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- 146. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de novembre 1978 à l'occasion de laquelle il avait soumis un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
- 147. Le Chili n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 148. Depuis le dernier examen du cas, le BIT a transmis pour observations au gouvernement des communications reçues d'organisations déjà plaignantes concernant les mesures prises par le gouvernement en matière syndicale en octobre 1978. Ces communications émanent de la Fédération syndicale mondiale (25 octobre 1978), la Confédération internationale des syndicats libres (26 octobre 1978), l'Union internationale des syndicats des travailleurs de la métallurgie (27 octobre 1978), l'Union internationale des syndicats des travailleurs du textile, de l'habillement et des cuirs et peaux (30 octobre 1978), le Congrès permanent de l'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (2 novembre 1978). Le BIT a également transmis une lettre du Front unitaire des travailleurs du Chili (20 décembre 1978) ainsi que des communications de la Fédération syndicale mondiale et de la Confédération internationale des syndicats libres respectivement datées des 4 décembre 1978 et 12 janvier 1979, qui déclarent faire leurs les allégations formulées par un comité de défense des droits syndicaux de Santiago du Chili dans une lettre du 26 octobre 1978. Par ailleurs, la Confédération mondiale du travail a transmis, le 20 décembre 1978, une communication de la Fédération latino-américaine des travailleurs du textile, de l'habillement, de la chaussure, du cuir et connexes se référant aux mêmes faits que les allégations antérieurement reçues des autres plaignants.
- 149. Pour sa part, le gouvernement a adressé des informations et observations dans des communications des 16 novembre 1978, 4 et 19 janvier 1979, ainsi que des 2, 7 et 9 février 1979. Il convient également de rappeler que le gouvernement avait adressé un rapport le 31 octobre 1978 que le comité n'avait pas été en mesure d'examiner de façon approfondie à sa session de novembre 1978.
- I. Question relative à l'adoption d'une nouvelle législation syndicale
- 150. Dans une déclaration prononcée en octobre 1918, dont le comité avait pris connaissance lors de sa précédente session, le ministre du Travail avait annoncé que la rédaction du code du travail était en voie d'achèvement et que le gouvernement avait adopté un décret-loi qui consacre la pleine liberté d'affiliation des travailleurs à un syndicat.
- 151. A sa session de novembre 1978, le conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, noté que la nouvelle législation syndicale était en voie d'achèvement, exprimé l'espoir que le comité serait à même de l'examiner à sa session de février 1979 et qu'elle serait pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale.
- 152. Dans sa communication du 19 janvier 1979, le gouvernement indique que le ministère du Travail a reçu et étudié les rapports du Conseil d'Etat au sujet des droits syndical et de négociation collective. Il est précisé, en annexe de la communication, que la commission compétente du Conseil d'Etat s'est entretenue avec de nombreux dirigeants d'organisations nationales de travailleurs et d'employeurs de différents secteurs d'activité. Il ressort de la liste des personnes consultées que les dirigeants travailleurs qui ont été entendus par la commission appartiennent à diverses tendances du mouvement syndical.
- 153. Le gouvernement déclare également que le projet de réforme de la Constitution politique est actuellement examiné par le Conseil d'Etat. Le texte définitif contiendra des normes de fond sur les droits syndicaux et de négociation collective. Il sera soumis à référendum.
- 154. L'actuel ministre du Travail, nommé à la fin de 1978, a rendu public, lors d'une déclaration prononcée le 2 janvier 1979 devant des dirigeants d'organisations de travailleurs et d'employeurs, le contenu du "Plan social" qui fixe les orientations et décisions de fond du gouvernement au sujet de la création d'un nouveau système institutionnel en matière de travail.
- 155. Il est précisé, dans la communication du gouvernement du 19 janvier 1979, que la préparation des modalités d'application de ce "Plan social" a donné lieu à de nombreuses réunions avec des dirigeants travailleurs et employeurs. En outre, une commission spéciale de haut niveau a été constituée afin de recueillir les propositions avancées par les dirigeants de différentes tendances et de présenter, dans un bref délai, des conclusions au sujet du projet définitif de législation syndicale.
- 156. Les principes, qui sont à la base de ce "Plan social tels qu'annoncés par le ministre du Travail, doivent conduire à un syndicalisme présentant les caractéristiques suivantes:
- - Un syndicalisme libre, ce qui implique le droit des travailleurs d'agir collectivement par l'intermédiaire de syndicats constitués et organisés conformément à la volonté de leurs membres, sans autres limites que celles fixées par le droit pour le respect du bien commun et des finalités propres des syndicats. Cette liberté entraîne comme corollaires le droit du travailleur de s'affilier ou de se désaffilier par un acte personnel, libre, volontaire et intransmissible, ainsi que le droit de l'assemblée syndicale de se manifester en tant qu'organe de décision centrale du syndicat. Pour ce qui est du nombre de syndicats pouvant exister dans une entreprise et du droit de former des fédérations et confédérations, la loi devra consacrer des normes qui harmonisent la variété voulue par les travailleurs et les exigences d'un fonctionnement rationnel et efficace de l'économie et des entreprises.
- - Un syndicalisme démocratique, ce qui exige la liberté des affiliés de désigner leurs organes directeurs et la garantie que ces derniers agissent conformément aux décisions prises par les membres.
- - Un syndicalisme bénéficiant de ressources, ce qui exige l'obligation pour les affiliés de cotiser à leur organisation. Cette cotisation pourra être payée par prélèvements à la source sur décision de chaque affilié dans le cadre du syndicat d'entreprise et de la majorité des membres d'un syndicat dans le cadre des fédérations et confédérations.
- - Un syndicalisme autonome et dépolitisé. Ceci doit exclure toute utilisation de l'organisation syndicale par des groupes ou intérêts qui lui sont étrangers, quels que soient leur caractère ou origine. Du fait de l'expérience passée, il est impérieux de ne pas permettre la politisation des syndicats et d'empêcher que ceux-ci soient dirigés par des personnes exerçant des activités politiques partisanes ou propageant des doctrines contraires aux bases essentielles du système institutionnel. Les décisions concernant chaque cas particulier d'inéligibilité et d'incompatibilité appartiendront à des tribunaux indépendants. En contrepartie de ces limitations, le dirigeant syndical élu jouira des garanties assurant son indépendance dans l'exercice de ses fonctions.
