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Informe definitivo - Informe núm. 150, Noviembre 1975

Caso núm. 790 (Jamaica) - Fecha de presentación de la queja:: 13-MAY-74 - Cerrado

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  1. 56. Le Syndicat jamaïcain des employés de banque a présenté une plainte par une communication du 13 mai 1974 et des informations complémentaires par une lettre du 22 juin 1974. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 10 juin et 10 octobre 1974.
  2. 57. La Jamaïque a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. A. Allégations des organisations plaignantes

A. A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 58. Le plaignant décrit, dans sa première communication, différentes atteintes qui auraient été portées aux droits syndicaux dans le cadre du refus de la Jamaica Citizens Bank de le reconnaître. Depuis le 18 décembre 1973, cette banque aurait commis, selon le plaignant, des actes de discrimination antisyndicale pour empêcher son personnel de s'organiser dans le syndicat de son choix: menaces de renvois, refus d'augmentations de salaires, tentatives d'infiltration et de "subversion" au sein du syndicat plaignant. Ce dernier, en février 1974, a introduit une demande de reconnaissance et présenté la liste vérifiée de ses membres auprès du ministère du Travail. Bien que la demande parût prima facie fondée, vu le nombre considérable de syndiqués dans le personnel, la banque refusa d'assister à une réunion pour se mettre d'accord sur la tenue d'un scrutin.
  2. 59. Le ministère du Travail, ajoute le plaignant, se contenta pendant cette période de transmettre les vues de l'employeur, plutôt que de chercher efficacement une solution au conflit. La banque accentua son opposition au syndicat et prit notamment les mesures suivantes: renvoi d'un dirigeant syndical, réduction à un grade inférieur du président du syndicat, transferts continuels des travailleurs sans juste préavis, destruction de documents syndicaux, menaces ouvertes de représailles. Elle chercha aussi à refuser le droit d'être représentée par le syndicat à certaines catégories de travailleurs, le personnel d'encadrement et de confiance, et cela sans aucun fondement juridique.
  3. 60. Le plaignant déclencha alors une grève qui mit fin, poursuit-il, à l'état de "subversion", mais qui ne parvint pas à paralyser les opérations de la banque. Celle-ci maintint son refus de négocier et prit des mesures pour placer le club du personnel de la banque sous le contrôle de la direction. Quant au ministère du Travail, non seulement il n'aurait pas institué le mécanisme approprié pour traiter l'affaire, mais il aurait collaboré avec l'employeur et fourni le premier des briseurs de grève. Au cours de l'enquête qu'il mena, il n'aurait eu d'entrevues qu'avec la direction et aurait refusé ainsi, sur des bases erronées, d'agir contre la banque ainsi que d'utiliser pleinement les procédures de négociations collectives. Aux dires du plaignant, la police aurait également collaboré avec la banque: le 26 avril 1974, douze membres du syndicat furent arrêtés pour s'être couchés dans la rue; quatre jours plus tard, le secrétaire général du syndicat fut assailli par quatre policiers alors qu'il manifestait devant le bureau central de la banque; le mime jour, une réunion à un haut niveau se tenait entre la direction de la banque et les officiers supérieurs des forces de l'ordre; deux jours plus tard, huit piquets de grève furent arrêtés et placés en détention préventive, après un coup de téléphone de la direction.
  4. 61. Le plaignant ajoute que ceux qui soutenaient le syndicat se sont vus menacés, tant avant que pendant la grève, et en collusion avec d'autres banques, de suppression des crédits et des facilités bancaires. Le ministre du Travail enfin aurait admis qu'il se trouvait pratiquement sans pouvoir pour agir, parce que le droit interne ne lui donnait pas d'autorité réelle pour régler le conflit.
