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Informe definitivo - Informe núm. 222, Marzo 1983

Caso núm. 1147 (Canadá) - Fecha de presentación de la queja:: 08-JUL-82 - Cerrado

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  1. 97. Dans des communications datées respectivement des 8 juillet, 13 et 19 octobre et 21 décembre 1982, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFP), le Congrès du travail du Canada (CTC), l'Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) et la Confédération des syndicats canadiens (CSC) ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux au Canada. L'IPFP a envoyé des renseignements supplémentaires à l'appui de sa plainte le 24 août 1982 et l'AFPC le 9 novembre. Le gouvernement a fait part de ses observations dans des communications des 4 novembre 1982 et 21 janvier 1983.
  2. 98. Le Canada a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. En revanche, il n'a ratifié ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, ni la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des plaignants

A. Allégations des plaignants
  1. 99. Dans sa communication du 8 juillet 1982, l'IPFP, au nom de 11 agents négociateurs dûment certifiés représentant en tout 34.047 agents publics, allègue que le projet de loi C-124, devenu ultérieurement la loi sur les restrictions salariales du secteur public, supprime le droit de négociation collective dans la fonction publique canadienne. D'après l'organisation plaignante, le projet de loi C-124, déposé devant le Parlement le 30 juin 1982, s'applique à tous les agents publics qui bénéficient du droit de négociation collective en vertu des dispositions de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique ou du code du travail (selon l'organisme qui les emploie). Ce texte proroge de deux ans les régimes de rémunération en vigueur, toutes les conditions d'emploi, à l'exclusion des taux des salaire, continuant de s'appliquer sans modification pendant cette période. L'organisation plaignante déclare que, non content de fixer les augmentations de salaire des agents publics sans consultation ni négociation, le gouvernement, par l'intermédiaire de son conseil du Trésor, peut maintenant décréter de façon arbitraire et unilatérale des exceptions aux taux de salaire et aux conditions d'emploi, sans aucune possibilité d'intervention ni de consultation pour les syndicats ou les travailleurs intéressés. En outre, aux termes de l'article 7 du, projet de loi, les dispositions des conventions collectives ou décisions arbitrales qui comportent un pareil régime resteront en vigueur sans modification pendant les deux ans de la période de prorogation.
  2. 100. Dans sa communication du 24 août 1982, l'IPFP déclare que le projet de loi C-124 a été adopté le 4 août 1982 avec les modifications suivantes: l'article 7 autorise maintenant les parties à une convention collective, ou les personnes visées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de rémunération prorogé en vertu de la loi à s'entendre pour en modifier les dispositions, à l'exception des taux de salaire et des autres dispositions du régime. L'organisation plaignante estime que cette solution est encore très insatisfaisante, car a) la définition de la "rémunération" reste très large, puisqu'elle englobe "toute forme de salaire ou de gratification versée, ou d'avantage accordé, directement ou indirectement, par un employeur ou en son nom à un salarié ou à son profit"; b) l'employeur n'est nullement tenu de rencontrer les représentants des travailleurs et de négocier au sujet des questions non financières; c) toute modification des clauses non financières requiert l'accord conjoint des parties; d) il n'est pas prévu de droit de recours à une tierce partie impartiale en cas de différend ou d'impasse dans la négociation, le gouvernement ayant déclaré qu'il n'autorisera de recours qu'avec l'accord de l'employeur et selon les procédures qu'il fixera L'article 16 du texte définitif a aussi été modifié de façon à habiliter le Gouverneur en conseil à mettre fin à l'application de la loi à l'égard de salariés ou de groupes de salariés qu'elle vise. Selon l'organisation plaignante, cet article a pour objet de: permettre le remplacement du régime de rémunération qui devrait en principe être prorogé par une autre convention collective "négociée" apportant des modifications aux clauses financières et non financières, lorsque ces modifications sont compatibles avec les augmentations de rémunération totales prescrites par la loi, c'est-à-dire lorsqu'elles ne dépassent pas les limites de 6 pour cent et 5 pour cent fixées par celle-ci. Il appelle toutefois les mêmes critiques que l'article 7, outre le fait qu'il n'est pas prévu qu'une dérogation puisse être demandée au Gouverneur en conseil.
