Allégations: Les organisations plaignantes dénoncent les entraves aux activités
syndicales de la COSYFOP et l’ingérence des autorités dans son fonctionnement, les mesures
antisyndicales et le harcèlement judiciaire à l’encontre des membres de l’organisation,
ainsi que les amendements apportés à la loi qui auraient pour effet de réprimer pénalement
l’action syndicale en cas de dissolution d’une organisation ou encore de qualifier certaines
actions syndicales de terroristes
- 68. La plainte figure dans des communications de la Confédération
syndicale des forces productives (COSYFOP) en date du 15 août 2022, du 28 septembre 2023
et du 22 décembre 2023, appuyée par une communication en date du 2 septembre 2022 de
l’Internationale des services publics (PSI) et de l’Union internationale des
travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie restauration, du tabac
et des branches connexes (UITA).
- 69. Le gouvernement a fourni ses observations dans des communications en
date des 27 octobre et 2 décembre 2022 et des 23 janvier et 19 décembre 2023.
- 70. L’Algérie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et
la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation
et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention (no 135) concernant les
représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantesRenouvellement de la direction de la COSYFOP- 71. Dans sa communication en date du 15 août 2022, la COSYFOP déclare
être une organisation syndicale dument enregistrée auprès du ministère du Travail, de
l’Emploi et de la Sécurité sociale depuis le 4 février 1991 et reconnue par les
gouvernements successifs. À ce titre, l’organisation figure dans la liste des syndicats
enregistrés et accrédités par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité
sociale, disponible en ligne. Conformément à ses statuts, la COSYFOP a élu son bureau
lors d’une assemblée générale tenue le 30 juillet 2018 dont le président est M. Raouf
Mellal, signataire de la plainte. Ladite assemblée générale a été convoquée par
MM. Moussa Meziani, secrétaire général du Syndicat national du secteur des industries
(SNSI), et Zakaria Benhaddad, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs
de l’énergie (SNT Energie). Cette convocation est dûment actée dans le procès verbal de
l’assemblée générale et authentifié par huissier de justice. La nouvelle direction de la
COSYFOP présidée par M. Raouf Mellal a effectué la passation avec les membres fondateurs
qui lui ont transmis la déclaration de constitution ainsi que les anciens statuts. Le
mandat de cinq années de la nouvelle direction élue se termine en 2023.
- 72. La COSYFOP a notifié le renouvellement de son bureau au ministère du
Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale qui a accusé réception du dossier
administratif. Ce dossier comprenait le procès verbal de l’assemblée générale
renouvelante dument signé par un huissier de justice et les nouveaux statuts de
l’organisation. Par ailleurs, la restructuration des organes de la COSYFOP a été publiée
dans un quotidien d’envergure nationale conformément à l’article 17 de la loi no 90 14
sur les modalités d’exercice du droit syndical. La COSYFOP dispose d’un compte bancaire
propre et d’un siège social. Par suite de ce renouvellement de direction dans le respect
de la loi, la COSYFOP a été reconnue par certaines administrations publiques et elle
compte désormais plus de 10 000 adhérents à travers le territoire national.
- 73. Cependant, depuis août 2018, la COSYFOP a dû faire face à la volonté
du gouvernement d’entraver ses activités. Devant cette situation, la COSYFOP a rencontré
la mission de haut niveau de l’OIT qui s’est rendue à Alger par suite des conclusions de
la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en
juin 2018. La situation est demeurée inchangée et la COSYFOP a régulièrement transmis
des informations sur les mesures antisyndicales qu’elle subissait aux organes de
contrôle de l’OIT, qui ont formulé des recommandations au gouvernement. Cependant, la
COSYFOP dénonce le fait que la répression du gouvernement à l’encontre de l’organisation
et de ses membres ne fait que s’intensifier.
- 74. Dans sa communication de décembre 2023, la COSYFOP informe de
l’organisation du congrès national de la confédération le 4 mars 2023, tenu à distance
via une plateforme de communication, sous la présidence de M. Ramzi Derder, élu
président du Congrès. Un nouveau bureau national a été élu pour cinq ans, jusqu’en 2028.
Parmi les membres du bureau, M. Raouf Mellal a été réélu Président de la confédération
et M. Abdelmadjid Baby Hakim Bousnane a été élu secrétaire général de la confédération.
La COSYFOP indique fournit copie du procès verbal d’installation du nouveau bureau acté
par huissier de justice, de l’annonce parue dans un quotidien national et de la lettre
d’information au ministère du Travail. La COSYFOP demande que tous les membres du bureau
national puissent exercer leurs mandats syndicaux sans entrave, ni menace.
- 75. Par ailleurs, la COSYFOP a convoqué un congrès extraordinaire le 20
octobre 2023, également tenu à distance via une plateforme de communication, afin de
modifier ses statuts et la rendre conforme à la nouvelle loi no 23/02 du 25 avril 2023
sur l’exercice de la liberté syndicale. Les modifications apportées aux statuts de la
confédération ont fait l’objet, conformément aux prescriptions de la loi, d’une annonce
dans un quotidien de langue arabe, ont été légalisées par un huissier de justice et ont
été notifiées au ministère du Travail. La COSYFOP indique, qu’à date, elle n’a reçu
aucune observation de la part du ministère du Travail concernant les amendements
apportés à ses statuts.
- 76. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, suite à la
publication du rapport de la Commission d’experts sur l’application des conventions et
recommandations (CEACR) en février 2020, contenant des observations sur les mesures de
discrimination à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, notamment les
syndicalistes indépendants y compris les membres de la COSYFOP, le gouvernement a initié
la constitution d’un bureau parallèle de la COSYFOP. Ainsi, une pseudo assemblée
générale de l’organisation a été organisée le 16 février 2020, sans la présence d’un
seul représentant syndical affilié ou des travailleurs, et a élu un bureau sous la
supervision de l’un des directeurs généraux de l’entreprise SONELGAZ (ci après
l’entreprise énergétique).
- 77. Les organisations plaignantes rappellent que le gouvernement a
régulièrement recours à cette technique dite de «clonage», comme auparavant avec le
Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) ou le
Syndicat national autonome des travailleurs de l’électricité et du gaz (SNATEG). Ainsi,
depuis les années quatre-vingt-dix et selon un scénario analogue, une faction dissidente
composée de militants opportunistes ou manipulés est créée dans un syndicat autonome,
débouchant rapidement sur une scission. Le seul objectif de cette scission est d’aboutir
à une organisation nouvelle, clone de l’originale, prête à tous les compromis avec les
autorités.
- 78. Les organisations plaignantes rappellent qu’en vertu des nouveaux
statuts de la COSYFOP (articles 25 et 27) adoptés lors de l’assemblée générale de
juillet 2018, le mandat du bureau confédéral élu en juillet 2018 dure cinq ans et ne
peut être interrompu avant ce terme. Elles constatent que la pseudo assemblée générale
de février 2020 a été autorisée par les autorités administratives de la wilaya d’Alger,
ce qui tendrait à confirmer que cette réunion a été convoquée par le gouvernement, et
elle s’est tenue sous la supervision du Directeur général de la mutuelle général du
groupe de l’entreprise énergétique qui n’a aucun lien avec la COSYFOP et sous protection
policière. En outre, les organisations plaignantes soulignent qu’aucun représentant
syndical ou travailleur de la COSYFOP n’était présent à cette pseudo assemblée générale
alors que plusieurs participants figurant dans le procès verbal de la réunion n’étaient
pas adhérents de la COSYFOP. De même, plusieurs membres dirigeants du bureau parallèle
(Kelab Debih Nesrine, Houari Nessrine et Tebbi Belgacem) n’étaient pas adhérents de la
COSYFOP.
- 79. Les organisations plaignantes indiquent que suite à la mise en scène
de l’élection du bureau parallèle, les pseudo nouveaux dirigeants ont envoyé des
correspondances aux entreprises, aux organes de contrôle de l’OIT et aux fédérations
syndicales internationales pour annoncer que le bureau de la COSYFOP dirigé par M. Raouf
Mellal était désormais illégal, et que le nouveau bureau est dirigé par M. Zakaria
Benheddad (travailleur licencié de l’entreprise énergétique). Face à cette situation, le
Conseil national confédéral de la COSYFOP légitime a dénoncé cette ingérence du
gouvernement et a réaffirmé son soutien à son président, M. Raouf Mellal.
- 80. Les organisations plaignantes déplorent le fait que, en plus du
clonage de sa direction, les autorités administratives et sécuritaires ont fermé l’accès
au siège de la COSYFOP à Alger, le 21 février 2020. Le motif invoqué pour cette
fermeture est le refus des autorités de reconnaître les résultats des élections de
l’assemblée générale du 30 juillet 2018. Les organisations plaignantes soulignent que
les autorités n’ont même pas recouru à la justice pour prendre une telle décision de
fermeture du siège du syndicat. Les organisations plaignantes affirment par ailleurs que
le siège de la COSYFOP a toujours fait l’objet d’une surveillance permanente par les
autorités. Toute personne qui s’y en approchait était arrêtée par les forces de
sécurité.
- 81. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, à la suite de la
rencontre des dirigeants de la COSYFOP avec la mission de haut niveau de l’OIT en mai
2019 mais surtout des conclusions de la Commission de l’application des normes en juin
2019, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a adressé des
courriers aux différentes administrations publiques pour disqualifier et réprimer les
syndicats et les membres affiliés à la Confédération. Dès juillet 2019, le ministère du
Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a incité les administrations, les
ministères, les employeurs et les services de sécurité à refuser de traiter avec la
COSYFOP. Ainsi, les organisations plaignantes allèguent que le ministère du Travail, de
l’Emploi et de la Sécurité sociale, le ministère de l’Énergie et le ministère de
l’Intérieur ont demandé à tous les organes de l’État de s’opposer à toute forme
d’activité émanant de la COSYFOP. Toutes ces difficultés ont engendré de nombreux
licenciements.
- 82. De plus, les organisations plaignantes dénoncent le contexte
d’escalade qui débouche désormais sur des accusations systématiques de terrorisme
portées à l’encontre des membres de la COSYFOP depuis la modification du Code pénal en
juin 2021, notamment son article 87bis qui élargit la définition du terrorisme pour y
inclure le fait d’œuvrer ou d’inciter au changement, à accéder au pouvoir ou à changer
le système de gouvernance par les moyens non constitutionnels. Selon les organisations
plaignantes, cette définition trop large permet aux autorités de criminaliser les appels
à la grève ou les protestations des travailleurs, et toute revendication pacifique d’un
changement du gouvernement. À la suite de cet amendement, le gouvernement a lancé une
large campagne de persécution contre les membres de la COSYFOP qu’il considère désormais
comme une organisation terroriste. En juillet et septembre 2021, la COSYFOP a alerté le
Bureau et les organes de contrôle de l’OIT des atteintes portées à l’encontre de
plusieurs de ses membres et affiliés (M. Ramzi Derder, M. Nacer Hamitouche, M. Mohamed
Mecelti, M. Nasredine Rarbo, M. Hicham Khayat et M. Hamza Kharroubi) convoqués par la
police ou la gendarmerie, mis en détention et inculpés d’appartenance à une organisation
terroriste en vertu de l’article 87bis du nouveau Code pénal qui est instrumentalisé
d’une façon scandaleuse contre le mouvement syndical indépendant. Les organisations
plaignantes rappellent à cet égard qu’un groupe d’experts de l’ONU (la Rapporteuse
spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés
fondamentales dans la lutte antiterroriste; le Groupe de travail sur la détention
arbitraire; la Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit à la
liberté d’opinion et d’expression; le Rapporteur spécial sur le droit de réunion
pacifique et la liberté d’association et la Rapporteuse spéciale sur la situation des
défenseurs des droits de l’homme) a exprimé dans une communication destinée au
gouvernement algérien le 27 décembre 2021 sa grande inquiétude quant à cette définition
très large du terrorisme et l’emprisonnement des activistes des droits humaines et
syndicalistes dans le cadre de soi disant une lutte contre le terrorisme.
- 83. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que le gouvernement a
lancé une campagne acharnée contre tous les syndicats affiliés à la COSYFOP en adressant
des courriers aux institutions administratives assurant de l’illégalité des dirigeants
de la COSYFOP. Le gouvernement a exhorté ces institutions à licencier les syndicalistes
concernés, entravant ainsi de manière flagrante l’exercice du droit syndical.
- 84. Selon le COSYFOP, ces courriers ont effectivement entrainé les
licenciements des dirigeants suivants du Syndicat national de l’Institut supérieur de
gestion (STISG): i) Mme Amel Chalabi, présidente du STISG; ii) M. Kerim Tarek Zinat,
secrétaire général du STISG; et iii) M. Mohamed OUSLAM, secrétaire national du STISG.
Interpellée par la COSYFOP, l’inspection du travail a refusé d’ordonner la réintégration
de ces dirigeants syndicaux à leur poste de travail. Ces travailleurs ont donc été
licenciés au seul motif de leur appartenance à la COSYFOP.
- 85. Par ailleurs, la Commission de régulation de l’électricité et du gaz
(CREG) a émis des notes de service au sujet de l’illégalité du syndicat de base affilié
à la COSYFOP et a menacé les travailleurs de licenciement et de poursuite judiciaire
pénale, ce qui a permis aux employeurs d’imposer de graves restrictions à l’encontre de
tous les membres du Syndicat national des travailleurs de la CREG (STCREG).
- 86. Enfin, la COSYFOP allègue que 17 syndicalistes affiliés au Syndicat
national des travailleurs de la société BATIMITAL (SNTSB-COSYFOP) – dont elle fournit la
liste détaillée – ont été licenciés le 24 octobre 2019 au seul motif de leur affiliation
à la Confédération. L’administration a fait du chantage contre ces travailleurs, afin de
les contraindre à démissionner de la Confédération, en contrepartie de leur
réintégration. La Confédération avait immédiatement saisi l’inspection du travail,
demandant l’application de l’article 56 de la loi no 90 14 relatif aux modalités
d’exercice du droit syndical. Cependant, l’inspection a refusé de répondre à la demande
de réintégration des syndicalistes. Le 2 février 2020, les 17 syndicalistes ont été
convoqués par le juge d’instruction de la cinquième chambre du tribunal d’El Harrach
pour les convaincre de se retirer du syndicat. Ces derniers ont été réintégrés à leur
poste de travail après avoir indiqué leur démission de la COSYFOP.
- 87. Les organisations plaignantes dénoncent les correspondances adressées
aux établissements de la caisse de sécurité sociale incitant au licenciement des membres
de la Fédération nationale des travailleurs des caisses de la sécurité sociale (FNTCSS),
affiliée à la COSYFOP, et qui a débouché sur le licenciement du président de la FNTCSS,
M. Ayoub Merine, et sa démission du syndicat peu après sa réintégration.
- 88. Par ailleurs, les organisations plaignantes dénoncent le harcèlement
subi par les membres de la COSYFOP et leur répression à travers l’instrumentalisation de
la justice par les autorités. Elles soulignent particulièrement la situation grave des
dirigeants suivants à la date du dépôt de la plainte devant le comité.
