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- 68. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de février 1978, à l'occasion de laquelle il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
- 69. Depuis le dernier examen du cas, le comité a reçu des communications émanant de la Fédération syndicale mondiale (20 mars et 3 mai 1978), la Centrale latino-américaine de travailleurs (18 avril 1978) et la Confédération internationale des syndicats libres (27 avril 1978). Pour sa part, le gouvernement a adressé des informations dans une communication du 27 mars 1978.
- 70. Par ailleurs, au cours de sa mission de contacts directs au Chili, M. Segovia, représentant du Directeur général, a recueilli des informations sur les différentes questions encore en suspens dans le présent cas.
A. Détention ou disparition de syndicalistes ou d'anciens syndicalistes
A. Détention ou disparition de syndicalistes ou d'anciens syndicalistes
- 71. Le comité avait, en février 1978, regretté que les récentes communications du gouvernement ne contenaient aucune information sur de nombreuses personnes citées par les plaignants comme détenues ou disparues, alors qu'il avait espéré obtenir des renseignements notamment sur les résultats des nouvelles recherches entamées par la Cour suprême au sujet de la disparition de onze dirigeants ou anciens dirigeants. Le gouvernement avait toutefois déclaré qu'il communiquerait toutes les informations disponibles pour le 1er avril 1978. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration avait alors prié instamment le gouvernement de transmettre des indications sur les recherches effectuées et sur la situation des personnes figurant dans une liste établie par le comité.
- 72. Au sujet de trois personnes qui, selon la FSM, avaient été arrêtées temporairement (Samuel Astorga, Eduardo Berríos et Ramón Velasquez), le gouvernement avait démenti les allégations présentées en déclarant que les intéressés n'avaient pas été détenus. Le Conseil d'administration avait décidé, en mars 1978, de signaler la réponse du gouvernement aux plaignants. Enfin, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, prié le gouvernement de communiquer ses observations sur l'arrestation de Juan Montecinos, concierge du local syndical de la Fédération nationale des syndicats de la métallurgie, dont il était allégué qu'il aurait été détenu pendant six heures et gravement torturé.
- 73. Dans sa communication du 27 mars 1978, le gouvernement déclare une nouvelle fois que les arrestations de syndicalistes, lorsqu'elles ont eu lieu, n'étaient pas dues aux activités syndicales des intéressés, mais à des activités d'agitation partisane parfois couverte par une prétendue action syndicale.
- 74. Au sujet des personnes qui seraient disparues, le gouvernement précise que les tribunaux judiciaires connaissent actuellement des plaintes déposées dans ces affaires. La procédure comprend deux étapes: l'instruction, qui est secrète, et le procès, au cours duquel est rendue la sentence. Les tribunaux, en toute indépendance du gouvernement, ne peuvent violer le secret de l'instruction tant que le cas n'est pas épuisé soit par une sentence définitive, soit par un non-lieu. Un procès a été ouvert pour chacune des plaintes présentées. Dans un grand nombre de cas, il a été établi que beaucoup de personnes se trouvaient à leur domicile, quelques-unes d'entre elles ne sachant même pas qu'elles étaient portées disparues. D'autres personnes présumées disparues avaient été détenues en vertu de la loi sur la sécurité intérieure de l'Etat, puis remises en liberté et retrouvèrent ainsi leur travail. Un autre groupe se trouve actuellement à l'étranger, une personne est emprisonnée pour escroquerie et bigamie. Diverses personnes apparaissent avec plusieurs noms et documents d'identité. Enfin, certaines ne sont pas enregistrées au Bureau d'identité.
- 75. Au sujet des plaintes présentées devant l'OIT, le gouvernement précise que, sur 269 cas mentionnés au cours de toutes ces années, 202 ont fait l'objet d'éclaircissements de la part du gouvernement mettant en évidence la fausseté des accusations présentées. Avant le changement de régime, il disparaissait entre 500 et 700 personnes par an. Selon des statistiques des Nations Unies, les personnes disparues chaque année sont au nombre de milliers dans certains pays. Le gouvernement déclare avoir toujours prêté sa plus large collaboration aux recherches effectuées. Le gouvernement relève trois facteurs nécessaires à une analyse impartiale en ce domaine. Sous le régime antérieur, les papiers d'identité étaient massivement falsifiés à des fins politiques et électorales, si bien que de nombreux disparus n'ont jamais existé réellement. A la suite du changement de régime, de nombreuses actions eurent lieu en vue d'empêcher la propagation des foyers de subversion interne. Ces affrontements entraînèrent des disparitions de personnes. Le gouvernement remarque à cet égard que le nombre de plaintes pour disparition est en diminution progressive et rapide dans la mesure où le calme et la sécurité ont pu être réinstaurés dans le pays. Enfin, pour le gouvernement, il n'est pas exagéré de conclure que, dans le cadre de la campagne menée contre le Chili, il peut être recouru à l'invention de nouvelles disparitions en vue de maintenir au premier plan le débat sur ce pays.