- 157. En présentant les grandes lignes de ce "Plan social", le ministre a indiqué que la loi sur les organisations syndicales serait promulguée avant le 30 juin 1979. Cette promulgation s'inscrit dans le cadre d'un processus progressif qui se traduit dans l'immédiat par l'établissement de la plus large liberté de réunion et l'adoption de normes en vue de faciliter le recouvrement des cotisations des travailleurs à leurs syndicats.
- 158. Le ministre du Travail a, en effet, annoncé l'adoption d'une résolution du ministre de l'Intérieur du 2 janvier 1979, pour tous les intendants et gouverneurs du pays, en vertu de laquelle toutes les directions des organisations syndicales, qu'il s'agisse de syndicats, fédérations ou confédérations, sont autorisées à tenir avec les membres des réunions ordinaires ou extraordinaires pour traiter des affaires de l'organisation, sans qu'il soit nécessaire de demander une autorisation préalable aux autorités compétentes Les réunions en question doivent avoir lieu aux sièges des syndicats et en dehors des heures de travail. Ces dispositions ont été reprises dans le décret-loi no 2544 publié au Journal officiel le 9 février 1979. Ce décret-loi abroge en outre l'article 4 du décret-loi no 198 relatif aux réunions syndicales. Il précise qu'à défaut de local lui appartenant, l'organisation pourra tenir ses réunions dans un local privé, moyennant notification préalable à l'unité de gendarmerie la plus proche. Les dispositions en question sont également applicables aux associations de fonctionnaires ainsi que, en général, à celles des employés des secteurs public et semi-public.
- 159. Le décret-loi no 2545 a été également promulgué le 9 février 1979 en vue d'accorder des facilités aux organisations de travailleurs afin qu'elles obtiennent un recouvrement rapide des cotisations de leurs membres. Le système adopté prévoit la possibilité d'utiliser, sur une base volontaire, la retenue à la source des contributions par l'employeur. Selon le gouvernement, ce mécanisme a été bien accueilli, tant du côté des employeurs que de celui des travailleurs. Il s'applique également aux organisations syndicales du secteur agricole ainsi qu'aux associations de fonctionnaires. Enfin le décret-loi no 2545 dispose que l'affiliation d'un syndicat à un organe de degré supérieur doit être décidée à la majorité absolue des syndiqués au cours d'une assemblée spécialement convoquée à cet effet à laquelle doit assister un inspecteur du travail ou un notaire. La décision d'affiliation doit être renouvelée tous les deux ans et les décisions d'augmentation des cotisations par les fédérations et confédérations doivent être ratifiées par les assemblées de base pour produire effet.
- 160. Le gouvernement indique enfin qu'il fournira des informations plus détaillées au sujet de la nouvelle législation syndicale pour la prochaine session du comité, époque à laquelle il lui sera facile de préciser le contenu des normes à adopter, après que toutes les opinions auront été entendues.
- 161. Le comité prend note de la déclaration du ministre du Travail aux termes de laquelle la nouvelle législation syndicale devrait être adoptée avant le 30 juin 1979. Le comité estime, à la lumière des informations fournies par le gouvernement, que les lignes directrices retenues à la base de cette législation devraient permettre l'adoption de dispositions assurant un plus grand respect des principes de la liberté syndicale que celles qui étaient en vigueur. En outre, le comité note avec intérêt que des dispositions ont été adoptées en vue de garantir la liberté de réunion des organisations syndicales. Il note également qu'un décret-loi facilitant le recouvrement des cotisations syndicales a été promulgué.
- 162. Le comité ne pourra toutefois se prononcer en connaissance de cause sur la conformité de la nouvelle législation syndicale avec les principes généralement reconnus en la matière que lorsqu'il sera en possession du texte complet des dispositions en question. Le comité prend note à cet égard de l'assurance donnée par le gouvernement que des informations plus détaillées seront fournies pour sa prochaine session. Dans ce contexte, compte tenu des préoccupations qui se sont exprimées au sein de l'OIT en ce qui concerne la situation syndicale au Chili, le comité ne saurait trop insister sur l'importance que revêtirait un examen par ses soins des dispositions du projet avant leur promulgation prévue pour juin 1979. Il exprime donc la ferme espoir que le gouvernement sera en mesure, pour sa prochaine session, de lui fournir tous les éléments nécessaires à un examen approfondi du projet, ainsi que des mesures prévues par le gouvernement pour la mise en pratique de la nouvelle loi.
- 163. Dans cette attente, le comité croit utile de rappeler les recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation au sujet de l'adoption d'une nouvelle législation syndicale. La commission avait estimé que cette législation devrait, pour être conforme aux principes de la liberté syndicale consacrés dans la Constitution de l'OIT et pour permettre la ratification des conventions sur la liberté syndicale, consacrer en particulier les principes suivants':
- 1) Le droit des travailleurs, sans distinction d'aucune sorte, y compris les fonctionnaires publics, de constituer des organisations de leur choix. En vertu de ce principe doivent être évitées toutes restrictions qui limitent le libre choix du type et du nombre d'organisations que les travailleurs désirent créer, en ce qui concerne tant les syndicats de base que les fédérations et les confédérations pouvant rassembler des organisations de différentes professions, activités ou industries.
- 2) Le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable et sans participation des autorités à l'acte constitutif.
- 3) Le droit des organisations de tenir des réunions en l'absence de tout contrôle des autorités, aux fins de discuter librement les questions relatives à la gestion interne et à la défense des intérêts de leurs membres.
- 4) Le droit des organisations d'élire librement leurs représentants, sans limitation du nombre de périodes pendant lesquelles ceux-ci pourront exercer leurs fonctions syndicales, et de décider par elles-mêmes des questions relatives aux destitutions des dirigeants par les adhérents.