- 89. M. Raouf Mellal: selon les organisations plaignantes, le
harcèlement dont fait l’objet M. Raouf Mellal, président de la COSYFOP, a connu une
évolution très dangereuse après sa rencontre à Alger avec la mission de haut niveau du
BIT en mai 2019 et son intervention devant la Commission de l’application des normes à
la Conférence internationale du travail en juin 2019. Ce dernier, comme plusieurs
syndicats et membres du Groupe des travailleurs à la Commission de l’application des
normes, a dénoncé les abus et les violations de la liberté syndicale par le gouvernement
algérien. À son retour en Algérie, M. Mellal a été arrêté à l’aéroport. Pendant les
trois heures de détention, M. Mellal a été violenté, intimidé et menacé d’emprisonnement
par la police. Il a été obligé de signer un procès verbal concernant ses activités
syndicales à la COSYFOP et au SNATEG, et sur son voyage en Suisse. Face aux tentatives
d’intimidation et aux menaces de mort, M. Mellal a changé de domicile et a décidé de se
retirer de la vie publique pendant un laps de temps.
- 90. En novembre 2019, des journaux et les pages des réseaux sociaux
n’ayant aucun lien avec la COSYFOP ont relayé une plainte de la COSYFOP adressée au BIT
concernant des licenciements arbitraires et des peines d’emprisonnement contre ses
membres. Cette plainte a été exploitée par les médias dans une campagne de propagande
contre M. Mellal, l’accusant d’être un traitre et un espion pour le compte
d’organisations étrangères. Cette campagne avait pour but de convaincre l’opinion
publique que le président de la COSYFOP méritait d’être emprisonné et condamné à la
peine capitale. Le 28 novembre 2019, la police nationale a débarqué au siège de la
COSYFOP et a obligé M. Amine Bouzerzour, président de la Fédération nationale des
travailleurs de l’économie informelle qui était présent sur place, à signer le reçu de
convocation en falsifiant la signature de M. Mellal. Par la suite, l’avocat de M. Mellal
a informé ce dernier du risque encouru s’il se rendait à la convocation dans la mesure
où il risquait d’être arrêté pour espionnage et trahison. En Algérie une accusation
d’espionnage est extrêmement dangereuse et peut aboutir à la peine capitale en vertu du
Code pénal. Pour ces motifs, M. Raouf Mellal ne s’est pas présenté à la police et a
décidé de fuir le pays avec sa famille. M. Mellal a obtenu le statut de réfugié
politique en Suisse et y vit. La COSYFOP souligne que ce statut de réfugié est une
reconnaissance des menaces bien réelles qui pèsent sur M. Mellal et qu’il méritait d’en
être protégé, ainsi que sa famille.
- 91. M. Abdelkader Kouafi: secrétaire général de la COSYFOP,
M. Kouafi a vu son domicile perquisitionné par les services de sécurité le 6 juillet
2023 et il a été détenu plus d’une semaine du 6 au 14 juillet 2023. Selon la COSYFOP,
M. Kouafi a fait l’objet de torture et de menaces durant sa détention et aurait été
interrogé sur ses activité au sein du SNATEG dont le cas devant le comité de la liberté
syndicale avait fait l’objet de conclusions et recommandations en juin 2023 (cas
no 3210). M. Kouafi a été menacé de détention en vertu d’un jugement pour diffamation
rendu en février 2018 par la Cour d’appel de Blida et informé qu’il était également
accusé d’espionnage pour le compte d’organisations étrangères. Pour obtenir sa
libération, M. Kouafi a dû signer une déclaration sur l’honneur dans laquelle il atteste
ne plus militer au sein du SNATEG ou de la COSYFOP. M. Kouafi a décidé de fuir le pays
et réside désormais en Europe.
- 92. M. Nacer Hamitouche: représentant de la COSYFOP de la wilaya
d’Alger, il a été arrêté le 18 septembre 2019 par les services de la sécurité militaire
et a été interrogé pendant dix heures. Les services de la sécurité militaire l’ont
menacé d’emprisonnement pour atteinte à l’unité nationale. Il a également été informé
que tous les membres de la COSYFOP allaient être emprisonnés. Durant son incarcération,
les services lui ont conseillé de se retirer de la Confédération pour éviter les
problèmes. Le 3 janvier 2022, M. Hamitouche a de nouveau été arrêté et a été détenu
pendant dix jours dans les geôles de la police d’Alger. Ce dernier a été torturé
psychologiquement avec une très longue enquête sur ses activités syndicales, ses
convictions politiques, sa relation avec le président de la COSYFOP, M. Raouf Mellal
exilé en Suisse, et les informations transmises au BIT. À la suite de ces dix jours
d’enquête, M. Hamitouche a été accusé de suspicion de terrorisme, et atteinte à la
sureté nationale. Toutefois, grâce à la mobilisation de la société civile, le juge
d’instruction a ordonné sa libération et sa mise sous contrôle judiciaire, tout en
maintenant une menace d’emprisonnement s’il continuait de poster des publications sur
Facebook. Le 3 février 2022 la chambre d’accusation de la cour d’Alger a lancé un avis
de recherche et une ordonnance pour annuler la décision du juge d’instruction. La
chambre d’accusation a voulu remettre Nacer Hamitouche en prison. Ce dernier a décidé de
fuir le pays.
- 93. M. Hamza Kherroubi: ex président du Syndicat national des
aides soignants (SNAS) et président du Syndicat des travailleurs de l’industrie
pharmaceutique (STIP), il est arrêté le 9 décembre 2019 à la wilaya de Tipasa et détenu
une nuit au commissariat. Cette arrestation a eu lieu bien que la police soit informée
de la gravité de sa maladie et de son besoin de rester au repos. L’enquête de la police
s’est concentrée sur l’appel à la grève du 8 décembre 2019 lancé par la COSYFOP.
M. Hamza Kherroubi a également été interrogé sur M. Raouf Mellal, président de la
COSYFOP. M. Kherroubi rapporte qu’il lui a été proposé de présenter un faux témoignage,
en échange de sa libération, en accusant M. Mellal d’être un espion pour des
institutions internationales et de recevoir de l’argent d’organisations étrangères. À la
suite de son refus, M. Kherroubi a été accusé d’incitation à l’attroupement et d’avoir
porté atteinte à l’unité nationale et à une institution officielle à travers des
publications sur Facebook. Le 10 décembre 2019, après une nuit de détention et en raison
de sa mauvaise santé, le juge a condamné M. Kherroubi à une peine d’un an de prison
ferme mais assortie de liberté conditionnelle. Face à cette pression judiciaire,
M. Kherroubi a décidé de fuir le pays en février 2020 et à demander l’asile politique à
l’étranger. Il a toutefois décidé de retourner en Algérie en décembre 2020. Le 2 janvier
2022, la justice a émis un mandat de perquisition à son encontre. La police a tenté de
l’arrêter à son domicile de Tipasa, mais n’a pas été en mesure de le localiser. La
situation était redevenue insupportable, M. Kherroubi a décidé de quitter une nouvelle
fois le pays et de fuir vers l’Europe en juillet 2022.
- 94. M. Mohamed Essalih Bensdira: président du Comité national des
chômeurs, il a été arrêté le 5 septembre 2019 par la gendarmerie de la wilaya de Guelma
et violenté durant son arrestation. Il a été obligé de signer une déclaration sur
l’honneur de démission de la COSYFOP. Il a été relâché puis convoqué une deuxième fois
le 7 octobre 2019 à la gendarmerie. Ce harcèlement par les forces de sécurité a conduit
M. Bensdira à fuir le pays.
- 95. M. Amine Felih: membre fondateur de la Fédération nationale
des travailleurs de l’économie informelle et membre dirigeant de la COSYFOP, il a été
arrêté le 16 février 2022, puis inculpé d’appartenance à une organisation terroriste et
détenu pendant un mois et demi. Il est libéré le 30 mars 2022 à la suite d’une grande
campagne menée par la société civile algérienne et à une lettre de solidarité adressée
au président de la République algérienne par les fédérations syndicales internationales
(UITA, IndustriALL et ISP). Il a de nouveau été arrêté le 16 mars 2023 et purgeait une
peine d’un an de prison à Blida avant d’être libéré le 20 juin 2023 après un jugement en
appel et suite à une mobilisation internationale, y compris une intervention du Bureau
international du travail.
- 96. M. Omar Harid: secrétaire général du bureau de la COSYFOP à la
wilaya de Guelma, il a été arrêté par les services de renseignements le 3 octobre 2019.
Il a été obligé de signer une déclaration dans laquelle il s’engage à cesser les
manifestations de revendication et à se retirer de la Confédération.
- 97. M. Mohamed Mecelti: membre de la cellule de communication de
la COSYFOP et journaliste dans un quotidien public, il a été arrêté le 11 janvier 2022
et mis sous contrôle judiciaire le 13 janvier 2022 au motif de suspicion de terrorisme
et atteinte à la sureté nationale. M. Mecelti a démissionné de la COSYFOP à sa
libération.
- 98. M. Nasredine Rarbo: membre de la cellule de communication et
collaborateur de la page Facebook officielle de COSYFOP et de son site internet, il a
été arrêté par la police le 7 janvier 2022 dans le cadre de la campagne menée par le
gouvernement contre les dirigeants de la COSYFOP à Alger. Le juge d’instruction a
ordonné sa mise sous contrôle judiciaire le 13 janvier 2022 pour suspicion de terrorisme
et atteinte à la sureté nationale. M. Barbo vit désormais dans la crainte d’être
emprisonné à tout moment.
- 99. Mme Rym Kadri: présidente de la Fédération nationale du
personnel de l’éducation affiliée à la COSYFOP, elle a été arrêtée le 11 octobre 2019
par la police de la wilaya d’Ouargla. Elle a subi un interrogatoire très violent pendant
plus de cinq heures. Mme Kadri a été libérée après avoir été forcée de signer un procès
verbal différent de ses déclarations devant la police. Elle a ensuite été convoquée
devant le procureur de la République du tribunal d’Ouargla qui l’a menacée de prison si
elle poursuivait ses activités syndicales. Mme Kadri a été arrêtée une nouvelle fois le
24 novembre 2019 et placée en détention pendant un jour. Elle a de nouveau comparu
devant le juge d’instruction du Tribunal d’Ouargla qui a ordonné son placement sous
contrôle judiciaire assortie d’une interdiction de voyager. Mme Kadri a ainsi été
inculpée de: i) collecte d’adhésions (pour le compte de la COSYFOP) sans autorisation;
ii) atteinte à la sécurité nationale en raison de sa signature à une déclaration
appelant à une grève générale dans le secteur de l’éducation; iii) rassemblement sans
autorisation en raison du sit in organisé devant le tribunal demandant la libération des
jeunes détenus du mouvement populaire de la wilaya d’Ouargla; iv) entrave aux élections;
et v) incitation au rassemblement. Mme Kadri s’est vu confisquer son téléphone portable
et a subi de graves pressions psychologiques. Après deux jours d’emprisonnement,
d’intimidations et d’enquêtes, Mme Kadri a été libérée sous la condition de démissionner
de la COSYFOP et a été mise sous contrôle judiciaire.
- 100. M. Oussama Azizi: suite à la démission de Mme Rym Kadri de la
COSYFOP, M. Azizi a été élu par le Conseil fédéral de la Fédération nationale du
personnel de l’éducation pour la remplacer. Cependant, peu de temps après la
notification du procès verbal de son élection au ministère de l’Éducation nationale,
M. Azizi a été convoqué par la police au motif d’une enquête portant sur ses activités
syndicales et ses publications sur les réseaux sociaux. M. Azizi a été condamné à six
mois de prison ferme et à une amende 100 000 dinars algériens pour incitation à
attroupement et propagation de fausses informations. M. Azizi a dû démissionner de la
COSYFOP.
- 101. M. Ramzi Derder: membre du Bureau national de la Fédération
nationale des travailleurs de l’économie informelle, affiliée à la COSYFOP, il a été
victime de harcèlement policier depuis deux ans en raison de ses activités syndicales et
de son implication dans les manifestations populaires du Hirak (mouvement populaire
démocratique et pacifique). Il a continué de condamner la répression antidémocratique et
antisyndicale via les réseaux sociaux après l’arrêt des manifestations en raison de
restrictions sanitaires due à la pandémie de COVID 19. M. Ramzi Derder a été arrêté le
mercredi 30 juin 2021 par des agents de la gendarmerie nationale et son domicile
familial dans la wilaya de Batna a été perquisitionné. Il a été victime de violences
perpétrées par les enquêteurs de la gendarmerie nationale à Batna pendant quatre jours
consécutifs. L’enquête judiciaire est motivée par ses publications sur les réseaux
sociaux qui critiquent la politique gouvernementale. La situation de M. Derder a fait
l’objet d’une mobilisation internationale du mouvement syndical, les fédérations
syndicales internationales (UITA, ISP et IndustriALL) ont demandé la libération de
M. Derder à la Présidence de la République, et le Bureau est intervenu à deux reprises
auprès du gouvernement. Cependant, le gouvernement a répondu en montrant son mépris de
la présomption d’innocence, de l’exercice du droit syndical et des instances
internationales. M. Derder a entamé une grève de la faim qu’il a dû arrêter une semaine
après. Le 18 juillet 2021, la chambre d’accusation de la Cour de Batna a confirmé les
dispositions de l’ordonnance du juge d’instruction du tribunal de Merouana et la mise
sous mandat de dépôt de M. Derder. À la date du dépôt de la plainte devant le comité de
la liberté syndicale, M. Derder était toujours en prison sur la base de fausses
accusations. Le gouvernement refuse de le libérer ou même de programmer un procès afin
de lui permettre de se défendre.
- 102. M. Hicham Khayat: membre dirigeant de la section syndicale du
SNATEG à l’Institut de formation en électricité et gaz de SONELGAZ et délégué de la
wilaya de Blida, il a été arrêté par la police le 4 janvier 2022 et a été incarcéré
jusqu’au 10 janvier 2022. Il a ensuite été présenté devant le juge d’instruction qui a
ordonné sa mise sous contrôle judiciaire. Il est accusé de suspicion de terrorisme et
atteinte à la sureté nationale. L’enquête judiciaire porte sur ses activités syndicales,
notamment son appartenance à la COSYFOP et au SNATEG, ses opinions politiques et ses
publications sur Facebook. Accusé à tort de terrorisme, ce dernier a démissionné de la
COSYFOP suite à un chantage des services de sécurité, afin d’être acquitté de toutes les
accusations portées contre lui.
- 103. M. Ayoub Merine: président de la Fédération des travailleurs
du fonds de solidarité sociale, il a fait l’objet d’une plainte pour diffamation par les
services de sécurité sociale. Selon la COSYFOP, le motif de cette plainte serait la
publication sur les réseaux sociaux d’une copie de la convocation au conseil de
discipline qu’il avait reçue. Ce dernier avait publié la convocation et demandé le
soutien et la solidarité des travailleurs. Cependant, cette publication a été considérée
par les services de sécurité sociale comme une divulgation de secrets de travail et une
diffamation à l’encontre de l’employeur. M. Merine a finalement été condamné à deux mois
de prison ferme pour diffamation contre l’administration.
- 104. M. Slimane Benzine: membre du bureau confédéral COSYFOP, il a
été condamné à plusieurs reprises à la prison ferme pour avoir publié sur les réseaux
sociaux de simples communiqués mettant en lumière la situation socioprofessionnelle
dégradante des travailleurs de l’entreprise énergétique. Il est encore régulièrement
harcelé par la police de la wilaya de Tougourt sur ordre du parquet pour ces
commentaires sur les réseaux sociaux dénonçant la dégradation de la liberté d’expression
en Algérie. M. Benzine été convoqué à deux reprises dans le cadre d’une enquête
judiciaire, les 3 et 5 septembre 2020, et interrogé sur son appartenance à la COSYFOP et
sur ses activités sur les réseaux sociaux. M. Benzine a été relâché après huit heures de
détention arbitraire.
