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Informe definitivo - Informe núm. 199, Marzo 1980

Caso núm. 939 (Grecia) - Fecha de presentación de la queja:: 08-JUL-79 - Cerrado

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  1. 138. Par un télégramme du 8 juillet 1979, l'Association des employés de l'entreprise industrielle Pitsos SA a présenté une plainte en violation des droits syndicaux en Grèce. L'organisation plaignante a adressé des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans des communications des 27 juillet, 17 août et 15 septembre 1979. Pour sa part, le gouvernement a fourni ses observations par une lettre du 7 décembre 1979.
  2. 139. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 140. La plainte se réfère au licenciement des membres du comité directeur de l'Association des employés de l'entreprise industrielle Pitsos SA ainsi que de nombreux syndicalistes de cette entreprise.
  2. 141. L'organisation plaignante explique, dans sa lettre du 27 juillet 1979, qu'elle regroupe l'ensemble des travailleurs occupés dans l'entreprise Pitsos SA. En vertu d'ut accord conclu entre le syndicat et l'employeur, aucune mesure de licenciement ne devait être prononcée si d'autres moyens pouvaient être trouvés pour faire face à une diminution de la charge de travail. Ainsi, en octobre 1978, alors que la production de l'entreprise s'était considérablement ralentie, il fut décidé de réduire la durée du travail pour tout le personnel et d'accorder une indemnité de 60.000 drachmes aux travailleurs disposés à quitter volontairement l'entreprise. Cent dix personnes démissionnèrent dans ces conditions et aucun conflit ne se produisit entre les salariés et l'employeur. Pour l'organisation plaignante, cette expérience prouvait que les problèmes posés pouvaient être résolus par des négociations entre le syndicat et l'employeur.
  3. 142. Le conflit surgit en avril 1979 lorsque 11 travailleurs de l'entreprise reprirent leur emploi dans l'entreprise après avoir terminé leur service militaire. L'employeur décida alors de licencier ces travailleurs en leur offrant une compensation financière de 130.000 drachmes. Huit d'entre eux acceptèrent cette offre et trois la rejetèrent. L'organisation plaignante observe à cet égard qu'aux termes de la législation grecque, l'employeur est tenu de réemployer un travailleur de retour du service militaire au moins pendant un an.
  4. 143. Au cours des discussions avec le syndicat, l'employeur déclara qu'il était confronté à un problème de réduction du personnel. Le syndicat proposa alors le réengagement- des trois travailleurs concernés et l'attribution, comme en octobre 1978, d'une indemnité de 60.000 drachmes aux travailleurs quittant volontairement l'entreprise. Cette solution aurait permis à l'employeur de réduire le personnel de trois travailleurs et d'économiser plus de 200.000 drachmes. Pourtant, cette offre fut repoussée et l'employeur ajouta qu'il n'avait pas l'intention de réengager les 40 ou 50 salariés de l'entreprise qui se trouvaient encore sous les drapeaux.
  5. 144. Après l'échec des négociations, le syndicat décida de recourir à la grève, par des arrêts de travail de deux heures quotidiennement notifiés à l'employeur. Le but de ces notifications était de limiter la durée du mouvement et de donner la possibilité à l'entreprise d'engager la négociation à tout moment. Devant l'intransigeance de l'employeur, le syndicat intensifia la lutte en portant les arrêts de travail à trois puis quatre heures par jour. Ce mouvement dura quatre semaines.
  6. 145. Sans consultation préalable, l'employeur, arguant d'une baisse de productivité, décida alors de ne payer aux salariés qu'une heure par jour. Le syndicat porta cette affaire devant la justice qui ordonna à l'employeur de payer au personnel les heures de travail. A la suite de cette décision judiciaire, l'entreprise imposa le lock-out le 15 mai 1979, en accord avec l'Association des industries grecques. Ce lock-out dura jusqu'au 30 juin 1979, sans que l'employeur ait réussi à faire céder les travailleurs et sans que le conflit soit réglé.
  7. 146. Le 2 juillet 1979, use assemblée générale extraordinaire du personnel décida de reprendre des arrêts de travail quotidiens de trois heures. Le 5 juillet, l'employeur commença à prendre des mesures de licenciements. Furent ainsi privés de leur emploi 90 travailleurs, parmi lesquels l'ensemble du comité directeur du syndicat Cas n o 939 (sept personnes), la commission de contrôle (trois personnes), les conseillers suppléants (deux personnes), les délégués de service de l'usine (dix personnes), le comité de grève (25 personnes), ainsi que d'autres militants syndicaux. Soixante licenciés ne reçurent aucune indemnité. Tous ces licenciements étaient, selon l'organisation plaignante, contraires à la législation grecque qui interdit les congédiements pour activités syndicales. En outre, les licenciements des présidents, vice-présidents, secrétaire et trésorier d'un syndicat ne peuvent être prononcés qu'après décision d'une commission spéciale d'un tribunal de première instance. L'employeur décide également de porter plainte contre les travailleurs pour violations du Code pénal. Pour leur part, les salariés déposèrent 60 plaintes contre l'entreprise.
