Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que, depuis le changement de
gouvernement, les autorités de l’éducation publique ont violé le droit à la liberté
syndicale dans plusieurs établissements d’enseignement secondaire du pays, au détriment de
la FENAPES et de ses membres, par le biais de diverses décisions et actions
- 598. La plainte figure dans une communication de la Fédération nationale
des enseignants du secondaire de l’Uruguay (FENAPES) et de l’Internationale de
l’éducation (IE), datée du 10 novembre 2021. L’Assemblée intersyndicale des travailleurs
– Convention nationale des travailleurs (PIT CNT) a transmis des informations dans une
communication en date de novembre 2021 pour exprimer le soutien qu’elle porte à la
plainte. La FENAPES a envoyé des informations complémentaires par des communications
datées du 9 février, du 6 avril, du 5 mai et 21 septembre 2022.
- 599. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des
communications en date des 21 mai, 16 août, 15 décembre 2022 et du 26 avril 2023.
- 600. L’Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 601. Dans leurs communications en date des 10 novembre 2021, 9 février,
6 avril, 5 mai et 21 septembre 2022, les organisations plaignantes allèguent que, à
partir de 2020, à la suite du changement de gouvernement, les nouvelles autorités
chargées de l’éducation ont entrepris de restreindre l’action syndicale par divers
biais. Les organisations plaignantes allèguent, en particulier, que la Direction
générale de l’enseignement secondaire (DGES), organisme décentralisé de l’Administration
nationale de l’éducation publique (ANEP), a porté atteinte, par diverses décisions et
actions, au droit à la liberté syndicale dans plusieurs établissements d’enseignement
secondaire (lycées) du pays, au détriment de la FENAPES, qui est l’organisation
syndicale la plus représentative dans le domaine de l’enseignement secondaire public, et
de ses adhérents.
- 602. Les organisations plaignantes allèguent que cette politique
antisyndicale s’est exprimée par la mise en œuvre de mécanismes de répression
disciplinaire visant des activités de nature syndicale, notamment: i) répression
antisyndicale avec menaces de licenciement à l’encontre d’enseignants du lycée no 1 dans
le département de San José pour avoir mené des activités de nature syndicale;
ii) enquête sur la participation de dirigeants de la FENAPES à une activité menée avec
des enseignants au lycée de Canelones; iii) enquête sur l’utilisation du panneau
d’affichage syndical par les enseignants du lycée no 16 à Montevideo; iv) actes
antisyndicaux visant à restreindre et à empêcher l’utilisation des congés syndicaux; et
v) mépris de la négociation collective et ingérence des autorités de la DGES dans
l’Association du personnel non enseignant de l’enseignement secondaire.
- 603. Les organisations plaignantes indiquent que, le 27 octobre 2019, un
référendum sur la réforme constitutionnelle relative à la sécurité en Uruguay s’est tenu
en même temps que les élections présidentielles, et font savoir qu’aux côtés d’autres
organisations, dont PIT CNT, elles ont mené diverses actions, dans le cadre de la
campagne contre cette réforme constitutionnelle promue par certains secteurs politiques,
laquelle n’a finalement pas été approuvée. Les organisations plaignantes indiquent que
ce projet de réforme a suscité un débat public intense car il comportait des questions
présentant un intérêt social majeur, parmi lesquelles la création d’une garde nationale
composée de militaires, la possibilité d’infliger des peines de prison permanente
révisables et de limiter les mesures alternatives à l’emprisonnement. Elles font
également savoir que le débat sur la réforme a impliqué diverses organisations sociales
liées à la défense des droits humains, le milieu universitaire, les partis politiques et
surtout les mouvements syndicaux et estudiantins. Les organisations plaignantes
indiquent que les opposants à la réforme constitutionnelle se sont donnés comme consigne
que la peur n’est pas la solution et que l’éducation est le moyen de faire face aux
problèmes d’insécurité, en lançant une campagne contre le projet.
- 604. Les organisations plaignantes indiquent que, dans le cadre de cette
campagne, comprenant des spots publicitaires à la radio et à la télévision et des
affiches, les militants et les membres de la FENAPES devaient se faire photographier
avec une pancarte portant l’inscription «Non à la réforme» pour que ces images soient
téléversées sur les réseaux sociaux. Les organisations plaignantes allèguent que: i) le
23 octobre 2019, en pleine nuit, des militants de l’Association des enseignants du
département de San José, membres de la FENAPES, se sont rassemblés au lycée no 1;
ii) huit enseignants se sont faits photographier sur la voie publique à proximité du
lycée et six enseignants se sont faits photographier à l’intérieur de l’établissement,
mais dans des locaux réservés aux enseignants et à une heure où il n’y avait pas
d’élèves; iii) le 29 octobre 2019, la directrice du lycée a dénoncé cette activité à la
DGES, considérant qu’elle violait la laïcité et constituait un acte de prosélytisme, ce
qui a donné lieu à l’ouverture d’un dossier, qui a été clôturé; iv) en juin 2020, avec
le changement de gouvernement et de direction de la DGES (anciennement connue sous le
nom de Conseil de l’enseignement secondaire (CES)), la directrice du lycée a réitéré sa
plainte, le dossier a été réouvert, une enquête a été lancée sur les événements qui
s’étaient déroulés un an auparavant en privant les enseignants du droit à la défense et
s’est achevé par un rapport final comportant des erreurs, omettant le caractère syndical
de l’activité menée le 23 octobre 2019 et condamnant la liberté d’expression sur un
sujet d’intérêt public; v) l’intentionnalité des préjugés antisyndicaux était évidente
et s’est créé un contexte propice à la condamnation publique des militants (aucune
mesure n’a été prise à l’encontre des enseignants qui ont influencé les étudiants en
faveur de la réforme constitutionnelle); vi) bien que la procédure sommaire intentée
contre ceux qui s’étaient photographiés à l’extérieur du lycée ait conclue à la non
responsabilité, la résolution indiquait qu’il s’agissait d’une activité de prosélytisme
de nature politique, rejetant sa nature syndicale; et vii) les conseillers juridiques
ont suggéré le licenciement des enseignants s’étant photographiés dans l’enceinte de
l’établissement, à l’exception de deux cas pour lesquels il a été estimé que la sanction
était excessive.
- 605. Les organisations plaignantes considèrent que le rapport du
procureur chargé de l’enquête a commis une erreur inexcusable en niant la nature
syndicale de l’activité menée le 23 octobre 2019, indiquant clairement son intention
répressive et malveillante par la phrase «Le soussigné estime que dans le cas d’espèce,
la question à quelle fin s’efface devant l’impérieux où est menée l’activité». Les
organisations plaignantes indiquent que l’interdiction de pratiquer le prosélytisme est
prévue par l’article 58 de la Constitution uruguayenne qui stipule que, sur les lieux de
travail et pendant les heures de travail, toute activité non liée à la fonction est
interdite «[…] et est considérée illégale toute activité à des fins de prosélytisme
quelle qu’en soit la nature». En d’autres termes, le texte constitutionnel lui même
exige que l’intention ou la finalité de l’activité à mener soit indiquée. Les
organisations plaignantes estiment que l’omission de la nature syndicale de l’activité a
conduit à condamner la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt public, en ignorant
de surcroit les dispositions de l’article 57 de la Constitution qui promeut la liberté
syndicale. Les organisations plaignantes considèrent qu’une interprétation conjointe des
deux normes aurait permis au chargé d’instruction de comprendre qu’en réalité,
l’article 58 porte sur l’interdiction de la pratique de prosélytisme politique, tandis
que l’article 57 assure la protection, par le biais de la norme susmentionnée de toute
activité de nature syndicale, qu’il doit veiller à promouvoir.
- 606. Les organisations plaignantes allèguent que, le 7 septembre 2020, le
CES a décidé d’ouvrir une enquête au motif de présomption de violation du principe de
laïcité à l’encontre des dirigeants de la FENAPES pour s’être rendus au lycée d’Empalme
Olmos en octobre 2019 avec l’intention de communiquer avec les membres de la cellule
syndicale de l’établissement, dans le cadre d’une manifestation estudiantine contre la
réforme constitutionnelle (les étudiants avaient dénoncé les restrictions imposées par
la direction de l’établissement au droit de réunion et d’expression de l’association
étudiante).