- 76. Le gouvernement n'a pas adressé d'informations sur l'arrestation de Juan Montecinos, concierge du local syndical de la FENSIMET.
- 77. Pendant la mission de contacts directs, des informations ont été publiées dans la presse sur l'arrestation de personnes qui auraient commis des infractions à la législation sur la sécurité intérieure, mais, au cours des entrevues avec les dirigeants syndicaux de divers courants, il n'a pas été fait mention au représentant du Directeur général de cas actuels ou récents d'arrestation pour activités syndicales, sauf lors des événements du 1er mai examinés plus loin.
- 78. Au sujet de la liste des personnes pour lesquelles le comité avait demandé des informations dans son 177e rapport, le gouvernement a fourni les indications suivantes au représentant du Directeur général. La personne qui figurait dans cette liste sous le nom de Pedro Abel Barria A devrait être Pedro Felix Argel Vera, qui était détenu à la prison de Chin Chin et qui a été amnistié par le décret-loi no 2191 du 18 avril 1978. Le gouvernement ne possède pas d'informations au sujet des personnes suivantes: José Baeza Cruces, Jorge Cáceres González, Gabriel Castillo Tapia, Carlos Contreras Maluje, José Corvalán Valencia, Juan Cortez Alruiz, Lenin Díaz Silva, Humberto Fuentes Rodríguez, Mario Fuica Vega, Maria Gutiérrez Ramírez, Joel Huaniquir Benavides, Fernando Lara Rojas, Victor Macaya Molina, Guillermo Martínez Quijón, Dario Miranda Godoy, Juan Moraga Garces, Miguel Morales Ramirez, Miguel Nazar Quiroz, Rodolfo Nuñez Benavides, Juan Orellana Catalán, Luis Recabarren González, Manuel Recabarren Rojas, Anábal Riquelme Pino, Jorge Salgado Salinas, Pedro Silva Bustos, Jorge Solovera Gallardo, Luis Vega Ramírez, Carlos Vizcarra Cofre, José Weibel Navarrette et Ricardo Weibel. Pour les autres cas, le gouvernement se réfère aux informations fournies à l'OIT dans des communications antérieures.
- 79. Au sujet d'une des procédures engagées à propos de la disparition de plusieurs personnes, le ministère de la Justice a précisé que le magistrat de la Cour d'appel de Santiago désigné pour connaître de cette affaire s'était rendu au poste de douane "Avanzada de los Libertadores", à la frontière chilo-argentine, et avait pu vérifier que les registres faisaient état du passage en Argentine, le 6 janvier 1977, de Horacio Cepeda Marinkovic et Luis Lazo Santander, de même que de celui de Lisandro Cruz Diaz, le 11 janvier 1977, et de Lincoyán Berrios Cataldo le 21 décembre 1976. Selon ces informations, les personnes en question n'ont pas rencontré d'obstacles à leur sortie du pays puisque aucune disposition du gouvernement ou des tribunaux ne les empêchait de voyager à l'étranger et que, pour franchir cette frontière, la carte d'identité suffisait.
- 80. Il a été signalé au représentant du Directeur général que les tribunaux sont saisis de divers recours d'habeas corpus au sujet des personnes disparues. Un certain doute est apparu sur l'effet que la mesure d'amnistie décrétée par le gouvernement pourrait avoir quant à la suite de ces procédures judiciaires. Certains juristes ont exprimé publiquement l'opinion que les recherches judiciaires devraient continuer puisque, dans le cas contraire, on ne pourrait savoir si ont existé ou non des faits qui pourraient être couverts par l'amnistie. De toute manière, les autorités ont indiqué qu'elles s'enquerraient de l'état des procédures concernant les personnes mentionnées dans le rapport du Comité de la liberté syndicale en vue d'en informer l'OIT.
