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Informe provisional - Informe núm. 241, Noviembre 1985

Caso núm. 1266 (Burkina Faso) - Fecha de presentación de la queja:: 10-MAR-84 - Cerrado

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  1. 649. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 1984 à l'occasion de laquelle il a soumis au Conseil d'administration un rapport intérimaire qui figure aux paragraphes 553 à 578 de son 236e rapport que le Conseil d'administration a approuvé à sa 228e session (novembre 1984). Depuis lors, la Confédération mondiale des organisations de la profession enseignante (CMOPE) a adressé, le 28 mars 1985, des informations complémentaires au sujet de ce cas et le gouvernement a envoyé deux réponses sur cette affaire dans des lettres des 29 et 31 mai 1985. La CMOPE a fourni certaines informations dans une communication du 18 juillet 1985.
  2. 650. Le Burkina Faso a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Examen antérieur du cas

A. Examen antérieur du cas
  1. 651. Ce cas se réfère à l'arrestation et à la détention au camp d'internement de Koudougou ou à la gendarmerie de Ouagadougou des dirigeants syndicaux Jean Pagnimda Bila, secrétaire général du Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta (SNEAHV), Bahiéba Joachim Sib, secrétaire aux relations extérieures, Batiémoko Komé, secrétaire chargé des problèmes pédagogiques et Ismaël Ousmane Kindo, secrétaire adjoint du syndicat depuis le mois de mars 1984. L'affaire porte également sur le licenciement d'un très grand nombre d'enseignants (2.600 selon les plaignants) intervenu en mars 1984 à la suite de la grève de protestation de quarante-huit heures déclenchée les 20 et 21 mars par les enseignants pour obtenir la libération de leurs dirigeants syndicaux emprisonnés. Elle porte enfin sur le caractère illégal, selon les plaignants, d'un congrès extraordinaire du SNEAHV tenu du 28 au 30 août 1984 au cours duquel une direction syndicale illégale aurait été élue sans la participation des enseignants grévistes mais avec celle de deux dirigeants du bureau national dudit syndicat qui s'étaient désolidarisés du mouvement de protestation des 20 et 21 mars 1984.
  2. 652. Le gouvernement avait rétorqué dans ses communications de mars et de juin 1984 que les arrestations des dirigeants avaient été motivées par des raisons politiques et non syndicales. Pour preuve, il avait envoyé une copie de la motion syndicale du SNEAHV du 7 août 1983 dans laquelle ce syndicat critiquait sur un ton dur l'action du gouvernement qui avait lui-même suspendu par sa proclamation du 4 août 1983 les partis politiques et interdit les activités politiques. Le gouvernement accusait la direction de ce mouvement syndical d'être colonialiste et réactionnaire. Par ailleurs, le gouvernement n'avait pas répondu à l'allégation concernant la tenue d'un congrès extraordinaire du SNEAHV en août 1984 au cours duquel, selon les plaignants, une direction syndicale illégale aurait été élue.
  3. 653. Dans ces conditions, à sa session de novembre 1984, le Conseil d'administration avait approuvé les conclusions suivantes du comité:
    • "a) Au sujet du cas dans son ensemble, le comité note avec une profonde préoccupation l'internement administratif imposé à quatre dirigeants syndicaux depuis de longs mois et les mesures de licenciement massif qui auraient touché environ 2.600 enseignants pour avoir participé à une grève de deux jours.
    • b) Le comité lance un appel au gouvernement pour qu'il libère les dirigeants syndicaux internés administrativement et sans avoir été jugés ou pour qu'ils soient rapidement déférés devant un tribunal indépendant et impartial et, dans ce dernier cas, qu'il communique le jugement les concernant avec leurs attendus.
    • c) Le comité demande au gouvernement de le tenir informé du sort de ces dirigeants syndicaux.
    • d) Le comité demande instamment la réintégration des enseignants licenciés pour le seul fait d'avoir participé à une grève.
    • e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à cet effet.
    • f) Le comité prie le gouvernement de transmettre ses observations sur l'allégation à laquelle il n'a pas encore répondu et qui date du 1er octobre 1984 selon laquelle, au cours d'un congrès extraordinaire du SNEAHV en août 1984, une direction syndicale illégale aurait été élue."

