National Legislation on Labour and Social Rights
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Informations écrites fournies par le gouvernement
Le gouvernement de Sint-Maarten a pris note des demandes directes et des commentaires de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations (ci-après dénommée la commission d’experts) figurant dans son rapport de 2022 sur l’application des normes internationales du travail.
Le gouvernement de Sint-Maarten présente ses excuses pour son retard dans la soumission des rapports dus. Ce retard est dû en partie au manque de capacités de Sint-Maarten, petit État insulaire en développement. Le gouvernement de Sint-Maarten s’efforce, chaque année, de remplir ses obligations de faire rapport avant l’échéance.
Par la présente, le gouvernement de Sint-Maarten confirme que les rapports en attente sur les conventions nos 12, 14, 17, 25, 42, 81, 87, 95, 101, 106, 118 et 144 ont été envoyés à l’OIT. Leur réception a été confirmée par le secrétariat du Département des normes le 8 avril 2022.
Le gouvernement de Sint-Maarten a également pris note de l’observation et de la demande directe de la commission d’experts concernant la convention no 87 à la suite des allégations du Conseil des employeurs de Sint-Maarten (ECSM) et de l’Association de l’hôtellerie et du commerce de Sint-Maarten (SHTA).
La commission d’experts a sollicité du gouvernement de Sint-Maarten les informations suivantes:
1) prendre les mesures nécessaires pour examiner, en consultation avec les organisations d’employeurs concernées, les développements mentionnés dans le rapport de la commission d’experts à propos de Sint-Maarten, aux pages 306 et 307, en particulier en ce qui concerne la création et le fonctionnement de l’Association des employeurs de Soualiga (SEA) et sa participation au Conseil socio-économique tripartite (SER) afin d’assurer le plein respect des droits des employeurs et de leurs organisations de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer, ainsi que d’élire leurs représentants en toute liberté et de remédier à toute ingérence des pouvoirs publics à cet égard;
2) fournir des informations sur le résultat du recours contestant les nominations au SER effectuées par la SEA;
3) répondre intégralement à ses autres commentaires restés en suspens, formulés au titre de la convention.
Comme l’indiquait le gouvernement de Sint-Maarten dans le courrier qu’il a adressé à la commission d’experts le 18 mai 2021, Sint-Maarten s’efforce non seulement de veiller au respect de la loi, mais aussi de faire en sorte que les principes de bonne gouvernance soient suivis dans l’intérêt commun de la population de Sint-Maarten.
Le gouvernement de Sint-Maarten entretient un dialogue permanent avec l’ECSM et la SHTA. Comme il a été dit précédemment, le gouvernement a voulu mettre en place une représentation large et équilibrée au sein du SER en faisant en sorte que tous les propriétaires d’entreprises, qu’il s’agisse de grandes entreprises ou de petites et moyennes entreprises, soient représentés de manière adéquate au SER.
Le gouvernement de Sint-Maarten avait espéré que, par la création d’une organisation faîtière, tous les employeurs précités pourraient être représentés de manière adéquate au SER. Par conséquent, la Chambre de commerce et d’industrie de Sint-Maarten (COCI) a été chargée de constituer cette organisation faîtière des employeurs.
La SHTA a aussi été pressentie par la COCI pour faire partie de la SEA. Des employeurs de la SEA, en tant qu’organisation faîtière, pourraient alors être désignés comme représentants de différents employeurs sectoriels pour siéger au SER.
La SHTA n’était pas d’accord et a refusé de siéger à la SEA. Dès lors, la SHTA a créé sa propre organisation faîtière, l’ECSM. Même dans ces conditions, l’ECSM a conservé le même nombre de sièges et la même représentation qu’avait, avant lui, la SHTA dans le SER. Le gouvernement de Sint-Maarten estime que la SHTA a toujours eu, maintenant par le biais de son organisation faîtière l’ECSM, une représentation adéquate dans le SER et qu’elle a été représentée de manière adéquate dans les consultations. Ces consultations tripartites se tiennent entre le gouvernement de Sint-Maarten, les organisations d’employeurs et les organisations de salariés.
Le gouvernement de Sint-Maarten estime que les deux organisations faîtières des organisations d’employeurs, à savoir la SEA et l’ECSM, ont la possibilité d’être représentées au SER ainsi que dans les consultations tripartites. Cela permettrait d’élargir la réflexion sur Sint-Maarten à tous les employeurs.
