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Observación (CEACR) - Adopción: 1991, Publicación: 78ª reunión CIT (1991)

Convenio sobre el trabajo forzoso, 1930 (núm. 29) - India (Ratificación : 1954)

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Se référant à ses commentaires précédents sur la situation, dans la législation et dans la pratique, en ce qui concerne l'abolition de la servitude pour dettes, la commission prend note du rapport du gouvernement pour la période se terminant en juin 1989, auquel étaient annexés des extraits du rapport d'une sous-commission de la Commission consultative parlementaire près le ministère du Travail, de même que de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 1989. Elle a également noté les débats de la 14e et de la 15e session (1989 et 1990) du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités.

Abolition de la servitude pour dettes

1. Portée de la législation. La commission a précédemment noté que, selon l'article 23 (1) de la Constitution de l'Inde, la traite des êtres humains et le travail forcé sous toutes ses formes sont abolis et que toute infraction est punissable conformément à la loi. En vertu de l'article 4 1) de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, ce régime est aboli et toute personne astreinte au travail sous ce régime est libre et déchargée de toute obligation d'accomplir un travail pour dettes. L'article 2 f) définit le "travailleur asservi" comme celui qui contracte, a contracté ou est présumé avoir contracté une dette impliquant la servitude, c'est-à-dire un prêt obtenu ou présumé avoir été obtenu par un travailleur asservi, sous le régime ou conformément au régime de la servitude pour dettes (art. 2 d)); la définition du "régime de servitude pour dettes" donnée à l'article 2 g) se réfère, entre autres, aux obligations sociales et coutumières et à la naissance dans une caste ou communauté particulière en tant que raisons possibles de la servitude. Dans son jugement du 16 décembre 1983, la Cour suprême a rejeté l'argument de l'Etat de Haryana selon lequel, en l'absence d'une dette, certains travailleurs fournissent peut-être du travail forcé mais ne sont pas asservis dans le sens de la loi de 1976 portant abolition du régime de la servitude pour dettes, de sorte que l'Etat ne pourrait pas être obligé d'assurer leur réadaptation. La Cour suprême a relevé que, en vertu de l'article 12 de la loi, chaque magistrat de district doit entreprendre des recherches pour savoir si la servitude pour dettes ou quelque autre forme de travail forcé est imposée et, dans ce cas, doit prendre les mesures nécessaires pour éradiquer un tel travail forcé. La portée de la loi a été clarifiée par des amendements adoptés en 1985. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la portée de la législation sur l'abolition de la servitude pour dettes.

2. Identification, libération et réadaptation des travailleurs asservis. La commission s'est précédemment fondée, quant au nombre des travailleurs asservis, sur une étude réalisée en 1981 par la Fondation Gandhi pour la paix, en coopération avec l'Institut national du travail, limitée à dix des vingt-et-un Etats et au secteur agricole uniquement, qui a abouti à une estimation de 2.600.000 travailleurs asservis, et sur le rapport de 1979 de la Sous-commission de la servitude pour dettes, créée par la Commission centrale permanente de la main-d'oeuvre rurale non organisée, concluant à un nombre de travailleurs asservis aux alentours de 2.000.000 dans le secteur rural. Elle a aussi noté que le commissaire aux castes et tribus protégées considère que la pratique du régime de la servitude pour dettes existe dans l'exploitation des carrières, dans le tissage, dans les services domestiques, etc., en plus de l'agriculture. L'existence de la servitude pour dettes dans les carrières et le tissage a été confirmée par la Cour suprême dans son jugement susmentionné du 16 décembre 1983 et par le rapport du commissaire nommé par la Cour sur les conditions de travail des enfants dans les unités de tissage de tapis de Mirzapur.

La commission note la déclaration réitérée du gouvernement dans son rapport ainsi qu'à la Commission de la Conférence en 1989, selon laquelle il ne peut accepter aucune des estimations sur les chiffres de la servitude pour dettes, notamment parce que les interprétations sur le champ d'application de la loi portant abolition du régime de la servitude pour dettes varient considérablement, car toutes les estimations avancées ont été faites avant les modifications qui en ont précisé les dispositions. La commission note cependant à cet égard que le jugement de la Cour suprême de décembre 1983 et les modifications de 1985, loin de restreindre la portée de la loi, ont au contraire établi que le travail forcé tombait également dans son champ d'application. Il s'ensuit que les estimations précédentes devraient être révisées en hausse plutôt qu'en baisse.