- 5) Le droit des organisations d'organiser leur gestion sans intervention des autorités.
- 6) Le droit des organisations de jouir de toutes les garanties de la défense au cas où la justice serait appelée à se prononcer sur leur suspension ou leur dissolution.
- 164. Le comité doit aussi souligner l'intérêt que présente, dans le cadre de la préparation dune législation syndicale, la consultation systématique et approfondie des organisations d'employeurs et de travailleurs. A cet égard, le comité a relevé que le ministre du Travail s'est entretenu avec des dirigeants appartenant à diverses tendances du mouvement syndical ainsi que des représentants des employeurs.
- 165. Enfin, le comité doit signaler qu'il serait très souhaitable que la nouvelle législation soit mise en application dans son intégralité le plus rapidement possible afin qu'un terme soit apporté aux restrictions importantes qui ont été imposées depuis 1973 aux organisations syndicales.
- II. Activités syndicales
- a) Négociation collective
- 166. Dans un discours prononcé en octobre 1978, le ministre du Travail avait indiqué que le pays s'apprêtait à réinstaurer la négociation collective sous des formes modernes et rénovées qui favoriseraient son efficacité dans une société réellement libre. Pour le ministre, ce progrès était rendu possible grâce au succès avec lequel le gouvernement et le peuple chiliens avaient surmonté la ruine économique du pays. La négociation collective se déroulerait au niveau des entreprises.
- 167. A leur session de novembre 1978, le comité et le Conseil d'administration avaient exprimé l'espoir que le gouvernement tiendrait compte, lors du rétablissement de la négociation collective, des principes exprimés par le comité au sujet de l'arbitrage obligatoire qui serait contraire à la liberté syndicale.
- 168. En présentant le "Plan social" du gouvernement, au début de janvier 1979, le ministre du Travail a déclaré qu'il fallait tendre vers un système de négociation collective qui réunisse les caractéristiques suivantes:
- - efficace et juste, ce qui incite à en situer le cadre au sein de chaque entreprise, sans préjudice des exceptions strictement nécessaires pour les activités où une telle formule ne serait pas viable;
- - technique, ce qui exige que les deux parties négocient avec une maîtrise parfaite des dossiers et avec l'aide de l'assistance technique éventuellement nécessaire;
- - responsable et intégré, ce qui ne peut se réaliser que dans le cadre de mécanismes de conciliation puisque l'expérience prouve que des formules de médiation et d'arbitrage ne jouissaient pas de la confiance qui facilite la solution équitable et pacifique des négociations salariales. De ce fait, les grèves proliférèrent dans la mesure où, au lieu de constituer l'ultime recours lors d'un conflit non résolu, elles devinrent un moyen habituel et immédiat de recherche d'une solution à ce conflit. Il est clair que la grève ne peut être légalement acceptée quand elle affecte des services d'utilité publique ou quand l'arrêt de travail provoque de graves dommages à la santé ou à l'approvisionnement de la population, à l'économie du pays ou à la sécurité nationale. En exigeant dans ces cas l'arbitrage obligatoire, le Chili suit l'orientation prévalant dans les régimes démocratiques les plus avancés en ce domaine. En revanche, la situation est différente dans les entreprises où de tels effets ne se répercutent pas sur la société et où le problème se réduit à un différend entre employeurs et travailleurs sans affecter de façon vitale l'état ou la population. Dans ces cas, il n'existe aucun inconvénient à admettre la possibilité de grèves et de lock-out professionnels.
- 169. En concluant ce point, le ministre du Travail a signalé que ses déclarations sur la négociation collective ne concernaient pas les travailleurs de l'état et des municipalités. Enfin, il a indiqué que la législation en matière de négociation collective entrerait en vigueur avant le 30 juin 1979.
- 170. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur ce point, notamment quant à l'adoption prochaine d'une nouvelle législation sur la négociation collective. Le comité note en outre avec intérêt que, selon les déclarations du ministre du Travail, la procédure d'arbitrage obligatoire ne serait pas appliquée à tous les différends collectifs de travail, contrairement à ce qui avait été annoncé antérieurement, mais uniquement à des cas limités.
- 171. Dans ces conditions, le comité exprime l'espoir que le rétablissement de la négociation collective, dont la Commission d'investigation et de conciliation avait déjà relevé qu'elle constituait une aspiration générale des milieux syndicaux, sera effectif dans un très proche délai. De l'avis du comité, cela constituerait un facteur important d'amélioration des relations professionnelles dans le pays.
- 172. Le comité a cependant relevé que, aux termes de la déclaration du ministre du Travail, le cadre de la négociation collective se situera principalement au niveau de l'entreprise. A cet égard, le comité estime utile de signaler que la loi ne devrait pas faire obstacle à la participation des fédérations et confédérations à la négociation collective volontaire des conditions de travail.
- b) Allégations relatives à des conflits collectifs de travail
- 173. Certaines organisations plaignantes, notamment la CISL et la FSM, s'étaient référées à des conflits collectifs du travail survenus récemment au Chili, en particulier dans le secteur minier de Chuquicamata. Après deux années de démarches infructueuses en vue d'une amélioration des salaires, soutenaient les plaignants, les travailleurs de Chuquicamata avaient présenté, le 8 août 1978, un cahier de revendications socio-économiques concernant les points suivants: demande d'augmentation des traitements de 50 pour cent, de l'indemnité de résidence et de la prime de production, ainsi qu'obtention de bourses pour les enfants étudiants. La direction de l'entreprise minière publique répondit en licenciant six dirigeants syndicaux qui avaient participé à l'assemblée au cours de laquelle le cahier de revendications avait été approuvé. Afin de protester contre ces mesures ainsi que contre les prix des repas dans l'entreprise, les mineurs entamèrent ce que l'on a appelé "la grève des cantines", c'est-à-dire qu'ils s'abstinrent de prendre leurs repas dans les cantines de l'entreprise.