- 607. Les organisations plaignantes allèguent que: i) en avril 2021, la
directrice du lycée no 16 de Montevideo a dénoncé l’apparition d’informations relatives
au référendum portant sur une loi appelée «loi d’examen urgent» sur le panneau
d’affichage syndical du lycée, à la suite de quoi la DGES a ordonné l’ouverture d’une
enquête; et ii) la présence de matériel syndical où est situé le panneau d’affichage est
une situation normale et, que par conséquent, l’enquête en cours (de nature
disciplinaire et sans garanties) ne peut représenter qu’un cas de harcèlement de la part
du patronat, en représailles du type de matériel affixé sur le panneau d’affichage; il
s’agit d’un acte d’ingérence manifeste à des fins de répression antisyndicale.
- 608. Les organisations plaignantes allèguent que depuis le changement de
gouvernement, plusieurs actions hostiles ont été menées dans le but de remettre en
question le recours aux congés syndicaux de la FENAPES et affirment que: i) la
directrice du lycée no 1 de San José a dénoncé un prétendu excès du recours aux heures
payées à des fins d’activité syndicale, en soulignant l’utilisation d’un biais juridique
inapproprié pour le justifier (la plainte portait sur l’enseignant et le dirigeant de la
FENAPES, Marcel Slamovitz); et ii) les démarches antisyndicales de la directrice ont été
épaulées par le député d’un parti de la coalition gouvernementale ayant accusé les
responsables du gouvernement précédent et la FENAPES d’avoir délivré de fausses
attestations de congé syndical. Les organisations plaignantes indiquent qu’à la suite de
ces faits, une commission parlementaire a été constituée pour enquêter sur la délivrance
d’attestations et la justification de congés non-conformes aux membres de la FENAPES par
le CES au cours de la période 2015 2019.
- 609. Les organisations plaignantes indiquent qu’à la suite à la plainte
susmentionnée, une enquête administrative a été ouverte à la DGES concernant les heures
de travail syndical utilisées par l’enseignant Slamovitz; bien que le juge d’instruction
ait suggéré de clore le dossier en l’absence d’éléments probants sur les agissements
reprochés, la DGES a ordonné la mise à pied de l’enseignant pour une durée de 180 jours
avec retenue intégrale de salaire au motif de faute grave liée à l’utilisation du
«pouvoir syndical» dans l’intention d’induire en erreur la directrice de l’école. Les
organisations plaignantes font savoir que, dans le cadre de l’enquête, il a été décidé
de déposer une plainte pénale contre l’enseignant pour l’utilisation présumée excessive
d’heures payées à des fins d’activités syndicales, ainsi que contre des membres du
comité exécutif de la FENAPES, dans le but d’imputer pénalement les agissements des
dirigeants au titre de délit organisé dans la délivrance et l’utilisation de fausses
attestations d’activités syndicales en vertu des accords convenus avec les autorités de
l’époque. Les organisations plaignantes allèguent que les autorités de l’éducation ont
pour but d’emprisonner les dirigeants syndicaux au motif que les démarches formelles de
négociation collective n’ont pas été accomplies, en faisant prévaloir des questions de
forme sur les questions de fond qui constituent le cœur même de la négociation, comme
l’explique le professeur Barreto dans le rapport annexé à la plainte, où il souligne
qu’il n’existe aucun prérequis formel pour l’enregistrement de tels accords et que leur
absence n’affecte pas la validité de l’accord convenu. Le rapport indique que la
Résolution no 12 de l’Acte no 90 de 2006 reflète clairement un accord conclu dans le
cadre de la négociation collective appelée «Groupe de travail sur l’immunité syndicale»
auquel ont participé l’ANEP et le PIT CNT et indique que ledit accord fait également
référence à d’autres accords susceptibles d’être conclus, ce qui démontrerait
l’interaction des différents processus de négociation existants.
- 610. Les organisations plaignantes allèguent que la commission d’enquête
parlementaire a agi en dehors du cadre juridique, dans une intention manifeste de
harcèlement syndical, et font savoir que la commission n’enquêtait pas sur l’utilisation
abusive des heures syndicales, mais sur le fait de savoir si une figure juridique
appropriée avait été utilisée pour les justifier, tout en organisant par ailleurs une
campagne médiatique contre la FENAPES. Les organisations plaignantes indiquent que la
question de fond portait sur l’accord non écrit conclu entre la FENAPES et les autorités
précédentes, qui prévoyait que les heures syndicales dépassant celles prévues à l’accord
signé en 2006 devaient être justifiées moyennant l’utilisation d’une disposition du
Statut des enseignants (EFD) (article 70.10). Les organisations plaignantes affirment
qu’il n’existe aucune formalité en droit uruguayen qui exige que l’accord soit écrit,
que ce soit dans la sphère publique ou privée, et que le respect coutumier des termes
d’un accord sert également de source de connaissance de l’existence d’un accord même
lorsqu’il n’a pas été rédigé par écrit. Les organisations plaignantes indiquent que la
commission d’enquête a conclu ses travaux par deux rapports finaux.
- D’une part,
le rapport de la majorité, élaboré par les membres de la coalition gouvernementale,
suggère l’existence d’infractions pénales de la part des présidents et des
secrétaires généraux de la FENAPES, sur la base d’une terminologie et d’un
argumentaire erronés et biaisés (comme le fait de considérer la reconnaissance d’un
simple acte syndical comme une «attestation» et par conséquent, la demande de
justification de l’absence comme une «tromperie» à l’égard des directeurs
d’établissements d’enseignement secondaire; il est grave de considérer comme un
délit pénal le dépôt d’une demande de justification de congé pour l’exercice
d’activités syndicales). Ce rapport indique l’existence d’irrégularités, d’omissions
et de fautes présumées de la part des membres du CES du gouvernement précédent et de
la «direction» de la FENAPES, et renvoie la procédure à l’ANEP, ainsi qu’au Conseil
pour la transparence et l’éthique publique et au procureur général, dans le but de
poursuivre pénalement les dirigeants de la FENAPES pour l’exercice d’activités de
nature strictement syndicale.
- D’autre part, un rapport de la minorité, voté
par les membres du parti gouvernemental sortant, a également été élaboré, qui met en
évidence la nature de l’instruction, résolument illégale, menée par la commission
d’enquête dans l’interrogatoire des fonctionnaires et la violation des droits de la
défense pour les dirigeants de la FENAPES, qui se voient imputés d’une
responsabilité pénale. Le rapport conclut qu’aucun délit n’a été constaté et qu’en
cas d’irrégularités, celles ci doivent être examinées et sanctionnées par les
autorités administratives. Il souligne également que la direction de l’établissement
n’a fait l’objet d’aucune tromperie du fait qu’il lui revient la prérogative de
justifier ou non les absences, qu’il n’y a pas eu non plus d’omission de la part des
autorités sortantes et, qu’en somme, rien ne justifie le renvoi de cette procédure
aux instances de l’État.
- 611. Les organisations plaignantes allèguent que: i) en 2007, la
Coordination des syndicats de l’enseignement uruguayens (CSEU), dont fait partie la
FENAPES, a signé avec l’ANEP une convention collective réglementant l’utilisation des
congés syndicaux par les dirigeants de l’Association des travailleurs de l’enseignement
secondaire (ATES), une organisation syndicale de travailleurs non enseignants; ii) en
octobre 2021, la DGES a émis la résolution no 4141 par laquelle, au mépris total de la
convention collective précitée, elle a réglementé l’attribution d’heures syndicales à
l’ATES de façon unilatérale, en stipulant que seuls les fonctionnaires figurant sur une
liste seraient les habilités à siéger dans les comités de représentation et ne
pourraient pas être remplacés par des suppléants, se livrant ainsi à une attitude
d’ingérence qui viole l’autonomie syndicale; et iii) cette résolution détermine
également que l’enregistrement des heures syndicales utilisées sera signé par la DGES ou
par le président de l’ATES et, dans le cas des heures syndicales, par le secrétaire
désigné à cet effet; en cas de dépassement des heures établies, celles ci seront
décomptées, avec effet rétroactif, interférant ainsi dans l’activité syndicale et
restreignant le libre exercice de cette activité.