  8. 147. Le 14 juillet 1979, le syndicat fit appel au ministre du Travail qui qualifia les licenciements des syndicalistes de l'entreprise Pitsos d'illégaux. Le même jour, l'employeur licencia 15 autres travailleurs et plus tard 30. Le 18 juillet, une réunion tripartite fut organisée entre les représentants du syndicat, de l'entreprise et du ministère. Le représentant de l'employeur déclara à cette occasion que d'autres licenciements seraient prononcés et que l'entreprise n'était pas disposée à collaborer avec le syndicat.
  9. 148. L'organisation plaignante décrit ensuite la situation régnant dans l'usine. Elle indique que le transport du personnel a été supprimé, la cantine fermée, l'eau coupée, l'usine transformée en ghetto et surveillée constamment par la police.
  10. 149. Dans sa communication du 17 août 1979, l'organisation plaignante rappelle qu'à l'origine de la crise, l'employeur avait prétendu qu'il s'agissait de procéder à la suppression de 45 postes sans que les personnes touchées soient à priori désignées. En réalité, poursuit-elle, il y a eu 250 licenciements de travailleurs soigneusement choisis parmi les militants syndicaux les plus actifs.
  11. 150. Dans sa lettre du 15 septembre 1979, l'organisation plaignante indique que la direction a convoqué l'assemblée des actionnaires en vue de décider l'arrêt de la production et la fermeture de l'usine. Toutefois, l'employeur n'a pas été autorisé par le ministère du Travail à procéder à des licenciements massifs mais seulement à raison de 4 pour cent du personnel. C'est alors que la direction a déposé des plaintes massives et non fondées contre les grévistes. L'organisation plaignante cite des cas où se sont produites des erreurs manifestes (personnes licenciées pour atteinte à la liberté du travail alors qu'elles étaient en congé de maladie).

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 151. Dans sa réponse, le gouvernement explique que l'entreprise Pitsos SA a décidé en janvier 1979, après réduction de son programme de production et de verte, de procéder à des licenciements échelonnés de quelque 150 travailleurs sauf si ce nombre était atteint par des départs volontaires moyennant indemnité. Le syndicat fut informé de cette décision.
  2. 152. Jusqu'au 23 mars 1979, il n'y eut pas de départs volontaires et l'entreprise décida de licencier les travailleurs ayant les moindres obligations sociales. Ainsi, elle a préféré licencier les travailleurs de retour du service militaire. L'entreprise se proposait de leur verser, outre l'indemnité légale, une somme correspondant à six mois de salaire. Le gouvernement remarque à cet égard que la législation n'interdit pas la résiliation du contrat de travail des travailleurs revenant de l'armée mais elle oblige l'employeur à payer une indemnité supplémentaire de six mois de salaire en cas de licenciement dans l'année qui suit le retour du service militaire.
  3. 153. Le gouvernement décrit ensuite les événements qui se sont produits dans l'entreprise: arrêts de travail quotidiens, lock-out, reprise des activités puis grèves à nouveau. Le gouvernement remarque que les arrêts de travail de trois à quatre heures perturbaient l'ensemble de la journée et que la production était presque nulle. L'entreprise a alors porté plainte contre les dirigeants du syndicat et les a licenciés sans aucune indemnisation. De leur côté, les personnes licenciées ont recouru à la justice pour licenciement illégal et ingérence de l'entreprise dans le fonctionnement du syndicat. L'une des plaintes présentées par les licenciés a été examinée le 20 juillet 1979 et les représentants de l'entreprise ont été acquittés, tandis que la plainte de l'entreprise a été examinée le 21 septembre 1979. La grève a été jugée illégitime et les membres de l'administration du syndicat ont été condamnés à une peine de deux mois de prison et à une amende de 1.000 drachmes. Les intéressés ont interjeté appel contre ce jugement et ont été laissés en liberté.