  3. 101. Dans sa communication du 13 octobre 1982, le CTC formule les mêmes allégations à l'encontre du projet de loi C-124 (désormais loi sur les restrictions salariales du secteur public - LRSSP), soulignant qu'il va en particulier à l'encontre des dispositions de l'article 4 de la convention no 98. Selon les documents joints à cette communication, le CTC estime que cette loi non seulement bloque les augmentations de salaire à 6 pour cent et 5 pour cent pour deux années et supprime la négociation collective libre pour les agents publics fédéraux, mais encore réduit leur niveau de vie de 10 pour cent, retarde l'établissement progressif de l'égalité de traitement entre hommes et femmes dans le domaine du travail et interdit l'amélioration des autres conditions d'emploi, par exemple en ce qui concerne la sécurité et l'hygiène. Ces documents mettent aussi en question l'utilité de la loi comme instrument de politique économique, faisant valoir que la réduction des salaires aggrave la récession sans avoir d'effet sur l'inflation, qui est causée essentiellement par la dépréciation du dollar canadien, la hausse des prix de l'énergie et les taux d'intérêt élevés.
  4. 102. Dans sa lettre du 19 octobre 1982, l'AFPC souligne que deux décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique du 31 août et du 6 octobre 1962 (dont il est joint copie) déclarent clairement que le droit de négociation collective n'existe plus pour les travailleurs du secteur public fédéral. Elle cite en particulier deux passages de ces décisions: "... aucune convention collective ne peut être conclue et aucun changement ne peut être apporté ou ordonné à une convention collective existante à moins que la chose ne soit expressément permise par la loi sur les restrictions salariales du secteur public". "... la commission a jugé qu'elle n'avait ni le pouvoir ni la compétence nécessaires pour trancher les conflits d'intérêts parce que la négociation collective au sens de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique a été rendue inopérante pendant la période de restrictions imposée par la loi sur les restrictions salariales du secteur public." L'AFPC allègue en outre que la loi nouvelle supprime également le droit de grève pour tous les travailleurs visés pendant la période de restrictions de deux années et qu'elle pourrait s'appliquer à certaines catégories de salariés (par exemple, les administrateurs de programmes) pendant trois ans, selon la date à laquelle leurs conventions collectives actuelles auraient dû en principe arriver à expiration. La documentation fournie contient des statistiques tendant à montrer que d'autres mesures, par exemple une réduction des taux d'intérêt, constitueraient des instruments économiques plus efficaces que les restrictions salariales prévues par ladite loi.
  5. 103. Le 9 novembre 1982, l'AFPC a fourni des renseignements complémentaires, alléguant que, au cours des audiences publiques relatives au projet de loi C-124, avant son adoption, il n'a pas été tenu compte des arguments qu'elle avait présentés au sujet de la non-conformité de ce texte avec les dispositions des conventions de l'OIT, et que le ministre du Travail, qui est chargé des relations avec l'OIT, n'a pas eu l'occasion d'exprimer son opinion. L'AFPC déclare également que, en prorogeant un régime de rémunération en vertu des dispositions des articles 4 et 5 de cette loi restrictive, le gouvernement viole l'article 2 de la convention no 87, que le Canada a ratifiée, car il nie aux groupes d'agents publics fédéraux le droit de changer d'agents négociateurs. Elle affirme également que cette loi prive les agents négociateurs qui ont récemment obtenu le certificat de tout pouvoir puisque son article 2 donne du "régime de rémunération" une définition qui englobe également les conditions d'emploi des salariés non syndiqués. L'AFPC estime que la nouvelle loi empêche un syndicat d'exercer légalement son droit de formuler un programme ayant trait à la négociation collective pendant la période de prorogation, en violation directe des dispositions de l'article 3 de la convention no 87. Elle réaffirme aussi que les articles 4 et 5 de la loi nouvelle