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A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 54. La plainte de la Fédération des syndicats de la Jamaïque est contenue dans deux communications datées respectivement des 13 juin et 9 août 1956. L'organisation plaignante est affiliée à la Fédération syndicale mondiale.
    • Allégations relatives à la non-reconnaissance de l'organisation plaignante et de ses affiliés
  2. 55. Le plaignant allègue qu'en décembre 1953, le gouvernement de la Jamaïque aurait publié une déclaration par laquelle celui-ci indiquait qu'il n'entendait avoir de rapports avec aucune organisation ou aucun syndicat associé aux communistes ou d'allégeance communiste ; l'organisation plaignante aurait été informée par le gouvernement que ce dernier n'aurait pas de rapports avec elle ou avec ses affiliés. En particulier, le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière aurait été écarté par le gouvernement de la participation au mécanisme de relations professionnelles ; de plus, le gouvernement aurait encouragé les employeurs à ne pas avoir de rapports avec ce syndicat.
  3. 56. Le plaignant estime que l'attitude du gouvernement de la Jamaïque est en contradiction avec l'article 18, paragraphe 1, de la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947.
    • Allégations relatives aux mesures de police qui auraient été prises à la suite d'une grève
  4. 57. Le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière, enregistré à la fin de 1953, aurait demandé à être reconnu par certains employeurs, reconnaissance qui lui aurait été refusée. Le Syndicat aurait déclenché une grève de protestation. Le plaignant allègue que les autorités publiques auraient, au cours de la grève, fourni des forces de police aux employeurs pour intimider et terroriser les grévistes et pour protéger les employeurs qui avaient engagé des briseurs de grève.
    • ANALYSE DE LA REPONSE
  5. 58. Le gouvernement du Royaume-Uni a fait parvenir ses observations par une communication en date du 31 janvier 1957.
    • Allégations relatives à la non-reconnaissance de l'organisation plaignante et de ses affiliés
  6. 59. D'après la réponse du gouvernement du Royaume-Uni, la Fédération des syndicats de la Jamaïque n'est pas enregistrée ; deux de ses affiliés, cependant, sont des organisations enregistrées, à savoir : le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière, qui compte un peu plus de 300 membres, et le Syndicat des gens de mer, dont on ne connaît pas le nombre d'adhérents, mais qui est une organisation d'importance très modeste. Le gouvernement déclare que le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière, avec ses quelque 300 affiliés, ne saurait être considéré comme représentatif ; en effet, 175.000 travailleurs sont employés dans l'agriculture et 75.000 dans l'industrie sucrière, dont l'énorme majorité est groupée dans les trois grands syndicats du pays, le Syndicat industriel Bustamante, le Congrès syndical de la Jamaïque et le Syndicat national des travailleurs, lesquels participent tous au fonctionnement du mécanisme des relations professionnelles et auxquels le ministère du Travail de la Jamaïque accorde toutes les facilités possibles.
  7. 60. Le gouvernement déclare que le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière et le Syndicat des gens de mer sont des organisations enregistrées qui jouissent des mêmes droits et de la même protection légale que les autres organisations enregistrées. En ce qui concerne les avantages administratifs accordés aux syndicats, le gouvernement, pour les concéder, tient compte du caractère représentatif de l'organisation intéressée aux fins de négociations collectives et de la participation aux organes consultatifs mixtes ; il tient compte aussi de la volonté de l'organisation de respecter la structure démocratique du gouvernement de la Jamaïque. Le gouvernement déclare que les syndicats affiliés à la Fédération des syndicats de la Jamaïque ne sont pas représentatifs des travailleurs, sont dominés par les communistes et poursuivent une politique de subversion. En 1953, le gouvernement alors au pouvoir avait décidé de ne pas avoir de rapports avec la Fédération ou avec ses affiliés et avait conseillé aux employeurs d'agir de même, politique qui a été poursuivie par le gouvernement actuel. Le gouvernement précise toutefois que les employeurs sont libres d'avoir des rapports avec la Fédération et ses affiliés s'ils le désirent.
  8. 61. Le gouvernement du Royaume-Uni déclare que le gouvernement de la Jamaïque accepte les obligations découlant de l'article 18 de la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947, selon lequel ce devra être l'un des buts de la politique sociale de supprimer toute discrimination entre les travailleurs fondée sur l'affiliation syndicale. Toutefois, pour les raisons données plus haut, et compte tenu de l'obligation découlant de l'article 2, qui prévoit que toute politique destinée à être appliquée aux territoires non métropolitains doit tendre en premier lieu au bien-être et au développement des peuples de ces territoires, le gouvernement estime qu'il est indispensable pour lui de conserver toute latitude pour prendre les mesures administratives qu'il juge opportunes à l'égard de la Fédération des syndicats de la Jamaïque et de ses affiliés.