- 105. M. Abdeldjebar Mustapha Bennouna: membre du comité national
des jeunes de la COSYFOP et du bureau de wilaya d’Alger, il a rejoint la Fédération
nationale des travailleurs de l’informel en mars 2023 afin de constituer un syndicat
dédié aux receveurs de bus de transport. M. Bennouna a été arrêté par la police le
24 septembre 2023 et condamné en comparution immédiate par le tribunal de Larbaa à
18 mois de prison ferme pour outrage au Président de la République, incitation à un
attroupement illégal et outrage aux institutions de l’État sur les réseaux sociaux.
Après l’intervention du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits à la liberté
de réunion pacifique et à la liberté d’association auprès du gouvernement, M. Bennouna a
été libéré de prison le 4 décembre 2023 sur décision de la Cour de Blida. Cependant, il
reste condamné à un an de prison avec sursis. Selon la COSYFOP, cette condamnation a
pour conséquence d’entraver ses activités syndicales, en particulier dans la
constitution d’une organisation de travailleurs dans le secteur informel. La COSYFOP
demande que les dirigeants de la Fédération des travailleurs de l’informel, parmi
lesquels M. Bennouna, puissent mener leurs activités sans entrave, dans un environnement
exempt de violence ni menace.
- 106. M. Moustapha Lahouiri: élu le 4 mars 2023 au bureau national
de la COSYFOP, M. Lahouiri a été licencié verbalement de son poste d’agent forestier
contractuel de la Conservation des forêts de Bordj Bou Arreridj, le 23 mars 2023. Ce
dernier fait aussi l’objet de harcèlement judiciaire en étant convoqué chaque mois par
messagerie téléphonique par un procureur de la République d’une juridiction différente
afin de fournir des informations sur la COSYFOP et le comité pour la protection de
l’environnement affilié à la COSYFOP qu’il préside.
- 107. Par ailleurs, les organisations plaignantes dénoncent d’autres
formes de répression de l’action syndicale, y compris l’occupation des locaux de la
COSYFOP à Alger le 31 octobre 2019, alors que des centaines de milliers de manifestants
réclamaient la liberté et la démocratie en Algérie, et l’interpellation de 32 membres et
dirigeants du syndicat, notamment M. Abdeljalil Rmidi, président du Syndicat des
travailleurs de Tonic emballage, M. Hamid Messaoudene et M. Raouf Sassi, délégués
COSYFOP de la wilaya de Ouargla. Tous ont été conduits au poste de police où on leur a
conseillé de se retirer de la Confédération. Selon les témoignages des détenus, les
officiers de police ont déclaré que la Confédération serait bientôt dissoute et que tous
ses membres seraient emprisonnés pour espionnage et correspondance avec des
organisations étrangères. Les dirigeants de la COSYFOP ont également été accusés de
faire partie d’une organisation «sioniste».
- 108. La COSYFOP rappelle qu’elle avait formulé des propositions au
gouvernement en septembre 2019 au sujet de la modification du projet de loi amendant la
loi no 90 14 sur les modalités d’exercice du droit syndical. Cependant, elle constate
que le gouvernement a fermé la porte à tout dialogue et que ses propositions n’ont pas
été prises en considération. Rappelant en outre que le projet de loi proposé par le
gouvernement contenait plusieurs articles qui violent la convention no 87, la COSYFOP
observe que le gouvernement a débuté une campagne sur les médias locaux en février 2022
sans avoir au préalable consulté les organisations syndicales indépendantes. La COSYFOP
a attiré l’attention des organes de contrôle de l’OIT, cependant le projet de loi a été
adoptée et posent plusieurs obstacles à l’exercice de la liberté syndicale. La COSYFOP
attire l’attention en particulier sur le maintien des articles 60 et 61 de la loi qui
répriment tout syndicaliste s’opposant, même verbalement, à la dissolution de son
syndicat. La peine encourue peut aller jusqu’à deux ans de prison ferme. La COSYFOP
dénonce le fait que les deux articles pourraient viser directement les membres du SNATEG
qui refusent la dissolution de leurs syndicats. Le cas échéant, cela pourrait
contrecarrer juridiquement les conclusions de la Commission de l’application des normes
et les recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas concernant le
SNATEG.
- 109. Elles demandent au comité de recommander au gouvernement:
i) d’abroger les articles 60 et 61 (dissolution des organisations syndicales) de la loi
no 90-14 telle qu’amendée; ii) de prendre en compte les recommandations et des
commentaires des rapporteurs spéciaux de l’ONU concernant les lois et règlements «anti
terroristes» du nouveau Code pénal, en particulier l’article 87bis, et d’adopter des
mesures appropriées et transparentes pour garantir que cet article ne soit pas utilisé
pour réprimer des activités syndicales légitimes et pacifiques, conformément aux normes
internationales du travail; iii) de cesser d’instrumentaliser le système judiciaire pour
criminaliser des activités syndicales légitimes et pacifiques et pour persécuter les
dirigeants et membres syndicaux; iv) de respecter le principe que le recours des
syndicats algériens au BIT et à ses organes de contrôle est une expression reconnue de
la liberté syndicale, protégée par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT; v) de lever
tous les chefs d’accusations, peines d’emprisonnement arbitraire et menaces contre le
président de la COSYFOP, M. Raouf Mellal ainsi que contre les dirigeants de la COSYFOP,
dont M. Hamza Kherroubi, M. Nacer Hamitouche contraints à l’exil; vi) de garantir le
retour au pays de M. Raouf Mellal, M. Hamza Kherroubi, M. Nacer Hamitouche et la
protection de leur intégrité physique une fois sur place, ainsi que leur liberté à
exercer sans crainte leurs droits syndicaux dans l’organisation de leur choix; vii) de
cesser toute ingérence dans les affaires des syndicats en particulier la constitution de
pseudo bureaux parallèles (clonage); viii) de rétablir le bureau légitime de la COSYFOP
dirigé par son président, M. Raouf Mellal (élu le 30 juillet 2018 pour un mandat de cinq
ans selon le statut de l’organisation) et le reconnaître comme l’organe légitime de
l’organisation syndicale; ix) de lever la mise sous scellée du siège de la COSYFOP à
Alger, aussi que tous les obstacles administratifs infligés par le ministère du Travail,
de l’Emploi et de la Sécurité sociale, et d’indemniser les dommages et préjudices subis;
et x) de réintégrer et indemniser tous les membres de la COSYFOP licenciés à cause de
leurs activités syndicales.
- 110. Enfin, la COSYFOP réaffirme sa volonté de chercher à établir un
dialogue constructif, sans préalable, avec le gouvernement afin d’élaborer une feuille
de route pour assurer l’application des recommandations et résolutions émises par les
organes de contrôle de l’OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernementRenouvellement de la direction de la COSYFOP- 111. Dans sa réponse, le gouvernement rappelle qu’il a, à plusieurs
occasions, fourni toutes les informations sur la COSYFOP au Bureau. Ainsi, dès octobre
2018, le gouvernement a informé le Bureau que M. Mellal a utilisé frauduleusement la
dénomination de la COSYFOP après la publication par le ministère du Travail, de l’Emploi
et de la Sécurité Sociale de la liste des organisations syndicales enregistrées.
M. Mellal avait été informé par la Direction des Relations de Travail, par courrier
no 429/DRT/18 du 27 septembre 2018, de la non conformité de l’assemblée générale du
30 juillet 2018 aux dispositions de la loi no 90 14 relative aux modalités d’exercice du
droit syndical et aux procédures fixées par les statuts de ladite organisation syndicat.
Par ailleurs, le gouvernement avait également fait savoir au Bureau que les personnes
concernées n’avaient jamais été membres de l’une des organisations syndicales composant
la COSYFOP, et que M. Mellal n’a ni la qualité ni l’appartenance légale à cette
organisation syndicale qui n’a enregistré aucune activité syndicale depuis sa
constitution en février 1991. Le gouvernement rappelle aussi avoir fourni toutes les
informations nécessaires à la mission de haut niveau qui s’était rendue à Alger en mai
2019 ainsi qu’à la CEACR pour réfuter les allégations émanant des personnes qui se sont
accaparés le statut de la COSYFOP sans respect des dispositions légales et statutaires
dudit syndicat et sans la présence d’aucun membres ou adhérents des syndicats qui le
composaient.
- 112. Le gouvernement rappelle que la COSYFOP a été enregistrée le
4 février 1991 comme une organisation couvrant le secteur public productif selon son
statut déposé au niveau du Ministère. Son président était M. Benzaid Ben Ibrir et la
Confédération était composée de trois syndicats qui n’ont pas, à ce jour, déclaré leur
retrait de cette confédération: i) le Syndicat national du secteur des transports
ferroviaires (SNSTF); ii) le Syndicat national du secteur ammoniac/engrais (S.N.S.A.E);
et iii) le Syndicat national du secteur de la commercialisation et de la distribution
des produits pétroliers (S.N.S.C.D.P.P). Toutefois, ces trois organisations syndicales
n’avaient pas assisté à l’assemblée générale organisée par M. Mellal le 30 juillet 2018,
à l’issue de laquelle ce dernier et M. Kouafi Abdelkader auraient été élus président et
secrétaire général de la COSYFOP. Le gouvernement observe que le dossier de la COSYFOP
contenait un document rapportant la constitution d’une présumée union entre deux
syndicats inactifs depuis plusieurs années: le Syndicat national des travailleurs de
l’énergie (SNT Energie) et le Syndicat national du secteur des industries (SNSI). À cet
égard, des courriers (no 430/DRT/18 du 27 septembre 2018 et no 431/DRT/18 du
27 septembre 2018) avaient été adressés respectivement à M. Ben Haddad qui s’était
proclamé président du SNT Energie et à M. Meziane Moussa qui prétendait être le
président du SNSI pour les informer de la non conformité notamment des règles de
convocation de l’assemblée générale énoncées dans les statuts de la COSYFOP. Par
ailleurs, selon le gouvernement, la COSYFOP n’a jamais communiqué des informations sur
sa représentativité syndicale en vertu de la législation et de la réglementation en
vigueur, et cela contrairement aux informations fournies par M. Mellal faisant état de
10 000 adhérents.
- 113. Par ailleurs, sur les allégations que le dossier administratif
transmis au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale a été dument
accusé par le bureau d’ordre du ministre, le gouvernement rappelle que la législation du
travail en vigueur n’indique à nul endroit que le fait qu’un syndicat dépose un dossier
portant restructuration de ses organes dirigeants ou révision de ses statuts auprès de
l’autorité publique constitue une reconnaissance automatique de la conformité desdits
changements vis-à-vis de la loi et des statuts du syndicat en question. En outre, le
procès-verbal de l’assemblée générale «renouvelante» adressé par M. Mellal, n’avait pas
mentionné la passation de consignes avec les membres fondateurs comme il a été indiqué
dans sa plainte.
- 114. Le gouvernement affirme que les copies de la déclaration de
constitution de la COSYFOP et de ses anciens statuts ont été frauduleusement obtenues
afin d’obtenir la qualité de dirigeant d’une organisation syndicale. Elles ne
constituent pas des preuves tangibles des changements intervenus dans les organes de
direction et d’administration de l’organisation syndicale en question. Le procès-verbal
de l’assemblée générale constitue le support légal qui témoigne de toutes les
modifications intervenues dans le fonctionnement de l’organisation syndicale et sert de
preuve lorsqu’un litige se produit. Ce procès-verbal a une valeur juridique,
contrairement à une simple présentation de copies de documents obtenues indument.
- 115. Le gouvernement rappelle que si les formalités liées à la
constitution d’organisations syndicales, à leur composition et à leur structure fait
intervenir les droits collectifs des syndicats, en commençant par l’autonomie des
organisations, celles ci doivent s’opérer dans le respect de la loi. Et, à cet égard, le
gouvernement est d’avis que le fait que l’autorité compétente demande le respect des
dispositions des statuts de l’organisation syndicale ne porte pas atteinte au principe
de la liberté syndicale et notamment lorsque il s’agit de dispositions qui concernent
certaines questions qui touchent l’existence même ou la structure d’un syndicat
(approbation et modification des statuts, renouvèlement des instances dirigeantes,
dissolution, etc.), si cela vise à garantir le droit des membres de participer
démocratiquement à l’organisation.
- 116. En conclusion, le gouvernement considère que la COSYFOP qui a cessé
ses activités depuis 1991 a été redynamisée d’une manière illégale par un changement de
son bureau de direction et la modification de ses statuts par des personnes qui n’ont
aucune appartenance syndicale et sans respect des dispositions statutaires de
l’organisation syndicale en question ni la présence de ses membres fondateurs. Le
gouvernement rappelle que la reconnaissance de la qualité de dirigeants syndicaux
s’apprécie selon des critères établis par la loi et les statuts de l’organisation
concernée, et qu’en cas de litige les voies de recours judiciaire sont disponibles.
- 117. S’agissant des allégations concernant la fermeture et la mise sous
scellés du siège de la COSYFOP, le gouvernement déclare qu’il s’agit de mesures des
autorités publiques compétentes dans leurs missions de veiller au respect de la sécurité
et de l’ordre public vis à vis d’une organisation syndicale gérée par des personnes
désignés ou élus illégalement et sans respect des statuts de ladite organisation. En
outre, le gouvernement déclare que la mesure a été mise en œuvre en vertu de décisions
de la juridiction compétente. Par ailleurs, le gouvernement observe que les présumés
membres de la COSYFOP n’ont pas fait usage de leur droit constitutionnel de recourir à
la justice pour demander l’annulation de la décision de la fermeture du siège de
l’organisation syndicale. Par ailleurs, le gouvernement déclare que les informations
recueillies sur la fermeture des locaux utilisés comme siège du syndicat ne
correspondaient pas à l’adresse figurant sur le récépissé d’enregistrement du syndicat
et aucun document légal n’a été transmis par les dirigeants à l’administration concernée
sur un changement d’adresse. Selon le gouvernement, il s’agissait en fait de locaux
loués par des prétendus dirigeants du syndicat pour l’utiliser comme lieu de propagande
et de diffusion de fausses informations pour porter atteinte à la sécurité publique et à
l’ordre public. Ces actes d’apologie sont condamnables par la loi et n’ont aucun lien
avec les activités syndicales.
- 118. S’agissant des allégations de la COSYFOP de persécutions de ses
membres et dirigeants, y compris sous l’accusation d’appartenance à une organisation
terroriste et instrumentalisation de la justice, le gouvernement fait observer qu’il
s’efforce de défendre la sécurité nationale et de maintenir l’ordre public. Et à cet
égard, les membres d’organisations liées au terrorisme, qui revêtent l’apparence
d’organisations syndicales, ne devraient pas servir de prétexte à l’encontre du pays. Le
gouvernement rappelle que les organisations syndicales de travailleurs ou d’employeurs
légalement constituées sont engagées activement dans la société et bénéficient d’une
totale liberté dans leurs activités. Elles participent en tant que partenaires au
dialogue social et à la négociation collective. Aussi, la liberté des délégués syndicaux
et leur droit d’organiser des activités pour promouvoir et défendre les intérêts
professionnels des membres de leur organisation sont pleinement protégés.
