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  1. 60. La plainte du Syndicat des employés locaux des forces armées (Aden) est contenue dans deux communications des 13 février et 1er avril 1960, celle de la F.S.M, dans une communication du 5 septembre 1960 et celle de la C.I.S.L, dans deux communications des 30 septembre et 7 novembre 1960. Dans une communication du 13 février 1961, le gouvernement fait part de ses observations au sujet des plaintes déposées par la F.S.M et la C.I.S.L. Les observations du gouvernement au sujet de la plainte du syndicat des employés locaux des forces armées sont contenues dans une communication en date du 13 avril 1961.
  2. 61. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947, la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement du Royaume-Uni a déclaré les dispositions de ces trois conventions applicables à Aden sans aucune modification.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  • Allégations relatives à une grève des employés civils des farces armées et à la non-reconnaissance de leur syndicat
    1. 62 Le Syndicat des employés locaux des forces armées est un syndicat enregistré, auquel peuvent adhérer les employés civils des forces armées stationnées à Aden, ceux des troupes métropolitaines, les « auxiliaires » civils du corps de troupe levé sur place, les employés des cercles et foyers militaires et du service des cantines et coopératives militaires, ainsi que les employés de l'entreprise d'électricité rattachée aux forces armées. Il compte - selon ses déclarations - quelque 5.500 adhérents.
    2. 63 Le 11 février 1960, les trois cents adhérents du syndicat employés par le corps de troupe d'Aden se mirent en grève parce que - ainsi qu'il est allégué - le commandant des recrues refusait de considérer le syndicat comme leur représentant et déniait aux travailleurs le droit de se syndiquer. Le plaignant déclare que le 13 février 1960, des militaires du corps de troupe d'Aden attaquèrent les grévistes, hommes et femmes, et les firent monter de force dans des camions qui les emmenèrent au bureau du commandant, où il leur fut annoncé qu'ils étaient licenciés parce qu'ils avaient refusé de démissionner du syndicat et de retirer l'ordre de grève, que les plaintes pour violences déposées par les femmes auprès du commissaire au travail furent purement et simplement renvoyées au commandant du corps de troupe d'Aden, les autorités gouvernementales déclarant qu'elles n'étaient pas compétentes.
    3. 64 Les plaignants, tout en admettant que ces employés sont techniquement des «auxiliaires mobilisés » qui signent la même formule d'engagement que les soldats, signalent que ce sont en réalité des civils et exposent les divers motifs qui, outre la question de la reconnaissance du syndicat, sont à l'origine de ce litige: salaires, pécules et chances d'avancement inférieurs à ceux des militaires, installations hospitalières et médicales médiocres, faible indemnisation en cas d'accident du travail, pratique suivie par les autorités responsables, qui attribuent des marchés à de mauvais employeurs, logements et hygiène insuffisants.
    4. 65 Dans sa communication du 13 avril 1961, le gouvernement confirme - comme l'admettent les plaignants - que les trois cents personnes mentionnées dans les allégations sont des auxiliaires mobilisés (enlisted followers) et, en tant que tels, font partie intégrante des forces armées, auxquelles la Aden Protectorate Levies Ordinance est applicable; ils sont donc soumis à la discipline militaire au même titre que les soldats et les mêmes voies de recours leur sont ouvertes en cas de plainte ou de réclamation. Le 13 février 1960, certains auxiliaires mobilisés ont refusé d'obéir et ont été libérés du service. Le gouvernement déclare qu'ils avaient été prévenus que cette mesure leur serait appliquée au cas où ils persisteraient à ne pas obéir aux ordres légalement donnés. Une seule de ces personnes était une femme. Le gouvernement nie que cette femme ou toute autre femme ait été malmenée ainsi qu'il est allégué. En conclusion, le gouvernement déclare que, bien qu'une commission spéciale ait été instituée en janvier 1960 pour que les auxiliaires puissent faire valoir leur point de vue, leurs représentants n'ont pas tenu compte des assurances qui leur avaient été données que le commandement des recrues et les autorités gouvernementales étaient toujours disposés à examiner les demandes et revendications et qu'à l'époque, le commandant était en train d'étudier certaines conditions de service dont les auxiliaires s'étaient plaints.
