Allégations: L’organisation plaignante dénonce des violations des droits
syndicaux de la part du gouvernement, en particulier l’émission d’une décision unilatérale
de confiscation de locaux et de biens syndicaux, en l’absence de mandat
judiciaire
- 43. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois (soumis en mars
2017) à sa réunion de juin 2021 et, à cette occasion, il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 395e rapport, approuvé par le Conseil
d’administration à sa 342e session (juin 2021), paragr. 63 à 74 .]
- 44. La commission préparatoire pour le congrès du Syndicat national des
travailleurs et des employés d’Afghanistan (NUAWE) a envoyé des informations
additionnelles dans des communications datées des 19 juin et 17 juillet 2021. La
Confédération syndicale internationale (CSI) a envoyé des informations additionnelles
dans une communication en date du 17 mai 2022.
- 45. À sa réunion de mars 2022 [voir 397e rapport, paragr. 7], le comité a
lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de
procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil
d’administration (1971), il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa
prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas
reçues à temps. À ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
- 46. L’Afghanistan n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 47. À sa réunion de juin 2021, le comité a formulé les recommandations
suivantes [voir 395e rapport, paragr. 74]:
- a) Le comité exhorte le gouvernement à
faire en sorte que les problèmes à l’origine de cette plainte, en particulier la
confiscation des biens du syndicat, soient traités sans délai. Le comité s’attend à
une décision rapide des tribunaux concernant le recours en justice du NUAWE à cet
égard et prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour donner effet à leur
décision finale.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter
une enquête sur les allégations formulées par la Confédération syndicale
internationale (CSI) dans sa communication d’avril 2018 à propos des tentatives de
prise de contrôle et d’occupation des bureaux du NUAWE par la police et les forces
armées, afin d’établir les faits et d’identifier les responsables pour faire en
sorte que de tels actes ne se reproduisent pas. Il prie en outre instamment le
gouvernement de communiquer des observations détaillées sur les allégations
concernant le gel des comptes bancaires du syndicat sans autorisation judiciaire, le
non-renouvellement de son enregistrement, l’absence de dialogue avec le syndicat,
ainsi que les obstacles à la liberté d’expression et à la liberté de la
presse.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de préciser si le
décret de 2016 conduit effectivement à l’intervention des autorités dans les
affaires syndicales ou à l’exercice de contrôle sur ces activités et si, en
particulier, l’examen conduit pourrait entraîner la dissolution ou la suspension
d’un syndicat par voie administrative et, si tel est le cas, invite le gouvernement
à modifier le décret de 2016 afin d’assurer que cela n’est pas
possible.
B. Informations additionnelles reçues
B. Informations additionnelles reçues- 48. Dans des communications en date des 19 juin et 17 juillet 2021, la
commission préparatoire pour le congrès du NUAWE rappelle que, dans sa décision du
4 mars 2019, la Cour d’appel de Kaboul a jugé que le mandat du conseil de direction du
NUAWE avait expiré, que l’ancien président M. Maroof Qaderi et les anciens membres du
conseil d’administration avaient perdu leurs pouvoirs, et que, avec l’accord de toutes
les parties concernées – y compris le signataire de cette plainte, M. Qaderi, une
commission composée de 26 membres a été mise en place pour faciliter l’organisation de
l’élection du nouveau président et du nouveau conseil d’administration avant le
19 janvier 2021. Cependant, le congrès a été reporté. La commission préparatoire indique
que les travaux sont toujours en cours pour organiser le congrès du NUAWE conformément à
la décision de la Cour d’appel de Kaboul et pour mettre fin à la crise qui sévit depuis
longtemps au sein de l’organisation. Selon la commission préparatoire, tant que le
congrès ne pourra pas avoir lieu, le NUAWE restera sous son autorité.
- 49. Dans une communication en date du 17 mai 2022, la Confédération
syndicale internationale (CSI) indique que, depuis l’arrivée au pouvoir des nouvelles
autorités en août 2021, les dirigeants syndicaux sont directement menacés et ainsi
contraints à l’exil. Certains dirigeants du NUAWE, dont M. Qaderi, se sont installés à
l’étranger, alors que d’autres, comme M. Mohammad Ashraf Samadi, vice-président du
NUAWE, dirigent l’équipe dans le pays. La CSI indique que le NUAWE a officiellement
demandé aux nouvelles autorités de rouvrir ses locaux et de renouveler son
enregistrement, mais qu’aucune réponse positive n’a été reçue. La CSI dénonce également
le fait que, le 27 mars 2022, les autorités ont saisi les propriétés du syndicat, y
compris celles situées en province, ont confisqué du matériel et des documents et ont
expulsé son personnel. Enfin, la CSI informe qu’en l’absence du renouvellement de
l’enregistrement du NUAWE dans le pays, rendant ainsi son fonctionnement illégal, M.