- 119. Le gouvernement déclare que la révision constitutionnelle du
1er novembre 2020 a consacré les droits et les libertés énoncés dans les traités et
conventions internationaux relatives aux droits de l’homme, dont les droits fondamentaux
au travail énoncés notamment dans les conventions fondamentales de l’OIT ratifiées par
l’Algérie. Tous les citoyens jouissent de ces droits et libertés, que reproduit la
législation nationale, en particulier celle concernant le monde du travail dans toute sa
diversité. L’article 69 de la Constitution consacre entre autres le droit syndical. De
même, la Constitution nationale a réservé un titre aux droits fondamentaux et aux
libertés publiques, énoncées dans les dispositions de ses articles 34, 35, 37, 41, 44
et 52. Ces droits et libertés s’exercent dans le cadre des lois qui les encadrent, afin
d’assurer leur protection et leur jouissance à tous les citoyens, sur un même pied
d’égalité. Cependant, chacun est tenu de respecter la Constitution, de se conformer aux
lois de la République et d’assumer la responsabilité de ses actes.
- 120. En ce qui concerne les allégations formulées sur les dispositions de
l’article 87bis du Code pénal et de son utilisation pour restreindre l’activité des
syndicalistes, le gouvernement indique être informé d’un mémorandum dans lequel des
rapporteurs spéciaux du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont
fait part de leurs préoccupations quant à la définition du terrorisme qui figure dans le
droit algérien et estime qu’il n’est pas conforme à la résolution no 1566 du Conseil de
sécurité publiée en octobre 2004, qui définit les actes terroristes. Le gouvernement
déclare que le législateur n’a pas défini la notion de terrorisme, énumérant simplement
les actes considérés comme terroristes, à l’article 87bis du Code pénal. Ce dernier est
ainsi libellé:
- Est considéré comme acte terroriste ou sabotage tout acte visant
la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement
normal des institutions par toute action ayant pour objet de:
- a) semer
l’effroi au sein de la population et créer un climat d’insécurité, en porte
atteinte, moralement ou physiquement aux personnes ou en mettant en danger leur
vie, leur liberté, ou leur sécurité, ou en portant atteinte à leurs
biens;
- b) entraver la circulation ou la liberté de mouvement sur les
voies et occuper les places publiques par des attroupements;
- c) attenter
aux symboles de la Nation et de la République et profaner les
sépultures;
- d) porter atteinte aux moyens de communication et de
transport, aux propriétés publiques et privées, d’en prendre possession ou de
les occuper indûment;
- e) porter atteinte à l’environnement ou introduire
dans l’atmosphère, sur le sol, dans le sous sol ou dans les eaux y compris
celles de la mer territoriale, une substance de nature à mettre en péril la
santé de l’homme ou des animaux ou le milieu naturel;
- f) faire obstacle
à l’action des autorités publiques ou au libre exercice de culte et des libertés
publiques ainsi qu’au fonctionnement des établissements concourant au service
public;
- g) faire obstacle au fonctionnement des institutions publiques
ou porter atteinte à la vie ou aux biens de leurs agents, ou faire obstacle à
l’application des lois et règlements;
- h) le détournement d’aéronefs, de
navires, ou de tout autre moyen de transport;
- i) la dégradation des
installations de navigation aérienne, maritime ou terrestre;
- j) la
destruction ou la détérioration des moyens de communication;
- k) la prise
d’otages;
- l) les attentats avec utilisation d’explosifs ou de matières
biologiques, chimiques, nucléaires ou radioactives;
- m) le financement
d’un terroriste ou d’une organisation terroriste;
- n) œuvrer ou inciter,
par quelque moyen que ce soit, à accéder au pouvoir ou à changer le système de
gouvernance par des moyens non constitutionnels;
- o) porter atteinte à
l’intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire, par quelque moyen
que ce soit.
- 121. Le gouvernement observe que, dans leurs observations, les
rapporteurs spéciaux se sont fondés uniquement sur la résolution 1566 (2004) du Conseil
de sécurité pour affirmer que les moyens utilisés devaient être mortels; ils ont omis de
se référer aux résolutions 1617 (2005) et 2368 (2017), dans lesquelles certains actes
sont désignés comme terroristes sans qu’il soit exigé que les moyens employés soient
nécessairement létaux. Ces résolutions stipulent que ces actes «ne sauraient en aucune
circonstance être justifiés par des motifs de nature politique, philosophique,
idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou similaire», ce qui signifie que le Conseil
de sécurité a laissé la porte ouverte aux pays pour déterminer les actes pouvant être
qualifiés d’actes terroristes, ce qui permet à l’Algérie de considérer les actes
affectant la sécurité de l’État, l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la
stabilité et le fonctionnement normal des institutions comme des actes terroristes,
tandis que l’Union européenne considère le terrorisme, les actes qui mettraient en
danger la vie des personnes ou causeraient des pertes économiques importantes.
- 122. En ce qui concerne les craintes de l’utilisation de la dernière
modification de l’article 87bis du Code pénal, notamment en ce qui concerne le fait de
«chercher par tout moyen à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par
des moyens autres que constitutionnels ou à l’incitation à le faire» comme moyen
d’engager des poursuites judiciaires contre des opposants, des militants politiques ou
des défenseurs des droits de l’homme, le gouvernement considère ces craintes infondées,
dans la mesure où cet article exige que la méthode utilisée soit anticonstitutionnelle.
Le gouvernement rappelle que l’opposition au pouvoir est un droit constitutionnel, il en
est de même pour l’activité politique ou de l’activité dans le domaine des droits de
l’homme.
- 123. Le gouvernement observe que la loi no 90 14 du 2 juin 1990, modifiée
et complétée, relative aux modalités d’exercice du droit syndical, assure le libre
exercice du droit syndical aux organisations syndicales enregistrées et réprime tous
actes de discrimination ou d’ingérence afin que les droits et les libertés puissent
s’exercer dans un climat sain loin de toute violence d’où qu’elle vienne. Il rappelle
aussi que, outre le droit de saisir la justice contre tous les actes et actions des
diverses administrations publiques, toute personne a également le droit de saisir la
Cour constitutionnelle, si elle estime que la puissance publique a violé l’un quelconque
de ses droits fondamentaux et ses libertés garanties par la Constitution.
- 124. S’agissant des allégations concernant les arrestations de membres de
la COSYFOP et des organisations affiliées, le gouvernement indique avoir régulièrement
transmis au Bureau des informations sur certains cas qui démontrent que les personnes
concernées disposent de voies de recours efficaces devant les juridictions compétentes.
Cependant, le gouvernement souligne que toute organisation syndicale et leurs membres
sont tenus de respecter la loi, comme prescrite dans les dispositions de l’article 8 de
la convention no 87. Ainsi, l’exercice du droit syndical ne doit pas conduire ces
personnes à agir contrairement à leurs devoirs et responsabilités, même s’ils jouissent
de droits et libertés fondamentaux reconnus par la Constitution.
- 125. Le gouvernement constate que selon les juridictions compétentes
saisies ces personnes sont condamnées à des peines pour liaison à des organisations
terroristes et se servent de l’activité syndicale en utilisant les réseaux sociaux pour
dissimuler leurs actes illicites. Lorsque ces personnes sont poursuivies en justice, les
pseudo responsables syndicaux les présentent comme des syndicalistes poursuivis en
raison de leurs activités syndicales. Le gouvernement tient à préciser que les personnes
citées dans la plainte, dont certains n’étaient pas syndicalistes ou dirigeants
syndicaux, n’ont pas fait l’objet de mesures restrictives de liberté ou d’emprisonnement
en raison de leurs activités syndicales, mais pour des activités subversives sans
rapport avec le syndicalisme. De ce qui précède, les arrestations n’étaient pas
incompatibles avec la liberté syndicale et relevaient de l’application des lois de la
République pour maintenir la sécurité et l’ordre public.
- 126. En ce qui concerne les allégations d’actes d’ingérence des autorités
dans les affaires de la COSYFOP, le gouvernement rappelle que la protection des
organisations de travailleurs et d’employeurs contre tous actes d’ingérence d’où qu’ils
viennent, est assurée par la loi, notamment les dispositions de l’article 15 de la loi
no 90 14 en vertu duquel «sauf dans les cas expressément prévus par la loi, il est
interdit à toute personne morale ou physique de s’ingérer dans le fonctionnement d’une
organisation syndicale». Cette disposition interdit clairement tout acte d’ingérence,
quel que soit la forme et le moyen utilisé par les personnes morales ou physiques
(employeur, organisations syndicales, administration), non seulement dans le
fonctionnement interne des organisations syndicales, mais dans tous les actes qui
tendent à asseoir une discrimination ou une influence sur les organisations syndicales
et sur leurs activités syndicales. La loi prévoit ainsi des sanctions en cas
d’ingérence.
- 127. Le gouvernement observe que certaines allégations portent sur les
agissements des services de sécurité et d’employeurs qui auraient essayé de contraindre
les dirigeants des structures syndicales de la COSYFOP ou d’organisations affiliées au
niveau de certain organisme à démissionner. Le gouvernement souligne que M. Mellal ne
peut être considéré comme le représentant légal de la COSYFOP en raison du non respect
de la loi et des statuts du syndicat en question, comme indiqué précédemment. Par
ailleurs, la COSYFOP n’étant pas une organisation représentative ne peut procéder
légalement à l’installation de structures syndicales au niveau des organismes employeurs
ou les lieux de travail distincts. En outre, le gouvernement a déjà eu à informer le
Bureau que M. Mellal et certaines personnes citées dans la plainte ont enfreint
l’éthique syndicale en s’adonnant à des pratiques qui s’éloignent des règles
démocratiques de représentation syndicale, à travers des communiqués portant atteinte
aux institutions de l’État, dans lesquels ils appellent au changement politique et à la
désobéissance par la force et s’affichent ainsi comme des déstabilisateurs de l’ordre
public, ce qui est contraire aux normes internationales en matière des libertés
syndicales, notamment à l’article 8 de la convention no 87.
- 128. S’agissant des allégations portant sur les correspondances
administratives adressées aux caisses de sécurité sociale qualifiant la COSYFOP
d’organisation non légitime, le gouvernement indique que ces correspondances des
services du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale s’inscrivent
dans le cadre de l’application de la loi et des dispositions de l’article 8 de la
convention no 87, et informaient les caisses de sécurité sociale de la non conformité de
la procédure de renouvellement des instances dirigeantes de la COSYFOP.
- 129. En ce qui concerne les allégations de licenciement de travailleurs
membres de la COSYFOP, le gouvernement indique que la protection contre le licenciement
antisyndical est garantie et les services de l’inspection du travail jouent un rôle
important dans les investigations et veillent à renforcer la protection rapide et
efficace contre le licenciement antisyndical et contre toute autre forme de cessation de
la relation de travail à cause de l’affiliation ou de l’engagement syndical. Le
gouvernement rappelle que la législation nationale du travail assure la protection des
travailleurs et des délégués syndicaux, prévues aux dispositions des articles 50 à 57 de
la loi no 90 14. À titre d’exemple, l’article 53 prescrit qu’aucun délégué syndical ne
peut faire l’objet, de la part de son employeur, d’un licenciement, d’une mutation ou
d’une sanction disciplinaire de quelque nature que ce soit, du fait de ses activités
syndicales. En outre, le gouvernement rappelle aussi que la loi no 90 14 consacre deux
chapitres aux facilités accordées aux travailleurs et à leurs représentants et à la
protection des travailleurs et à leurs représentants, notamment les délégués syndicaux.
Enfin, le gouvernement fait état de mesures envisagées pour le renforcement de la
protection des syndicalistes contre les faits de discrimination antisyndicale, rentrant
dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions de la Commission de l’application des
normes formulées en juin 2019 avec l’appui du Bureau, notamment un atelier de formation
visant à renforcer les capacités des services de l’inspection du travail sur les
techniques et méthodes d’identification des actes antisyndicaux, notamment les
licenciements des délègues syndicaux, ou tout type de représailles ou de discriminations
à l’encontre des travailleurs en raison de leur appartenance ou de leurs activités
syndicales.
- 130. En rapport avec les allégations des organisations plaignantes
concernant des licenciements des présumés membres des structures syndicales de la
COSYFOP au niveau de l’Institut supérieur de gestion et de planification (ISGP), de la
Société économique publique de constructions industrielles (BATIMETAL) et de la Caisse
nationale des assurances sociale des travailleurs salariés (CNAS), le gouvernement
fournit les résultats de l’enquête effectuée par les services de l’Inspection générale
du travail à l’effet de déterminer dans quelle mesure des considérations antisyndicales
ont été prises en compte dans ces licenciements. L’enquête a révélé qu’à l’exception de
quatre cas de travailleurs (Mme Amel Chalabi, M. Mohamed Ouslam, M. Djerbir Othmane et
M. Ayoub Merine), les membres présumés de la COSYFOP cités dans la plainte comme ayant
fait l’objet de licenciement abusif n’ont pas saisi les tribunaux pour demander
l’annulation des décisions de licenciement.
- 131. S’agissant des dirigeants du STISG, le gouvernement rapporte que:
i) Mme Amel Chalabi a fait l’objet d’une procédure disciplinaire en date du 18 avril
2019 pour faute professionnelle grave (abandon de poste). Cette dernière a été convoquée
par l’employeur devant le conseil de discipline, avec une décision de suspension de sa
relation de travail à compter du 21 avril 2019, à titre conservatoire. Mme Chalabi, ne
s’étant pas présentée devant le conseil de discipline, a été licenciée pour abandon de
poste par une décision du 17 juin 2019. Mme Chalabi a déposé recours successivement dans
le cadre des procédures de règlement des conflits individuels de travail et au niveau du
secrétariat du Bureau de conciliation compétent siégeant au niveau de l’inspection du
travail de Dar El Beida (Alger) demandant sa réintégration à son poste d’origine et le
paiement des salaires depuis son licenciement. Les tentatives de conciliations
successives (juillet 2019 et décembre 2020) ont échoué; ii) M. Kerim Tarek Zinat a fait
l’objet d’une plainte devant le tribunal de Dar El Beida (Alger) pour faux et usage de
faux et actes de contrefaçon. Il a ainsi été notifié de la suspension de sa relation de
travail à titre conservatoire le 15 juillet 2018 pour atteinte à l’image de l’institut,
puis de la décision de cessation de la relation de travail en date du 5 septembre 2019.
L’intéressé a saisi le Bureau de conciliation de Dar El Beida (Alger) le 10 novembre
2019, visant à obtenir la réintégration dans son poste de travail, et le versement d’une
indemnisation pour la période de suspension de sa relation de travail. L’affaire a été
examinée par le bureau de conciliation le 16 décembre 2019 en présence des deux parties,
et n’a pas abouti à une conciliation. En conséquence, un procès verbal de non
conciliation a été établi sous le no 902 du 16 décembre 2019 et remis au concerné et à
l’organisme employeur; et iii) M. Mohamed Ouslam a fait l’objet d’une décision de
licenciement le 3 octobre 2019 qu’il a contesté. Après une action en justice, en date du
18 octobre 2020 le tribunal a jugé le licenciement abusif et ordonné sa réintégration.
Cependant M. Ouslam n’a pas repris le travail malgré deux mises en demeure via huissier
de justice. Ce dernier a finalement été licencié pour abandon de poste le 7 février
2021.
