ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards

Interim Report - Report No 401, March 2023

Case No 3263 (Bangladesh) - Complaint date: 26-FEB-17 - Active

Display in: English - Spanish

Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent des violations graves des droits syndicaux par le gouvernement: arrestation et détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, recours à des menaces de mort et à des violences physiques au cours de la détention, accusations pénales infondées, surveillance, représailles, intimidation, actes de discrimination antisyndicale et ingérence dans les activités syndicales, recours excessif aux forces de police lors de manifestations pacifiques et absence d’enquête sur ces allégations

  1. 159. Le comité a examiné ce cas (présenté en février 2017) pour la dernière fois à sa réunion d’octobre-novembre 2022 et, à cette occasion, a présenté un rapport intérimaire au Conseil d’administration. [Voir 400e rapport, paragr. 80-109, approuvé par le Conseil d’administration à sa 346e session  .]
  2. 160. La Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des informations complémentaires dans une communication en date du 23 septembre 2022.
  3. 161. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en date du 1er novembre 2022 et des 9 et 13 février 2023.
  4. 162. Le Bangladesh a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 163. À sa réunion d’octobre-novembre 2022, le comité a formulé les recommandations ci-après sur les questions en suspens [voir 400e rapport, paragr. 109]:
    • a) Le comité veut croire que les deux procédures en instance engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront menées à bien sans autre délai et prie le gouvernement de le tenir informé de leur issue.
    • b) Soulignant la nécessité d’enquêter sur toutes les graves allégations de mauvais traitements contre des syndicalistes même en l’absence de dépôt d’une plainte formelle par la partie lésée, le comité invite une nouvelle fois les organisations plaignantes à fournir toutes informations pertinentes additionnelles à l’autorité nationale compétente afin qu’elle puisse diligenter une enquête en toute connaissance de cause. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans délai une enquête indépendante concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016, sur la base des informations dont il dispose déjà, ainsi que toutes informations supplémentaires fournies par les organisations plaignantes, et de le tenir informé des mesures prises à ce sujet, notamment en lui fournissant des informations détaillées sur les mécanismes disponibles pour mener une telle enquête et sur la procédure à suivre pour engager l’examen de ces allégations.
    • c) Le comité prie de nouveau instamment le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour enquêter sur l’usage excessif de la force dont aurait fait preuve la police durant les manifestations de 2018-19, faisant au moins 80 blessés parmi les travailleurs, et de l’informer de toute conclusion formulée à cet égard. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur l’issue de l’enquête qui, selon de précédentes indications du gouvernement, avait été menée sur le meurtre d’une travailleuse durant ces manifestations. Le comité prie en outre le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement des 5 procédures en cours contre des travailleurs, et en particulier de lui indiquer si elles ont finalement abouti à des poursuites pénales ou si elles ont été classées sans suite.
    • d) Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations supplémentaires présentées par les organisations plaignantes en février 2020 qui faisaient état de représailles massives contre des travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19 (licenciements, humiliation publique, diffamation et inscription sur une liste noire) et du fait que des syndicalistes font régulièrement l’objet de mesures de contrôle et de surveillance et d’actes d’intimidation. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’activités syndicales légitimes.
    • e) Prenant note de l’engagement du gouvernement à assurer une formation régulière aux agents de police et aux autres agents de l’État concernés, le comité encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts à cet égard afin de garantir le plein respect des libertés publiques fondamentales, des droits de l’homme et des droits syndicaux pendant les manifestations de travailleurs, ainsi que l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte. Le comité prie en outre le gouvernement de fournir des détails sur ces formations, en particulier pour la police engagée dans les zones industrielles et d’exportation. Le comité prie également le gouvernement de fournir des copies du programme de formation en cours d’emploi des agents de police.
    • f) Le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur l’implication présumée de la police dans le meurtre de six personnes et l’infliction de blessures à plus de 60 travailleurs durant les manifestations qui se sont déroulées à Chittagong, Gazipur et Ashulia depuis avril 2021 et, s’il ne l’a pas encore fait, de veiller à ce que ces incidents fassent l’objet d’une enquête rapide et appropriée par un mécanisme indépendant afin de lutter contre l’impunité et d’empêcher la répétition de tels actes, et enfin de fournir des informations détaillées sur les progrès réalisés à cet égard et sur les résultats obtenus.
    • g) Le comité prie le gouvernement de rester vigilant face à tous types d’allégations de discrimination antisyndicale, notamment les licenciements et l’inscription de syndicalistes sur une liste noire et l’ingérence de la police dans les activités syndicales, afin de pouvoir prendre des mesures permettant de répondre rapidement et correctement à ces allégations. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue des procédures en cours contre des dirigeants et membres syndicaux des usines E, G et H en raison de leur participation à des activités syndicales, ainsi que de l’issue de la procédure pour pratiques antisyndicales dans l’usine C. Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur l’ingérence présumée de la police dans une réunion syndicale à Chittagong en septembre 2021.
    • h) Au vu des informations parfois contradictoires soumises par les organisations plaignantes et le gouvernement en ce qui concerne les allégations supplémentaires présentées en mars 2022, le comité invite les organisations plaignantes à fournir des informations complémentaires à cet égard.

B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante

B. Informations complémentaires fournies par l’organisation plaignante
  1. 164. Dans sa communication du 23 septembre 2022, la CSI fournit des informations supplémentaires et reproche au gouvernement de n’avoir rien entrepris pour lutter contre la discrimination antisyndicale, les pratiques de travail déloyales et les violences contre les travailleurs. La CSI allègue que, en raison d’années de retard dans le traitement des conflits du travail, les victimes subissent leur sort sans espoir de remède et que la violation des droits des travailleurs persiste en toute impunité. L’organisation plaignante mentionne le cas de Mme Adeeba Zerin Chowdhury, secrétaire à la communication du Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU), licenciée en 2012 après qu’elle et d’autres travailleurs ont soumis une demande d’affiliation syndicale. Mme Chowdhury et plusieurs membres du comité du GPEU font partie des quelque 200 travailleurs qui ont été licenciés au lendemain de leur demande d’adhésion à un syndicat. Mme Chowdhury a informé l’organisation plaignante que la plainte au civil qu’elle avait déposée contre l’entreprise suite à ce licenciement est toujours en instance devant les tribunaux du travail, dix ans après les faits, et que les efforts déployés pour résoudre le problème à l’aide d’autres mécanismes de règlement des différends sont restés infructueux, l’entreprise faisant barrage à toute possibilité de dialogue. L’organisation plaignante ajoute que les services d’inspection du travail ont enquêté sur cette violation et fourni des avis pertinents à l’employeur, à la travailleuse concernée et à ses représentants. Par ailleurs, aucun progrès n’a été réalisé en ce qui concerne l’élaboration d’une procédure opérationnelle normalisée (PON) de conciliation qui permette aux travailleurs victimes de discrimination antisyndicale d’obtenir justice.