L’ECSM/la SHTA ont contesté cette architecture; ils ont alors introduit une procédure judiciaire contre le gouvernement de Sint-Maarten. La cour a jugé la demande irrecevable en première instance. Un appel est actuellement en cours devant la Haute Cour d’Aruba, Curaçao, Sint-Maarten et Bonaire, Saba et Saint-Eustache. Le verdict de la haute cour concernant les nominations et la représentation des organisations d’employeurs au SER sera rendu à la fin du mois de mai 2022. Le gouvernement de Sint-Maarten attend de prendre connaissance de cette décision. Lorsqu’un verdict est rendu par une cour de justice, il doit être suivi par toutes les parties concernées, à moins qu’il soit fait appel.
S’agissant du recours en appel contestant les nominations au SER effectuées par la SEA, le gouvernement n’y voit pas une remise en question. Pour le ministre des Affaires courantes, le SER fonctionne et fait profiter le gouvernement de sa fonction participative.
Par la présente, le gouvernement de Sint-Maarten tient à faire remarquer que ce qui précède constitue une priorité sur laquelle Sint-Maarten travaille en permanence. Le gouvernement de Sint-Maarten poursuivra le dialogue avec toutes les parties concernées et il espère que, par la décision de la haute cour, le SER sera en mesure de remplir de manière adéquate son rôle de conseil consultatif.
Le gouvernement de Sint-Maarten est en mesure de répondre à toute question que la commission d’experts aurait à poser sur ce qui précède. Lorsque la haute cour aura rendu son verdict, celui-ci pourra aussi être communiqué à la commission d’experts.
Discussion par la commission
Représentante gouvernementale – Je remercie le Président de me donner l’occasion de m’adresser à la commission au nom du gouvernement de Sint-Maarten. État constitutif du Royaume des Pays-Bas, Sint-Maarten est à ce titre Membre de l’OIT. Comme l’a indiqué le gouvernement de Sint-Maarten dans son courrier en date du 20 mai 2022, qui a été transmis à cette commission, Sint-Maarten a fait tout son possible pour répondre aux demandes directes et aux commentaires de la commission d’experts dans son rapport de 2022: il respecte ses obligations de faire rapport et met en œuvre les conventions de l’OIT qui s’appliquent à Sint-Maarten, ses capacités et ses difficultés étant celles d’un petit État insulaire en développement.
En ce qui concerne les demandes et les commentaires de la commission d’experts, le gouvernement de Sint-Maarten souhaite présenter le contexte de ces demandes et commentaires, en particulier la création et les activités de l’Association des employeurs de Soualiga (SEA), laquelle fait partie du Conseil socio-économique tripartite (SER).
Le SER est une entité tripartite consultative indépendante. Établi en vertu d’une ordonnance nationale, il est chargé de fournir au gouvernement de Sint-Maarten des services consultatifs, à la demande de tiers ou à son initiative, sur toutes les questions socio-économiques importantes. Le SER est composé de trois représentants des organisations d’employeurs, de trois représentants des organisations de travailleurs et de trois experts indépendants. Chaque membre du SER a un suppléant. En raison d’un conflit en cours depuis 2017 sur la représentation des employeurs au SER, et compte tenu des préoccupations soulevées par le président qui était en poste en 2017-2020 au conseil d’administration du SER, le ministre des Affaires générales a décidé, conformément à l’article 2 de l’ordonnance sur les activités économiques de Sint-Maarten, de donner mandat à la Chambre de commerce et d’industrie de Sint-Maarten pour créer un groupe de travail, dans le but d’instituer une organisation patronale faîtière. L’objectif du ministre des Affaires générales était de créer une structure équilibrée pour les représentants de l’organisation patronale faîtière, comme c’est le cas de l’organisation syndicale faîtière à Sint-Maarten, la Windward Island Chamber of Labour Unions (WICLU), qui a été instituée en 1997 et est représentée également au SER. Ainsi, la Chambre de commerce et d’industrie a institué un comité consultatif dans son conseil d’administration afin de poursuivre diligemment l’action. Grâce à l’engagement et à la participation des parties prenantes, le comité consultatif a pu mener à bien la création de l’organisation patronale faîtière qui était demandée, c’est-à-dire la SEA. L’action de la l’Association de l’hôtellerie et du commerce de Sint-Maarten (SHTA), entre autres, visant à établir le Conseil des employeurs de Sint-Maarten (ECSM), sont perçues depuis lors comme contraires au processus démocratique que le gouvernement a suivi, et qui est prévu dans la législation nationale (à savoir l’ordonnance sur les activités économiques de Sint-Maarten) pour donner mandat à la Chambre de commerce et d’industrie. Pourtant, les employeurs susmentionnés ont été consultés. Cette action aussi est perçue comme contraire à l’intention du gouvernement d’assurer une large représentation des employeurs, dans le respect du cadre normatif international à cet égard.