  5. 62. Dans la seconde communication du plaignant, il est dit que la banque a dressé des listes de grévistes et envoyé celles-ci à toutes les banques commerciales de l'île, pour que ces travailleurs n'y soient plus jamais employés. Elle aurait également cherché à provoquer le renvoi des membres du syndicat dans d'autres secteurs d'activité comme les assurances et le tourisme; elle aurait averti divers établissements, en particulier des supermarchés, de ne pas accepter les chèques des grévistes. Le ministère du Travail n'aurait pas, de son côté, mis sur pied de commission d'enquête, malgré les demandes qui lui étaient adressées à ce sujet depuis le 25 avril 1974.
  6. 63. Le gouvernement rejette entièrement, dans sa lettre du 10 juin 1974, les accusations portées contre lui. Il indique qu'un projet de loi a été déposé devant le bureau de la Chambre des représentants pour instaurer et maintenir des relations professionnelles ordonnées et établir un mécanisme plus efficace de règlement des conflits du travail.
  7. 64. Le gouvernement a communiqué des informations plus circonstanciées le 10 octobre 1974. Il encourage, déclare-t-il, l'autonomie des parties dans l'industrie; à cette fin, le ministère du Travail et de l'Emploi fournit les moyens de résoudre les questions de représentation syndicale. Avec l'accord des parties, le ministère peut procéder à un vote secret pour déterminer les voeux des travailleurs intéressés; l'accord stipule en général que les résultats du scrutin détermineront la situation des parties en matière de négociation. Un scrutin peut aussi être organisé par le ministère afin de déterminer, pour un établissement donné, le nombre de membres d'un syndicat. Mais aucun scrutin ne peut avoir lieu sans la collaboration de l'employeur: ce dernier doit fournir une liste des travailleurs concernés et autoriser les fonctionnaires à pénétrer dans ses locaux pendant les heures de travail pour y organiser le scrutin. D'après le gouvernement, le projet de loi précité, dont on attend l'adoption prochaine, contient des dispositions relatives à la reconnaissance obligatoire d'un syndicat qui obtient la majorité des suffrages. En outre, la Constitution nationale garantit expressément le droit des travailleurs d'adhérer au syndicat de leur choix.
  8. 65. Le gouvernement communique en annexe une série de documents sur son rôle dans le conflit. On y lit que les deux parties demandèrent l'intervention du ministère qui pria le syndicat de fournir une liste certifiée de ses membres (ce qui fut fait) et demanda à la banque d'indiquer si un autre syndicat représentait ou désirait représenter les travailleurs ainsi que d'envoyer une liste de son personnel. Le syndicat l'informa que la banque refusait de le voir représenter le personnel d'encadrement et celle-ci demanda l'intervention du ministère à ce sujet. Des réunions séparées eurent lieu avec chacune des parties; par la suite, l'employeur fournit une liste de son personnel. La comparaison de celle-ci et de la liste des syndiqués révéla que, prima facie, le syndicat avait des droits à faire valoir en matière de représentation. Les parties furent alors invitées à indiquer leurs convenances quant à la date d'une réunion où l'on se mettrait d'accord pour organiser un scrutin, mais l'employeur avertit que son représentant légal n'y assisterait pas.
  9. 66. Le 8 avril 1974, la banque informa le ministère qu'une manifestation avait débuté à la suite du renvoi d'un travailleur. Le syndicat précisa qu'il s'agissait d'une grève et sollicita l'intervention du ministère. Une enquête fut menée le 16 avril, poursuit le gouvernement, et des entretiens eurent lieu avec des directeurs de service et des syndiqués; les dirigeants syndicaux n'étaient pas disponibles. Il ressortait des informations recueillies que l'action n'avait touché que deux des six services de la banque (notamment celui où travaillait la personne congédiée) et que 23 travailleurs seulement sur 164 y avaient participé, plus quelques dirigeants syndicaux extérieurs à la société. La banque déclara que ses opérations n'avaient pas été affectées et refusa toute réunion avec le syndicat parce que, selon elle, des véhicules avaient été endommagés et des menaces avaient été adressées au personnel de direction et à d'autres travailleurs restés à leur poste. Le syndicat réclama encore l'intervention du ministre et affirma que les services gouvernementaux de l'emploi avaient fourni un chauffeur à la banque durant la grève. En fait, d'après le gouvernement, cette personne avait été fournie par une firme privée de placement, comme les autres travailleurs recrutés alors.
