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- 226. Le comité a déjà examiné ce cas à sa réunion de mai 1984 où il a présenté un rapport intérimaire au Conseil d'administration. (Voir paragr. 500 à 520 du 234e rapport du comité approuvé par le Conseil d'administration à sa 226e session (mai-juin 1984).) A sa réunion de février 1985, le comité, ayant constaté que le gouvernement, malgré plusieurs appels, n'avait pas encore envoyé les informations qui lui avaient été demandées, a adressé un appel pressant au gouvernement le priant instamment d'envoyer d'urgence ses informations. (Voir 238e rapport du comité, paragr. 20.) Le gouvernement a envoyé certaines informations dans une communication reçue le 25 février 1985.
- 227. Le Pérou a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- I. Allégations relatives à des morts violentes et à des arrestations au cours d'une grève nationale de mars 1983
- 228 La présente affaire avait trait tout d'abord à une grève nationale, déclenchée par le Front syndical démocratique, le 10 mars 1983, pour obtenir des augmentations de salaires et l'arrêt de la hausse des prix des articles de première nécessité, et pour demander au gouvernement de négocier le rééchelonnement de la dette extérieure à l'égard du Fonds monétaire international et la révision des accords pétroliers. Cette grève se serait soldée par la mort violente de quatre personnes nommément désignées par les plaignants et par l'arrestation de quelque 200 personnes, dont trois dirigeants de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) dont les noms ont été mentionnés par les plaignants.
- 229 Le gouvernement n'avait pas nié qu'une grève nationale avait eu lieu, mais avait rétorqué que la grève en question avait pris une tournure violente quand les grévistes avaient lapidé deux unités de transport des forces de l'ordre, obligeant les membres de la garde civile à repousser l'agression en faisant usage de leurs armes à feu. Ceci avait causé des morts et des blessures et le gouvernement avait indiqué que, pour faire face à ces événements, il avait dû suspendre les garanties constitutionnelles et prendre les mesures de sécurité requises par la situation. Toujours, selon le gouvernement, après enquête, 84 personnes avaient été arrêtées pour délits contre la vie et la sécurité des personnes et attaques contre des biens publics.
- 230 A sa réunion de mai 1984, le Comité de la liberté syndicale, après avoir déploré la gravité des événements en cause, avait demandé au gouvernement de communiquer le résultat des enquêtes menées par la justice ordinaire au sujet des morts et des blessures dont il était question dans le présent cas. Il avait également demandé au gouvernement de le tenir informé des résultats des enquêtes judiciaires relatives aux 84 personnes qui étaient encore détenues ainsi que des indications sur le sort des trois dirigeants de la CGTP nommément désignés, à savoir Jorge Rabínez Bartra, Hernán Espinoza Segovia et Juan Calle Mendoza.
- 231 Dans sa communication du 25 février 1985, le gouvernement se borne à réitérer ses déclarations antérieures à propos des événements relatifs à la grève nationale du 10 mars 1983, qui l'ont conduit à suspendre les garanties constitutionnelles et ont amené la garde civile à prendre des mesures de sécurité. Le gouvernement ajoute qu'il a demandé au ministère de l'Intérieur et au Procureur les informations sur les événements qui se sont produits à l'occasion de cette grève nationale, et qu'il attend une réponse.
- 232 Le comité rappelle que le gouvernement reconnaît dans cette affaire que 84 personnes avaient été arrêtées à la suite des événements violents du 10 mars 1983, mais qu'il n'a fourni aucune information sur le sort des trois dirigeants de la CGTP, nommément désignés par les plaignants, qui auraient été arrêtés à la suite de cette grève. D'une manière générale, le comité, tout en déplorant les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la grève nationale du 10 mars 1983, rappelle l'importance de la négociation et de la concertation avec les différentes composantes sociales pour éviter les affrontements et assurer le développement de bonnes relations professionnelles. En ce qui concerne cet aspect du cas, le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des informations détaillées sur le sort des 84 personnes arrêtées à la suite de la grève nationale du 10 mars 1983, en particulier d'indiquer si elles ont fait l'objet d'un procès et d'une condamnation ou si elles sont libérées. Au sujet des trois dirigeants de la CGTP, nommément désignés par les plaignants, qui auraient été emprisonnés également, semble-t-il, à la suite de la grève du 10 mars 1983, le comité demande instamment au gouvernement d'indiquer si ces personnes ont été arrêtées et si elles sont actuellement détenues ou en liberté. Sur ce dernier point en effet, le comité ne peut admettre qu'une allégation spécifique faisant état de l'emprisonnement de trois dirigeants syndicaux nommément désignés, qui serait intervenu depuis plus de deux ans, n'ait fait l'objet d'aucun commentaire de la part du gouvernement.