B. Nouvelles allégations

B. Nouvelles allégations
  1. 654. Selon la CMOPE, dans sa communication du 28 mars 1985, les dirigeants syndicaux du SNEAHV, MM. Bila, Kindo et Sib demeuraient en détention sans avoir été jugés.
  2. 655. Les archives du SNEAHV avaient été saisies.
  3. 656. Le gouvernement n'avait réintégré que 100 enseignants à la suite de la grève de mars 1984 sur environ 2.600 personnes licenciées. Toujours d'après la CMOPE, le gouvernement lui-même aurait admis le licenciement de 1.466 enseignants.
  4. 657. Les enseignants avaient été soumis à un contrôle politique comme condition de leur réintégration ainsi qu'en témoignait la photocopie d'une fiche de demande de reprise dans la fonction publique burkinabé jointe à la documentation qui avait notamment la teneur suivante:
    • I. Partie à remplir par l'instituteur licencié
    • Je soussigné
    • Nom ... , prénom ... , grade ...
    • Dernière affectation avant le licenciement ...
    • Département ... Province ...
    • sollicite la grâce du peuple burkinabé pour la sanction révolutionnaire que j'ai dûment méritée pour avoir participé à la grève pro-impérialiste et putschiste organisée par des éléments manipulés de l'ex-direction apatride, réactionnaire et contre-révolutionnaire du SNEAHV.
    • Dorénavant, je m'engage à faire du discours d'orientation politique du 2 octobre mon guide et à être un serviteur dévoué du peuple burkinabé pour le succès du grand combat qu'il a entrepris depuis le 4 août 1983 pour la liberté, la dignité et le progrès social.
    • Dans une deuxième partie, à remplir par le Comité de défense de la révolution (CDR), il était indiqué que le CDR, après avoir constaté que l'intéressé participait aux activités socio-économiques et aux veillées, débats et assemblées générales du Comité de défense de la révolution, ledit comité de défense de la révolution donnait son consentement à ce que l'intéressé intègre la famille révolutionnaire burkinabé.
  5. 658. La CMOPE annexait également à sa documentation la photocopie d'une lettre à en-tête du ministre de l'Intérieur et de la Sûreté adressée aux instituteurs licenciés ex-membres du bureau du SNEAHV (référence no 3831/IS/CAB du 28 août 1984) dans laquelle le directeur du cabinet du ministre indiquait aux intéressés que, conformément aux dispositions réglementaires, nul ne pouvait mener d'activités syndicales s'il n'était un membre actif d'un syndicat régulièrement reconnu. La lettre ajoutait: "Depuis votre licenciement pour fait de grève sauvage, vous avez perdu la qualité d'instituteur et donc celle de membre du Syndicat des enseignants. En conséquence, j'attire votre attention sur tout ce qui pourrait arriver par suite des activités illégales que vous menez actuellement contrairement aux obligations de votre nouveau statut."
  6. 659. La CMOPE joignait aussi à sa plainte la photocopie d'une lettre adressée au Président du Burkina Faso par un groupe d'enseignants licenciés le 23 janvier 1985 dans laquelle les intéressés assuraient que la grève de deux jours des 20 et 21 mars 1984 qui n'avait pour objet que la demande de libération des dirigeants syndicaux n'avait pas eu un caractère putschiste et ils sollicitaient la libération des dirigeants détenus à Koudougou et à Ouagadougou, et la reprise des enseignants du 1er degré et des services de la formation des jeunes agriculteurs licenciés pour faits de grève. La lettre indiquait notamment que, devant la gravité de la situation, seul le Président pouvait éviter aux enseignants de s'expatrier, redonner confiance aux enseignants licenciés (la lettre mentionnait que plusieurs cas de suicide avaient eu lieu) et redonner vie à l'école burkinabé. Elle était signée du rapporteur délégué du groupe Daniel Ouedraogo.