  2. 165. L’organisation plaignante réitère ses allégations concernant les poursuites pénales engagées par la police industrielle contre le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF) ainsi que contre 24 autres syndicalistes et dirigeants syndicaux dans le contexte des incidents survenus le 6 août 2021 dans les usines G et H  , incidents mentionnés lors du précédent examen du présent cas. [Voir 400e rapport, paragr. 88.] La CSI ajoute que la direction a également engagé une procédure pénale contre les travailleurs. Elle rappelle également que cinq personnes ont été tuées et des dizaines blessées le 17 avril 2021, la police ayant ouvert le feu sur un groupe de travailleurs rassemblés dans la centrale électrique de Chattogram (Chittagong) pour réclamer le versement des salaires impayés, protester contre l’imposition, sans préavis, d’une réduction de leur horaire de travail et réclamer l’octroi d’un congé pour le ramadan ainsi qu’une réduction du nombre d’heures travaillées pendant la fête religieuse. [Voir 400e rapport, paragr. 87.]
  3. 166. La CSI dénonce l’absence de tout progrès, dans le droit comme dans la pratique, depuis le dépôt de la plainte, et déclare qu’il incombe au gouvernement de mettre en place des sanctions dissuasives et des mesures efficaces pour protéger efficacement les travailleurs contre la discrimination et les représailles antisyndicales et offrir des réparations aux victimes.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 167. Dans ses communications, le gouvernement apporte des réponses aux communications de la CSI du 4 mars et du 23 septembre 2022 et consigne également ses observations au sujet des précédentes recommandations du comité.
  2. 168. En ce qui concerne la recommandation a) relative aux deux procédures encore en instance engagées contre des travailleurs après la grève d’Ashulia de 2016, le gouvernement indique que les deux procédures sont toujours en cours: la première, qui concerne 15 dirigeants syndicaux, a été suspendue par le tribunal concerné; s’agissant de la seconde, qui concerne six travailleurs, l’acte d’accusation a été présenté au tribunal et la prochaine audience a été fixée au 9 février 2023. Le gouvernement indique que le secrétaire du ministère du Travail et de l’Emploi (MOLE) et le ministre du Droit, de la Justice et des Affaires parlementaires (MLJPA) ont mené une enquête au sujet du premier cas et les deux ministères envisagent de faire le nécessaire afin d’accélérer l’examen de cette affaire-là.
  3. 169. En ce qui concerne la demande du comité le priant de diligenter des enquêtes sur toutes les graves allégations faisant état de mauvais traitements infligés aux syndicalistes, même si la partie lésée n’avait pas déposé de plainte officielle (recommandation b)), le gouvernement affirme qu’il ne tolère aucune atteinte à l’intégrité physique ou morale des travailleurs et que les forces de l’ordre sont formées aux opérations antiémeute et s’interdisent tout excès ou abus, sauf en cas de légitime défense ou lorsqu’il s’agit de protéger la vie et les biens des civils. Il ajoute que toute allégation dénonçant un excès de la part des forces de l’ordre fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme, menée conformément aux procédures juridiques et administratives en vigueur, ce qui permet d’assurer un suivi systématique. En cas d’allégations graves, il est arrivé que les organes et autorités compétents multiplient les enquêtes. Le gouvernement réitère en outre une indication d’ordre général, à savoir que les mécanismes d’enquête en place prévoient systématiquement un examen indépendant de ce type d’allégations et qu’il est possible à tout moment de leur soumettre de nouvelles informations dûment fondées au sujet des allégations. Dans sa communication en date du 9 février 2023, le gouvernement indique qu’au Bangladesh, le système d’enquête concernant les affaires pénales est pleinement mené par différentes branches du Département de la police, et qu’en dehors de l’enquête policière ordinaire, le tribunal peut être saisi d’une demande d’enquête par d’autres organismes d’enquête, à savoir le Département d’enquête criminelle (CID) et le Bureau d’enquête de la police (PBI). En outre, si un policier est impliqué dans une infraction quelconque dans l’exercice de ses fonctions, il fera l’objet d’une procédure départementale et des mesures disciplinaires seront prises. Le gouvernement fait également état de la formation d’un nouveau Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale qui mènera des enquêtes sur de telles questions et communiquera avec le secrétaire du MOLE et le MLJPA, et accélérera le processus.
  4. 170. En ce qui concerne la recommandation d), dans laquelle le comité avait prié le gouvernement de prendre des mesures afin de traiter et prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’activités syndicales, le gouvernement indique que le Département du travail (DOL) organisera une formation pour 90 membres de la police industrielle et fournira également bientôt une formation de formateurs au sujet du traitement des pratiques de travail déloyales et de la discrimination antisyndicale pour les policiers. En outre, en 2022, la police industrielle a formé 1 370 policiers en matière du Code du travail de 2006, les droits des travailleurs, les droits de l’homme et d’autres lois pertinentes afin qu’ils apprennent la manière d’agir avec les travailleurs et le personnel industriel.
