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Informe provisional - Informe núm. 261, Noviembre 1988

Caso núm. 1454 (Nicaragua) - Fecha de presentación de la queja:: 07-JUN-88 - Cerrado

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  1. 2. Le comité est saisi de différentes plaintes en violation de la liberté syndicale au Nicaragua déposées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT), la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), et d'une plainte relative à l'observation par le Nicaragua des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976, présentée par plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence, en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.
  2. 3. Conformément à l'invitation formulée par le gouvernement du Nicaragua dans une communication du 23 mai 1988, une mission d'étude s'est rendue au Nicaragua du 28 septembre au 5 octobre 1988. (Voir rapport de mission en annexe.)
  3. 4. Depuis plusieurs années, le Comité de la liberté syndicale est saisi de diverses plaintes en violation de la liberté syndicale et du droit d'organisation au Nicaragua qui ont été examinées à diverses reprises (voir notamment 258e rapport, approuvé par le Conseil d'administration à sa session de mai-juin 1988). En outre, trois nouvelles plaintes ont été présentées, d'une part, par la CISL dans des communications des 9 mars, 25 avril, 9 et 30 mai et 14 juillet 1988, et par la CMT dans une lettre du 19 août 1988 (cas no 1442) et, d'autre part, par l'OIE dans des communications du 7 juin et des 11 et 19 juillet 1988 (cas no 1454).
  4. 5. D'autre part, dans une communication du 17 juin 1987, plusieurs délégués employeurs à la 73e session (1987) de la Conférence internationale du Travail ont présenté une plainte en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT contre le gouvernement du Nicaragua pour violation de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et de la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
  5. 6. A sa réunion de mai 1988, le comité a invité le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes (voir 258e rapport, paragr. 55, approuvé par le Conseil d'administration à sa 240e session, mai-juin 1988):
    • a) Le Comité rappelle au gouvernement que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l'une des libertés essentielles à l'exercice des droits syndicaux, et il lui demande de prendre les mesures nécessaires pour qu'une telle protection soit assurée efficacement.
    • b) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur la détention et le sort des syndicalistes, Eric González et Eugenio Membreño.
    • c) Le comité, tout en notant avec intérêt que les droits suspendus par l'état d'urgence ont été rétablis, demande au gouvernement de fournir des informations concrètes et détaillées sur la reprise des activités des organisations d'employeurs et de travailleurs en pratique, notamment en ce qui concerne la diffusion des informations syndicales et professionnelles, l'exercice du droit de réunion, l'enregistrement de ces organisations et l'exercice du droit de grève.
    • d) Constatant que le décret no 130 n'est pas conforme à l'article 4 de la convention no 98 relatif à la promotion et au développement de la négociation collective volontaire, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour remédier à cette situation et de lui fournir des informations sur les mesures qu'il entend prendre à cet égard.
    • e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations sur les consultations qu'il a entreprises ou qu'il entend entreprendre avec le COSEP sur les questions relatives aux normes internationales du travail.
    • f) Ayant reçu après ses délibérations une lettre du gouvernement du 23 mai 1988 qui propose la formation d'une mission d'étude, selon les lignes que le comité avait lui-même envisagées, le comité recommande au Conseil d'administration d'accepter cette proposition. Le comité sera ainsi en mesure, à sa session de novembre 1988, de donner une réponse définitive quant à la question des suites qu'il convient de donner à la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT.
  6. 7. La mission d'étude en question a été menée du 29 septembre au 5 octobre 1988 par M. Fernando Uribe Restrepo, membre de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations, qui était accompagné de MM. Bernard Gernigon, chef du Service de la liberté syndicale, et Christian Ramos, fonctionnaire du même service. Le rapport du représentant du Directeur général figure en annexe au présent rapport.
  7. 8. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.
  8. 9. Le comité tient tout d'abord à exprimer ses remerciements à M. Fernando Uribe Restrepo pour s'être acquitté de cette mission d'étude en tant que représentant du Directeur général ainsi que pour son rapport détaillé sur les affaires en instance.
  9. 10. Comme les plaintes et les informations recueillies au cours de la mission sont analysées dans le rapport du représentant du Directeur général, le comité peut formuler directement ses conclusions sur les différents cas.

A. A. Conclusions du comité

A. A. Conclusions du comité
  • Conclusions du comité
    1. 11 Le comité prend note du rapport du représentant du Directeur général sur la mission d'étude effectuée du 29 septembre au 5 octobre 1988 au Nicaragua. Il prend note également des facilités que les autorités ont accordées au représentant du Directeur général pour mener à bien sa mission. Il déplore cependant que le représentant du Directeur général n'ait pas reçu l'autorisation de rencontrer M. Mario Alegría, directeur d'un organisme annexe du Conseil supérieur de l'entreprise privée, actuellement détenu au système pénitentiaire "Zona franca" de Managua. Le comité regrette d'autant plus ce refus que les raisons invoquées par le gouvernement ne lui semblent pas convaincantes. Il rappelle à cet égard que la question de savoir si des allégations relatives à la détention ou à la condamnation de dirigeants ou de membres d'organisations syndicales ou professionnelles relèvent du droit commun ou de l'exercice du droit d'association ne saurait être tranchée unilatéralement par le gouvernement intéressé et que c'est au comité qu'il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles. Le comité estime donc que les informations qu'aurait pu obtenir le représentant du Directeur général en rencontrant M. Alegría lui auraient été particulièrement utiles pour examiner cette affaire en toute connaissance de cause.
    2. 12 Dans les différents cas dont le comité est saisi, les allégations avaient trait à l'assassinat de syndicalistes, à la détention de syndicalistes, à une grève de la faim déclenchée par une organisation de travailleurs, à des assauts menés contre des locaux syndicaux et à des menaces exercées contre des syndicalistes, aux mesures prises à la suite d'une manifestation organisée à Nandaime, à la confiscation de terres à des dirigeants du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP) et à la condamnation de M. Alegría, directeur d'un institut de recherches annexe du COSEP. Le comité est saisi en outre de la plainte en violation des conventions nos 87, 98 et 144 présentée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT. Le comité se propose d'examiner successivement chacun de ces aspects des cas à la lumière des informations dont il dispose actuellement.
      • a) Allégations relatives à l'assassinat de syndicalistes
    3. 13 Le comité note que, selon les informations fournies par le gouvernement à la mission, les trois assassinats dont avaient fait état les plaignants ont fait l'objet d'enquêtes qui ont déterminé qu'ils n'étaient pas liés à l'affiliation ou aux activités syndicales des victimes. Dans un cas, la personne concernée a été tuée par une patrouille alors qu'elle se livrait à des activités de contrebande. Les militaires impliqués dans cette affaire ont été jugés et relaxés. Dans les deux autres cas, il s'agit de crimes de droit commun dont les auteurs sont actuellement détenus et poursuivis devant les tribunaux. Dans ces conditions, compte tenu des déclarations contradictoires des plaignants et du gouvernement, le comité se trouve dans l'impossibilité de se prononcer sur cet aspect du cas.
      • b) Allégations relatives à la détention de syndicalistes
    4. 14 Le comité note que la peine de MM. Eric González et Eugenio Membreño a été commuée et qu'ils ont été libérés. Il note également qu'un premier groupe de syndicalistes de la CUS mentionnés dans la plainte de la CISL (Santos Francisco García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Saturnino Gutiérrez López, Juan Alberto Contreras Muñoz, Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González Lopez, Arnulfo González, Jacinto Olivo Vallecillo, Salomón de Jesús Vallecillo Martínez, Ricardo Gutiérrez Contreras, Luis García Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García Alvarado et Pedro Joaquín Talavera) ont été arrêtés en août 1987 pour avoir violé les paragraphes a et g de l'article 1 du décret no 1074 (loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique). Ils sont actuellement détenus au système pénitentiaire "Zona franca" en qualité d'accusés.
