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Informe definitivo - Informe núm. 12, 1954

Caso núm. 65 (Cuba) - Fecha de presentación de la queja:: 09-JUL-52 - Cerrado

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A. Analyse des plaintes

A. Analyse des plaintes
  1. 102. Le plaignant allègue, dans une première communication en date du 9 juillet 1952, que M. Lázaro Peña, vice-président de la Fédération syndicale mondiale, dirigeant syndicaliste cubain, et M. José Morera, secrétaire de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, auraient été arrêtés le 4 juillet 1952 à l'aéroport de La Havane, alors qu'ils revenaient d'une réunion du Bureau exécutif de la Fédération syndicale mondiale. Cette mesure constituerait une violation caractérisée des droits syndicaux.
  2. 103. Dans une deuxième communication, en date du 8 septembre 1953, le plaignant affirme que le gouvernement de Cuba aurait déchaîné, à la fin du mois de juillet 1953, une vague de persécutions contre le mouvement syndical et démocratique. Plusieurs chefs ouvriers et démocratiques, dont M. Lázaro Peña et les dirigeants ouvriers des industries du tabac et des transports, Joaquin Ordoqui, Jorge Garcia Gallo, Gonzalo Collado, Carlos Fernández et José Maria Pérez, auraient été emprisonnés. Les locaux de plusieurs syndicats, ainsi que le domicile personnel de Lázaro Peña, auraient été saccagés par la police. Le journal ouvrier Noticias de Iloy aurait été interdit. Les garanties constitutionnelles auraient été supprimées sous prétexte d'un complot sans relation avec le mouvement syndical et démocrate. Le véritable mobile de ces persécutions et de ces mesures de répression devrait être cherché dans l'intention du gouvernement de briser le front uni des travailleurs en lutte pour la réalisation de leurs revendications économiques et sociales et pour le maintien des libertés syndicales et démocratiques.

B. Analyse des réponses

B. Analyse des réponses
  • Analyse de la première réponse
    1. 104 Dans sa lettre du 14 juillet 1953, le gouvernement cubain s'était borné à répondre que l'arrestation de MM. Lázaro Peña et José Morera constituait une mesure de sécurité intérieure et n'avait pas trait à leurs activités syndicales.
  • Demande de renseignements complémentaires
    1. 105 A sa réunion de novembre 1953, le Comité a été saisi de la lettre du gouvernement de Cuba en date du 14 juillet 1953 et de la deuxième plainte de la Fédération syndicale mondiale en date du 8 septembre 1953. Le Comité, tenant compte du fait que la plainte complémentaire était de portée plus générale que la plainte originelle, a estimé devoir surseoir à l'examen de l'ensemble du cas pour donner au gouvernement l'occasion de présenter ses observations sur cette seconde plainte. Il a en outre chargé le Directeur général de demander au gouvernement cubain des renseignements supplémentaires concernant les raisons qui ont motivé les arrestations des chefs syndicalistes dont il est fait mention dans la première plainte et les suites judiciaires éventuelles que ces arrestations auraient comportées.
  • Analyse de la deuxième réponse
    1. 106 Dans sa lettre du 6 janvier 1954, le gouvernement cubain a répondu que la F.S.M, ainsi que la C.T.A.L (Confédération des travailleurs d'Amérique latine), sont des organisations inspirées par le communisme international. Lázaro Peña et les autres personnes mentionnées dans les plaintes, alors qu'ils étaient, à un moment donné, des dirigeants de quelques organisations ouvrières qui, sous les apparences d'organisations syndicales, étaient en vérité des organisations de tendance politique, ont été éliminés du mouvement ouvrier par les travailleurs eux-mêmes.
    2. 107 La suspension temporaire des droits individuels garantis par la Constitution a eu lieu à l'occasion d'une attaque contre la caserne Moncada à Santiago de Cuba. La suspension des garanties est prévue à l'article 41 de la loi fondamentale dans le cas de « perturbations de l'ordre public et dans d'autres cas qui provoquent de sérieuses perturbations de la tranquillité publique ». La mesure a été rapportée dès que l'ordre s'est trouvé rétabli.
    3. 108 Les autorités administratives ou, le cas échéant, les autorités judiciaires ont toujours le droit de faire arrêter et juger tout citoyen, qu'il s'agisse d'un dirigeant syndicaliste ou non, conformément aux lois en vigueur. Les dirigeants ouvriers et patronaux à Cuba ne peuvent pas se prévaloir d'un statut privilégié syndical à l'instar de l'immunité parlementaire dont jouissent les membres du parlement. Et cela, d'autant plus que les personnes mentionnées dans les plaintes ne sont que des ex-dirigeants politiques, ne représentant à l'heure actuelle aucune organisation ouvrière. Pour ce motif, les organisations de travailleurs cubains, et en particulier la Confédération du travail et ses organisations affiliées, n'ont pas cru devoir protester.
    4. 109 Enfin, par le décret-loi no 1170 du 30 octobre 1953, l'action politique « interventionniste » du communisme international a été interdite comme étant contraire au régime démocratique du gouvernement de la République, et les organisations qui lui prêtent leur aide ou lui sont favorables ont été déclarées illicites.
    5. 110 En conclusion, le gouvernement cubain déclare qu'il n'a pas été prouvé que des atteintes aux droits des travailleurs ou à la liberté syndicale aient été commises. Les mesures de répression dont les personnes mentionnées dans les plaintes ont été l'objet n'ont eu que des motifs politiques rentrant dans le cadre de l'interdiction du mouvement communiste.

