Allégations: L’organisation plaignante dénonce la violation systématique par le
gouvernement des droits de liberté syndicale, notamment par de nombreux actes de violence
antisyndicale et d’autres formes de représailles, le rejet arbitraire des demandes
d’enregistrement des syndicats les plus actifs et indépendants, et des pratiques
antisyndicales de la part de la direction des usines. L’organisation plaignante dénonce
également des manquements à l’application de la loi et l’hostilité manifestée par le
gouvernement vis-à-vis des syndicats
- 140. Le comité a examiné le présent cas (soumis en avril 2016) pour la
dernière fois à sa réunion de mars 2022 et, à cette occasion, il a présenté un rapport
intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 397e rapport, paragr. 79 à 94, approuvé
par le Conseil d’administration à sa 344e session .]
- 141. Le gouvernement fournit ses observations dans des communications en
dates du 1er novembre 2022 et des 9 et 13 février 2023.
- 142. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le
droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 143. À sa réunion de mars 2022, le comité a formulé les recommandations
suivantes [voir 397e rapport, paragr. 94]:
- a) Le comité s’attend fermement à ce
que le cas concernant les allégations de licenciements antisyndicaux dans
l’entreprise b) soit réglé sans délai supplémentaire et prie le gouvernement de le
tenir informé de la décision qui sera rendue.
- b) Le comité prie instamment
le gouvernement de fournir copie du jugement dans lequel il indique qu’aucune preuve
d’une faute de la police n’a été trouvée en relation avec les mauvais traitements et
le meurtre de M. Aminul Islam et d’indiquer clairement la manière dont les graves
allégations d’implication des forces de sécurité dans cet incident ont été
pleinement prises en compte et ont fait l’objet d’une enquête dans le cadre de la
procédure judiciaire menée. Il s’attend également à ce que le gouvernement veille à
ce que toute allégation de ce type fasse rapidement l’objet d’une enquête en bonne
et due forme par le biais de mécanismes indépendants et veut croire que des mesures
concrètes seront prises pour donner des instructions claires à tous les
fonctionnaires de l’État afin de garantir efficacement la prévention de tout acte de
ce type.
- c) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement d’indiquer
clairement si les allégations spécifiques et graves de menaces et de violences
contre des dirigeants et membres de syndicats dans un certain nombre d’entreprises
dénoncées dans la plainte, y compris celles qui auraient été perpétrées par la
police, ont fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme et, dans l’affirmative,
d’en indiquer le résultat. Le comité s’attend aussi fermement à ce que le
gouvernement prenne les mesures nécessaires pour que toute allégation de ce type
fasse l’objet d’une enquête rapide par une entité indépendante.
- d)
Soulignant à nouveau les graves conséquences des longues procédures judiciaires sur
le fonctionnement des syndicats, le comité s’attend fermement à ce qu’une décision
soit prise sans délai en lien avec la procédure judiciaire d’annulation de
l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l) et prie le gouvernement de
fournir des informations sur l’issue de la procédure.
- e) Le comité attire
spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement
grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 144. Le gouvernement indique que le cas concernant les allégations de
licenciements antisyndicaux dans l’entreprise b) s’est conclu le 14 décembre 2021 par
l’acquittement des défendeurs par la deuxième chambre du tribunal du travail de Dhaka au
motif que nombre des salariés licenciés avaient reçu leurs indemnités de fin de service
et qu’aucune plainte n’avait été déposée contre leur employeur ou les accusés.
Concernant le retard dans l’examen des affaires, le gouvernement affirme que, les
tribunaux étant surchargés, il y a parfois des retards dans l’aboutissement de la
procédure. Cependant le pouvoir judiciaire est conscient des problèmes et s’applique à
éviter les retards déraisonnables. Le pouvoir judiciaire décide lui-même de la
programmation des audiences et le gouvernement a une confiance absolue que les procès
sont menés de manière indépendante.