Il convient de mentionner que la SHTA, qui a déposé une plainte contre le gouvernement de Sint-Maarten pour ce motif, est maintenant davantage représentée au SER: elle compte désormais deux membres et deux suppléants, contre un membre et un suppléant pour la SEA. Ainsi, son influence au sein du SER n’a pas diminué, ce que le gouvernement n’aurait d’ailleurs pas souhaité. Comme vous le savez peut-être, la SHTA a depuis intenté une procédure judiciaire contre le gouvernement de Sint-Maarten. Étant donné: a) le stade actuel de la procédure judiciaire; et b) le fait que la Cour de justice commune devrait se prononcer le 29 juin 2022 au sujet des nominations au SER, le gouvernement de Sint-Maarten doit attendre la décision de la cour avant de poursuivre son action.
En conclusion, je souhaiterais souligner que le gouvernement de Sint-Maarten a la ferme intention de participer sans relâche à un dialogue tripartite fructueux avec les partenaires sociaux dans le pays, à la fois au sein de l’institution formelle qui est en place, c’est-à-dire le SER, et au-delà. J’estime que le présent cas a exactement pour origine l’intention, qui est la nôtre, de collaborer avec les organisations les plus représentatives du pays. Si le gouvernement a involontairement pris des initiatives qui pourraient être considérées comme non conformes à la convention no 87, nous souhaiterions que l’OIT nous indique les mesures que Sint-Maarten pourrait prendre pour répondre aux préoccupations qui ont été exprimées. En tant que gouvernement d’un petit État insulaire en développement, dont les capacités techniques sont limitées, nous serions heureux de recevoir une assistance technique du BIT pour nous aider à prendre les mesures nécessaires à cette fin.
Membres travailleurs – C’est la première fois que la commission examine l’application de la convention par le gouvernement de Sint-Maarten. Nous prenons note de la pratique des autorités de Sint-Maarten qui porte atteinte au droit des organisations d’élire librement leurs représentants, et donc aux principes contenus dans la convention. Nous notons aussi les préoccupations suscitées par le fait qu’une entité gouvernementale de Sint-Maarten a créé la SEA, qui est une organisation faîtière pour représenter les employeurs, y compris au sein du SER tripartite.
Nous prenons note de la préoccupation que le gouvernement a suscitée en créant la SEA dans le but d’établir une organisation représentative des employeurs, laquelle ne reflète pas les véritables organisations d’employeurs et sert à marginaliser les entités représentatives existantes des employeurs. Nous soulignons toute l’importance que doit avoir le droit des organisations d’élire librement leurs représentants. À l’instar de la commission d’experts dans son observation, nous estimons qu’il est de la prérogative des employeurs et de leurs organisations de déterminer les conditions d’élection de leurs représentants et d’instituer des organisations de niveau supérieur.
Les autorités devraient s’abstenir de toute ingérence indue dans l’exercice de ces droits. Nous notons également qu’à plusieurs reprises le Comité de la liberté syndicale a formulé des observations analogues. Ainsi, de l’avis du Comité de la liberté syndicale, l’exercice du droit des organisations d’employeurs et de travailleurs d’élire librement leurs dirigeants est indispensable pour qu’elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir efficacement les intérêts de leurs membres. Les membres travailleurs demandent au gouvernement de veiller au respect des principes contenus dans la convention, y compris le droit des organisations d’organiser librement leurs activités.
Le gouvernement doit prendre des mesures pour que les organisations d’employeurs et de travailleurs puissent représenter en toute indépendance et réellement les intérêts économiques et sociaux de leurs membres. Le gouvernement doit respecter les observations de la commission d’experts et revoir son action en conséquence. Les membres travailleurs notent en outre qu’en 2017 la commission d’experts avait exprimé de graves préoccupations au sujet de l’exercice du droit de grève des fonctionnaires et que ces questions sont toujours en suspens.
La commission d’experts avait noté que l’article 374, paragraphes a) à c), du Code pénal et l’article 82 de l’ordonnance no 159 de 1964 énonçant les conditions de service des fonctionnaires interdisent aux fonctionnaires, y compris aux enseignants, de faire grève sous peine d’emprisonnement. Nous notons que le Code pénal a été révisé et qu’un nouveau Code pénal est entré en vigueur en 2015. Toutefois, il n’apparaît pas clairement si les dispositions de l’article 374 de l’ancien Code pénal, qui étaient contraires à la convention, ont été reportées dans le nouveau Code pénal.
Nous rappelons que nul ne devrait pouvoir être privé de liberté ni faire l’objet de sanctions pénales pour le simple fait d’avoir organisé une grève pacifique ou d’y avoir participé. Les dispositions législatives qui imposent des sanctions, notamment des peines d’emprisonnement, au motif de l’exercice légitime du droit de grève sont contraires à la liberté d’expression et aux principes de la liberté syndicale.