- 132. En ce qui concerne les allégations de licenciement de
17 syndicalistes affiliés au SNTSB COSYFOP dans l’entreprise BATIMETAL, le gouvernement
indique que 15 travailleurs n’ont fait l’objet d’aucune procédure disciplinaire. Le
gouvernement fait état des deux cas suivants: i) M. Gnounou Abdennour a déposé sa
démission en date du 15 mars 2021et l’employeur a mis fin à sa relation de travail à
compter du 15 avril 2021; ii) M. Djerbir Othmane a été suspendu par l’employeur au motif
d’atteinte à l’honneur du directeur central des ressources humaines et violence. Le
tribunal d’El Harrach a annulé la décision de suspension et ordonné sa réintégration
dans son jugement en date du 22 septembre 2020. Devant le refus de l’employeur de
réintégrer M. Othmane, un autre jugement a été rendu en date du 30 mars 2021 ordonnant
le paiement de 400 000 dinars algériens à titre de compensation. Cette compensation a
été payée par l’employeur en septembre 2021.
- 133. S’agissant des mesures à l’encontre des membres de la FNTCSS, le
gouvernement rapporte que l’organisme employeur a entamé une procédure disciplinaire à
l’encontre de M. Ayoub Merine en août 2019 pour manquement au respect de la hiérarchie,
qui constitue une faute professionnelle. Ce dernier a publié la convocation sur les
réseaux sociaux accompagnée de propos diffamatoires à l’égard de la caisse de sécurité
sociale. L’organisme employeur a déposé plainte auprès du procureur général près le
tribunal de Bab El Oued Alger à l’encontre de M. Merine pour diffamation et divulgation
de secrets professionnels. Le tribunal correctionnel de Bab El Oued Alger a rendu son
jugement en date du 19 décembre 2019 condamnant M. Merine d’une amende de 30 000 dinars
algériens pour diffamation. Le jugement a été confirmé en appel par la Cour d’Alger en
octobre 2020. Par décision du 24 décembre 2020, M. Merine a été muté d’office de
l’agence d’Alger à l’agence de Tipaza.
- 134. En ce qui concerne les allégations d’arrestation et de la détention
de certaines personnes membres de la COSYFOP, le gouvernement déclare que ces personnes
étaient détenues en raison de délits sans rapport avec leurs activités syndicales,
certains de ces délits étant de caractère politique et rentraient dans le cadre de la
lutte contre certaines entités illégales. Selon le gouvernement, les personnes arrêtées
et incarcérées s’étaient livrées à des activités politiques ou avait enfreint les lois
relatives à la sûreté de l’État. Leurs emprisonnements ont été effectués en application
des dispositions légales et des procédures pénales en vigueur. Aussi, le gouvernement
tient à souligner qu’il est inexact d’affirmer que ces personnes ont été arrêtées et
emprisonnées sans les garanties régissant le fonctionnement de l’appareil
judicaire.
- 135. En outre, le gouvernement fournit son éclairage sur la situation de
syndicalistes désignés dans la plainte:
- 136. Cas de M. Raouf Mellal: le gouvernement rapporte que M. Mellal a
fait l’objet de poursuites dans plusieurs affaires. Ce dernier est poursuivi par le
parquet de la République près le tribunal de Dar El Beida sur la base d’une plainte,
accompagnée d’une action civile déposée par le ministère du Travail, de l’Emploi et de
la Sécurité sociale le 11 juillet 2018 pour délit d’usurpation de fonction et d’injure.
Un jugement a été rendu par contumace, le condamnant à six mois de prison ferme et une
amende de 100 000 dinars algériens. L’action civile porte sur l’enregistrement par
l’inculpé d’une vidéo diffusée sur Internet, dans laquelle il se présente comme le
président d’un syndicat qui a fait l’objet d’une dissolution volontaire (ex SNATEG) et
avec la même qualité, par laquelle il se présente indument lorsqu’il s’adresse aux
médias. Dans cette même vidéo, il décrit le ministère chargé du travail en termes
honteux, en alléguant que ce dernier ne respecte pas la loi et refuse l’exécution des
décisions de justice. Il convient de noter que l’intéressé a fait opposition au jugement
précité, le 26 mars 2020. Un jugement a été rendu, lequel a statué sur le report de la
décision dans le dossier jusqu’à ce que l’inculpé ait été informé en personne de la date
de l’audience. L’affaire est en attente de la finalisation des procédures de
notification.
- 137. Au niveau du tribunal de Sidi M’Hamed, M. Mellal est poursuivi pour
diffamation et a été condamné par une décision rendue le 6 mars 2018 à une amende de
20 000 dinars algériens. Une décision en appel a confirmé le jugement tout en modifiant
la peine en suspendant l’amende. Par suite de l’annulation de la décision d’appel par la
Cour suprême, la chambre pénale du tribunal d’Alger a rendu une décision confirmant le
jugement d’appel. L’affaire est en attente de la finalisation des procédures de
notification.
- 138. Au niveau du tribunal de Guelma, M. Mellal est poursuivi dans
28 affaires entre 2015 et 2022 pour des faits concernant l’atteinte à la vie privée des
personnes et des diffamations. Dans ces affaires, des jugements ont été rendus par
contumace.
- 139. Au niveau du tribunal de Biskra, M. Mellal est poursuivi par le
parquet près le tribunal de Biskra pour diffamation, suite à la publication sur les
réseaux sociaux de propos considérés comme injurieux par le plaignant. Le tribunal de
Biskra a rendu un jugement par contumace condamnant M. Mellal à trois mois de prison
ferme et une amende de 25 000 dinars algériens.
- 140. Cas de M. Hamza Kherroubi: le gouvernement rapporte que ce dernier a
fait l’objet de poursuites dans plusieurs affaires. Au niveau du tribunal de Koléa
(Wilaya de Tipaza), l’affaire concerne la diffusion de tracts appelant à la grève
générale, afin d’entraver le déroulement des élections présidentielles de 2019. Le
parquet de la République près du tribunal de Koléa a estimé que ces faits constituent
des actes qui peuvent être sanctionnés pénalement. En date du 10 décembre 2019, le
tribunal de Koléa a rendu un jugement condamnant M. Kherroubi à un an de prison ferme
assortie d’une amende de 20 000 dinars algériens. Suite à l’appel du parquet, la Cour de
Tipaza a rendu un arrêt par contumace, en date du 9 novembre 2020, confirmant le
jugement. Dans une deuxième affaire, M. Kherroubi est accusé d’avoir publié des tracts
contenant des propos dirigés contre la personne du Président de la République. Le
parquet de la République du tribunal de Koléa a estimé que ces faits constituent des
actes qui peuvent être sanctionnés pénalement. M. Kherroubi a été présenté devant le
tribunal pour les délits suivants: i) offense à la personne du Président de la
République; et ii) atteinte aux corps constitués. Par jugement du 5 février 2020, le
tribunal de Koléa a condamné M. Kherroubi à une amende exécutoire de 500 000 dinars
algériens. Cependant, la Cour d’appel de Tipaza a rendu un arrêt par contumace le
7 décembre 2020 annulant le jugement. Enfin, dans une troisième affaire, la police
judiciaire compétente dans la lutte contre la cybercriminalité a trouvé des publications
offensantes envers plusieurs institutions de l’État qui émanaient du compte de
M. Kherroubi. Ce dernier a été poursuivi par le parquet de la République près le
tribunal de Koléa et son arrestation a été ordonnée par le juge le 4 novembre 2021. Le
tribunal a rendu un jugement par contumace condamnant M. Kherroubi à dix-huit mois de
prison ferme et une amende exécutoire de 100 000 dinars algériens.
- 141. Cas de M. Amine Felih: le gouvernement rapporte que l’affaire
concerne une enquête préliminaire ouverte par le parquet de la République près le
tribunal de Boufarik sur des faits de surveillance de publications en ligne faisant
l’apologie d’une organisation terroriste «MAK» et d’autres publications injurieuses à
l’égard de la présidence de la République. Les enquêtes ont identifié que les
publications émanaient du compte de M. Felih. Le 20 février 2022, le suspect a été
présenté devant le parquet de la République près le tribunal de Boufarik pour crime
d’apologie, d’actes terroristes et délit de diffusion de fausses informations qui
portent atteinte à la sécurité publique et à l’ordre public, l’offense envers la
personne du Président de la République, conformément aux articles 87bis,
87bis 4,144 bis, 196bis du Code pénal. Le juge d’instruction a rendu une ordonnance de
non lieu pour le crime d’apologie des actes terroristes et a poursuivi M. Felih pour les
délits. Un jugement a été rendu en date du 14 juillet 2022 condamnant M. Felih à un an
de prison ferme et une amende de 50 000 dinars algériens. En date du 5 avril 2023, le
tribunal de Boufarik a rendu une décision condamnant M. Felih à un an de prison et une
amende de 100 000 dinars algériens. Suite à un appel, la chambre pénale du tribunal de
Blida a rendu un jugement le 19 juin 2023 confirmant initialement le jugement en appel,
mais modifiant la peine de prison à trois mois ferme et le reste avec sursis. Le
jugement en question est devenu définitif après l’expiration du délai pour introduire un
pourvoi en cassation.
- 142. Cas de M. Omar Harid: le gouvernement rapporte que ce dernier a fait
l’objet de poursuites dans plusieurs affaires. Dans une première affaire qui remonte à
avril 2021, un ancien parlementaire a déposé plainte contre M. Harid pour avoir publié
sur internet des déclarations qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de
sa personne. Après enquête, il est apparu que M. Harid était propriétaire du compte
utilisé pour diffuser ces déclarations. M. Harid a été poursuivi pour le délit de
diffamation, conformément aux articles 296 et 298 du Code pénal. L’action publique a
pris fin par un jugement rendu le 7 avril 2021. Dans une deuxième affaire, qui remonte à
avril 2022 lorsque la Direction de la police judiciaire a enquêté sur des comptes
électroniques dont les titulaires partagent et publient des contenus numériques de
vidéos faisant l’apologie d’actes terroristes. Le 31 aout 2022, le parquet près le
tribunal de Guelma a entamé des poursuites contre M. Harid pour enregistrement de vidéos
faisant l’apologie d’actes terroristes et utilisation de médias et des technologies de
communication pour diffuser les idées d’une organisation terroriste. Le 13 novembre
2022, le juge d’instruction a rendu une ordonnance de transmission du dossier au
procureur de la République pour crime de rediffusion volontaire d’enregistrement de
vidéos faisant l’apologie d’actes terroristes.
- 143. Cas de Mme Rym Kadri: selon le gouvernement, l’affaire concerne
l’ouverture d’une enquête préliminaire du parquet de la République près le tribunal
d’Ouargla sur les actes de vandalisme et de destruction des panneaux réservés à
l’affichage des photos des candidats aux élections présidentielles de 2019. Les enquêtes
ont permis d’identifier des suspects, dont Mme Kadri. À l’issue de l’enquête
préliminaire, Mme Kadri a été poursuivie (avec d’autres personnes) pour les délits de:
i) incitation à un attroupement non armé; ii) atteinte à l’intégrité de la patrie;
iii) collecte de dons sans autorisation; iv) détention de tracts portant atteinte à
l’intérêt national; et v) incitation au boycott des élections. En date du 27 avril 2021,
le tribunal d’Ouargla a rendu un jugement d’acquittement de toutes les charges retenues
contre Mme Kadri. Par suite de l’appel interjeté par le parquet, un arrêt a été rendu
par la Cour (chambre criminelle) le 12 octobre 2021 confirmant le jugement du tribunal.
Le ministère public s’est pourvu en cassation et l’affaire est pendante au niveau de la
Cour suprême.
- 144. Cas de M. Oussama Azizi: selon le gouvernement, M. Azizi a fait
l’objet d’une enquête préliminaire du parquet de la République près le tribunal d’Ouled
Rechache (Khenchela) pour l’organisation d’une protestation à des fins de solidarité
avec une personne poursuivie devant les autorités judiciaires. Cependant, les personnes
protestataires ont saisi l’opportunité du rassemblement pour appeler la population à
boycotter les élections et pour brandir des banderoles insultant les institutions de
l’État. À l’issue de l’enquête préliminaire, M. Azizi (et trois autres personnes) a été
poursuivi pour délit d’incitation à un attroupement non armé, le délit d’empêchement
d’une personne à exercer le droit de vote par rassemblement, et le délit de publication
de fausses informations qui portent atteinte à l’ordre public et à la sécurité publique
en vertu des articles 100 1, 102, 196 1 du Code pénal. Le 8 novembre 2021, le tribunal
d’Ouled Rechache a rendu un jugement condamnant M. Azizi à six mois de prison ferme et
100 000 dinars algériens d’amende pour délit de publication de fausses informations et
de mensonges malveillants portant atteintes à l’ordre public et à la sécurité publique,
conformément à l’article 196bis du Code pénal. Il a par contre été innocenté du délit
d’incitation à un attroupement non armé, et du délit d’empêchement d’une personne à
exercer son droit de vote par voie d’attroupement. En date 18 avril 2022, la Cour
d’appel a confirmé le jugement mais a modifié les peines en prison avec sursis et une
amende de 20 000 dinars algériens.
- 145. Cas de M. Nacer Hamitouche: selon le gouvernement, les faits
remontent au 9 décembre 2021 dans le cadre de l’enquête ouverte par la section de lutte
contre le terrorisme et la criminalité organisée transfrontalière du tribunal de Sidi
M’Hamed dans une affaire d’appartenance présumée de Mme Manar Mansri à l’organisation
terroriste «Rachad». Il a été révélé que M. Hamitouche, parmi d’autres accusés, était en
contact avec Mme Mansri et aurait fait l’apologie du groupe terroriste en relayant les
contenus diffusés par ses dirigeants recherchés par la justice. M. Hamitouche était
poursuivi pour crimes d’adhésion et de participation à des organisations ou des groupes
terroristes subversifs, ainsi que pour l’utilisation des technologies de l’information
et de communication pour le recrutement de personnes au profit d’une organisation
terroriste, en vertu des articles 79, 87bis, 87bis12 et 87bis3 du Code pénal. Le juge
d’instruction a maintenu les charges criminelles à l’encontre de M. Hamitouche en raison
de preuves suffisantes recueillies à son encontre. En date du 9 juillet 2023, le
tribunal a décidé de reporter le procès à la demande des accusés pour préparer leur
défense.
- 146. Cas de M. Hicham Khayat: selon le gouvernement, les faits remontent
au 9 décembre 2021 dans le cadre de l’enquête ouverte par la section de lutte contre le
terrorisme et la criminalité organisée transfrontalière du tribunal de Sidi M’Hamed dans
une affaire d’appartenance présumée de Mme Manar Mansri à l’organisation terroriste
«Rachad». M. Khayat est poursuivi individuellement devant le tribunal de Blida pour son
appartenance à l’organisation terroriste. Le tribunal a rendu un jugement le 8 juin 2022
requalifiant les faits, passant de la diffusion de publications préjudiciables à
l’intérêt national à l’outrage à une institution publique, en condamnant M. Khayat à
six mois de prison ferme et une amende de 200 000 dinars algériens. Après un appel, le
tribunal de Blida a rendu une décision le 19 juin 2023 condamnant M. Khayat pour délit
de diffusion de publications préjudiciables à l’intérêt national et d’incitation à un
rassemblement non armé, à deux ans de prison ferme et une amende de 50 000 dinars
algériens. L’accusé s’est pourvu en cassation en appel de ladite décision.