- 145. Le gouvernement indique en outre que le ministre du Droit, de la
Justice et des Affaires parlementaires (MLJPA) et le secrétaire du ministère du Travail
et de l’Emploi (MOLE) ont tenu une série de réunions à intervalles réguliers afin de
discuter et identifier les questions à traiter et les domaines où une coordination
s’avère nécessaire et qu’ils ont été en contact étroit avec les personnes/organisations
concernées afin d’expédier les affaires. Le MOLE siège régulièrement et veille à
l’avancement des affaires, et si nécessaire mandate son personnel pour accélérer les
procès. Récemment, ils ont organisé deux réunions avec des agents du MLJPA et du MOLE,
du Département du travail (DOL), du Département de l’inspection des usines et des
établissements (DIFE), du Fonds central, de la Fondation pour le bien-être des
travailleurs et du Comité du salaire minimum. En outre, le MOLE a publié un avis de
vacance pour trois postes de juriste qui seront prochainement remplis et aideront le
ministère à accélérer les procédures judiciaires. Enfin, le gouvernement indique qu’un
Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale a été formé. Ce comité a
identifié les cas à traiter rapidement et les a communiqués au secrétaire du MOLE et au
MLJPA lorsque des instructions, des directives ou un suivi ont été nécessaires.
Désormais, ce sera un processus continu.
- 146. En ce qui concerne les mauvais traitements et le meurtre de
M. Aminul Islam, au sujet desquels de graves allégations d’implication des forces de
sécurité ont été formulées, le gouvernement communique une copie du jugement en date du
8 avril 2018 de la cour de la session spéciale du district de Tangail, contenant une
condamnation à mort prononcée par contumace à l’encontre d’une personne reconnue
coupable d’avoir enlevé, torturé et assassiné le dirigeant syndical dans la nuit du 4 au
5 avril 2012. Le gouvernement affirme également qu’il veille à ce que les forces de
l’ordre et les autorités d’enquête agissent promptement et ne commettent pas de fautes
dans le traitement de toute question grave et ajoute que, si un policier commet un abus
dans l’exercice de ses fonctions, il fera l’objet d’une procédure départementale; les
allégations contre les membres des forces de sécurité sont traitées dans le cadre de
procédures officielles internes et si toute autre infraction est démontrée, des mesures
disciplinaires sont prises.
- 147. En ce qui concerne la demande du comité relative à l’enquête sur les
allégations spécifiques de menaces et de violences contre des dirigeants et des membres
de syndicats dans plusieurs entreprises, dont certaines auraient été perpétrées par la
police, le gouvernement indique que tous les cas signalés de discrimination
antisyndicale, y compris les menaces et les violences visant des dirigeants syndicaux,
font l’objet d’une enquête en bonne et due forme de la part du Département du travail.
Le gouvernement réaffirme en outre que les enquêtes sont menées par l’autorité légale
compétente, à savoir la police. Le département de la police est seul responsable des
enquêtes sur les infractions pénales en vertu du Code de procédure pénale de 1898. Si
une investigation plus approfondie est nécessaire, une demande peut être faite au
tribunal pour le déclenchement d’une enquête par le Département d’enquête criminelle
(CID) et le Bureau d’enquête de la police (PBI). Conformément à l’ordonnance du
tribunal, ces deux organismes peuvent enquêter séparément et soumettre directement un
rapport au tribunal. Enfin, le gouvernement indique que la police dispose également de
mécanismes d’enquête et de plaintes contre ses fonctionnaires, qui peuvent faire l’objet
d’une enquête départementale et de sanctions s’ils sont jugés responsables de négligence
ou d’une infraction quelconque. Le gouvernement réitère par ailleurs que les cas de
discrimination antisyndicale dans les entreprises d), e), f) et g) ont été réglés à
l’amiable.
