’espèce, le comité constate qu’il ressort des éléments à sa disposition que, si une large majorité des membres du syndicat de pilotes a voté en faveur de la grève, la majorité des membres de l’organisation n’était pas présente au moment du scrutin et a voté par procuration. Le comité attache de l’importance à l’objectif visé par la législation en matière de sécurité des processus électoraux, mais note la spécificité de la profession de pilote au service d’une compagnie aérienne internationale, laquelle profession se caractérise par la dispersion géographique permanente des travailleurs concernés dans les aéroports nationaux et internationaux où leur entreprise exerce ses activités. Le comité constate que, du fait de cette dispersion, il pouvait être compliqué pour l’ACDAC de satisfaire à l’exigence d’un vote personnel de la majorité de ses membres et, pour ceux-ci, de se réunir en assemblée générale tout en exerçant leur activité professionnelle. À cet égard, le comité rappelle que les conditions posées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales. [Voir Compilation, paragr. 789.]
- 249. En ce qui concerne les allégations de violation du droit de grève de l’ACDAC et de ses membres, le comité note que les organisations plaignantes dénoncent en outre le fait que le ministère du Travail ait procédé, pendant l’arrêt du travail et alors même que les tribunaux ne s’étaient pas encore prononcés sur la légalité de la grève, à la constitution d’un tribunal arbitral en vue d’un arbitrage obligatoire, décision qui a donné lieu à plusieurs recours en justice de l’ACDAC et que les organisations plaignantes estiment contraire à l’article 6 de la convention no 154, ratifiée par la Colombie. Le comité note que, selon le gouvernement: i) la décision de constituer un tribunal arbitral en vue d’un arbitrage obligatoire est pleinement légale et constitutionnelle puisque la législation qualifie le transport aérien de service public essentiel; ii) en application du Code du travail, les conflits collectifs qui affectent les services publics essentiels et n’ont pas été résolus par voie de règlement direct sont soumis à arbitrage obligatoire; iii) la convocation d’un tribunal arbitral par le ministère du Travail ne vaut pas détermination de la légalité ou de l’illégalité de la grève, compétence qui relève en Colombie du pouvoir judiciaire; iv) le tribunal administratif de Cundinamarca et celui d’Antioquia ont tous deux rejeté les recours en amparo de l’ACDAC au motif que l’acte administratif de convocation du tribunal était conforme au droit applicable.
- 250. Le comité constate qu’il ressort de ce qui précède que les organisations plaignantes dénoncent, d’une part, le fait que le conflit qui les opposait à l’entreprise ait été soumis à arbitrage obligatoire et, d’autre part, le fait que la convocation administrative du tribunal arbitral ait précédé la décision de justice déclarant la grève illégale.
- 251. En ce qui concerne la soumission du conflit objet de la présente plainte à un tribunal arbitral, le comité rappelle qu’il a estimé que, dans la mesure où l’arbitrage obligatoire empêche la grève, il porte atteinte au droit des organisations syndicales d’organiser librement leurs activités et ne pourrait se justifier que dans la fonction publique ou dans les services essentiels au sens strict du terme. [Voir Compilation, paragr. 818]. Notant que l’ACDAC a soumis sa liste de revendications le 8 août 2017 et que le ministère du Travail a ordonné la formation d’un tribunal d’arbitrage le 28 septembre 2017, le comité estime que, par souci de préserver l’espace nécessaire à la négociation collective libre et volontaire, le conflit qui opposait l’entreprise au syndicat aurait dû donner lieu à des efforts supplémentaires de médiation et de conciliation plutôt que d’être soumis à arbitrage obligatoire. Tout en prenant note du fait que la sentence arbitrale a fait l’objet d’un recours, actuellement en instance, le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’à l’avenir les éventuels conflits relatifs au renouvellement de la convention collective de l’entreprise soient réglés par voie de négociation et grâce à des mécanismes volontaires de règlement des différends, conformément aux principes de la liberté syndicale.