- 147. Cas de M. Ramzi Derder: le gouvernement observe que si la plainte
indique que M. Derder est membre du bureau national de la Fédération nationale des
travailleurs de l’économie informelle, cette organisation n’a aucune existence légale et
n’a pas été enregistrée par le ministère chargé du travail conformément aux dispositions
de la loi no 90 14. En outre, les informations reçues du ministère de la Justice dans
l’affaire concernant M. Ramzi Derder font ressortir que dans le cadre d’une enquête
ouverte par la brigade de gendarmerie nationale de Merouana (wilaya de Batna) et sur
instruction du Procureur de la République près du tribunal de Merouana, a révélé
l’existence d’un groupe organisé exploité par le mouvement terroriste dénommé «Rachad»
et M. Derder fait partie des sept membres composant le groupe. Après la finalisation de
l’examen du dossier par les services compétents de la police judiciaire, les inculpés
ont été présentés au juge d’instruction sous les chefs d’accusation de: i) appartenance
à un groupe terroriste; ii) atteinte au moral de l’armée pour nuire à la défense
nationale; iii) diffusion d’informations mensongères pour troubler l’ordre public; et
iv) publication de photos, d’informations dans les réseaux sociaux, en vue de créer et
de semer la discorde dans la société. Ces actes sont réprimés par les dispositions des
articles 75, 87bis 3, 87bis 13, 87bis 14, 96 et 196bis du Code pénal et par les
dispositions de l’article 34 de la loi no 20 05 du 28 avril 2020, relative à la
prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine. Après avoir
entendu les inculpés, le juge d’instruction a ordonné l’emprisonnement provisoire de six
inculpés, dont M. Derder et a ordonné l’arrestation du septième inculpé en fuite. En
date du 18 juillet 2021, la chambre d’accusation a rendu une décision qui a confirmé les
ordonnances du juge d’instruction et cette affaire est toujours en instruction
judiciaire.
- 148. En date du 3 juillet 2022, la chambre d’accusation a rendu une
décision renvoyant le dossier au tribunal correctionnel de première instance. À sa
session du 10 novembre 2022, le tribunal a rendu un jugement dans lequel M. Ramzi Derder
a été innocenté des charges retenues contre lui, tandis que d’autres inculpés ont été
condamnés à des peines de prisons et des amendes. Le ministère public a fait appel de ce
jugement du tribunal.
- 149. Cas de M. Benzine Slimane: le gouvernement indique avoir déjà porté
à la connaissance du Comité de la liberté syndicale, dans le cadre du cas no 3210
concernant les allégations du présumé SNATEG, que les informations fournies par
l’employeur «Shariket Amn el mounchaate el Takawiya-Ouargla (SAT)» concernant le cas de
M. Slimane font état que ce dernier a été licencié pour faute professionnelle,
conformément aux dispositions de l’article 222 du Code pénal. Dans ce cadre, le tribunal
de Ouargla l’a condamné en date du 13 novembre 2018 pour faux et usage de faux à six
mois de prison ferme et une amende de 20 000 dinars algériens. Par ailleurs, un autre
jugement du tribunal de Ouargla l’a condamné en date du 12 mars 2020 à six mois de
prison ferme et une amende de 100 000 dinars algériens pour diffamation, conformément
aux dispositions des articles 296 et 298 du Code pénal. Il n’y a aucune information de
l’employeur sur un éventuel appel ou pourvoi du jugement du tribunal d’Ouargla.
- 150. Par ailleurs, le gouvernement rapporte que M. Slimane a fait l’objet
de poursuites dans plusieurs affaires. Au niveau du tribunal de Constantine, ce dernier
est poursuivi par le parquet de la République près le tribunal de Constantine après une
plainte assortie d’une action civile introduite par la société de sécurité et de
protection d’installations énergétiques pour délit de diffamation. Ce dernier aurait
insulté les responsables de la société en des termes qui ont porté atteinte à leur
honneur et à leur dignité et en les accusant de harcèlement à l’égard des agentes de
sécurité. Le 23 avril 2018, le tribunal a rendu un jugement le condamnant à une amende
exécutoire de 30 000 dinars algériens, et au versement d’une compensation. La cour
d’appel saisie a confirmé le jugement.
- 151. Au niveau du tribunal de Tougourt, dans une première affaire,
M. Slimane a été poursuivi en juillet 2017 pour délit d’injures, de diffamation et de
calomnies par le biais des médias sociaux. Condamné en première instance et en appel, un
dernier arrêt rendu le 1er février 2019 a déclaré l’affaire comme non avenu. Ce dernier
arrêt est devenu définitif après l’expiration du délai pour un pourvoi en cassation.
Dans une deuxième affaire, les services de la police judiciaire avaient trouvé des
publications qui comprenaient des insultes à l’égard de l’Institution de la sûreté
nationale dans le contexte de l’arrestation de certaines personnes. Après enquête, il a
été constaté que le compte utilisé dans les publications appartenait à M. Slimane.
Poursuivi par le parquet pour le délit d’outrage aux agents de la force publique,
conformément à l’article 144 du Code pénal, M. Slimane a été condamné par contumace le
12 juillet 2021 à deux ans de prison ferme. Après opposition déposée le 31 octobre 2022,
l’affaire devait être de nouveau jugée et était programmée pour novembre 2022.
- 152. Au niveau du tribunal d’Ouargla, dans une première affaire, la
société de sécurité et de protection des installations énergétiques a déposé une plainte
en novembre 2017 contre M. Slimane pour délits de faux, usage de faux et diffamation,
par la publication d’un document émanant prétendument de la société. Après instruction,
le parquet a décidé de poursuites contre M. Slimane en vertu des articles 222 et 298 du
Code pénal. M. Slimane a fait appel du premier jugement rendu par contumace le
7 novembre 2022 et l’affaire devait être jugée le 29 décembre 2022. Dans une deuxième
affaire, la même société de sécurité et de protection des installations énergétiques a
déposé une plainte contre M. Slimane qu’elle accuse d’avoir publié un document dans
lequel il incite les travailleurs à un arrêt de travail et dénonce le harcèlement à
l’égard des agents de sécurité femmes. À l’issue de l’enquête, le parquet a poursuivi
l’intéressé pour diffamation conformément aux articles 296 et 298 du Code pénal. Le
12 mars 2020, un jugement a été rendu par contumace, condamnant l’accusé à six mois de
prison ferme et une amende de 100 000 dinars algériens. Le 7 novembre 2022, l’accusé a
formé opposition contre le jugement, l’affaire devait être jugée le 29 décembre
2022.
- 153. Cas de M. Hamoudi Fellah: le gouvernement indique que selon les
informations communiquées par le ministère de la Justice, M. Hamoudi Fellah a été arrêté
par la gendarmerie nationale et traduit devant le tribunal de Tlemcen le 20 février 2022
qui l’a condamné à trois ans de prison ferme et une amende de 300 000 dinars algériens
pour les griefs suivants: i) relation avec un groupe terroriste (Rachad); ii) diffusion,
par tout moyen, dans le public des informations fausses ou calomnieuses, portant
atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics; iii) outrage aux corps constitués; et
iv) direction et administration d’une association non agréée et organisation de réunions
de ses membres sans autorisation. Ces actes sont réprimés par les dispositions des
articles 144bis, 146bis et 196bis de l’ordonnance no 66 156 du 8 juin 1966, modifiée et
complétée, portant Code pénal et par les dispositions de l’article 46 de la loi no 12 06
du 12 janvier 2012 relative aux associations. M. Hamoudi Fellah a été jugé par un
tribunal souverain qui a rendu son verdict. Les actes commis par ce dernier n’ont aucun
lien avec une quelconque activité syndicale et par conséquent cette affaire ne constitue
nullement une entrave à la liberté syndicale. Enfin, M. Hamoudi Fellah peut user de son
droit de recours devant la Cour de Tlemcen.
- 154. En ce qui concerne les allégations se rapportant aux modifications
législatives sans consultation des syndicats et l’insertion d’articles qui réprimeraient
les syndicalistes qui refusent la dissolution de leur organisation (articles 60 et 61 de
la loi no 90 14), le gouvernement fait observer que les amendements apportés à la loi
no 90 14 mettent en œuvre les conclusions de la Commission de l’application des normes
formulées en juin 2019 et ont fait l’objet de consultation avec les partenaires sociaux,
les différents départements ministériels et avec l’assistance les experts du Bureau,
dans un effort de collaboration pour améliorer l’encadrement des dispositions légales en
matière de l’exercice du droit syndical. Ce texte (loi no 22 06 du 24 Ramadhan 1443
correspondant au 25 avril 2022 modifiant et complétant la loi no 90 14 du 2 juin 1990,
relative aux modalités d’exercice du droit syndical) modifie notamment des dispositions
de l’article 4 de la loi no 90 14 de sorte à autoriser les fédérations, les unions et
les confédérations à se constituer librement. En outre, la loi autorise désormais les
travailleurs et employeurs étrangers à fonder des organisations représentatives et
d’exercer des droits syndicaux. En matière de protection des délégués syndicaux, la loi
prévoit désormais que tout licenciement ou révocation d’un délégué syndical intervenu en
violation des dispositions de la loi est nul et de nul effet. L’intéressé est réintégré
dans son poste de travail d’office. En cas de refus manifeste de l’employeur,
l’inspecteur du travail territorialement compétent dresse un procès verbal de refus
d’obtempérer qu’il remet au délégué syndical et à son organisation syndicale. Enfin, la
loi renforce les sanctions pénales dans le but de les rendre efficaces et dissuasives en
cas d’entrave à la liberté d’exercice du droit syndical ou d’atteinte à la protection
des délégués syndicaux.
- 155. Concernant les sanctions pénales, le gouvernement observe que les
organisations plaignantes demandent l’abrogation des articles 60 et 61 qui existent
pourtant depuis 1990 et que la loi no 22 06 a durci uniquement les sanctions d’une part,
pour les rendre homogènes avec les sanctions pénales en matière de travail et d’autre
part, pour contribuer au renforcement de la norme et des valeurs universelles
fondamentales qui la sous tendent. Les dispositions des articles 60 et 61 de la loi 90
14 prévoient ainsi que «quiconque dirige, réunit ou administre, la réunion des membres
d’une organisation syndicale, objet de dissolution, est puni d’une peine
d’emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et d’une amende de 20 000 dinars
algériens à 100 000 dinars algériens ou de l’une de ces deux peines» (article 60). «Sans
préjudice des autres dispositions de la législation en vigueur, quiconque fait obstacle
à l’exécution d’une décision de dissolution prise conformément aux dispositions des
articles 31 à 33 ci dessus, est puni d’un emprisonnement de trois (3) mois à un (1) an
de prison et d’une amende de 20 000 à 50 000 dinars algériens et/ou de l’une de ces deux
peines» (article 61). Le gouvernement fait valoir que ces amendements ne constituent pas
des mesures violant les principes de la liberté syndicale et que la législation du
travail en vigueur interdit aux organisations syndicales d’être susceptibles de
suspension ou de dissolution par voie administrative. En effet, la suspension ou la
dissolution d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs n’est prononcée que par
la juridiction compétente ou par la volonté des membres de l’organisation syndicale afin
de garantir pleinement les droits de la défense.
- 156. De ce qui précède, le gouvernement considère les observations
soulevées par les organisations plaignantes incohérentes, infondées et ne présentant
aucune preuve à l’appui de leurs affirmations. Le gouvernement considère que la
législation et la pratique sont pleinement en adéquation avec les exigences découlant
des conventions nos 87 et 98 ratifiées par l’Algérie. Le gouvernement ayant fourni tous
les documents à l’appui de ses arguments considère que le présent cas devrait être clos,
compte tenu de tous les justificatifs présentés.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 157. Le comité observe que le présent cas porte sur des allégations
d’entraves aux activités syndicales de la COSYFOP, d’ingérence des autorités dans son
fonctionnement, de mesures antisyndicales et de harcèlement judiciaire à l’encontre des
membres de l’organisation, ainsi que des modifications apportées à la loi qui auraient
pour effet de réprimer pénalement l’action syndicale en cas de dissolution d’une
organisation ou encore de qualifier certaines actions syndicales de terroristes.
- 158. Tout d’abord, le comité ne peut que constater avec préoccupation la
gravité des allégations et le nombre élevé de syndicalistes prétendument affectés dans
le présent cas. Le comité doit aussi rappeler que cela fait plusieurs années que les
organes de contrôle de l’OIT suivent de près les difficultés rencontrées par les
syndicats autonomes, y compris la COSYFOP, à exercer leurs droits syndicaux en Algérie.
Le comité a à maintes reprises attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de
mesures en droit et en pratique pour la mise en œuvre des principes de la liberté
syndicale contenus dans la convention no 87. De même, la Commission d’experts pour
l’application des conventions et recommandations et la Commission de l’application des
normes de la Conférence internationale du Travail ont à maintes reprises attiré
l’attention du gouvernement sur les mesures en droit et en pratique à prendre pour
appliquer pleinement la convention no 87.
- 159. Le comité note, selon les informations fournies par les
organisations plaignantes, que la COSYFOP est une organisation syndicale enregistrée
auprès du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale depuis le
4 février 1991 et, à ce titre, figurait dans la liste des syndicats enregistrés et
accrédités par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, établie
en 2018. Après une période d’inactivité, la COSYFOP a élu un nouveau bureau lors d’une
assemblée générale renouvelante tenue le 30 juillet 2018. La nouvelle direction de la
COSYFOP est élue pour cinq ans selon les nouveaux statuts adoptés et est présidée par
M. Raouf Mellal, signataire de la plainte. Cette direction a effectué la passation avec
les membres fondateurs de la confédération qui lui ont transmis la déclaration de
constitution ainsi que les anciens statuts.
- 160. La COSYFOP a notifié le renouvellement de son bureau au ministère du
Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale qui a accusé réception du dossier
administratif. Ce dossier comprenait le procès verbal de l’assemblée générale
renouvelante dument signé par un huissier de justice et les nouveaux statuts de
l’organisation. Par ailleurs, la restructuration des organes de la COSYFOP a été publiée
dans un quotidien d’envergure nationale conformément aux prescriptions de la loi no 90
14 sur les modalités d’exercice du droit syndical. La COSYFOP disposait d’un compte
bancaire propre et d’un siège social. Par suite de ce renouvellement de direction dans
le respect de la loi, la COSYFOP a été reconnue par certaines administrations publiques
et, selon sa direction, elle compte désormais plus de 10 000 adhérents à travers le
territoire national.
- 161. Le comité note en outre que la COSYFOP a élu un nouveau bureau
exécutif lors d’un congrès national tenu en mars 2023 (à distance via une plateforme de
communication) et a modifié ses statuts en octobre 2023 lors d’un congrès extraordinaire
(également tenu à distance) afin de les rendre conformes à la nouvelle loi no 23/02 sur
l’exercice de la liberté syndicale. Conformément à la loi, le renouvellement du bureau
exécutif de la confédération et la modification des statuts ont fait l’objet d’une
publication dans un quotidien national et ont été notifiées au ministère du Travail,
mais sont demeurées sans réponse des autorités selon l’organisation plaignante.