- 81. Le comité regrette que les indications fournies par le gouvernement ne permettent pas d'observer de progrès quant aux informations attendues sur les personnes mentionnées dans le présent cas qui seraient détenues ou disparues et qui figurent dans la liste du 177e rapport. Le comité ne peut manquer de relever les contradictions qui existent entre les déclarations du gouvernement et des plaignants, lesquels ont fourni diverses précisions au sujet de la détention de nombreux syndicalistes ou anciens syndicalistes qui, par la suite, ont disparu.
- 82. Le comité observe que divers recours d'habeas corpus se trouvent en instance devant les tribunaux au sujet des personnes disparues et que les autorités informeront l'OIT sur le cours de ces procédures judiciaires. De l'avis du comité, quelle que soit l'étendue de l'amnistie décrétée, cette dernière ne devrait pas empêcher les recherches destinées à éclaircir la situation de ces personnes.
B. Assignation à résidence de syndicalistes
B. Assignation à résidence de syndicalistes
- 83. Les plaignants avaient signalé la relégation des dirigeants syndicaux suivants: Georgina Aceituno, Juan Sepulveda, Hernán Mery et Samuel Astorga. Le gouvernement avait déclaré que ces mesures avaient été prises en vertu des pouvoirs spéciaux conférés au Président de la République par le décret-loi no 27 de 1974, pouvoirs soumis au contrôle des tribunaux. En l'espèce, la cour d'appel de Santiago, saisie d'un recours, avait confirmé les mesures prises, mais avait établi que le gouvernement ne devait pas fixer le lieu de résidence des intéressés à l'intérieur de la province où ils avaient été relégués. Il appartenait à ces derniers de choisir leur résidence à l'intérieur de cette province.
- 84. A sa session de février-mars 1978, le Conseil d'administration avait, sur recommandation du comité, prié le gouvernement d'indiquer pour quelles raisons précises des mesures de relégations avaient été prises à l'égard de ces personnes.
- 85. Dans sa communication du 27 mars 1978, le gouvernement indique que les personnes en question ont été remises en complète liberté le 2 mars 1978 et qu'il a été mis fin à leur assignation à résidence à Arica. Le gouvernement précise que la mesure qui avait été adoptée à l'encontre de ces personnes était une assignation à résidence dans une province, mesure qui ne constitue pas une sanction pénale et qui ne doit pas âtre confondue avec la peine de relégation prononcée par les tribunaux judiciaires en tant que sanction à un délit. Les personnes mentionnées dans la plainte avaient été assignées à résidence dans le nord du pays après avoir été surprises dans une réunion considérée comme clandestine aux termes de la loi sur la sécurité intérieure de l'état et du décret-loi sur la dissolution des partis politiques, dans la mesure où se trouvaient également assemblés des dirigeants et anciens parlementaires de partis politiques dissous. Il ne s'agissait en aucune manière, selon le gouvernement, d'une réunion syndicale.
- 86. Pendant la mission de contacts directs, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur a confirmé au représentant du Directeur général que cette mesure d'assignation à résidence, déjà abrogée, avait été motivée par la participation des intéressés à une réunion politique organisée dans une maison religieuse. Le secrétaire d'Etat a indiqué qu'il s'efforcerait d'obtenir des précisions supplémentaires sur les faits en question. Ces informations n'ont pu être recueillies par le représentant du Directeur général avant son départ du Chili.
- 87. Le comité note que, selon le gouvernement, la participation des intéressés à une réunion politique est à l'origine des mesures d'assignation à résidence prises par le gouvernement. De toute manière, compte tenu que les personnes concernées ont maintenant recouvré la liberté, le comité estime qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas.