- 174. A la suite de ce mouvement, le gouvernement décréta l'état de siège dans toute la province. Cette mesure entraînait diverses conséquences, en particulier le fait que toute réunion ou assemblée devait être soumise à une demande écrite dûment motivée, présentée 24 heures à l'avance au Commandant de garnison. La circulation des personnes à l'entrée et à la sortie de la province était contrôlée, ainsi que l'entrée dans les mines, seuls les travailleurs pouvant y pénétrer. En outre, des travailleurs furent détenus, assignés à résidence dans un endroit éloigné du pays ou mis sous contrôle domiciliaire.
- 175. Dans son rapport d'octobre 1978, le gouvernement avait indiqué que le conflit avait été réglé par des négociations à la suite desquelles diverses primes et indemnités avaient été accordées aux travailleurs et que les travailleurs licenciés avaient été réintégrés. En outre, les travailleurs arrêtés avaient été relâchés.
- 176. Le gouvernement précise en outre dans sa communication du 19 janvier 1979 qu'il n'y a pas eu de mouvement de grève au cours de ce différend collectif, mais seulement un refus de prendre des repas aux cantines de l'entreprise en signe de protestation contre le retard apporté dans la satisfaction de revendications. Quelques éléments prétendaient utiliser cette protestation légitime pour obtenir des bénéfices politiques, ce que le gouvernement empêcha dans la mesure où cela débordait du caractère professionnel que doivent revêtir les activités syndicales. D'autre part, une aggravation du conflit aurait affecté toute l'économie du pays. Aucun dirigeant syndical n'a été mêlé aux activités étrangères au mouvement proprement professionnel. Le gouvernement répète que les travailleurs licenciés pour avoir participé à des activités subversives furent réintégrés dans leur totalité. Il déclare que l'assignation à résidence de certains travailleurs fut brève et ne s'effectua qu'à 50 kilomètres de Chuquicamata. Enfin, le gouvernement indique que, au cours des négociations, les relations n'ont jamais été rompues entre la direction de l'entreprise et les syndicats et le conflit a été résolu un mois et demi après son déclenchement.
- 177. Le comité prend note des informations fournies par le gouvernement au sujet de ce conflit collectif du travail. Il constate que le différend en question n'a pas entraîné de mouvement de grève, mais seulement une action de protestation à l'appui de revendications d'ordre professionnel. Selon le gouvernement, les mesures de licenciement et d'assignation à résidence prises à l'encontre de certains travailleurs l'ont été en raison des activités subversives menées par les intéressés à l'occasion de ce conflit. Ces mesures ont été ensuite rapportées.
- 178. Tout en notant cette déclaration, le comité ne peut cependant manquer de relever que les licenciements de travailleurs sont intervenus très peu de temps après l'assemblée générale ayant décidé de déclencher le mouvement de protestation. Par ailleurs, les articles parus dans la presse chilienne au sujet de cette affaire montrent que des dirigeants syndicaux de toutes tendances ont demandé la réintégration des intéressés. Le comité observe aussi que la proclamation de l'état de siège dans la région, à la suite des événements en question, a eu pour effet de restreindre de façon importante les possibilités d'action des organisations syndicales, notamment en matière de droit de réunion.
- 179. Le comité note enfin que le conflit a été réglé par un accord entre les parties. Il estime en conséquence, tout en signalant à l'attention du gouvernement les considérations exprimées ci-dessus, qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 180. Plusieurs organisations plaignantes, dont la CISL, la CMT et la FSM ont adressé des communications protestant contre la méthode d'organisation suivie par le gouvernement lors des élections syndicales le 31 octobre 1978. Certaines précisaient à cet égard que les 35.000 dirigeants syndicaux en fonctions antérieurement à cette date ne pouvaient présenter leurs candidatures.
- 181. Dans une communication du 6 novembre 1978, le gouvernement avait fourni le texte du décret-loi no 2376 sur le renouvellement des directions syndicales par élections et du décret d'application no 159 sur ces élections. Le comité avait également pris connaissance d'un discours du ministre du Travail annonçant l'organisation de ces élections peu de temps avant la date fixée pour celles-ci et décrivant la procédure adoptée ainsi que les conditions d'éligibilité retenues.
- 182. A sa session de novembre 1978, le comité s'était proposé d'examiner de façon approfondie cette question à sa session suivante. Il avait cependant d'ores et déjà relevé que le décret-loi sur les élections fixait certains cas d'inéligibilité et avait indiqué qu'en principe la levée de l'interdiction des élections syndicales, jusqu'ici en vigueur en vertu du décret-loi no 198 de 1973, pourrait représenter un progrès, à condition toutefois que les principes de la liberté syndicale soient respectés, y compris le droit des travailleurs d'élire leurs représentants en toute liberté. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration avait prié le gouvernement d'adresser des informations sur les motifs pour lesquels le décret-loi sur les élections fixait certains cas d'inéligibilité.
- 183. Le comité a examiné attentivement à sa présente session la réglementation sur l'organisation de ces élections adressée par le gouvernement. Il ressort du décret-loi no 2376 du 26 octobre 1978 que les élections concernaient les organisations de base du secteur privé, c'est-à-dire au niveau des entreprises. Etaient exclues du champ d'application du décret-loi les organisations du secteur public ainsi que des secteurs agricole, maritime et du cuivre. Ce décret-loi dispose, en son article 3, que les syndicats de travailleurs seront administrés par une direction de trois personnes. L'article 4 introduit des modifications à l'article 376 de l'ancien code du travail relatif aux conditions d'éligibilité aux fonctions de dirigeant syndical. Aux termes de l'article ainsi amendé, il faut, pour être élu dirigeant d'une organisation syndicale:
- a) être âgé d'au moins 21 ans;
- b) être Chilien. Cependant, peuvent être dirigeants les étrangers mariés à des personnes de nationalité chilienne ainsi que ceux résidant depuis plus de cinq ans dans le pays;
- c) ne pas avoir été condamné ni se trouver poursuivi pour crime ou simple délit;
- d) savoir lire et écrire;
- e) avoir une ancienneté de cinq ans de travail continu dans l'entreprise (sauf dans le cas où celle-ci a été créée depuis une période plus récente);
- f) ne pas avoir exercé d'activités politiques partisanes, ni avoir milité dans un parti politique ou avoir postulé à une charge de représentation populaire ou autre en représentation d'un parti politique, dans les dix années précédentes.