- 148. En ce qui concerne la procédure judiciaire relative à l’annulation
de l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l), le gouvernement signale que
le cas est pendant et qu’il ne peut intervenir dans une procédure judiciaire
indépendante en cours pour clore le cas. Il rappelle une fois encore l’historique de la
procédure et indique que:
- Dans le cas concernant l’enregistrement du syndicat
Sramik Kormachari de l’entreprise Grameenphone Ltd., après un premier refus
d’enregistrement le 28 février 2013, le syndicat a introduit une demande de révision
judiciaire et, l’administration ayant perdu son recours devant le tribunal d’appel
du travail le 29 août 2013, le syndicat a finalement été enregistré. Toutefois, à ce
stade, l’entreprise a contesté la délivrance du certificat d’enregistrement et a
obtenu une ordonnance de la Haute Cour de la Cour suprême suspendant l’exécution de
la décision du tribunal d’appel du travail d’autoriser l’enregistrement du syndicat.
Le gouvernement indique que, le 14 mai 2019, date à laquelle l’entreprise a présenté
pour la dernière fois une demande de renouvellement de l’ordonnance de suspension,
la Haute Cour a rejeté sa requête et a ordonné aux parties de maintenir le statu quo
par rapport à la position du service jusqu’à ce qu’un jugement soit
rendu.
- Dans le cas concernant l’enregistrement du syndicat Sramik de
l’entreprise Grameenphone Ltd., après un premier refus le 27 novembre 2008, le
syndicat a demandé et obtenu une révision judiciaire. L’administration ayant perdu
l’appel qu’elle avait interjeté le 27 janvier 2014, le syndicat a finalement été
enregistré. Toutefois, à ce stade, l’employeur a fait appel devant la Haute Cour de
la Cour suprême et a réclamé la suspension de la délivrance du certificat
d’enregistrement du syndicat dans l’attente d’un jugement, ce qui lui a été accordé.
Le dernier renouvellement de six mois de l’ordonnance de suspension date du 23 avril
2019, et le cas est toujours en cours.
- Un nouveau syndicat, le Grameenphone
Employees Union (GPEU), a été enregistré le 6 mars 2019.
- 149. Le gouvernement réaffirme que, compte tenu de la gravité du cas, il
a pris des mesures incluant des cours de base et des formations continues pour les
membres de la police bangladaise qui portent notamment sur les droits de l’homme, les
libertés publiques et les droits syndicaux, et ajoute que chaque policier reçoit par
ailleurs une formation sur les droits de l’homme, les droits fondamentaux et les droits
constitutionnels lors de sa formation de base. Il fait également référence à la feuille
de route sur le secteur du travail au Bangladesh (2021-2026) qui a été présentée au
Conseil d’administration du BIT en juin 2021. Celle-ci contient des mesures portant sur:
la formation et la sensibilisation des agents de sécurité et des policiers pour prévenir
la violence, le harcèlement, les pratiques déloyales en matière de travail et les actes
antisyndicaux; l’élaboration et la mise à jour régulière des bases de données en ligne
sur les programmes de formation; la rédaction en bengali d’un recueil exhaustif sur le
cadre juridique relatif au recours minimal à la force et aux sanctions applicables en
cas de violation; et la formation continue de la police industrielle et des organismes
pertinents chargés de faire respecter la loi et la fourniture d’instructions claires sur
le recours minimal à la force et le respect des droits de l’homme et des droits au
travail (droits syndicaux et libertés publiques notamment) pendant les manifestations de
travailleurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 150. Le comité note que le présent cas, dont le premier examen remonte à
2017, porte sur des allégations de violation systématique de la liberté syndicale,
notamment par des actes de violence, de discrimination antisyndicale et d’autres formes
de représailles visant des dirigeants et des membres de syndicats dans un certain nombre
d’entreprises, de rejet arbitraire de demandes d’enregistrement de syndicats, de
pratiques antisyndicales et de détournement des procédures disponibles pour contester
l’enregistrement des syndicats, et de manquements à l’application de la loi.