Par conséquent, les membres travailleurs demandent au gouvernement de Sint-Maarten de garantir, en droit et dans la pratique, le plein exercice par les fonctionnaires de leur droit de grève, et d’abroger toute disposition de la législation imposant des sanctions.
Membres employeurs – Au nom du groupe des employeurs, je voudrais remercier le représentant du gouvernement de Sint-Maarten pour ses explications concernant les évolutions intervenues dans son pays en ce qui concerne le respect de la liberté d’association des employeurs. Nous apprécions aussi la contribution écrite du gouvernement.
Mais, avant tout, nous soulignons que la convention no 87 fait partie des conventions fondamentales de l’OIT et qu’à ce titre elle doit faire l’objet d’une attention particulière et d’un contrôle prioritaire. C’est la première fois que la commission analyse ce cas individuel, mais c’est déjà la troisième observation formulée par la commission d’experts à ce sujet.
Le rapport de la commission d’experts a retenu les commentaires de l’ECSM et de la SHTA. Sint-Maarten a créé le SER par décret national à la suite de l’obtention de son statut de semi-autonomie en 2010. Le SER est un conseil tripartite dont le conseil d’administration est composé de trois représentants des travailleurs et de trois représentants des employeurs, désignés par les organisations représentatives respectives, et d’un maximum de trois représentants indépendants. «Indépendant» signifie être nommé par le gouvernement, ne pas être fonctionnaire et ne représenter ni les travailleurs ni les employeurs. Le décret mentionne un examen périodique des organisations les plus représentatives sans que les conditions de représentativité n’aient été fixées. Le SER est chargé de rendre des avis sollicités et non sollicités par le gouvernement sur des questions socio-économiques. Pour certains changements législatifs, il est obligatoire de demander l’avis du SER, même si cet avis n’est pas contraignant.
Quels sont les faits litigieux? À travers la chambre de commerce, le gouvernement a créé la coupole SEA, une organisation soi-disant représentative des employeurs. Le gouvernement explique que la SEA est une organisation faîtière chargée de représenter les employeurs de manière équilibrée, notamment au sein du SER. Malheureusement, ni la chambre de commerce, ni la SEA ne reflètent une représentation librement choisie et librement organisée par les employeurs. Selon la SHTA, qui est membre de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), cette opération politique serait une tentative de marginaliser les groupes représentatifs d’employeurs existants, en violation de l’article 3 de la convention no 87.
La SHTA a créé une coupole des employeurs avec trois autres organisations représentatives. Cette coupole, l’ECSM, a interpelé plusieurs fois le Premier ministre. N’étant pas entendus par le gouvernement, les employeurs se sont vus contraints d’introduire des commentaires auprès de l’OIT pour violation de la convention no 87, ainsi que plusieurs recours judiciaires au niveau national contre les décisions du gouvernement.
Le premier résultat judiciaire devrait être connu à la fin juin 2022. Entre temps, nous regrettons de constater que les deux membres du SER nommés par l’ECSM ont été empêchés de participer aux réunions du SER. Ces membres employeurs ont été informés qu’ils ne seraient pas suspendus, mais la suspension impliquerait de suivre une trajectoire légale. L’effet est cependant le même. Par conséquent, les employeurs représentatifs ne sont plus au courant de ce qu’il se passe au SER, si ce n’est qu’il n’y a plus qu’un seul membre employeur, celui désigné par la coupole SEA, elle-même créée par le gouvernement.
La composition actuelle du SER est de trois travailleurs, trois membres indépendants et seulement un membre employeur non représentatif. En droit, en vertu des articles 2 et 3 de la convention no 87, il appartient aux employeurs de créer des organisations de leur choix et d’y adhérer, ainsi que d’élire leurs représentants librement.
Le gouvernement devrait, en toutes circonstances, s’abstenir de toute ingérence à cet égard. La liberté d’association est un principe démocratique fondamental qui s’applique entièrement aux organisations représentatives des employeurs et des travailleurs. Comme expliqué dans l’Étude d’ensemble de 2012, Donner un visage humain à la mondialisation, les pouvoirs publics doivent respecter à 100 pour cent la liberté d’association. L’interdiction de toute ingérence publique se traduit notamment par une interdiction de créer, à la place des partenaires sociaux, une organisation coercitive ou une organisation bénéficiant d’un traitement de faveur.