- II. Allégations relatives à des limitations au droit de grève
- 233 Les plaignants avaient également allégué que le décret suprême no 0010-83-PCM du 25 février 1983 sur la qualification des arrêts de travail dans la fonction publique, dont l'article 1er dispose que la qualification des arrêts de travail (dans les services publics) sera déterminée par les chefs des institutions publiques, porte atteinte à la liberté syndicale des intéressés puisque, en vertu de ce texte, l'employeur joue le rôle de "juge et partie" dans la mesure où il a la faculté de déclarer une grève illégale. Ils avaient aussi relevé qu'un projet de loi soumis le 30 mai 1983 au Parlement visait à punir d'emprisonnement la grève causant des dommages à la propriété ou un arrêt de circulation, la prise en otage d'un fonctionnaire en raison d'une grève et la grève de la faim.
- 234 Le gouvernement dans sa réponse du 25 février 1985 indique que la présidence du Conseil des ministres dans une note no 379-84 PCM/AJ a estimé que le décret suprême no 0010-83-PCM "ne restreint pas le droit de grève car il ne vise qu'à déterminer quels seront les organismes qui devront la qualifier au sein des instances administratives, ladite qualification pouvant faire l'objet d'un recours devant le Conseil national du service civil". Le gouvernement ajoute qu'aux termes de la Constitution la grève est un droit des travailleurs qui s'exerce dans le cadre de la loi et que, dès lors que la loi en question n'a pas été promulguée, on ne peut estimer que le droit constitutionnel en cause fasse l'objet de restrictions. Le gouvernement indique aussi que les observations du comité à propos du projet de loi sur la grève ont été adressées à la Chambre des députés.
- 235 Le comité a pris connaissance du décret suprême no 0010-83-PCM du 25 février 1983, qui détermine les autorités administratives chargées de la qualification des grèves dans la fonction publique. A cet égard, le comité relève avec satisfaction, comme la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, que le Pérou a accordé le droit de grève aux fonctionnaires en application de l'article 61 de la Constitution et de l'article 24 m) de la loi sur la carrière administrative. Le comité observe cependant qu'aux termes de l'article 1er du décret suprême critiqué par les plaignants les chefs des institutions publiques ont la charge de qualifier les paralysies collectives du travail qui contreviendraient aux dispositions des décrets suprêmes sur le droit de syndicalisation des serviterus publics. Le comité, tout en prenant note des indications fournies par le gouvernement à propos du droit de recours devant le Conseil national du service civil, estime que le décret suprême critiqué par les plaignants, qui accorde aux chefs des institutions publiques le droit de prononcer l'illégalité de la grève des fonctionnaires, est contraire aux principes de la liberté syndicale. En effet, le caractère illégal d'une grève doit être déterminé par une instance judiciaire, et non par une instance administrative, et ne doit pas être prononcé par l'employeur qui joue le rôle de juge et partie. Le comité invite donc le gouvernement à modifier sa législation pour garantir que le caractère illégal d'une grève soit déterminé par une instance judiciaire et non administrative et il souhaite attirer l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du cas.
- 236 En ce qui concerne un projet de loi de mai 1983 qui, selon les plaignants, devait punir des grévistes causant des dommages à la propriété, ou une prise d'otage de fonctionnaires dans le cadre d'une grève, le comité observe que le gouvernememt déclare que la loi générale sur la grève n'a toujours pas été adoptée.
- III. Allégations relatives à l'annulation de la personnalité juridique de plusieurs organisations syndicales
- 237 Dans sa communication du 4 juin 1983, la CGTP avait allégué l'annulation de la personnalité juridique de la Fédération nationale des travailleurs du cinéma, du Syndicat des travailleurs FINISTERRE SA et du Syndicat des travailleurs TTX.