C. Retrait de la nationalité chilienne à des dirigeants syndicaux en exil
C. Retrait de la nationalité chilienne à des dirigeants syndicaux en exil
- 88. Au sujet des dirigeants syndicaux qui avaient été privés de leur nationalité - Luis Meneses, secrétaire général de la Centrale unique des travailleurs du Chili (CUT); Humberto Elgueta et Ernesto Araneda, membres du comité extérieur de la CUT -, le gouvernement avait déclaré que les intéressés, qui séjournent à l'étranger, avaient eu une conduite antipatriotique. Cette attitude est punie en vertu de la constitution chilienne par la perte de la nationalité et le gouvernement ne pouvait qu'appliquer cette disposition. L'une des trois personnes visées, M. Elgueta, avait utilisé la possibilité de présenter un recours auprès de la Cour suprême, qui avait annulé la mesure prise à l'encontre de l'intéressé.
- 89. Sur recommandation du comité, le Conseil d'administration avait, en février-mars 1978, noté avec intérêt l'annulation de la mesure prise à l'égard de M. Elgueta et avait suggéré au gouvernement, compte tenu de la décision de la Cour suprême, la possibilité de réexaminer vis-à-vis des deux autres personnes citées par les plaignants, la déchéance très grave qui les frappait.
- 90. Dans sa communication du 27 mars 1978, le gouvernement réitère les informations déjà communiquées pour la session précédente du comité. Il précise en outre qu'à sa connaissance, MM. Meneses et Araneda n'ont pas présenté de recours.
- 91. Il ressort des informations fournies par le Président de la Cour suprême et le ministre de la Justice pendant la mission de contacts directs que la révocation de la mesure prise au sujet des personnes qui n'ont pas déposé de recours judiciaire nécessiterait une nouvelle disposition législative du gouvernement. En outre, du fait de la fin de l'état de siège, la sanction de privation de la nationalité ne peut plus être appliquée par le Pouvoir exécutif.
- 92. Le comité note ces informations. Il suggère que le gouvernement, dans l'esprit de l'amnistie récemment accordée, réexamine la mesure qui frappe MM. Meneses et Araneda.
D. Mesures affectant certains dirigeants syndicaux
D. Mesures affectant certains dirigeants syndicaux
- 93. A sa session de février 1978, le comité avait examiné les plaintes relatives à la relégation de sept syndicalistes dans le nord du pays le 23 novembre 1977, parmi lesquels trois dirigeants des travailleurs du cuivre (Milton Puga, directeur du Syndicat professionnel des employés du cuivre d'El Teniente; Juan Fincheira, président du même syndicat et secrétaire général adjoint de la Commission latino-américaine des travailleurs des mines et de la métallurgie; Carlos Arellano, directeur du même syndicat). Selon le gouvernement, ces dirigeants avaient été relégués "pour avoir mené de l'agitation dans le domaine syndical et avoir organisé des actes d'indiscipline au travail absolument incompatibles avec la sécurité nationale". Pour les plaignants, en revanche, les intéressés avaient fait l'objet de représailles pour avoir exercé leurs droits syndicaux. Par la suite, le gouvernement avait indiqué que les dirigeants en cause avaient été libérés le 23 décembre 1977 et avaient regagné leur domicile.
- 94. Dans sa communication du 20 mars 1978, la FSM signale que les trois dirigeants mentionnés au paragraphe antérieur ont dû renoncer à leurs charges de dirigeants syndicaux par ordre du gouvernement militaire de la province. Ils ont été remplacés dans leurs fonctions par décret et ont, en outre, été licenciés.
- 95. Dans ses communications du 18 avril 1978, la CLAT se réfère à la destitution, par décret, de deux dirigeants de la Confédération nationale des associations de travailleurs de la Banque de l'état du Chili, Andrès del Campo Hamel, président, et Arturo Moreno Patiño, vice-président. Ce décret se fonde sur l'article 3 du décret-loi no 349, modifié par les décrets-lois nos 911 et 1623, qui permet à l'intendant d'une province de demander la démission de dirigeants des organisations visées par ces décrets-lois. L'exposé des motifs précise qu'au sein de la direction de cette organisation, il existait des divergences qui en entravaient la bonne marche.
- 96. La CLAT signale également que, le 10 janvier 1978, l'Intendant de la 5e région a adopté une résolution obligeant le président de la Fédération nationale des travailleurs portuaires du Chili, Carlos Frez Rojo, à présenter sa démission de dirigeant de cette organisation dans un délai de quarante-huit heures. Ensuite, il a été destitué de sa charge de président par un décret daté du 18 janvier 1978. Ce dirigeant syndical a dû changer de lieu de travail et a été envoyé, à cette fin, à l'extrême nord du pays.