Selon l'indication donnée par le gouvernement en 1989 à la Commission de la Conférence, 242.532 travailleurs soumis à la servitude pour dettes avaient été recensés, parmi lesquels 218.272 avaient bénéficié d'un programme de réadaptation jusqu'en mars 1989, l'objectif étant d'arriver à ce qu'en mars 1990 l'ensemble des travailleurs asservis soit réadapté; si d'autres travailleurs soumis à la servitude sont découverts, il peut s'agir soit de nouveaux cas de servitude, soit d'anciens cas qui n'avaient pas encore été découverts malgré les efforts du gouvernement. Selon les derniers chiffres soumis par le gouvernement en juillet 1990 à la 15e session du Groupe de travail des Nations Unies des formes contemporaines d'esclavage, le nombre total de travailleurs asservis qui avaient été identifiés et affranchis était de 242.160, au 31 mars 1990, et 210.091 d'entre eux avaient été réinsérés dans la société. Le gouvernement réitère dans son rapport son engagement d'abolir le régime de servitude pour dettes; il déclare également, comme il l'avait auparavant indiqué, que l'application de la loi de 1976 est du ressort des gouvernements des Etats, responsables en premier lieu de l'identification et de la réadaptation des intéressés, que ces gouvernements n'ont pas su évaluer la situation à sa juste mesure et que le concours actif des syndicats et des institutions sociales est d'une importance cruciale.

La commission rappelle qu'elle avait précédemment pris note d'un certain nombre de plans et projets adoptés en vue de l'identification, de la libération et de la réadaptation des travailleurs asservis soit concernant spécifiquement la servitude pour dettes, soit intégrant celle-ci dans un ensemble, à savoir: le Programme en 20 points de 1986, qui prévoit notamment la pleine application de la législation abolissant la servitude pour dettes et le concours d'institutions bénévoles dans les programmes de réadaptation; le Système central de réadaptation des travailleurs asservis et les instructions du gouvernement central tendant à intégrer ce programme aux autres programmes de lutte contre la pauvreté; la création en 1987 de la Commission nationale sur le travail rural, chargée également de la servitude pour dettes. En ce qui concerne l'application de la loi de 1976, notamment en rapport avec ces différents programmes et initiatives, la commission note les points suivants, en s'appuyant sur des extraits du rapport de la sous-commission de la Commission parlementaire près le ministère du Travail, communiqué par le gouvernement:

a) Identification et rôle des comités de vigilance. La commission observe que, selon le rapport de la sous-commission parlementaire, la procédure d'identification, que le gouvernement lui-même considère comme le premier pas important de la solution du problème de la servitude pour dettes, s'est ralentie au cours de l'exercice 1986-87 par rapport aux années précédentes; les objectifs d'identification à atteindre ne sont pas précisés à l'intention des gouvernements des Etats (alors que des objectifs chiffrés de réadaptation figurent dans le Programme en 20 points), des critiques s'élèvent sur l'évaluation officielle du nombre de travailleurs asservis identifiés, considérée comme inférieure à la réalité, et sur le fait que cette identification se fait lentement. La sous-commission parlementaire juge nécessaire que des études soient menées à ce sujet et souligne l'importance des comités de vigilance, du fait en particulier que ces organes ont pour objet de s'assurer le concours, à des tâches d'identification et de réadaptation, de personnes autres que des fonctionnaires; au cours de visites sur le terrain, elle a noté que les comités de vigilance n'avaient pas été institués ou reconstitués dans toutes les régions ou districts où le problème de la servitude pour dettes est reconnu et qu'ils ne se réunissent pas toujours de façon régulière.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 14 de la loi de 1976 les comités de vigilance ont notamment pour attributions de fournir des conseils sur l'application correcte de cette loi, pourvoir à la réadaptation économique et sociale des travailleurs libérés, coordonner les fonctions des banques et coopératives rurales afin d'offrir des crédits adéquats aux travailleurs libérés, etc. En vertu du règlement de 1976 sur la servitude pour dettes, les comités de vigilance doivent tenir des registres contenant, entre autres, les noms et adresses des travailleurs libérés et des données détaillées sur les avantages dont ils bénéficient, notamment sous forme de terres, d'équipements agricoles, de formation dans des domaines tels que l'artisanat ou des activités de même nature, ou encore de prêts. Prenant en considération le rapport précité de la sous-commission parlementaire et notant, comme l'indique le gouvernement, que les gouvernements des Etats ont été priés de veiller à ce que des comités de vigilance soient constitués, se réunissent régulièrement et tiennent à jour des registres, la commission prie le gouvernement de fournir des informations complètes et détaillées sur le nombre de ces comités constitués ou rétablis dans chaque Etat, eu égard au nombre de districts et subdivisions du pays, sur leurs activités, en particulier quant aux résultats acquis dans l'identification et la réadaptation des intéressés, sur les problèmes rencontrés et les remèdes suggérés ou appliqués (par exemple la composition de ces comités et leurs méthodes de travail) et sur toutes propositions d'amélioration pour permettre à ces comités d'exister, de fonctionner efficacement et de contribuer à l'abolition du régime de servitude pour dettes. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur les mesures éventuellement prises, notamment sur toutes instructions écrites adressées par le gouvernement de l'Union aux gouvernements des Etats ou initiatives tendant à les stimuler, afin qu'ils appuient et promeuvent les activités des comités de vigilance, de même que sur les mesures prises par lesdits gouvernements à cet égard. La commission prie en outre le gouvernement de communiquer des informations sur toutes études et enquêtes récentes, que ce soit à l'échelon de l'Union ou de ses Etats, menées pour évaluer le nombre réel des travailleurs asservis qu'il reste à identifier et à réadapter.

