Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent des actes de persécution à
l’encontre des membres du Syndicat national des fonctionnaires et employés du pouvoir
judiciaire «El Vocero Judicial» et de violation de l’exercice pacifique du droit de
manifester
- 225. La plainte figure dans une communication de la Confédération
générale du travail (CGT) et de l’Union nationale des travailleurs de l’État et des
services publics (UTRADEC-CGT) datée du 18 mars 2016. La CGT a envoyé des informations
complémentaires dans une communication datée du 1er juin 2017.
- 226. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des
communications datées du 3 avril 2017, du 13 février 2018, ainsi que du 11 mai et du
20 septembre 2023.
- 227. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les
relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la
négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 228. Dans leurs communications datées du 18 mars 2016 et du 1er juin
2017, les organisations plaignantes indiquent que, le 16 décembre 2015, la chambre
administrative du Conseil supérieur de la magistrature (CSJ) a publié l’accord
no PSAA-15-10445, qui prévoit la création de «centres de services judiciaires» dans les
tribunaux des affaires civiles et familiales de Bogota. Elles font valoir que cet accord
a été établi sans consultation préalable et qu’il met en péril la continuité de la
carrière de nombreux fonctionnaires du pouvoir judiciaire, notamment les secrétaires,
les greffiers et les fonctionnaires chargés de communiquer les décisions de justice, qui
représentent plus de 60 pour cent du personnel de chaque tribunal. Les organisations
plaignantes indiquent que les syndicats «Asonal Judicial», «Asonal Judicial S.I.» et
«Asojudiciales» n’ont pas tenu compte de la demande des organisations de base de
révoquer l’accord et ont choisi d’accepter la proposition du CSJ consistant à reporter
son entrée en vigueur d’un mois. Par conséquent, la majorité du personnel judiciaire
s’est sentie trahie et a décidé de créer une nouvelle organisation syndicale, fondée le
26 janvier 2016 par 250 membres et dénommée Syndicat national des fonctionnaires et
employés du pouvoir judiciaire «El Vocero Judicial».
- 229. Les organisations plaignantes indiquent que ce syndicat a cherché à
négocier avec le CSJ et que, à la suite de cette démarche, il a fait l’objet de menaces
et d’agressions de la part de ce dernier, qui a publié des communiqués sur son site
Internet dans lesquels il comparait les actes des syndicalistes à ceux de guérilleros et
de paramilitaires. Les organisations plaignantes affirment que les travailleurs ont
exercé pacifiquement leur droit de manifester et que, le 1er février 2016, le CSJ a
autorisé l’entrée dans les établissements judiciaires de la capitale de la police et de
l’escouade mobile antiémeutes qui, à l’aide de gaz lacrymogènes, de décharges
électriques et d’engins explosifs, ont expulsé des fonctionnaires, des employés, des
avocats plaidants et des usagers, agressé des femmes et provoqué des incapacités de
travail, dans le seul but de dénier le droit de manifester pacifiquement.
- 230. Les organisations plaignantes signalent également que, au cours des
mois de février et mars 2016, les salaires de certains travailleurs ont été retenus sans
aucune justification juridique, y compris le salaire du président du syndicat «El Vocero
Judicial», M. Luis Orlando Chinchilla Vargas, et que, par la suite, des paiements ont
été versés à certains de manière inconsidérée afin de susciter des confrontations. Elles
précisent que les salaires dus aux membres du syndicat et à ceux qui le soutiennent
n’ont pas été versés. Les organisations plaignantes affirment que les retenues de
salaires se fondaient sur une circulaire du Contrôleur général de la République (CGR)
qui a été déclarée inconstitutionnelle en 2015. Elles ajoutent que l’intégrité physique
du président du syndicat a également été mise en danger, car des affiches placées dans
le bureau de paie indiquaient qu’il fallait le contacter pour toute question concernant
le versement des salaires et rendaient public son numéro de téléphone portable.