- 612. Les organisations plaignantes indiquent que la convention collective
précitée avait défini le nombre de personnes affiliées (cotisants et non cotisants)
comme base de calcul du nombre d’heures de congé syndical rémunéré. Les organisations
plaignantes allèguent que, pour la période du 1er mars 2021 au 28 février 2022, les
autorités de l’enseignement secondaire ont modifié ce critère, en excluant de la base de
calcul les enseignants affiliés non cotisants, ce qui a réduit le nombre d’unités
correspondant aux congés syndicaux. Elles allèguent que cette action porte atteinte à la
liberté syndicale et pourrait avoir une incidence sur la qualité de la négociation
collective.
- 613. Les organisations plaignantes mentionnent dans la plainte d’autres
faits qui, selon elles, permettent de comprendre le contexte de la répression
antisyndicale qui a débuté en 2020 et indiquent que: i) le 20 mai 2020, l’ANEP a émis
une résolution ordonnant le retrait de tout affichage susceptible de porter atteinte aux
principes directeurs de l’éducation (laïcité et interdiction du prosélytisme); et ii) la
FENAPES a déposé une plainte à cet égard auprès de l’Institution nationale des droits de
l’homme (INDDHH), un organe impartial dépendant du Parlement, qui a émis une résolution
recommandant l’abrogation des articles les plus controversés de la résolution
susmentionnée. Les organisations plaignantes indiquent qu’elles ont déposé une autre
plainte auprès de l’INDDHH, qui fait état de diverses situations, dont l’interdiction
d’organiser des réunions syndicales au sein d’un établissement scolaire ou devant la
porte d’entrée de celui ci dans le cadre d’une grève menée par une section de la
FENAPES.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 614. Dans ses communications des 21 mai, 16 août, 15 décembre 2022 ainsi
que du 26 avril 2023, le gouvernement indique que l’ANEP est un organisme autonome doté
de la personnalité juridique, qui régit l’éducation publique et comprend les organes
suivants: le Conseil de direction central (CODICEN), la Direction générale de
l’enseignement préscolaire et primaire, la Direction générale de l’enseignement
secondaire (DGES) (anciennement Conseil de l’enseignement secondaire (CES)), la
Direction générale de l’enseignement technique et professionnel et le Conseil de la
formation à l’enseignement. Le gouvernement indique que l’ANEP a toujours été ouverte au
dialogue et à la négociation, qu’elle respecte et se conforme entièrement à la
réglementation en vigueur; que par conséquent, il est faux d’affirmer qu’il y a eu
violation des droits et des normes comme l’invoque la plainte. Le gouvernement affirme
que les allégations de harcèlement antisyndical n’ont pas lieu d’être et que ce qui est
dénoncé comme étant une atteinte à la liberté syndicale n’est, ni plus ni moins, que
l’exigence du respect du régime juridique en vigueur dans le pays.
- 615. Le gouvernement considère que la plainte est dénuée d’éléments
démontrant des agissements destinés à violer l’autonomie syndicale ou des comportements
discriminatoires de nature antisyndicale de la part de l’État et affirme que la DGES a
agi dans l’exercice des pouvoirs légitimes qui lui sont conférés par la loi, que les
dispositions qu’elle a prises reposent sur des motifs raisonnables qui méritaient d’être
examinés et que l’action syndicale n’a fait en aucun cas l’objet d’une enquête,
contrairement aux agissements d’employés publics qui dépendent de l’Administration par
un régime statutaire auquel ils sont tenus de se conformer.
- 616. En ce qui concerne les faits liés au lycée no 1 de San José, le
gouvernement indique que: i) les autorités chargées de l’enseignement secondaire qui ont
pris leurs fonctions en mai 2020 ont reçu un courrier de la directrice du lycée
demandant des informations sur une plainte déposée en 2019 auprès du Conseil de
l’enseignement secondaire (CES) concernant des photographies prises par un groupe
d’enseignants dans l’enceinte du lycée avec des pancartes «non à la réforme
constitutionnelle» (laquelle ne concernait en rien le droit syndical mais des questions
de sécurité publique); la proviseure avait indiqué qu’aucune notification ne lui avait
été envoyée au sujet du dossier ouvert à la suite de sa plainte; ii) le CES de l’époque,
lorsqu’il a eu connaissance de la plainte, l’a traitée en séance, a ordonné qu’elle soit
classée, avec une simple incitation à veiller à adopter d’autres comportements (bien que
le service juridique du CES ait suggéré l’ouverture d’une enquête administrative);
n’ayant pas été notifiée du traitement donné à sa plainte, la directrice du lycée a
demandé, au terme d’un délai raisonnable, à être informée; iii) les autorités du CES ont
identifié le dossier et l’ont extrait des archives, en sus de cinq autres dossiers
portant sur des cas similaires, qui n’avaient pas fait l’objet d’une résolution; et
iv) en août 2020, le service juridique du CES a suggéré l’ouverture d’une enquête
administrative pour déterminer si une faute administrative avait été commise en
violation des dispositions du statut du personnel enseignant et du statut du chargé de
direction, et en septembre 2020, le CES, à l’unanimité de ses trois membres (dont un
membre du syndicat), a décidé d’ordonner l’ouverture d’une enquête.
- 617. Le gouvernement indique que l’enquête administrative (en vertu de
l’article 179 de l’ordonnance no 10), avait identifié une faute administrative et que
plusieurs membres du personnel enseignant avaient fait l’objet d’une enquête. Le
gouvernement souligne que ce n’est pas l’activité syndicale qui a fait l’objet d’une
enquête, mais les agissements d’agents de la fonction publique en violation des normes
constitutionnelles, que les agents en question avaient bénéficié des garanties d’une
procédure régulière et que le licenciement proposé au titre de sanction avait été rejeté
par les autorités chargées de l’éducation. Le gouvernement rappelle que l’administration
est tenue d’enquêter sur tout fait susceptible de constituer une violation de la
réglementation et d’engager la responsabilité fonctionnelle et que, une fois établie
l’existence d’une faute administrative et les responsables identifiés, les pouvoirs
disciplinaires de l’administration sont mis en œuvre. À cet égard, le gouvernement
indique que les actions de l’ANEP, par l’intermédiaire de la DGES, l’organe décentralisé
qui en dépend, n’ont pas constitué une violation de la liberté syndicale ou une
restriction de la liberté d’expression, mais sont conformes aux obligations définies par
la législation et par la constitution pour empêcher tout type de prosélytisme et
préserver la laïcité de l’enseignement. Le gouvernement indique que les enquêtes ont été
conclues par une résolution émise par la DGES, sanctionnant les enseignants à une mise à
pied de 180 jours et à une retenue sur salaire, déduction faite de la période écoulée.
Le gouvernement souligne qu’il n’y a pas eu de harcèlement antisyndical ou de décision
sélective visant à punir les membres de l’organisation syndicale, mais que les étapes
des procédures ont été menées conformément à la réglementation en vigueur, dans le but
de garantir qu’elles ne sont ni punitives, ni hostiles et qu’elles s’appuient sur la
réglementation en vigueur. Le gouvernement signale qu’aucun des enseignants sanctionnés
n’a fait appel de la sanction et que face à l’absence de preuves administratives, les
dossiers relatifs aux fonctionnaires qui avaient été photographiés sur la voie publique
à l’extérieur de l’établissement d’enseignement, avaient été à nouveau archivés.
- 618. Le gouvernement indique que tout syndicat est en droit de définir
les mesures qu’il prendra face à un fait ou un événement quel qu’il soit, politique,
culturel ou autre, mais que dans le présent cas, les enseignants se sont photographiés
dans l’enceinte de l’établissement scolaire, c’est-à-dire sur leur lieu de travail, or
l’article 58 de la Constitution stipule que «sur les lieux de travail et pendant les
heures de travail, la pratique de toute activité étrangère à la fonction du lieu est
interdite, toute activité à des fins de prosélytisme de quelle que nature que ce soit
est ainsi considérée illégale. Il est interdit de former des groupes à des fins de
prosélytisme en utilisant le nom d’organismes publics ou en invoquant le lien que la
fonction détermine entre ses membres». Le prosélytisme est strictement interdit par
l’article 58 de la Constitution et il n’est pas possible d’invoquer la liberté
d’expression et le droit syndical pour contourner l’interdiction constitutionnelle.