enfreignent directement les dispositions de l'article 4 de la convention no 98 et des articles 7 et 8 de la convention no 151, soulignant que l'article 7 de ladite loi ne prévoit qu'une discussion, au lieu des "procédures" dont il est question dans les instruments de l'OIT. Elle explique que le droit de grève est suspendu puisque l'article 101 (2) (a) de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique dispose qu'aucun employé ne peut participer à une grève "lorsqu'une convention collective s'appliquant à l'unité de négociation dont il fait partie est en vigueur", et qu'aux termes de l'article 6 (1) de la nouvelle loi, les dispositions d'une convention collective qui prévoient un régime de rémunération resteront en vigueur pendant la période de prorogation. Enfin, l'AFPC déclare que l'article 12 de la nouvelle loi impose des restrictions salariales permanentes dans le secteur visé lorsqu'elle dispose que, "indépendamment de sa date d'établissement", les dispositions d'un régime de rémunération autorisant des augmentations de salaire supérieures sont "nulles", ce qui veut dire qu'elles le resteront même après la date d'expiration de la prorogation prévue par la loi. A ce sujet, elle rappelle que l'article 9 (1) (a) (ii) de la loi confère au conseil du Trésor le pouvoir légal de revenir sur une augmentation de salaire négociée antérieurement si elle devait s'appliquer après le 29 juin 1982. Ce pouvoir de remplacer une augmentation déjà convenue par une autre d'un taux inférieur touche directement les employés de l'administration fédérale, dont le syndicat avait signé avec le Conseil du trésor une convention collective prévoyant une augmentation de traitement de 12,25 pour cent à compter du 12 décembre 1982, et qui, en application des dispositions de la loi, ne recevront maintenant qu'une augmentation de 6 pour cent. Pour conclure, l'AFPC affirme que la loi n'a pas seulement un caractère de restrictions salariales, mais qu'elle constitue une véritable agression contre la liberté syndicale et les droits de négociation collective de quelque 500.000 agents publics fédéraux.
  6. 104. Dans sa communication du 21 décembre 1982, le CSC déclare que la loi viole les dispositions de la convention no 87, car, si elle ne prétend pas suspendre ou dissoudre ouvertement les organisations de travailleurs, elle anéantit leurs efforts pour défendre et promouvoir les intérêts de leurs membres par la négociation collective, de telle sorte qu'elle retire toute signification pratique aux garanties prévues en matière de liberté syndicale. Le CSC formule des allégations semblables à celles des autres organisations plaignantes dont il a été question plus haut en ce qui concerne les conventions nos 98 et 151. Enfin, il conteste les arguments du gouvernement pour justifier le projet de loi C-124, faisant valoir que 1) même les économistes reconnaissent que les salaires ne sont pas la cause de l'inflation au Canada et qu'une législation de ce genre ne représente pas une nécessité économique; 2) les augmentations maximales fixées par la loi ne constituent pas une garantie suffisante pour protéger le niveau de vie des travailleurs.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 105. Dans une communication du 4 novembre 1982, le gouvernement déclare qu'il reconnaît aux travailleurs canadiens le droit de s'organiser en associations et en syndicats et de négocier collectivement, comme le prouvent les dispositions du code du travail qui s'appliquent aux salariés des entreprises relevant de la compétence fédérale et de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui s'appliquent aux agents de l'administration, et que les dispositions de la loi sur les restrictions salariales du secteur public n'empiètent en rien sur la liberté syndicale des travailleurs canadiens. Il explique que cette loi fixe pour une période de 24 mois l'augmentation des traitements des agents publics, qui sera de 6 pour cent pour les douze premiers mois et de 5 pour cent pour les douze mois suivants, les autres conditions d'emploi, par exemple les clauses négociées en ce qui concerne les heures supplémentaires ou les congés payés, restant en vigueur.