- 231. Les organisations plaignantes affirment également que, en mars 2016,
le président de la chambre administrative du CSJ a demandé au juge des affaires civiles
du bureau où travaillait le président du syndicat de procéder à des enquêtes
disciplinaires, ce qui a conduit à l’ouverture d’une enquête préliminaire à l’encontre
de M. Chinchilla Vargas. Elles considèrent que les actes du CSJ susmentionnés relèvent
de la persécution antisyndicale et demandent qu’il soit ordonné au gouvernement de
respecter le droit à la liberté syndicale et le droit de négociation collective, de
cesser de commettre des actes de persécution antisyndicale et, par conséquent, de
respecter le droit de constituer librement des organisations syndicales, en apportant
les garanties constitutionnelles nécessaires et en démilitarisant chacun des bâtiments
dans lesquels les tribunaux de Bogota exercent leurs activités, de mettre fin aux
menaces et à la répression constantes face à l’exercice de ce droit constitutionnel, et
de corriger ce qui est indiqué sur le site Web du CSJ.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 232. Dans ses communications du 3 avril 2017 et du 13 février 2018, le
gouvernement présente ses observations, ainsi que celles du ministère de la Justice et
du Droit, de la Direction territoriale de Bogota et du CSJ. Le gouvernement indique que
les faits relatés dans la plainte ne sont pas révélateurs d’une quelconque violation de
la liberté syndicale et précise qu’ils trouvent leur origine dans la publication par le
CSJ, en décembre 2015, de l’accord no PSAA-15-10445 qui prévoit la création de centres
de services judiciaires dans les tribunaux des affaires civiles et familiales, établit
des mécanismes de coordination, de suivi et de contrôle et réglemente leurs
fonctions.
- 233. Le gouvernement indique que, bien que l’accord ait été conclu par
l’autorité compétente et dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la
Constitution et la loi, les organisations syndicales s’y sont opposées au motif qu’il:
i) compromettrait la continuité de carrière de nombreux fonctionnaires du pouvoir
judiciaire, notamment les secrétaires, les greffiers et les fonctionnaires chargés de
notifier les décisions de justice; ii) ferait perdre aux juges leur autonomie ainsi que
la direction et le contrôle des procédures; iii) transférerait les fonctions de
secrétariat des juridictions à des bureaux administratifs; iv) conduirait au transfert
de certains employés des tribunaux vers des services administratifs, ce qui se
traduirait par une modification de leur salaire; v) conduirait à une plus forte
bureaucratisation; vi) confierait des fonctions judiciaires à des administrateurs et à
du personnel sans connaissances juridiques pour mener des démarches relevant de la
Constitution; et vii) créerait des centres de services judiciaires qui iraient à
l’encontre des principes de diligence, d’économie de procédure, d’immédiateté et d’accès
à la justice. Le gouvernement indique que, face à cette situation, les organisations
syndicales du pouvoir judiciaire ont entrepris ce qu’elles ont appelé des assemblées
permanentes qui, dans la pratique, ont abouti à une cessation des activités et à
l’impossibilité pour les usagers et le public en général d’accéder aux bâtiments des
tribunaux des affaires civiles et familiales.
- 234. Le gouvernement signale que, dans ces circonstances, le 29 décembre
2015, le CSJ a mis en place des tables rondes qui se sont traduites par la tenue de huit
sessions auxquelles ont participé des organisations syndicales de tous les secteurs du
pouvoir judiciaire ainsi que des représentants du gouvernement et du ministère de la
Justice et du Droit, appuyés par le bureau du Défenseur du peuple, qui, en tant que
garants, ont accompagné le processus de rétablissement des services judiciaires, étant
donné que l’administration de la justice constitue un service public essentiel (loi 270,
article 125, 1996). Le gouvernement indique que c’est au cours des négociations entre
les parties qu’a été créée l’organisation syndicale «El Vocero Judicial» afin de
défendre la revendication des employés du pouvoir judiciaire consistant à révoquer
l’accord, au motif que celui-ci portait atteinte à l’administration de la justice, aux
intérêts des citoyens et au travail des avocats plaidants en provoquant des retards dans
le traitement des affaires.