Lorsqu’une activité prosélyte est exercée par un enseignant de l’éducation publique, il
s’agit d’une infraction à double titre: infraction à la règle qui interdit le
prosélytisme, et infraction à la règle qui ordonne le principe de laïcité dans
l’activité d’enseignement (article 17 de la loi générale sur l’enseignement et article 3
du Statut des enseignants). Le gouvernement indique qu’il s’agit d’agents de la fonction
publique qui sont mandatés par un statut; que la question n’est pas de priver les
enseignants de la possibilité de s’exprimer; que ce qui est en cause est que les faits
se soient déroulés dans l’enceinte de l’établissement, à divers endroits et pendant les
heures de travail, puisque les cours du soir avaient lieu à ce moment là; et que la
réforme constitutionnelle en question n’avait aucun rapport avec les droits syndicaux ou
les règles de l’enseignement public, mais était liée à la question de la sécurité
publique en Uruguay.
- 619. Le gouvernement indique que: i) l’Inspection des instituts et lycées
a informé le CES que des élèves du lycée auraient porté des foulards faisant allusion au
«non à la réforme constitutionnelle», participé à des réunions associatives au sein du
lycée pouvant relever d’une violation du droit à la liberté et au principe de laïcité et
indiquant que les élèves n’avaient pas obtenu l’autorisation de la direction,
obligatoire au regard du Statut de l’étudiant (en vigueur depuis 2005); ii) le service
juridique du CES a partagé l’avis de l’Inspection des instituts et des lycées selon
lequel, en vertu de la réglementation en vigueur, une enquête administrative devrait
être menée afin de clarifier les faits, sans en conclure à des preuves de harcèlement
antisyndical ou de représailles de quelle que nature que ce soit contre les membres de
la FENAPES, organisation qui ne représente pas les étudiants; et iii) l’enquête
administrative a été clôturée, aucun agent de la fonction publique ne s’est vu imputé de
la responsabilité (résolution de la DGES du 21 février 2022).
- 620. Le gouvernement indique que: i) la direction du lycée a signalé à la
DGES que, le 8 mars 2021, du matériel faisant référence à la loi d’examen urgent (LUC)
(promulguée le 9 juillet 2020) avait été trouvé à l’intérieur de l’annexe du dernier
étage de l’établissement (tracts relatifs à une campagne de recueil de signatures, de
nature politique, pour l’abrogation de la loi, sans rapport avec les droits syndicaux);
ii) la DGES, suivant la suggestion du service juridique, a ordonné une enquête afin de
clarifier les faits et les responsabilités présumées; iii) les agissements de la DGES
ont été conformes à la loi et ont respecté tous les principes qui régissent
l’enseignement public; et iv) dans le cadre de l’enquête, plusieurs enseignants,
syndiqués ou non, ont été convoqués et l’enquête a été clôturée sans faire porter la
responsabilité sur aucun des fonctionnaires (Résolution du 16 décembre 2021 de la
DGES).
- 621. Le gouvernement signale également que des affiches portant sur la
campagne contre la LUC ont été placardées sur la façade du lycée et que l’ordre de
retrait des affiches n’a été donné que pour celles ci, mais pas pour celles situées à
proximité du lycée ou de tout autre établissement scolaire, en défense du principe de
laïcité, dont la protection ne porte pas atteinte à la liberté d’expression ou à la
liberté syndicale. Le gouvernement indique que la résolution du CODICEN, dans son
considérant VI), précise que: «elle n’entend pas porter atteinte ou restreindre le droit
légitime à l’utilisation de panneaux syndicaux, ni limiter, restreindre, nuire ou
interférer avec l’exercice du droit à la liberté d’expression». Dans ce jugement, le
Tribunal administratif de première instance a indiqué que les affiches avaient un
message politique clair qui constituait sans aucun doute une activité de prosélytisme et
que les affiches violaient la neutralité. Sur la base de ce qui précède, le tribunal a
ordonné à l’ANEP d’interdire l’apposition d’affiches (à cette occasion posées par les
étudiants) relatives à la réforme constitutionnelle ou ayant un contenu similaire sur la
façade de tout autre bâtiment de l’ANEP.
- 622. En ce qui concerne la plainte déposée auprès de l’INDDHH, le
gouvernement rappelle que ni l’ANEP ni aucune autre entité publique ne relève de cette
institution et qu’elle n’est pas tenue de se conformer à sa décision, raison pour
laquelle elle a déclaré qu’elle récusait son avis. L’ANEP a introduit un recours en
annulation devant le Tribunal du contentieux administratif (TCA), cette procédure étant
en cours d’examen par la Cour suprême. Les dispositions du CODICEN de l’ANEP ne
représentent pas un élément de répression antisyndicale puisqu’elles sont destinées à
ses propres services et ont été édictées dans le but de préserver les principes d’ordre
constitutionnel.
- 623. Le gouvernement se réfère à la plainte déposée par la proviseure du
lycée no 1 San José en 2021 pour «une allégation de recours excessif aux heures payées à
des fins d’activités syndicales et à une figure juridique inappropriée pour en justifier
l’utilisation», laquelle était suivie par un député appartenant à un des partis
politiques de la coalition gouvernementale. À cet égard, le gouvernement souligne
d’emblée, que l’ANEP, par l’intermédiaire de la DGES, n’a pris, à aucun moment, de
mesures pouvant s’apparenter à du harcèlement antisyndical. Le gouvernement souligne
également que l’existence de dispositions réglementant l’utilisation du congé syndical
au sein de l’ANEP ne peut être ignorée et qu’en cas d’allégations sur des irrégularités,
l’administration se doit et est tenue de revoir ses propres actions. Le gouvernement
souligne qu’aucun élément ne pointe des agissements antisyndicaux mais des dispositions
directement et uniquement liées au respect des règles.
- 624. En ce qui concerne l’enseignant Slamovitz, le gouvernement indique
que: i) après avoir analysé les résultats de l’enquête, le chef de la direction du
service juridique de la DGES a suggéré que l’enseignant devrait faire l’objet d’une
enquête administrative; le gouvernement précise que le chef du service juridique de la
DGES n’est pas lié par l’avis de l’instructeur chargé de l’enquête, qu’il peut être
d’accord ou pas avec le rapport préliminaire et, le cas échéant, émettre un avis
différent; ii) ainsi, dans le cas présent, une enquête administrative a été diligentée,
avec l’application de mesures conservatoires (mise à pied et retenue de 50 pour cent du
salaire), dans le cadre des dispositions légales en vigueur (ordonnance no 10 de 2004);
iii) il ne s’agit pas de harcèlement ou de discrimination antisyndicale, mais uniquement
du pouvoir disciplinaire exercé par l’administration, dans la mesure où les dispositions
(c’est à dire la procédure visant à déterminer ou à vérifier la responsabilité du
fonctionnaire visé) ont été décidées pour une allégation de faute grave tenant à une
utilisation inappropriée des congés syndicaux; iv) l’enquête a été menée dans le respect
de la procédure et n’avait pas pour but d’enquêter sur l’activité syndicale de
l’enseignant ou de la remettre en question, mais plutôt d’examiner ses actions en tant
que fonctionnaire, en violation de la réglementation en vigueur; v) bien que le
fonctionnaire, en tant que dirigeant syndical, puisse exercer son droit au congé
rémunéré pour l’exercice d’une activité syndicale, cet exercice est réglementé par le
Conseil des salaires ou par les conventions collectives; et vi) plusieurs accords ou
conventions ont été conclus (tous sous forme écrite) et les heures correspondant à
chaque cas ont été affectées au congé syndical correspondant, mais à aucun moment, les
accords ou autres conventions mentionnés par les organisations plaignantes ne font
référence à l’utilisation de l’article 70.10 du Statut des enseignants (EFD) pour
justifier les heures de congé syndical.