    5. 66 Le Comité a observé que seuls trois cents des 5.500 membres du Forces Local Employees Union ont été impliqués dans l'affaire faisant l'objet des allégations formulées, que ces personnes, en fait, doivent être considérées comme formant partie intégrante des recrues du protectorat d'Aden et qu'à ce titre, elles sont soumises à la même discipline militaire que les soldats. Le syndicat paraît être un syndicat enregistré, et la question de sa reconnaissance paraît ne s'être posée que vis-à-vis des autorités militaires, qui sont, en fait, l'employeur direct des trois cents personnes en question. Encore qu'il puisse paraître un peu particulier que les employés civils des forces armées soient mobilisés au sens militaire du terme, c'est la situation qui existe à Aden; afin d'obtenir un tel emploi, les intéressés signent une formule de recrutement militaire, mais rien ne donne à penser au Comité que ce recrutement ne soit pas absolument volontaire. En conséquence, le Comité estime que dans le cas particulier, les trois cents personnes mentionnées dans la plainte doivent être considérées comme étant membres des forces armées. L'article 9 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, prévoit que la mesure dans laquelle les garanties prévues par la convention s'appliqueront aux forces armées sera déterminée par la législation nationale. En fait, la loi nationale soumet les auxiliaires mobilisés, à l'instar des soldats réguliers, à la discipline militaire et aux procédures de règlement qui sont prévues par la Aden Protectorate Levies Ordinance.
    6. 67 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de décider que ces allégations n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi.
    7. 68 En conséquence, le Comité estime, en l'absence de tout élément de preuve tendant à démontrer qu'il y ait eu atteinte à l'exercice légitime des droits syndicaux, qu'il n'est pas appelé à examiner les questions soulevées par les plaignants en ce qui concerne la solde, les promotions, l'hospitalisation et les cantonnements des auxiliaires mobilisés.
  • Allégations relatives à une grève générale et à l'ordonnance de 1960 sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage) à Aden
    1. 69 La F.S.M déclare que l'ordonnance sur les rapports de travail (conciliation et arbitrage) a été promulguée le 15 août 1960 et qu'il s'agit d'une loi inique qui, entre autres choses, interdit les grèves. En guise de protestation, une grève générale fut ordonnée. Elle dura trois jours, après quoi 150 travailleurs furent licenciés. Les plaignants estiment qu'il s'agit là d'une violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ratifiées par le gouvernement du Royaume-Uni et déclarées applicables à Aden.
    2. 70 La C.I.S.L traite en détail de ces mêmes questions. Elle allègue que cette ordonnance a créé un système d'arbitrage obligatoire par un tribunal du travail et qu'elle rend les grèves et lock-outs illégaux avant, pendant et après la procédure d'arbitrage, sauf lorsque celle-ci n'est pas applicable. Elle ne s'applique pas - déclare le plaignant - lorsqu'il existe, à la connaissance du président du tribunal du travail, un accord prévoyant des mesures satisfaisantes en vue du règlement de tout litige en matière de salaire et qu'un certificat de dispense est donc accordé, lorsque la Couronne est en cause et refuse tout arbitrage sur les questions litigieuses, lorsque le métier, la profession ou l'industrie relèvent d'un conseil des salaires, ou lorsque le tribunal refuse de connaître du litige parce qu'il estime que l'employeur n'a pas négocié ou essayé de négocier de bonne foi.