  2. 106. Selon le gouvernement, l'article 7 de la loi donne aux parties la possibilité de s'entendre pour modifier les conditions d'emploi qui n'ont pas trait à la rémunération, par exemple les dispositions concernant la sécurité et l'hygiène ou la procédure d'examen des plaintes. Il souligne que, faute d'accord mutuel, les conditions d'emploi en vigueur avant la date à laquelle la loi a pris effet pour deux ans continueront de s'appliquer.
  3. 107. Le gouvernement cite l'opinion suivante de l'OIT:
    • ... Les organes de contrôle de l'OIT n'ont pas ignoré non plus les graves problèmes qui peuvent surgir en certaines circonstances dans le domaine économique; ils ont par conséquent déclaré qu'il serait difficile d'établir une règle absolue en matière de négociations collectives volontaires. En effet, dans certaines conditions, les gouvernements pourraient estimer que la situation économique de leur pays exige, à certains moments, des mesures de stabilisation dont l'application rendrait impossible la détermination libre des salaires par des négociations collectives. Néanmoins, de telles restrictions devraient constituer une exception, limitée à l'indispensable; elles ne devraient pas excéder une période raisonnable et devraient s'accompagner de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs.
    • Tout en reconnaissant que la loi incriminée restreint la négociation collective des rémunérations, le gouvernement soutient qu'elle est conforme aux critères énoncés dans l'opinion en question. Premièrement, elle constitue une mesure exceptionnelle. Deuxièmement, elle a une durée d'application bien déterminée de deux ans. Troisièmement, elle prévoit des garanties tendant à protéger le niveau de vie des travailleurs et à maintenir d'autres conditions d'emploi importantes.
  4. 108. Le gouvernement souligne que l'article 16 de la nouvelle loi (qui dispose que "le Gouverneur en conseil peut, par décret, mettre fin à l'application de la présente loi à l'égard de salariés ou de groupes de salariés qu'elle vise") n'exige pas l'assentiment de l'employeur pour qu'une demande puisse être présentée en vue d'un tel décret.
  5. 109. Enfin, le gouvernement souligne que le Canada a modifié récemment sa Constitution pour y introduire une Charte des droits et libertés qui reconnaît la liberté syndicale comme un droit fondamental de tous les Canadiens, droit sur lequel le gouvernement n'a pas empiété et n'empiétera pas.
  6. 110. Dans une communication du 21 janvier 1983, le gouvernement souligne que les articles 6, 7 et 16 de la loi incriminée autorisent la négociation collective la preuve en est que l'IPFP et le conseil du Trésor, ce dernier en tant qu'employeur, ont signé des mémorandums d'accord négociés à titre volontaire, le 7 décembre 1982 (pour l'unité de négociation des économistes) et le 8 décembre 1982 (pour l'unité de négociation des historiens). Les parties ont convenu d'instituer pour les salariées de ces groupes une nouvelle prestation consistant en un congé de maternité payé. Les négociations qui ont abouti à ces accords sont autorisées conformément aux dispositions de l'article 16 de la Ici. En outre, selon le gouvernement, les allégations formulées en l'espèce sont trompeuses car elles mettent l'accent seulement sur le fait qu'il n'y aura pas d'intervention d'une tierce partie dans le mécanisme de négociation et se gardent bien de reconnaître que le gouvernement est disposé, comme il l'a déjà montré, à engager des négociations et à négocier collectivement conformément aux dispositions de la loi. Ainsi, depuis le 13 décembre, des négociations ont été menées en vertu de l'article 16, pour l'unité de négociation du personnel infirmier, entre l'IPFP et le conseil du Trésor, et en vertu de l'article 7, pour les unités de négociation du personnel d'exploitation de la radio et du personnel d'exploitation des transports aériens, entre le conseil du Trésor et le Syndicat canadien du personnel professionnel et technique. En outre, des consultations et des négociations se poursuivent au sein du Conseil national mixte, organisme qui réunit les syndicats de la fonction publique et le conseil du Trésor l'AFPC participe à ces activités.