- 625. Le gouvernement indique que dans son rapport, le chef du service
juridique a signalé qu’il était en désaccord avec les conclusions du chargé de
l’instruction et que, selon lui, il n’était pas juridiquement possible que les anciennes
autorités du CES aient pu conclure un accord valable avec la FENAPES (rappelant le
recours à l’article 70.10 de la EFD pour justifier le recours excessif aux heures
syndicales), car cela violerait les dispositions des règles statutaires et excéderait
leur pouvoir et leur autorité hiérarchique. Le rapport du service juridique indique
également que personne n’a pu prouver l’existence de l’accord allégué et qu’en aucun
cas, le congé syndical ne peut être compensé par l’application des dispositions de
l’article 70.10 de l’EFD (celui ci se trouve à l’article 70, qui fait référence au congé
extraordinaire accordé aux enseignants du service public; il stipule que ce congé est
accordé pour «des tâches ou des services spéciaux confiés par l’organe central de
direction, par les conseils respectifs ou exigés par d’autres organes de l’État,
conformément à des dispositions légales expresses»). Selon le gouvernement, cet article
est clair et ne peut en aucun cas être invoqué pour justifier un congé syndical. Le
gouvernement souligne que, bien que les organisations plaignantes fondent leur position
sur un prétendu «accord verbal» avec la direction du CES de l’époque, un tel accord est
inconcevable lorsque l’une des parties est l’État, en l’occurrence l’ANEP. En outre,
bien que les organisations plaignantes soutiennent qu’il n’existe pas de dispositions
formelles pour les conventions collectives, la vérité matérielle démontre que les
accords entre le CODICEN et le CSEU ont été conclus sous forme écrite. Le gouvernement
souligne que la réglementation du congé syndical découle de l’accord signé entre le
CODICEN et le CSEU, concrétisé par la Résolution no 3 de l’Acte no 97 du 29 décembre
2006, qui fixe année par année le plafond du nombre d’heures correspondant au congé
syndical. Le gouvernement a joint une copie de cette résolution. Le gouvernement indique
que l’accord de 2006 susmentionné ne fait pas référence à l’utilisation de
l’article 70.10 de l’EFD. Le gouvernement déclare qu’il n’y a pas eu d’accord portant
sur la justification des congés pour raisons syndicales en vertu de l’article 70.10 de
l’EFD et que la Résolution 12 de l’Acte no 90 du 12 décembre 2006, à laquelle se
réfèrent les organisations plaignantes, ne mentionne rien non plus à ce sujet Le
gouvernement a annexé un communiqué de presse dans lequel l’ancien président de la
CODICEN, le professeur Wilson Netto, aurait mis en garde contre le caractère «illégal»
du recours à cet article pour justifier les congés syndicaux.
- 626. Le gouvernement indique que la FENAPES a émis d’innombrables
«demandes» pour activité syndicale à présenter aux proviseurs de lycées, sollicitant «la
justification de l’absence» du fonctionnaire «conformément à l’article 70.10 de l’EFD»
et en vertu de l’accord signé entre le CODICEN et la CSEU». Si les proviseurs de lycées
ont consentis, au titre de congés à des fins d’activité syndicale, à un nombre excessif
d’heures prises par les délégués, ils l’ont fait sur la base d’une déclaration trompeuse
émise par la direction du syndicat, qui a incité à justifier les absences en faisant
référence à un accord «signé» (dont il a été admis qu’il n’existait pas, pas plus qu’il
n’existe de «signature» orale) et en indiquant (en vertu du prétendu accord inexistant)
que l’absence est couverte par l’article 70.10 de l’EFD (une disposition qui n’a rien à
voir avec le congé syndical). C’est le grand nombre d’absences que l’enseignant
Slamovitz a tenté de justifier sur la base de ces documents qui a conduit la directrice
du lycée no 1 à s’adresser au CES, en 2019, pour prendre connaissance du dit «accord
signé entre le CODICEN et la CSEU» mentionné par la FENAPES, car les heures de cours
manquées perturbaient gravement le travail pédagogique.
- 627. Le gouvernement indique que les résultats de l’enquête ayant établi
que l’enseignant Slamovitz cumulait plus de 240 absences en l’espace de deux ans, il en
a été conclu qu’il avait commis une faute administrative grave et une mise à pied de
180 jours avec retenue de salaire lui a été imposée, déduction faite du temps déjà
comptabilisé au titre de suspension préventive. Le gouvernement souligne que cette
décision, conforme à la loi, ne constitue pas un acte de harcèlement et de
discrimination antisyndicale de la part de l’État, mais résulte exclusivement du pouvoir
disciplinaire exercé par l’administration. Sur la base de ce qui précède, le
gouvernement souligne que l’ANEP, par l’intermédiaire de la DGES, a agi dans le cadre de
ses compétences et n’a jamais porté atteinte à la liberté syndicale ni ne s’est livrée
au moindre harcèlement antisyndical.
- 628. En ce qui concerne le dépôt d’une plainte pénale contre l’enseignant
Slamovitz et autres membres du comité exécutif de la FENAPES, le gouvernement indique
qu’il est du devoir de tous les fonctionnaires de dénoncer l’existence de faits qui
semblent délictueux et de les porter à l’attention des tribunaux afin qu’ils puissent
mener une enquête et parvenir à résoudre l’affaire. Le gouvernement précise qu’aucun
délit n’a été «caractérisé» et souligne que les dispositions de la résolution de la DGES
ne sont pas une conséquence pour avoir exercé le droit à utiliser les congés syndicaux
ni d’avoir exercé une «activité inhérente au droit du travail collectif», comme le
prétendent les organisations plaignantes.
- 629. En ce qui concerne la commission parlementaire, le gouvernement
indique qu’elle ne s’est arrogé aucune compétence indue, qu’elle n’a pas enfreint les
dispositions du règlement sur le fonctionnement des commissions parlementaires, qu’elle
n’a pas agi illégalement ni dans le but d’interférer avec l’autonomie syndicale ni dans
la négociation collective, ni dans une tentative de pénalisation, mais qu’elle a mené à
bien sa tâche, qui était celle d’enquêter. Le gouvernement affirme que l’enquête a porté
sur les agissements de fonctionnaires qui, au-delà des heures de congé hebdomadaires
pour leur activité syndicale, ont pris des congés sur la base d’un formulaire excusant
leurs absences au motif qu’elles étaient couvertes par l’article 70, paragraphe 10, de
l’EFD, en vertu d’un accord qui, bien que demandé à plusieurs reprises, n’a jamais été
présenté. L’ensemble de ces agissements liés aux demandes et à la justification des
congés syndicaux pris au cours de la période 2015-2019, qui ont fait l’objet d’une
commission d’enquête parlementaire, ont eu des conséquences majeures pour les étudiants,
car, comme cela a déjà été exposé dans la réponse précédente, ces heures de cours n’ont
pas été remplacées, contrairement aux heures syndicales.
- 630. La commission, qui était chargée d’enquêter sur la prolongation et
la justification des congés syndicaux irréguliers accordés aux membres de la FENAPES par
le CES au cours de la période 2015-2019, a conclu à une négligence dans le contrôle
effectué par les autorités de l’époque (2015-2019) ayant conduit à des omissions, des
irrégularités administratives et des comportements répréhensibles de la part d’agents
publics affiliés à la FENAPES et de membres du CES au cours de la période 2015-2019, et
a donc renvoyé les procédures de la commission au Conseil d’administration central de
l’ANEP, au Conseil pour la transparence et l’éthique publique et au bureau du procureur
général.
- 631. Le gouvernement indique que les allégations d’ingérence de la DGES
relatives aux congés syndicaux ne correspondent pas à la réalité, étant donné que la
DGES a dû réaliser une étude et une enquête sur les congés syndicaux car il n’existait
pas d’actes administratifs réglementant correctement l’utilisation des congés syndicaux
pour l’Association des travailleurs de l’enseignement secondaire (ATES), et que les
mécanismes de contrôle correspondants n’avaient pas été mis en place. Le gouvernement a
indiqué que la résolution no 4141 avait pour but de mettre de l’ordre dans la situation
existante jusqu’alors, afin que chaque fonctionnaire puisse utiliser les heures
auxquelles il a droit, de fait, au titre du congé syndical. La résolution a approuvé les
listes présentées par l’ATES avec le nombre d’heures correspondantes à utiliser au titre
de congé syndical, ainsi que le nombre d’heures affectées à chacune d’entre elles, en
déterminant le nombre maximum d’heures pouvant être invoquées au titre de congé
syndical. La décision de la DGES a été motivée par la justification abusive des congés
syndicaux, qui dépassaient le nombre d’heures correspondant au syndicat de chaque
fonctionnaire. Le gouvernement indique que la FENAPES aurait demandé la révocation de
l’acte et son éventuelle annulation par le Tribunal du contentieux administratif, de
sorte que la décision n’est pas encore devenue définitive et que la DGES peut la
révoquer, en tout ou en partie.