    3. 71 L'ordonnance, votée par le Conseil législatif le 15 août 1960, a obtenu le lendemain l'agrément du gouverneur. Elle contient une clause disposant qu'elle prendrait effet à la date décidée par le gouverneur en Conseil et publiée dans la Gazette. La grève générale de protestation contre cette loi fut proclamée le 15 août 1960 par le Congrès des syndicats d'Aden. Le 17 août, des négociations furent engagées entre le gouverneur et le Congrès des syndicats d'Aden; ce dernier - ainsi qu'il est allégué - convint d'ordonner l'arrêt de la grève pour le 18 août, afin de contribuer à l'amélioration des rapports de travail, à la conclusion d'accords pour mettre sur pied des procédures applicables au règlement des litiges et pour créer son propre organisme directeur, qui conseillerait les syndicats affiliés au sujettes négociations collectives et qui collaborerait avec le commissaire au travail à une enquête sur les motifs de grève. Toutefois, les négociations furent rompues, ainsi qu'il est allégué, lorsque le gouverneur décida d'ajourner la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance en la faisant dépendre d'assurances selon lesquelles aucune autre grève ne serait proclamée pour protester contre la nouvelle loi, le Congrès des syndicats ne pouvant assumer de responsabilité pour des grèves qui pourraient être décidées sans qu'il en eût connaissance ou sans son accord, alors que le gouverneur ne voulait faire aucune déclaration concernant la protection des grévistes contre les licenciements ou autres mesures disciplinaires. En ce qui concerne ce dernier point, les plaignants déclarent que de nombreux travailleurs furent licenciés le 15 août 1960 pour avoir fait la grève et que d'autres furent rembauchés à un salaire inférieur. Ils soutiennent que, dans une lettre du 2 septembre envoyée par le secrétaire général au Congrès des syndicats d'Aden, il était dit que les mesures disciplinaires seraient maintenues, mais que toute possibilité d'emploi gouvernemental ultérieure ne serait pas supprimée pour les employés originaires d'Aden. Les plaignants condamnent cette décision, qu'ils estiment discriminatoire. L'ordonnance entra en vigueur le 18 août 1960. Le Congrès des syndicats arrêta la grève pour éviter des heurts avec la police.
    4. 72 Les plaignants soutiennent que les dispositions de l'ordonnance dont il est question au paragraphe 71 ci-dessus violent les droits syndicaux et que, lorsque les syndicats sont obligés de conclure des accords portant création de mécanismes de négociation satisfaisants ou sont menacés d'arbitrage obligatoire et d'interdiction de grèves, il ne peut y avoir de négociation collective libre, une telle contrainte étant absolument incompatible avec la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et plus particulièrement avec l'article 4 de cette convention.
    5. 73 Les plaignants opposent la situation à Aden à celle qui règne dans certains pays où le principe de l'arbitrage obligatoire a été mis en vigueur avec l'accord des syndicats, déclarant qu'à Aden, les syndicats se sont opposés à la promulgation d'une telle loi et que la majorité des membres élus du Conseil législatif (qui se compose, d'une part, de membres élus et, de l'autre, de membres nommés par le gouvernement) désirait ajourner à quatre mois l'examen du projet de loi lorsqu'il fut déposé au conseil. Les plaignants insistent sur le fait que, malgré la rupture des négociations, le Congrès des syndicats a mis sur pied l'organisme directeur dont il est question plus haut afin d'aider les syndicats affiliés à organiser, par le moyen d'accords, les mécanismes de négociation, mais que l'existence de cette ordonnance pourrait amener les employeurs à faire appel de préférence aux organes d'arbitrage obligatoire. Bien que l'ordonnance autorise le tribunal du travail à refuser de statuer sur les affaires dans lesquelles l'employeur n'a pas négocié de bonne foi, il s'agit là d'un fait dont il est difficile d'apporter la preuve. De l'avis des plaignants, tel qu'il est exprimé dans leur communication du 30 septembre 1960, l'ordonnance encourage donc les employeurs à ignorer les mécanismes de négociation volontaire, contrairement aux dispositions de ladite convention (no 98). Dans leur communication du 7 novembre 1960, les plaignants soutiennent que cette crainte s'était déjà révélée justifiée et que les employeurs vont à l'encontre de la procédure de négociation collective en s'efforçant de soumettre les litiges au tribunal du travail. Citant le cas d'un accord qui aurait été signé, si l'ordonnance n'avait été promulguée, entre les Aden Airways et le Syndicat des employés de l'aviation civile, les plaignants soutiennent que cette ordonnance n'a pas stimulé les négociations collectives, mais qu'elle représente une entrave pour les rapports de travail. Ainsi, le but avoué de l'ordonnance n'a pas été atteint.