  5. 171. En ce qui concerne la recommandation e) relative aux mesures visant à garantir le plein respect des libertés publiques, des droits de l’homme et des droits syndicaux pendant les manifestations de travailleurs, ainsi que l’obligation, pour les auteurs d’éventuelles violations, d’en rendre pleinement compte, le gouvernement mentionne le travail de sensibilisation effectué auprès des agents de police pour prévenir le harcèlement et indique que des formations, des séminaires et des ateliers sur les droits de l’homme, le droit du travail, les droits fondamentaux, les droits constitutionnels et les libertés publiques sont régulièrement organisés à l’intention des agents de la police industrielle dans le cadre tant de leur cours de base que de leur formation en cours d’emploi. Il indique en outre qu’en tout 4 002 policiers, dont 3 637 hommes et 375 femmes, étaient formés en 2022, notamment en matière du Code du travail de 2006 et d’autres normes pertinentes. Les détails des formations continues en cours d’emploi et le programme peuvent être consulté en se référant au lien Training – Industrial Police Headquarters. En outre, la police industrielle a édité un compendium exhaustif en bengali de droits des travailleurs, lois du travail et droits de l’homme qui sera disponible sous peu. Le gouvernement réitère enfin ses précédentes indications au sujet de la feuille de route des mesures à prendre dans le secteur du travail élaborée en coopération avec le Bureau. [Voir 400e rapport, paragr. 93.]
  6. 172. En ce qui concerne l’état d’avancement des procédures engagées contre des travailleurs dans le contexte des manifestations de 2018-19 portant sur le salaire minimum (recommandation c)), le gouvernement indique que quatre affaires restent en instance. Aucun des prévenus n’a été maintenu en détention, et le 30 janvier 2023 un acte d’accusation a été présenté au tribunal en relation avec une seule affaire initiée en octobre 2018. Deux autres affaires, initiées le 14 janvier 2019 et une autre initiée le 7 décembre 2018, sont en instance devant les tribunaux, mais les actes d’accusation les concernant ne sont pas encore présentés. Dans une affaire, la direction de la fabrique s’est engagée à retirer sa plainte.
  7. 173. En ce qui concerne la recommandation g) dans laquelle le comité prie le gouvernement de rester vigilant face à tous types d’allégations de discrimination antisyndicale et d’interférence policière dans les activités syndicales, le gouvernement indique que, en collaboration avec le Bureau, une formation au sujet de la PON relative aux pratiques de travail déloyales et à la discrimination antisyndicale a été dispensée aux 30 fonctionnaires du DOL du 20 au 22 août 2022 et que le DOL a également organisé, le 24 janvier 2023, un atelier d’une journée au sujet de la réparation des pratiques de travail déloyales et de la discrimination antisyndicale à l’intention des représentants des travailleurs et des employeurs, ainsi que des fonctionnaires du DOL, du Département de l’inspection des fabriques et établissements (DIFE), de l’Autorité des zones franches et d’exportation du Bangladesh (BEPZA), de la police industrielle et des membres des tribunaux de travail et des cours d’appel du travail.
  8. 174. En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre la discrimination antisyndicale et les pratiques de travail déloyales, le gouvernement fournit les indications générales suivantes: i) conformément à la loi sur le travail du Bangladesh, tout travailleur ayant subi un préjudice peut porter plainte contre la direction et réclamer une réparation auprès du ministère du Travail pour activités antisyndicales ou pratiques de travail déloyales. Chaque plainte reçue est traitée en temps utile; ii) une PON portant sur les pratiques de travail déloyales et la discrimination antisyndicale a été adoptée le 30 août 2017 et intégrée en 2018 à la loi sur le travail du Bangladesh; et iii) entre 2013 et 2022, le ministère du Travail a été saisi de 199 plaintes pour discrimination antisyndicale et pratiques de travail déloyales. Il a été statué sur 186 plaintes, 173 ont donné lieu à un règlement à l’amiable et 13 ont été soumises aux tribunaux du travail. Les enquêtes sur les autres plaintes sont en cours. Les dossiers correspondants sont disponibles dans la base de données.
  9. 175. En ce qui concerne l’élaboration d’une procédure normalisée de conciliation pour les conflits du travail, le gouvernement indique que plusieurs réunions de consultation se sont tenues entre le ministère du Travail et le BIT en 2021, sous forme virtuelle ou en présentiel, et qu’un atelier de trois jours réunissant des fonctionnaires du ministère du Travail a été organisé en mars 2022. Cet atelier a permis d’établir une première version de cette procédure normalisée, laquelle a été soumise à l’appréciation du BIT. Le gouvernement ajoute que cette première mouture devait être communiquée au ministère du Travail et de l’Emploi le 17 août 2022 afin qu’une validation tripartite facilite son adoption.
  10. 176. En ce qui concerne les incidents survenus dans les usines G et H, le gouvernement réitère le compte rendu des événements qui devaient déboucher sur l’inculpation du secrétaire général du BGIWF et de 23 autres syndicalistes et dirigeants syndicaux. [Voir 400e rapport, paragr. 96.] Il ajoute que le cas fondé sur la plainte du sous-inspecteur de la police industrielle est actuellement jugé par le tribunal de première instance de Gazipur, que tous les accusés ont été libérés sous caution et que la prochaine audience a été fixée au 8 mars 2023. Le gouvernement indique également qu’une deuxième plainte liée à cet incident a été déposée au poste de police par le directeur général de l’usine H et fait actuellement l’objet d’une enquête par rapport à laquelle une audience est également fixée au 8 mars 2023.