  7. 660. Enfin, la documentation contenait la photocopie d'une autre lettre à en-tête d'un comité de réflexion des enseignants licenciés, datée du 22 février 1985, également signée du même Daniel Ouedraogo. Ce comité en appelait au BIT pour obtenir la réintégration des enseignants licenciés. Elle indiquait qu'au 13 février 1985 seulement 100 enseignants avaient été rappelés en service alors que le Comité de réflexion avait adressé une lettre au Chef de l'Etat pour lui rappeler la mesure de clémence qu'il avait décidée en faveur des enseignants licenciés à la date anniversaire de sa prise de pouvoir, le 4 août 1984. Ladite mesure de clémence, poursuivait la lettre, est restée sans suite alors qu'il avait été demandé aux enseignants licenciés de remplir des fiches à cet effet. La lettre concluait que les enseignants étaient dans la misère, qu'il était interdit aux établissements privés de les embaucher, que la distribution des grains aux nécessiteux ne les touchait guère et que le système d'enseignement au Burkina Faso se mourait lentement.
  8. 661. Pour terminer, la CMOPE demandait qu'une mission du BIT se rende au Burkina Faso.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 662. Dans sa communication du 29 mai 1985, le ministre du Travail, de la Sécurité sociale et de la Fonction publique, en réponse aux allégations des plaignants, a indiqué que l'affaire avait trait à des manifestations politiques, à des actes politiques concrets posés par des hommes politiques qui avaient animé des campagnes politiques en vue d'accéder aux postes politiques et à l'appareil de l'Etat. Ces hommes se servaient du syndicalisme et du recrutement de fonctionnaires ou de salariés sur des bases discriminatoires pour trahir le peuple. Ils recouraient aussi à l'agitation politique pour susciter mécontentement et coup d'Etat opérés par leurs éléments au sein de l'armée, poursuivait le ministre.
  2. 663. La révolution du 4 août 1983 a donné le pouvoir au peuple. Ses adversaires, amis du peuple en parole, ont cherché à contrer la révolution d'août, à répandre des mensonges grossiers, à la dénigrer et à fomenter des conflits et intrigues contre-révolutionnaires, contre l'intérêt des masses. La révolution d'août a dissous les partis politiques réactionnaires d'antan, qui avaient divisé les masses qu'ils s'étaient réparties sur des bases politiques réactionnaires et régionalistes. La révolution d'août lutte contre l'impérialisme, le néo-colonialisme, les forces sociales rétrogrades, les classes et couches sociales réactionnaires et partisanes de l'oppression et de l'exploitation impérialistes. La révolution, qui est l'oeuvre des masses, se fait au détriment de la poignée de réactionnaires qui s'était accaparée du pouvoir politique ou qui rêvait de s'en accaparer, indiquait encore le ministre.
  3. 664. Il ajoutait: Les anciens dignitaires des régimes passés ont été interpellés par le Président du Conseil national qui les a mis en garde contre toutes menées allant à l'encontre du processus en cours et qui les a renvoyés dans leur village. Ces anciens dirigeants nourrissant des rêves de retour à l'ordre ancien ont voulu comploter en liaison avec certains pays que la révolution du Burkina inquiétait. Ils ont été tous regroupés et internés dans plusieurs localités du pays. Certains d'entre eux ont alors fait appel à leurs amis politiques en liberté pour continuer les activités de sabotage, de dénigrement et de mensonge. Ce sont ces derniers là qui ont cru pouvoir se vêtir du manteau du syndicalisme et brandir la convention no 87 de l'OIT pour couvrir leurs activités.
  4. 665. Le ministre indiquait également: Le gouvernement, qui respecte les travailleurs et leurs organisations, ne peut tolérer qu'en leur nom certains individus aient voulu utiliser le syndicalisme contre le Conseil national de la révolution. Pris en flagrant délit d'intoxication et de mensonge, ces éléments ont été appréhendés et internés avec les anciens dirigeants. Ces mesures ont été prises à l'encontre de personnes qui mentaient délibérément, espérant amener une mobilisation du peuple pour leur lutte. Toute personne qui aujourd'hui encore croit pouvoir mobiliser des éléments du peuple sur la base de mensonges, dénigrements gratuits et propos diffamatoires connaîtra le même sort, affirmait le ministre qui demandait au BIT et au Comité de la liberté syndicale de bien vouloir venir au Burkina pour faire une enquête.