    5. 15 Les dispositions en question de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique énoncent que "sont considérés comme commettant un délit contre la sécurité publique ... ceux qui commettent des actes destinés à soumettre totalement ou partiellement la nation à une domination étrangère ou à porter atteinte à son indépendance et son intégrité" ainsi que "les auteurs de conspiration ou ceux qui proposent ou acceptent de conspirer pour commettre un délit mentionné dans le présent article et leurs complices". Ces personnes sont passibles de peines allant de cinq à trente ans de prison et de trois à quinze ans de prison.
    6. 16 Afin d'examiner l'allégation en toute connaissance de cause, le comité devrait disposer du texte du jugement qui sera rendu au sujet de ces personnes. Il demande donc au gouvernement de fournir une copie du jugement lorsqu'il sera rendu.
    7. 17 En ce qui concerne la détention de M. Juan José Cerda, dirigeant du Syndicat des cantonniers de Masaya, le comité note que cette personne a été condamnée à une peine de six mois de prison pour avoir participé à des actes de violence contre du personnel et des installations des forces de police, mais qu'il a été libéré au bout d'un mois, à la faveur de la grâce prévue dans les accords de paix de Sapoa pour les éléments contre-révolutionnaires.
    8. 18 Pour ce qui est de l'arrestation, en mai 1988, de paysans affiliés au Syndicat des paysans de Cayantu y Cuje, le comité note l'explication du gouvernement selon laquelle ces personnes n'ont pas été arrêtées par les forces de police, mais que la majorité d'entre elles ont été incorporées pour accomplir leur service militaire de réserve dans l'armée.
    9. 19 En ce qui concerne la condamnation de syndicalistes membres de la CTN, le comité note que MM. Milton Silva Gaitán, Arcadio Ortíz Espinoza, Ricardo Cervantes Rizo et Napoleón Molina Aguilera ont été condamnés à des peines de cinq à huit ans de prison pour avoir commis des actes de sabotage à l'encontre de l'Entreprise nationale d'autobus. Deux d'entre eux - les deux derniers nommés - ont été libérés à la suite de mesures d'amnistie ou de réduction de peines. En revanche, il apparaît que MM. Milton Silva Gaitán et Arcadio Ortíz Espinoza sont toujours détenus. Etant donné les lourdes peines de prison qui leur ont été infligées - respectivement cinq et huit (réduites par la suite à six) années de prison -, le comité demande au gouvernement d'envisager des mesures d'amnistie ou de réduction de peines en faveur de ces syndicalistes.
    10. 20 Le comité note, pour ce qui concerne la détention d'Anastasio Jiménez Maldonado, Justino Rivera, Eva Gonzales et Eleazar Marenco, que le gouvernement souhaiterait obtenir des informations plus détaillées pour faire des recherches sur le sort de ces personnes. Comme les allégations formulées à cet égard étaient très générales, le comité demande à l'organisation plaignante, à savoir la Confédération mondiale du travail, de fournir des informations complémentaires sur les circonstances de l'arrestation de ces personnes.
    11. 21 Enfin, le comité note que le gouvernement s'est engagé à fournir des informations sur un certain nombre de paysans membres de la CUS qui seraient détenus, à savoir: Luis Alfaro Centeno, Pastor García Matey, Mariano Romero Melgare, Dámaso González Sánchez, Jesús Cárdenas Ordónez, Rafael Ordónez Melgara et Miguel Valdivia.
      • c) Allégations relatives à la grève de la faim déclenchée par le Congrès permanent des travailleurs
    12. 22 Le comité prend note à cet égard des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles l'entrée du local de la CGT (i) où se tenait la grève de la faim n'a pas été franchie par la police et que seul un cordon de police avait été maintenu autour du local pour préserver l'ordre public et la circulation. Le comité constate cependant qu'au cours de cette grève de la faim deux dirigeants syndicaux, Roberto Moreno Cajina et Rafael Blandón, ont été détenus puis libérés par la suite, sans qu'on retienne de charges contre eux. Il note en outre que, selon la Commission permanente des droits de l'homme, les forces spéciales et la police ont tenté de déloger les grévistes et ensuite ont fait couper l'eau, l'électricité et l'entrée d'aliments créant ainsi une situation d'insalubrité insoutenable qui a obligé à suspendre la grève.
    13. 23 A cet égard, le comité tient à rappeler à l'attention du gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé entraîne des restrictions à la liberté syndicale. Les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités intéressées reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation. (Voir à cet égard, par exemple, 236e rapport, cas no 1259 (Bangladesh), paragr. 68; cas nos 1277 et 1288 (République dominicaine, paragr. 682.)
      • d) Allégations relatives à des assauts menés contre des locaux syndicaux et à des menaces exercées contre des syndicalistes 24. Le comité note que, selon le gouvernement, la police n'a pas eu connaissance de menaces exercées contre des syndicalistes ou d'assauts menés contre des locaux syndicaux et qu'en tout état de cause la Direction générale de la sécurité de l'Etat et la police n'ont été en aucune manière mêlées à de telles opérations.
    14. 25 Le comité tient cependant à rappeler à cet égard que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes, fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales. Lorsqu'elles sont informées de tels faits, les autorités devraient donc sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés.
      • e) Allégations relatives aux mesures prises à la suite de la manifestation organisée à Nandaime 26. Il ressort des informations recueillies par la mission, et notamment lors de l'entretien avec M. Carlos Huembes, secrétaire général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua, actuellement détenu au centre pénitentiaire de la Granja (province de Granada), que la manifestation organisée le 10 juillet 1988 a été convoquée par la Coordination démocratique nicaraguayenne (CDN) et non par des organisations syndicales, même si certaines font partie de la CDN. De même, les objectifs de la manifestation étaient d'ordre politique.
    15. 27 Dans ces conditions, le comité estime, sans porter de jugement sur les procédures judiciaires suivies dans le cas d'espèce, que les allégations présentées à ce sujet ne ressortissent pas de sa compétence. Il appartient donc à d'autres instances internationales jouissant d'une compétence générale en matière de droits de l'homme d'examiner cette affaire.
      • f) Allégations relatives à la confiscation de biens de dirigeants du COSEP 28. Le comité prend note des explications fournies par le gouvernement selon lesquelles les mesures de confiscation de terres répondaient à des besoins de réforme agraire. Le comité observe également que ces confiscations n'ont pas seulement frappé des dirigeants et membres du COSEP mais ont également concerné des propriétaires membres d'autres organisations de producteurs agricoles. Il estime néanmoins que ces mesures semblent avoir frappé particulièrement les dirigeants et membres du COSEP.
    16. 29 Le comité est en outre convaincu, à la lumière des informations recueillies au cours de la mission, que les possibilités réelles de recours judiciaire des personnes affectées par ces mesures étaient relativement limitées et que les indemnisations prévues pour compenser ces confiscations sont soit inexistantes (cas des terres non exploitées, déficitaires ou abandonnées), soit insuffisantes (émission de bons de réforme agraire). Le comité estime donc que l'ensemble des dispositions relatives à l'indemnisation des confiscations de terres devraient être revues pour assurer une compensation réelle et juste des pertes ainsi subies par les propriétaires, et que le gouvernement devrait rouvrir les dossiers d'indemnisation à la demande des personnes qui estiment avoir été spoliées dans ce processus de réforme agraire.
      • g) Allégations relatives à la condamnation de M. Alegría
    17. 30 Le comité a pris connaissance des informations recueillies par la mission au sujet du cas de M. Alegría, et notamment du texte du jugement qui l'a condamné à seize années de prison.
    18. 31 Le comité note qu'il ressort de ce jugement que M. Alegría a été condamné pour avoir acheté des informations économiques à caractère secret - en raison de la situation de guerre que vit le pays - à des fonctionnaires gouvernementaux et pour les avoir ensuite remises à un diplomate étranger.