  11. 177. En ce qui concerne les événements survenus le 17 avril 2021 à la centrale électrique de Banshkhali à Chattogram, le gouvernement indique dans sa communication de novembre 2022 qu’un conflit social, que rien ne laissait prévoir, a éclaté le 17 avril 2021 sur le chantier de la centrale. Des fonctionnaires du ministère du Travail, du DIFE et d’autres administrations locales ont tenté de gérer la situation en négociant avec les employés et l’employeur. Trois équipes de l’administration du district, de l’administration de la police et de l’administration du travail ont ensuite été constituées pour enquêter sur cette affaire. Le gouvernement indique que les travailleurs réclamaient une réduction de leur horaire de travail (de dix à cinq heures) et le versement de leur salaire tous les 5 du mois. Certains travailleurs ont endommagé du matériel appartenant à l’usine et la police a tenté de gérer la situation. Le gouvernement confirme que sept travailleurs ont été tués, 13 blessés, et ajoute que les infrastructures des établissements ont également été endommagées. Conformément à la loi sur le travail du Bangladesh, un dédommagement a été accordé aux familles et aux travailleurs touchés, le gouvernement fournissant également une aide provenant de la Fondation pour la protection de la main-d’œuvre du Bangladesh. Le gouvernement conclut en indiquant que l’employeur verse l’intégralité des salaires, que les autorités compétentes ont renforcé la surveillance de l’usine pour éviter les imprévus et que des relations professionnelles harmonieuses permettent aujourd’hui que la construction de la centrale électrique se déroule sans heurts. Dans sa communication du 9 février 2023, le gouvernement fournit des détails, indiquant que, le 14 avril 2021, environ 300 travailleurs se sont mis en grève, formulant des revendications concernant les horaires de travail pendant le mois de Ramadan et les salaires. Les jours suivants, l’entreprise de main-d’œuvre a négocié avec les entreprises étrangères propriétaire et sous-traitante, avec un succès mitigé. À 6 heures du matin du 17 avril, le jour des événements, les policiers du camp de Gondamara étaient déployés à la centrale et à la porte de sortie de Bangla Living (les quartiers des travailleurs). Dès 9 heures du matin, Entre 2 000 et 2 500 travailleurs ont commencé à manifester à l’intérieur de la centrale. Il y avait de l’agitation, du vandalisme et des attaques contre la police avec des armes indigènes et des morceaux de briques. À un moment donné des coups de feu ont été tirés depuis les quartiers des travailleurs. Six policiers ont été blessés par des armes indigènes. En représailles et afin de protéger des vies et les investissements public et étranger, la police du camp a ouvert le feu avec des pistolets à gaz, des balles en caoutchouc et 62 munitions à blanc. Le gouvernement indique que 5 personnes, dont des travailleurs et des individus venus de l’extérieur, ont été gravement blessés dans la ligne de tir. Elles ont été transférées à l’hôpital, où le médecin de service a déclaré leurs décès. À ce moment-là les officiers et les forces de police de Banshkhali se sont présentés sur les lieux du crime et ont finalement réussi à maîtriser la situation à 13 heures.
  12. 178. Le gouvernement ajoute que, en lien avec les événements du 17 avril 2021 à la centrale électrique, deux affaires sont en cours d’instruction à la station de police de Banshkhali. La première plainte était déposée le jour même des événements par le sous-inspecteur de la police du camp de Gondamara contre 2 000 à 2 500 travailleurs et personnes venues de l’extérieur non dénommés. La seconde était déposée le 18 avril 2021 par le coordinateur chef de S. Alam Group, une des sociétés propriétaires de la centrale, contre entre 1 040 et 1 050 travailleurs et personnes venues de l’extérieur non dénommés par rapport au pillage et les dommages causés par le feu et les actes de vandalisme à la centrale. Le gouvernement affirme qu’il est évident que la police industrielle n’a joué aucun rôle dans l’incident; cependant, s’il existe une plainte ou une inquiétude à cet égard, des moyens autres que l’enquête policière ordinaire sont prévus, notamment le CID et le PBI peuvent mener des enquêtes distinctes et font directement rapport au tribunal selon ordonnance judiciaire. Le gouvernement indique enfin que le nouveau Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale fera des investigations sur de telles questions et sera en communication directe avec le secrétaire du MOLE et le MLJPA.
  13. 179. Le gouvernement fournit les informations suivantes au sujet des allégations supplémentaires présentées par la CSI en mars 2022 [voir 400e rapport, paragr. 87]:
    • En ce qui concerne la situation dans les usines A et C  , le gouvernement réitère ses précédentes indications. [Voir 400e rapport, paragr. 94.] Concernant l’usine C, le gouvernement ajoute que M. Selim, le représentant élu des travailleurs qui a été licencié en 2020, a porté plainte au premier tribunal du travail contre l’employeur en 2021 et l’affaire est toujours en instance. Trois audiences ont déjà eu lieu et la prochaine est fixée au 15 mars 2023.
    • En ce qui concerne la situation dans l’entreprise B  (un travailleur, M. Mohammad Ali, aurait été licencié et inscrit sur liste noire en raison de ses activités syndicales), le gouvernement réaffirme que le travailleur concerné a été réintégré. Il ajoute que l’entreprise B possède un syndicat depuis 2017 et que M. Mohammad Ali en était le coprésident. Une visite d’inspection effectuée le 10 mars 2022 par un inspecteur général adjoint du DIFE a permis de confirmer qu’il était à son poste de travail.
    • En ce qui concerne l’allégation dénonçant une attaque de la police contre des travailleurs qui menaient dans l’usine  une action de protestation au cours de laquelle Mme Jesmin Begum, ouvrière du secteur de la confection, a été tuée et plusieurs autres travailleurs ont été blessés, le gouvernement indique que Mme Jesmin Begum a subi un accident ne présentant pas le moindre lien avec les opérations de dispersion opérées par les forces de l’ordre. Le mari de la victime a déposé plainte au poste de police d’Ashulia. Le rapport final établi aux termes de l’enquête a été approuvé par le tribunal compétent le 3 juillet 2022.
    • En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, en septembre 2021, la police a interrompu une réunion de la Fédération syndicale indépendante des travailleurs de la confection du Bangladesh (BIGUF) à Chattogram, le gouvernement indique que la police industrielle n’a interrompu aucune réunion à cette date et en ce lieu, ce qui est confirmé par les dirigeants de la BIGUF.
    • En ce qui concerne l’allégation selon laquelle dix travailleurs au moins auraient été blessés lors de l’opération menée par la police en février 2002 pour disperser des travailleurs qui menaient une action de protestation dans l’usine E  , le gouvernement indique qu’un haut dirigeant de l’usine a porté plainte contre les travailleurs pour des actes de vandalisme et que l’acte d’accusation a été présenté au tribunal compétent le 18 juin 2022. Dans sa communication en date du 9 février 2023, le gouvernement ajoute que le haut dirigeant a déposé une demande de retrait de sa plainte auprès du tribunal.