- 97. Il est également mentionné dans des communications de la FSM et de la CISL que, par la résolution no 149 du 2 mars 1978 du ministère du Travail, quatre nouveaux dirigeants ont été désignés pour compléter l'exécutif de la Fédération nationale des employés maritimes après que le dirigeant Domingo Sánchez Núñez eut été destitué.
- 98. Les informations fournies au représentant du Directeur général pendant la mission de contacts directs confirment que Juan Fincheira, Milton Puga et Carlos Arellano, dirigeants du Syndicat professionnel des employés des mines de cuivre d'El Teniente, ainsi que Arturo Latuz, directeur du Syndicat professionnel de Caletones, ont fait l'objet d'une mesure d'assignation à résidence ordonnée en novembre 1977 par le ministère de l'Intérieur. Les articles de presse indiquent qu'à cette époque s'était produit un arrêt de travail ou un absentéisme d'une partie des ouvriers d'El Teniente afin d'appuyer des revendications professionnelles. Cette assignation à résidence fut levée le 21 décembre 1977 et, selon les intéressés, la cessation de leur contrat de travail leur fut notifiée à leur retour à leurs domiciles, l'entreprise invoquant des motifs directement liés à la mesure d'assignation à résidence. Il semble que l'entreprise ait recouru à l'une des causes de licenciement introduites dans la législation par le décret-loi no 930 de 1975, à savoir la participation à des actes illicites ayant provoqué l'absence du travailleur. Dans ce cas, l'autorisation judiciaire préalable n'est pas requise pour licencier des dirigeants syndicaux. Les intéressés ont présenté un recours devant la justice du travail et l'affaire est encore en instance. Du fait de leur perte d'emploi, les personnes en cause ont perdu automatiquement leurs charges syndicales et ont été remplacées par de nouveaux dirigeants en vertu de la procédure prévue par le décret-loi no 198. Le 26 avril 1978, les intéressés ont demandé par lettre l'intervention du ministre de l'Intérieur en vue de leur réintégration dans leurs emplois et leurs charges syndicales.
- 99. Le comité note que la question du licenciement des dirigeants Juan Fincheira, Milton Puga, Carlos Arellano et Arturo Latuz est actuellement examinée par la justice du travail. Pour ce qui est de la perte des charges syndicales à la suite du licenciement, le comité a toujours estimé, que les dispositions législatives qui exigent que tous les dirigeants syndicaux doivent appartenir à la profession dans laquelle l'organisation exerce son activité peuvent mettre en péril l'exercice des droits syndicaux. En effet, comme semble le démontrer le présent cas, le licenciement d'un travailleur dirigeant syndical peut, en lui faisant perdre ainsi sa qualité de dirigeant syndical, porter atteinte à la liberté d'action de l'organisation et au droit des travailleurs d'élire librement leurs représentants et, même, favoriser des actes d'ingérence de la part de l'employeur. Le comité estime que le gouvernement, qui a levé rapidement la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre des dirigeants en question, devrait intervenir afin que ceux-ci soient réintégrés dans leur emploi et dans leurs fonctions syndicales.
- 100. Au sujet des dirigeants Andrès del Campo et Arturo Moreno, respectivement président et vice-président de la Confédération nationale des associations de travailleurs de la Banque de l'Etat du Chili, les informations recueillies par le représentant du Directeur général indiquent que ces deux syndicalistes ont été élus avant le 11 septembre 1973. En décembre 1977, ils furent destitués de leurs charges par l'Intendant de Santiago sur la base des dispositions du décret-loi no 349 de 1974. Ce décret-loi tel que modifié autorise les intendants à demander la démission et, le cas échéant, à destituer les dirigeants de divers types d'organisations, parmi lesquelles les associations d'employés ou de fonctionnaires du secteur public, quand il existe des motifs graves qui justifient une telle mesure. Dans le cas de ces deux dirigeants, l'autorité qui a pris la mesure s'est référée à l'existence de graves "divergences" parmi les membres de la direction syndicale. Dans une lettre du 6 avril 1978 adressée au Président de la République par un groupe de dirigeants syndicaux, il est indiqué que les membres encore en exercice de la direction de la Confédération avaient pourtant signalé à l'Intendant que cette prétendue division n'existait pas. Par ailleurs, les intéressés demeurent fonctionnaires de la banque.