- 151. Le comité rappelle que l’organisation plaignante a allégué que,
depuis fin avril 2014, plus de 60 travailleurs de l’entreprise b) avaient été licenciés
et a affirmé que les représailles s’étaient intensifiées en mars 2014, à la suite d’une
demande à la direction d’entamer une négociation collective. En réponse à cette
allégation, le gouvernement a indiqué qu’une enquête avait établi que la direction non
seulement avait privé les travailleurs de leurs droits syndicaux, mais avait en outre
licencié de nombreuses personnes de manière inhumaine; en 2014, une procédure pénale a
donc été entamée auprès du tribunal du travail pour pratiques déloyales en matière de
travail. [Voir 382e rapport, paragr. 153 et 161.] Le comité prend note de la dernière
indication du gouvernement selon laquelle le cas s’est conclu le 14 décembre 2021 par
l’acquittement des défendeurs par la deuxième chambre du tribunal du travail de Dhaka au
motif que nombre des salariés licenciés avaient reçu leurs indemnités de fin de service
et qu’aucune plainte n’avait été déposée contre leur employeur ou les accusés. Il
observe que le tribunal ne semble pas avoir pris en considération la nature
antisyndicale des licenciements, et rappelle à cet égard que nul ne doit être licencié
ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son
affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe
que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés
dans la pratique. Les affaires soulevant des questions de discrimination antisyndicale
devraient être examinées promptement afin que les mesures correctives nécessaires
puissent être réellement efficaces et qu’une lenteur excessive dans le traitement de
tels cas constitue une violation grave des droits syndicaux des intéressés. [Voir
Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018,
paragr. 1075 et 1139.] Le comité note avec préoccupation que dans le présent cas, malgré
l’enquête du gouvernement établissant que les licenciements avaient eu lieu dans un
contexte de violation des droits syndicaux, les défendeurs ont finalement été acquittés
à l’issue d’une procédure pénale extrêmement longue de sept années au motif que nombre
des salariés licenciés avaient reçu leurs indemnités de fin de service. Notant que
plusieurs cas graves de licenciements antisyndicaux constatés par le gouvernement dans
le présent cas n’ont donné lieu à aucune sanction ni aucune mesure corrective à l’issue
de longues procédures judiciaires, le comité prend note des mesures adoptées par le
gouvernement, telles qu’énoncées dans sa feuille de route présentée au Conseil
d’administration dans le cadre de la plainte en cours déposée en vertu de l’article 26
de la Constitution de l’OIT pour accélérer le traitement des affaires liées au travail
et résorber les arriérés accumulés grâce à la création de trois nouveaux tribunaux du
travail, ainsi que la formation du Comité de suivi des cas du Comité de la liberté
syndicale. Il s’attend à ce que les dispositions prises par le gouvernement pour
augmenter le nombre de tribunaux du travail et accroître leurs ressources permettent à
l’avenir d’assurer rapidement et efficacement la protection des victimes contre la
discrimination antisyndicale, notamment par l’imposition de sanctions pénales.
- 152. En ce qui concerne les mauvais traitements et le meurtre de
M. Aminul Islam en 2012, le comité accueille favorablement la communication par le
gouvernement d’une copie du jugement, ce qui lui permet de mener son examen en toute
connaissance de cause. Il note que, bien que le procureur n’ait retenu des charges que
contre une seule personne, il soumet au tribunal que l’accusé ainsi que d’autres
complices ont causé la mort d’Aminul Islam et qu’il s’agissait d’un assassinat
prémédité. Le juge lui-même résume la position du procureur dans les termes suivants:
«Un examen minutieux des preuves apportées par les témoins à charge montre clairement
que le procureur a établi que l’accusé est l’agresseur principal qui a agi de concert et
en accord avec ses autres complices dont les identités n’ont pas été dévoilées pour
causer la mort du défunt». Le comité note également qu’un autre passage du jugement
énonce que «la popularité acquise par Aminul Islam était la cause de l’hostilité de
l’Association des patrons de l’industrie vestimentaire à son égard, parce qu’il avait
l’habitude de veiller aux intérêts des travailleurs, et enfin il a été la cible des
groupes susmentionnés qui ont exécuté leur plan de causer la mort du défunt Aminul Islam
par leur agent et ses autres complices». Le juge conclut donc à la «complicité de
l’accusé dans la commission du crime».