- 252. En ce qui concerne le refus qui aurait été opposé à la CUT de participer aux procédures judiciaires relatives à la déclaration d’illégalité de la grève organisée par l’ACDAC, organisation syndicale affiliée à la CUT, le comité note que, selon les organisations plaignantes, les tribunaux de première et de deuxième instance: i) ont refusé à la CUT la possibilité d’intervenir dans la procédure aux côtés de l’ACDAC, partie défenderesse, et ont exigé à tort que la CUT apporte la preuve qu’elle était affectée de manière substantielle et concrète par la procédure; ii) n’ont ainsi pas tenu compte de la légitimité de la CUT à défendre devant toutes les instances compétentes les garanties fondamentales de la liberté syndicale et ont violé l’article 6 de la convention no 87, qui établit que les fédérations et les confédérations jouissent de toutes les garanties reconnues dans cette convention. Le comité note que, selon l’entreprise, la Cour suprême de justice a confirmé la décision du Tribunal supérieur du district judiciaire de Bogota en refusant à la CUT la possibilité de se joindre à la procédure en qualité d’intervenant, «dans la mesure où [...] cela n’est possible que si une décision déboutant la partie aux côtés de laquelle le tiers entend intervenir risque d’avoir des conséquences sur ce dernier», ce qu’elle a estimé ne pas être le cas en l’espèce.
- 253. Tout en prenant bonne note des éléments fournis par les parties, le comité souligne l’importance pour les organisations de travailleurs et d’employeurs de pouvoir compter sur le plein appui des fédérations et confédérations auxquelles elles sont affiliées et veut croire que le gouvernement veillera à ce que cela soit pleinement respecté.
- 254. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les pilotes en grève auraient été remplacés par des pilotes étrangers recrutés sur la base de la décision de l’Unité administrative spéciale de l’aéronautique civile du 3 octobre 2017, le comité note que, selon le gouvernement et l’entreprise: i) ladite décision était de nature générale et déployait des effets erga omnes en vue d’élargir à toutes les compagnies aériennes les possibilités d’embauche de commandants étrangers en Colombie; ii) l’ACDAC a déposé un recours en protection contre cette décision, qui a d’abord été suspendue puis déclarée illégale; iii) en application de la décision rendue dans le cadre du recours en protection, l’entreprise s’est abstenue d’embaucher des commandants étrangers. Tout en rappelant que l’on ne devrait procéder au remplacement des grévistes que dans les cas suivants: a) en cas de grève dans un service essentiel au sens strict du terme pour lequel la législation interdit la grève; et b) quand apparaît un état de crise nationale aiguë [voir Compilation, paragr. 917], le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation compte tenu des informations communiquées par le gouvernement et l’entreprise.
Allégations relatives aux répercussions antisyndicales présumées de la déclaration d’illégalité de la grève
- 255. En ce qui concerne les allégations de licenciements massifs et de sanctions des membres du syndicat ayant leur droit légitime à faire grève, le comité note que les organisations plaignantes rapportent que plus de 100 pilotes syndiqués ont été licenciés et qu’environ 100 autres ont été sanctionnés sans que le ministère du Travail ni les instances judiciaires ne prennent les mesures de protection voulues contre les nombreuses irrégularités et les actes arbitraires qui ont ponctué les procédures disciplinaires. Le comité prend aussi note des déclarations du gouvernement et de l’entreprise, selon lesquelles: i) en application de l’article 450 2) du Code du travail, l’employeur a le pouvoir de licencier les travailleurs ayant participé à une grève déclarée illégale par la justice; ii) la majorité des pilotes grévistes font toujours partie des effectifs de l’entreprise (sur les 702 pilotes ayant pris part à la grève, 232 ont fait l’objet de sanctions disciplinaires – 83 licenciements et 129 mises à pied); iii) ce n’est que lorsqu’il s’est avéré qu’un pilote avait soutenu la grève en y prenant une part active que l’entreprise a mis fin à son contrat de travail, la participation passive à la grève ne donnant lieu qu’à une mise à pied; iv) toutes les garanties disciplinaires applicables à l’entreprise ont été respectées; v) les travailleurs licenciés n’ayant pas pris une part active à la grève peuvent faire valoir leurs droits devant les tribunaux; vi) un certain nombre de travailleurs concernés par les faits sur lesquels porte le présent cas ont déposé un recours en protection aux fins de leur réintégration; et vii) dans certaines affaires, les tribunaux se sont prononcés en faveur de l’entreprise et du ministère du Travail (décision T-509 de 2019) et en faveur des travailleurs dans d’autres (décision SU-598 de 2019), ce qui invalide la thèse selon laquelle leurs droits fondamentaux n’auraient pas été protégés et apporte une nouvelle fois la preuve que le pouvoir judiciaire est pleinement indépendant.