    19. 32 Le comité rappelle que les tâches confiées à M. Alegría au sein d'un organisme du COSEP étaient précisément d'effectuer des recherches et des études économiques et qu'à ce titre il devait pouvoir disposer d'informations pour mener à bien ses travaux. Il apparaît d'ailleurs à la lecture du texte du jugement que des informations obtenues par M. Alegría ont fait l'objet d'une analyse par l'institut qu'il dirigeait. En outre, selon diverses sources, les informations étaient largement connues dans le public.
    20. 33 Par ailleurs, le comité observe avec préoccupation que l'accusation s'est fondée notamment sur une vidéo-cassette contenant des déclarations des accusés qui auraient été enregistrées dans les locaux de la sécurité de l'Etat. Compte tenu en outre de l'extrême sévérité de la peine prononcée en première instance, le comité exprime le ferme espoir que la Cour d'appel de Managua, actuellement saisie du recours de M. Alegría, réexaminera cette affaire avec toute l'attention et l'indépendance nécessaires. Il demande au gouvernement de fournir une copie de l'arrêt de la Cour d'appel lorsqu'il sera prononcé.
      • h) Plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution
    21. 34 Le comité a pris note à cet égard des informations détaillées recueillies par la mission en ce qui concerne les conséquences pratiques de la levée de l'état d'urgence sur les libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux.
    22. 35 Pour ce qui est du droit d'expression, il ressort de ces informations que la levée de l'état d'urgence a entraîné l'abolition de la censure préalable à laquelle étaient soumis les moyens de communication. Ceci a rendu plus facile la publication de revues syndicales. Cependant, le comité doit constater que les organisations se heurtent encore à des difficultés pour exprimer leurs opinions par voie de presse. Il apparaît notamment que la loi générale provisoire sur les moyens de communication établit de sévères restrictions, notamment quant "aux écrits qui compromettent la stabilité économique de la nation". Par ailleurs, en cas de violation des textes, les organes de presse peuvent être suspendus de manière temporaire ou définitive. C'est ainsi notamment que, depuis la levée de l'état d'urgence, plusieurs journaux écrits ou parlés ont été suspendus, notamment le quotidien La Prensa et la station Radio Católica.
    23. 36 Le comité est d'avis que de telles restrictions qui aboutissent à l'existence d'une menace permanente de suspension des publications ne peuvent qu'entraver considérablement le droit des organisations syndicales et professionnelles d'exprimer des opinions par voie de presse soit dans leurs propres publications, soit dans d'autres médias. Il rappelle que ce droit constitue l'un des éléments essentiels des droits syndicaux et qu'en conséquence les gouvernements devraient s'abstenir d'en entraver indûment l'exercice légal.
    24. 37 En ce qui concerne le droit de manifestation, le comité prend note des déclarations du gouvernement selon lesquelles les manifestations de nature syndicale ont été autorisées et n'ont donné lieu à aucun incident. Il observe cependant que les organisations syndicales d'opposition ont fait état de réponses tardives du ministère de l'Intérieur aux demandes d'autorisation de manifestations et même d'un refus d'une manifestation organisée en juillet 1988 par le Congrès permanent des travailleurs, en vue de protester contre des mesures d'arrestation et la hausse du coût de la vie.
    25. 38 A cet égard, le comité rappelle que, s'il appartient aux syndicats de respecter les dispositions législatives visant à assurer le maintien de l'ordre public, les autorités publiques, de leur côté, devraient s'abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d'organiser librement la tenue et le déroulement des réunions. Le comité estime en particulier que l'un des moyens d'éviter des incidents lors de manifestations publiques est que les autorités donnent une réponse suffisamment à l'avance aux demandes d'autorisation afin que les organisateurs de la manifestation disposent d'un temps suffisant pour prendre les dispositions nécessaires à son bon déroulement.
    26. 39 L'une des conséquences de la levée de l'état d'urgence a été la suppression des tribunaux populaires antisomozistes. Le comité doit constater avec regret qu'il n'apparaît pas que les jugements rendus par ces tribunaux d'exception soient susceptibles de révision. Seules des décisions politiques d'amnistie ou de grâce semblent possibles, mais la mission n'a pu connaître le nombre de syndicalistes qui avaient bénéficié de ces mesures depuis la levée de l'état d'urgence.
    27. 40 D'une manière générale, le comité doit souligner que certaines restrictions imposées par la législation ordinaire, notamment en ce qui concerne la liberté d'expression, sont encore excessivement sévères. Le comité observe également que la révision de la législation en matière de procédure judiciaire est considérée par tous comme nécessaire. Si certaines limitations peuvent être justifiées en période de guerre, il conviendrait en revanche qu'elles soient abrogées en période normale. Le comité estime donc que le gouvernement devrait mettre à profit le processus de paix engagé au Nicaragua pour adopter une législation garantissant pleinement l'exercice des libertés publiques essentielles à l'exercice des droits syndicaux et élargissant les garanties judiciaires.
    28. 41 Pour ce qui est des questions relatives à la législation syndicale soulevées dans la plainte déposée en vertu de l'article 26 de la Constitution de l'OIT, à savoir le droit de grève et le droit de négociation collective, le comité prend note des informations recueillies par la mission sur ces points.
    29. 42 Au sujet du droit de grève, le comité note en particulier que ce droit qui avait été suspendu pendant l'état d'urgence peut à nouveau être exercé. Il observe que, au cours des six premiers mois de l'année 1988, 50 mouvements de grève ont été enregistrés mais que, cependant, certaines organisations syndicales font état de pressions ou de mesures de répression exercées à l'encontre de grévistes.
    30. 43 En ce qui concerne la négociation collective, le comité note que le Système national d'organisation du travail et des salaires (SNOTS) est maintenant utilisé uniquement comme valeur de référence et que les rémunérations sont établies selon la capacité économique de chaque centre de travail par des négociations bilatérales. Le comité doit cependant constater que, même s'il apparaît qu'au cours de 1988 aucun refus d'enregistrement de convention collective n'a été opposé par le ministère du Travail, l'approbation de ce ministère reste nécessaire pour que les conventions entrent en vigueur.
    31. 44 Au sujet des consultations tripartites en matière de normes internationales du travail, le comité observe que de nombreuses organisations de travailleurs et d'employeurs ont signalé qu'elles n'étaient en aucune manière consultées sur les questions mentionnées dans la convention no 144 Il note à cet égard que le gouvernement s'est déclaré prêt à étudier la constitution d'une commission consultative sur les normes internationales du travail. Le comité demande au gouvernement de constituer et de réunir cette commission le plus vite possible et d'y associer toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il lui demande de fournir des informations sur la constitution et les réunions de cette commission.
    32. 45 D'une manière générale, le comité note que l'Assemblée nationale se trouve actuellement dans une phase de première étape de préparation d'un nouveau Code du travail et que le gouvernement s'est engagé à demander la coopération du BIT pour la préparation du code et à informer régulièrement le Bureau des étapes suivies dans ce processus.
    33. 46 Le comité estime que le gouvernement devrait accorder une attention prioritaire à la préparation de ce code. Il demande instamment au gouvernement d'associer l'ensemble des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que, comme le gouvernement l'a lui-mêne accepté, le BIT à l'élaboration de ce code et il exprime le ferme espoir que le gouvernement pourra faire état très prochainement de progrès substantiels sur une nouvelle législation éliminant les divergences avec les , notamment en matière de reconnaissance du droit syndical à certaines catégories de travailleurs, de constitution des organisations, d'activités politiques des organisations, de contrôle des livres et registres des syndicats, de droit de grève et de droit à la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur le processus suivi pour l'élaboration de cette nouvelle législation.
    34. 47 Compte tenu des conclusions ainsi formulées, le comité observe que la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs au Nicaragua pose des problèmes importants en relation avec plusieurs principes fondamentaux en matière de liberté d'association et de liberté syndicale. Le comité estime donc que le gouvernement doit prendre dans les délais les plus brefs des mesures concrètes pour appliquer pleinement les conventions sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées. Ces mesures devraient couvrir d'un côté l'ensemble des problèmes qui se posent en droit et qui concernent aussi bien la préparation d'un nouveau Code du travail que l'adoption d'une législation garantissant le plein exercice des libertés publiques. Ces mesures d'ordre juridique devraient être accompagnées de mesures concernant des situations de fait telles que, en premier lieu, la libération des dirigeants d'organisations d'employeurs et de travailleurs actuellement détenus. Au cas où le gouvernement ne fournirait pas, d'ici la prochaine session du comité en février 1989, des informations prouvant un changement d'attitude en ces domaines et une volonté manifeste de réaliser des progrès dans la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs et de leurs dirigeants et membres, le comité se verrait dans la nécessité de remettre l'affaire au Conseil d'administration, en lui recommandant la constitution d'une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 48. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prend note du rapport de la mission d'étude effectuée au Nicaragua ainsi que des facilités que les autorités ont accordées au représentant du Directeur général pour mener à bien sa mission. Il déplore cependant que le représentant du Directeur général n'ait pas reçu l'autorisation de rencontrer l'une des personnes détenues avec laquelle la mission avait demandé de s'entretenir.
    • b) Le comité demande au gouvernement de fournir une copie du texte du jugement qui sera rendu dans le cas de syndicalistes de la CUS actuellement détenus au système pénitentiaire "Zona franca" de Managua, mentionnés au paragraphe 14 ci-dessus.
    • c) Le comité demande au gouvernement d'envisager l'adoption de mesures d'amnistie ou de réduction de peines en faveur de MM. Milton Silva Gaitán et Arcadio Ortíz Espinoza, syndicalistes qui avaient été condamnés à des peines de cinq et six ans de prison.
    • d) Le comité demande à la Confédération mondiale du travail de fournir des informations complémentaires sur les circonstances de l'arrestation de M. Anastasio Jimenez Maldonado, Justino Rivera, Eva Gonzales et Eleazar Marenco.
    • e) Le comité demande au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'arrestation des syndicalistes mentionnés au paragraphe 21 ci-dessus (faits concrets à l'origine des arrestations, texte des jugements, lieu de détention).
    • f) Concernant les arrestations opérées à l'occasion d'une grève de la faim déclenchée par le Congrès permanent des travailleurs, le comité rappelle à l'attention du gouvernement que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels aucun chef d'inculpation n'est relevé entraîne des restrictions à la liberté syndicale et que les gouvernements devraient prendre des dispositions afin que les autorités reçoivent des instructions appropriées pour prévenir le risque que comportent pour les activités syndicales les mesures d'arrestation.
    • g) Au sujet des assauts menés contre des locaux syndicaux et des menaces exercées contre des syndicalistes, le comité rappelle que de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes fort préjudiciable à l'exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu'elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés.
    • h) Au sujet des mesures prises à la suite de la manifestation de Nandaime, le comité estime, compte tenu du caractère politique de cette manifestation, qu'il appartient à d'autres instances internationales jouissant d'une compétence générale en matière de droits de l'homme d'examiner cette affaire.
    • i) Au sujet de la confiscation de biens, le comité estime que ces mesures semblent avoir frappé particulièrement les dirigeants et membres du COSEP. Il considère que l'ensemble des dispositions relatives à l'indemnisation des confiscations de terres devraient être revues pour assurer une compensation réelle et juste des pertes subies par les propriétaires, et que le gouvernement devrait rouvrir les dossiers d'indemnisation à la demande des personnes qui estiment avoir été spoliées.
    • j) Au sujet de la condamnation de M. Alegría, le comité exprime sa préoccupation devant la procédure suivie dans cette affaire et devant l'extrême sévérité de la peine prononcée en première instance. Le comité exprime le ferme espoir que la Cour d'appel de Managua réexaminera ce cas avec toute l'attention et l'indépendance nécessaires. Il demande au gouvernement de fournir une copie de l'arrêt de la Cour d'appel lorsqu'il sera prononcé.
    • k) En ce qui concerne les libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux, le comité note que des restrictions excessivement sévères subsistent encore et il demande donc au gouvernement de mettre à profit le processus de paix engagé au Nicaragua pour adopter une législation garantissant pleinement l'exercice des libertés publiques et élargissant les garanties judiciaires.
    • l) Au sujet des consultations tripartites en matière de normes internationales du travail, le comité demande au gouvernement de constituer et de réunir le plus vite possible une commission consultative en la matière et d'y associer toutes les organisations d'employeurs et de travailleurs. Il lui demande de fournir des informations sur la constitution et les réunions de cette commission.
    • m) Au sujet de la législation syndicale, le comité demande instamment au gouvernement d'associer l'ensemble des organisations de travailleurs et d'employeurs ainsi que, comme le gouvernement l'a déjà accepté, le BIT à l'élaboration du nouveau Code du travail qu'il entend préparer, et il exprime le ferme espoir que le gouvernement pourra faire état très prochainement de progrès substantiels sur une nouvelle législation conforme aux conventions nos 87 et 98.
    • n) Compte tenu des conclusions ainsi formulées, le comité observe que la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs au Nicaragua pose des problèmes importants en relation avec plusieurs principes fondamentaux en matière de liberté d'association et de liberté syndicale. Le comité estime donc que le gouvernement doit prendre dans les délais les plus brefs des mesures concrètes pour appliquer pleinement les conventions sur la liberté syndicale qu'il a ratifiées. Ces mesures devraient couvrir d'un côté l'ensemble des problèmes qui se posent en droit et qui concernent aussi bien la préparation d'un nouveau Code du travail que l'adoption d'une législation garantissant le plein exercice des libertés publiques. Ces mesures d'ordre juridique devraient être accompagnées de mesures concernant des situations de fait, telles que, en premier lieu, la libération des dirigeants d'organisations d'employeurs et de travailleurs actuellement détenus. Au cas où le gouvernement ne fournirait pas, d'ici la prochaine session du comité en février 1989, des informations prouvant un changement d'attitude en ces domaines et une volonté manifeste de réaliser des progrès dans la situation des organisations d'employeurs et de travailleurs et de leurs dirigeants et membres, le comité se verrait dans la nécessité de remettre l'affaire au Conseil d'administration, en lui recommandant la constitution d'une commission d'enquête, conformément à l'article 26, paragraphe 3, de la Constitution.

Rapport du Professeur Fernando Uribe Restrepo, représentant du Directeur

Rapport du Professeur Fernando Uribe Restrepo, représentant du Directeur
  1. général, sur la mission d'étude effectuée au Nicaragua (28 septembre - 5
  2. octobre 1988)
  3. I. Introduction
  4. Par une lettre du 23 mai 1988, le gouvernement du Nicaragua a proposé au
  5. Directeur général qu'une mission d'étude se rende au Nicaragua. A sa session
  6. de mai 1988, le Comité de la liberté syndicale, ayant constaté que cette
  7. invitation a été adressée selon les lignes que le comité avait lui-même
  8. envisagées, a recommandé au Conseil d'administration d'accepter cette
  9. proposition. Le Conseil a approuvé cette recommandation lors de sa 240e
  10. session (mai-juin 1988).
  11. Au cours d'un entretien tenu le 11 juin 1988 entre le Président du Comité de
  12. la liberté syndicale, M. Roberto Ago, et le ministre du Travail, M. Benedicto
  13. Meneses Fonseca, il a été convenu que, conformément au voeu exprimé par le
  14. Comité de la liberté syndicale, la mission d'étude serait chargée d'examiner
  15. les questions de fait et de droit en instance devant le comité. En outre, la
  16. mission devait examiner les problèmes liés aux commentaires formulés par la
  17. Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations au
  18. sujet de l'application des conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la
  19. protection du droit syndical, 1948, (no 98) sur le droit d'organisation et de
  20. négociation collective, 1949, et (no 144) sur les consultations tripartites
  21. (normes internationales du travail), 1976.
  22. Le Directeur général m'a désigné comme son représentant pour mener à bien
  23. cette mission qui s'est déroulée du 28 septembre au 5 octobre 1988. J'ai été
  24. accompagné au cours de la mission par MM. Bernard Gernigon, chef du Service de
  25. la liberté syndicale, et Christian Ramos Veloz, fonctionnaire de ce même
  26. service. Je dois souligner la compétence, le dévouement et le sens des
  27. responsabilités dont ont fait preuve mes accompagnateurs, dont le concours à
  28. la réussite de la mission a été déterminant.
  29. II. Déroulement de la mission
  30. Afin d'obtenir les informations les plus complètes possibles sur la situation
  31. syndicale, la mission s'est entretenue avec les représentants des milieux
  32. couvrant l'ensemble des opinions s'exprimant dans les domaines économique et
  33. social au Nicaragua.
  34. Du côté des autorités gouvernementales, la mission a rencontré MM. Benedicto
  35. Meneses Fonseca, ministre du Travail, et Fernando Cuadra, vice-ministre du
  36. Travail; le commandant Alonso Porras, vice-ministre de la Réforme agraire; le
  37. commandant René Vivas Lugo, vice-ministre de l'Intérieur; le docteur Omar
  38. Cortés, Procureur général de justice, ainsi que le docteur Rodrigo Reyes,
  39. président de la Cour suprême. De plus, la mission a eu plusieurs entretiens
  40. avec des hauts fonctionnaires du ministère du Travail.
  41. La mission s'est également entretenue soit au siège des organisations, soit
  42. dans les locaux du Programme des Nations Unies pour le développement, avec un
  43. nombre important d'organisations d'employeurs et de travailleurs représentant
  44. la quasi-totalité des organisations existant dans le pays au niveau national.
  45. Pour ce qui concerne les organisations de travailleurs, il s'agit de la
  46. Confédération générale du travail (CGT) (i), la Centrale des travailleurs du
  47. Nicaragua (autonome) (CTN (a)), la Centrale action et unité syndicales (CAUS),
  48. la Confédération d'unité syndicale (CUS), toutes les quatre regroupées au sein
  49. du Congrès permanent des travailleurs (CPT); la Centrale des travailleurs du
  50. Nicaragua (CTN); le Front ouvrier (FO); la Centrale sandiniste des
  51. travailleurs (CST); l'Association des travailleurs de l'agriculture (ATC);
  52. l'Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN); la Fédération
  53. des travailleurs de la santé (FED SALUD); l'Union des journalistes du
  54. Nicaragua (UPN) et l'Union nationale des employés (UNE).
  55. Quant aux organisations d'employeurs, la mission a rencontré les
  56. représentants du Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP); l'Union
  57. nationale d'agriculteurs et d'éleveurs de bétail (UNAG); la Confédération
  58. nationale de la petite industrie (CONAPI) et l'Association des entreprises du
  59. Nicaragua (ADENIC) créée récemment.
  60. En outre, la mission s'est entretenue des questions liées à l'exercice des
  61. libertés publiques avec les représentants de la Commission nationale de
  62. promotion et de protection des droits de l'homme et de la Commission
  63. permanente des droits de l'homme.
  64. Enfin, la mission s'est rendue en province pour rencontrer M. Carlos
  65. Huembes, secrétaire général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua,
  66. actuellement détenu à La Granja (province de Granada), et pour visiter une
  67. exploitation agricole dont a été exproprié M. Bolaños, ancien président du
  68. Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP).
  69. La liste de l'ensemble des personnes rencontrées figure en annexe au présent
  70. rapport.
  71. Avant d'aborder les questions de fond qui faisaient l'objet de la mission,
  72. je dois témoigner des facilités que m'ont accordées les autorités
  73. gouvernementales, ce dont je tiens à les remercier. J'ai pu m'entretenir ainsi
  74. en toute liberté avec les personnes que j'avais souhaité rencontrer. La seule
  75. exception à cette liberté d'élaborer mon programme de visites a été que
  76. l'autorisation de rencontrer M. Mario Alegría, directeur de l'Institut
  77. nicaraguayen d'études économiques et sociales (organisme d'études du COSEP),
  78. actuellement détenu à la Zona Franca de Managua, ne m'a pas été accordée, bien
  79. que j'aie insisté à plusieurs reprises, avec la plus grande énergie possible,
  80. tant auprès des autorités du ministère du Travail que de celles du ministère
  81. de l'Intérieur sur l'importance de cette rencontre. Le gouvernement a précisé
  82. que cette réponse négative ne devait pas être considérée comme une volonté de
  83. faire obstacle au bon déroulement de la mission, mais qu'après avoir examiné
  84. attentivement ma demande et en avoir discuté, il a estimé que le cas de M.
  85. Mario Alegría devait être considéré comme une affaire d'espionnage et
  86. d'atteintes à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat et qu'en conséquence
  87. il ne concernait en aucune manière une affaire relevant du domaine du travail.
  88. Je dois regretter profondément le refus qui m'a été opposé de rendre cette
  89. visite à M. Alegría qui m'aurait permis de compléter mes informations sur sa
  90. condamnation et sa détention, comme j'ai eu l'occasion de le dire au
  91. vice-ministre du Travail qui nous a communiqué la décision du gouvernement le
  92. dernier jour de notre visite, d'autant que ce refus est de nature à jeter, à
  93. tort ou à raison, un doute sur la réalité de la volonté apparente du
  94. gouvernement de coopérer avec l'OIT dans le cadre de l'examen des plaintes.
  95. Je tiens enfin à remercier l'ensemble de mes interlocuteurs pour le climat
  96. de cordialité et de franchise qui a caractérisé tous les entretiens, ce qui
  97. m'a permis de recueillir des informations qui seront, je l'espère, utiles au
  98. Comité de la liberté syndicale, au Conseil d'administration et à la commission
  99. d'experts.
  100. Afin de faciliter l'examen du rapport, je crois utile d'examiner tout
  101. d'abord les questions relatives à la législation syndicale découlant des
  102. commentaires de la commission d'experts et de la plainte déposée en vertu de
  103. l'article 26 de la Constitution de l'OIT puis, dans une deuxième partie,
  104. celles concernant les libertés publiques liées à l'exercice des droits
  105. syndicaux et, enfin, les questions de fait en instance devant le Comité de la
  106. liberté syndicale.
  107. III. Législation syndicale
  108. Parmi les questions que je devais examiner au cours de la mission,
  109. figuraient celles qui découlent des commentaires de la commission d'experts
  110. sur l'application des conventions nos 87, 98 et 144.
  111. Ces commentaires ont trait, dans le cadre de l'application de la convention
  112. no 87, à la nécessité de:
  113. - garantir, par une disposition spécifique, le droit d'association des
  114. fonctionnaires, des travailleurs indépendants des secteurs urbain et rural et
  115. des personnes travaillant dans les ateliers familiaux pour la défense des
  116. intérêts professionnels de leurs mandants;
  117. - supprimer l'exigence de la majorité absolue des travailleurs d'une
  118. entreprise ou d'un centre de travail pour constituer un syndicat (art. 189 du
  119. Code du travail);
  120. - modifier la disposition sur l'interdiction générale des activités
  121. politiques aux syndicats (art. 204 b) du code);
  122. - modifier l'obligation faite aux dirigeants syndicaux de présenter les
  123. livres et registres du syndicat à l'autorité du travail sur la demande de l'un
  124. quelconque des membres du syndicat (art. 36 du règlement sur les associations
  125. professionnelles);
  126. - lever les limitations excessives à l'exercice du droit de grève, comme
  127. l'exigence de 60 pour cent des travailleurs pour déclencher une grève,
  128. l'interdiction des grèves dans les professions rurales lorsque les produits
  129. risquent de se détériorer si l'on n'en dispose pas immédiatement, et la
  130. possibilité pour les autorités de mettre fin à une grève qui a duré trente
  131. jours par l'arbitrage obligatoire si aucun règlement n'a eu lieu après la date
  132. d'autorisation de la grève (art. 225, 228 et 314 du code).
  133. Pour ce qui concerne la convention no 98, les commentaires concernent
  134. l'incompatibilité avec l'article 4 de la convention du décret no 530 du 24
  135. septembre 1980 qui soumet les conventions collectives à l'approbation du
  136. ministère du Travail et du Système national d'organisation du travail et des
  137. salaires (SNOTS) qui déterminait une politique salariale.
  138. En outre, la commission d'experts avait demandé au gouvernement de fournir
  139. des informations au sujet des consultations effectuées auprès des
  140. organisations d'employeurs et de travailleurs sur les normes internationales
  141. du travail dans le cadre de l'application de la convention no 144.
  142. La plainte déposée par plusieurs délégués employeurs en vertu de l'article
  143. 26 de la Constitution soulevait également certaines des questions qui avaient
  144. fait l'objet de commentaires de la commission d'experts, et notamment à la
  145. liberté syndicale, à la négociation collective et à la consultation tripartite
  146. en matière de normes internationales du travail.
  147. Avant d'aborder chacun de ces points, je dois souligner que je me suis
  148. attaché, au cours de mes entretiens avec les autorités du ministère du Travail
  149. et les organisations d'employeurs et de travailleurs, de traiter non seulement
  150. des problèmes de droit posés par la législation, mais également d'examiner
  151. comment celle-ci était appliquée en pratique.
  152. a) Droit d'association des fonctionnaires et de certaines autres catégories
  153. de travailleurs
  154. Pour ce qui a trait au droit syndical des fonctionnaires - qui n'est pas
  155. garanti par une disposition spécifique du Code du travail -, il ressort des
  156. informations obtenues au cours de la mission qu'environ 40 pour cent d'entre
  157. eux sont affiliés à l'Union nationale des employés (UNE) qui regroupe les
  158. travailleurs manuels et intellectuels des institutions étatiques. Les statuts
  159. de cette organisation, qui regroupe 45 syndicats de base et quelque 27.000
  160. travailleurs et qui est enregistrée au ministère du Travail et qui est donc
  161. dotée de la personnalité juridique, disposent que l'un de ses objectifs est de
  162. promouvoir de meilleures relations et conditions de travail. Les dirigeants de
  163. l'UNE que la mission a rencontrés ont indiqué que leur organisation menait ses
  164. activités comme tout autre syndicat, y compris en matière de négociation
  165. collective. Tous les fonctionnaires peuvent y adhérer, à l'exception de ceux
  166. qui exercent des fonctions de type politique (ministres, vice-ministres,
  167. directeurs de programmes). Il existe également une organisation de
  168. travailleurs de la santé (FED SALUD) et de l'enseignement (ANDEN), dont les
  169. représentants se sont entretenus avec la mission et qui regroupent environ les
  170. trois quarts des travailleurs de leurs secteurs respectifs. La Centrale
  171. sandiniste des travailleurs (CST) regroupe également en son sein des agents
  172. publics, et notamment des travailleurs municipaux et des entreprises
  173. étatiques.
  174. Les représentants de la Confédération d'unité syndicale (CUS) et du Front
  175. ouvrier (FO) ont signalé à la mission que s'il était vrai que les
  176. fonctionnaires peuvent s'affilier à un syndicat, cette liberté est, selon eux,
  177. limitée car il est en pratique impossible aux fonctionnaires de créer un
  178. syndicat qui aurait une attitude d'opposition au gouvernement. Les dirigeants
  179. de la CUS ont également indiqué que les fonctionnaires font l'objet de
  180. pressions pour s'affilier à l'UNE s'ils veulent conserver leur emploi ou
  181. obtenir une promotion.
  182. Pour leur part, les délégations de l'Association nationale des enseignants
  183. du Nicaragua et de la Fédération des travailleurs de la santé ont souligné que
  184. l'unité syndicale existant dans leur secteur répondait à la volonté des
  185. travailleurs. Selon eux, aucun cas de demande d'enregistrement d'un syndicat
  186. indépendant des organisations existantes ne s'est présenté. Mais aucun
  187. obstacle légal ne s'oppose à la constitution d'une telle organisation.
  188. Pour ce qui est des travailleurs indépendants et des travailleurs des
  189. ateliers familiaux, la mission a constaté qu'un nombre important d'entre eux
  190. sont regroupés au sein de la Confédération nationale de la petite industrie
  191. (CONAPI) qui regroupe 10.800 employeurs affiliés qui occupent quelque 40.000
  192. travailleurs. Beaucoup de ces affiliés sont des ateliers familiaux et, selon
  193. l'opinion des dirigeants de la CONAPI, le droit d'association des travailleurs
  194. de ces ateliers ne revêt pas d'importance en pratique.
  195. b) Restrictions à la constitution et fonctionnement des organisations
  196. syndicales
  197. Le ministère du Travail a reconnu que, comme l'a signalé la commission
  198. d'experts, certaines dispositions du règlement des associations syndicales ne
  199. s'ajustent pas au libre exercice des droits politiques et syndicaux des
  200. organisations représentatives. Il a été rappelé à cet égard que la législation
  201. en vigueur est précisément un héritage législatif du régime antérieur avec les
  202. conséquences que cela implique. Les autorités du ministère du Travail estiment
  203. par exemple que l'interdiction des activités politiques n'a pas lieu d'être.
  204. Comme le reste de la législation, le règlement des associations syndicales
  205. sera soumis prochainement à des modifications, à mesure qu'avance le processus
  206. de révision de toute la structure juridique du pays qui a commencé avec la
  207. promulgation de la Constitution.
  208. Les autorités du ministère du Travail ont souligné qu'elles n'avaient pas -
  209. tout comme les autorités gouvernementales en général - imposé d'obstacles
  210. majeurs aux activités politiques et syndicales des organisations, sauf dans
  211. les cas où il existait une évidente violation des dispositions qui protègent
  212. l'ordre public. Elles ont ajouté que s'il est vrai que, dans quelques cas, les
  213. fonctionnaires du ministère du Travail, en stricte conformité avec la
  214. législation, ont demandé aux syndicats de se conformer aux exigences établies
  215. par la loi, dans beaucoup d'autres circonstances ils ont agi avec un maximum
  216. de souplesse. Il apparaît ainsi, dans un tableau remis à la mission par le
  217. ministère du Travail, que 15 syndicats de la région de Managua, affiliés à des
  218. centrales syndicales d'opposition au gouvernement, n'ont pas procédé aux
  219. élections de leurs organes directeurs depuis plusieurs années. Néanmoins, le
  220. ministère du Travail n'a pris aucune mesure corrective ni aucune disposition
  221. restrictive. Au contraire, selon le ministère du Travail, ces syndicats
  222. continuent de fonctionner normalement, même si leurs directions n'ont pas été
  223. renouvelées normalement, comme l'établit la législation.
  224. Sur cette question de la constitution et du fonctionnement des
  225. organisations, certaines organisations syndicales se sont plaintes de
  226. l'attitude excessivement pointilleuse du ministère du Travail pour
  227. l'enregistrement des organisations. Ainsi, les représentants de la Centrale
  228. des travailleurs du Nicaragua (CTN) ont signalé que les travailleurs se
  229. heurtaient parfois à des tracasseries administratives pour constituer des
  230. syndicats, par exemple à des demandes d'informations extrêmement détaillées.
  231. Les représentants de la Confédération générale du Travail (CGT) ont déclaré à
  232. cet égard que, déjà en 1985, ils avaient adressé une lettre au ministre du
  233. Travail - dont ils ont fourni une copie - pour attirer son attention sur ces
  234. pratiques qui vont même au-delà des exigences de la législation. Aucune
  235. réponse ne leur aurait été donnée. Cette omission a été portée à la
  236. connaissance du ministère du Travail qui n'a pas donné d'explication à ce
  237. sujet. La Confédération d'unité syndicale (CUS) a, pour sa part, remis à la
  238. mission une liste d'organisations dont la demande d'enregistrement est
  239. apparemment restée sans réponse. La CUS a également signalé que, afin d'éviter
  240. des tracasseries administratives, certaines organisations de base
  241. dissimulaient leur nombre exact d'adhérents et le limitaient au nombre minimum
  242. requis par la législation dans leur demande d'enregistrement. Dans le même
  243. ordre d'idée, un dirigeant du Front ouvrier, centrale de tendance
  244. marxiste-léniniste, a déclaré qu'afin d'accélérer leur enregistrement certains
  245. syndicats ne mentionnaient pas dans leurs statuts leur affiliation à sa
  246. centrale. En outre, selon la CTN, des pressions et des menaces seraient
  247. exercées à l'encontre des dirigeants des syndicats qui souhaitent se
  248. désaffilier de la Centrale sandiniste des travailleurs.
  249. Interrogées sur les difficultés que rencontreraient ainsi les organisations,
  250. les autorités du ministère du Travail ont souligné que, pour pouvoir être
  251. enregistrées, les organisations devaient évidemment, conformément à la loi,
  252. fournir un certain nombre d'informations, mais que l'attitude du gouvernement
  253. dans ce domaine, loin d'être restrictive, avait été ouverte. C'est ainsi que,
  254. depuis 1987, un programme de décentralisation de l'enregistrement des
  255. syndicats a été mis en place, ce qui facilite les démarches, en particulier
  256. pour les organisations de province. Ces autorités ont également indiqué que,
  257. depuis l'avènement au pouvoir de la Révolution sandiniste en juillet 1979
  258. jusqu'en décembre 1987, 1.515 syndicats affiliés à sept centrales syndicales
  259. de diverses tendances idéologiques ont été enregistrés. Elles ont observé que
  260. le ministère avait eu de sérieuses difficultés de fonctionnement en raison de
  261. la mobilité du personnel qui comprend, en outre, un effectif limité, ce qui
  262. affecte son niveau de formation. Les dirigeants de l'UNAG ont confirmé ce
  263. point de vue en indiquant que les problèmes d'enregistrement des syndicats
  264. sont d'ordre pratique - en raison de la prolifération des associations au
  265. Nicaragua (par exemple, il en existe plus de 400 de nature religieuse) - et
  266. non d'ordre légal.
  267. Un autre problème d'ordre pratique qui pourrait influer sur la constitution
  268. et le fonctionnement des organisations a été relevé par certains de mes
  269. interlocuteurs. Il s'agit des avantages qui seraient accordés aux
  270. organisations tant d'employeurs que de travailleurs proches du gouvernement.
  271. C'est ainsi que les dirigeants du COSEP ont déclaré que les employeurs
  272. affiliés à l'Union nationale des agriculteurs et éleveurs de bétail (UNAG) se
  273. voyaient accorder des facilités de crédit. Du côté travailleurs, les affiliés
  274. de la Centrale sandiniste des travailleurs (CST) obtiendraient, selon le Front
  275. ouvrier, des avantages pour leur approvisionnement. De même, les dirigeants
  276. des organisations regroupées dans le Congrès permanent des travailleurs (CPT)
  277. ont déclaré que certaines organisations, notamment dans le secteur de
  278. l'agriculture, étaient patronnées par les autorités gouvernementales. La CST a
  279. nié l'existence d'une situation discriminatoire, et les autorités du ministère
  280. du Travail ont souligné pour leur part que la législation en matière de crédit
  281. financier s'appliquait à tous sans que l'affiliation à telle ou telle
  282. organisation soit prise en considération. En matière d'approvisionnement,
  283. elles ont indiqué que la population pouvait acheter librement les produits de
  284. consommation, sans aucune discrimination. Ce qui peut se produire, toujours
  285. selon les autorités du ministère du Travail, c'est qu'un syndicat négocie
  286. directement avec les producteurs en vue d'obtenir de meilleurs prix et
  287. services pour ses membres.
  288. c) Droit de grève
  289. Selon le ministère du Travail, le caractère antipopulaire de la dictature
  290. somoziste explique que le Code du travail établisse une série de procédures
  291. extrêmement complexes pour que la grève puisse être reconnue comme légale
  292. (conciliation, arbitrage, possibilité de fermeture du centre de travail, etc.)
  293. . Pendant le régime somoziste, la grève a constitué un moyen de lutte de grand
  294. poids et de grande signification pour les travailleurs. En revanche, les
  295. termes des relations entre employeurs et travailleurs sont maintenant
  296. substantiellement modifiés. Dans le cadre de l'économie mixte, le gouvernement
  297. assume, selon les autorités du ministère du Travail, un rôle de garant
  298. effectif des droits des travailleurs et des employeurs. Ces autorités ont
  299. également souligné que la prolifération des commissions bipartites par
  300. entreprise, les conseils de production, les instances de consultation par
  301. branches d'activité sont des expressions concrètes de l'espace politique et
  302. économique conquis par le mouvement syndical pour présenter ses
  303. revendications. Selon le ministère du Travail, il n'a pas été nécessaire
  304. d'avoir recours à la grève pour atteindre ces objectifs puisque, précisément,
  305. les travailleurs bénéficient d'une politique sociale qui privilégie leurs
  306. intérêts et leurs besoins.
  307. Les autorités du ministère du Travail ont déclaré reconnaître pleinement le
  308. droit de grève comme instrument de lutte du mouvement syndical. Cette position
  309. du gouvernement a été reflétée juridiquement dans la Constitution nationale
  310. (art. 83). Cependant, dans la mesure où la volonté politique de l'Etat
  311. garantit la solution satisfaisante des revendications du monde du travail,
  312. l'exercice du droit de grève est réservé uniquement comme recours extrême. En
  313. outre, les autorités ont souligné que le Nicaragua souffre d'une agression
  314. externe ayant des conséquences très graves sur le plan matériel et humain et
  315. qu'il existe ainsi, sans aucun doute, des conditions d'exception dans
  316. lesquelles la grève a des incidences directes sur les possibilités de
  317. récupération économique des effets du conflit, au préjudice de la grande
  318. majorité de la population nicaraguayenne. Toujours selon ces autorités, les
  319. tensions nées du blocus économique et les déficiences technologiques de la
  320. structure productive héritée du somozisme se verraient aggravées par un usage
  321. irréfléchi de la grève.
  322. L'opinion des organisations de travailleurs varie quant aux possibilités
  323. d'exercice effectif du droit de grève. Ainsi, les organisations syndicales
  324. opposées au gouvernement estiment généralement que la levée de l'état
  325. d'urgence de janvier 1988 qui a remis en vigueur le droit de grève n'a guère
  326. eu de conséquences pratiques. Selon elles, en effet, les travailleurs qui
  327. souhaitent déclencher une grève sont soumis à des menaces ou à des
  328. représailles professionnelles ou pénales (licenciements, arrestations, etc.).
  329. Des exemples ont été donnés à la mission, notamment dans le cas de la grève du
  330. secteur de la construction du 25 avril au 5 mai 1988, où des travailleurs ont
  331. été arrêtés. Les organisations syndicales d'opposition ont également signalé
  332. que la loi sur le maintien de l'ordre et la sécurité publics (no 1074) de
  333. juillet 1982 était utilisée pour réprimer les mouvements de grève. Aux termes
  334. de cette loi, sont notamment considérés comme commettant des délits contre la
  335. sécurité publique ceux qui révèlent des secrets au préjudice de la sécurité
  336. économique du pays et ceux qui empêchent ou tentent d'empêcher les autorités
  337. d'exercer librement leurs fonctions. Selon cette loi, sont punis de un à
  338. quatre ans de prison ceux qui diffusent de fausses nouvelles destinées à
  339. provoquer des altérations aux prix, aux salaires, etc.
  340. En revanche, d'autres organisations syndicales considèrent que la levée de
  341. l'état d'urgence a permis à nouveau aux travailleurs d'avoir recours à la
  342. grève. Les dirigeants de l'Association nationale des enseignants du Nicaragua
  343. (ANDEN) ont mentionné des cas où des travailleurs de leur secteur avaient
  344. déclenché des mouvements de grève sans qu'ils fassent l'objet de représailles.