  7. 111. Le gouvernement déclare que les deux décisions de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dont l'une des organisations plaignantes fait état reconnaissent simplement que la nouvelle loi suspend la négociation collective au titre de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Elles ne constatent pas que la négociation collective en elle-même ait été suspendue. C'est ce que le président de la Commission des relations de travail a reconnu dans l'une de ces décisions, dans les termes suivants: "Je tiens à souligner toutefois que toutes les dispositions de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique qui ne sont pas incompatibles avec la Ici nouvelle demeurent en vigueur, notamment la disposition de la Ici ancienne qui permet au président de nommer un médiateur pour aider les parties à régler les différends de toutes sortes qui peuvent surgir pendant la période de restrictions fixée par la loi nouvelle."

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 112. Le comité note que la loi sur les restrictions salariales du secteur public, adoptée le 4 août 1982, restreint la négociation collective pour les agents publics fédéraux pour une période de 24 mois, avec la possibilité que cette période commence bien après le 29 juin 1982. Les dispositions de cette loi s'appliquent aux régimes de rémunération en vigueur au 29 juin 1982.
  2. 113. Les principaux articles de la loi ont la teneur suivante:
  3. 4. (1) Le régime de rémunération en vigueur le 29 juin 1982 pour des salariés visés par la présente partie, notamment tout régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 5, est prorogé de deux ans à compter de l'une des dates suivantes:
    • a) celle de la première augmentation des taux de salaire qui, en l'absence de l'article 8, surviendrait au plus tôt le 29 juin 1982;
    • b) celle prévue, en l'absence du présent article, pour son expiration, s'il ne comporte aucune augmentation de salaire le 29 juin 1982 au plus tôt. [...]
  4. 5. (1) sous réserve du paragraphe (2), le régime de rémunération de salariés visés par la présente partie qui, en l'absence du présent paragraphe, aurait expiré avant le 29 juin 1982 et qui n'a pas été remplacé avant cette date, ou à cette date au plus tôt en conformité avec le paragraphe 4 (2), est prorogé:
    • a) s'il s'agit d'un régime dont la date d'expiration est prévue pour le 29 juin 1981 au plus tôt, d'une année à compter de cette date d'expiration;
    • b) s'il s'agit d'un régime dont la date prévue d'expiration est antérieure au 29 juin 1981, jusqu'au 29 juin 1982.
  5. 6. (1) Par dérogation à toute autre loi du Parlement, à l'exception de la loi canadienne sur les droits de la personne, mais sous réserve du présent article et de l'article 7, les dispositions d'un régime de rémunération prorogé en vertu des articles 4 ou 5 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime demeurent en vigueur sans modification, sous réserve de la présente partie, pendant la période de prorogation. [...]
  6. (3) Le conseil du Trésor peut modifier les dispositions, notamment en augmentant d'un maximum de neuf pour cent les taux de salaire d'un régime de rémunération qui, en l'absence de l'article 5, aurait expiré avant le 29 juin 1982 ou d'une convention collective ou décision arbitrale qui comporte un pareil régime, lorsque les parties au régime ne parviennent pas à s'entendre sur les modifications à y apporter.
  7. 7. Les parties à une convention, collective, ou les personnes visées par une décision arbitrale, qui comporte un régime de rémunération prorogé en vertu de l'article 4 peuvent s'entendre pour modifier les dispositions de la convention ou de la décision, à l'exception des taux de salaire et des autres dispositions du régime.
  8. 12. Indépendamment de sa date d'établissement, est nulle la disposition du régime de rémunération de salariés visés par la présente partie qui a pour effet de porter les taux de salaire au niveau qu'ils auraient atteint en l'absence de celle-ci.