    • Allégations relatives aux mesures de police qui auraient été prises à la suite d'une grève
  9. 62. Le gouvernement assure que le plaignant entend faire allusion à la grève qui s'est déroulée en mars 1954 dans les plantations Appleton et dans des domaines de la commune de Honover ; il déclare que l'action de la police durant la grève s'est limitée au maintien de l'ordre.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 63. Le gouvernement du Royaume-Uni a ratifié la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947, et la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947 ; conformément aux déclarations faites par le gouvernement du Royaume-Uni, les dispositions de ces deux conventions sont applicables à la Jamaïque.
    • Allégations relatives à la non-reconnaissance de l'organisation plaignante et de ses affiliés
  2. 64. Il est allégué que la Fédération des syndicats de la Jamaïque et ses affiliés, en particulier le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière (organisation enregistrée), ne seraient pas reconnus par le gouverne ment, celui-ci les considérant comme étant d'allégeance communiste ; il est allégué, en outre, que le gouvernement aurait écarté ces organisations de la participation au mécanisme de relations professionnelles et aurait engagé les employeurs à ne pas entretenir de relations avec elles. Le plaignant allègue enfin que l'attitude adoptée par le gouvernement constituerait une violation des dispositions de la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947.
  3. 65. Le gouvernement accepte les obligations qui découlent de l'article 18, paragraphe 1, de la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947, selon lequel ce devra être l'un des buts de la politique sociale de supprimer toute discrimination entre les travailleurs fondée sur l'affiliation syndicale, en particulier en ce qui concerne la participation à la négociation de conventions collectives. Il prétend néanmoins qu'admettre des organisations qu'il considère comme dominées par les communistes et dont l'activité est consacrée à la subversion à participer au mécanisme mixte de négociation fonctionnant sous les auspices du ministère du Travail ne serait pas conforme à l'obligation qui découle de l'article 2 de la convention, aux termes duquel toute politique destinée à être appliquée aux territoires non métropolitains doit tendre en premier lieu au bien-être et au développement des peuples de ces territoires, en l'occurrence du territoire de la Jamaïque.
  4. 66. Le Comité estime qu'il ne lui appartient pas de donner une interprétation des dispositions de la convention sur la politique sociale (territoires non métropolitains), 1947, ni de formuler un jugement sur l'interdépendance des diverses dispositions de ladite convention, laquelle ne traite pas au premier chef de la garantie des droits syndicaux et dont l'application dans les différents territoires fera l'objet, en temps utile, d'un examen de la Commission d'experts sur l'application des conventions ; il estime qu'il devrait examiner les allégations présentées dans le cas d'espèce à la lumière des principes généralement admis en matière de liberté syndicale, y compris ceux qui sont contenus dans la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947.
  5. 67. Indépendamment des considérations d'ordre politique mentionnées plus haut, le gouvernement estime qu'avant de concéder aux organisations certains avantages administratifs et, en particulier, une participation au mécanisme de consultations mixtes, il convient de s'assurer que les organisations dont il s'agit sont bien représentatives des travailleurs. Le gouvernement indique qu'alors que le syndicat affilié à l'organisation plaignante dont il est question dans la plainte ne compte que quelque 300 membres, il existe 175.000 travailleurs agricoles et 75.000 travailleurs de l'industrie sucrière qui sont groupés dans trois grands syndicats, lesquels participent au mécanisme permanent de négociation collective. Le gouvernement ajoute que le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière, qui est enregistré, jouit des mêmes droits que les autres organisations enregistrées et que les employeurs sont libres de négocier avec lui s'il le désirent.
  6. 68. Dans le cas no 52, relatif au territoire de Trieste, le Comité a eu à examiner le cas d'une organisation tenue à l'écart des divers organismes de consultation fonctionnant sous les auspices du gouvernement, alors que d'autres organisations, dont les effectifs étaient plus importants, participaient auxdits organismes. En cette occasion, le Comité avait estimé qu'alors qu'il pourrait sembler désirable qu'en instituant des comités paritaires du genre de ceux qui étaient envisagés en l'occurrence, chargés d'examiner des problèmes intéressant les travailleurs, les gouvernements prennent les mesures nécessaires pour assurer une représentation équitable aux diverses sections du mouvement syndical qui s'intéressent plus particulièrement aux problèmes dont il s'agit, le plaignant n'avait pas fourni de preuves suffisantes pour démontrer que ses effectifs étaient suffisamment nombreux pour qu'il y ait discrimination à son détriment en faveur de syndicats rivaux qui n'auraient pas un caractère plus représentatif. Dans le cas d'espèce, où les effectifs de l'organisation plaignante sont considérablement moindres que ceux des organisations admises à participer aux mécanismes paritaires de négociation, le Comité estime qu'il devrait formuler la même conclusion que dans le cas no 52.