C. C. Conclusions du comité

C. C. Conclusions du comité
  • Question préalable quant à la « qualité de syndiqués » des personnes mises en cause par la plainte
    1. 111 Dans sa communication du 6 janvier 1954, le gouvernement soutient que M. Lázaro Peña et d'autres personnes mentionnées dans la plainte qui, à un moment donné, étaient des dirigeants de quelques organisations ouvrières, ont été éliminés du mouvement syndical par les travailleurs eux-mêmes. Le gouvernement semble arguer de ce fait que ces personnes ne sauraient se prévaloir de la procédure d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale.
    2. 112 Dans son premier rapport, le Comité de la liberté syndicale avait décidé qu'il ne considérerait aucune plainte comme irrecevable pour le simple motif que le gouvernement mis en cause a dissous ou se propose de dissoudre l'organisation au nom de laquelle la plainte a été formulée.
    3. 113 Le Comité a noté que, dans le cas d'espèce, le gouvernement ne contestait pas formellement la capacité de la Fédération syndicale mondiale ainsi que de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, « organisations inspirées par le communisme international », de présenter la plainte, mais « la qualité de syndiqués » des personnes qui auraient fait l'objet des mesures de répression alléguées par les plaignants. Or, d'après le paragraphe 20 du neuvième rapport du Comité de la liberté syndicale, relatif à la procédure à suivre pour l'examen préliminaire des plaintes alléguant des violations à la liberté syndicale, les plaintes devraient porter sur des cas précis d'atteintes à la liberté syndicale, ce qui, d'après le gouvernement cubain, ne saurait être le cas si les mesures incriminées ont été prises contre des personnes qui ont perdu la qualité de syndiqués non pas en raison d'une intervention des autorités publiques, mais à la suite de leur élimination du mouvement syndical par les travailleurs eux-mêmes.
    4. 114 Le Comité, tout en estimant que la procédure d'investigation et de conciliation en matière de liberté syndicale ne peut couvrir, par définition, que des travailleurs ou employeurs syndiqués, et tout en admettant qu'un travailleur ou un employeur peut perdre sa qualité de syndiqué, ce qui le priverait du bénéfice de la procédure, a pourtant noté que M. Lázaro Peña, vice-président de la Fédération syndicale mondiale, et M. José Morera, secrétaire de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, continuent de remplir des fonctions syndicales dans le mouvement syndical international, fait qui n'est d'ailleurs pas contesté par le gouvernement.
    5. 115 Dans ces conditions, le Comité estime qu'il ne saurait s'abstenir d'examiner une plainte présentée par une organisation syndicale internationale habilitée à le faire, pour le seul motif que les personnes intéressées auraient cessé d'être membres ou dirigeants d'un syndicat national.
  • Allégation concernant l'arrestation de certains dirigeants syndicaux
    1. 116 Le gouvernement cubain a ratifié, le 29 avril 1952, la convention no 98 sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et, le 25 juin 1952, la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
    2. 117 D'après les observations formulées dans la première communication de la Fédération syndicale mondiale, M. Lázaro Peña, vice-président de la Fédération syndicale mondiale, et M. José Morera, secrétaire de la Confédération des travailleurs d'Amérique latine, auraient été arrêtés le 4 juillet 1952 à leur retour d'une réunion du Bureau exécutif de la Fédération syndicale mondiale. De l'avis du plaignant, ces arrestations auraient été motivées par la participation de ces personnes à la réunion précitée.
    3. 118 Le gouvernement, tout en invoquant les raisons dont il a été question dans les paragraphes antérieurs (paragraphes 111 à 115), soutient que ces arrestations ont été exclusivement motivées par des raisons de sécurité publique.
    4. 119 Le Comité rappelle qu'à diverses reprises, et notamment dans le cas relatif à la Tunisie, il a exprimé l'opinion que le droit des organisations nationales de travailleurs de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs, droit prévu par l'article 5 de la convention no 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical ratifiée par Cuba, entraîne normalement le droit pour les représentants des organisations nationales de se tenir en contact avec les organisations internationales de travailleurs auxquelles sont affiliées leurs organisations et de participer à leurs travaux, et qu'il convient que toute latitude leur soit donnée à cet effet.
    5. 120 Tout en réaffirmant les vues exprimées antérieurement, le Comité estime que, dans le cas d'espèce, il convient d'examiner cette allégation en fonction de la situation d'ensemble qui a été mise en lumière par la seconde communication du plaignant et la réponse beaucoup plus détaillée du gouvernement.
  • Allégations de portée générale concernant diverses atteintes aux droits syndicaux