  9. 114. Les organisations plaignantes allèguent que la loi sur les restrictions salariales du secteur public viole les articles 2 et 3 de la convention no 87, l'article 4 de la convention no 98 et les articles 7 et 8 de la convention no 151, et elles font valoir qu'elle n'était pas nécessaire pour la relance de l'économie canadienne. Le gouvernement estime en revanche que cette loi était nécessaire et qu'elle est acceptable car elle ne s'appliquera que pendant une période limitée et qu'elle prévoit des garanties tendant au maintien du niveau de vie des travailleurs, qu'il s'agisse des discussions autorisées par ses articles 7 et 16, des consultations et des négociations qui se poursuivent au sein du Conseil national mixte, ou de la possibilité de désigner un médiateur indépendant en cas de différend.
  10. 115. En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 2 de la convention no 87, le comité, après un examen approfondi des dispositions de la loi, estime que le droit des travailleurs de la fonction publique fédérale de constituer des organisations de leur choix, et de s'y affilier, sans autorisation préalable ne semble pas mis en cause. Bien que les plaignants soutiennent que le droit de ces travailleurs de changer d'agents négociateurs au cours de la période de restrictions fait l'objet d'une limitation - implicite dans le "sans modification" de l'article 6 -, le comité considère qu'une telle conséquence n'apparaît pas immédiatement à la lecture de cet article, qui a trait spécifiquement aux régimes de rémunération, et non aux parties ou aux organismes qui ont pris part à leur négociation. En outre, l'article 6 lui-même reconnaît expressément la suprématie de la loi canadienne relative aux droits de l'homme, qui consacre le droit de tous les travailleurs de constituer des organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts.
  11. 116. L'allégation selon laquelle l'article 3 de la convention no 87 se trouve violé par le jeu combiné de l'article 6 (1) de la loi sur les restrictions salariales du secteur public et de l'article 101 (2) (a) de la loi sur les relations de travail dans la fonction publique (qui aboutissent à supprimer le droit de grève pendant la période de restrictions salariales) doit être examinée à la lumière des principes et des normes des organes de contrôle de l'OIT concernant le droit de grève dans le secteur public. Le comité a estimé dans le passés que le droit de grève peut être restreint ou supprimé dans la fonction publique ou les services essentiels au sens strict du terme à la condition que des garanties adéquates - par exemple des procédures de conciliation et d'arbitrage expéditives et impartiales à tous les stades desquelles les parties intéressées puissent participer - soient fournies aux travailleurs pour compenser cette limitation de leur liberté d'action. Le comité rappelle en outre que l'article 8 de la convention no 151 inclut parmi les exemples de procédures de règlement des différends la négociation et la médiation. Dans le cas présent, le comité note que, selon le gouvernement, des garanties adéquates existent, puisque, par exemple, l'article 7 de la loi autorise une négociation collective limitée, tandis que son article 16 permet des dérogations, et que les procédures de médiation prévues par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique s'appliquent encore. En outre, le comité note que, conformément aux dispositions de l'article 6 (2) de la loi sur les restrictions salariales du secteur public, le conseil du Trésor peut, dans certaines circonstances, notamment lorsque les parties à un régime de rémunération ne parviennent pas à s'entendre sur les modifications à y apporter, autoriser la modification des dispositions de ce régime, y compris une augmentation des taux de salaire d'un maximum de 9 pour cent. Compte tenu de tous ces éléments, le comité estime que, malgré les mesures prises pour limiter les négociations salariales, la suppression du droit de grève dans le cas présent est assortie de procédures qui, non seulement peuvent aboutir à une négociation au-delà des niveaux fixés par la nouvelle loi (c'est-à-dire 6 pour cent et 5 pour cent), mais encore permettent des dérogations dans certains cas et assurent la possibilité d'une médiation en cas de différend. Quant à savoir dans quelle mesure ces procédures assurent une compensation suffisante aux travailleurs à qui le droit de grève est ainsi retiré, cela dépendra de leur efficacité dans la pratique, et le gouvernement devrait s'assurer que les diverses demandes sont examinées de façon complète et de bonne foi en vue de déterminer s'il convient de faire exception à l'application de la loi.