Je cite deux extraits de cette Étude d’ensemble: «Le favoritisme ou, au contraire, la discrimination exercée par les autorités à l’égard d’une ou plusieurs organisations de travailleurs ou d’employeurs peut revêtir différentes formes: pressions exercées sur les organisations dans les déclarations publiques des autorités; aides inégalement distribuées; locaux fournis pour la tenue de réunions ou d’activités à une organisation plutôt qu’à une autre; reconnaissance refusée aux dirigeants de certaines organisations dans l’exercice de leurs activités légitimes, etc. De l’avis de la commission, tout traitement inégal de ce genre compromet le droit des travailleurs ou des employeurs de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier.»
Deuxième citation: «Les législations qui régissent de façon détaillée le fonctionnement interne des organisations de travailleurs et d’employeurs présentent des risques graves d’ingérence incompatibles avec la convention. Lorsque des dispositions législatives sont jugées nécessaires, elles devraient se borner à établir un cadre global, en laissant la plus large autonomie possible aux organisations dans leur fonctionnement et dans leur gestion. La commission estime que les restrictions à ce principe devraient avoir pour seul but de préserver l’intérêt des membres et de garantir le fonctionnement démocratique des organisations.»
Qu’est-ce que cela veut dire dans la pratique? Dans ses informations écrites du 16 mai dernier, le gouvernement de ce pays a expliqué qu’en créant une organisation faîtière il espérait obtenir une représentation équilibrée et large des employeurs au sein du SER. Cependant, l’objectif n’excuse pas les moyens utilisés, car il est de la prérogative des employeurs et de leurs organisations de déterminer les conditions d’élection de leurs représentants et de créer des organisations de niveau supérieur sans aucune ingérence des pouvoirs publics ou d’autres organisations gouvernementales.
En conclusion, tenant compte de tous les éléments recueillis, les membres employeurs prient instamment les autorités de Sint-Maarten de garantir la liberté d’association aux employeurs sur son territoire. les membres employeurs prient le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer, tant en droit qu’en pratique, que la liberté d’association des employeurs est respectée.
Concrètement, le gouvernement est prié de se concerter avec les organisations d’employeurs concernées à propos de la création et du fonctionnement de la coupole SEA et de sa participation au SER. En effet, il importe d’assurer le plein respect des droits des employeurs et de leurs organisations de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer ainsi que d’élire leurs représentants en toute liberté et de remédier à toute ingérence des pouvoirs publics à ce sujet.
Les membres employeurs prient en outre le gouvernement de fournir des informations sur le résultat du recours judiciaire interne contestant les nominations des représentants des employeurs au sein du SER.
Enfin, pour donner suite de manière constructive à la décision judiciaire qui sera rendue dans les prochaines semaines, il serait utile que le gouvernement demande l’assistance technique du BIT en vue de la mise en conformité de la situation nationale avec la convention no 87.
Membre travailleur, Pays-Bas – Sint-Maarten – Cette déclaration est présentée par écrit au motif que son auteur, Stuart Johnson, représentant des travailleurs de la délégation de Sint-Maarten, est actuellement en route vers Curaçao, ce qui limite sa participation active mais virtuelle sur ce sujet.
À Sint-Maarten, même si le gouvernement affirme que la convention est pleinement ratifiée et mise en œuvre, en tant que représentant des travailleurs je voudrais faire état d’un certain nombre de préoccupations mais aussi de difficultés qui sont autant d’obstacles énormes à la pleine application de la convention.
Procédure de référendum pour obtenir le droit de représenter des travailleurs dans le secteur privé ou dans une entreprise: les organisations de travailleurs se heurtent manifestement à des difficultés lorsque des travailleurs souhaitent être représentés en application de la convention.
Limitation de l’action des travailleurs par les employeurs, nombre élevé de travailleurs contractuels: en vertu de la législation, seuls les travailleurs permanents sont autorisés à participer à un référendum, et les travailleurs contractuels n’en ont donc pas le droit.
Recours abusif des employeurs aux contrats de courte durée, et même si les travailleurs sont organisés en vertu de la convention no 87, ils se heurtent constamment à leurs employeurs lorsqu’ils exercent leur droit d’assister aux réunions convoquées par le syndicat. Selon les dernières informations, des employeurs ou des directions d’entreprises, voire des ministères, adressent à ces travailleurs, ainsi qu’à leurs syndicats, des lettres d’avertissement. Ces travailleurs reçoivent même des convocations de la justice.
Il est à noter que les membres de la direction d’une école confessionnelle subventionnée par le gouvernement relèvent du contrat applicable aux enseignants, et n’ont donc pas le droit d’être affiliés à un syndicat, ce qui est contraire aux droits des travailleurs consacrés par la convention. Ces exemples montrent que les entraves à l’application de la convention continuent de porter atteinte aux droits des travailleurs en général et à leur organisation dans le pays, c’est-à-dire Sint-Maarten.