- 235. Le gouvernement signale que, à l’occasion des tables rondes
susmentionnées, les parties ont accepté de reporter à plusieurs reprises l’entrée en
vigueur de l’accord (initialement au 30 avril 2017, puis au 30 juin 2018) et que, à la
suite de ce qui avait été convenu au cours de ces tables rondes, les tribunaux ont
repris leur activité normale. Selon le gouvernement, qui insiste sur ce point, le fait
que les parties soient parvenues à s’entendre démontre qu’il y a eu dialogue et que des
garanties ont été apportées aux organisations syndicales. Le gouvernement souligne que
six organisations syndicales au total ont participé aux tables rondes et que seule
l’organisation «El Vocero Judicial» a cessé de le faire. Le gouvernement ajoute que la
présente plainte a été déposée alors que les parties étaient convenues de suspendre
l’entrée en vigueur de l’accord jusqu’au 30 avril 2017, ce qui illustre qu’elles en
étaient encore au stade du dialogue.
- 236. Le gouvernement signale que, dès sa création, l’organisation
syndicale «El Vocero Judicial» a décidé d’organiser une manifestation pacifique,
empêchant l’accès aux établissements judiciaires et menaçant de paralyser
l’administration de la justice, qui constitue un service public essentiel. Il indique
que la Cour constitutionnelle a considéré que, dans le cas des services publics
essentiels, l’intérêt général devait prévaloir sur les intérêts privés, tout en
précisant qu’il convenait de chercher des solutions de remplacement pour garantir d’une
manière ou d’une autre l’exercice du droit de grève des travailleurs qui assurent ce
type de services. De même, la Cour suprême de justice s’est prononcée sur la question de
la grève des fonctionnaires du pouvoir judiciaire en 2009; elle avait fait référence au
fait que l’administration de la justice constituait un service public essentiel et
confirmé l’illégalité de la grève menée par l’Association nationale des fonctionnaires
et employés du pouvoir judiciaire. Le gouvernement précise que cela ne doit pas donner
lieu à une interprétation selon laquelle il approuverait les éventuels abus des agents
de la force publique, mais que, au contraire, celle ci doit toujours constituer un
rempart de protection pour tous les citoyens, en particulier lorsque leur vie et leur
sécurité sont menacées.
- 237. Le gouvernement souligne que, dans un État de droit, la police doit
garantir l’accès aux établissements publics lorsque celui-ci a été entravé ou empêché,
afin que les citoyens puissent faire valoir leurs droits, notamment pour obtenir des
documents juridiques garantissant le versement d’une pension alimentaire à des mineurs.
Elle doit aussi garantir l’exercice du droit à une administration diligente et complète
de la justice lorsqu’un citoyen considère qu’il a été porté atteinte à ses droits
constitutionnels, notamment le droit à la santé; il bénéficie alors d’un traitement ou
d’une attention prioritaire afin d’éviter que sa vie ou son intégrité physique ne soit
mise en danger, par l’intermédiaire de procédures constitutionnelles et judiciaires,
notamment la requête en protection ou la requête d’exécution. Le gouvernement indique
que, dans le présent cas, les organisations plaignantes n’ont pas fourni de documents
permettant d’établir la véracité des actes antisyndicaux allégués. Il précise que, si
les images fournies par les organisations plaignantes montrent la présence de personnes
d’un côté et celle de la police nationale de l’autre, il n’y apparaît pas de scènes
d’affrontement entre les parties; en outre, aucun document médical n’atteste des
incapacités causées par le prétendu mauvais traitement de travailleurs par des agents de
police. Le gouvernement indique qu’il ne dispose pas de vidéos ou de photos illustrant
l’agression de fonctionnaires ou, comme le mentionnent les organisations plaignantes, de
certaines femmes, et que, en tout état de cause, dans un État de droit, il existe des
voies judiciaires ou administratives permettant de dénoncer les actes d’agression
présumés commis par les forces de l’ordre.
- 238. En ce qui concerne les allégations concernant les prétendus menaces,
agressions et communiqués du CSJ, le gouvernement indique qu’il a consulté le site Web
du pouvoir judiciaire et que, bien que des communiqués de presse émanant de différents
secrétariats (travail, civil, pénal, etc.) fassent état de situations qui se sont
produites en interne, aucun écrit ne porte atteinte au syndicat ou à ses membres.