  10. 67. Le ministre, ajoute le gouvernement, eut encore plusieurs réunions avec les deux parties, mais en dépit de tous ses efforts, la banque refusa toute rencontre avec le syndicat. La grève échoua en raison du petit nombre de participants et du fait que certains grévistes obtinrent leur réintégration et d'autres un emploi de remplacement. Au sujet du refus de mettre sur pied une commission d'enquête, le gouvernement déclare que cette procédure est réservée à des affaires où il y va de l'intérêt national ou dans lesquelles l'opinion publique est susceptible d'appuyer les recommandations faites qui ne sont pas obligatoires, et que ce n'était pas le cas en l'occurrence. Le gouvernement rejette aussi les accusations de collaboration de la police avec l'employeur et précise que les travailleurs peuvent placer des piquets de grève pacifiques. Toutefois, continue-t-il, les 26 avril et 2 mai 1974, des travailleurs syndiqués de la banque et d'autres dirigeants syndicaux bloquèrent l'entrée de l'établissement et le trafic dans la rue. Ils refusèrent de se plier à l'ordre de s'éloigner et usèrent de termes menaçants et insultants à l'égard de la police. Ils furent arrêtés, jugés dans la première semaine de septembre, reconnus coupables, admonestés et mis en liberté.

B. B. Conclusions du comité

B. B. Conclusions du comité
  1. 68. L'affaire porte donc essentiellement sur le refus d'une banque d'accepter le syndicat plaignant comme représentant de son personnel, malgré l'intervention du gouvernement. Selon le plaignant, l'employeur commit, avant et pendant la grève qui suivit, des actes de discrimination antisyndicale et d'ingérence dans les activités du syndicat. Enfin, des piquets de grève furent arrêtés.
  2. 69. Au sujet de ces arrestations, le comité tient à signaler, comme il l'a déjà fait dans le passé, que si les piquets de grève organisés dans le respect de la loi ne doivent pas voir leur action entravée par les autorités, une disposition légale peut légitimement interdire à ceux-ci de troubler l'ordre public et de menacer les travailleurs qui poursuivent le travail. Le comité note que, selon le gouvernement, les travailleurs sont autorisés à placer des piquets de grève pacifiques, mais qu'en l'espèce ceux-ci ont bloqué l'entrée de la banque et le trafic dans la rue, qu'ils ont refusé de s'éloigner et usé de termes menaçants et insultants à l'égard de la police. Le comité note également qu'ils ont été reconnus coupables par les tribunaux puis libérés.
  3. 70. Le comité observe, d'autre part, que la réponse du gouvernement ne contient pas d'informations sur les actes de discrimination antisyndicale commis par la banque, notamment avant le déclenchement de la grève et sur les actes d'ingérence dans les activités du syndicat. Le comité a déjà souligné, dans un autre cas relatif à la Jamaïque, que l'on devrait recourir à un mécanisme approprié pour l'examen de plaintes concernant des pratiques antisyndicales; bien qu'il soit souhaitable, quand cela est possible, de régler de telles réclamations au moyen de discussions, sans considérer ce processus comme un contentieux, il faudrait, s'il existe des divergences d'opinions, en référer à des personnes ou à des organismes indépendants et ce recours devrait constituer l'étape finale de la procédure. Le comité estime que ces considérations et principes valent également dans le cas présent à l'égard des allégations relatives tant aux pratiques antisyndicales qu'aux actes d'ingérence de l'employeur.