  4. 154. Après avoir réfuté les allégations des plaignants sur les conditions de vie régnant dans l'entreprise, le gouvernement déclare que la grève au sein de l'entreprise Pitsos constitue une forme classique de ce qu'on appelle l'exercice abusif du droit de grève. Le gouvernement remarque également que la Constitution grecque protège tout autant le droit de grève que le droit des personnes désireuses de travailler. Pour ce qui est des allégations en violation des conventions nos 87 et 98, le gouvernement signale qu'une fois ratifiées, les conventions internationales font partie intégrante du droit interne grec. Par conséquent, poursuit-il, l'organisation plaignante aurait pu recourir devant les tribunaux, ce qu'elle n'a pourtant pas fait.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 155. Le comité note que la présente affaire concerne les travailleurs d'une entreprise qui, pour des motifs économiques, devait procéder à une réduction de personnel. L'échec des négociations entamées entre le syndicat et l'employeur pour faire face à cette situation aboutit à un conflit collectif avec arrêts de travail quotidiens puis lock-out. Le conflit n'étant toujours pas réglé lors de la réouverture de l'entreprise, les arrêts de travail reprirent.
  2. 156. Une première vague de licenciements collectifs intervient alors. Elle concernait 90 travailleurs, dont près de 50 exerçaient des fonctions syndicales ou de représentation des travailleurs. Selon les plaignants, le nombre total des licenciés s'élève à 250, parmi lesquels figureraient les militants syndicaux les plus actifs. Ces affaires connurent des suites judiciaires qui aboutirent, d'une part, à l'acquittement des représentants de l'entreprise et, d'autre part, à la déclaration d'illégalité des mouvements de grève et à la condamnation des dirigeants syndicaux. Ces derniers ont présenté un recours contre ce jugement. La réponse du gouvernement n'indique cependant pas quels ont été les motifs invoqués par le tribunal pour déclarer la grève illégale et condamner les syndicalistes.
  3. 157. Le comité doit rappeler en premier lieu que les travailleurs doivent bénéficier d'une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant -à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi et que cette protection est particulièrement souhaitable dans le cas des dirigeants syndicaux. Ceux-ci doivent en effet, pour remplir leurs fonctions syndicales, avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'il détiennent. L'une des manières d'assurer la protection des dirigeants syndicaux est de prévoir qu'ils ne peuvent être licenciés, ni dans l'exercice de leurs fonctions, ni pendant un certain laps de temps, suivant la fin da leur mandat, sauf évidemment en cas de faute gravez.
  4. 158. Toutefois, ces principes n'impliquent pas nécessairement, que le fait de détenir un mandat syndical doive conférer à son détenteur une immunité contre tout licenciement quelles que puissent être les circonstances de celui-ci. Dans le cas présent, les congédiements sont intervenus alors qu'un programme de licenciements économiques était en cours. Le comité se doit toutefois de relever le nombre important de militants syndicaux parmi les travailleurs licenciés et le fait que ces mesures soient intervenues après des mouvements de grève destinés à défendre l'emploi de travailleurs menacés de licenciement. Le comité estime donc utile de signaler à l'attention du gouvernement les principes exprimés au paragraphe antérieur sur la protection des dirigeants syndicaux.
  5. 159. A cet égard, le comité rappelle que dans un cas antérieur, il avait examiné la loi no 330/76 sur les organisations et unions professionnelles et sur la protection de la liberté syndicale. Il avait estimé à cette occasion que des mesures devraient être envisagées afin d'assurer aux dirigeants des organisations, aux délégués et aux membres des syndicats, une protection plus complète contre tous actes discriminatoires.
  6. 160. Le comité note en outre que dans un rapport fourni au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT, au sujet de l'application de la convention no 98, le gouvernement avait déclaré envisager pour l'avenir toute possibilité éventuelle d'améliorer les dispositions protectrices des responsables syndicaux à la lumière des recommandations du Comité de la liberté syndicale. Le comité exprime l'espoir que des mesures seront prises prochainement en ce sens par le gouvernement.
  7. 161. Enfin, le comité relève que les membres de l'administration du syndicat ont été condamnés à des peines de deux mois de prison. Le recours en appel est actuellement en instance devant la justice. A cet égard, le comité croit devoir signaler qu'afin de promouvoir le développement des relations professionnelles dans une atmosphère de confiance mutuelle, il conviendrait de ne pas avoir recours à des sanctions pénales trop lourdes pour faits de grève.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 162. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
    • a) de signaler à l'attention du gouvernement les principes exprimés au paragraphe 157 ci-dessus au sujet de la protection contre les actes de discrimination antisyndicale;
    • b) d'exprimer l'espoir que, conformément à ce que le gouvernement a lui-même déclaré, il prendra prochainement des mesuras en vue d'améliorer les dispositions législatives sur la protection des responsables syndicaux;
    • c) de signaler à l'attention du gouvernement les considérations exprimées au paragraphe 161 ci-dessus au sujet de l'application de sanctions trop lourdes pour faits de grèves.
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