    6. 74 Dans sa réponse du 13 février 1961, le gouvernement du Royaume-Uni commence par déclarer qu'il est heureux de profiter de cette occasion pour dissiper un certain nombre de malentendus relatifs à cette ordonnance. Ce gouvernement envoie la copie d'un Livre blanc du gouvernement d'Aden qui explique que le but essentiel de l'ordonnance est de stimuler le recours à la négociation collective volontaire et la fixation des conditions de travail et des salaires par voie de convention collective. Après avoir cité les dispositions de l'ordonnance dont il a déjà été question au paragraphe 70 ci-dessus, le gouvernement exprime son désaccord quant à la situation telle que la dépeint la C.I.S.L et déclare qu'au contraire, l'ordonnance satisfait précisément aux objectifs de l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949. Le gouvernement ne comprend pas l'affirmation de la C.I.S.L selon laquelle l'ordonnance violerait la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, du fait qu'elle n'impose aucune restriction à la liberté syndicale et qu'elle protège expressément les travailleurs de tous actes de discrimination antisyndicale.
    7. 75 Se référant encore une fois au Livre blanc, le gouvernement déclare que la situation qui a entraîné la promulgation de l'ordonnance était très trouble. Le Livre blanc lui-même fait la revue de la politique suivie au cours de ces dernières années pour encourager la création d'organismes paritaires de négociation. Il déclare que les grèves de 1959 et 1960 ont été déclenchées parce que les deux parties n'avaient pu s'entendre au sujet de conventions paritaires à ce propos, à quoi s'ajoutait le fait que les syndicats avaient refusé d'accepter tout arbitrage volontaire ou d'épuiser toutes les possibilités de négocier avant de proclamer la grève. Le Livre blanc, tout en considérant que les syndicats ont le droit de s'intéresser à la politique, affirme que le Congrès des syndicats d'Aden s'est trop occupé de questions politiques étrangères à l'action syndicale.
    8. 76 Le gouvernement poursuit en déclarant qu'au cours des six mois qui ont suivi la proclamation de l'ordonnance, les rapports de travail s'étaient faits plus constructifs; le gouvernement estime que le point de vue de la C.I.S.L au sujet de ce qui pourrait se passer après la promulgation de l'ordonnance (voir paragraphe 73 ci-dessus) est d'un pessimisme non motivé. Plusieurs accords sur les conditions de travail ont été conclus entre employeurs et syndicats; d'autres sont en cours de négociation. Selon le gouvernement, les syndicats ne se sont plaints en aucun cas de ce que l'employeur n'aurait pas négocié de bonne foi. De l'avis du gouvernement, c'est aux syndicats et aux employeurs qu'il appartient de profiter de cette possibilité pour engager des pourparlers au sujet des accords volontaires prévus par l'ordonnance.
    9. 77 En ce qui concerne les licenciements de grévistes, le gouvernement donne les renseignements suivants. Tous les employés de l'Etat avaient été prévenus que toute grève contre la nouvelle législation serait considérée comme incompatible avec leurs obligations en tant que fonctionnaires et qu'elles les exposerait à être licenciés. Le 15 août 1960, premier jour de la grève générale, 182 travailleurs, presque tous des auxiliaires rétribués à la journée, furent portés manquants et licenciés de ce fait. Soixante-six d'entre eux ont été rembauchés depuis la date d'envoi (2 septembre) de la lettre du secrétaire général à laquelle se réfère la C.I.S.L.; le rembauchage des autres est à l'étude. Les « nationaux » d'Aden ont, certes, bénéficié d'une priorité dans cette question de rembauchage, mais le gouvernement se refuse à voir là une discrimination, étant donné qu'« aucun Etat ne peut être obligé à fournir un emploi à des citoyens étrangers ».
    10. 78 Il apparaît donc que le gouvernement avait l'intention de promulguer une ordonnance rendant l'arbitrage obligatoire pour certains litiges et interdisant les grèves et lock-outs dans certaines circonstances, ordonnance qui, de l'avis des plaignants, viole certaines conventions ratifiées par le Royaume-Uni pour Aden, qu'en guise de protestation, le Congrès des syndicats d'Aden déclara une grève générale, et qu'un certain nombre de grévistes furent licenciés et que certains grévistes ont été rembauchés, la priorité étant donnée aux travailleurs originaires d'Aden.
    11. 79 L'ordonnance porte création d'un tribunal du travail chargé de régler les litiges professionnels. Le président, qui doit être nommé par le gouverneur « ... doit échapper à l'influence et à l'autorité de toute autre personne ou pouvoir » (article 6 al. 2), étant donné, toutefois, que les appels au sujet des points de droit intéressant les sentences arbitrales doivent être adressés à la Cour suprême. Le président peut nommer des assesseurs, dont la candidature est présentée (en nombres égaux) par chacune des parties en cause (article 7). La procédure suivie en vertu de cette ordonnance, qui sera examinée plus loin, n'est pas applicable dans les cas relevant de la juridiction d'un conseil des salaires (question qui échappe aux allégations) ou dans les cas où le président du tribunal accorde une dispense. Une dispense, selon toute apparence de nature générale et continue, de l'application de la procédure peut être accordée par le président sur demande présentée par l'une ou l'autre des parties lorsqu'un accord a été conclu entre le syndicat et l'employeur ou l'organisation ouvrière intéressée et qu'il contient des dispositions satisfaisantes en vue du règlement de tout litige professionnel pouvant les diviser (article 8 al. 1). Cela étant posé, chacune des parties peut signaler tout litige professionnel au responsable de la main-d'œuvre si le litige n'est pas réglé de quelque autre façon (article 10 al. 1). Ce responsable entreprend alors une conciliation, mais il doit tout d'abord renvoyer le litige en vue de son règlement par tout moyen adéquat prévu dans le cadre de l'accord liant les parties, à moins qu'il n'ait pas été possible d'aboutir à un tel règlement par ce moyen (article 11 al. 1). Si la conciliation n'aboutit pas, le responsable de la main-d'œuvre renvoie l'affaire au tribunal du travail (article 14 al. 1). Lorsque la Couronne est en cause, elle peut refuser tout arbitrage (article 14 al. 2) - les conséquences de cela seront expliquées plus loin. Même alors, le tribunal peut accorder un délai supplémentaire pour la négociation (article 14 al. 1) et peut, dans tous les cas, refuser de connaître du litige « si, de l'avis du tribunal, l'une des parties en cause, qu'il s'agisse d'un employeur ou d'une association d'employeurs, n'a pas engagé de pourparlers ou essayé d'engager des pourparlers de bonne foi » (article 14 al. 5).
    12. 80 Viennent ensuite un certain nombre de dispositions relatives aux dépositions verbales faites devant le tribunal et aux sentences arbitrales rendues par celui-ci et qui n'ont de pouvoir obligatoire que pour deux ans au maximum. Les grèves et lock-outs sont interdits en vertu de l'article 24, à moins que: a) une dispense n'ait été accordée en vertu de l'article 8 al. 1 ainsi qu'il est expliqué plus haut; b) le tribunal ne refuse de connaître du litige en vertu de l'article 14; c) le litige ne relève de la juridiction d'un conseil des salaires, ou d) la Couronne ne refuse l'arbitrage. L'article 25 interdit les grèves en cas de rupture de contrat dans les services essentiels, question qui échappe aux allégations présentées.
    13. 81 Pour résumer la situation, il semblerait que si deux parties instituent par voie d'accord un mécanisme de règlement des conflits, l'existence d'un tel mécanisme les fait immédiatement échapper aux dispositions de l'ordonnance et que la procédure est purement volontaire. Dans tout autre cas, l'une ou l'autre des parties (mais pas les autorités) doit signaler le litige au responsable de la main-d'oeuvre pour déclencher la procédure. Toutefois, même lorsqu'il n'y a pas d'organe d'arbitrage volontaire, il n'est pas exclu de faire appel à la procédure normale pour la négociation des accords collectifs. Le responsable de la main-d'oeuvre connaît du litige s'il n'est pas réglé de toute autre »tanière, c'est-à-dire par accord. Ensuite, avant que le tribunal soit saisi de la question, tout est mis en oeuvre pour arriver à un règlement par voie de négociation. A ce point de vue, les dispositions relatives à la composition du tribunal semblent être propres à garantir qu'il est institué sur une base impartiale.
    14. 82 Le gouvernement du Royaume-Uni s'est engagé, conformément à l'article 4 de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, à prendre en cas de besoin «des mesures appropriées aux conditions nationales ... pour encourager et promouvoir le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, en vue de régler, par ce moyen, les conditions d'emploi ».
    15. 83 Bien qu'il existe, entre le gouvernement et la C.I.S.L, une divergence de vues en ce qui concerne la question de savoir si l'ordonnance encouragera la conclusion de conventions collectives ou si, au contraire, elle aura pour effet d'inciter les employeurs à recourir à l'arbitrage, dans l'espoir que cette procédure sera à leur avantage - point sur lequel le Comité estime qu'il n'a pas à donner une opinion-, le Comité considère que les dispositions de l'ordonnance examinée ci-dessus ne sont pas incompatibles avec l'article 4 de ladite convention.
    16. 84 L'article 14 al. 2 de l'ordonnance permet à la Couronne de refuser ou d'accepter l'arbitrage. La Couronne est, à Aden, un employeur important. Selon le Livre blanc adressé par le gouvernement du Royaume-Uni, le gouvernement et l'armée de Sa Majesté emploient, à Aden, 11.640 personnes sur un effectif total de main-d'oeuvre s'élevant approximativement à 62.000 personnes. L'article 14 al. 2 de l'ordonnance donne à la Couronne la faculté de faire en sorte ou de permettre, en sa qualité d'employeur, qu'un conflit avec ses employés soit réglé par voie d'arbitrage, selon l'attitude qu'elle décide d'adopter à l'occasion d'un conflit donné. La loi lui donne ainsi, comme aux autres employeurs, le droit de signaler un conflit, évitant ainsi une grève, si elle le désire, mais elle peut en outre, contrairement aux autres employeurs, décider ultérieurement, à l'issue de la période de conciliation, de refuser de recourir à l'arbitrage à un moment où les syndicats - qui ne sont alors plus liés par les dispositions de l'ordonnance prohibant le recours à la grève (sauf le cas où est prescrit un préavis de grève dans toutes les professions essentielles) - ne sont peut-être plus dans une position aussi forte pour se mettre en grève. En d'autres termes, la Couronne a, en ce qui concerne l'application des dispositions relatives à l'arbitrage obligatoire de l'ordonnance, une situation privilégiée comme employeur, à la fois par rapport à ses employés et par rapport aux autres employeurs.
    17. 85 On se trouve, en réalité, en présence de deux allégations relatives au droit de grève: l'une concerne la grève générale décrétée, en signe de protestation contre l'ordonnance, le 15 août 1960, qui s'est terminée le 18 août 1960 - date de l'entrée en vigueur de l'ordonnance-, et les licenciements auxquels il a été procédé à la suite de cette grève; la seconde porte sur les dispositions de l'ordonnance restreignant l'exercice du droit de grève (dispositions qui n'ont naturellement rien à voir avec la légalité de la grève générale qui a précédé l'entrée en vigueur de l'ordonnance). Ces deux points doivent être examinés séparément.
    18. 86 La grève générale du 15 août 1960 a été décrétée en signe de protestation contre le vote d'une loi. Selon un principe constamment appliqué par le Comité, les allégations relatives à l'exercice du droit de grève ne sont pas en dehors de sa compétence dans la mesure où elles se rapportent à l'exercice de droits syndicaux et il a recommandé au Conseil d'administration, en de nombreuses occasions, d'affirmer que le droit de grève des travailleurs et des organisations de travailleurs constitue un moyen essentiel d'obtenir et de protéger des avantages professionnels. Cependant, le Comité a repoussé les allégations relatives à des grèves dépourvues de caractère professionnel, qui avaient pour but d'exercer une pression sur le gouvernement dans un domaine politique, ou qui étaient dirigées contre la politique du gouvernement et ne constituaient pas un «aspect d'un conflit du travail ». Dans le présent cas, la grève générale contre l'ordonnance était sans aucun doute une grève dirigée contre la politique du gouvernement; il est toutefois moins sûr que les allégations formulées à son propos puissent être repoussées d'emblée, sous prétexte qu'elle ne constituait pas un aspect d'un conflit du travail - les syndicats étant en conflit avec le gouvernement, en sa qualité d'employeur important, à la suite d'une mesure prise par lui dans le domaine des relations professionnelles, mesure qui, selon les syndicats, restreint l'exercice des droits syndicaux. Il semble même, à cet égard, que l'opinion était divisée au sein du Conseil législatif et que le gouvernement s'est demandé, à un certain moment, s'il ne conviendrait pas de retarder la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance, au cas où certaines garanties pourraient être obtenues de la part des syndicats. Cependant, l'objet réel de la plainte n'a pas trait à la grève générale en elle-même, mais au licenciement des grévistes. Il ressort clairement de la réponse du gouvernement que ce dernier, après avoir adopté une position de principe très nette, ainsi qu'il ressort de la lettre du secrétaire général du 2 septembre 1960, a ensuite cédé au désir de provoquer une amélioration dans une situation caractérisée par une tension considérable des relations professionnelles, en laissant espérer le rappel ultérieur des grévistes licenciés. Le gouvernement déclare que soixante-six grévistes ont été rappelés et qu'on étudie actuellement la possibilité de rappeler les autres. Il semble également ressortir de la réponse du gouvernement que la tension a quelque peu diminué au cours de ces derniers mois.
    19. 87 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration de prendre acte de la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni, qui indique que soixante-six des cent quatre-vingt-deux travailleurs licenciés pour avoir pris part à la grève générale du 15 août 1960, ont été rappelés et qu'on envisage de rappeler les autres, et de prier le gouvernement du Royaume-Uni de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant des progrès réalisés vers la réintégration de nouveaux travailleurs.
    20. 88 En ce qui concerne les dispositions relatives à la grève contenues dans l'ordonnance de 1960, il convient de se reporter à un principe important, mis en relief par le passé par le Conseil d'administration et le Comité. Tout en se rangeant aux principes généraux relatifs à la grève dont il est fait mention au paragraphe 86 ci-dessus, le Comité a souligné que, dans l'exercice du droit de grève, les travailleurs et leurs organisations doivent tenir compte des restrictions temporaires qui peuvent frapper ce droit, par exemple l'interruption de la grève pendant une procédure de conciliation et d'arbitrage à laquelle les parties peuvent prendre part à tout moment. Toutefois, le Comité a fait observer en même temps que, dans les cas où des restrictions de ce genre frappent l'exercice du droit de grève, la procédure de conciliation et d'arbitrage qui se déroule alors doit être « adéquate, impartiale et rapide».
    21. 89 Le Comité estime cependant, en tenant compte de la situation privilégiée de la Couronne dans une procédure de cette nature en vertu des dispositions de l'article 14 al. 2 de l'ordonnance (voir paragraphe 84 ci-dessus), que la procédure d'arbitrage ne satisfait pas pleinement à ce critère.
    22. 90 Le Comité observe en outre que les effets de l'article 14 al. 2, de l'ordonnance ont été également examinés, en mars 1961, par la Commission d'experts de l'O.I.T pour l'application des conventions et recommandations qui a décidé d'adresser une demande directe au gouvernement du Royaume-Uni en ce qui concerne l'application de la convention (no 84) sur le droit d'association (territoires non métropolitains), 1947.
    23. 91 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel il importe, au cas où l'exercice du droit de grève est soumis à des restrictions, afin de permettre le recours à une procédure de conciliation et d'arbitrage, que cette procédure soit adéquate, impartiale et rapide, et de demander au gouvernement eu égard au principe et aux considérations exposées aux paragraphes 84, 86 et 88 à 90 ci-dessus, de fournir des informations quant aux raisons qui sont à l'origine de l'exception dont bénéficie la Couronne en vertu de l'article 14, al. 2, de l'ordonnance sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage), 1960.
  • Allégations relatives à la suppression d'un journal syndical
    1. 92 La F.S.M et la C.I.S.L allèguent que la licence accordée au journal de la Confédération des syndicats d'Aden Al-Aniel a été révoquée le 19 août 1960 et que, dans la lettre par laquelle il informait la confédération de sa décision, le secrétaire général du gouvernement d'Aden a déclaré que, si le mouvement syndical à Aden désirait solliciter, à l'avenir, une licence pour la publication d'un journal « consacré exclusivement à des questions de travail », le gouverneur serait disposé à examiner cette requête et à déterminer dans quelles conditions une telle licence pourrait être accordée.
    2. 93 Le gouvernement confirme ces faits. Depuis la date de la première demande - en vue de publier le même journal sous un nouveau titre -, aucune autre requête n'a été reçue. Le gouvernement ajoute qu'au cas où une demande formelle lui parviendrait, «celle-ci serait examinée avec bienveillance par le gouvernement d'Aden en fonction des circonstances qui se dégagent de l'expérience passée ».
    3. 94 En d'autres occasions, le Comité a estimé que le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement constitue certainement l'un des aspects essentiels des droits syndicaux. Les raisons exactes qui ont motivé la révocation de la licence du journal de la Confédération des syndicats d'Aden ne ressortent pas clairement des plaintes reçues ni de la réponse du gouvernement, mais il est probable qu'à compter de la date de cette révocation (19 août 1960), l'affaire a été en relation avec les autres événements qui se sont déroulés à ce moment, en particulier la grève générale de protestation contre l'ordonnance de 1960, le licenciement des grévistes et l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
    4. 95 Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il a toujours attachée à la liberté de la presse syndicale, comme aussi d'exprimer l'espoir, étant donné la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle une requête de la Confédération des syndicats d'Aden en vue de la publication d'un journal serait examinée avec bienveillance par le gouvernement d'Aden, que la liberté de la presse syndicale à Aden sera bientôt de nouveau respectée, et que le gouvernement du Royaume-Uni continuera à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution ultérieure de la situation à cet égard.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 96. Tenant compte de toutes ces circonstances, le Comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de décider, pour les raisons indiquées aux paragraphes 62 à 68 ci-dessus, que les allégations relatives à une grève des employés civils des forces armées qui rentrent dans le champ de la compétence du Comité dans la mesure où elles affectent l'exercice des droits syndicaux, et seulement dans cette mesure, et les allégations relatives à la non-reconnaissance de leur syndicat, n'appellent pas un examen plus approfondi;
    • b) de prendre acte de la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni, qui indique que soixante-six des cent quatre-vingt-deux travailleurs licenciés pour avoir pris part à la grève générale du 15 août 1960 ont été rappelés et qu'on envisage de rappeler les autres, et de prier le gouvernement du Royaume-Uni de continuer à tenir le Conseil d'administration au courant des progrès effectués dans la réintégration de nouveaux travailleurs;
    • c) d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il attache au principe selon lequel il faut, lorsque l'exercice du droit de grève est soumis à des restrictions afin de permettre le recours à une procédure de conciliation et d'arbitrage, que cette procédure soit adéquate, impartiale et rapide; ainsi que de demander au gouvernement, eu égard au principe et aux considérations exposées aux paragraphes 84, 86 et 88 à 90, de fournir des informations complémentaires quant aux raisons qui sont à l'origine de l'exception dont bénéficie la Couronne en vertu de l'article 14 al. 2, de l'ordonnance sur les relations professionnelles (conciliation et arbitrage), 1960;
    • d) d'attirer l'attention du gouvernement du Royaume-Uni sur l'importance qu'il a toujours attachée à la liberté de la presse syndicale, d'exprimer l'espoir, étant donné la déclaration du gouvernement du Royaume-Uni selon laquelle une requête de la Confédération des syndicats d'Aden en vue de la publication d'un journal serait examinée avec bienveillance par le gouvernement d'Aden, que la liberté de la presse syndicale à Aden sera bientôt de nouveau respectée, et que le gouvernement du Royaume-Uni continuera à tenir le Conseil d'administration au courant de l'évolution ultérieure de la situation à cet égard.
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