  5. 666. Le ministre ajoutait: On s'apercevra que le peuple, organisé dans ses structures démocratiques, a eu à dénoncer les manoeuvres sordides de politiciens réactionnaires qui se trouvaient à la tête du SNEAHV.
  6. 667. Le ministre indiquait toutefois que certains détenus politiques avaient connu des mesures d'élargissement. Il assurait que les personnes en cause dans cette affaire pourraient aussi être libérées avec les mises en garde contre le non-respect des dispositions légales et réglementaires existantes. Il affirmait qu'il ne servait à rien de violer la loi sous prétexte qu'on occupe une responsabilité syndicale et que la mesure qui frappait les personnes en cause procédait de cette argumentation.
  7. 668. Le ministre poursuivait en précisant que le gouvernement avait reçu plus de 500 autocritiques militantes d'enseignants qui condamnaient les menées politiques et subversives des dirigeants du SNEAHV. Il ajoutait qu'au mois de juin 1984 il pensait que l'OIT et le Comité de la liberté syndicale étaient en possession de ces autocritiques dans lesquelles les enseignants reconnaissaient avoir été manipulés par une direction qui les avait engagés à leur insu ou en faisant pression sur eux dans un combat politique contre la révolution démocratique et populaire.
  8. 669. Enfin, le ministre faisait observer que le SNEAHV n'existait plus, non pas que le gouvernement l'ait dissous administrativement et contrairement aux dispositions de la convention no 87, mais parce que cette organisation syndicale avait changé de nom et de direction au cours de son congrès d'août 1984. Au terme de ce congrès, il avait été admis que ce syndicat s'appellerait désormais le Syndicat national des enseignants burkinabés (SNEB) , et ledit syndicat s'était doté d'une nouvelle direction.
  9. 670. Toujours selon le ministre, le SNEB et ses militants condamnaient les actes de l'ancienne direction du SNEAHV qui, pour des motifs politiques, avait lié le sort des enseignants et du syndicat à celui de certains hommes politiques et de partis réactionnaires. Des militants de base de l'ex-SNEAHV avaient dénoncé les éléments qui s'étaient accaparés de la direction de leur organisation et ils avaient changé le nom de leur organisation. D'après le ministre, l'OIT ne devait pas accepter de recevoir de plaintes d'administrateurs d'organisations syndicales pratiquant l'anarchie syndicale, le dénigrement, la diffamation et se réfugiant derrière le bouclier de l'OIT, une fois que les masses dans leurs organisations démocratiques de défense s'étaient élevées pour les combattre.
  10. 671. Dans une communication ultérieure du 31 mai 1985, le ministre du Travail s'étonnait d'ailleurs que des plaintes émanant d'un comité, dit de réflexion, en fait composé, indiquait-il, d'individus contre-révolutionnaires animés par des desseins putschistes, soient prises en considération au niveau d'une instance internationale comme l'OIT. Il affirmait que les allégations de ces individus ouvertement hostiles à la révolution démocratique et populaire du 4 août 1983 ne visaient qu'à porter politiquement préjudice au Conseil national de la révolution et au prestige de l'Etat et il assurait qu'il n'avait jamais été dans l'intention du Conseil national de la révolution de violer délibérément les droits syndicaux, le Burkina Faso ayant d'ailleurs ratifié les conventions nos 87 et 98 en 1960 et 1962, respectivement.

D. Eléments nouveaux

D. Eléments nouveaux
  1. 672. Dans une communication du 18 juillet 1985, la CMOPE indique avoir appris que deux des syndicalistes arrêtés, à savoir Ismaël Ousmane Kindo et Bahiéba Joachim Sib, ont été libérés sans avoir été jugés le 17 juin 1985 après seize mois de détention. Les autres syndicalistes seraient encore internés administrativement.