- 632. Le gouvernement ajoute que cette situation fait également l’objet
d’un examen dans le cadre d’une instance tripartite de négociation collective. Le
gouvernement précise que, dans la plainte déposée, la FENAPES n’allègue pas le non
respect de l’organisation à l’égard de ces instances, mais se réfère uniquement à celles
qui concernent l’ATES, indiquant que c’est la directrice générale de l’enseignement
secondaire qui s’est refusé d’y participer, tout en omettant de mentionner que c’est
l’agression verbale commise par le président de l’ATES à l’encontre de la directrice,
dans le cadre d’une instance tripartite, qui a temporairement suspendu les négociations.
Le gouvernement indique que le syndicat n’a pas demandé la tenue de réunions bipartites
ou tripartites avant le mois de mars 2022, date à laquelle les négociations ont
commencé.
- 633. D’une manière générale, le gouvernement affirme que, loin de voir
dans l’action de la direction de l’enseignement public une atteinte aux normes
internationales et nationales qui protègent la liberté syndicale, celle-ci a fait
correctement usage de son pouvoir et de son devoir, tant en enquêtant sur la
responsabilité du syndicat ou de l’un de ses membres à l’égard de la violation de la
«légalité», dont la convention no 87 exige qu’elle soit respectée, en mettant en œuvre
des règles de bon sens pour l’utilisation des congés syndicaux. Le gouvernement souligne
que les procédures administratives engagées (enquêtes administratives et procédures
sommaires) étaient fondées sur des faits réels et vérifiés et sont régies par les règles
et principes de l’État de droit, que toutes les décisions sont susceptibles d’être
contestées par le biais de recours administratifs, et que toute activité administrative
de ce type est soumise à un contrôle juridictionnel.
- 634. Le gouvernement souligne que la Constitution n’exempte pas les
syndicats de fonctionnaires (créés en vertu de l’article 57 de la Constitution) des
dispositions restrictives définies à l’article 58: «toute activité étrangère à la
fonction est interdite sur le lieu de travail et pendant les heures de travail, et toute
activité visant à faire du prosélytisme de quelle que nature que ce soit est considérée
comme illégale». Il indique également que, bien que les organisations plaignantes se
réfèrent à une «campagne publique contre la FENAPES dans les médias», aucun communiqué
de presse n’a été publié dans le but d’insulter l’organisation syndicale ou d’encourager
sa répudiation publique. Le gouvernement affirme que la FENAPES continue d’exercer
pleinement sa liberté d’association, en organisant librement ses activités syndicales,
et que la seule chose qui lui est demandée est de respecter intégralement les
dispositions légales et conventionnelles en vigueur.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 635. Le comité note que, dans la présente plainte, les organisations
plaignantes allèguent que, depuis le changement de gouvernement en mars 2020, les
autorités éducatives, en particulier la DGES (anciennement CES) de l’ANEP, ont restreint
de diverses manières les activités syndicales de la FENAPES, l’organisation la plus
représentative dans le domaine de l’enseignement secondaire public, et de ses militants.
Le comité prend note que le gouvernement nie tout harcèlement antisyndical, affirme que
l’ANEP a toujours été ouverte au dialogue et que les allégations d’atteinte à la liberté
syndicale ne sont ni plus ni moins que l’exigence du respect du régime juridique en
vigueur dans le pays. Le gouvernement indique que la DGES a agi dans l’exercice des
pouvoirs légitimes qui lui sont conférés par la loi et qu’à aucun moment l’action
syndicale n’a fait l’objet d’une enquête, que ce sont les agissements de fonctionnaires
qui sont liés à l’administration par un régime statutaire auquel ils sont tenus qui ont
fait l’objet d’une enquête.
- 636. Le comité prend note que les organisations plaignantes allèguent que
la politique antisyndicale s’est manifestée par plusieurs événements qui se sont
déroulés dans différentes parties du pays, comme indiqué ci dessous.
- 637. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que, en
conséquence des plaintes déposées par les proviseurs de lycées auprès de la DGES, entre
la fin 2019 et le début 2021, pour des allégations de violation des principes directeurs
de l’éducation (laïcité et interdiction du prosélytisme), la DGES a mené une série
d’enquêtes disciplinaires et expéditives impliquant des dirigeants syndicaux, qui ont
été sanctionnés en raison de leur opinion, créant ainsi un contexte d’exposition
publique et de répudiation des militants syndicaux. Le comité note que les enquêtes
concernant les trois lycées portaient sur la participation de dirigeants de la FENAPES à
des activités, prétendument de nature syndicale, liées à un plébiscite sur une réforme
constitutionnelle concernant des questions de sécurité des citoyens et à un référendum
sur une loi appelée «loi d’examen urgent» (LUC).
- 638. Le comité note que, selon les informations fournies par le
gouvernement, les enquêtes concernant les activités menées dans les lycées de Canelones
et de Montevideo (dans ce dernier, plusieurs enseignants, membres et non-membres ont été
convoqués) ont été classées sans suite, les responsabilités n’ayant pu être attribuées à
aucun des fonctionnaires.
- 639. En ce qui concerne le lycée San José no 1, le comité note que
l’enquête de la DGES a porté sur des enseignants et des dirigeants syndicaux qui se sont
photographiés à l’intérieur et à l’extérieur du lycée, en horaire nocturne, avec des
pancartes indiquant leur rejet de la réforme constitutionnelle portant sur des questions
de sécurité publique. Le comité note que, si les organisations plaignantes indiquent que
les militants syndicaux ont pris soin d’exercer leur droit d’expression en dehors de la
salle de classe et sans la présence des élèves, le gouvernement précise que les
photographies ont été prises pendant les cours du soir. Le comité note que les
organisations plaignantes soulignent, entre autres éléments, que la DGES a mené
l’enquête sans accorder aux enseignants le droit à la défense et qu’elle a émis un
rapport qui omet le caractère syndical de l’activité et condamne la liberté d’expression
sur un sujet qui a provoqué un débat public intense car il recouvre des questions
d’intérêt social majeur. À cet égard, le comité note que le gouvernement indique que la
réforme constitutionnelle n’était pas liée au droit syndical mais à des questions de
sécurité publique et affirme que les fonctionnaires ont bénéficié d’une procédure
régulière, qu’il n’y a pas eu de harcèlement antisyndical et souligne que ce n’est pas
l’activité syndicale qui a fait l’objet d’une enquête mais les agissements d’enseignants
en tant que fonctionnaires en violation des normes constitutionnelles, en particulier de
l’article 58 qui interdit toute forme de prosélytisme.
- 640. Le comité note que, selon les organisations plaignantes et le
gouvernement: i) les enquêtes sur les personnes qui se sont photographiées sur la voie
publique à proximité de l’établissement d’enseignement ont été conclues sans attribuer
les responsabilité (ayant été constaté qu’il n’y avait pas de faute administrative);
ii) la proposition de licenciement des enseignants photographiés dans l’enceinte du
lycée au titre de sanction a été rejetée; et iii) une sanction de 180 jours de mise à
pied et de retenue de salaire leur a été imposée. Le comité note que, selon les
informations du gouvernement, aucun des enseignants sanctionnés n’a fait appel des
sanctions.
- 641. Le comité note que les plaignants allèguent également qu’en 2020
l’ANEP a émis une résolution exigeant de la FENAPES qu’elle retire de la façade d’un
lycée les affiches de la campagne contre la LUC. Le comité note que les organisations
plaignantes indiquent avoir signalé cette situation à un organe impartial du parlement
(INDDHH), qui a recommandé l’abrogation des articles les plus controversés de la
résolution, mais que le gouvernement indique que la résolution reposait sur la défense
du principe de laïcité, et précise qu’il n’a pas ordonné le retrait des affiches situées
«à proximité» du lycée, mais uniquement celle affixée sur la façade du lycée. Il indique
également que l’ANEP n’a pas de lien de dépendance avec l’INDDHH et qu’elle a introduit
un recours en annulation devant le TCA, qui n’a pas encore été conclu. Le Comité note
que le gouvernement a annexé une copie d’un jugement rendu en juin 2019 concernant un
recours en amparo qui ordonnait à l’ANEP d’interdire l’apposition d’affiches (à cette
occasion posées par des étudiants) relatives à la réforme constitutionnelle sur les
questions de sécurité publique ou ayant un contenu similaire sur la façade de n’importe
quel autre de ses bâtiments. Le comité note également que la FENAPES déclare avoir
déposé une autre plainte auprès de l’INDDHH concernant d’autres situations, telles que
l’interdiction d’organiser des réunions syndicales au sein de l’établissement scolaire.