  7. 69. Outre la question de la non-reconnaissance par le ministère du Travail, le plaignant déclare que le gouvernement a engagé les employeurs à n'avoir pas de rapports avec lui ou avec son affilié, le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière. Le gouvernement fait valoir que le syndicat en question est enregistré et habilité à conclure des accords avec les employeurs qui sont disposés à négocier avec lui.
  8. 70. L'article 3 de la convention sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, dispose que toutes mesures pratiques et possibles seront prises pour assurer aux organisations syndicales représentant les travailleurs intéressés le droit de conclure des conventions collectives avec des employeurs ou avec des organisations d'employeurs. Dans le cas no 57 relatif à la Guyane britannique'-, le Comité avait estimé que le gouvernement avait rempli les obligations découlant de l'article 3 de la convention mentionnée ci-dessus du fait qu'il avait enregistré l'organisation plaignante conformément à la législation en vigueur et l'avait habilitée ainsi à conclure librement des conventions collectives. Dans le cas en question, les employeurs de l'industrie sucrière, ayant déjà reconnu cinq syndicats, refusaient de reconnaître l'organisation plaignante, car ils estimaient qu'aux fins des négociations collectives la catégorie des travailleurs intéressés avait une représentation adéquate au sein des cinq autres organisations. Le Comité avait noté que le sixième syndicat était régulièrement enregistré et libre, par conséquent, de chercher à conclure des conventions collectives ; il avait estimé cependant qu'aucune disposition de la convention n'obligeait le gouvernement à donner effet au principe des négociations collectives en ayant recours à des moyens de contrainte, et considéré que le plaignant n'avait pas apporté la preuve qu'il y eût eu, en l'occurrence, atteinte à la liberté syndicale.
  9. 71. De même, dans le cas présent, où l'organisation plaignante n'allègue pas qu'elle-même ou les syndicats qui lui sont affiliés se sont vu refuser le droit d'exister, ni ne démontre que le gouvernement est tenu de par la loi de contraindre les employeurs à les reconnaître aux fins des négociations collectives, le Comité estime que l'organisation plaignante n'a pas apporté de preuve suffisante établissant qu'il y aurait eu, en l'occurrence, atteinte aux droits syndicaux et recommande au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
    • Allégations relatives aux mesures de police qui auraient été prises à la suite d'une grève
  10. 72. Le plaignant allègue qu'au cours d'une grève déclenchée par le Syndicat des travailleurs agricoles et de l'industrie sucrière, le gouvernement aurait fourni gratuitement des forces de police aux employeurs en vue d'intimider et de terroriser les grévistes et de protéger les employeurs qui avaient fait appel à des travailleurs venus d'autres districts. Le gouvernement indique simplement que l'action de la police s'est limitée au maintien de l'ordre.
  11. 73. Le plaignant, tout en attribuant aux autorités des motifs hostiles, n'invoque aucun acte précis dont les forces de police se seraient rendues coupables ; en fait, il se contente d'alléguer que la police aurait été envoyée sur les lieux pour « protéger » les employeurs ; de son côté, le gouvernement déclare que la police a été envoyée sur place uniquement pour maintenir l'ordre.
  12. 74. Dans un certain nombre de cas antérieurs, le Comité, tout en exprimant l'avis que l'emploi de la police en vue de briser une grève aurait constitué une atteinte aux droits syndicaux, a recommandé de ne pas donner suite aux allégations se rapportant à une intervention de la police lorsque les données dont il disposait tendaient à montrer que cette intervention avait eu pour seul objet le maintien de l'ordre et ne restreignait en rien l'exercice légitime du droit de grève. Dans le cas présent, rien ne semble indiquer que l'intervention de la police ait consisté en autre chose que maintenir l'ordre. En conséquence, le Comité estime que le plaignant n'a pas apporté la preuve que l'intervention de la police ait constitué une atteinte aux droits syndicaux et recommande donc au Conseil d'administration de décider que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 75. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que le cas dans son ensemble n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
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