- 162. Le comité note que, du point de vue du gouvernement, la COSYFOP n’a
enregistré aucune activité syndicale depuis sa constitution en février 1991 et a été
redynamisée en 2018 d’une manière illégale par un changement de son bureau de direction
et la modification de ses statuts par des personnes qui n’ont aucune appartenance
syndicale et sans respect des dispositions statutaires de l’organisation syndicale en
question ni la présence de ses membres fondateurs. Le gouvernement rappelle qu’il a, à
plusieurs occasions, fourni ses observations sur la COSYFOP au Bureau, en particulier
qu’il considère que M. Mellal a utilisé frauduleusement la dénomination de la COSYFOP
après la publication par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale
de la liste des organisations syndicales enregistrées. Le gouvernement rappelle que
M. Mellal avait été informé par la Direction des relations de travail dès septembre
2018, de la non conformité de l’assemblée générale du 30 juillet 2018 aux dispositions
de la loi no 90-14 et aux procédures fixées par les statuts de ladite organisation
syndicale. Par ailleurs, le gouvernement avait également fait savoir au Bureau que les
personnes concernées n’avaient jamais été membres de l’une des organisations syndicales
composant la COSYFOP, et que M. Mellal n’a ni la qualité, ni l’appartenance légale à
cette organisation syndicale. En outre, le gouvernement rappelle que la COSYFOP a été
enregistrée en février 1991 comme une organisation couvrant le secteur public productif
et qu’elle était composée de trois syndicats qui n’ont pas, à ce jour, déclaré leur
retrait de la confédération: i) le Syndicat national du secteur des transports
ferroviaires (SNSTF); ii) le Syndicat national du secteur ammoniac/engrais (SNSAE); et
iii) le Syndicat national du secteur de la commercialisation et de la distribution des
produits pétroliers (SNSCDPP). Le gouvernement observe que ces trois organisations
syndicales n’ont pas assisté à l’assemblée générale organisée le 30 juillet 2018, à
l’issue de laquelle M. Mellal et M. Kouafi Abdelkader auraient été élus président et
secrétaire général de la COSYFOP.
- 163. Le gouvernement observe en outre que le procès-verbal de l’assemblée
générale renouvelante n’a pas mentionné la passation de consignes avec les membres
fondateurs. Pour le gouvernement, les copies de la déclaration de constitution de la
COSYFOP et de ses anciens statuts ont été frauduleusement obtenues et ne constituent pas
des preuves tangibles des changements intervenus dans les organes de direction et
d’administration de l’organisation syndicale en question. De l’avis du gouvernement, le
procès verbal de l’assemblée générale doit constituer le support légal qui témoigne de
toutes les modifications intervenues dans le fonctionnement de l’organisation syndicale
et sert de preuve lorsqu’un litige se produit. Enfin, le gouvernement rapporte que le
dossier que la COSYFOP a déposé au ministère à la suite de l’élection de sa nouvelle
direction contenait un document rapportant la constitution d’une présumée union entre
deux syndicats inactifs depuis plusieurs années: le Syndicat national des travailleurs
de l’énergie (SNT Energie) et le Syndicat national du secteur des industries (SNSI). Et,
à cet égard, le gouvernement rappelle que le ministère avait informé dès septembre 2018
les présidents de ces deux syndicats de la non conformité notamment des règles de
convocation de l’assemblée générale énoncées dans les statuts de la COSYFOP. Enfin, le
gouvernement rappelle que la reconnaissance de la qualité de dirigeants syndicaux
s’apprécie selon des critères établis par la loi et les statuts de l’organisation
concernées, et qu’en cas de litige les voies de recours judiciaire sont
disponibles.
- 164. De manière liminaire, le comité rappelle avec préoccupation qu’il a
déjà examiné au cours de ces dernières années de nombreuses plaintes relatives à des
entraves à la constitution d’organisations syndicales en Algérie, notamment par le refus
des autorités de procéder à l’enregistrement de nouveaux syndicats. À cet égard, le
comité a toujours recommandé au gouvernement d’assurer l’application stricte de la loi
nationale et des principes concernant le droit de constituer des organisations
syndicales. Le présent cas est similaire en ce qu’il concerne le refus des autorités
d’enregistrer le renouvellement de l’organe de direction de la COSYFOP, une organisation
déjà enregistrée, au motif que celle ci n’a pas satisfait aux modalités prescrites dans
ses propres statuts et dans la loi.
- 165. À l’examen des informations détaillées et des pièces fournies tant
par l’organisation plaignante que par le gouvernement sur la tenue de l’assemblée
générale du 30 juillet 2018 et l’élection d’une nouvelle direction de la COSYFOP (loi
no 90 14, anciens statuts de la COSYFOP, procès verbal de l’assemblée générale, nouveaux
statuts adoptés lors de l’assemblée générale, dépôt des documents au ministère), le
comité observe que, l’organisation de l’assemblée générale et l’élection d’un nouveau
bureau n’a pas enfreint les statuts du syndicat ni la loi en vigueur. Il observe par
ailleurs que tous les documents requis par la loi semblent avoir été fournis selon les
informations reçues de l’organisation plaignante et du gouvernement. Cependant, le
comité prend note des arguments du gouvernement quant à l’absence des membres fondateurs
ou des organisations syndicales affiliées d’origine. Compte tenu de la divergence de
vues entre le gouvernement et l’organisation plaignante à cet égard, le comité prie les
deux parties de fournir des informations détaillées relatives à l’obtention de la
déclaration de constitution de la COSYFOP et de ses anciens statuts. Par ailleurs, le
comité invite la COSYFOP à faire état des organisations syndicales qui lui sont
affiliées, notamment de préciser si elles comprennent le SNSTF, le SNSAE, le SNSCDPP, le
SNT Energie et le SNSI qui, selon le gouvernement, faisaient partie de la COSYFOP.
- 166. Le comité note avec préoccupation allégation selon laquelle, sous la
supervision du directeur général de la mutuelle générale d’un groupe de gaz sans lien
avec le syndicat et sous protection policière, une assemblée générale parallèle de la
COSYFOP aurait été organisée le 16 février 2020 sans la présence d’un seul représentant
syndical affilié. Cette assemblée générale aurait élu un nouveau bureau présidé par un
travailleur licencié de l’entreprise en question (M. Zakaria Benheddad). Les
organisations plaignantes rappellent que le gouvernement a régulièrement recours à cette
technique dite de «clonage» depuis les années 1990 et selon un scénario analogue où une
faction dissidente composée de militants opportunistes ou manipulés est créée dans un
syndicat autonome, débouchant rapidement sur une scission. Selon le plaignant, le seul
objectif de cette scission est d’aboutir à une organisation nouvelle, clone de
l’originale, et prête à tous les compromis avec les autorités. À la suite de l’élection
du bureau parallèle, les dirigeants auraient envoyé des correspondances aux entreprises,
aux organes de contrôle de l’OIT et aux fédérations syndicales internationales pour
annoncer que le bureau de la COSYFOP dirigé par M. Raouf Mellal était désormais illégal.
Le Conseil national confédéral de la COSYFOP a dénoncé cette ingérence et réaffirmé son
soutien à son président, M. Raouf Mellal.
- 167. Le comité rappelle que les conflits internes au sein d’une
organisation syndicale échappent à sa compétence. Ils doivent être réglés par les
intéressés eux mêmes (par exemple par un vote), par la désignation d’un médiateur
indépendant, avec l’accord des parties intéressées, ou par les instances judiciaires.
[Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième
édition, 2018, paragr. 1621.] Le comité observe cependant que le présent cas concerne
des allégations d’ingérence pendant plusieurs années et en fin de compte du clonage
d’une organisation, ayant abouti à une délégitimation du bureau de la COSYFOP dirigé par
M. Mellal. Dans ces conditions, le comité souligne l’importance pour les gouvernements
de s’abstenir de toute intervention de nature à limiter le droit des organisations de
travailleurs et d’employeurs d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs,
d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité et de
formuler leur programme d’action. Le comité prie le gouvernement de fournir des
informations sur l’enregistrement par les autorités du bureau de la COSYFOP dirigé par
M. Benheddad, en précisant notamment si ce bureau inclut les représentants des
organisations affiliées d’origine ou a présenté les statuts d’origine, comme
l’administration l’a exigé à l’organisation plaignante. Par ailleurs, le comité prie
l’organisation plaignante de fournir des informations à sa disposition sur le
fonctionnement des deux factions de la COSYFOP et de préciser toute ingérence ou
intervention des autorités dans la conduite de leurs activités respectives.
- 168. Le comité note avec préoccupation l’indication le siège de la
COSYFOP a toujours fait l’objet d’une surveillance permanente par les autorités et que
toute personne qui s’y en approchait était arrêtée par les forces de sécurité. Il note
avec préoccupation que, le 21 février 2020, les autorités administratives et
sécuritaires ont ordonné la fermeture de l’accès au siège de la COSYFOP à Alger, en se
fondant simplement sur le refus des autorités de reconnaître les résultats des élections
de l’assemblée générale du 30 juillet 2018. Selon la COSYFOP qui fournit copie de la
décision administrative, les autorités n’ont même pas recouru à la justice pour prendre
une telle décision. Le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle il
s’agit de mesures des autorités publiques compétentes dans leurs missions de veiller au
respect de la sécurité et de l’ordre public vis à vis d’une organisation syndicale gérée
par des personnes désignés ou élus illégalement. En outre, le gouvernement déclare que
la mesure a été mise en œuvre en vertu de décisions de la juridiction compétente. Par
ailleurs, le gouvernement observe que la COSYFOP n’a pas fait usage de son droit de
recours pour demander l’annulation de la décision fermeture du siège de l’organisation.
Enfin, le gouvernement déclare que les locaux étaient utilisés comme lieu de propagande
et de diffusion de fausses informations pour porter atteinte à la sécurité et à l’ordre
public.
- 169. Le comité rappelle que l’inviolabilité des locaux et des biens
syndicaux, notamment son courrier, constitue l’une des libertés publiques essentielles
pour l’exercice des droits syndicaux. Un contrôle judiciaire indépendant devrait être
exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de locaux
syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser
sur les activités syndicales. Enfin, l’accès des membres d’un syndicat aux locaux de
leur organisation ne devrait pas être restreint par les autorités de l’État. [Voir
Compilation, paragr. 276, 287 et 290.] Le comité donc prie le gouvernement de
préciser si la fermeture du siège de la COSYFOP a été faite sur mandat judiciaire. Dans
la négative, le comité prie instamment le gouvernement de prendre les mesures immédiates
pour permettre à la COSYFOP de disposer librement de son siège et d’y tenir, sans aucune
ingérence, des réunions syndicales.
- 170. Le comité note avec une profonde préoccupation l’indication de la
COSYFOP selon laquelle par suite de la rencontre de ses dirigeants avec la mission de
haut niveau de l’OIT en mai 2019 mais surtout des conclusions de la Commission de
l’application des normes en juin 2019, le ministère du Travail, de l’Emploi et de la
Sécurité sociale aurait dès juillet 2019 ordonné aux différentes administrations
publiques et aux employeurs de disqualifier et de réprimer les syndicats et les membres
affiliés à la Confédération. Selon la COSYFOP, cet environnement d’acharnement à
l’encontre de ses membres aurait connu une escalade depuis la modification du Code pénal
en juin 2021, notamment son article 87bis qui élargit la définition du terrorisme pour y
inclure le fait d’œuvrer ou d’inciter au changement, à accéder au pouvoir ou à changer
le système de gouvernance par les moyens non constitutionnels. Selon les organisations
plaignantes, cette définition trop large permet aux autorités de criminaliser les appels
à la grève ou les protestations des travailleurs, et toute revendication pacifique d’un
changement du gouvernement. Les organisations plaignantes allèguent en outre que, à la
suite de cet amendement, le gouvernement a lancé une large campagne de persécution
contre les membres de la COSYFOP qui feraient systématiquement l’objet d’accusations de
terrorisme. Le comité note que les organisations plaignantes se réfèrent à une
communication au gouvernement en date du 27 décembre 2021 d’un groupe d’experts de l’ONU
(la rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des
libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste; le Groupe de travail sur la
détention arbitraire; la rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection du droit
à la liberté d’opinion et d’expression; le rapporteur spécial sur le droit de réunion
pacifique et la liberté d’association et la rapporteuse spéciale sur la situation des
défenseurs des droits de l’homme) qui a exprimé sa grande inquiétude quant à la
définition très large du terrorisme et l’emprisonnement des activistes des droits
humains et syndicalistes dans le cadre d’une soi disant lutte contre le terrorisme.
- 171. Le comité note que, de son côté, le gouvernement rappelle que les
organisations syndicales de travailleurs ou d’employeurs légalement constituées sont
engagées activement dans la société et bénéficient d’une totale liberté dans leurs
activités. Elles participent en tant que partenaires au dialogue social et à la
négociation collective. Cependant, selon le gouvernement, les membres d’organisations
liées au terrorisme qui revêtent l’apparence d’organisation syndicales ne devraient pas
servir de prétexte à l’encontre du pays. En ce qui concerne les allégations formulées
sur les dispositions de l’article 87bis du Code pénal et de son utilisation pour
restreindre l’activité des syndicalistes, le gouvernement déclare que le législateur n’a
pas défini la notion de terrorisme, énumérant simplement les actes considérés comme
terroristes. S’il est informé d’un mémorandum dans lequel des rapporteurs des droits de
l’homme du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme ont fait part de
leurs préoccupations quant à la définition du terrorisme qui figure dans le droit
algérien et estiment qu’il n’est pas conforme à la résolution no 1566 du Conseil de
sécurité publiée en octobre 2004, le gouvernement observe que, dans leurs observations,
les rapporteurs spéciaux se sont fondés uniquement sur la résolution no 1566 pour
affirmer que les moyens utilisés devaient être mortels en omettant de se référer aux
résolutions ultérieures de l’ONU dans lesquelles certains actes sont désignés comme
terroristes sans qu’il soit exigé que les moyens employés soient nécessairement létaux.
Ces résolutions stipulent que «ces actes ne peuvent en aucun cas être justifiés par
quelconque des considérations à caractère politiques, philosophiques, idéologiques,
raciales, ethniques, religieuses ou de toute autre nature», ce qui signifie que le
Conseil de sécurité a laissé la porte ouverte aux pays pour déterminer les actes pouvant
être qualifiés d’actes terroristes, et qui permet à l’Algérie de considérer les actes
affectant la sécurité de l’État, l’unité nationale, l’intégrité territoriale et la
stabilité et le fonctionnement normal des institutions comme des actes terroristes.
- 172. Enfin ce qui concerne les craintes de l’utilisation de la dernière
modification de l’article 87bis du Code pénal, notamment en ce qui concerne le fait de
«chercher par tout moyen à accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par
des moyens autres que constitutionnels ou à l’incitation à le faire» comme moyen
d’engager des poursuites judiciaires contre des opposants, des militants politiques ou
des défenseurs des droits de l’homme, le gouvernement considère ces craintes infondées,
dans la mesure où cet article exige que la méthode utilisée soit anticonstitutionnelle.
Le gouvernement rappelle en outre que l’opposition au pouvoir est un droit
constitutionnel, il en est de même pour l’activité politique ou de l’activité dans le
domaine des droits de l’homme.
- 173. Le gouvernement observe que la loi no 90 14 du 2 juin 1990, modifiée
et complétée, relative aux modalités d’exercice du droit syndical, assure le libre
exercice du droit syndical aux organisations syndicales enregistrées et réprime tous
actes de discrimination ou d’ingérence afin que les droits et les libertés puissent
s’exercer dans un climat sain loin de toute violence d’où qu’elle vienne. Il rappelle
aussi que qu’outre le droit de saisir la justice contre tous les actes et actions des
diverses administrations publiques, toute personne a également le droit de saisir la
Cour constitutionnelle si elle estime que la puissance publique a violé l’un quelconque
de ses droits fondamentaux et ses libertés garanties par la Constitution.