  2. 673. Le BIT a adressé un câble au gouvernement du Burkina Faso le 12 août 1985 lui demandant de confirmer la libération le 17 juin 1985 des deux syndicalistes nommément désignés et d'indiquer si d'autres mesures de clémence étaient intervenues en faveur des deux autres dirigeants syndicaux encore détenus et des nombreux enseignants licenciés à la suite de la grève de deux jours des 20 et 21 mars 1984.

E. Conclusions du comité

E. Conclusions du comité
  1. 674. Les allégations présentées par les plaignants de la présente affaire trouvent leur origine dans les mesures prises par les autorités à l'encontre du Syndicat national des enseignants africains de Haute-Volta, à la suite de l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement burkinabé, le 4 août 1983.
  2. 675. D'après les allégations, quatre dirigeants syndicaux avaient été arrêtés au mois de mars 1984, sans qu'aucun chef d'inculpation ne leur fût reproché. En revanche, selon le gouvernement, les intéressés étaient coupables de manoeuvres politiques pro-impérialistes et putschistes et s'étaient servis du syndicalisme pour couvrir leurs activités de sabotage par le dénigrement et le mensonge, notamment dans leur motion syndicale du 7 août 1983.
  3. 676. Toujours d'après les allégations, le Syndicat national des enseignants avait déclenché une grève de protestation de quarante-huit heures, les 20 et 21 mars 1984, pour obtenir la libération de ses dirigeants syndicaux, ce qui avait conduit au licenciement de 2.600 enseignants qui avaient participé à la grève et, par la suite, à la réintégration de 100 enseignants seulement, qui avaient été contraints de subir un contrôle de leurs opinions politiques comme condition de leur réintégration. Pour le gouvernement, au contraire, 500 enseignants ont reconnu, dans des autocritiques qu'ils lui ont adressées, avoir été manipulés par une direction syndicale qui les avait engagés, à leur insu ou en faisant pression sur eux, dans un combat politique contre la révolution démocratique et populaire.
  4. 677. Enfin, d'après les allégations, une direction syndicale illégale avait été élue en août 1984, sans la participation des enseignants grévistes mais avec celle de deux dirigeants syndicaux ayant appartenu au bureau national dudit syndicat qui s'étaient désolidarisés du mouvement de protestation. D'après le gouvernement, en revanche, le Syndicat national des enseignants, réuni en congrès au mois d'août 1984, avait changé de nom et de direction, et ses militants avaient condamné les actes de l'ancienne direction qui, pour des motifs politiques, avait lié leur sort et celui de leur syndicat à celui de certains hommes politiques et partis réactionnaires.
  5. 678. Pour ce qui concerne les internements de dirigeants syndicaux, sans qu'aucun chef d'inculpation ne soit retenu contre eux, le comité note que les quatre dirigeants en cause ont été arrêtés en mars 1984 et que, d'après les plaignants, deux d'entre eux auraient été libérés sans avoir été jugés en juin 1985, après seize mois de détention, les deux autres dirigeants syndicaux internés seraient encore en prison.
  6. 679. A cet égard, le comité, tout en notant que deux dirigeants syndicaux internés ont recouvré la liberté, doit marquer sa réprobation face à l'incarcération de ces deux dirigeants restés en détention dans un camp d'internement administratif, pendant seize mois, en violation du droit fondamental des syndicalistes, à l'instar des autres personnes, à ne pas être arrêtés arbitrairement et à ne pas être maintenus en détention sans avoir été déclarés coupables par un tribunal indépendant et impartial.
  7. 680. Le comité observe avec regret que les deux autres dirigeants syndicaux, Jean Bila et Batiémoko Komé, seraient encore en détention. Il renouvelle son appel pressant au gouvernement pour que, compte tenu des assurances qu'il a données dans sa réponse à propos des mesures de libération des personnes en cause dans cette affaire, il accorde la liberté aux intéressés dans un très proche avenir.