    • En ce qui concerne l’allégation dénonçant l’agression commise par la police en février 2022 contre des travailleurs qui manifestaient à l’usine F  et dont 20 ont été blessés à cette occasion, le gouvernement indique que la plainte déposée par le responsable administratif de l’entreprise contre 30 travailleurs fait actuellement l’objet d’une enquête menée par la police industrielle de Gazipur. Avec l’intercession des autorités administratives locales, l’usine a été rouverte cinq jours après l’incident et en ce moment elle fonctionne sans heurts.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 180. Le comité rappelle que le présent cas concerne des allégations de violations graves des droits de liberté syndicale par le gouvernement, en particulier par l’action des forces de police à la suite d’une grève dans des usines de confection à Ashulia en décembre 2016, notamment l’arrestation et la détention arbitraires de dirigeants syndicaux et de militants, les menaces de mort proférées et les violences physiques infligées au cours de la détention, de fausses accusations pénales, la surveillance de syndicalistes, l’intimidation et l’ingérence dans les activités syndicales. Les organisations plaignantes ont également allégué un recours excessif aux forces de police lors de manifestations pacifiques qui se sont déroulées en décembre 2018, en janvier 2019, en avril et juin 2021 et en février 2022 et des poursuites pénales qui seraient en cours contre des travailleurs qui avaient participé aux manifestations. Sont également alléguées la répression systématique des droits syndicaux, notamment par la commission d’actes antisyndicaux par les employeurs, des violences policières et la criminalisation des activités syndicales.
  2. 181. En ce qui concerne les allégations selon lesquelles des poursuites pénales illégitimes auraient été engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 (recommandation a)), le comité prend note de l’information du gouvernement selon laquelle les deux cas encore non réglés, qui concernent respectivement 15 dirigeants syndicaux et six travailleurs, sont toujours en instance. Le comité constate avec inquiétude que plus de six ans après les faits survenus à Ashulia, ces cas ne sont toujours pas clos. Rappelant que nul ne devrait être privé de sa liberté ou faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’organiser ou de participer à une grève pacifique, à des réunions publiques ou à des processions, et que l’administration dilatoire de la justice différée constitue un déni de justice [voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 156 et 170], le comité espère fermement que les deux cas seront réglés rapidement et prie le gouvernement de le tenir informé au sujet de l’issue qui leur sera donnée.
  3. 182. Dès le premier examen de ce cas, le comité a demandé à plusieurs reprises au gouvernement de mener une enquête indépendante sur les graves allégations dénonçant les menaces de mort, les violences physiques et les passages à tabac que les syndicalistes arrêtés suite à la grève d’Ashulia de 2016 auraient subis pendant leur détention [voir 384e rapport, paragr. 169 a); 388e rapport, paragr. 204 b); 392e rapport, paragr. 287 d) et 400e rapport, paragr. 109 b)], et de le tenir informé des mesures prises à cet effet. Le comité regrette vivement que le gouvernement n’ait, là encore, fourni aucune information précise indiquant que ladite enquête a été effectuée.
  4. 183. En ce qui concerne les mécanismes d’enquête disponibles, le comité note que le gouvernement mentionne l’enquête menée par différentes branches de la police dans les affaires pénales. En ce qui concerne les mécanismes de responsabilisation, le comité note que le gouvernement se contente de mentionner les procédures départementales et l’action disciplinaire applicables dans les cas où il s’avère que les agents de police ont été impliqués dans la commission d’une infraction quelconque. Le comité note que l’article 10 de l’ordonnance de 1979 concernant le bataillon de police armée établit les sanctions disciplinaires applicables aux policiers en cas de faute et prévoit que, lorsqu’il s’agit des officiers supérieurs, le gouvernement, et lorsqu’il s’agit des officiers subalternes et des policiers armés, l’inspecteur général de la police, ou tout officier autorisé par lui, peuvent prononcer des sanctions disciplinaires. Le comité rappelle à cet égard que «le fait d’exiger des victimes de mauvais traitements commis par la police qu’elles présentent une plainte à la police, dans les circonstances du cas, n’est pas de nature à créer un climat dans lequel les travailleurs se sentent en sécurité pour agir et peut donc avoir comme conséquence que ces graves allégations restent sans réponse». [Voir 388e rapport, paragr. 199.] En outre, la responsabilisation par rapport à des violations aussi graves du droit à la sécurité et à l’intégrité physique et morale de la personne ne peut pas être réduite aux procédures départementales et sanctions disciplinaires. Le comité note l’indication du gouvernement concernant l’établissement du Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale, qui procédera à l’investigation de telles questions et sera en communication avec le secrétaire du MOLE et le MLJPA; ainsi que l’initiative présentée au ministère de l’Intérieur proposant l’institution d’un comité spécifique qui veillera au suivi et à l’investigation des allégations de mauvais traitements par la police. Le comité s’attend fermement à ce que ce nouvel organe accélère effectivement la résolution des questions très graves dont le comité est saisi depuis longtemps, et en particulier le comité s’attend à ce qu’il prenne les mesures nécessaires afin de garantir qu’une enquête indépendante concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 sera ouverte sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à ce sujet.
  5. 184. Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a communiqué aucune observation au sujet des allégations dénonçant les représailles massives, la surveillance et l’intimidation persistantes subies par les travailleurs suite aux manifestations de 2018-19. Il rappelle les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles ces représailles massives ont occasionné une perte d’emploi pour 7 000 à 12 000 travailleurs, lesquels ont été humiliés et diffamés publiquement, inscrits sur une liste noire par les propriétaires d’usines, qui ont usé de ce procédé à des fins d’intimidation et pour paralyser le mouvement syndical dans le secteur de la confection. Ces allégations dénoncent en outre le fait que des employeurs, le gouvernement et des tiers travaillant en leur nom soumettaient en permanence les syndicalistes à des mesures de surveillance, de contrôle et d’intimidation. Le comité note les indications du gouvernement concernant les formations passées et futures du personnel de la police industrielle au sujet des pratiques du travail déloyales et la discrimination antisyndicale, comme moyen de traiter et de prévenir la reproduction des problèmes soulevés. Tout en encourageant le gouvernement de continuer à dispenser de telles formations aux forces de l’ordre afin de prévenir la répétition de tels actes dans le futur, le comité rappelle que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix, et par là même, violer leur droit d’organisation, et que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Compilation, paragr. 1098 et 1138.] Le comité prie donc instamment le gouvernement de lui communiquer ses observations sur ces allégations et de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance exercés à l’encontre de travailleurs et fondés sur l’affiliation syndicale ou l’exercice d’activités syndicales légitimes.