Qaderi et d’autres dirigeants syndicaux ont constitué le NUAWE en exil.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 50. Le comité rappelle que ce cas concerne des allégations de
confiscation par le gouvernement, en l’absence de mandat judiciaire, de locaux et de
biens syndicaux légitimement acquis, en particulier des tentatives de prise de contrôle
et d’occupation violentes des bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, ainsi
que le gel des comptes bancaires du syndicat, le non-renouvellement de son
enregistrement et des obstacles à la liberté d’expression et à la liberté de la
presse.
- 51. Le comité rappelle que, en juin 2021, le gouvernement a fait savoir
que, à la suite d’une décision de la Cour d’appel de Kaboul concernant la direction du
NUAWE, toutes les parties sont convenues de mettre en place une commission chargée
d’organiser l’élection d’un nouveau conseil de direction de l’organisation en janvier
2021, qui a été reportée en raison de difficultés d’ordre sécuritaire et logistique. Le
gouvernement a ajouté que les comptes bancaires du syndicat seraient transférés à la
direction légitime élue du NUAWE. Le gouvernement a également indiqué qu’il respecterait
toute décision finale des tribunaux concernant le recours en justice présenté par le
syndicat pour réclamer certaines propriétés. Le comité note avec préoccupation que le
gouvernement n’a pas communiqué d’information supplémentaire depuis lors, en particulier
concernant les mesures prises pour appliquer ses précédentes recommandations.
- 52. Le comité prend note des informations fournies par la commission
préparatoire pour le congrès du NUAWE, datées de juin et juillet 2021, en rappelant que,
dans son jugement de mars 2019, la Cour d’appel de Kaboul a décidé que le mandat du
conseil de direction du NUAWE avait expiré, et que l’autorité du précédent président,
M. Maroof Qaderi, et des membres du conseil d’administration avait expiré. La commission
préparatoire a affirmé que toutes les parties au conflit interne au syndicat – y compris
le signataire de cette plainte, M. Qaderi – ont signé un accord pour la mise en place
d’un comité d’organisation composé de 26 membres afin de faciliter l’organisation de
l’élection du nouveau président et du nouveau conseil d’administration avant le
19 janvier 2021. Cependant, le congrès a été reporté. Selon la commission préparatoire,
les travaux sont toujours en cours pour organiser le congrès du NUAWE conformément à la
décision de la Cour d’appel de Kaboul et pour mettre fin à la crise qui sévit depuis
longtemps au sein de l’organisation. Enfin, la commission préparatoire a déclaré que,
tant que le congrès ne pourra pas avoir lieu, le syndicat restera sous son autorité. Le
comité note que la commission préparatoire n’a depuis lors fourni aucune nouvelle
information sur la tenue du congrès du NUAWE. Le comité a connaissance par ailleurs,
grâce à des informations accessibles au public, que le signataire de la plainte,
M. Qaderi, et d’autres représentants du NUAWE ont fui le pays et sont en exil.
- 53. Au vu de ce qui précède et conscient de la complexité de la situation
nationale, le comité invite toutes les autorités responsables à fournir des informations
sur les mesures prises pour donner suite à ses précédentes conclusions dont il rappelle
ci-dessous le caractère général.
- 54. Le comité exhorte le gouvernement à faire en sorte que les problèmes
à l’origine de cette plainte, en particulier la confiscation des biens du syndicat,
soient traités sans délai. À cet égard, le comité s’attend à une décision rapide des
tribunaux concernant le recours en justice du NUAWE et prie le gouvernement de fournir
des informations détaillées sur l’état d’avancement de la procédure judiciaire et
d’indiquer les mesures prises pour donner effet à leur décision finale une fois qu’elle
sera rendue.
- 55. Le comité rappelle en outre que la Confédération syndicale
internationale (CSI), qui s’est associée à la plainte en avril 2018, a dénoncé: i) des
tentatives de prise de contrôle et d’occupation violentes des bureaux du NUAWE par la
police et les forces armées; ii) le gel des comptes bancaires du syndicat sans
autorisation judiciaire; iii) le non-renouvellement de l’enregistrement du syndicat; et
iv) l’absence de dialogue avec le syndicat, ainsi que les obstacles à la liberté
d’expression et à la liberté de la presse. Le comité note avec préoccupation les
allégations de la CSI contenues dans sa communication en date du 17 mai 2022, selon
lesquelles, depuis l’arrivée au pouvoir des nouvelles autorités en août 2021, les
dirigeants syndicaux sont directement menacés et ainsi contraints à l’exil. Certains
dirigeants du NUAWE, dont M. Qaderi, se sont installés à l’étranger, tandis que d’autres
dirigent l’équipe dans le pays. Le Comité note l’indication selon laquelle, malgré une
demande officielle du syndicat, les autorités ont refusé de rouvrir ses locaux et de
renouveler son enregistrement. Le comité note avec une vive préoccupation l’allégation
selon laquelle les autorités ont saisi les propriétés du syndicat dans les provinces,
confisquant du matériel et des documents, et expulsant son personnel. À cet égard, le
comité rappelle que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne
peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de
toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il
appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. Il rappelle
également que la confiscation des biens des organisations syndicales par les autorités,
en l’absence de mandat judiciaire, constitue une atteinte au droit de propriété des
organisations syndicales et une ingérence indue dans les activités des syndicats. Enfin,
le comité considère que le droit des organisations de travailleurs et d’employeurs
d’exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l’un des éléments
essentiels des droits syndicaux. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté
syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 84, 288 et 239.] Le comité prie à nouveau le
gouvernement de diligenter une enquête sur les allégations formulées dans la
communication de la CSI qui concernent la tentative de prise de contrôle et d’occupation
des bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, afin d’établir les faits et
d’identifier les responsables pour faire en sorte que de tels actes ne se reproduisent
pas. Il prie en outre instamment le gouvernement de communiquer des observations
détaillées sur les autres allégations formulées par la CSI, en particulier celles
contenues dans sa dernière communication de mai 2022 concernant les menaces à l’encontre
de syndicalistes les contraignant à l’exil, le refus de renouvellement de
l’enregistrement du syndicat et la confiscation des biens et des documents du syndicat,
y compris dans les provinces.