- 256. Le comité prend bonne note de ces différents éléments. Le comité rappelle qu’il a estimé que nul ne devrait faire l’objet de sanctions pour avoir déclenché ou tenté de déclencher une grève légitime et que le licenciement de travailleurs pour fait de grève constitue une grave discrimination en matière d’emploi pour exercice d’activité syndicale licite et est contraire à la convention no 98. [Voir Compilation, paragr. 953 et 957.] À la lumière de ses conclusions sur le mouvement de grève mené par l’ACDAC et compte tenu, en particulier, de la nécessité relevée par la Cour suprême d’aligner les dispositions législatives interdisant toute grève dans le secteur du transport aérien sur les principes de la liberté syndicale, le comité veut croire que le gouvernement, avec le soutien de l’assistance technique du Bureau suggérée dans les paragraphes précédents, facilitera les contacts entre l’entreprise et l’organisation plaignante pour traiter la situation des pilotes licenciés en raison de leur participation à la grève et ainsi contribuer à la résolution durable du conflit qui fait l’objet de présent cas.
- 257. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’entreprise aurait intenté une action en justice pour obtenir la dissolution de l’ACDAC en conséquence du caractère illégal de la grève menée par l’organisation, le comité note avec satisfaction que l’entreprise a décidé de se désister de cette action le 28 octobre 2020, afin de contribuer au renforcement du dialogue social. Tout en rappelant qu’il a estimé que la dissolution d’un syndicat est une mesure extrême et que le recours à pareille action sur la base d’une action de piquet de grève provoquant une perturbation d’une manifestation publique, mettant temporairement fin aux activités d’une organisation ou perturbant les transports, est à l’évidence non conforme aux principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 1000], le comité ne poursuivra pas l’examen de l’allégation dont il est question ici.
- 258. Le comité note que, pour les motifs susmentionnés, l’entreprise a décidé de se désister également de l’action qu’elle avait intentée au civil contre l’ACDAC en réparation du préjudice que lui a causé la grève. En conséquence, le comité ne poursuivra pas l’examen de l’allégation correspondante.
- 259. En ce qui concerne les poursuites pénales qui auraient été engagées contre les dirigeants de l’ACDAC en raison de la grève et qui, selon les allégations des organisations plaignantes, constitueraient une forme de criminalisation de l’action syndicale, le comité note que les organisations plaignantes font valoir que le ministère public a engagé des poursuites pénales contre les dirigeants syndicaux de l’ACDAC pour délits présumés d’obstruction à la justice et que le président de l’organisation, Jaime Hernández, a été inculpé au début de 2018 pour délit présumé d’incitation à la panique économique suite à une plainte déposée par l’entreprise. Le comité note que, pour sa part, l’entreprise déclare que le ministère public a effectivement engagé une procédure pénale contre le président de l’ACDAC, non pour des faits se rapportant à sa mission de défense des intérêts des pilotes de l’organisation mais pour avoir, pendant une émission de télévision, diffusé au préjudice de l’entreprise de fausses informations concernant un accident impliquant une compagnie aérienne sans aucun lien avec l’entreprise. Concernant ce point, le comité note que, selon le gouvernement: i) les faits sont sans rapport avec l’exercice de la liberté syndicale et c’est la personne physique et non l’organisation syndicale qui est mise en cause, raison pour laquelle le comité n’est pas compétent à cet égard; ii) une audience préparatoire était prévue le 21 mai 2019.