Pendant la pandémie, les travailleurs du secteur privé ont subi une réduction unilatérale de leurs salaires et avantages sociaux qui va de 20 à 25 pour cent, et atteint même 50 pour cent. Ces réductions ont porté aussi sur des salaires qui avaient été pourtant fixés d’un commun accord par les organisations d’employeurs et de travailleurs. Une réduction de 12,5 pour cent a également été appliquée aux travailleurs du secteur public et semi-public, d’où des mobilisations des travailleurs et de leurs syndicats qui se poursuivent depuis mai 2020.
Nos recommandations sont les suivantes:
1) Des modifications sont nécessaires pour garantir à tous les travailleurs leurs droits à être pleinement représentés et à participer activement aux organisations de travailleurs, et pour supprimer l’obligation de démontrer que leur représentation est majoritaire (50 pour cent plus un des travailleurs).
2) La négociation collective doit également être possible pour les travailleurs du secteur public ainsi que pour les enseignants des écoles du secteur public et des écoles subventionnées par le gouvernement.
3) Il faut contrôler le respect de la convention et imposer des sanctions en cas d’irrégularités ou de violations de la convention.
Membre employeuse, Allemagne – La liberté syndicale prévue à l’article 3 de la convention signifie que les travailleurs et les employeurs ont le droit de constituer et de diriger leurs organisations, et de s’y affilier, sans ingérence de l’État ou d’une organisation dans une autre organisation. La création d’une fédération centrale et l’affiliation à des fédérations internationales sont également protégées. Les autorités doivent s’abstenir de toute intervention.
Dans le présent cas, une organisation patronale faîtière a été instituée, non pas à l’initiative d’organisations patronales existantes, dans l’exercice du droit fondamental de constituer des organisations et de s’y affilier librement, mais à celle du gouvernement, qui a confié à la Chambre de commerce et d’industrie le soin de créer cette organisation patronale faîtière. Or il est de la prérogative des employeurs et de leurs organisations de créer des organisations de niveau supérieur sans ingérence des pouvoirs publics ou d’autres entités gouvernementales.
Pour traduire dans les faits le principe de la liberté syndicale, il faut notamment une base juridique qui garantisse l’application de ces droits, la mise en place d’un cadre institutionnel, tripartite ou recouvrant les organisations d’employeurs et de travailleurs, et qui interdise la discrimination non seulement à l’encontre des personnes qui souhaitent exercer leur droit de se faire entendre, mais aussi entre les employeurs privés et publics.
La Constitution de Sint-Maarten (chapitre 2, Droits fondamentaux, article 12, paragraphe 1) reconnaît le droit d’association. L’article 16 interdit la discrimination fondée sur la religion, la croyance, l’opinion politique, la race, la couleur de la peau, le sexe, la langue ou tout autre motif.
Le SER fournit au gouvernement de Sint-Maarten des services consultatifs sur toutes les questions sociales et économiques importantes. Le SER constitue pour les organisations de travailleurs et d’employeurs un espace général à des fins de consultations tripartites et de dialogue social, et leur permet de partager leur expertise dans le domaine de la politique de l’emploi.
L’association d’employeurs dans une organisation centrale est l’expression de leur liberté d’association, qui est protégée par l’article 3 de la convention et qui est l’une des libertés fondamentales des organisations de travailleurs et d’employeurs. L’État doit en assurer la pleine reconnaissance et l’application sans discrimination entre les employeurs privés et publics, et ne doit permettre aucune forme de marginalisation des entreprises privées.
Le gouvernement de Sint-Maarten doit veiller à ce que la législation nationale garantisse le respect et l’application dans la pratique de ce droit fondamental des organisations d’employeurs, et s’abstenir de toute ingérence dans le droit des organisations d’employeurs de constituer une fédération centrale.
Nous encourageons le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau afin d’assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales avec l’article 3 de la convention.
Membre employeuse, Colombie – L’article 3 de la convention est clair: «1) Les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d’élire librement leurs représentants, d’organiser leur gestion et leur activité, et de formuler leur programme d’action. 2) Les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal.»
Dans le cas présent, nous constatons que la création de la SEA, en tant qu’organisation faîtière pour représenter les employeurs, y compris au SER, ne découle pas de la volonté des organisations d’employeurs les plus représentatives de Sint-Maarten d’exercer leur droit fondamental de constituer des organisations et de s’y affilier librement.
La SEA a été créée à l’initiative du gouvernement, qui a donné mandat à la Chambre de commerce et d’industrie pour créer cette organisation patronale faîtière. Malheureusement, ni la Chambre de commerce ni la SEA ne reflètent une représentation librement choisie et organisée par les employeurs.