b) Plan tendant à s'assurer le concours des institutions bénévoles. En ce qui concerne le plan tendant à s'assurer le concours des institutions bénévoles pour l'identification et la réadaptation des travailleurs asservis, la commission relève l'information fournie par le gouvernement dans son rapport en ce qui concerne les subventions qui leur sont versées: toute institution bénévole reçoit une somme forfaitaire de 5.000 roupies pour ses frais généraux; pour chaque ordre de libération acquise en sus de 20, elle perçoit en outre 100 roupies à titre d'encouragement, à concurrence de 5.000 roupies; le montant total de la subvention ne saurait donc dépasser la somme de 10.000 roupies. Selon le gouvernement, ce plafond a été fixé afin d'éviter tout abus; cependant, aucune limite n'est fixée quant au nombre des travailleurs à réadapter. Notant aussi, selon la déclaration du gouvernement dans son rapport, que ce plan avait été mis en route le 30 octobre 1987 et qu'il était prématuré d'en évaluer le fonctionnement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le fonctionnement de ce plan et sur les résultats enregistrés, en précisant dans quelle mesure ledit plan a accéléré le processus d'identification et de réadaptation, en indiquant les progrès qui peuvent être envisagés, compte tenu de tous commentaires et suggestions avancés par les institutions bénévoles concernées, telles que le Front de libération des travailleurs asservis, et en joignant aux informations ainsi recueillies des rapports émanant de ces institutions ou en provenance de sources officielles.

c) Programme de réadaptation. La commission note qu'en exécution du programme de réadaptation dirigé par le gouvernement central une somme de 6.250 roupies est dépensée pour la réadaptation de chaque travailleur asservi. Un montant de 500 roupies est prélevé sur cette somme pour être remis en espèces à l'intéressé pour lui permettre de subsister jusqu'à sa réadaptation. La commission prie le gouvernement d'indiquer si un tel montant s'est révélé suffisant pour éviter que le travailleur qui vient d'être libéré ne retombe en servitude par manque de moyens de subsistance, d'autant qu'une longue période s'écoule entre sa libération et sa réadaptation. Le rapport de la sous-commission parlementaire signale que l'intervalle entre l'identification et la réadaptation peut être de très longue durée: l'objectif fixé pour l'exercice 1987-88 quant à la réadaptation des travailleurs asservis dans les Etats d'Andhra Pradesh, Bihar, Karnataka, Madhya Pradesh, Maharashtra, Orissa et Rajasthan est inférieur au nombre de travailleurs asservis qui avaient été identifiés mais qui n'avaient pas encore été réadaptés au 31 mars 1987. La sous-commission parlementaire juge anormal que, dans le contexte du retard considérable pris dans la réadaptation, les objectifs annuels de réadaptation aient diminué progressivement. Elle insiste pour qu'aucun effort ne soit épargné pour qu'à la fin de l'exercice 1988-89 tous les travailleurs asservis identifiés soient réadaptés.