  6. 185. Le comité note avec regret que le gouvernement, bien qu’ayant communiqué certains détails sur les cas liés aux manifestations de 2021 et réitéré des informations précédemment communiquées, n’a fourni aucune information pour répondre à sa demande concernant les mesures prises pour enquêter sur un présumé recours excessif à la force lors des manifestations pour le salaire minimum de 2018-19 et au cours desquelles 80 travailleurs au moins ont été blessés, ainsi que les conclusions de l’enquête sur le meurtre d’une travailleuse commis lors de ces manifestations, enquête dont le lancement avait été annoncé par le gouvernement.
  7. 186. En ce qui concerne l’usage excessif de la force auquel aurait recouru la police lors des manifestations conduites par des travailleurs le 17 avril 2021 sur le chantier d’une centrale électrique à Banshkhali, Chattogram, le comité note que, au jour de l’incident, les policiers du camp de Gondamara étaient déployés dans le chantier de la centrale électrique et les quartiers des travailleurs dès 6 heures du matin et que la manifestation a commencé aux alentours de 9 heures. Le comité note également que le gouvernement indique qu’il y avait de l’agitation, du vandalisme et des attaques contre la police et que la police du camp a réagi en autodéfense et afin de protéger des vies et des biens et que, dans la confrontation entre la police et les manifestants, six policiers ont été blessés par des «armes indigènes», tandis que sept manifestants étaient tués par balle, cinq parmi eux ayant décédé le jour même et deux autres deux jours plus tard des suites de leurs blessures. Le comité note en outre avec préoccupation que, si le gouvernement indique que la police s’est présentée sur les «lieux du crime» et confirme que sept travailleurs sont morts lors de ces manifestations et que 13 ont été blessés, il ne mentionne toutefois pas qu’une enquête ait été menée pour identifier les responsables de ces décès et de ces blessures ni qu’aucune mesure ait été prise pour qu’ils répondent de leurs actes; en revanche, le gouvernement indique que des indemnités et une aide ont été fournies aux travailleurs et familles concernés. Le comité note que, néanmoins, deux plaintes pénales ont été immédiatement portées contre plus de 2 000 travailleurs et personnes venues de l’extérieur non dénommés, l’une par le propriétaire de la centrale en lien avec le pillage et les dommages causés aux installations, et l’autre par le sous-inspecteur de la police du camp de Gondamara qui aurait été blessé le jour de l’incident. L’enquête concernant les deux plaintes est toujours en cours dans la station de police locale. Le comité note que le gouvernement rejette catégoriquement toute implication de la police industrielle dans «l’incident» mais ajoute qu’il est possible de passer outre «l’enquête policière ordinaire» puisque des enquêtes menées par le Département d’enquête criminelle (CID) et le Bureau d’enquête de la police (PBI) sont prévues. Le gouvernement indique enfin que le nouveau Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale procédera à l’investigation de telles questions.
  8. 187. En ce qui concerne l’attaque qui aurait été menée par la police contre des travailleurs qui manifestaient le 13 juin 2021 dans l’usine D, située dans la zone franche d’exportation de Dhaka, à Ashulia, attaque au cours de laquelle Mme Jesmin Begum, ouvrière du secteur de la confection, a été tuée et plusieurs autres travailleurs ont été blessés, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle le décès de la travailleuse de la confection était dû à un accident et n’était nullement imputable aux opérations de dispersion menées par la police. Le comité note que le mari de la victime a déposé une plainte qui a donné lieu à une enquête dont les conclusions ont été avalisées par le tribunal compétent le 3 juillet 2022. Le comité note que ces conclusions contredisent l’indication précédente du gouvernement selon laquelle le rapport d’autopsie indiquait que le décès était dû à une commotion provoquée par des blessures infligées dans l’intention de donner la mort. Le comité note que le gouvernement ne communique aucune information au sujet d’une quelconque enquête sur les allégations selon lesquelles plusieurs travailleurs auraient été blessés lors de ces manifestations.
  9. 188. S’agissant des manifestations qui se sont déroulées en février 2022 dans les usines E et F de Gazipur, et de l’intervention de la police au cours de laquelle au moins 30 travailleurs du secteur la confection auraient été blessés, le comité note que le gouvernement indique qu’un haut dirigeant de l’usine E a porté plainte contre des travailleurs, qui ont été inculpés et sont actuellement jugés par le tribunal compétent. De même, dans l’usine F, une plainte pour indiscipline déposée par le responsable administratif de l’entreprise contre 30 personnes fait actuellement l’objet d’une enquête par la police industrielle de Gazipur. Le comité note que le gouvernement n’indique pas qu’une quelconque mesure ait été prise pour mener une enquête sur les allégations dénonçant un recours excessif à la force de la part de la police.
  10. 189. Le comité note avec une profonde inquiétude que, dans le contexte des manifestations susmentionnées qui se sont déroulées entre décembre 2018 et février 2022 et au cours desquelles neuf travailleurs ont perdu la vie et 140 auraient été blessés, une enquête de police n’a été diligentée que pour un seul et unique décès, et cela non pas à l’initiative des autorités, mais suite à une plainte déposée par le mari de la victime. À cet égard, le comité rappelle que, si les principes de la liberté syndicale ne protègent pas des abus qui consistent en des actes de caractère délictueux dans l’exercice d’une action de protestation, les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et que les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans les situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. En outre, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police entraîne la perte de vies humaines ou des blessures graves, le comité attache une importance spéciale à ce que l’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer les responsabilités. [Voir Compilation, paragr. 224, 208, 217 et 104.] Le comité rappelle par ailleurs que, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques par la police entraîne la perte de vies humaines ou des blessures graves, il est important qu’il soit immédiatement procédé à une enquête indépendante. Il prie donc instamment le gouvernement de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit menée afin d’établir les circonstances de la mort de sept travailleurs qui manifestaient sur le chantier de la centrale électrique de Chattogram le 17 avril 2021, et de déterminer si les blessures infligées à 13 autres travailleurs lors de la même manifestation résultent d’un recours excessif à la force par la police ou sont dues à d’autres causes. Il prie en outre instamment le gouvernement de veiller à ce que des enquêtes soient également menées au sujet des incidents survenus dans les usines D, E et F, et de le tenir informé des mesures prises à cet égard et de leurs résultats. Il demande également au gouvernement de fournir des informations sur l’état d’avancement des poursuites engagées contre des travailleurs des usines E et F. Le comité espère que le Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale pourra veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises afin qu’une enquête approfondie sur ces incidents soit diligentée et veut croire que les efforts du gouvernement afin de demander au ministère de l’Intérieur de mettre en place un organe d’enquête spécifique permettront de réaliser des progrès considérables dans l’établissement complet des faits et de garantir que de telles situations ne se reproduiront plus. Il prie également le gouvernement de fournir des informations sur le statut des affaires en cours contre les travailleurs des usines E et F et la centrale électrique SS à Banshkhali.