- 239. En ce qui concerne la prétendue retenue des salaires des
travailleurs, le gouvernement indique qu’une situation dans laquelle un employeur ne
paie pas un travailleur pour une période durant laquelle celui-ci n’a pas travaillé,
pour des raisons qui ne peuvent être attribuées à l’employeur, ne correspond pas à une
retenue de salaire. Il affirme que des motifs juridiques et jurisprudentiels justifient
la décision de ne pas verser les salaires en question, étant donné qu’une cessation
d’activité non imputable à l’employeur s’est produite, comme cela a été constaté pour
les fonctionnaires des tribunaux des affaires civiles et familiales de la ville de
Bogota qui se sont opposés à l’entrée en vigueur de l’accord. Le gouvernement indique
que, s’il est vrai que l’alinéa 7 de l’article 5 du décret-loi 267 de 2000 cité dans la
circulaire externe 029 de 2014, émis par le CGR, a été déclaré inapplicable dans
l’arrêt C-103 de 2015, cet alinéa porte sur une fonction relevant uniquement du CGR. Les
autres bases juridiques relatives au versement des salaires restent donc en vigueur et
s’appliquent à la situation en question.
- 240. Le gouvernement reproduit quelques extraits de décisions de justice
dans lesquelles il est énoncé qu’une grève suspend les contrats de travail le temps de
sa durée et que, par conséquent, l’employeur n’est pas tenu de verser les salaires et
les autres prestations liées au travail au cours de cette période. Il indique que si, en
cas de grève dûment déclarée, le non versement du salaire pour les jours non travaillés
est légitime, sauf, bien entendu, lorsque les causes sont imputables à une faute de
l’employeur, il est d’autant plus approprié de procéder à une retenue de salaire
autorisée par la même législation en cas d’absence au travail due à une cessation
d’activité ou à une grève qui n’est pas dûment autorisée, mais au contraire expressément
prohibée par la loi. Il ajoute que c’est le directeur de section de l’administration
judiciaire qui a constaté la cessation d’activité à partir des procès-verbaux que
l’inspection du travail a établis pour déterminer si les salariés se trouvaient dans une
telle situation et procéder ou non à leur inscription sur les livres de paie. En ce qui
concerne M. Chinchilla Vargas, le gouvernement indique qu’il a été corroboré que
l’intéressé avait participé à de nombreuses reprises à des activités de revendication
syndicale et que, pour ce faire, il ne bénéficiait ni d’un congé syndical ni d’un accord
ou d’une autorisation par écrit en vertu desquels il s’engageait auprès du chef de
bureau à compenser ou à rattraper le temps non travaillé.
- 241. Le gouvernement indique qu’il a été convenu de mettre en place des
mécanismes pour faire en sorte que les personnes qui n’avaient pas perçu de salaire
pendant les mois de février et mars 2016 puissent compenser les heures non travaillées
et obtenir ainsi la rémunération correspondante, ce que la majorité des personnes
concernées a accepté; à ce titre, elles sont convenues avec leurs supérieurs immédiats
de rattraper les heures non travaillées et ont effectivement été rémunérées en
conséquence. En revanche, M. Chinchilla Vargas a refusé cette possibilité et ne percevra
la rémunération correspondante qu’une fois qu’il aura rattrapé les heures non
travaillées.
- 242. En ce qui concerne la procédure disciplinaire engagée contre
M. Chinchilla Vargas, le gouvernement fait observer que les fonctionnaires ne sont pas
exemptés de la possibilité d’être interrogés, lorsque les circonstances le justifient au
regard des conditions prévues par le Code disciplinaire unique, sans que cela puisse
être considéré comme une violation de quelque droit que ce soit. Les autorités
compétentes sont tenues, comme le prévoit le texte susmentionné, de donner au
fonctionnaire qui fait l’objet d’une action disciplinaire la possibilité et l’occasion
de démontrer son innocence en exerçant son droit à la défense, et doivent mener
l’enquête dans le cadre d’une procédure régulière. Le gouvernement considère qu’il n’est
pas possible d’affirmer que l’ouverture d’une action disciplinaire à l’encontre d’un
fonctionnaire constitue une violation de la liberté syndicale. Dans une communication en
date du 20 septembre 2023, le gouvernement indique que plusieurs demandes de réexamen et
d’appel relatifs au dossier administratif de M. Chinchilla Vargas ont été réglées entre
2018 et 2023, y compris en ce qui concerne le respect des horaires de travail. Le
gouvernement ne fournit pas de détails supplémentaires sur les résultats de ces appels.