- 238 Le gouvernement n'a fourni aucune information sur cet aspect du cas. Cependant, les plaignants auxquels l'occasion a été offerte de fournir des informations complémentaires sur cette allégation n'ont donné aucun renseignement sur ces annulations n'indiquant ni quand elles ont eu lieu ni en quelles circonstances. Dans ces conditions, le comité estime que ces allégations sont trop vagues pour qu'il puisse en poursuivre l'examen.
- IV. Allégations relatives à l'arrestation de deux dirigeants de la CGTP et à l'occupation des locaux d'un syndicat
- 239 La CGTP avait allégué également l'arrestation, le 7 juin 1983, de Jesus Ramirez Alejo, secrétaire général de la CGTP de la région de Callao, l'occupation à Callao des locaux de la Fédération des hommes d'équipage du Pérou et l'arrestation de Gregorio Bazán Tello, vice-président de la CGTP.
- 240 Le gouvernement n'a fourni aucune information sur ces aspects du cas, mais le plaignant n'a pas non plus fourni d'indications sur les raisons pour lesquelles les dirigeants de la CGTP susmentionnés auraient été arrêtés pas plus qu'il n'en a fourni sur l'occupation des locaux syndicaux en question.
- 241 Le comité, tout en regrettant le caractère vague des allégations, ne peut que rappeler, d'une manière générale, que les syndicalistes détenus à l'instar des autres personnes doivent bénéficier d'une bonne administration de la justice et que les personnes arrêtées pour avoir exercé des activités syndicales légitimes doivent être immédiatement libérées. Le comité rappelle également que les locaux syndicaux devraient être inviolables et qu'il ne devrait pas être possible d'y pénétrer sans un mandat judiciaire.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 242. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire et, en particulier, les conclusions suivantes:
- a) Le comité déplore profondément les circonstances dans lesquelles s'est déroulée la grève nationale du 10 mars 1983, et rappelle l'importance de la négociation et de la concertation avec les différentes composantes sociales pour éviter les affrontements et assurer le développement de bonnes relations professionnelles.
- b) Pour ce qui est de l'arrestation de 84 personnes à la suite de la grève nationale du 10 mars 1983, qui, selon le gouvernement, se serait déroulée dans la violence, le comité demande à nouveau au gouvernement de fournir des indications sur leur sort et d'indiquer, en particulier, si ces 84 personnes sont encore détenues, si elles ont fait l'objet d'un procès et d'une condamnation ou si elles sont libérées.
- c) Pour ce qui est de l'allégation d'arrestation de trois dirigeants de la CGTP qui auraient été emprisonnés également, semble-t-il, à la suite de la grève nationale du 10 mars 1983, à savoir Jorge Rabínez Bartra, Hernán Espinoza Segovia et Juan Calle Mendoza, le comité prie le gouvernement d'indiquer si ces personnes ont effectivement été arrêtées et si elles sont actuellement détenues ou en liberté. En effet, le comité ne peut admettre qu'une allégation spécifique faisant état de l'emprisonnement de trois dirigeants syndicaux nommément désignés, qui serait intervenu il y a plus de deux ans, n'ait fait l'objet d'aucun commentaire du gouvernement.
- d) Au sujet du décret suprême no 0010-83-PCM du 25 février 1983 critiqué par les plaignants, le comité estime contraire à la liberté syndicale que le droit de qualifier une grève dans la fonction publique d'illégale appartienne aux chefs des institutions publiques qui sont juges et parties dans l'affaire. Il invite donc le gouvernement à modifier sa législation pour garantir que le caractère illégal d'une grève soit déterminé par une instance judiciaire et non administrative. Le comité souhaite attirer l'attention de la commission d'experts sur cet aspect du cas.
- e) Au sujet de l'allégation d'arrestation de deux dirigeants de la CGTP, Jesus Rabínez Alejo, le 7 juin 1983, et Gregorio Bazan Tello, et de l'allégation d'occupation des locaux de la Fédération des hommes d'équipage du Pérou, la commission rappelle que les syndicalistes arrêtés à l'instar des autres personnes doivent bénéficier d'une bonne administration de la justice, et que les personnes arrêtées pour avoir exercé des activités syndicales légitimes doivent être immédiatement libérées. Le comité insiste également sur le caractère inviolable des locaux syndicaux et rappelle qu'il ne devrait pas être possible d'y pénétrer sans un mandat judiciaire.