- 153. En ce qui concerne les allégations d’implication des forces de
sécurité dans la torture et l’assassinat du dirigeant syndical, le comité note que,
selon le jugement, deux témoins, dont l’épouse d’Aminul Islam, ont indiqué dans leur
témoignage devant le tribunal qu’une fois, en 2010, les services de renseignement de la
sécurité nationale (NSI) ont emmené Aminul Islam et l’ont torturé; et trois témoins ont
indiqué que l’accusé, qui était auparavant un travailleur de la zone franche
d’exportation (EPZ), était devenu un agent et un informateur du Département d’enquête
criminelle (CID), des NSI, de l’Autorité de la zone franche de Bangladesh (BEPZA), de la
police industrielle et d’autres organismes. Le comité note en outre que le jugement
indique que les enquêteurs qui ont présenté l’acte d’accusation dans cette affaire
étaient des membres de la Branche des détectives (DB) de la police et du CID.
- 154. Le comité rappelle que le gouvernement avait précédemment indiqué
que la procédure judiciaire, qui a abouti à la condamnation de l’accusé, n’a pas permis
de prouver l’implication des forces de sécurité dans l’incident. [Voir 397e rapport,
paragr. 84.] Compte tenu de ce qui précède, le comité note que le jugement du 8 avril
2018 ne conclut pas à l’implication des forces de sécurité et prend seulement note des
témoignages dans ce sens, mais qu’en revanche il constate expressément que l’accusé
n’était qu’un complice du crime, alors qu’il y avait des instigateurs et d’autres
complices «dont les identités n’ont pas été dévoilées». Le comité observe en outre que
l’enquête préliminaire de l’affaire et la collecte des preuves ont été effectuées par
des agents des mêmes organismes qui auraient prétendument eu l’accusé à leur
service.
- 155. Le comité note que, en ce qui concerne les mécanismes de
responsabilité disponibles qui seraient applicables aux forces de sécurité, le
gouvernement ne fait référence qu’à des «procédures départementales» et à des «actions
disciplinaires». Le comité observe qu’il s’agit là de procédures purement
administratives menées par des supérieurs hiérarchiques et qu’elles n’impliquent aucune
enquête ou surveillance judiciaire, ni l’application d’une quelconque sanction pénale.
Notant que, en se référant aux traces de torture sur le corps de M. Aminul Islam, le
juge est parvenu «à l’opinion irrésistible que le crime commis par l’accusé était sans
aucun doute horrible, de sang-froid, odieux, atroce et cruel», le comité déplore
qu’aucune mesure n’ait été prise pour entreprendre une enquête judiciaire indépendante
sur les graves allégations d’implication des forces de sécurité dans l’enlèvement, la
torture et l’assassinat de M. Aminul Islam. Il prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour qu’une telle enquête soit diligentée sans délai en
vue d’identifier les auteurs intellectuels de ce crime, afin que les responsables de
tels actes ne restent pas impunis. Le comité veut croire que le Comité de suivi des cas
du Comité de la liberté syndicale sera en mesure de veiller à ce que les mesures
nécessaires soient prises pour une enquête approfondie concernant cette question.