  11. 190. En ce qui concerne l’état d’avancement des cinq procédures qui étaient encore en cours contre des travailleurs dans le contexte des manifestations de salaire minimum en 2018-19, le comité note que le gouvernement fait savoir que quatre cas sont en instance devant le tribunal, dont un seul a donné lieu au dépôt d’un acte d’accusation et qu’aucun des accusés n’a été maintenu en détention. Notant que ces quatre affaires ont été en instance pendant plus de quatre ans, le comité s’attend à ce qu’elles soient bientôt conclues et prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement des dossiers.
  12. 191. En ce qui concerne la formation et les instructions données aux agents de police et aux autres fonctionnaires de l’État dans le domaine des libertés civiles, des droits de l’homme et des droits syndicaux, le comité note que le gouvernement réitère son engagement à cet égard et accueille favorablement l’information fournie concernant le nombre total des membres de la police industrielle ayant suivi une formation en cours d’emploi en 2022, entre autres sur les droits des travailleurs. Il note cependant que le gouvernement ne fournit pas les informations détaillées qu’il lui avait demandées. Il prie donc à nouveau le gouvernement de lui fournir des informations précises au sujet de ces formations, en particulier celles dispensées aux forces de police opérant dans les zones industrielles et les zones franches d’exportation. Le comité prie également le gouvernement de lui communiquer des copies du programme de formation en cours d’emploi destiné aux agents de police.
  13. 192. En ce qui concerne la criminalisation présumée des activités syndicales dans les usines G et H, et l’état d’avancement de la procédure engagée contre le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF) et 23 autres membres du syndicat et dirigeants syndicaux, le comité note que le gouvernement reprend sa précédente version des événements: le dirigeant syndical et ses associés ont incité les travailleurs à la violence au cours de la manifestation du 5 août 2021; le cas fondé sur la plainte du sous-inspecteur de la police industrielle est en cours de jugement devant le tribunal de première instance de Gazipur; tous les accusés ont été libérés sous caution et la prochaine audience a été fixée au 26 décembre 2022. Le gouvernement mentionne également une deuxième plainte liée à cet incident, qui a été déposée au poste de police par le directeur général de l’usine H et fait actuellement l’objet d’une enquête. Rappelant qu’il a déjà attiré l’attention sur le danger que représentent pour le libre exercice des droits syndicaux des inculpations prononcées à l’encontre de représentants de travailleurs dans le cadre d’activités liées à la défense des intérêts de leurs mandants [voir Compilation, paragr. 154], le comité veut croire que le procès du secrétaire général de la BGIWF et des 23 autres dirigeants syndicaux et syndicalistes des usines G et H sera instruit rapidement et que les accusés bénéficieront de toutes les garanties d’une procédure judiciaire normale. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de ce dossier.
  14. 193. Le comité prend note des allégations de la CSI selon lesquelles le gouvernement n’a pris aucune mesure pour lutter contre la discrimination antisyndicale, les pratiques de travail déloyales et la violence à l’encontre des travailleurs. La CSI allègue que, en raison d’années de retard dans le traitement des conflits du travail, les victimes subissent leur sort sans espoir de remède et que la violation des droits des travailleurs se poursuit en toute impunité. Le comité note en outre la nouvelle allégation de l’organisation plaignante concernant le licenciement antisyndical de la secrétaire à la communication du Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU) et de plusieurs autres membres de ce même syndicat en 2012, allégation dans laquelle il est indiqué que l’action au civil intentée par la secrétaire à la communication du syndicat contre l’entreprise pour contester ce licenciement est, dix ans après, toujours en instance devant le tribunal du travail. Le comité note que le gouvernement ne répond pas à cette allégation mais fournit des informations générales concernant le droit des travailleurs lésés de porter plainte auprès du Département du travail (DOL), ainsi que l’information concernant les formations en matière de pratiques de travail déloyales et la discrimination antisyndicale dispensées aux fonctionnaires du gouvernement et du pouvoir judiciaire, à la police industrielle et aux représentants des travailleurs et des employeurs. Le comité note en outre que l’affaire portant sur la discrimination antisyndicale dans l’usine C, en instance depuis 2021, est toujours en cours au tribunal du travail. Notant que, selon le gouvernement, le DOL a été saisi de 199 plaintes pour discrimination antisyndicale entre 2013 et 2022, le comité rappelle que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tout acte de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d’une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Compilation, paragr. 1138.] Le comité demande une fois encore au gouvernement de rester vigilant face aux allégations dénonçant toutes les formes de discrimination antisyndicale, notamment les licenciements, l’inscription de syndicalistes sur liste noire, et l’ingérence de la police dans les activités syndicales, afin de pouvoir assurer rapidement un examen rigoureux de ces allégations. Il invite le gouvernement à faire part de ses observations au sujet de l’allégation concernant le licenciement antisyndical de la secrétaire à la communication du GPEU et la longue procédure judiciaire à laquelle a donné lieu sa plainte, et à fournir des informations sur l’état d’avancement du procès en cours concernant des pratiques antisyndicales dans l’usine C.