- 260. Le comité prend note de ces éléments. En ce qui concerne les poursuites pénales engagées contre le président de l’ACDAC pour des déclarations faites à la télévision, tout en faisant observer qu’il ne dispose pas des éléments qui lui permettraient de se prononcer sur ce point, le comité rappelle qu’il a estimé, d’une part, que si des personnes menant des activités syndicales ou exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la législation pénale ordinaire, l’arrestation ou l’inculpation de syndicalistes doivent s’appuyer sur des exigences légales qui ne portent pas elles-mêmes atteinte aux principes de la liberté syndicale et que, d’autre part, le plein exercice des droits syndicaux exige la libre circulation des informations, des opinions et des idées, de sorte que les travailleurs et les employeurs, tout comme leurs organisations, devraient jouir de la liberté d’opinion et d’expression dans leurs réunions, publications et autres activités syndicales. Néanmoins, dans l’expression de leurs opinions, lesdites organisations ne devraient pas dépasser les limites convenables de la polémique et devraient s’abstenir d’excès de langage. [Voir Compilation, paragr. 133 et 236.] Le comité souligne l’importance des décisions susmentionnées et prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement du procès pénal en cours.
- 261. En ce qui concerne les allégations d’écoutes illégales auxquelles auraient procédé des personnes liées à l’entreprise et des agents des pouvoirs publics et dont auraient été victimes le syndicat et ses membres, le comité note que, selon les organisations plaignantes: i) en juillet 2017, la justice pénale a condamné un fonctionnaire du ministère public pour avoir, pendant la grève, placé illégalement sur écoute les pilotes syndiqués à l’ACDAC; ii) la condamnation ferait référence au fait que les avocats de l’entreprise avaient un intérêt dans l’interception des conversations des pilotes tout au long du conflit collectif. Le comité note que l’entreprise affirme par ailleurs que: i) elle n’est en aucune manière liée auxdites écoutes; ii) elle ne fait l’objet d’aucune décision judiciaire ni enquête pénale; iii) suite à l’arrestation du représentant national de la société d’enquête chargée d’établir l’existence de fraudes internes commises à son détriment, l’entreprise a suspendu ses relations avec la filiale nationale de ladite société jusqu’à ce que l’enquête menée par le ministère public sur ces faits aboutisse; iv) l’entreprise a agi en qualité de victime dans le cadre d’une action de groupe à l’issue de laquelle elle été reconnue comme telle par les juges de la République; v) le procureur en charge du dossier a demandé, le 4 juin 2019, de procéder à l’évaluation des mesures de protection prises en faveur d’un dirigeant de l’entreprise qui a engagé, en octobre 2019, une procédure devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme aux fins de la mise en place de mesures conservatoires de protection. Le comité prend en outre note du fait que le gouvernement déclare, dans ses différentes communications, que: i) la justice pénale est saisie de cette question et devra établir les responsabilités et la peine correspondant à ces agissements, si les preuves le permettent; ii) il est effectivement informé que Luis Carlos Gómez Góngora a été condamné à huit ans de prison pour irrégularités de procédure, violation illégale du secret des communications et faux en écriture publique.