Etant donné que la réadaptation à temps des travailleurs asservis identifiés et libérés est d'une importance capitale, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour accélérer le processus de réadaptation des travailleurs asservis identifiés, afin notamment de réduire le danger que court tout travailleur libéré depuis peu de retomber en servitude par manque de moyens de subsistance.

d) Intégration du programme de réadaptation dans d'autres programmes de lutte contre la pauvreté. Pour ce qui concerne les instructions du gouvernement tendant à intégrer le Système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté, la commission note l'indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle les résultats en sont difficiles à évaluer. Elle relève cependant l'information contenue dans le rapport de la sous-commission parlementaire sur le fonctionnement de quelques-uns de ces programmes. Selon ce rapport, le Département du développement rural a édicté des instructions aux termes desquelles les maisons construites en application du Programme national d'emploi rural ou du Programme de création d'emplois pour les paysans sans terre devraient être mises gratuitement à la disposition des travailleurs libérés; cependant, au cours de ses visites sur le terrain, la sous-commission a constaté qu'en dépit des efforts d'intégration accomplis il restait beaucoup à faire pour que des maisons soient mises à la disposition de tous les travailleurs libérés. Quant à l'intégration du système susmentionné dans le cadre des autres programmes de lutte contre la pauvreté, tels que le Programme intégré de développement rural, la sous-commission a jugé que, de façon générale, des plans d'action n'avaient pas été établis.

Selon le rapport de la sous-commission, le Système central de réadaptation des travailleurs asservis prévoit des formes d'assistance foncière et non foncière; or des plaintes font état que l'assistance foncière n'a pas eu d'utilité lorsque la terre distribuée n'était pas arable; de même, il a été allégué que parfois le bétail attribué était de valeur médiocre; enfin, d'après la Commission de planification, 42 pour cent des bénéficiaires ont déclaré que l'assistance qui leur avait été fournie n'était pas celle de leur choix, mais leur avait été imposée.

Compte tenu de l'extrême importance que revêtent la nature et la qualité de la réadaptation, la commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur tous plans d'action tendant à promouvoir l'intégration du Système central de réadaptation des travailleurs asservis dans les autres programmes de lutte contre la pauvreté, sur les mesures effectivement prises et les résultats obtenus.

e) Projet de constitution d'une commission nationale sur la servitude pour dettes. La commission note qu'au cours des débats de la 15e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage, tenue en juillet 1990, Anti-Esclavage International a souligné que la gravité et l'ampleur persistantes de la servitude pour dettes découlaient en partie des faiblesses inhérentes au fonctionnement et à la conception de la mise en oeuvre de la loi de 1976. Anti-Esclavage International a demandé que soit créée une commission nationale sur la servitude pour dettes. La commission espère que le gouvernement communiquera des informations au sujet de cette proposition.

3. Application des sanctions. Aux termes de l'article 25 de la convention, le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La loi de 1976 prévoit que l'exaction de la servitude pour dettes ou la mise en demeure de remboursement d'une dette sous peine de servitude ou d'exécution d'une coutume, d'une tradition, d'un contrat, d'un accord ou de tout autre instrument exigeant une prestation de service en vertu du régime de servitude pour dettes sera passible d'emprisonnement jusqu'à trois ans et d'une amende de 2.000 roupies au maximum (art. 16, 17 et 18 de la loi); la loi prévoit diverses mesures qui pourront être imposées par les autorités des Etats afin de sanctionner les coupables. Dans son observation précédente, la commission a fait observer que peu de cas d'emprisonnement avaient été relevés et demandait au gouvernement, compte tenu de la gravité du problème, de prendre des mesures efficaces afin d'assurer la stricte application des textes interdisant et sanctionnant la servitude pour dettes.