- 101. Le représentant du Directeur général a confirmé que Carlos Frez Rojo, président de la Fédération nationale des travailleurs portuaires, a également été destitué de sa charge syndicale en vertu des dispositions du décret-loi no 349. M. Frez Rojo avait été l'un des sept dirigeants syndicaux transférés à Arica en novembre 1977, mesure qui fut levée en décembre. Il est indiqué dans les considérants du décret de destitution que les dirigeants syndicaux doivent veiller à la sauvegarde des intérêts des travailleurs dans leurs centres de travail, alors que M. Frez Rojo s'était livré à des tâches étrangères à son syndicat. L'intéressé n'a pas été licencié de l'entreprise d'Etat où il travaille, mais il a été transféré au port d'Arica où il se trouve actuellement. Le ministère de l'Intérieur a précisé au représentant du Directeur général que M. Frez Rojo avait mené des activités politiques à Santiago.
- 102. Enfin, en ce qui concerne Domingo Sánchez Núñez, dirigeant d'un syndicat de Talcahuano affilié à la Fédération des syndicats professionnels d'employés portuaires, il a été signalé au représentant du Directeur général que l'intéressé avait été appelé par la fédération pour remplir une vacance dans la direction. En procédant ainsi, la fédération agissait conformément au décret-loi no 198 qui prévoit l'octroi automatique d'un poste vacant dans la direction d'une fédération au dirigeant d'une organisation affiliée qui possède la plus grande ancienneté dans le travail. Par la suite cependant, les autorités du travail, sur la base d'une autre disposition du décret-loi no 198, qui permet de ne pas suivre la règle de l'ancienneté "dans les cas où, en raison de circonstances spéciales, il n'est pas possible d'appliquer les dispositions du décret-loi", ont désigné quatre dirigeants de base au lieu de reconnaître la désignation de M. Sánchez Núñez. Ces quatre dirigeants venaient d'être désignés dans leur propre syndicat. Avec la désignation de M. Sánchez Núñez était atteint le nombre minimal de dirigeants établi par le décret-loi no 198. Tous les sièges de la direction de la fédération étaient pourvus à la suite de la désignation par le ministère des quatre nouveaux dirigeants.
- 103. Cette question fait l'objet actuellement d'un recours de protection présenté devant la justice par la fédération. Selon le président de la Cour suprême, ce recours permet l'examen judiciaire des mesures administratives de ce type.
- 104. Le comité estime que tous ces cas relatifs à des dirigeants des secteurs bancaire et maritime révèlent l'existence d'une intervention discrétionnaire des autorités administratives dans les affaires internes des syndicats. La possibilité qu'ont les autorités administratives de destituer ou de désigner des dirigeants syndicaux peut donner lieu à toutes sortes d'abus et est, par conséquent, incompatible avec les principes de la liberté syndicale. Le comité a déjà signalé dans d'autres cas que toute destitution de dirigeants syndicaux, en cas de violation de la loi ou des statuts internes, ne devrait être exécutoire que si elle se fonde sur une décision définitive de l'autorité judiciaire compétente ou, en tout état de cause, à l'expiration du délai prévu pour se pourvoir en appel 1.
- 105. Le comité estime que le gouvernement devrait réexaminer les mesures prises afin que les dirigeants intéressés puissent occuper à nouveau leurs fonctions syndicales.
E. Evénements survenus à l'occasion du 1er mai 1978
E. Evénements survenus à l'occasion du 1er mai 1978
- 106. Dans un télégramme du 3 mai 1978, la FSM signale que les autorités ont dispersé violemment une manifestation organisée le 1er mai. Selon la FSM, six cents personnes auraient été arrêtées et auraient subi des violences à cette occasion.
- 107. Il ressort des informations recueillies par le représentant du Directeur général que les dirigeants d'un grand nombre d'organisations syndicales ont, en vue de célébrer le 1er mai 1978, présenté au ministère de l'Intérieur, un mois à l'avance, une demande d'autorisation pour tenir à Santiago une réunion publique dont le programme prévoyait le discours d'un dirigeant syndical et des activités artistiques. Le 27 avril, il fut notifié aux organisations que cette réunion n'avait pas été autorisée et que l'unique manifestation prévue à Santiago à cette occasion se déroulerait au siège du gouvernement en présence du Président de la République. Tous les intéressés furent publiquement invités à assister à cette manifestation à laquelle participeraient de nombreux dirigeants syndicaux.