- 56. Le comité rappelle également que ses précédentes conclusions
concernaient aussi le texte du décret de 2016 qui, outre qu’il ordonne le transfert à
l’État de la propriété des biens de l’organisation plaignante, charge également le
ministère de la Justice d’examiner, à la lumière de la législation applicable, si le
NUAWE et deux autres syndicats peuvent poursuivre leurs activités, et d’agir en
conséquence. À cet égard, le comité a souligné que les organisations de travailleurs ont
le droit d’organiser librement leur gestion et leur activité, sans ingérence des
autorités. Il a rappelé en outre que les mesures de suspension ou de dissolution par
voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté
syndicale. [Voir Compilation, paragr. 986.] Le comité prie instamment le gouvernement de
préciser si le décret de 2016 conduit effectivement à l’intervention des autorités dans
les affaires syndicales ou à l’exercice de contrôle sur ces activités et si, en
particulier, l’examen conduit pourrait entraîner la dissolution ou la suspension d’un
syndicat par voie administrative et, si tel est le cas, invite le gouvernement à
modifier le décret de 2016 afin d’assurer que cela n’est pas possible.
- 57. Compte tenu de la situation actuelle dans le pays, le comité prie le
gouvernement d’indiquer les mesures prises pour veiller à ce que toutes les
organisations de travailleurs et d’employeurs puissent exercer leurs activités
syndicales légitimes dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de
toutes sortes
- 58. Compte tenu également des circonstances prévalant dans le pays, le
comité rappelle que l’assistance technique du Bureau est disponible pour mettre en œuvre
ses recommandations.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 59. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le
Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité
exhorte le gouvernement à faire en sorte que les problèmes à l’origine de cette
plainte, en particulier la confiscation des biens du syndicat, soient traités sans
délai. Le comité s’attend à une décision rapide des tribunaux concernant le recours
en justice du Syndicat national des travailleurs et des employés d’Afghanistan
(NUAWE) à cet égard et prie le gouvernement de fournir des informations détaillées
sur l’état d’avancement de la procédure judiciaire et d’indiquer les mesures prises
pour donner effet à leur décision finale une fois qu’elle sera rendue.
- b) Le
comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête sur les allégations
formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) dans sa communication
d’avril 2018 à propos des tentatives de prise de contrôle et d’occupation des
bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, afin d’établir les faits et
d’identifier les responsables pour faire en sorte que de tels actes ne se
reproduisent pas. Il prie en outre instamment le gouvernement de communiquer des
observations détaillées sur les allégations concernant le gel des comptes bancaires
du syndicat sans autorisation judiciaire, le non-renouvellement de son
enregistrement rendant ses activités illégales, ainsi que les allégations graves
contenues dans la communication de mai 2022 de la CSI concernant les menaces à
l’encontre de syndicalistes les contraignant à l’exil, et la confiscation des biens
et des documents du NUAWE, y compris dans les provinces.
- c) Le comité prie
instamment le gouvernement de préciser si le décret de 2016 conduit effectivement à
l’intervention des autorités dans les affaires syndicales ou à l’exercice de
contrôle sur ces activités et si, en particulier, l’examen conduit pourrait
entraîner la dissolution ou la suspension d’un syndicat par voie administrative et,
si tel est le cas, invite le gouvernement à modifier le décret de 2016 afin
d’assurer que cela n’est pas possible.
- d) Compte tenu de la situation actuelle
dans le pays, le comité prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour
veiller à ce que toutes les organisations de travailleurs et d’employeurs puissent
exercer leurs activités syndicales légitimes dans un climat exempt de violence, de
pressions ou menaces de toutes sortes.
- e) Compte tenu également des
circonstances prévalant dans le pays, le comité rappelle que l’assistance
technique du Bureau est disponible pour mettre en œuvre les recommandations a) à
d).
- f) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le
caractère grave et urgent du présent cas.