  15. 194. Le comité note que, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles des travailleurs de l’entreprise A auraient été contraints de démissionner et inscrits sur une liste noire en raison de leurs activités syndicales, le gouvernement réitère sa déclaration antérieure, dans laquelle il indiquait que les accusés avaient été acquittés en janvier 2021 et que le cas avait été réglé par un accord amiable entre les parties. En ce qui concerne l’allégation dénonçant le licenciement et l’inscription sur liste noire d’un travailleur de l’entreprise B, le comité note que le gouvernement précise que le travailleur concerné a été réintégré et qu’il est coprésident du syndicat de l’entreprise depuis 2017. En ce qui concerne l’intervention de la police qui aurait perturbé une réunion de la Fédération syndicale indépendante des travailleurs de la confection du Bangladesh (BIGUF) qui se tenait à Chattogram en septembre 2021, le comité note que le gouvernement affirme catégoriquement que cet acte d’ingérence n’a jamais eu lieu. Rappelant qu’il avait invité les organisations plaignantes à fournir des informations supplémentaires sur ces cas, étant donné que les informations soumises par le gouvernement contredisaient les allégations [voir 400e rapport, paragr. 109 h)], et constatant qu’aucune nouvelle information ne lui a été communiquée, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces questions dans le cadre du présent cas.
  16. 195. Plus généralement, le comité note que les allégations mises en avant dans le cadre de ce cas relèvent d’un contexte de relations tendues et de conflits entre travailleurs et employeurs dans plusieurs entreprises. Prenant note de la référence du gouvernement au travail en cours sur une PON de conciliation dans les conflits de travail, le comité veut croire que cela facilitera la résolution expéditive et effective des conflits de travail. Il prie le gouvernement de le tenir informé de la validation finale et de la mise en œuvre de la PON de conciliation dans les conflits de travail.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 196. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité espère fermement que les deux procédures en instance engagées contre des travailleurs à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 seront conclues sans plus tarder et prie le gouvernement de le tenir informé de l’issue de ces dossiers.
    • b) Le comité s’attend fermement à ce que le nouveau «Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale» accélère effectivement la résolution des questions très graves dont le comité est saisi depuis longtemps, et en particulier le comité s’attend à ce qu’il prenne les mesures nécessaires afin de garantir qu’une enquête indépendante concernant les allégations de mauvais traitements dont auraient été victimes des syndicalistes arrêtés et détenus à la suite de la grève d’Ashulia de 2016 soit ouverte sans délai. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des mesures prises à ce sujet.
    • c) Le comité prie à nouveau le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations supplémentaires présentées par les organisations plaignantes en février 2020 qui faisaient état de représailles massives contre des travailleurs à la suite des manifestations de 2018-19 (licenciements, humiliation publique, diffamation et inscription sur une liste noire) et du fait que des syndicalistes font régulièrement l’objet de mesures de contrôle, de surveillance et d’actes d’intimidation. Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour traiter et prévenir toutes les formes de représailles, d’intimidation, de harcèlement et de surveillance à l’encontre de travailleurs fondées sur l’appartenance syndicale ou l’exercice d’activités syndicales légitimes.
    • d) Le comité accueille favorablement l’engagement constant du gouvernement et l’information fournie concernant le nombre des formations dispensées aux policiers en 2022 et prie le gouvernement de fournir plus de précisions sur les formations relatives aux libertés civiles, aux droits de l’homme et aux droits syndicaux dispensées aux officiers de police et aux autres agents de l’État, en particulier aux forces de police opérant dans les zones industrielles et les zones franches d’exportation. Le comité prie également le gouvernement de lui fournir une copie du programme de formation en cours d’emploi des agents de police.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce qu’une enquête approfondie et indépendante soit ouverte afin d’élucider les circonstances de la mort des sept travailleurs tués pendant la manifestation au chantier de la centrale électrique situé à Banshkhali, Chattogram le 17 avril 2021 et de déterminer si les blessures infligées à 13 autres travailleurs au cours de la même manifestation résultaient de l’usage excessif de la force par la police ou étaient dues à d’autres causes. En outre, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que de telles enquêtes soient ouvertes concernant les incidents dans les usines D, E et F, de même que sur les allégations concernant le recours excessif à la force lors des manifestations relatives au salaire minimum de 2018-19 et de le tenir informé des mesures prises à cet égard et leur aboutissement. Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de lui communiquer des informations sur le résultat de l’enquête qui, selon de précédentes indications du gouvernement, avait été menée sur le meurtre d’une travailleuse commis durant les manifestations relatives au salaire minimum. Le comité espère que le Comité de suivi des cas du Comité de la liberté syndicale pourra veiller à ce que les mesures nécessaires soient prises afin qu’une enquête approfondie sur ces incidents soit diligentée et veut croire que les efforts du gouvernement afin de demander au ministère de l’Intérieur de mettre en place un organe d’enquête spécifique permettront de réaliser des progrès considérables dans l’établissement complet des faits et de garantir que de telles situations ne se reproduiront plus.
    • f) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la validation définitive et de la mise en œuvre de la procédure opérationnelle normalisée de conciliation dans les conflits de travail.
    • g) Le comité s’attend à ce que les quatre affaires toujours en instance contre des travailleurs en rapport avec les manifestations du salaire minimum de 2018 19 seront bientôt conclues et prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement de ces dossiers. Il prie en outre le gouvernement de lui fournir des informations sur l’état d’avancement des procédures en instance contre des travailleurs des usines E et F et la centrale électrique SS à Banshkhali.
    • h) Le comité s’attend à ce que le procès du secrétaire général de la Fédération des travailleurs du textile et de l’industrie du Bangladesh (BGIWF) et des 23 autres dirigeants syndicaux et syndicalistes des usines G et H sera mené promptement et que les personnes concernées bénéficieront de toutes les garanties d’une procédure judiciaire normale. Il prie le gouvernement de le tenir informé de l’état d’avancement du dossier
    • i) Le comité prie le gouvernement de rester vigilant face aux allégations dénonçant tous les types de discrimination antisyndicale, notamment les licenciements, l’inscription de syndicalistes sur une liste noire et l’ingérence de la police dans les activités syndicales, afin qu’il soit en mesure d’assurer rapidement un examen rigoureux de ces allégations. Il invite le gouvernement à présenter ses observations au sujet de l’allégation concernant le licenciement antisyndical de la secrétaire à la communication du Syndicat des employés de Grameenphone (GPEU) et de la longue procédure judiciaire à laquelle sa plainte a donné lieu, et à fournir des informations sur l’état d’avancement de la procédure concernant les pratiques antisyndicales dans l’usine C.
    • j) Le comité attire l’attention du Conseil d’administration sur le caractère grave et urgent du présent cas.
© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer