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Informe definitivo - Informe núm. 241, Noviembre 1985

Caso núm. 1323 (Filipinas) - Fecha de presentación de la queja:: 07-MAR-85 - Cerrado

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  1. 341. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a présenté une plainte pour violation des droits syndicaux contre le gouvernement des Philippines en date du 7 mars 1985. Le Syndicat des Philippines et des services connexes (SPSC) a également adressé à l'OIT une plainte contre le gouvernement dans des communications en date des 13 et 29 mai 1985; le Kilusang Mayo Uno (KMU) a fait de même dans une communication du 8 juin 1985. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications des 30 mai, 14 juin et 26 août 1985.
  2. 342. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949; elles n'ont pas ratifié la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 343. Dans sa communication du 7 mars 1985, la CISL déclare qu'elle est gravement préoccupée par les restrictions apportées au droit de grève, par les conditions exigées pour l'enregistrement des syndicats, par les pouvoirs conférés au Département du travail d'enquêter sur la gestion financière des syndicats et par les actes de harcèlement, les arrestations et les détentions dont sont victimes les syndicalistes aux Philippines. Toutes ces atteintes sont relevées dans les observations de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'OIT et par le Comité de la liberté syndicale dans les cas nos 1157 et 1192. La CISL fait état, en particulier, d'une nouvelle violation des droits syndicaux imputable au gouvernement, à savoir le refus du droit d'organisation dans le secteur public. Selon la CISL, alors que l'article 244 du Code du travail garantit le droit d'organisation aux travailleurs des entreprises commerciales, industrielles et agricoles, le personnel des services de l'administration nationale et des administrations locales, ainsi que celui des entreprises appartenant à l'Etat ou sous son contrôle, régis par la loi et les règlements sur la fonction publique sont exclus du droit de s'organiser en syndicats. En conséquence, déclare la CISL, les intérêts d'une importante proportion de la main-d'oeuvre des Philippines ne sont ni protégés ni défendus par des organisations syndicales.
  2. 344. Dans sa communication du 13 mai 1985, le SPSC allègue que le récent décret sur les grèves et les lock-out no 1458 - promulgué le 1er mai 1985, dont le texte est annexé à la communication - affaiblit les droits dont peuvent disposer les travailleurs (actions concertées, grèves et piquets de grève) et porte atteinte aux conventions de l'OIT.
  3. 345. Dans sa communication du 29 mai 1985, le SPSC déclare que, bien que le décret no 1458 n'ait pas encore été appliqué, il est contraire aux conventions de l'OIT concernant la liberté syndicale pour les raisons suivantes: selon ce texte, 1) toute déclaration de compétence de juridiction faite par le Président ou le ministre du Travail est immédiatement exécutoire, même si elle fait l'objet d'un appel auprès de la Cour suprême; 2) le ministre du Travail est habilité à autoriser l'employeur à recruter de la main-d'oeuvre en remplacement des travailleurs en grève; 3) il peut être fait appel à la police et aux forces armées pour assurer l'exécution immédiate des décisions, même si la Cour suprême peut, par la suite, annuler l'action du ministre.
  4. 346. Dans sa communication du 8 juin 1985, le KMU allègue, au premier chef, l'arrestation le 13 août 1982 et la détention par les autorités militaires des dirigeants syndicaux suivants: Romeo Castillo, Cesar Bristol, Danilo Garcia, Herminia Ibarra (détenus au camp militaire de Bagong Diwa), Millet Soriano, José Britanico, Simplicio Anino, Lauro Pabit (détenus au camp militaire de Crame), Ceferino Pineda, Antonio Cabrera, Renato Yineda, Roberto Ramos et Noel Maglalang (détenus au camp militaire d'Olivas). Selon le KMU, ces dirigeants sont inculpés de délits qu'ils n'ont pas commis.
  5. 347. Au deuxième chef, le KMU allègue que les principales lois sur le travail sont répressives et enfreignent la Constitution de l'OIT, ainsi que les conventions relatives à la liberté syndicale. Voici des exemples de restrictions apportées à la liberté syndicale et aux droits de participer à des négociations collectives: a) les fonctionnaires, y compris les personnes qui travaillent dans des entreprises semi-publiques, n'ont pas le droit de s'organiser en associations de travailleurs et il leur est interdit de déclarer une grève ou de s'engager dans d'autres actions concertées. La sécurité de l'emploi, ainsi que les autres conditions d'emploi de ces personnels sont régies par les lois sur la fonction publique des Philippines qui sont unilatéralement imposées par le gouvernement. Avant l'instauration de la loi martiale aux Philippines, le droit d'organisation des fonctionnaires des entreprises semi-publiques était reconnu; b) le personnel des établissements suivants est autorisé à créer des syndicats de travailleurs, mais il lui interdit de déclarer une grève ou de s'engager dans des actions concertées, en application de l'article 264 g) du Code du travail, de la résolution législative no 473 et du décret présidentiel no 815: industries axées sur l'exportation, entreprises traitant des semi-conducteurs, services publics, sociétés génératrices et distributrices d'énergie, banques et hôpitaux; c) les personnels suivants n'ont pas le droit de s'affilier à un syndicat: les milices privées, le personnel employé par un employeur pour la protection et la sécurité de sa personne, de ses biens et de l'usine, les cadres de direction, les salariés employés à titre occasionnel, temporaire ou à l'essai, les apprentis, les personnes qui suivent des cours et les travailleurs contractuels.
  6. 348. Le KMU allègue également que la liberté syndicale est entravée par le gouvernement du fait que celui-ci n'accorde pas le statut d'organisation ouvrière légitime à une organisation syndicale si elle n'est pas enregistrée auprès du ministère du Travail et de l'Emploi. Ainsi le KMU se voit refuser la reconnaissance par le gouvernement parce qu'il n'est pas une centrale ouvrière enregistrée, bien que les travailleurs philippins aient clairement et sans équivoque admis sa légitimité. En outre, les retards excessifs apportés au traitement des cas concernant la représentation syndicale portent atteinte aux droits des travailleurs de se constituer en associations. A titre d'exemple, un cas simple concernant une élection peut durer plus d'un an, entravant ainsi le droit de choisir librement les agents de négociation. Le KMU cite aussi à ce propos les exigences draconiennes imposées par le gouvernement pour l'enregistrement des syndicats (art. 234 du Code du travail) ainsi que des fédérations syndicales et des syndicats nationaux (art. 237 du Code du travail: l'enregistrement d'une fédération syndicale ou d'un syndicat national ne peut avoir lieu que si l'organisation demanderesse peut prouver qu'elle compte, parmi ses affiliés, dix syndicats locaux ayant conclu des conventions collectives).
  7. 349. Le KMU se réfère également à l'article 6 du décret présidentiel no 1391 qui interdit aux travailleurs de changer d'agent de négociation pendant la durée de validité - fixée à trois ans - d'une convention collective. En conséquence, même si les travailleurs ne font plus confiance à l'agent de négociation choisi, ils doivent attendre trois ans avant de pouvoir en changer.
  8. 350. Le KMU relève en outre l'article 4 f) de la Règle III du Règlement d'application du décret présidentiel no 1391 qui est ainsi libellé: " ... Une personne qui n'est ni un employé ni un ouvrier de l'entreprise ou de l'établissement dans lequel un syndicat enregistré en son propre nom, ou encore, une organisation affiliée ou locale, ou une section d'une fédération syndicale ou d'un syndicat national exerce ses activités, ne pourra être élue ou désignée aux fonctions de dirigeant de ce syndicat, de cette organisation affiliée, ou locale, ou de cette section." Selon le KMU, cette règle interdit à une personne ne faisant pas partie du personnel de l'entreprise de devenir dirigeant syndical.
  9. 351. Selon le KMU, la liberté syndicale est également violée par le gouvernement puisque celui-ci a le pouvoir, aux termes des articles 238, 239 et 240 du Code du travail, d'annuler les certificats d'enregistrement des syndicats de travailleurs pour les motifs suivants: fraude liée à la ratification de la constitution du syndicat; non-soumission des documents de constitution de l'organisation dans les 30 jours qui suivent leur adoption; fraude pendant les élections ou non-soumission d'informations sur les élections dans les 30 jours qui suivent le scrutin; non-soumission des comptes annuels dans les 30 jours qui suivent la clôture de l'exercice financier; participation à une activité quelconque interdite par la loi; adhésion à une convention collective fixant des conditions de travail inférieures aux normes légales minimales; sollicitation des employeurs ou des membres du syndicat pour qu'ils paient des droits spéciaux ou acceptation de percevoir de tels droits; non-soumission de la liste des membres devant être présentée au moins une fois par an.
  10. 352. Enfin, le KMU allègue que, de janvier à mai 1985, il y a eu une forte progression de la répression syndicale dans le cadre de laquelle neuf travailleurs au moins ont été tués, alors qu'ils représentaient activement leurs syndicats. Cette organisation plaignante déclare qu'en date du 1er mai 1985 le Président a promulgué le décret no 1458 qui prévoit le recours immédiat à la force armée lors de l'établissement de piquets de grève. Elle affirme qu'il est de notoriété publique que l'on fait appel à des groupes fanatiques, ainsi qu'à une intervention paramilitaire et directement militaire en cas de grève.
  11. 353. Le KMU joint à sa communication une longue pétition contenant d'autres précisions concernant des violations des conventions nos 87 et 98 qui auraient eu lieu et demandant à l'OIT de donner instruction au gouvernement de lever l'exécution des lois nos 130 et 227, du décret présidentiel no 815, de la résolution no 473 et du décret no 1458. Outre qu'elle reprend les allégations détaillées exposées ci-dessus, la pétition se réfère expressément à une ingérence indue des employeurs et du gouvernement dans les activités internes des syndicats puisqu'une action concertée ne peut être autorisée que si elle a été décidée par un vote majoritaire des deux tiers et que leurs représentants sont autorisés à assister aux réunions syndicales et/ou à les surveiller.
  12. 354. Selon la pétition du KMU, au lieu de tenir compte des critiques exprimées par de nombreuses instances internationales, le gouvernement a promulgué le décret no 1458. Ce texte a été utilisé pour réprimer une grève à laquelle participaient 800 salariés de la Société philippine des fibres synthétiques (Filipinas Synthetic Fiber Corporation), à Santa Rosa, Laguna, répression qui s'est soldée par 70 grévistes blessés. Si ce texte fait obligation à l'employeur de respecter un ordre de "reprise du travail", le KMU déclare que quelques employeurs ne réintègrent pas immédiatement dans leurs fonctions les travailleurs grévistes et donne comme exemple les entreprises suivantes: Baxter Travenol, Allied Banking Corporation, Blue Bar Coconut et la Banque des producteurs (Producers Bank). En outre, alors que le décret prévoit le paiement des arriérés de salaires aux grévistes, le ministre du Travail n'ordonne pas de tels versements.
  13. 355. Le KMU joint aussi à sa plainte le texte d'une pétition qu'il avait présentée le 10 juin 1985 à la Cour suprême des Philippines, lui demandant de suspendre provisoirement l'application du décret no 1458 en attendant qu'elle puisse se prononcer sur le fond et déclarer ce texte anticonstitutionnel.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 356. Dans sa communication du 30 mai 1985, le gouvernement explique que, bien que les salariés du secteur privé comme de l'Etat bénéficient d'une garantie du droit d'association, les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'administration constituaient, autrefois, le seul groupe auquel il était interdit de s'engager dans des actions concertées. Lorsqu'il est apparu que les salariés des entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui et s'adonnant à des activités autres que l'administration publique percevaient des salaires et des indemnités nettement supérieurs à ceux des autres travailleurs de diverses branches de l'administration nationale, il a été décidé d'inclure ces salariés dans le champ d'application de la loi de 1959 sur la fonction publique. A la suite de débats menés sur cette question lors de l'adoption de la Constitution de 1973, l'article 1, alinéa XII-B, a été adopté; il prévoit que ces salariés sont régis par la loi sur la fonction publique et que l'Assemblée nationale normalisera la rémunération de tous les agents de l'Etat. Le gouvernement fait observer que l'article 277 du Code du travail reprend la disposition constitutionnelle dans les termes suivants:
    • Les conditions d'emploi de la totalité des salariés du gouvernement, y compris les salariés de toutes les entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui, seront régies par la loi et les règlements sur la fonction publique. L'Assemblée nationale normalisera leurs salaires, ainsi qu'il est prévu dans la nouvelle Constitution. Ils ne subiront toutefois aucune réduction de salaires et d'indemnités ou détérioration des conditions d'emploi dont ils bénéficiaient au moment de l'adoption du code.
  2. 357. Selon le gouvernement, l'expression "entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui" a été interprétée par le ministre de la Justice et par la Commission nationale des relations professionnelles du ministère du Travail et de l'Emploi comme s'entendant exclusivement des entreprises créées par des statuts ou par des lois ou décrets spéciaux. Elle n'englobe pas les entreprises relevant du Code des sociétés des Philippines ayant un but lucratif et servant exclusivement des intérêts privés. En conséquence, une prise de contrôle éventuelle par l'Etat, à la faveur de l'acquisition d'actions, ne se répercutera pas sur les syndicats exerçant leurs activités ni sur les conventions collectives en vigueur dans une entreprise.
  3. 358. Le gouvernement souligne qu'aucune loi du pays ne restreint le droit d'organisation des agents de l'Etat. Au contraire, ce droit est garanti par la Constitution. Ainsi, dans l'affaire engagée par l'Alliance des travailleurs gouvernementaux (ATG), en 1983, la Cour suprême a statué comme suit:
    • ... Notre rejet de la présente pétition ne doit, en aucune manière, être interprété comme impliquant que les salariés des entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui, ou ceux des écoles et des universités d'Etat, ne peuvent pas bénéficier du droit d'organisation. Les travailleurs, dont l'auteur de la pétition se veut le représentant, ont le droit - droit qui ne saurait être restreint - de constituer toute association ou société non contraire à la loi. C'est là un droit qu'ils partagent avec tous les fonctionnaires et agents publics et, en fait, avec tous ceux qui vivent dans ce pays. Ils ne peuvent toutefois appartenir à une association qui impose la participation à des actions concertées pour obtenir des augmentations ou modifications de salaires, avantages sociaux ou autres émoluments prévus par la loi et la réglementation. Le fait qu'ils aient la possibilité de constituer des associations de leur choix pour promouvoir et protéger leurs intérêts collectifs, et qu'ils le font, est prouvé par l'existence d'organisations telles que l'Association des salariés du gouvernement philippin, l'Alliance des travailleurs gouvernementaux, l'Association des enseignants des écoles publiques philippines, l'Association des arbitres des questions du travail aux Philippines, l'Union des salariés de la Banque des vétérans aux Philippines et diverses organisations coopératives et syndicales du secteur public.
  4. 359. Se référant à la restriction qui aurait été apportée à l'exercice du droit de grève dans les entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui, le gouvernement explique qu'avant la promulgation de la Constitution de 1973 les salariés de ces entreprises pouvaient adhérer à un syndicat qui imposait la participation à des grèves et autres actions concertées semblables. Dans la pratique, toutefois, les différends du travail, mettant en cause les entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui, étaient considérés comme mettant en jeu l'intérêt national et, souvent, le secrétaire au Travail recommandait au Président de saisir le Tribunal des relations professionnelles en vue d'un arbitrage obligatoire, conformément à la loi qui était en vigueur à l'époque. Le gouvernement déclare que la disposition constitutionnelle n'a pas une portée absolue puisqu'elle se réfère exclusivement aux entreprises dotées de statuts particuliers. Ainsi, dans les entreprises gouvernementales ou dans celles qui sont créées en vertu de la loi sur les sociétés, le droit de négocier collectivement, comme celui de participer à des actions concertées, reste acquis. Il en est ainsi de la Société d'aviation des Philippines et du Petrophil and Hyatt Regency Hotel, dont les salariés sont syndiqués et qui ont signé des conventions collectives avec leur personnel.
  5. 360. Selon le gouvernement, les droits et les intérêts des salariés de l'Etat sont protégés par le décret présidentiel no 895 du 1er mai 1983. Ce texte prévoit la création d'une commission des relations professionnelles pour chaque entreprise appartenant à l'Etat ou contrôlée par lui, ainsi que d'un conseil consultatif des relations professionnelles dans le cadre de la Commission de la fonction publique. Le gouvernement reconnaît que la création de ces organismes est cruciale en raison des restrictions apportées au droit de négocier collectivement les salaires et au droit de grève. Le décret présidentiel no 895 vise à instaurer des relations plus étroites et plus harmonieuses entre l'employeur et les salariés dans les entreprises appartenant à l'Etat ou contrôlées par lui. Les commissions et le conseil ont été créés pour améliorer les structures existantes en vue d'un règlement rapide des réclamations et pour fournir des occasions de dialogue régulier et utile aux parties. Les "réclamations" au sens du décret ministériel no 895 portent sur les problèmes résultant des conditions matérielles de travail, le placement des salariés, la répartition du travail, l'évaluation des résultats, les actions arbitraires, les mises à pied et les transferts, la sélection et la promotion et autres questions pouvant donner lieu à l'insatisfaction des salariés. Ces commissions des relations professionnelles ont une composition paritaire. Le conseil, quant à lui, sera composé de représentants permanents faisant partie de la Commission des relations professionnelles qui a soumis la réclamation au conseil et d'un représentant du ministère et de l'organisme dont relève l'entreprise en cause.
  6. 361. Le gouvernement reconnaît toutefois que, malgré l'adoption de décisions administratives et judiciaires concernant le droit d'organisation, quelques branches d'activité continuent de revendiquer l'adoption de textes de clarification. Ainsi, un projet de loi no 4962 a été déposé le 25 février 1985 en vue d'apporter plusieurs modifications au Code du travail. Parmi les amendements proposés figure une disposition qui, tout en continuant d'interdire aux travailleurs du secteur public de se mettre en grève, leur reconnaît le droit de négocier collectivement avec leurs employeurs et s'efforce de leur accorder les mêmes droits et privilèges que ceux dont bénéficient les salariés du secteur privé. Le Cabinet procède actuellement à une révision qui suivra les mêmes lignes que la Cour suprême dans la décision qu'elle a rendue en la matière.
  7. 362. Le gouvernement joint à sa communication du 14 juin 1985 un texte des "Directives pour l'application du décret no 1458", daté du 31 mai 1985. Les "directives" comportent des mesures de sécurité telles que l'obligation d'avoir épuisé les possibilités de conciliation ou de médiation avant de porter le différend devant la Commission nationale pour les relations professionnelles aux fins d'un arbitrage obligatoire, le droit d'organiser tranquillement des piquets de grève et la limitation du rôle joué par les forces de police dans les conflits du travail.
  8. 363. Dans sa lettre du 26 août 1985, le gouvernement fait tout d'abord observer que de nombreuses questions soulevées dans la présente plainte ont déjà été examinées par le Comité de la liberté syndicale, ainsi que par la commission d'experts; il se réfère donc aux réponses qu'il avait faites.
  9. 364. Le gouvernement déclare que, le 20 août 1985, Millet Soriano, Simplicio Anino, Lauro Pabit et José Britanico ont été mis en liberté sous caution. Ils sont actuellement jugés pour complicité de rébellion ou d'insurrection, de détention illégale d'explosifs et pour violation du décret présidentiel no 33. Le gouvernement déclare également que, selon les renseignements dont dispose le ministère de la Défense nationale, les autres dirigeants syndicaux ont été arrêtés non pas en raison de leurs activités syndicales légitimes mais pour des actes subversifs et illégaux; ils sont accusés de détention illégale d'armes à feu et de munitions et d'incitation à la sédition, à la rébellion ou à l'insurrection.
  10. 365. En ce qui concerne les allégations concernant la législation du travail, le gouvernment fait état des récents développements suivants:
    • - la première réunion, le 20 février 1985, de la série de discussions tripartite sur les questions des relations professionnelles, au cours de laquelle le KMU, le SPSC et autres organisations syndicales ont pu présenter leurs recommandations au sujet de l'arbitrage devant figurer dans la révision de la législation du travail effectuée par le Groupe d'étude ministériel qui devrait présenter ses recommandations finales très prochainement;
    • - le débat public du 8 août 1985 sur un projet de loi (no 4962) visant à modifier le Code du travail en y insérant certaines dispositions préconisées par la commission d'experts;
    • - une Conférence nationale tripartite qui doit se tenir en septembre 1985 et au cours de laquelle on discutera des modifications éventuelles à apporter à la législation du travail.
  11. 366. Le gouvernement explique plus particulièrement que le décret no 1458 a dû être promulgué en raison du mépris manifeste que témoignaient les employeurs tout comme les travailleurs à l'égard des ordonnances licites prises par le ministère du Travail. Bien que promulgué en toute bonne foi par le gouvernement, ce décret fait également l'objet de la révision en cours de la législation des relations professionnelles, en raison des diverses réactions observées chez les employeurs comme chez les travailleurs.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 367. Le comité constate que quatre des dirigeants syndicaux énumérés par le KMU ont été placés en liberté sous caution en attendant d'être jugés pour des accusations indépendantes de leurs fonctions ou activités syndicales. Etant donné que le plaignant n'a pas tenté de faire le lien entre les arrestations et les activités syndicales des personnes concernées et s'est contenté de faire état d'"une forte progression de la répression syndicale dans le cadre de laquelle au moins neuf travailleurs ont été tués" sans toutefois donner d'autres détails, le comité considère que cet aspect de l'affaire n'appelle pas d'examen plus approfondi.
  2. 368. De nombreux détails ont été fournis par les deux parties sur les prétendues violations législatives des conventions nos 87 et 98. La CISL ainsi que le KMU déclarent que les employés du secteur public régis par la loi et les règlements sur la fonction publique n'ont pas le droit de s'organiser en syndicats, ne peuvent négocier collectivement, ni faire la grève. Le gouvernement explique pourquoi les fonctionnaires et le personnel des entreprises appartenant à l'Etat ou sous son contrôle sont soumis aux mêmes restrictions et précise que ces derniers (de même que les enseignants) peuvent, en vertu d'une réglementation de la Cour suprême, adhérer à des associations qui n'imposent pas l'obligation de faire la grève. Ils peuvent également discuter des conditions de travail et de réclamations par l'intermédiaire du Conseil consultatif des relations professionnelles. Le gouvernement souligne également la distinction selon laquelle les employés des entreprises parapubliques qui ne sont pas régies par des statuts spéciaux continuent de bénéficier du droit de négocier collectivement, ainsi que du droit de grève, de la même manière que les travailleurs du secteur privé.
  3. 369. Le comité note que, dans ses observations sur la question du droit de s'organiser des fonctionnaires, la Commission d'experts a déclaré que, puisqu'ils ont le droit de se constituer en associations aux termes de la loi sur la fonction publique, ils bénéficient donc des droits garantis par l'article 2 de la convention no 87. Des problèmes se posent toutefois dans le cadre de la convention no 98 en ce sens que la liberté de négocier collectivement est restreinte pour un groupe de fonctionnaires défini de façon très générale. Comme , la Commission d'experts l'a fait observer au gouvernement en 1981, en vertu de la convention no 98, l'article 4 concernant l'encouragement à la négociation collective s'adresse aussi bien au secteur privé qu'aux entreprises et organismes du secteur public, l'article 6 ne permettant d'exclure de son champ d'application que les employés engagés dans l'administration de l'Etat, c'est-à-dire les fonctionnaires occupant divers postes dans les ministères et autres organismes comparables. Le comité espère donc que la révision actuelle, effectuée à un haut niveau, de la législation du travail tiendra compte de ce principe et demande au gouvernement de tenir la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations informée des faits nouveaux concernant le droit des employés administratifs travaillant dans les entreprises parapubliques régies par des statuts particuliers et de ceux occupant des postes extérieurs à la fonction publique de négocier leurs conditions d'emploi.
  4. 370. Le KMU a soulevé une question proche ayant trait aux diverses restrictions que le Code du travail apporte à la syndicalisation du secteur privé (par exemple, elle n'est pas possible pour les milices privées, les cadres de direction, les salariés employés à titre occasionnel, temporaire, à l'essai ou les travailleurs contractuels) et au droit de faire la grève dans le secteur privé (interdit dans les industries axées sur l'exportation, les entreprises traitant des semi-conducteurs, les services publics, les banques, les hôpitaux). Le comité rappelle que la commission d'experts a pris note, dans son obsevation de 1981 concernant l'application de la convention no 87 par les Philippines, de l'explication du gouvernement selon laquelle le personnel de sécurité est doté d'un statut paramilitaire et doit, avant d'être embauché, subir une formation relevant directement de la police philippine. La commission d'experts notait également la définition restrictive de "cadre de direction" sans poursuivre la question plus avant, étant donné que ces employés étaient libres de constituer leurs propres organisations à des fins autres qu'une négociation collective. Le comité fait observer que, en ce qui concerne les travailleurs employés à titre occasionnel ou à l'essai, il n'existe aucune disposition particulière dans le Code du travail (refonte de 1985) déniant aux apprentis ou aux personnes suivant des cours le droit de s'affilier à un syndicat. De plus, l'article 244 du code reconnaît expressément le droit des "travailleurs ambulants et temporaires, des personnes installées à leur compte, des travailleurs ruraux et de ceux qui ne dépendent d'aucun employeur en particulier" de se constituer en syndicats. Le comité considère donc que cet aspect de la question n'appelle pas d'examen plus approfondi.
  5. 371. Cependant, l'interdiction du droit de grève dans certaines activités du secteur privé a, autrefois, fait l'objet de critiques de la part de ce comité et de la commission d'experts. Bien qu'en 1985 la commission d'experts ait fait observer, en vertu de la convention no 87, que des grèves légales avaient en fait eu lieu dans les banques, les entreprises d'électricité et les zones industrielles d'exportation, l'attention du gouvernement a été de nouveau attirée sur le principe selon lequel les grèves ne peuvent être limitées ou interdites que dans le cadre de la fonction publique ou de services essentiels au sens strict du terme, à savoir lorsque l'interruption de ces activités risque de mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité de la personne dans tout ou partie de la population. Là aussi, le comité espère que la révision actuelle de la législation du travail donnera lieu à des modifications qui limiteront les restrictions excessives apportées au droit de grève à la lumière du principe mentionné ci-dessus.
  6. 372. En ce qui concerne les autres critiques du KMU relatives à la législation du travail (trop d'exigences pour l'enregistrement des fédérations et des syndicats; respect d'un délai de trois ans pour changer d'agent de négociation; interdiction à une personne ne faisant pas partie du personnel de l'entreprise de devenir dirigeant syndical; série imposante de motifs pour annuler les certificats d'enregistrement; obligation de rassembler les deux tiers des voix pour entamer une grève), le comité rappelle à nouveau que les organes de contrôle de l'OIT ont déjà émis des critiques sur ces restrictions et demandé qu'elles soient modifiées. Le comité ne peut que réitérer cette demande, en espérant que ces points seront étudiés lors de la révision en cours dont on a parlé plus haut.
  7. 373. Enfin, en ce qui concerne le décret no 1458 du 1er mai 1985, le comité note que, au dire d'un plaignant, il n'a pas encore été appliqué à ce jour et que le ministère du Travail a émis des "directives" insistant sur l'importance d'essayer de régler les différends du travail à l'amiable avant de les soumettre à l'arbitrage obligatoire et limitant le rôle des forces de police. De plus, les "directives" prévoient des sanctions juridiques en cas de refus d'obtempérer à une sentence d'arbitrage, tel que le non-versement d'arriérés de salaire. Cependant, le comité accorde toute son importance aux directives du ministère du Travail et il souligne que toute décision hâtive de recourir à l'arbitrage obligatoire n'est pas conforme à ces directives. Il observe que le gouvernement a répondu aux diverses réactions qu'ont manifestées les travailleurs et les employeurs à son décret, en le faisant figurer dans la révision actuelle de la législation des relations professionnelles. Le comité demande au gouvernement de tenir la commission d'experts informée de tous faits nouveaux concernant cette législation.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 374. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) Etant donné l'absence de détails et de preuves relatifs à la prétendue arrestation, pour cause d'activités syndicales, de nombreux dirigeants syndicaux, le comité considère que cet aspect de l'affaire n'appelle pas d'examen plus approfondi.
    • b) En ce qui concerne les aspects législatifs du présent cas, le comité rappelle les conclusions de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, suivant lesquelles les fonctionnaires ont le droit de se constituer en associations aux termes de la loi sur la fonction publique, mais que la restriction apportée au droit de négocier collectivement de ces fonctionnaires outrepasse l'exception admise par l'article 6 de la convention no 98.
    • c) Considérant les conclusions de la commission d'experts sur la prétendue restriction des droits syndicaux s'exerçant à l'encontre des milices privées, des cadres de gestion et des salariés employés à titre occasionnel ou à l'essai, le comité est d'avis que cet aspect du cas n'appelle pas d'examen plus approfondi.
    • d) En ce qui concerne l'interdiction du droit de faire grève dans certaines activités du secteur privé, le comité attire à nouveau l'attention du gouvernement sur le principe selon lequel les grèves ne peuvent être limitées ou interdites que si elles affectent la fonction publique ou les services essentiels au sens strict du terme.
    • e) En ce qui concerne les autres critiques relatives à la législation actuelle du travail de même qu'au décret no 1458, le comité note qu'une révision de haut niveau de la législation des relations professionnelles est actuellement en cours et qu'un projet de loi comportant certaines des dispositions évoquées par les organes de contrôle de l'OIT est actuellement devant le Parlement. Le comité espère que cette révision tiendra compte de toutes les observations faites par les organes de contrôle.
    • f) Quant aux questions d'ordre législatif traitées aux sous-paragraphes b), d) et e), le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations et espère que le gouvernement la tiendra informée des faits nouveaux concernant la législation du travail dans son ensemble.
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