- 108. Il fut annoncé dans la presse que les organisateurs de la réunion non autorisée se trouveraient au lieu prévu afin d'informer les invités de la suspension de la réunion. La police est intervenue pour disperser les personnes réunies. A ce sujet, le secrétaire d'Etat à l'Intérieur a indiqué qu'un principe minimum d'autorité obligeait à intervenir lors d'une réunion non autorisée. Il a insisté aussi sur le fait que la police avait agi avec mesure et correction. Quelque 400 personnes (parmi lesquelles le dirigeant du secteur ferroviaire Ernesto Vogel) ont été arrêtées, pour vérification d'identité et de domicile, et elles furent toutes remises en liberté le jour même sans avoir été soumises à interrogatoire, même si quelques-unes Ventre elles sont poursuivies devant le tribunal de police local pour désordre. En outre, une partie des manifestants se réunirent dans une église d'où ils se retirèrent pacifiquement sans intervention de la police. Les dirigeants de 24 organisations syndicales s'adressèrent aux travailleurs dans un tract où sont examinés divers aspects de la situation sociale et syndicale et où il est indiqué que l'autorisation de tenir une réunion à l'occasion du 1er mai avait été refusée pour la cinquième année consécutive.
- 109. Le comité note que les personnes arrêtées à l'occasion de la manifestation organisée le 1er mai ont été immédiatement relâchées. Il doit cependant regretter que le gouvernement n'ait pas autorisé une réunion demandée par un grand nombre de dirigeants syndicaux. En effet, comme le comité l'a déjà indiqué à propos de l'interdiction d'une réunion que certaines organisations syndicales souhaitaient organiser le 1er mai 1977, les syndicats devraient avoir le droit d'organiser librement les réunions qu'ils désirent à l'occasion de la fête du travail, pourvu qu'ils respectent les dispositions prises par les autorités pour assurer la tranquillité publique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 110. Dans ces conditions, et pour ce qui est du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) à propos des allégations concernant la détention ou la disparition de syndicalistes ou d'anciens syndicalistes:
- i) de regretter que les indications fournies par le gouvernement ne permettent pas d'observer de progrès quant aux informations attendues sur les personnes en question et de demander au gouvernement de poursuivre les recherches destinées à les retrouver;
- ii) de demander au gouvernement d'adresser des informations sur le résultat des procédures judiciaires en cours au sujet de ces personnes;
- b) à propos des allégations sur l'assignation à résidence de quelques syndicalistes, de noter que tous les intéressés ont recouvré la liberté et de décider qu'il serait sans objet de poursuivre l'examen de cet aspect du cas;
- c) à propos des allégations sur le retrait de la nationalité chilienne à des dirigeants syndicaux en exil, de suggérer au gouvernement, dans l'esprit de l'amnistie récemment décrétée, de réexaminer la mesure qui frappe MM. Meneses et Araneda;
- d) à propos des allégations sur les mesures affectant certains dirigeants syndicaux:
- i) d'attirer l'attention du gouvernement sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 99 et 104 concernant l'obligation imposée aux dirigeants syndicaux d'appartenir à la profession représentée par leur organisation et la destitution des dirigeants syndicaux par voie administrative;
- ii) de demander au gouvernement d'intervenir en vue de la réintégration des intéressés dans leurs fonctions syndicales et, en cas de licenciements, dans leurs emplois;
- iii) de demander au gouvernement d'adresser le texte du jugement qui sera prononcé dans le cas de MM. Juan Fincheira, Milton Puga, Carlos Arellano et Arturo Latuz;
- e) à propos des allégations relatives aux événements survenus à l'occasion du 1er mai, de noter que les personnes arrêtées ont été relâchées mais de regretter que le gouvernement n'ait pas autorisé une réunion demandée par un grand nombre de dirigeants syndicaux et de souligner que les syndicats devraient avoir le droit de tenir librement les réunions qu'ils désirent lors de la fête du travail pourvu qu'ils respectent la tranquillité publique;
- f) de noter ce rapport intérimaire.
- Genève, 31 mai 1978. (Signé) Roberto AGO, Président.