    1. 121 Dans sa communication du 8 septembre 1953, le plaignant allègue notamment que plusieurs chefs ouvriers et démocrates, dont de nouveau M. Lázaro Peña et les dirigeants ouvriers des industries du tabac et des transports, Joaquin Ordoqui, Jorge Garcia Gallo, Gonzalo Collado, Carlos Fernández et José Maria Pérez, auraient été emprisonnés; que les locaux de plusieurs syndicats auraient été occupés et saccagés par la police ; que le journal ouvrier Noticias de Hoy aurait été supprimé, et que les garanties constitutionnelles auraient été suspendues sous prétexte d'un complot sans relation avec le mouvement syndical.
    2. 122 Le gouvernement soutient, en revanche, qu'à la suite d'une attaque à main armée contre la caserne Moncada à Santiago de Cuba, il a dû procéder à la suspension des garanties fondamentales, suspension prévue à l'article 41 de la Constitution dans des cas de « perturbations de l'ordre public et dans d'autres cas qui provoquent de sérieuses perturbations de la tranquillité publique ».
    3. 123 En vertu de l'article précité de la Constitution, le gouvernement a pris un décret-loi (no 989 du 26 juillet 1953, publié dans la Gaceta Oficial du même jour), dont la principale disposition est la suivante:
  • Article premier. Les droits garantis par les articles 26, 27, 28, 29 (garanties judiciaires et autres en cas d'emprisonnement), 30 (droit de déplacement), 32 (secret postal), 33 (droit d'opinion), 36 (droit de pétition), 37 (droit de réunion et d'association) et 71 (droit de grève) sont suspendus pour une période de quatre-vingt-dix jours sur tout le territoire de la République.
    1. 124 Il ressort de ce texte que la garantie du droit d'organisation professionnelle, spécialement visée par l'article 69 de la Constitution, n'a pas été directement mise en cause. Par contre, certaines autres garanties fondamentales connexes au droit syndical telles que le droit de libre opinion, le droit de réunion et d'association, et notamment le droit aux garanties judiciaires en cas d'arrestation, ont été temporairement suspendues.
    2. 125 Le Comité a noté qu'à l'origine de la suspension des garanties constitutionnelles et des mesures d'exception prises en vertu du décret-loi du 26 juillet 1953 fut une attaque à main armée contre une caserne de Santiago de Cuba, donc un fait de caractère purement politique.
    3. 126 A cet égard, le Comité rappelle que, dans son premier rapport, il a fait sien le principe général que le Conseil d'administration a approuvé sur la recommandation de son bureau pour l'examen de tels cas ; il a été en effet unanime à estimer qu'il ne convenait pas que l'Organisation internationale du Travail examine des questions purement politiques, mais il a reconnu que des situations dont l'origine est purement politique pourraient avoir des aspects sociaux que l'O.I.T peut être appelée à examiner. Le Comité estime qu'il doit se laisser guider par ce même principe dans l'examen du présent cas et se borner à considérer la question sous ses aspects purement syndicaux.
    4. 127 Les allégations présentées par le plaignant portent notamment sur la suppression du droit de réunion et d'association, l'occupation et la destruction de sièges syndicaux, la suppression d'un journal ouvrier, et l'emprisonnement sans procédure légale préalable d'un certain nombre de chefs syndicaux.
    5. 128 Le Comité, tout en s'abstenant de se prononcer sur l'aspect politique d'un régime d'exception et tout en rappelant qu'aux termes de l'article 8 de la convention no 87, ratifiée par le gouvernement cubain, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou autres collectivités organisées, de respecter la légalité sous réserve que la législation nationale ne porte pas atteinte aux garanties prévues par la convention, a néanmoins, à de nombreuses reprises, exprimé l'opinion qu'un mouvement syndical libre ne peut se développer que dans un régime garantissant les droits fondamentaux, y compris notamment le droit pour les ouvriers syndiqués de se réunir dans les locaux syndicaux, le droit de libre opinion exprimée par la parole et la presse, et le droit pour les travailleurs syndiqués de bénéficier, en cas de détention, des garanties d'une procédure judiciaire régulière engagée le plus rapidement possible.
    6. 129 Tout en réaffirmant ce principe, le Comité tient à noter les explications fournies par le gouvernement, d'après lesquelles ces mesures étaient exclusivement motivées par la nécessité de faire face à un mouvement révolutionnaire et étaient sans rapport avec le libre exercice des droits syndicaux. A l'appui de cette dernière affirmation, le gouvernement a, en effet, fait valoir que la Confédération des travailleurs de Cuba et les organisations qui y sont affiliées n'ont pas cru devoir protester. Il ressort en plus des déclarations du gouvernement qu'à l'expiration d'une période de quatre-vingt-dix jours les garanties constitutionnelles ont été intégralement rétablies.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 130. Dans ces conditions, le Comité, tenant compte, d'une part, du caractère éminemment politique des événements, d'autre part, du fait que la plainte est devenue sans objet en raison, du rétablissement des garanties constitutionnelles, estime, sous réserve des observations formulées aux paragraphes 119, 120, 128 et 129, devoir recommander au Conseil d'administration de considérer que le cas dans son ensemble n'appelle pas un examen plus approfondi.
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