- Le non-respect de l'une de ces conditions d'éligibilité au cours du mandat du dirigeant syndical constituera une cause d'incapacité à exercer les fonctions. Cependant, dans sa communication du 2 février 1979, le gouvernement indique que le fait d'avoir exercé des activités politiques ne constituera pas une cause d'inéligibilité. Il existera seulement une incompatibilité entre une charge politique et une fonction syndicale exercées simultanément.
- 184. En vertu de l'article 5 du décret-loi, il appartient à la Direction du travail de veiller à l'application permanente des règles fixées dans l'article 376 du code du travail, tel qu'amendé. Le Directeur du travail connaîtra des questions liées aux conditions fixées à l'alinéa f) de cet article et les résoudra selon une procédure fixée par voie de règlement. L'intéressé pourra recourir devant la cour compétente en matière de travail au siège du syndicat dans un délai irrévocable de cinq jours. La cour doit demander un rapport au Directeur du travail qui doit le présenter dans les quinze jours. Elle se prononce dans les quinze jours suivants.
- 185. Selon l'article 6, pour acquérir la qualité de dirigeant syndical, le membre doit prêter, devant l'inspecteur du travail compétent, le serment suivant: "Je jure que je réunis les conditions requises par la loi pour exercer la charge de dirigeant d'une organisation syndicale, que je ne participe pas ni ne participerai à des activités ou à un mouvement politique pendant l'exercice de ma charge, que je n'essaierai pas de politiser les organisations syndicales en dénaturant leurs objectifs, que je ne consentirai pas à me prêter à de telles fins et que j'aurai pour unique objectif la juste représentation des travailleurs affiliés." Il sera dressé acte du serment, en deux exemplaires, signés conjointement par le dirigeant syndical et l'inspecteur du travail.
- 186. Le décret-loi contient également des dispositions transitoires relatives à l'organisation des élections du 31 octobre 1978. Tous les affiliés au syndicat, qui réunissent les conditions fixées par le décret, sont candidats. En conséquence, la présentation de candidatures n'est pas autorisée. Le travailleur affilié dispose de deux voix, et sont élues les trois personnes qui ont obtenu le plus grand nombre de voix. L'élection doit avoir lieu en présence d'un inspecteur du travail ou d'un fonctionnaire désigné à cet effet. Les dirigeants élus le sont pour une durée de quatre ans. Le serment prévu par le décret-loi doit être prêté dans les trente jours qui suivent l'élection. Les dirigeants actuellement en fonctions, dont les charges ne sont pas soumises à élection par le décret-loi, doivent prêter serment dans des termes analogues à ceux prévus pour les nouveaux dirigeants. Ceux qui ne satisferaient pas à cette obligation devraient cesser leurs fonctions. Enfin, ne peuvent être désignées comme dirigeants syndicaux, les personnes dont les mandats ont été prorogés ou qui ont été désignées en vertu du décret-loi no 198.
- 187. Il ressort des différentes communications du gouvernement que le décret-loi no 2376 a édicté des normes transitoires et que la procédure définitive des élections syndicales sera définie dans la nouvelle législation. Pour le gouvernement, les élections réalisées le 31 octobre 1978 ont eu le mérite d'être les premières à se tenir à scrutin authentiquement secret. Le gouvernement remarque également que 90 pour cent des travailleurs concernés ont participé au vote. Au sujet des conditions d'éligibilité retenues par le décret-loi, le gouvernement signale que celles-ci s'appliquaient à la fois aux dirigeants dont le mandat avait été prorogé par le décret-loi no 198 (et donc élus avant septembre 1973) et à ceux désignés conformément aux normes transitoires fondées sur l'ancienneté. Le gouvernement précise également que les élections n'ont pas entraîné de conséquences sur les directions des fédérations et confédérations car ces dernières sont régies par leurs propres statuts et ceux-ci n'exigent pas d'être dirigeant d'une organisation de base pour devenir membre de leur organe directeur. Enfin, le gouvernement déclare, dans sa communication du 19 janvier 1979, que la nouvelle législation syndicale ne retiendra pas ce type d'exclusion.
- 188. Dans son discours du 2 janvier 1979, le ministre du Travail a également indiqué que toute élection syndicale qui aurait lieu à l'avenir serait régie par des dispositions permanentes. En outre, ces dernières prévoiront la possibilité qu'un nombre déterminé de membres d'un syndicat ayant renouvelé sa direction conformément au décret-loi no 2376 demandent la destitution des dirigeants une seule fois au cours du mandat. Il sera alors procédé à une nouvelle élection qui sera réalisée conformément à la législation définitive en la matière.
- 189. Le comité considère que le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu'elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres. Pour que ce droit soit pleinement reconnu, il importe que les autorités publiques s'abstiennent de toute intervention de nature à en entraver l'exercice, que ce soit dans la détermination des conditions d'éligibilité des dirigeants ou dans le déroulement des élections elles-mêmes.
- 190. Le décret-loi qui régissait les élections du 31 octobre 1978 a fixé des conditions d'éligibilité dont certaines posent des problèmes de compatibilité avec les principes de la liberté syndicale, en particulier les dispositions concernant l'ancienneté dans l'entreprise, l'absence de condamnation ou de poursuite pour crime ou délit (c'est-à-dire, y compris des infractions qui pourraient ne pas être des motifs de disqualification justifiée pour l'exercice des fonctions syndicales), ainsi que la non-participation à des activités politiques. En relation avec ce dernier point, le comité relève également que les dirigeants nouvellement élus ou restant en fonctions, ont été tenus de prêter serment pour exercer leur mandat et s'engager ainsi à ne pas se livrer à des activités politiques. Le comité considère qu'une telle obligation imposée aux dirigeants syndicaux pourrait entraîner des restrictions des possibilités d'action des organisations syndicales incompatibles avec les principes de la liberté syndicale.