  12. 117. En ce qui concerne l'allégation selon laquelle la suspension de la négociation collective décrétée par la loi viole l'article 4 de la convention no 98, le comité rappelle les critères fixés par les organes de contrôle de l'OIT et que le gouvernement a cités à cet égard, à savoir que les mesures de stabilisation qui restreignent le droit de négociation collective peuvent être acceptables, à la condition qu'elles ne soient imposées qu'à titre exceptionnel, seulement dans la mesure indispensable et pendant un laps de temps raisonnable, et qu'elles soient assorties de garanties suffisantes pour protéger le niveau de vie des travailleurs le comité observe que la durée d'application de la loi sur les restrictions salariales est de deux ans, ce que le gouvernement déclare être une durée "bien déterminée". Le comité peut accepter, à certaines conditions, que, dans des circonstances exceptionnelles et pour une période strictement limitée, une loi impose des restrictions salariales à compter d'une date donnée. Cependant, en ce qui concerne les plans de compensation qui avaient été librement négociés avant la date à laquelle la législation est devenue applicable et qui prévoyaient des augmentations en sus de celles prévues par la loi, le comité considère que des consultations devraient avoir lieu entre les parties pour déterminer la mesure dans laquelle de tels accords qui avaient été librement négociés peuvent être mis en oeuvre dans le cadre des dispositions de la loi.
  13. 118. Le comité note que la loi prévoit certaines augmentations de salaire limitées, de 6 pour cent pour sa première année d'application et de 5 pour cent pour la seconde, et que les travailleurs intéressés ont la possibilité de mener des discussions et des négociations sur diverses autres questions. En outre, la loi permet de faire des exceptions, et il semble qu'il y en ait déjà eu. Le comité note tout particulièrement que le gouvernement a déclaré que des mémorandums d'accord concédant à deux unités de négociation certains avantages liés au revenu ont été signés en décembre 1982 et que des négociations se poursuivent entre l'administration et les syndicats d'agents publics intéressés de trois autres unités de négociation. En conséquence, le comité estime que, si la négociation collective dans le secteur public fédéral fait l'objet de restrictions pour la période limitée prévue par la loi sur les restrictions salariales du secteur public, certaines dispositions sont prises pour protéger le niveau de vie des travailleurs concernés. Le comité exprime l'espoir que le gouvernement suivra la situation de près et qu'il tiendra des négociations et des consultations avec les syndicats intéressés en vue d'assurer que tout effet négatif de cette législation sera surmonté.
  14. 119. En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 7 de la convention no 151, relatif aux procédures de détermination des conditions d'emploi, le comité rappelle que l'article 7 autorise une certaine souplesse dans le choix de ces procédures. Il note aussi que certaines parties en cause dans le cas présent poursuivent des négociations sur divers problèmes et que deux unités de négociation ont volontairement signé des mémorandums d'accord concernant des avantages liés au revenu, alors même que la loi leur est applicable. Dans ces conditions, et étant donné que le gouvernement s'est déclaré disposé à poursuivre dans cette voie pendant la période d'application de la loi sur les restrictions salariales, le comité ne peut conclure que les agents publics ne sont pas en mesure de participer à la détermination de leurs conditions d'emploi par des procédures instituées à cette fin.