- 156. En ce qui concerne les enquêtes menées sur les allégations
spécifiques et graves de menaces et de violences contre des dirigeants et des membres de
syndicats dans les entreprises b), d) , e) , f) , g) et h) , le comité note avec un
profond regret que le gouvernement ne fournit toujours aucune information spécifique. Il
rappelle une nouvelle fois que l’exercice des droits syndicaux est incompatible avec
tout type de violence ou de menace et qu’il appartient aux autorités de diligenter une
enquête dans les plus brefs délais et, le cas échéant, de sanctionner tout acte de cette
nature. Lorsque se sont produites des atteintes à l’intégrité physique ou morale, le
comité a considéré qu’une enquête judiciaire indépendante devrait être effectuée sans
retard, car cette méthode est particulièrement appropriée pour éclaircir pleinement les
faits, déterminer les responsabilités, sanctionner les coupables et prévenir la
répétition de telles actions. [Voir Compilation, paragr. 88 et 105.] Notant l’indication
du gouvernement selon laquelle l’autorité compétente pour enquêter sur de tels cas est
la police, le comité rappelle que certaines des allégations concernent la perpétration
d’actes de violence contre des dirigeants syndicaux par la police et que, dans de tels
cas, l’enquête devrait être menée par un organe indépendant de celui qui est accusé
d’abus. Par conséquent, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de veiller à
ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée pour chacune de ces
allégations.
- 157. Le comité note avec préoccupation que les cas d’annulation de
l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l) sont toujours en cours depuis
plus de huit ans. Il constate que l’ordonnance persistante de suspension de leurs
activités prive concrètement les deux syndicats du droit d’exister et de défendre les
intérêts de leurs membres depuis 2013 et 2014, respectivement, malgré l’enregistrement
légal qu’ils ont obtenu à l’issue de longues batailles administratives et judiciaires.
Le comité exprime donc à nouveau le ferme espoir qu’une décision sera prise dans ces cas
sans autre délai. Il prie le gouvernement de le tenir informé de leur état d’avancement
ainsi que de leur issue et de fournir une copie des jugements une fois qu’ils auront été
rendus.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 158. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant
que plusieurs cas graves de licenciements antisyndicaux constatés par le
gouvernement dans le présent cas n’ont donné lieu à aucune sanction ni aucune mesure
corrective à l’issue de longues procédures judiciaires, le comité s’attend à ce que
les dispositions prises par le gouvernement pour augmenter le nombre de tribunaux du
travail et accroître leurs ressources permettent à l’avenir d’assurer rapidement et
efficacement la protection des victimes contre la discrimination antisyndicale,
notamment par l’imposition de sanctions pénales.
- b) Le comité déplore
qu’aucune mesure n’ait été prise pour mener une enquête judiciaire indépendante sur
les graves allégations d’implication des forces de sécurité dans l’enlèvement, la
torture et l’assassinat de M. Aminul Islam et prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures nécessaires pour qu’une telle enquête soit diligentée sans délai
en vue d’identifier les auteurs intellectuels de ce crime, afin que les responsables
de tels actes ne restent pas impunis. Le comité veut croire que le Comité de suivi
des cas du Comité de la liberté syndicale sera en mesure de veiller à ce que les
mesures nécessaires soient prises pour une enquête approfondie concernant cette
affaire.
- c) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures
nécessaires pour qu’une enquête complète et indépendante soit menée sur les
allégations spécifiques et graves de menaces et de violences contre des dirigeants
et des membres de syndicats dans les entreprises b), d), e), f), g) et h) dans le
but d’éclaircir pleinement les faits, de déterminer les responsabilités, de
sanctionner les coupables et de prévenir la répétition de telles actions. Il prie le
gouvernement de le tenir informé des mesures prises à cet égard.
- d) Le
comité exprime à nouveau le ferme espoir qu’une décision sera prise sans autre délai
dans les cas concernant l’enregistrement de deux syndicats dans l’entreprise l). Il
prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement et de l’issue de ces
cas et de fournir une copie des jugements une fois qu’ils auront été
rendus.
- e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil
d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent
cas.