- 191. Le comité observe que, outre ces conditions d'éligibilité, le décret-loi a établi une norme transitoire excluant l'élection des dirigeants dont le mandat était prorogé ou qui avaient été désignés en vertu du décret-loi no 198. En d'autres termes, dans les syndicats où des élections ont été effectuées, les dirigeants syndicaux en fonctions au moment des élections, y compris ceux qui avaient été élus avant 1973, ne pouvaient être candidats Le comité considère qu'une telle exclusion était non seulement contraire aux principes de la liberté syndicale, mais qu'elle a privé en outre les organisations de dirigeants expérimentés.
- 192. Cependant, le comité a noté les déclarations récentes du ministre du Travail, selon lesquelles il pourra être procédé à de nouvelles élections avant le terme du mandat des directions élues en octobre 1978, et ces scrutins seront organisés sur la base de la nouvelle législation syndicale qui, selon le gouvernement, ne retiendra pas ce type d'exclusion. A cet égard, le comité note la déclaration du gouvernement selon laquelle le fait d'avoir exercé des activités politiques ne constituera plus à l'avenir une cause d'inéligibilité.
- 193. Le comité relève enfin que le nombre de dirigeants d'une organisation devrait être limité à trois. Il estime qu'une question, de ce type devrait relever de la compétence des organisations syndicales elles-mêmes.
- III. Mesures prises à l'encontre de dirigeants syndicaux ou d'organisations syndicales
- a) Destitution et licenciement de dirigeants syndicaux
- 194. Des plaintes avaient été déposées au sujet de la destitution et du licenciement de plusieurs dirigeants syndicaux. Certaines concernaient quatre dirigeants des travailleurs du cuivre (Milton Puga, directeur du Syndicat professionnel des employés du cuivre d'El Teniente; Juan Fincheira, président du même syndicat et secrétaire général adjoint de la Commission latino-américaine des travailleurs des mines et de la métallurgie; Carlos Arellano, directeur du même syndicat; Arturo Latuz, directeur du Syndicat professionnel de Caletones).
- 195. Les quatre dirigeants en question avaient été licenciés de leur emploi. Il semble que, dans ces cas, l'entreprise ait eu recours à l'une des causes de licenciement introduites dans la législation par le décret-loi no 930 de 1975, à savoir la participation à des actes illicites ayant provoqué l'absence du travailleur. En effet, ces personnes avaient été assignées à résidence, alors que s'était produit un arrêt de travail ou un absentéisme d'une partie des ouvriers d'El Teniente (la mesure d'assignation à résidence avait été rapportée par la suite). Les intéressés avaient présenté un recours devant la justice du travail. Du fait de leur perte d'emploi, les personnes en cause avaient perdu automatiquement leurs charges syndicales et avaient été remplacées par de nouveaux dirigeants en vertu de la procédure prévue par le décret-loi no 198.
- 196. Le gouvernement avait indiqué, dans son rapport d'octobre 1978, que MM. Juan Fincheira, Milton Puga, Carlos Arellano et Arturo Latuz avaient abouti à un accord avec l'Entreprise nationale du cuivre devant le tribunal de Rancagua, en vertu duquel l'entreprise annulait le licenciement de ces personnes. Pour leur part, les intéressés avaient renoncé aux charges qu'ils occupaient au sein de l'Entreprise nationale du cuivre, Division d'El Teniente, ainsi qu'à tout ce qui est inhérent à la qualité de travailleurs de la Division d'El Teniente, à compter du 24 novembre 1977. Les intéressés avaient en outre reçu diverses indemnités, dont une spéciale et volontaire, d'un montant de trente mois de salaire, et de 36 mois dans le cas d'Arturo Latuz (en compensation de l'immunité syndicale dont il pourrait éventuellement se prévaloir).
- 197. Depuis la précédente session du comité, le comité a reçu des allégations déclarant que l'accord intervenu entre l'Entreprise nationale du cuivre et les dirigeants destitués n'est pas dû à la volonté et aux désirs des intéressés mais à la pression exercée sur eux et leur famille ainsi qu'à l'angoissante situation économique dans laquelle ils se trouvaient.
- 198. Pour sa part, le gouvernement indique, dans sa communication du 19 janvier 1979, que les parties sont convenues de ne pas attendre la sentence du tribunal de Rancagua et ont demandé à ce dernier d'approuver un accord qui mettrait fin à toute controverse. Les indemnités ont été accordées conformément au droit et acceptées librement par les parties, sans qu'on puisse en douter puisque, à tout moment, les travailleurs ont bénéficié des conseils et de l'appui d'une défense efficace librement choisie.
- 199. Le comité note que le conflit entre les quatre dirigeants en cause et l'Entreprise nationale du cuivre a fait l'objet d'un accord des parties. Il relève cependant que des déclarations contradictoires ont été effectuées sur ce point, les allégations faisant état de pressions sur les dirigeants, alors que le gouvernement insiste sur la libre acceptation de l'accord en question. A cet égard, le comité observe que l'accord a été conclu devant l'organe judiciaire compétent et que les dirigeants syndicaux ont pu être assistés de défenseurs librement choisis. Dans ces conditions, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
- 200. Des plaintes se référaient également à la destitution de dirigeants syndicaux du secteur public (de la Confédération nationale des associations des travailleurs de la Banque de l'Etat du Chili - MM. Andrés del Campo Hamel et Arturo Moreno Patiño - et de la Fédération nationale des employés maritimes - M. Carlos Frez). En outre, de nouvelles allégations de licenciements et de destitutions de dirigeants syndicaux concernaient les secteurs de l'enseignement (MM. Esteban et Ilabaca) et des travaux publics (MM. Jorge Ramírez et Luis Muñoz).