Le comité n’a pas d’autres informations s’agissant de cette autre plainte.
- 642. Le comité note que l’article 57 de la Constitution uruguayenne
encourage la constitution de syndicats et que l’article 58 stipule que les
fonctionnaires sont au service de la nation et non d’un groupe politique et que toute
activité non inhérente à leurs fonctions est interdite sur les lieux et pendant les
heures de travail, et qu’est considérée illégale toute activité, quelle qu’en soit la
nature, visant à faire du prosélytisme. Le comité note que, si les organisations
plaignantes considèrent que l’interprétation conjointe des articles 57 et 58 de la
Constitution permet de comprendre que ce dernier interdit le prosélytisme politique,
l’article 57 soustrait de cette interdiction les activités de nature syndicale; le
gouvernement souligne que l’article 58 interdit tout type de prosélytisme, et que la
liberté d’expression et les droits syndicaux ne peuvent être invoqués pour se soustraire
à cette interdiction. En outre, le gouvernement précise qu’un enseignant de l’éducation
publique qui fait du prosélytisme se rend responsable d’une une double violation: de la
norme qui interdit le prosélytisme, et de la norme qui stipule que l’enseignement doit
être dispensé selon les préceptes de la laïcité (article 17 de la loi générale sur
l’enseignement et article 3 du Statut des enseignants de l’éducation publique).
- 643. Le comité note qu’il ressort clairement des détails susmentionnés
que: i) six membres ou dirigeants syndicaux de la FENAPES ont été sanctionnés par une
suspension de six mois avec retenue de salaire pour avoir pris puis diffusé des photos
dans un lycée afin d’exprimer leur opposition à une réforme constitutionnelle concernant
des questions de sécurité publique; et ii) l’administration publique avait ordonné
l’enlèvement de banderoles placées dans divers lycées en relation avec un référendum sur
une loi qui contenait, entre autres, des dispositions relatives à l’exercice du droit de
grève. Le comité note que, dans les deux cas, le gouvernement considère que le devoir de
neutralité et d’impartialité des enseignants vis-à-vis des élèves a été violé et que,
dans le premier cas, le référendum en question portait sur une réforme constitutionnelle
totalement étrangère aux intérêts du syndicat et de ses membres. Le comité note que la
FENAPES, pour sa part, considère que les activités en question entraient pleinement dans
le cadre de l’activité syndicale et auraient donc dû être protégées.
- 644. Le comité rappelle que la liberté d’opinion et d’expression figurent
parmi les droits civils fondamentaux qui sont essentiels à l’exercice normal des droits
syndicaux et que, dans une affaire précédente, il a demandé à un gouvernement de veiller
à ce que les syndicats de fonctionnaires aient la possibilité d’exprimer publiquement
leur point de vue sur les questions globales de politique économique et sociale ayant un
impact direct sur les intérêts de leurs membres. [Voir Compilation des décisions du
Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 233 et 246.] Le comité
prend note du caractère substantiel des sanctions imposées aux membres ou dirigeants
syndicaux de la FENAPES pour avoir pris puis diffusé des photos dans un lycée afin
d’exprimer leur opposition à une réforme constitutionnelle, et souligne l’importance
qu’elles soient effectivement proportionnelles aux délits commis afin qu’elles n’aient
pas à l’avenir un effet dissuasif sur l’action des organisations syndicales dans des
situations qui impliquent la défense des intérêts de leurs membres. De même, en lien
avec les deux cas susmentionnés, le comité considère qu’il convient d’établir un
équilibre raisonnable entre l’obligation de neutralité politique des enseignants publics
dans le domaine de l’éducation, établie par la Constitution de l’Uruguay, et le droit
des organisations d’enseignants d’exprimer leurs opinions sur les questions de politique
économique et sociale qui peuvent affecter leurs membres et de pouvoir les diffuser sur
le lieu de travail en tenant compte de la nécessité de ne pas nuire à l’éducation des
enfants. Le comité prie le gouvernement de veiller à l’existence d’un tel équilibre et
de prendre toute mesure nécessaire à cet égard. Le comité demande également au
gouvernement de le tenir informé de l’issue de la procédure d’invalidation engagée
devant le Tribunal du contentieux administratif (TCA) concernant le retrait des
banderoles des façades des écoles, ainsi que de l’état d’avancement de l’autre plainte
déposée par la FENAPES auprès de l’INDDHH concernant l’interdiction de tenir des
réunions syndicales dans les locaux des écoles.
- 645. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que
depuis le changement de gouvernement, plusieurs actions hostiles visant à remettre en
question l’utilisation des congés syndicaux par la FENAPES ont eu lieu, et notamment
deux cas spécifiques: i) une plainte déposée par la directrice du lycée no 1 auprès de
la DGES concernant le recours excessif aux heures syndicales qui a conduit la DGES à
mener une enquête sur les heures syndicales utilisées par l’enseignant et le dirigeant
de la FENAPES, Marcel Slamovitz; et ii) la création d’une commission parlementaire
chargée d’enquêter sur l’extension et la justification des congés irréguliers accordés
aux membres de la FENAPES par le CES au cours de la période 2015 2019 (afin de vérifier
si une figure légale appropriée avait été utilisée pour justifier les congés syndicaux –
notamment l’utilisation de l’article 70.10 du Statut du personnel enseignant (EFD) pour
justifier des heures de décharge syndicale).
- 646. En ce qui concerne l’enseignant Slamovitz, le comité note que, selon
les allégations: i) la DGES a ordonné la mise à pied de l’enseignant pour 180 jours avec
perte totale de son salaire pour avoir commis une faute grave en invoquant le «pouvoir
syndical» pour tromper la directrice du lycée; et ii) dans le cadre de l’enquête, une
plainte pénale a été déposée contre l’enseignant et d’autres dirigeants de la FENAPES
afin de criminaliser les agissements des dirigeants qui auraient commis une infraction
en émettant et en utilisant de faux certificats d’activités syndicales, en vertu
d’accords conclus avec les autorités de l’époque. À cet égard, le comité note que le
gouvernement indique que: i) les absences se montant à plus de 240 en deux ans ont
conduit la directrice du lycée à saisir le CES pour obtenir des précisions sur les
certificats d’absence utilisés pour justifier les absences; ii) l’enquête a fait l’objet
d’une procédure régulière, a déterminé qu’une infraction administrative grave avait été
commise en invoquant le «pouvoir syndical» pour tromper la directrice de l’école; et
iii) tous les fonctionnaires sont tenus de signaler l’existence de faits aux apparences
délictueuses et de les porter à l’attention de la justice afin qu’elle puisse enquêter
et les résoudre.
- 647. Le comité note que, selon la plainte et la réponse du gouvernement,
la FENAPES a émis des «demandes» d’activité syndicale à soumettre aux proviseurs des
lycées pour leur demander de «justifier l’absence» du fonctionnaire «conformément à
l’article 70.10 de l’EFD et d’un accord signé avec le CES». Le comité note que les
organisations plaignantes indiquent que: i) un accord entre la FENAPES et les autorités
de l’époque a été conclu pour que les heures syndicales qui dépasseraient la limite de
celles convenues par l’accord soient justifiées par le biais de l’article 70.10 de
l’EFD; le droit uruguayen ne prévoit aucune formalité exigeant qu’un accord soit conclu
par écrit, que ce soit dans la sphère publique ou privée; et ii) le respect coutumier
des termes d’un accord contribue également à la compréhension de l’existence d’un accord
même s’il n’est pas conclu par écrit. Le comité note également que le gouvernement
indique de son côté que: i) lorsque les proviseurs du lycée ont reconnus comme congé
syndical les heures supplémentaires prises par les délégués, ils l’ont fait sur la base
d’une déclaration trompeuse du syndicat, qui les a incités à justifier les absences en
se référant à un accord (dont l’existence n’a pas pu être constatée) et en indiquant
(sur la base de l’accord inexistant) que l’absence était couverte par l’article 70.10 de
l’EFD (une disposition légale qui ne concerne en rien les congés syndicaux); ii) la DGES
a estimé qu’il n’était pas juridiquement possible que les autorités précédentes aient
entériné l’application de l’article 70.10 de l’EFD pour justifier l’excès d’heures de
congé syndical, car cela reviendrait à violer les dispositions de la réglementation
statutaire et outrepasserait leur compétence; iii) il était inconcevable qu’un tel
accord oral ait été passé sachant que l’une des parties était l’État; et iv) la
réglementation du congé syndical découle de l’accord signé entre le CODICEN et le Comité
de coordination des syndicats d’enseignants uruguayens (CSEU), concrétisé par la
Résolution n° 12 de l’Acte no 90 du 12 décembre 2006, qui fixe année par année le
plafond du nombre d’heures correspondant au congé syndical et cet accord ne fait aucune
référence à l’utilisation de l’article 70.10 de la directive sur la formation
professionnelle pour justifier le congé syndical.