- 262. Le comité prend bonne note de ces éléments et constate qu’il en ressort que les enquêtes et procédures pénales relatives aux écoutes illégales dont a été victime l’ACDAC ont déjà donné lieu en 2019 à la condamnation à huit ans de prison d’un ancien fonctionnaire du ministère public et que l’ancien dirigeant d’une société privée d’enquête est emprisonné depuis 2018 dans l’attente de la conclusion des enquêtes pénales correspondantes. Le comité exprime sa préoccupation concernant les écoutes illégales mentionnées, en particulier dans le contexte délicat du déroulement d’une grève. À cet égard, le comité rappelle qu’il a estimé que la violation de la correspondance, outre qu’elle constitue un acte délictueux, est incompatible avec le libre exercice des droits syndicaux et des libertés publiques, et que la Conférence internationale du Travail, dans sa Résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, a souligné qu’il convenait d’accorder une attention particulière au droit à l’inviolabilité de la correspondance et des conversations téléphoniques. [Voir Compilation, paragr. 270.] Le comité s’attend fermement à ce que les autorités compétentes continuent à prendre toutes les mesures pertinentes en vue d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs matériels et les commanditaires des écoutes mentionnées, dans les meilleurs délais. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 263. En ce qui concerne les menaces de mort reçues par les dirigeants de l’ACDAC et les membres de leur famille qu’ont dénoncées les organisations plaignantes en février 2020, le comité prend bonne note des déclarations du gouvernement, selon lesquelles: i) il n’a été informé de ces menaces que lorsque l’OIT lui a transmis les communications des organisations plaignantes à ce sujet; ii) le ministère du Travail a immédiatement alerté l’UNP, laquelle n’avait jusqu’alors pas connaissance des menaces en question; iii) il a en conséquence été demandé au président de l’ACDAC de transmettre à l’UNP les informations dont il disposait afin qu’une protection adéquate et immédiate puisse être assurée. Rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Compilation, paragr. 84], le comité veut croire que le gouvernement continuera à accorder la plus grande attention à la sécurité des dirigeants de l’ACDAC afin que la protection dont ils pourraient avoir besoin puisse leur être accordée de manière immédiate.
- 264. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’entreprise aurait cessé de transférer à l’ACDAC les cotisations syndicales des pilotes de l’entreprise, le comité prend note des indications du gouvernement, selon lesquelles l’entreprise reverse les cotisations syndicales en temps opportun, ainsi que le prouve l’attestation faisant état des cotisations syndicales prélevées aux pilotes syndiqués en 2017, 2018 et jusqu’en janvier 2019. À la lumière de ces éléments, et en l’absence de nouvelles indications fournies par les organisations plaignantes sur ce point, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 265. Enfin, le comité prend bonne note des progrès dans le dialogue entre l’entreprise et l’ACDAC dont ont fait état le gouvernement, l’entreprise et les organisations plaignantes à partir de 2019. À cet égard, il constate tout particulièrement que, dans le contexte de la grave crise qui touche le secteur aérien dans le monde entier, le 27 octobre 2020, l’entreprise et l’ACDAC ont conclu un accord visant à assurer la viabilité de l’entreprise et à préserver les emplois. Tout en observant que cet accord ne règle pas tous les désaccords qui existent entre les parties, le comité accueille favorablement cet important pas en avant et veut croire que les présentes conclusions et recommandations permettront aux parties de laisser définitivement derrière elles le conflit qui les oppose depuis une décennie.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 266. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’à l’avenir les éventuels conflits relatifs au renouvellement de la convention collective de l’entreprise soient réglés par voie de négociation et grâce à des mécanismes volontaires de règlement des différends, conformément aux principes de la liberté syndicale.
- b) À la lumière de ses conclusions sur le mouvement de grève qui fait l’objet du présent cas et compte tenu, en particulier, de la nécessité relevée par la Cour suprême d’aligner les dispositions législatives interdisant toute grève dans le secteur du transport aérien sur les principes de la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux représentatifs du pays, de prendre dès que possible les mesures nécessaires pour réviser la législation dans le sens indiqué, en garantissant l’existence d’un mécanisme permettant d’établir la négociation des services minimums en cas de grève dans ledit secteur. Le comité invite le gouvernement à demander l’assistance technique du Bureau à cet égard.
- c) En ce qui concerne les poursuites pénales engagées contre le président de l’ACDAC, le comité souligne l’importance de ses décisions mentionnées dans les conclusions du présent cas et prie le gouvernement de le tenir informé du déroulement du procès pénal en cours.
- d) Le comité s’attend fermement à ce que les autorités compétentes continuent à prendre toutes les mesures pertinentes en vue d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs matériels et les commanditaires des écoutes illégales qui ont visé l’ACDAC, dans les meilleurs délais. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- e) Le comité veut croire que le gouvernement continuera à accorder la plus grande attention à la sécurité des dirigeants de l’ACDAC afin que la protection dont ils pourraient avoir besoin puisse leur être accordée de manière immédiate.