- 201. Dans son rapport du 31 octobre 1978, le gouvernement avait indiqué, au sujet des dirigeants de la Confédération nationale des associations des travailleurs de la Banque de l'Etat du Chili, que le mandat de ces personnes devait être, selon les statuts de l'organisation, d'une durée de deux ans. De ce fait, leur charge devait prendre fin en 1974, et ils ne furent maintenus en fonctions qu'en vertu des normes transitoires qui prolongeaient le mandat des dirigeants syndicaux. En raison de la période excessive pendant laquelle ils avaient exercé leurs fonctions et à la demande même du personnel de la banque, le gouvernement avait mis fin au mandat de MM. Andrés del Campo Hamel et Arturo Moreno Patiño. La désignation de leurs remplaçants à la direction de la confédération fut réalisée par les intéressés eux-mêmes. Le gouvernement ajoutait que les deux dirigeants en question continuaient d'exercer leurs fonctions professionnelles au sein de la banque. Enfin, le gouvernement indiquait que des normes seraient établies dans un délai de 180 jours en vue de régir l'organisation des travailleurs de la banque.
- 202. La FSM et la CISL se sont, pour leur part, référées à la promulgation du décret-loi no 2345, du 17 octobre 1978, dont l'une des dispositions autorise le ministère de l'Intérieur à licencier tout fonctionnaire de l'Administration publique sans aucune garantie ni immunité.
- 203. Dans sa communication du 7 février 1979, le gouvernement fournit des informations sur les syndicalistes des secteurs maritime ainsi que de l'enseignement et des travaux publics dont il était allégué qu'ils avaient été destitués et, dans certains cas, licenciés. Au sujet du président de la Fédération des travailleurs portuaires, M. Carlos Frez, le gouvernement indique qu'il a été remplacé par le vice-président car il s'était servi de l'organisation à des fins étrangères aux intérêts du syndicat et incompatibles avec les fonctions dont il était investi. L'intéressé a été soumis à une procédure administrative conformément au décret ayant force de loi no 338 de 1960 et, par la suite, ses services dans l'entreprise ont pris fin. Il n'existe pas de procès sur cette affaire. MM. Esteban et Ilabaca, du secteur de l'enseignement, ont pour leur part été soumis à des procédures instruites par le secrétariat régional du ministère de l'Education de Curico pour infraction au décret ayant force de loi no 338 de 1960. Les intéressés n'ont pas présenté de recours. Le gouvernement n'a pas connaissance que M. Esteban ait été dirigeant syndical alors que M. Ilabaca l'a été jusqu'en 1973. Au sujet de MM. Jorge Ramírez et Luis Muñoz, membres du Groupement des travailleurs des travaux publics, le gouvernement indique que ces deux personnes ont été destituées par leur propre syndicat en décembre 1976. Ils furent par la suite soumis à une procédure administrative pour absence au travail. Enfin, le gouvernement indique qu'aucun fonctionnaire n'a été relevé de ses fonctions en vertu du décret no 2345 en vigueur depuis plus de trois mois.
- 204. Le comité note les informations fournies au sujet de la destitution et du licenciement de dirigeants de travailleurs du secteur public. Cette question soulève de façon plus générale le problème du droit syndical des travailleurs du secteur public. Le code du travail de 1931 dispose, en son article 368, que les employés ou ouvriers au service de l'Etat et des municipalités et le personnel d'entreprises publiques ne peuvent ni s'associer en syndicat ni appartenir à un syndicat quelconque. De même, le statut administratif interdit, en son article 166, aux employés et ouvriers au service de l'Etat de former des syndicats. Cependant, depuis de nombreuses années, les travailleurs du secteur public ont constitué diverses organisations de nature syndicale.
- 205. Le comité tient à rappeler à cet égard que la Commission d'investigation et de conciliation avait estimé que le droit de constituer des organisations de leur choix devrait être reconnu à tous les travailleurs, tant du secteur privé que du secteur public, y compris les fonctionnaires au service de l'Etat. La reconnaissance de ce droit aux agents publics implique que ceux-ci doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi, ainsi que l'a souligné la Conférence internationale du Travail en adoptant, en 1978, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique.
- b) Dissolution de plusieurs organisations syndicales
- 206. Des allégations ont été présentées par plusieurs organisations plaignantes au sujet de la dissolution par le gouvernement de certaines organisations syndicales en octobre 1978. Le comité avait pris connaissance, à sa session de novembre 1978, des dispositions du décret-loi no 2346 du 17 octobre 1978, publié au Journal officiel, qui a trait à la dissolution de sept organisations syndicales. L'exposé des motifs du décret indique, en premier lieu, qu'il est du devoir de l'Etat de veiller à ce que les "institutions intermédiaires" agissent dans le cadre de leur compétence et de protéger les citoyens contre les activités qui servent directement ou indirectement au développement d'antagonismes sociaux ou de doctrines subversives contraires à l'intérêt général. En second lieu, il est affirmé que la conduite des organisations auxquelles se réfère le décret-loi révèle que leurs moyens d'action et leurs objectifs coïncident avec les principes et les buts de la doctrine marxiste. De ce fait, poursuit l'exposé des motifs, ces organisations ont dénaturé leur fonction de façon grave et réitérée, à tel point que leur existence et leur fonctionnement sont inconciliables avec la nécessaire sauvegarde de l'unité nationale.
- 207. En conséquence, ont été interdits et considérés comme organisations illicites: la Confédération Ranquil, la Confédération Unité ouvrière paysanne, la Fédération nationale des syndicats de la métallurgie, le Syndicat professionnel des ouvriers de la construction de Santiago, la Fédération nationale du textile et de l'habillement, la Fédération industrielle du bâtiment, du bois et des matériaux de construction et la Fédération industrielle nationale minière. Ces organisations ont été dissoutes et leur personnalité juridique a été, le cas échéant, annulée. Le décret-loi précise en outre qu'il en est de même pour les organisations qui leur sont affiliées (article 3). Enfin, les biens des organisations dissoutes sont transférés à l'Etat (article 4).
- 208. Cependant, dans sa communication du 16 novembre 1978, le gouvernement, faisant état d'une déclaration officielle du Directeur du travail, a indiqué que la mesure de dissolution n'a pas été appliquée aux syndicats de base tant que les organisations affiliées n'ont pas été recensées avec exactitude. En outre, le ministre de l'Intérieur a indiqué que la possession actuelle des biens n'est que transitoire et que le gouvernement a décidé que ces biens sont destinés aux travailleurs de l'entreprise concernée et qu'ils en auront le plein et libre usage, l'administration et la jouissance.