Cette initiative du gouvernement semble viser clairement à marginaliser les groupes en place de représentants d’employeurs, tels que la SHTA, membre de l’OIE, en violation flagrante des dispositions de l’article 3 de la convention.
Nous encourageons le gouvernement à demander l’assistance technique du Bureau afin d’assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales à l’article 3 de la convention.
Observateur, Organisation internationale des employeurs (OIE) – Sint-Maarten fait partie du Royaume des Pays-Bas. Depuis le 10 octobre 2021, c’est un pays semi-autonome qui fait partie du Royaume des Pays-Bas. Sint-Maarten est régi par sa Constitution, ainsi que par la Charte du Royaume. Les conventions de l’OIT ratifiées sont des instruments contraignants, tant au regard de la Constitution de Sint-Maarten que de la Charte du Royaume.
Sint-Maarten est une petite île située dans le nord-est des Caraïbes. Son produit intérieur brut (PIB) dépend du tourisme à environ 80 pour cent. Depuis le 10 octobre 2010, l’instabilité politique y est grande. L’absence de discipline budgétaire a fait gonfler la dette publique. L’économie de Sint-Maarten a subi d’énormes dommages lors du passage de l’ouragan Irma en 2017, et en 2020 la pandémie de Covid a complètement paralysé une économie basée sur le tourisme, qui se rétablissait lentement.
Les Pays-Bas ont apporté leur aide à ces deux occasions: après l’ouragan Irma, sous la forme d’une subvention administrée par un ensemble d’entités, dont la Banque mondiale; et après la pandémie de Covid, par des infrastructures médicales et par l’apport de liquidités à la fonction publique.
La dette publique, déjà problématique, a encore augmenté et il faudra en assurer le service. L’une des conditions fixées par les Pays-Bas pour verser l’aide en liquidités, dont le pays a tant besoin, était l’acceptation d’un programme de réformes de grande envergure. Ce programme comprend des réformes fiscales et administratives, économiques et du travail, ainsi que des réformes des soins de santé, de l’éducation et de l’aide sociale. L’objectif est que Sint-Maarten soit plus résilient et plus durable.
En 2020, le gouvernement de Sint-Maarten a décidé unilatéralement de suspendre le SER. La raison invoquée était le besoin de rééquilibrer la représentation patronale. À cette fin, le gouvernement a donné mandat à une entité publique pour faciliter la mise en place d’une organisation représentative des employeurs.
Auparavant, la plupart des organisations représentatives des employeurs reconnues par le gouvernement étaient exclues de ce processus, et l’intention était que la nouvelle organisation s’occupe de la nomination des employeurs au SER.
Le fait que le SER ne fonctionne pas conformément à la loi prive les employeurs et les travailleurs d’un espace de dialogue social. Alors que des décisions d’une grande portée ont été prises dans ce cadre, les partenaires sociaux n’ont pas été entendus.
Le gouvernement des Pays-Bas et le gouvernement de Sint-Maarten élaborent conjointement des programmes de réformes. Faute d’un véritable dialogue social, alors que les Pays-Bas et Sint-Maarten ont ratifié la convention, aucune de ces deux entités ne veille au respect de cette législation. Et aucune ne veille à ce que les partenaires sociaux occupent la place qui leur revient dans le processus.
Nous espérons sincèrement que, en appliquant les mécanismes nécessaires, les deux gouvernements, Sint-Maarten et le gouvernement du Royaume, auront recours à l’expertise de l’OIT pour permettre aux partenaires sociaux de mener le dialogue en occupant la place qui leur revient légitimement.
Représentante gouvernementale – En conclusion, le gouvernement de Sint-Maarten souhaite remercier les membres des organisations d’employeurs et de travailleurs et les autres gouvernements pour leurs contributions aujourd’hui. En tant que jeune État constitutif, nous avons beaucoup à apprendre et à améliorer, et nous croyons qu’avec votre aide et celle des autres pays nous continuerons à remplir nos obligations et à nous assurer que nous respectons les normes de l’OIT en conséquence. Le gouvernement de Sint-Maarten souhaite réaffirmer qu’il souhaite que le BIT lui fournisse un soutien technique pour l’aider à remplir ses obligations de manière plus efficace et efficiente, soutien qui commencera par la visite prochaine du Directeur du Bureau de l’OIT pour les Caraïbes.