  8. 681. A propos des mesures de discrimination antisyndicales qui ont frappé les enseignants grévistes et qui ont consisté en des mesures de licenciement et dans l'obligation de signer des déclarations de loyauté pour être réintégrés, le comité rappelle au gouvernement qu'en ratifiant la convention no 98, et notamment son article premier, il s'est engagé à ce que les travailleurs bénéficient d'une protection adéquate contre tout acte de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d'emploi. De même, en ratifiant la convention no 87, et notamment ses articles 3 et 10, il s'est engagé à laisser aux organisations de travailleurs ayant pour but de promouvoir et de défendre les intérêts de leurs membres le droit de formuler leurs programmes d'action et à s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice.
  9. 682. Dans la présente affaire, non seulement le gouvernement a procédé au licenciement d'un nombre élevé de syndicalistes de l'enseignement coupables d'avoir participé à une grève de protestation pacifique de deux jours, mais encore il a contraint les grévistes à se désolidariser de leurs dirigeants syndicaux et à signer des déclarations de loyauté à l'égard des comités de défense de la révolution.
  10. 683. Le comité rappelle l'importance qu'il attache au droit de grève comme moyen de promouvoir et de défendre les intérêts des travailleurs, et il renouvelle sa demande pressante au gouvernement pour qu'il réintègre tous les enseignants licenciés pour le seul fait d'avoir participé à une grève pacifique et le prie de le tenir informé de toute mesure prise à cet effet.
  11. 684. Au sujet du changement de nom et de direction du syndicat national plaignant dans cette affaire, le comité observe que le congrès des enseignants d'août 1984 a procédé à ces changements sans la participation des enseignants grévistes licenciés. Il observe en outre que le gouvernement a interdit aux enseignants grévistes, licenciés à cette même date, toute activité syndicale (voir lettre du Directeur du cabinet du ministre de l'Intérieur du 28 août 1984).
  12. 685. Dans ces conditions, le comité estime que le gouvernement s'est ingéré dans les affaires internes de ce syndicat, contrairement aux obligations qui découlent de l'article 3, alinéa 2, de la convention no 87. Il insiste auprès du gouvernement pour qu'il restitue et garantisse aux enseignants grévistes qui ont été licenciés et qui n'ont pas été réintégrés et aux enseignants qui ont été contraints de signer des déclaration de loyauté, leur droit de participer pleinement aux activités syndicales pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux.
  13. 686. Le comité demande au gouvernement de fournir le compte rendu du congrès syndical extraordinaire d'août 1984.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 687. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
    • a) Le comité note que deux dirigeants syndicaux internés ont recouvré la liberté. Il doit cependant marquer sa réprobation face à l'incarcération de ces deux dirigeants restés en détention dans un camp d'internement administratif pendant seize mois, en violation du droit fondamental à ne pas être arrêté arbitrairement et à ne pas être maintenu en détention sans avoir été déclaré coupable par un tribunal indépendant et impartial.
    • b) Le comité renouvelle son appel pressant au gouvernement pour qu'il libère les deux autres dirigeants syndicaux encore internés administrativement sans avoir été jugés, et il le prie de communiquer des informations sur toute mesure prise à cet égard.
    • c) Le comité note qu'une centaine d'enseignants licenciés sur plus de 2.600, selon les plaignants, ont été réintégrés après avoir été contraints de signer des déclarations de loyauté. Le comité rappelle au gouvernement qu'il a l'obligation d'assurer aux travailleurs une protection adéquate contre les mesures de discrimination antisyndicales et qu'il doit s'abstenir de toute ingérence dans les affaires syndicales.
    • d) Il renouvelle, en conséquence, sa demande instante de réintégration de la totalité des enseignants licenciés pour le seul fait d'avoir participé à une grève de protestation pacifique de quarante-huit heures en mars 1984 et le prie de le tenir informé de toute mesure prise à cet effet.
    • e) Le comité demande instamment au gouvernement de restituer et de garantir tant aux enseignants grévistes qui ont été licenciés et n'ont pas encore été réintégrés qu'aux enseignants qui ont été contraints de signer des déclarations de loyauté le droit de participer pleinement aux activités syndicales pour la défense de leurs intérêts économiques et sociaux.
    • f) Le comité demande au gouvernement de fournir le compte-rendu du congrès syndical extraordinaire d'août 1984.
    • g) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur le défaut d'application effective des conventions nos 87 et 98 par le Burkina Faso.
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