- 209. A sa session de novembre 1978, le comité avait notamment signalé que la procédure suivie dans le cas d'espèce pour la dissolution de ces organisations n'était pas compatible avec le principe selon lequel les organisations de travailleurs ne doivent pas être dissoutes par voie administrative. En conséquence, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, prié le gouvernement de fournir aussitôt que possible ses observations sur cet aspect du cas.
- 210. Dans ses communications des 19 janvier et 7 février 1979, le gouvernement indique que toutes les organisations concernées ont présenté un recours constitutionnel de protection devant la Cour d'appel de Santiago et que, de ce fait, le problème est en instance devant les tribunaux ordinaires. Le gouvernement ajoute que les travailleurs n'ont pas été privés du droit syndical et qu'ils gardent la possibilité de constituer et de promouvoir des organisations pour la défense légitime de leurs intérêts. Il indique en outre que, conformément à la loi, les biens appartenant aux organisations dissoutes ont été inventoriés par le ministère des Domaines et seront destinés, si la Cour rejette les recours de protection, aux travailleurs organisés eux-mêmes. Le gouvernement signale également que les organisations affiliées aux groupements dissous n'ont pas été touchées par les mesures de dissolution. Le gouvernement prêtera attention aux principes exposés par le comité au sujet de cette question en vue du "plan social" à concrétiser par la nouvelle législation.
- 211. Le comité note que les organisations dissoutes ont présenté un recours et que l'affaire est en instance devant la justice. Le comité souhaiterait obtenir des informations sur les résultats de ces actions judiciaires. Il estime qu'il lui serait également utile de recevoir des informations sur l'affectation ultérieure des biens de ces organisations dissoutes.
- IV. Libertés civiles liées à l'exercice des droits syndicaux
- 212. Aux diverses étapes de l'examen du cas, le comité a examiné des allégations relatives à la détention et à la disparition de syndicalistes ou anciens syndicalistes. Dans son rapport du 31 octobre 1978, le gouvernement avait fourni des informations sur 24 des 67 personnes mentionnées dans la liste établie par le comité dans son 177e rapport. Tout en notant ces informations, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, prié le gouvernement de continuer à adresser des informations sur les personnes mentionnées dans cette liste.
- 213. Dans sa communication du 7 février 1979, le gouvernement déclare qu'il n'y a pas de syndicalistes détenus actuellement au Chili. Au sujet des personnes présumées disparues, il indique qu'il continuera à informer l'OIT du résultat des recherches en cours et des causes en instance devant la justice.
- 214. Le comité note la déclaration du gouvernement sur ce point et lui demande de continuer à adresser des informations sur les personnes mentionnées dans cette liste, en particulier sur le résultat des recherches entreprises au sujet des personnes disparues.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 215. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet de l'adoption de la nouvelle législation syndicale:
- i) de noter que celle-ci devrait être adoptée avant le 30 juin 1979;
- ii) de noter avec intérêt que deux décrets-lois s'appliquant aux organisations de tous les secteurs ont été adoptés le 9 février 1979 en vue de garantir le droit de réunion syndicale et de favoriser la perception des cotisations de leurs membres;
- iii) de rappeler à l'attention du gouvernement les recommandations formulées par la Commission d'investigation et de conciliation au sujet de l'adoption d'une nouvelle législation syndicale et citées au paragraphe 163 ci-dessus;
- iv) d'exprimer le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de fournir tous les éléments nécessaires à un examen approfondi du projet et des mesures envisagées pour son application par le comité dès sa prochaine session;
- b) au sujet de la négociation collective, de signaler au gouvernement les principes et considérations exposés aux paragraphes 170 à 172 ci-dessus, et d'exprimer l'espoir que son rétablissement sera effectif dans un très proche délai;
- c) au sujet du conflit collectif de Chuquicamata, de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exposées aux paragraphes 177 à 179, et de décider que, compte tenu de l'accord intervenu entre les parties, il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- d) au sujet des élections syndicales:
- i) de souligner que le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs dirigeants constitue une condition indispensable pour qu'elles puissent effectivement agir en toute indépendance et promouvoir avec efficacité les intérêts de leurs membres, et de signaler à l'attention du gouvernement les principes et considérations exposés aux paragraphes 189 à 193 ci-dessus;
- ii) de signaler que les exclusions retenues lors des élections d'octobre 1978 n'étaient pas conformes à ces principes;
- iii) de noter cependant la déclaration du gouvernement selon laquelle de nouvelles élections pourront être organisées dans les syndicats concernés sur la base de la nouvelle législation syndicale qui ne retiendra pas divers types d'exclusions imposées lors des élections d'octobre 1978;
- e) au sujet de la destitution et du licenciement de dirigeants syndicaux:
- i) de noter qu'un accord a été conclu entre les dirigeants du secteur du cuivre mentionnés dans les plaintes et l'entreprise CODELCO, et de décider qu'il serait, de ce fait, sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- ii) de signaler à l'attention du gouvernement le principe selon lequel les travailleurs du secteur public devraient jouir du droit syndical et bénéficier d'une protection adéquate contre les actes de discrimination antisyndicale;
- f) au sujet de la dissolution de plusieurs organisations syndicales, de noter qu'un recours a été présenté par ces organisations devant la justice, et de prier le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de ces actions judiciaires, ainsi que sur l'affectation ultérieure des biens des organisations dissoutes;
- g) au sujet de la détention ou de la disparition de dirigeants ou anciens dirigeants syndicaux, de noter la déclaration du gouvernement mentionnée au paragraphe 213 et de lui demander de continuer à adresser des informations au sujet des personnes mentionnées dans la liste établie par le comité dans son 177e rapport, en particulier sur le résultat des recherches entreprises au sujet de celles qui ont disparu;
- h) de prendre note du présent rapport intérimaire.