  15. 120. Pour ce qui est de l'infraction alléguée à l'article 8 de la convention no 151, relatif au règlement des différends, le comité rappelle que, eu égard aux travaux préparatoires qui ont précédé l'adoption de la convention, cet article a été interprété comme donnant le choix entre la négociation et d'autres procédures (telles que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage) pour le règlement des différends. Dans le cas présent, l'exclusion provisoire des procédures d'arbitrage par une tierce partie normalement prévues par la loi sur les relations de travail dans la fonction publique n'est pas contraire aux dispositions de l'article 8, pourvu que la possibilité de négocier reste ouverte aux parties et soit instituée de façon à leur inspirer confiance. A cet égard, le comité note tout particulièrement la déclaration du gouvernement selon laquelle des consultations et des négociations se poursuivent au sein du Conseil national mixte, organisme dans lequel une au moins des organisations plaignantes joue un rôle actif le comité note aussi que, selon le gouvernement, la possibilité de charger un médiateur indépendant de régler les différends reste ouverte, malgré la nouvelle loi. Le comité souligne néanmoins l'importance du principe énoncé dans l'article 8 de la convention no 151 selon lequel le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d'emploi doit être recherché, d'une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d'indépendance et d'impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage, instituée de telle sorte qu'elle inspire confiance aux parties intéressées. Le comité formule l'espoir que ce principe sera pleinement respecté, surtout pendant la période de deux ans prévue par la loi sur les restrictions salariales.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 121. Dans ces conditions, le comité recommande au conseil d'administration d'approuver le présent rapport, et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 2 de la convention no 87, le comité, après un examen attentif des dispositions de la loi de 1982 sur les restrictions salariales dans le secteur public, estime que la limitation de la négociation collective prévue par cette loi ne semble pas nuire au droit des agents publics fédéraux de constituer les organisations de leur choix, et de s'y affilier, sans autorisation préalable.
    • b) De même, en ce qui concerne la violation de l'article 3 de la convention no 87 qui, selon les plaignants, résulterait de la suppression du droit de grève pendant la période de restrictions salariales, le comité estime que, malgré les mesures prises pour limiter la négociation collective, la suspension de ce droit dans le cas présent s'accompagne de procédures qui, non seulement peuvent aboutir à une négociation au-delà des niveaux fixés par la loi sur les restrictions salariales du secteur public, mais encore permettent des dérogations et assurent la possibilité de recourir à la médiation en cas de différend. Comme c'est de l'efficacité pratique de ces procédures qu'il dépendra qu'elles constituent une compensation plus ou moins adéquate pour les travailleurs auxquels le droit de grève a été retiré, le comité estime que le gouvernement devrait s'assurer que les diverses demandes sont examinées de façon complète et de bonne foi en vue de déterminer s'il convient de faire exception à l'application de la loi.
    • c) En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 4 de la convention no 98, le comité rappelle que des restrictions apportées au droit de négociation collective peuvent être acceptables, à la condition qu'elles ne soient imposées qu'à titre exceptionnel, seulement dans la mesure indispensable et pendant un laps de temps raisonnable, et qu'elles soient assorties de garanties suffisantes pour protéger le niveau de vie des travailleurs.
    • d) En ce qui concerne les plans de compensation qui avaient été négociés librement avant la date à laquelle la législation est entrée en vigueur et qui prévoyaient des augmentations en sus de celles prévues par la loi, le comité estime que des consultations devraient avoir lieu entre les parties pour déterminer la mesure dans laquelle ces accords librement négociés peuvent être appliqués dans le cadre de la loi.
    • e) Le comité exprime l'espoir que le gouvernement suivra de prés la situation et tiendra des négociations et des consultations avec les syndicats intéressés en vue d'assurer que tout effet négatif de la législation sera surmonté.
    • f) En ce qui concerne la violation alléguée de l'article 7 de la convention no 151, le comité, étant donné la souplesse que cet article autorise dans le choix des procédures à utiliser pour déterminer les conditions d'emploi et le fait que des négociations se poursuivent au sujet de certaines questions, ne peut conclure que les agents publics ne sont pas en mesure de participer à la détermination de leurs conditions d'emploi par des procédures instituées à cette fin.
    • g) Pour ce qui est de la violation alléguée de l'article 8 de la convention no 151, le comité souligne l'importance du principe selon lequel le règlement des différends survenant à propos de la détermination des conditions d'emploi doit être recherché, d'une manière appropriée aux conditions nationales, par voie de négociation entre les parties ou par une procédure donnant des garanties d'indépendance et d'impartialité, telle que la médiation, la conciliation ou l'arbitrage, instituée de telle sorte qu'elle inspire confiance aux parties intéressées. Il exprime l'espoir que ce principe sera pleinement respecté, surtout pendant la période de deux ans prévue par la loi sur les restrictions salariales du secteur public.
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