La commission note les indications du gouvernement dans son rapport, selon lesquelles le ministre du Travail de l'Union a souligné, à l'adresse des gouvernements des Etats, la nécessité d'intenter des poursuites contre les exploiteurs de travailleurs asservis immédiatement après l'identification et la libération de ceux-ci, et le gouvernement de l'Union a clairement affirmé que, si désormais une identification n'est pas immédiatement suivie de poursuites contre le coupable, il refusera d'assumer sa part des frais de réadaptation. La commission prie le gouvernement de fournir des informations quant aux résultats acquis par ces mesures, qui ont pour objet de réprimer la corruption et le détournement de fonds, mais ne doivent pas avoir pour effet d'entraver le processus d'identification et de libération des travailleurs asservis.

4. La commission a également pris note des informations communiquées à la 14e session du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage en ce qui concerne les actions intentées devant la Cour suprême de l'Inde par des groupements d'action sociale et ayant eu notamment pour effet la libération de plusieurs milliers de travailleurs asservis du district de Raipur en avril-mai 1988. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les actions intentées devant la Cour suprême de l'Union et devant les cours supérieures des divers Etats pour ce qui touche à la servitude pour dettes, sur les décisions rendues par ces instances et sur l'exécution de celles-ci par les autorités des Etats. Elle le prie également de fournir des données, notamment statistiques, sur le nombre de poursuites intentées et sur les sanctions infligées, ainsi que toute autre information lui permettant de se prononcer sur l'efficacité des mécanismes d'exécution.

Servitude pour dettes des enfants

5. La commission a pris note des discussions qui ont eu lieu aux 14e et 15e sessions (1989 et 1990) du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités. La commission note que les rapports de ce groupe (documents E/CN.4/Sub.2/1989/39 du 28 août 1989 et E/CN.4/Sub.2/1990/44 du 23 août 1990) se réfèrent aux informations communiquées par Anti-Esclavage International concernant l'exploitation du travail des enfants liée à la servitude pour dettes dans les pays de l'Asie du Sud; ces informations figurent dans le rapport du Séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants, tenu en juin-juillet 1989, auquel assistaient des représentants d'organisations non gouvernementales de cinq pays. Pour ce qui est de la situation en Inde, ces informations se réfèrent à des enfants asservis à de nombreux travaux exercés dans des conditions inhumaines et dangereuses. Ce rapport indique que la servitude pour dettes, la force ou la contrainte sont caractéristiques de presque toutes formes de travail des enfants. Des relations semi-féodales de maître à serf, le cercle vicieux de l'endettement, la structure de castes donnent lieu à la forme d'exploitation la plus grave de la servitude des enfants, tant dans l'agriculture que dans d'autres secteurs. Selon des estimations contenues dans le rapport, plusieurs millions d'enfants, âgés de 5 à 14 ans, sont chroniquement asservis dans le secteur agricole, environ un million dans les briqueteries, les carrières de pierre et le bâtiment, des centaines de milliers dans le tissage des tapis, les métiers à tisser manuels, l'industrie des allumettes et des feux d'artifice, la verrerie et la bimbeloterie, la taille et le polissage des diamants, ainsi que dans la serrurerie. La servitude et le travail forcé des enfants s'accompagnent de trafic et d'enlèvement d'enfants, de répression, de coups, d'exploitation sexuelle, de privation de nourriture, d'une durée abusive du travail imposé, de privation de la liberté de mouvement, de conditions de travail malsaines et périlleuses, exposant les enfants à de graves atteintes à leur santé.

Selon ces informations, des dispositions législatives et constitutionnelles ont été adoptées pour la protection des enfants, mais elles ne sont pas appliquées. La commission note qu'aux termes de l'article 24 de la Constitution de l'Inde aucun enfant âgé de moins de 14 ans ne peut être employé dans une fabrique ou une mine, ou occupé à un emploi dangereux; aux termes de l'article 39, l'Etat doit tendre à assurer que l'enfant d'âge tendre ne soit victime d'aucun abus et que les enfants disposent des possibilités et facilités voulues pour que leur croissance se fasse dans un milieu sain et des conditions de liberté et de dignité, l'enfance et l'adolescence devant être protégées contre l'exploitation et l'abandon moral ou matériel. Des dispositions pourvoyant au bien-être de l'enfance, en fixant un âge minimum d'admission à l'emploi, en interdisant le travail de nuit des enfants et en exigeant des examens médicaux obligatoires, figurent dans une série de textes législatifs, notamment dans la loi no 61 de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants. Le régime de servitude pour dettes de la main-d'oeuvre enfantine a été déclaré illégal dès 1933 par la loi sur l'interdiction du louage des services des enfants au travail et, comme il a été dit plus haut, le régime de servitude pour dettes a été aboli par la loi no 19 de 1976.