- 174. Tout en prenant dûment compte de ce qui précède, en ce qui concerne
le libellé de l’article 87bis du Code pénal et son incidence présumée sur la liberté
syndicale, le comité rappelle que, dans l’exercice de la liberté syndicale, les
travailleurs et leurs organisations doivent respecter la loi du pays, qui devrait en
retour respecter les principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation,
paragr. 66.] Le comité rappelle que la liberté syndicale n’implique pas seulement le
droit, pour les travailleurs et les employeurs, de constituer librement des associations
de leur choix, mais encore celui, pour les associations professionnelles elles-mêmes, de
se livrer à une activité licite de défense de leurs intérêts professionnels. [Voir
Compilation, paragr. 716.] Toute disposition qui conférerait aux autorités le
droit, par exemple, de limiter les activités syndicales par rapport aux activités
déployées et aux objectifs poursuivis par les syndicats en vue de promouvoir et de
défendre les intérêts de leurs membres serait incompatible avec les principes de la
liberté syndicale. [Voir Compilation, paragr. 718.] Le droit d’exprimer des
opinions, y compris des opinions critiques à l’égard de la politique économique et
sociale du gouvernement, est l’un des éléments essentiels des droits syndicaux. [Voir
Compilation, paragr. 245.] Le comité prie instamment le gouvernement de
s’assurer que l’article 87bis du Code pénal ne soit pas appliqué aux activités normales
des syndicats et des organisations d’employeurs, notamment lorsqu’il s’agit d’un appel à
la grève, de protestations ou revendications pacifiques concernant les mesures affectant
leurs membres. Le comité prie le gouvernement, en consultation avec les partenaires
sociaux, de surveiller l’impact que cette disposition a déjà eu et est susceptible
d’avoir pour assurer qu’il n’affecte pas l’exercice de la liberté syndicale.
- 175. Le comité note avec préoccupation les allégations relatives à une
campagne des autorités contre tous les syndicats affiliés à la COSYFOP via des
correspondances du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale aux
institutions administratives assurant de l’illégalité des dirigeants de la COSYFOP et
conduisant à des mesures antisyndicales à l’encontre des syndicalistes concernés
souhaitant installer une structure sur le lieu de travail et entravant ainsi l’exercice
du droit syndical.
- 176. Le comité note l’avis du gouvernement selon lequel la COSYFOP n’est
pas une organisation représentative et ne peut procéder légalement à l’installation de
structures syndicales au niveau des organismes employeurs ou les lieux de travail
distincts. S’agissant des correspondances administratives adressées aux caisses de
sécurité sociale qualifiant la COSYFOP d’organisation non légitime, le gouvernement
indique que ces correspondances des services du ministère du Travail, de l’Emploi et de
la Sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de l’application de la loi et des
dispositions de l’article 8 de la convention no 87, et informaient les caisses de
sécurité sociale de la non conformité de la procédure de renouvellement des instances
dirigeantes de la COSYFOP.
- 177. En outre, le gouvernement indique que certaines personnes citées
dans la plainte ont enfreint l’éthique syndicale en s’adonnant à des pratiques qui
s’éloignent des règles démocratiques de représentation syndicale, à travers des
communiqués portant atteinte aux institutions de l’État, dans lesquels ils appellent au
changement politique et à la désobéissance par la force et s’affichent ainsi comme des
déstabilisateurs de l’ordre public, ce qui est contraire aux normes internationales en
matière des libertés syndicales, notamment à l’article 8 de la convention no 87.
- 178. Le comité note avec une vive préoccupation la longue liste de
dirigeants de la COSYFOP et d’organisations affiliées qui, selon les organisations
plaignantes, ont fait l’objet de mesures de licenciement, d’arrestation, de détention
avec violence, de torture, de menaces et de harcèlement judiciaire. À cet égard, le
comité renvoie aux informations détaillées qui figurent ci dessus concernant les cas
individuels (allégations des organisations plaignantes et réponse du gouvernement). Le
comité note que la majorité des dirigeants syndicaux ont été traduits en justice pour
des publications sur les réseaux sociaux ou diffamation et condamnés pénalement pour
atteinte à l’ordre public, propos offensants envers le Président de la République, ou
encore apologie d’actes terroristes.
- 179. Ne disposant pas des publications pour lesquelles les dirigeants
syndicaux ont été condamnés, le comité n’est pas en mesure de se prononcer sur le fait
que les condamnations en question représentent une violation de la liberté syndicale.
Cependant le comité observe que, dans l’ensemble, ces condamnations ont un lien avec
l’expression des opinions dans l’exercice de mandats syndicaux, même si le gouvernement
conteste l’existence du syndicat en question. Tout en soulignant la nécessité de
respecter la légalité, le comité considère que la menace des autorités d’engager des
poursuites pénales en réponse à des opinions légitimes de représentants syndicaux peut
avoir un effet d’intimidation et est préjudiciable à l’exercice des droits syndicaux.
[Voir Compilation, paragr. 237.] Le comité prie instamment le gouvernement de
continuer de fournir des informations sur les décisions de justice qui seront prises
concernant les dirigeants syndicaux cités, notamment ceux qui font l’objet de poursuites
pénales, de fournir copie de ces décisions et d’indiquer de manière détaillée les suites
données. Le comité prie en outre le gouvernement de fournir ses observations concernant
la situation des dirigeants syndicaux cités dans la dernière communication de
l’organisation plaignante en date du 22 décembre 2023 (MM. Bennouna et Lahouiri).
- 180. Le comité relève avec une profonde préoccupation que ce contexte
d’intimidation entravant la liberté syndicale a amené des syndicalistes à démissionner
de leur mandat [M. Mohamed Essalih Bensdira (président du Comité national des chômeurs);
M. Omar Harid (secrétaire général du bureau de la COSYFOP à la wilaya de Guelma);
M. Mohamed Mecelti (membre de la cellule de communication de la COSYFOP); M. Hicham
Khayat (membre du SNATEG et de la COSYFOP); Mme Rym Kadri (présidente de la Fédération
nationale du personnel de l’éducation); M. Oussama Azizi (président de la Fédération
nationale du personnel de l’éducation)] et certains à l’exil [M. Raouf Mellal (président
de la COSYFOP); M. Abdelkader Kouafi (secrétaire général de la COSYFOP); M. Nacer
Hamitouche (représentant de la COSYFOP de la wilaya d’Alger); M. Hamza Kherroubi (ex
président du Syndicat national des aides soignants (SNAS) et président du Syndicat des
travailleurs de l’industrie pharmaceutique (STIP)); M. Mohamed Essalih Bensdira
(président du Comité national des chômeurs)].
- 181. Notant que la COSYFOP demande la levée de tous les chefs
d’accusations, peines d’emprisonnement et menaces contre M. Mellal, M. Kouafi et
M. Kherroubi contraints à l’exil et se déclare prêt à engager un dialogue avec le
gouvernement afin de permettre leur retour au pays pour exercer leur mandats de
dirigeants syndicaux, le comité prie instamment le gouvernement de s’engager à assurer à
M. Mellal, M. Kouafi et M. Kherroubi la possibilité d’un retour au pays pour exercer
leurs activités syndicales dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces.
Le comité rappelle en ce sens que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une
situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en
particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir
Compilation, paragr. 82.]
- 182. Le comité note que la COSYFOP a formulé des propositions au
gouvernement en septembre 2019 au sujet de la modification du projet de loi amendant la
loi no90 14 mais qu’elles n’ont pas été prises en considération. La COSYFOP regrette que
le gouvernement ait débuté une campagne sur les médias locaux en février 2022 sans avoir
au préalable consulté les organisations syndicales indépendantes et déplore le fait que
ledit projet de loi depuis adopté posent plusieurs obstacles à l’exercice de la liberté
syndicale. La COSYFOP attire l’attention en particulier sur le maintien des articles 60
et 61 de la loi qui répriment tout syndicaliste s’opposant, même verbalement, à la
dissolution de son syndicat. La peine encourue peut aller jusqu’à deux ans de prison
ferme. La COSYFOP dénonce le fait que les deux articles pourraient être utilisées pour
viser directement les membres du SNATEG, organisation affiliée à la COSYFOP, qui
refusent la dissolution de leurs syndicats. Selon la COSYFOP, l’objectif du gouvernement
serait de contrecarrer juridiquement les conclusions de la Commission de l’application
des normes et les recommandations du comité de la liberté syndicale dans le cas
concernant le SNATEG (cas no 3210).
- 183. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle
les dispositions des articles 60 et 61 de la loi no 90 14 (telle que modifiée par la loi
no 22 06) prévoient que «quiconque dirige, réunit ou administre, la réunion des membres
d’une organisation syndicale, objet de dissolution, est puni d’une peine
d’emprisonnement de six (6) mois à deux (2) ans et d’une amende de 20 000 dinars
algériens à 100 000 dinars algériens ou de l’une de ces deux peines» (article 60). «Sans
préjudice des autres dispositions de la législation en vigueur, quiconque fait obstacle
à l’exécution d’une décision de dissolution prise conformément aux dispositions des
articles 31 à 33 ci dessus, est puni d’un emprisonnement de trois (3) mois à un (1) an
de prison et d’une amende de 20 000 à 50 000 dinars algériens et/ou de l’une de ces
deux peines» (article 61). Le gouvernement fait valoir que ces amendements ne
constituent pas des mesures violant les principes de la liberté syndicale et que la
législation du travail en vigueur interdit aux organisations syndicales d’être
susceptibles de suspension ou de dissolution par voie administrative. En effet, la
suspension ou la dissolution d’une organisation d’employeurs ou de travailleurs n’est
prononcée que par la juridiction compétente ou par la volonté des membres de
l’organisation syndicale afin de garantir pleinement les droits de la défense.
- 184. Compte tenu de ce qui précède et ayant à l’esprit les difficultés
que l’application de telles dispositions pourraient engendrer en cas de positions
divergentes concernant la dissolution volontaire d’un syndicat, à l’instar d’une
situation à l’examen par le comité dans un cas Algérien [voir cas no3210, 392e rapport,
paragr. 209 à 212], le comité prie le gouvernement d’envisager, en consultation avec les
partenaires sociaux, la meilleure façon de garantir que les sanctions en vertu de
l’article 60 ne puissent être imposées dans les cas de dissolution volontaire Le comité
prie le gouvernement de faire état des mesures prises ou envisagées à cet égard.
- 185. Rappelant que le dépôt de demande d’enregistrement du renouvellement
de la direction de la COSYFOP a été effectué en 2018, il y a plus de cinq ans, et que le
renouvellement en mars 2023 de la direction est également demeurée sans réponse de la
part des autorités, le comité ne peut qu’exprimer sa préoccupation devant ce qui
constitue une atteinte au droit des travailleurs de choisir leurs représentants
constituer les organisations de leur choix. Le comité exhorte le gouvernement à prendre
contact avec la COSYFOP afin de trouver une issue à la divergence de vue concernant
l’élection de sa direction, cela afin de faciliter le processus d’enregistrement. Le
comité attend du gouvernement qu’il fasse état des mesures prises à cet égard.
- 186. De manière générale, le comité tient à exprimer de sa profonde
préoccupation devant le présent cas caractérisé par un cumul de difficultés rencontrées
par les dirigeants de la COSYFOP pour exercer leurs droits syndicaux et qui ont porté
préjudice à la conduite des activités d’une organisation faitière mais aussi constitué
une intimidation entravant le libre exercice de la liberté syndicale. En conséquence, le
comité exhorte le gouvernement à mettre en œuvre sans délai ses recommandations afin
d’assurer un environnement où les droits syndicaux sont respectés et garantis pour
toutes les organisations syndicales, et où les travailleurs ont la possibilité d’adhérer
au syndicat de leur choix, d’élire leurs représentants et d’exercer leurs droits
syndicaux sans crainte de représailles et d’intimidation.
- 187. Le comité renvoie les aspects législatifs du présent cas à
l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 188. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Compte
tenu de la divergence de vues entre le gouvernement et l’organisation plaignante sur
le refus des autorités d’enregistrer le renouvellement de l’organe de direction de
la COSYFOP, le comité prie les deux parties de fournir des informations
additionnelles concernant l’obtention de la déclaration de constitution de la
COSYFOP et de ses anciens statuts.
- b) Le comité invite la COSYFOP à faire
état des organisations syndicales qui lui sont affiliées, notamment de préciser si
elles comprennent le SNSTF, le SNSAE, le SNSCDPP, le SNT Energie et le
SNSI.
- c) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur
l’enregistrement par les autorités du bureau de la COSYFOP dirigé par M. Benheddad,
en précisant notamment si ce bureau inclut les représentants des organisations
affiliées d’origine ou a présenté les statuts d’origine, comme l’administration l’a
exigé à l’organisation plaignante.
- d) Le comité prie l’organisation
plaignante de fournir des informations à sa disposition sur le fonctionnement des
deux factions de la COSYFOP et de préciser toute ingérence ou intervention des
autorités dans la conduite de leurs activités respectives.
- e) Le comité prie
le gouvernement de préciser si la fermeture du siège de la COSYFOP a été faite sur
mandat judiciaire. Dans la négative, le comité prie instamment le gouvernement de
prendre les mesures immédiates pour permettre à la COSYFOP de disposer librement de
son siège et d’y tenir, sans aucune ingérence, des réunions syndicales.
- f)
Le comité prie instamment le gouvernement de s’assurer que l’article 87bis du Code
pénal ne soit pas appliqué aux activités normales des syndicats et des organisations
d’employeurs, notamment lorsqu’il s’agit d’un appel à la grève, de protestations ou
revendications pacifiques d’un changement du gouvernement. Le comité prie le
gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de surveiller l’impact
que cette disposition a déjà eu et est susceptible d’avoir sur l’exercice de la
liberté syndicale.
- g) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer
de fournir des informations sur les décisions de justice qui seront prises
concernant les dirigeants syndicaux cités, notamment ceux qui font l’objet de
poursuites pénales, de fournir copie de ces décisions et d’indiquer de manière
détaillée les suites données.
- h) Le comité prie le gouvernement de fournir
ses observations concernant la situation des dirigeants syndicaux MM. Bennouna et
Lahouiri cités dans la communication de l’organisation plaignante en date du
22 décembre 2023.
- i) Le comité prie instamment le gouvernement de s’engager
à assurer à M. Mellal, M. Kouafi et M. Kherroubi la possibilité d’un retour au pays
pour exercer leurs activités syndicales dans un climat exempt de violence, de
pressions ou menaces.
- j) Le comité prie le gouvernement d’envisager, en
consultation avec les partenaires sociaux, la meilleure façon de garantir que les
sanctions en vertu de l’article 60 ne puissent être imposées dans les cas de
dissolution volontaire. Le comité prie le gouvernement de faire état des mesures
prises ou envisagées à cet égard.
- k) Le comité exhorte le gouvernement à
prendre contact avec la COSYFOP afin de trouver une issue à la divergence de vue
concernant l’élection de sa direction, cela afin de faciliter le processus
d’enregistrement. Le comité attend du gouvernement qu’il fasse état des mesures
prises à cet égard.
- l) Le comité exhorte le gouvernement à mettre en œuvre
sans délai ses recommandations afin d’assurer un environnement où les droits
syndicaux sont respectés et garantis pour toutes les organisations syndicales, et où
les travailleurs ont la possibilité d’adhérer au syndicat de leur choix, d’élire
leurs représentants et d’exercer leurs droits syndicaux sans crainte de représailles
et d’intimidation.
- m) Le comité renvoie les aspects législatifs du présent
cas à l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations.