Visualizar en: Inglés - Español
- 93. Dans une communication en date du 13 août 1969, la Confédération latino-américaine syndicale chrétienne (CLASC) a présenté certaines allégations de violation des droits syndicaux au Paraguay. La Confédération mondiale du travail (CMT) a appuyé cette plainte dans une lettre en date du 25 août 1969. Le gouvernement, auquel le texte de ces deux communications mentionnées ci-dessus avait été adressé, a fourni certaines observations dans une lettre en date du 11 février 1970. Dans une communication ultérieure en date du 26 février 1970, la CMT a présenté de nouvelles allégations.
- 94. Dans une communication en date du 24 mars 1971, la CMT a présenté des allégations supplémentaires. Le texte de cette communication a été transmis au gouvernement, qui n'a pas fait tenir d'observations à son sujet.
- 95. Le Paraguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes- 96. Malgré les demandes réitérées du comité, le gouvernement n'a pas fourni d'informations plus précises au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 93 ci-dessus, et il n'a pas soumis d'informations au sujet des allégations mentionnées au paragraphe 94. Par conséquent, lors de sa session de novembre 1971, le comité a adressé un appel pressant au gouvernement le priant de fournir au comité les informations demandées par celui-ci (127e rapport, paragr. 7). Cet appel étant resté sans écho, le comité, lors de sa session de février 1972, a prévenu le gouvernement que, conformément à la règle de procédure énoncée au paragraphe 17 de son 127e rapport, le comité pourrait présenter à sa session de mai 1972 un rapport sur le fond de l'affaire, même si les informations attendues du gouvernement ne lui étaient pas encore parvenues. A ce jour, le comité n'a pas reçu les informations dont il s'agit.
- 97. Dans ces conditions et avant d'examiner les allégations, le comité estime approprié de rappeler l'observation formulée par lui au paragraphe 31 de son 1er rapport, aux termes de laquelle: « Le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales, en droit comme en fait, et le comité est convaincu que si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent, en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux. »
- Allégations relatives à l'arrestation des syndicalistes Angel Riveros, Juan Félix Martínez et Agripino Silva
- 98. Dans sa communication du 13 août 1969, la CLASC allègue que le gouvernement a commis une violation des droits syndicaux et est intervenu dans l'exercice des activités syndicales. Selon cette plainte, MM. Angel Riveros, sous-secrétaire général de la Confédération chrétienne des travailleurs (CCT) et président de la Fédération régionale du département de Caaguazú des Ligues agraires chrétiennes, et Juan Félix Martinez, secrétaire pour l'organisation de la Fédération rurale chrétienne du Paraguay (FCC, ont été arrêtés à leur domicile. La CLASC ajoute que, vingt-quatre heures après leur arrestation, il n'avait pas été possible de connaître le lieu où ils étaient emprisonnés, ni les motifs réels de leur arrestation, des démarches étant faites en vue d'obtenir ces renseignements indispensables pour entreprendre toute action légale en leur faveur. D'après la CLASC, le fait que l'on cache ces dirigeants syndicaux, ainsi que l'ignorance où l'on est de leur situation en tant que détenus, sont une preuve manifeste des violations susmentionnées. Dans sa communication du 20 août 1969, la CMT appuie la plainte et sollicite l'intervention de l'OIT « en vue d'obtenir rapidement des éclaircissements sur le sort des dirigeants syndicaux précités, ainsi que leur prompte mise en liberté au cas où ils seraient maintenus en état d'arrestation par la police de ce pays ».
- 99. Dans sa communication du 26 février 1970, la CMT expose que, selon les renseignements qu'elle a reçus, M. Agripino Silva, «jeune syndicaliste paraguayen responsable des activités d'éducation ouvrière au sein de la CCT », a été arrêté et emprisonné par la police le 25 janvier 1970. L'organisation plaignante fait allusion « à l'oppression et aux persécutions » qui sont exercées contre les masses laborieuses depuis des années par le gouvernement et elle indique que « l'arrestation arbitraire et injuste d'Agripino Silva en raison de ses activités syndicales en est une nouvelle preuve flagrante ». L'organisation plaignante sollicite l'intervention de l'OIT afin que ce syndicaliste soit remis immédiatement en liberté et puisse reprendre ses activités syndicales conformément aux conventions internationales du travail, et afin que ces instruments soient respectés et appliqués par le gouvernement.
- 100. Dans sa communication du 11 février 1970, le gouvernement transmettait les renseignements fournis sur ce cas par le ministère de la Justice et du Travail. D'après ces renseignements, « les soi-disant dirigeants de la Confédération chrétienne des travailleurs ont un casier judiciaire à la délégation administrative de Caaguazú où ils ont été appréhendés le 2 juillet 1969, puis remis en liberté le 17 du même mois ». Le gouvernement ajoutait que leur arrestation n'avait pas été motivée par des activités syndicales, mais par des faits liés à des violations de l'ordre public. Au Paraguay, les activités syndicales sont assorties, déclarait le gouvernement, de garanties considérables, mais celles-ci ne peuvent être invoquées en cas d'infraction à l'ordre public. Les activités syndicales ne se déroulent pas, à l'intérieur du pays, comme le ministère de la Justice et du Travail le souhaiterait, étant donné qu'il n'existe pas d'entreprises agricoles employant un nombre suffisant de travailleurs pour former des syndicats ou des associations du personnel. Les activités rurales ne se déroulent pas dans de grandes entreprises. Il existe plutôt de petites entreprises familiales, dans lesquelles les propriétaires travaillent eux-mêmes avec l'aide de parents. Le ministère de la Justice et du Travail indiquait ignorer tout des accusations mentionnées dans la plainte, ainsi que des prétendues organisations syndicales que les plaignants prétendent représenter. Ce ministère « constate avec satisfaction le développement du mouvement syndical paraguayen et estime que ce développement ne saurait être entravé par la dénonciation de violations inexistantes de la liberté syndicale ».
- 101. Lors de sa session de mai 1970, le comité avait décidé d'inviter le gouvernement à fournir des renseignements sur les faits précis reprochés à MM. Riveros et Martinez qui auraient constitué une violation de l'ordre public, et à indiquer si ces personnes ont été mises à la disposition de l'autorité judiciaire compétente. Il avait aussi invité le gouvernement à envoyer ses observations sur les allégations relatives à l'arrestation d'Agripino Silva et d'indiquer la situation actuelle de ce dernier au regard de la loi.
- Allégations concernant l'arrestation d'Efigenio Fernandez
- 102. Dans sa communication en date du 24 mars 1971, la CMT avait mentionné l'arrestation arbitraire d'Efigenio Fernandez, secrétaire général de la Confédération des travailleurs chrétiens du Paraguay et membre suppléant du comité exécutif de la Fédération latino-américaine des syndicats de travailleurs chrétiens. M. Fernandez, déclarent les organisations plaignantes, a été arrêté à San Joaquin, le 7 mars 1971, alors qu'il accompagnait un fonctionnaire du ministère de l'Agriculture lors de la fondation d'une coopérative paysanne. Comme il est dit plus haut, aucune réponse au sujet de ces allégations n'a été reçue du gouvernement.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 103. Le gouvernement n'ayant pas fourni les renseignements qui lui étaient demandés au sujet des allégations, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de rappeler l'observation formulée par le comité dès son 1er rapport, aux termes de laquelle le but de l'ensemble de la procédure instituée est d'assurer le respect des libertés syndicales en droit comme en fait, et le comité est convaincu que si elle protège les gouvernements contre des accusations déraisonnables ceux-ci devraient reconnaître à leur tour l'importance qu'il y a, pour leur propre réputation, à ce qu'ils présentent; en vue d'un examen objectif, des réponses bien détaillées, et portant sur des faits précis, aux accusations bien détaillées, et portant sur des faits précis, qui pourraient être dirigées contre eux;
- b) de rappeler que, dans des cas comportant l'arrestation de syndicalistes, où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les gouvernements réfutaient semblables allégations en indiquant que ces arrestations avaient été opérées en raison d'activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s'est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les arrestations incriminées et les raisons exactes qui les avaient motivées, ajoutant que si, dans certains cas, le comité a conclu que des allégations relatives à l'arrestation ou à l'emprisonnement de syndicalistes ne méritaient pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance des observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que ces arrestations ou emprisonnements n'étaient pas motivés par des activités d'ordre syndical, mais seulement par des actes dépassant le cadre syndical et qui étaient soit préjudiciable à l'ordre public, soit de nature politique;
- c) de rappeler l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel toutes les personnes arrêtées devraient faire l'objet d'une procédure judiciaire régulière, conformément aux normes, énoncées dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et conformément au principe selon lequel la présentation rapide d'un détenu devant le juge compétent constitue l'une des garanties fondamentales d'instruments tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme et la Convention américaine sur les droits de l'homme;
- d) d'appeler l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel l'arrestation de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est finalement relevé pourrait entraîner des restrictions de la liberté syndicale;
- e) de déplorer le fait que, malgré de nombreux rappels, le gouvernement n'ait soumis aucune observation sur les informations demandées par le comité au sujet des graves allégations portées par les plaignants, mettant ainsi le comité dans l'impossibilité de formuler ses conclusions en pleine connaissance de cause;
- f) de charger le Directeur général de maintenir avec le gouvernement tous contacts appropriés en but d'obtenir les informations qui avaient été demandées à celui-ci au sujet des syndicalistes arrêtés mentionnés aux paragraphes 101 et 102.