Le rapport du séminaire susmentionné déclare qu'en dépit de la législation protectrice existante la situation des enfants asservis ne change guère dans la pratique: par exemple, dans la ceinture de Mirzapur Bhadohi, qui est la région de l'Uttar Pradesh où se fabriquent les tapis, la législation sur le bien-être de l'enfance continue à être ouvertement violée, nonobstant le jugement de 1983 rendu par la Cour suprême de l'Inde et le rapport du commissaire désigné par cette Cour, suivi de la libération de plus d'un millier d'enfants asservis, et des bandes organisées enlèvent des enfants par la contrainte ou la ruse pour les forcer à tisser des tapis. La commission note, dans un projet du gouvernement indien communiqué au BIT (ILO, "Conditions of Work Digest", vol. 7, no 1/1988, p. 125), qu'en violation de la loi de 1986 précitée, en vertu de laquelle il est interdit d'occuper de la main-d'oeuvre enfantine au tissage des tapis, ceux-ci n'en continuent pas moins à être employés clandestinement; ils se subdivisent en trois catégories: les enfants des tisserands eux-mêmes; ceux des régions environnantes; et ceux qui viennent de loin, dont certains ont été vendus par leurs parents ou par des intermédiaires sans scrupules et sont par conséquent asservis. Le projet prévoit que seront éduqués en priorité les enfants les plus jeunes et ceux qui proviennent d'autres Etats et soit sont asservis, soit ont perdu tout contact avec leurs familles.

Le rapport du séminaire ajoute qu'en dépit des pénalités prévues par la loi les exploiteurs ne craignent pas d'être punis ou sanctionnés, en raison de la faiblesse des voies et moyens d'application, de l'indolence des autorités, de la collusion et de la corruption qui empêchent l'identification, la libération et la réadaptation des enfants asservis. En ce qui concerne en particulier la réadaptation, le rapport souhaite l'adoption de mesures plus globales telles qu'un régime de réinsertion séparée pour les enfants asservis et l'école gratuite et obligatoire au moins pour ces enfants.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle espère que le gouvernement fournira des commentaires détaillés en réponse aux allégations susvisées, ainsi que des informations complètes sur les mesures adoptées ou envisagées pour abolir dans la pratique l'exploitation du travail des enfants, notamment de ceux qui sont asservis. Notant qu'en vertu de l'article 16 de la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants toute personne, un officier de police ou un inspecteur peut déposer une plainte en violation de la loi, elle souhaite être informée des plaintes déposées, en particulier pour ce qui concerne les enfants asservis, des poursuites intentées et des sanctions infligées, avec copie des décisions de justice. Elle prie également le gouvernement d'indiquer dans quelle mesure il a été possible de se fonder sur les plaintes et poursuites aux termes de la loi de 1986 pour engager également des actions en vertu de la loi de 1976 portant abolition du régime de servitude pour dettes, afin d'identifier, de libérer et de réadapter les enfants asservis. La commission rappelle à cet égard qu'en vertu de cette dernière loi les sanctions en cas d'infraction sont l'emprisonnement pour une durée jusqu'à trois ans et une amende de 2.000 roupies au maximum, tandis que la loi de 1986 portant interdiction et réglementation du travail des enfants prévoit un emprisonnement de trois mois à un an ou une amende de 10.000 à 20.000 roupies.

6. La commission a pris note avec intérêt de la politique nationale concernant le travail des enfants et de divers projets et intiatives portant sur ce sujet, auxquels il est fait référence dans la publication "Conditions of Work Digest" précitée. La commission note en particulier avec intérêt que cette politique comporte un plan d'action législative, un programme de développement tendant à combattre la pauvreté et un plan spécifique d'action régionale. Elle espère que le gouvernement fournira des informations sur l'activité d'ores et déjà déployée pour mettre cette politique en pratique et sur les résultats acquis, de même qu'en ce qui concerne d'autres mesures concrètes envisagées pour être appliquées dans un proche avenir.

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