  4. 71. Au sujet du refus de la banque de reconnaître le syndicat plaignant, le comité rappelle qu'il a examiné à plusieurs reprises des plaintes analogues relatives à la Jamaïque. Il ressortait des informations disponibles dans ces affaires, et le cas présent le confirme, que, lorsqu'un vote est organisé suite à un accord des parties, cet accord prévoit habituellement que la situation des parties en matière de négociation est déterminée en fonction des résultats du vote; en revanche, s'il ne se base pas sur un accord, le vote d'investigation a seulement pour objet de déterminer les désirs des travailleurs à l'égard du syndicat requérant. En tout état de cause, le ministère ne peut organiser aucun scrutin sans la collaboration de l'employeur qui doit fournir une liste des travailleurs concernés et autoriser les fonctionnaires à organiser le scrutin dans ses locaux pendant les heures de travail.
  5. 72. Le comité constate en l'occurrence que, bien qu'une demande de reconnaissance appuyée par une liste certifiée d'adhérents ait été présentée au ministère du Travail et de l'Emploi, et que les prétentions du syndicat intéressé paraissaient suffisamment fondées pour justifier un vote, l'employeur a refusé sa collaboration et a empêché ainsi la tenue du scrutin.
  6. 73. Le comité a déjà souligné, notamment dans des cas similaires concernant la Jamaïque, l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de leur personnel aux fins de négociations collectives. Le comité a aussi indiqué que les autorités compétentes devraient être toujours habilitées à procéder à une vérification objective d'une demande d'un syndicat affirmant qu'il représente la majorité des travailleurs d'une entreprise, pour autant qu'une telle demande soit plausible. Il a estimé que, si le syndicat intéressé se révèle grouper la majorité des travailleurs, les autorités devraient prendre les mesures appropriées de conciliation pour obtenir la reconnaissance, par l'employeur, de ce syndicat aux fins de négociation collective.
  7. 74. A cet égard, le comité avait notée qu'un projet de loi sur les relations professionnelles et les différends du travail a été soumis à la Chambre des représentants et qu'il contient des dispositions sur la reconnaissance obligatoire d'un syndicat qui sort victorieux du scrutin. En vertu de ce projet, le ministre pourra, à la demande de l'employeur ou d'un syndicat revendiquant des droits de négociation pour un groupe de travailleurs d'une unité donnée, provoquer l'organisation d'un scrutin afin de déterminer les syndicats les plus représentatifs. Si le vote révèle qu'une majorité de travailleurs souhaitent être représentés par un syndicat déterminé, l'employeur doit reconnaître celui-ci comme agent de négociation, sous peine de sanctions sévères. Le comité avait remarqué que si les termes du projet semblaient laisser la décision d'organiser ou non un vote à la discrétion du ministre, ce dernier avait déclaré devant le Parlement qu'il était décidé à légaliser la reconnaissance obligatoire des syndicats, selon des "procédures d'enregistrement", comprenant obligatoirement un scrutin.
  8. 75. Le comité prend note avec intérêt de la déclaration du gouvernement selon laquelle on attend l'adoption prochaine de ce projet de loi. Le comité considère que cette nouvelle législation permettrait d'éviter ce type de conflit et servirait à la promotion de la négociation collective.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 76. Dans ces conditions, et pour l'ensemble du cas, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) au sujet des allégations relatives aux pratiques antisyndicales et aux actes d'ingérence des employeurs dans les activités du syndicat, d'attirer l'attention du gouvernement sur les considérations et principes exposés su paragraphe 70;
    • b) au sujet du refus de la banque de reconnaître le syndicat plaignant:
    • i) d'attirer à nouveau l'attention du gouvernement sur les considérations et principes exposés aux paragraphes 73 et 74;
    • ii) d'exprimer l'espoir que le projet de loi précité sera rapidement adopté; et
    • iii) de prier le gouvernement de le tenir informé de tout prolongement de cette affaire.
      • Genève, 27 février 1975. (Signé) Roberto AGO, Président.
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