Membres travailleurs – Nous prenons note des commentaires du gouvernement concernant la situation à Sint-Maarten. Nous prenons également note des interventions des autres orateurs, et nous constatons que certaines des questions soulevées ne relèvent pas du champ d’application de la présente convention et de sa mise en œuvre. Nous soulignons que les autorités sont tenues de respecter les principes de la liberté syndicale, y compris le droit des organisations d’élire librement leurs représentants, comme le prescrivent les dispositions de la convention.
Les membres travailleurs invitent le gouvernement à prendre des mesures globales pour rendre les lois et la pratique à Sint-Maarten conformes à la convention.
En ce qui concerne le droit de grève des fonctionnaires, nous demandons au gouvernement de Sint-Maarten de veiller à ce que, en droit et dans la pratique, les fonctionnaires puissent exercer pleinement leur droit de grève, et d’abroger toute disposition de sa législation qui impose des sanctions.
Avant de conclure, nous souhaitons mettre l’accent sur les questions relatives aux entraves au plein exercice du droit des travailleurs de s’affilier librement à des syndicats et d’en constituer, questions qu’a soulevées le représentant des travailleurs de Sint-Maarten.
Nous notons que le recours généralisé aux contrats temporaires par les employeurs limite beaucoup le droit de se syndiquer, les travailleurs contractuels n’étant pas autorisés à participer aux référendums organisés pour créer des syndicats. Nous notons à cet égard que le seuil fixé par la législation – 50 pour cent plus un des travailleurs – est trop élevé.
Nous prenons également note de la pratique des employeurs qui consiste à imposer des clauses dans les contrats de travail interdisant aux travailleurs de constituer un syndicat ou de s’y affilier. Certains employeurs vont même jusqu’à déposer des plaintes qui aboutissent à des assignations en justice. Ces pratiques constituent une ingérence indue dans le droit des travailleurs à la liberté syndicale.
Nous demandons à nouveau au gouvernement de Sint-Maarten de veiller au plein respect des dispositions de la convention.
Membres employeurs – Nous remercions les différents intervenants et, bien sûr, en particulier le gouvernement de Sint-Maarten pour les informations écrites et orales qu’il vient de communiquer à la commission.
Sur le fond, nous insistons sur le fait que la convention no 87 est une convention fondamentale et qu’à ce titre elle nécessite une attention particulière de l’OIT, des gouvernements et des partenaires sociaux.
Notre position par rapport à Sint-Maarten est très claire: on ne transige pas avec la liberté d’association des employeurs. Le groupe des employeurs prie donc le gouvernement de prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer que, tant en droit que dans la pratique, la liberté d’association des employeurs est entièrement garantie sur son territoire. Je répète: la liberté d’association des employeurs, tant en droit que dans la pratique, doit être entièrement garantie sur son territoire.
En effet, il importe d’assurer le plein respect des droits des employeurs et de leurs organisations de constituer des organisations de leur choix et d’y adhérer, ainsi que d’élire leurs représentants en toute liberté et de remédier à toute ingérence des pouvoirs publics à ce sujet.
Selon nous, les actions suivantes sont requises dans ce but. Premièrement, se concerter avec les organisations d’employeurs concernées à propos de la création et du fonctionnement de la coupole SEA et de sa participation au SER. Deuxièmement, fournir des informations sur le résultat du recours judiciaire interne contestant les nominations des représentants des employeurs au sein du SER. Troisièmement, demander l’assistance technique du BIT en vue de la mise en conformité de la situation nationale avec la convention no 87. Quatrièmement, répondre intégralement aux commentaires de la commission d’experts restés en suspens depuis 2017.
Nous comptons donc sur l’attitude positive du gouvernement afin que ce cas national ne revienne pas une deuxième fois devant notre commission.
Conclusions de la commission
La commission a pris note des informations orales et écrites fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission prie instamment le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de:
- s’abstenir de toute ingérence indue dans l’exercice de la liberté syndicale par les employeurs et les travailleurs, y compris de toute ingérence par la promotion d’organisations qui n’ont pas été librement créées ou choisies par les travailleurs et les employeurs, comme l’Association des employeurs de Soualiga (SEA);
- consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs afin de déterminer leurs représentants au Conseil socio-économique tripartite (SER);
- fournir des informations sur l’aboutissement du recours contestant les nominations des représentants des employeurs au SER; et
- mettre la législation nationale en conformité avec la convention pour faire en sorte que tous les travailleurs, y compris ceux du secteur public, soient en mesure d’exercer pleinement les garanties et droits inscrits dans la convention.
La commission invite le gouvernement à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau afin de mettre sa législation et sa pratique nationales en conformité avec la convention.
La commission prie le gouvernement de soumettre à la commission d’experts, d’ici au 1er septembre 2022, un rapport contenant des informations sur l’application de la convention en droit et dans la pratique, en consultation avec les partenaires sociaux.