- 648. En ce qui concerne la commission parlementaire, le comité note que
les organisations plaignantes indiquent qu’elle a agi en dehors du cadre légal, avec
l’intention manifeste de harceler et de condamner la liberté syndicale, en mettant en
cause la procédure de négociation collective entre la FENAPES et le CES de l’époque. Il
note également que le gouvernement indique que la commission n’a pas agi de manière
illégale ou dans le but d’interférer dans l’autonomie syndical, ni dans le processus de
négociation collective ni avec l’intention de recourir à la justice pénale, mais qu’elle
a enquêté sur les agissements de fonctionnaires qui, en plus des heures de congé
réservées à leur activité syndicale, ont pris des congés sur la base d’un formulaire
indiquant que la justification de leur absence était couverte par l’article 70,
paragraphe 10, de l’EFD, conformément à un accord qui, bien que demandé à plusieurs
reprises, n’a jamais été présenté.
- 649. Le comité note que les travaux de la commission se sont conclus sur
deux rapports: i) un rapport majoritaire, préparé par la coalition gouvernementale, qui
a conclu à une négligence dans le contrôle exercé par les autorités de l’époque (2015
2019) ayant conduit à des irrégularités administratives et à des comportements
apparemment délictueux de la part d’agents de la fonction publique affiliés à la FENAPES
et de membres du CES, et qui a renvoyé la procédure de la commission à l’ANEP, au
Conseil de la transparence et de l’éthique publique et au bureau du procureur général;
et ii) un rapport minoritaire, voté par les membres du parti gouvernemental sortant, qui
souligne des atteintes au droit à la défense des dirigeants de la FENAPES et conclut
qu’aucun acte criminel n’ayant été constaté dans le présent cas, ils devraient faire
l’objet d’une enquête et de sanctions de la part des autorités administratives.
- 650. Le comité prend note des éléments susmentionnés concernant l’enquête
menée par la DGES (un organisme d’État) et la commission parlementaire. Le comité
observe que dans le cas présent, les parties concernées sont en désaccord sur
l’existence même d’un accord non signé entre le CODICEN et la FENAPES en vertu duquel
les congés syndicaux ont été justifiés pendant de nombreuses années, au-delà de ce qui
était convenu dans l’accord signé en 2006 Le comité note, plus précisément, que ce
désaccord porte sur les formalités auxquelles, selon le gouvernement, doivent se plier
les accords conclus par l’administration publique, en particulier l’obligation d’établir
des accords par écrit. En outre, le comité note que le différend portant sur l’existence
du dit accord, dans lequel l’État est l’une des parties concernées, a finalement été
réglé par l’autorité du secteur concerné. À cet égard, tout en notant que le
gouvernement ne reconnaît que l’existence de l’accord collectif signé en 2006 entre le
CSEU et le CODICEN, le comité rappelle qu’en cas de conflit d’interprétation d’une
convention collective dans le secteur public, l’interprétation qui prévaut ne devrait
pas être donnée par l’autorité publique, qui serait juge et partie, mais par une
autorité indépendante des parties. [Voir Compilation, paragr. 1476.] Rappelant en outre
que le comité a attiré l’attention sur l’importance de promouvoir la négociation
collective dans le secteur de l’éducation au sens de l’article 4 de la convention no 98
[voir Compilation, paragr. 1265], le comité exprime le ferme espoir qu’à l’avenir et
conformément à la tradition de dialogue social de l’Uruguay et à son engagement reconnu
en faveur de la négociation collective, c’est précisément par le dialogue et la
négociation collective bipartite que les questions relatives au congé syndical des
enseignants du secondaire seront, le cas échéant, abordées et réexaminées, dans un
climat de confiance, de respect et de bonne foi.
- 651. En outre, si des personnes menant des activités syndicales ou
exerçant des fonctions syndicales ne peuvent prétendre à l’immunité vis-à-vis de la
législation pénale ordinaire, l’arrestation ou l’inculpation de syndicalistes doivent
s’appuyer sur des exigences légales qui ne portent pas elles mêmes atteinte aux
principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 33.] Le comité prie le
gouvernement et les organisations plaignantes de le tenir informé du statut de la
plainte pénale déposée contre l’enseignant et dirigeant Slamovitz et d’autres dirigeants
syndicaux, ainsi que des informations sur les procédures menées par l’ANEP, le Conseil
de la transparence et de l’éthique publique et le bureau du procureur général auxquels
la commission parlementaire a renvoyé la procédure.
- 652. Le comité note que les organisations plaignantes allèguent que, en
2021, la DGES a émis la résolution no 4141, qui modifie les termes d’une convention
collective de 2007 entre l’ANEP et le Comité de coordination des syndicats d’enseignants
uruguayens concernant l’utilisation du congé syndical par l’ATES en modifiant la formule
utilisée pour déterminer le nombre d’heures de congés payés. À cet égard, le comité note
que le gouvernement a indiqué que: i) il n’existait pas d’actes administratifs
réglementant correctement l’utilisation du congé syndical par l’ATES et que la
résolution a simplement approuvé les listes présentées par l’ATES avec le nombre maximum
d’heures pouvant être justifiées au titre de congé syndical; ii) la FENAPES a demandé la
révocation de l’acte et sa nullité devant le Tribunal du contentieux administratif
(TCA), de sorte que la résolution n’est pas encore définitive; et iii) cette situation
fait également l’objet d’un examen par une instance tripartite de négociation
collective. Rappelant que les accords doivent être contraignants pour les parties [voir
Compilation paragr. 1334], le comité prie le gouvernement de le tenir informé de la
décision rendue par le TCA et de toute évolution des négociations tripartites
susmentionnées.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 653. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil
d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le
gouvernement de veiller à garantir un équilibre raisonnable entre l’obligation de
neutralité politique des enseignants publics dans le domaine de l’éducation établie
par la Constitution de l’Uruguay et le droit des organisations d’enseignants
d’exprimer leurs opinions sur les questions de politique économique et sociale qui
peuvent affecter leurs membres, de pouvoir les diffuser sur le lieu de travail, en
tenant compte de la nécessité de ne pas nuire à l’éducation des enfants et de
prendre toutes les mesures nécessaires à cet égard. Le comité prie également le
gouvernement de le tenir informé de l’issue de l’action en nullité soumise au TCA en
ce qui concerne l’affiche placardée sur la façade du lycée, ainsi que du statut de
l’autre plainte déposée par la FENAPES devant l’IDDHH.
- b) Le comité demande au
gouvernement et aux organisations plaignantes de le tenir informé de l’état
d’avancement de la plainte pénale déposée contre l’enseignant et dirigeant Slamovitz
et contre les autres dirigeants de la FENAPES, ainsi que des informations sur les
procédures menées par l’ANEP, le Conseil pour la transparence et l’éthique publique
et le bureau du procureur général auquel la commission parlementaire a renvoyé la
procédure.
- c) Tout en priant le gouvernement de le tenir informé de toute
décision prise par le TCA et de toute évolution relative aux négociations
tripartites mentionnées par le gouvernement concernant l’ATES, le comité exprime le
ferme espoir qu’à l’avenir, conformément à la tradition de dialogue social de
l’Uruguay et à son engagement reconnu en faveur de la négociation collective, c’est
précisément par le dialogue et la négociation collective bipartite que les questions
relatives au congé syndical des enseignants du secondaire seront, le cas échéant,
abordées et réexaminées dans un climat de confiance, de respect et de bonne
foi.