Le gouvernement indique que M. Chinchilla Vargas est décédé le 30 avril 2020.
- 243. Dans une communication datée du 11 mai 2023, le gouvernement indique
que l’enquête de l’administration du travail contre le CSJ pour de prétendus actes
portant atteinte à la liberté syndicale, à la suite d’une plainte déposée par le
syndicat «El Vocero Judicial» le 29 avril 2016, a été clôturée en vertu de la décision
no 06472 rendue en décembre 2018 et que, le 2 octobre 2019, après examen du recours
présenté, la décision de clôture a été confirmée, de sorte que le dossier est en cours
d’exécution et de classement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 244. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations
plaignantes présentent des allégations portant sur des faits de persécution à l’encontre
de membres du syndicat «El Vocero Judicial» et de violation de l’exercice pacifique du
droit de manifester, qui se seraient produits entre 2016 et 2017.
- 245. Le comité observe que, d’après les informations contenues dans la
plainte et la réponse du gouvernement: i) le 16 décembre 2015, le CSJ a publié un accord
prévoyant la création de «centres de services judiciaires» dans les tribunaux des
affaires civiles et familiales à Bogota; ii) alors que les organisations syndicales du
pouvoir judiciaire considèrent que cet accord a été publié sans consultation préalable
et que, entre autres choses, il met en péril la continuité de la carrière de plus de
60 pour cent des travailleurs du pouvoir judiciaire, le gouvernement indique que
l’accord a été publié par l’autorité compétente et dans l’exercice des pouvoirs qui lui
sont conférés par la Constitution et par la loi; iii) tenant compte de l’opposition des
organisations syndicales à l’accord, des assemblées permanentes qu’elles ont tenues et
du fait que leurs membres ont cessé leurs activités et empêché l’accès aux bâtiments des
tribunaux des affaires civiles et familiales, et considérant l’administration de la
justice comme un service public essentiel, le CSJ a mis en place, en décembre 2015, des
tables rondes réunissant les organisations syndicales du secteur; iv) en janvier 2016, à
la suite des tables rondes susmentionnées, le CSJ est convenu avec six organisations de
reporter l’entrée en vigueur de l’accord (jusqu’en avril 2017, puis jusqu’en juin 2018);
et v) au cours des négociations et en raison d’un désaccord avec la position des
organisations syndicales existantes, l’organisation syndicale «El Vocero Judicial» a été
créée à la fin du mois de janvier 2016, a demandé la révocation de l’accord et s’est
retirée des tables rondes.
- 246. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, le 1er février 2016,
le CSJ a autorisé l’entrée de la police et de l’escouade mobile antiémeutes dans des
bâtiments judiciaires de la capitale pour mettre fin à une manifestation pacifique, en
utilisant notamment des gaz lacrymogènes, en agressant des femmes et en provoquant des
incapacités de travail, le comité prend note des indications du gouvernement selon
lesquelles: i) l’administration de la justice est considérée comme un service public
essentiel dans la législation nationale; ii) la police doit garantir l’accès aux
installations publiques lorsque celui-ci est entravé ou empêché, afin de garantir
notamment que les démarches concernant l’alimentation ou les traitements médicamenteux
de mineurs puissent être effectuées; et iii) les organisations plaignantes n’ont fourni
ni des documents prouvant qu’il y a eu des confrontations avec la police et que celle-ci
s’est rendue coupable de mauvais traitements, ni des preuves médicales de l’incapacité
causée par ces prétendus mauvais traitements.
- 247. Le comité rappelle que, à de nombreuses reprises, il a souligné que
les fonctionnaires de l’administration de la justice et du pouvoir judiciaire étaient
des fonctionnaires qui exerçaient des fonctions d’autorité au nom de l’État, et que leur
droit de recourir à la grève pouvait donc faire l’objet de restrictions, telles que la
suspension de l’exercice du droit, voire même l’interdiction d’exercice de ce droit.
[Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition,
2018, paragr. 832.] Il observe tout d’abord que, dans le présent cas, le CSJ a entamé un
dialogue avec les différentes organisations syndicales du pouvoir judiciaire dans le
cadre duquel il a été décidé de reporter l’entrée en vigueur de l’accord au moins
jusqu’en 2018, ce qui a permis un retour à la normale des services assurés par les
tribunaux. Le comité constate que les organisations plaignantes et le gouvernement ont
présenté des versions divergentes quant à la manière dont la police a agi lors de la
manifestation pacifique. Toutefois il rappelle que les autorités ne devraient avoir
recours à la force publique dans des cas de mouvements de grève que dans des situations
présentant un caractère de gravité et où l’ordre public serait sérieusement menacé.
[Voir Compilation, paragr. 932.] Le comité observe que: i) selon les documents fournis,
la police se trouvait à l’entrée des bâtiments judiciaires afin d’en garantir l’accès;
ii) les organisations plaignantes n’ont pas présenté d’éléments permettant au comité
d’établir que des actes violents ont été commis par la police; et iii) rien n’indique
que des plaintes aient été déposées à cet égard auprès des autorités nationales
compétentes. Sur la base de ce qui précède, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces
allégations.
- 248. Par ailleurs, pour ce qui est de l’allégation selon laquelle le CSJ
aurait menacé et attaqué l’organisation «El Vocero Judicial» au moyen de communiqués
publiés sur son site Internet, le comité prend note de l’indication du gouvernement
selon laquelle celui-ci n’a trouvé aucune trace de communiqués de ce type sur le site en
question. Observant que les documents présentés n’apportent pas la preuve que le CSJ a
menacé ou attaqué l’organisation ou ses membres, le comité ne poursuivra pas l’examen de
ces allégations.
- 249. En ce qui concerne l’allégation selon laquelle les salaires des
travailleurs ont été retenus pendant deux mois sur la base d’une circulaire du CGR qui
avait été déclarée inconstitutionnelle et que, par la suite, le paiement de certains
travailleurs a été ordonné, tout en précisant que les membres du syndicat ne seraient
pas payés, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) les
salaires n’ont pas été versés en raison d’une cessation d’activité non imputable à
l’employeur et, malgré le fait qu’un alinéa de l’article de la circulaire CGR en
question ait été déclaré inconstitutionnel pour des raisons dépourvues de tout lien avec
les allégations du présent cas, les autres aspects de la circulaire relatifs au paiement
des salaires restent en vigueur et constituent des règles applicables au cas considéré;
ii) il existe une base jurisprudentielle permettant d’affirmer qu’une grève suspend les
contrats de travail et que l’employeur n’est pas tenu de verser les salaires pendant
cette période; iii) dans le présent cas, la cessation des activités a été vérifiée au
moyen de procès-verbaux établis par l’inspection du travail, qui ont corroboré que le
président du syndicat «El Vocero Judicial» a mené à maintes reprises des activités de
protestation syndicale sans prendre de congé syndical ni conclure d’accord par lequel il
s’engageait à compenser ou à rattraper les heures non travaillées; et iv) alors que la
plupart des travailleurs ont accepté de rattraper les heures non travaillées et ont
perçu la rémunération correspondante, le président du syndicat a refusé de rattraper les
heures non travaillées. Prenant dûment note des indications ci-dessus et rappelant que
les déductions de salaire pour les jours de grève ne soulèvent pas d’objections du point
de vue des principes de la liberté syndicale [voir Compilation, paragr. 942], le comité
ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 250. Le comité note également que les organisations plaignantes
mentionnent l’ouverture d’une enquête disciplinaire à l’encontre du président du
syndicat et que, à cet égard, le gouvernement indique que la réalisation d’une enquête
ne constitue pas en soi une violation de la liberté syndicale. Le comité note également
que le gouvernement a informé que plusieurs recours relatifs au dossier administratif de
M. Chinchilla Vargas ont été résolus entre 2018 et 2023, et que le dirigeant syndical
est décédé le 30 avril 2020. Le gouvernement indique également qu’une enquête de
l’administration du travail ouverte à l’encontre du CSJ pour des actes portant atteinte
à la liberté syndicale, à la suite d’une plainte déposée par le syndicat «El Vocero
Judicial» en 2016, a été clôturée en 2019. Prenant dûment note de toutes ces indications
et regrettant le décès du dirigeant syndical, le comité considère que le présent cas est
clos et n’appelle pas un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 251. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité recommande au Conseil
d’administration de décider que le présent cas n’appelle pas un examen plus
approfondi.