  345. Des cas d'arrêts de travail ont également été évoqués par la Fédération des
  346. travailleurs de la santé (FED SALUD) qui a observé toutefois que, dans
  347. certains cas, des représailles avaient pu être exercées contre des grévistes.
  348. Ces problèmes ont pu être réglés par l'intervention de la fédération.
  349. Au sujet de l'exercice pratique du droit de grève, les autorités du
  350. ministère du Travail ont affirmé que les syndicats avaient eu recours à la
  351. grève, même pendant la durée de l'état d'urgence où ce droit était suspendu.
  352. Ainsi, en 1987, neuf grèves ont été déclenchées dans différents secteurs
  353. d'activité (métallurgie, secteur sucrier, production alimentaire). Bien que
  354. ces grèves ne fussent pas légales, ont ajouté ces autorités, le gouvernement
  355. ne les a pas réprimées mais a entamé immédiatement des négociations en
  356. promouvant des concessions mutuelles entre les parties aux conflits.
  357. Depuis la levée de l'état d'urgence jusqu'au 30 juin 1988, 50 grèves
  358. impliquant un total de 4.617 travailleurs ont été enregistrées. Selon le
  359. ministère du Travail, la grande majorité de ces grèves a été déclenchée sans
  360. que les dispositions du Code du travail soient strictement appliquées et,
  361. néanmoins, le gouvernement a recherché la solution à ces conflits sur la base
  362. de la persuasion et du dialogue avec les intéressés.
  363. Les autorités du ministère du Travail ont également souligné que la grève a
  364. été parfois utilisée clairement à des fins de boycottage économique et
  365. d'agitation politique. Ainsi, selon le gouvernement, au cours de la grève
  366. menée du 25 avril au 5 mai 1988 dans le secteur de la construction, un secteur
  367. minoritaire dirigé par des centrales syndicales liées aux partis politiques
  368. opposés à la révolution sandiniste a prétendu utiliser des revendications
  369. professionnelles comme forme de pression et de chantage politiques, en
  370. recourant même à la grève de la faim. Pour maintenir l'ordre public, les
  371. autorités de police ont arrêté un moment quelques provocateurs qui ont été
  372. remis en liberté par la suite. Selon le ministère du Travail, la grève a pris
  373. fin sans intervention directe de la police pour libérer les locaux occupés, et
  374. le problème qui était à l'origine du conflit a été résolu favorablement par
  375. une baisse du rendement que les travailleurs devaient maintenir. Toujours
  376. selon le ministère du Travail, une convention collective est actuellement en
  377. cours de négociation sans que les organisations syndicales qui dirigeaient la
  378. grève aient voulu y participer, en accord avec les partis politiques qui les
  379. dirigent.
  380. d) Négociation collective
  381. Pour justifier les restrictions qui ont pu s'exercer en matière de
  382. négociation collective, les autorités du ministère du Travail ont expliqué
  383. qu'au début de la Révolution sandiniste, un secteur significatif des
  384. entreprises privées ont commencé à "décapitaliser" leurs actifs. Selon ces
  385. autorités, l'une des méthodes utilisées à cette fin a été précisément de
  386. négocier et d'accorder des conditions de travail supérieures aux capacités
  387. réelles des entreprises, ce qui leur permettait, à moyen terme, de demander la
  388. suspension ou la fermeture des entreprises en alléguant un manque de
  389. liquidités ou une insolvabilité financière.
  390. Les autorités du ministère du Travail ont donc décidé de participer à la
  391. négociation de façon plus active, avec une connaissance préalable de la
  392. situation des entreprises, en vue de sauvegarder l'emploi des travailleurs. De
  393. même, selon ces autorités, un effort national d'ordonnancement des niveaux de
  394. revenu a été nécessaire tant pour assurer l'élimination des différences
  395. injustes de salaires que pour rechercher des procédures de classification de
  396. la structure professionnelle du pays. C'est ainsi qu'à partir de 1984 a
  397. commencé à être appliqué le Système national d'organisation du travail et des
  398. salaires (SNOTS) qui établissait notamment des catégories d'emploi et des
  399. tarifs salariaux correspondants. Ces catégories étaient, selon le ministère du
  400. Travail, déterminées par une négociation tripartite tenant compte des
  401. particularités des entreprises et des revendications des syndicats. L'une des
  402. principales finalités du système avait été de mettre un terme aux grandes
  403. inégalités existantes.
  404. Le ministère du Travail estime que, malgré ces éléments, la participation de
  405. l'Etat dans la négociation collective n'a pas constitué un obstacle à la
  406. conclusion de conventions puisque, du 19 juillet 1979 au deuxième semestre
  407. 1987, 1.192 conventions collectives couvrant 380.665 travailleurs urbains et
  408. ruraux ont été signées.
  409. Enfin, les autorités du ministère du Travail ont signalé que la réforme
  410. économique adoptée en 1988 a réduit au minimum le rôle du ministère du Travail
  411. dans la fixation des salaires. Actuellement, les montants salariaux fixés dans
  412. le cadre du SNOTS sont utilisés uniquement comme salaires de référence. Les
  413. rémunérations sont établies selon la capacité économique et la rentabilité de
  414. chaque centre de travail par une négociation bilatérale entre employeurs et
  415. travailleurs. Une détermination centralisée des revenus n'existe plus que pour
  416. les administrations du gouvernement central. Le rôle des autorités du
  417. ministère du Travail est donc maintenant réduit à un caractère purement
  418. formel. A cet égard, il convient de faire mention de la déclaration d'un
  419. dirigeant syndical qui a affirmé que le SNOTS est maintenant un "cadavre non
  420. enterré".
  421. Les organisations d'employeurs et de travailleurs que la mission a
  422. rencontrées ont reconnu que le Système national d'organisation du travail et
  423. des salaires ne s'appliquait plus que comme un élément de référence et que les
  424. salaires pouvaient donc être fixés librement. Les dirigeants de la
  425. Confédération générale du travail ont estimé que le système du SNOTS ne
  426. pouvait pas fonctionner car il n'existe pas de véritable planification
  427. économique au Nicaragua. Pour sa part, l'Union nationale des agriculteurs et
  428. éleveurs de bétail (UNAG) a considéré que ce système équivalait à une
  429. "camisole de force" pour les interlocuteurs sociaux. L'UNAG a qualifié le rôle
  430. du ministère du Travail après la réforme économique comme celui d'un amiable
  431. compositeur. Toutefois, certaines des organisations rencontrées, notamment le
  432. Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP), le Congrès permanent des
  433. travailleurs (CPT), la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) et le
  434. Front ouvrier (FO) ont critiqué le fait que les conventions devaient toujours
  435. être approuvées par le ministère du Travail. Il semble cependant qu'au cours
  436. de 1988 aucun refus d'enregistrement de convention collective n'ait été opposé
  437. par le ministère.
  438. e) Consultations tripartites en matière de normes internationales du travail
  439. De nombreuses organisations de travailleurs et d'employeurs ont signalé
  440. qu'elles n'étaient en aucune matière consultées, contrairement à ce que
  441. prévoit la convention no 144. Les dirigeants du COSEP ont toutefois déclaré
  442. que le gouvernement leur avait envoyé, quelques jours auparavant, des
  443. questionnaires relatifs aux thèmes que la prochaine Conférence internationale
  444. du Travail discutera.
  445. Le ministère du Travail a souligné la difficulté de procéder à des
  446. consultations tripartites en raison du grand nombre d'organisations syndicales
  447. et professionnelles existant dans le pays avec des opinions extrêmement
  448. diverses et entretenant souvent des relations conflictuelles de nature
  449. politique. Il a observé, en outre, qu'il n'est pas toujours facile de
  450. déterminer quelle est l'organisation la plus représentative. Le ministère
  451. s'est néanmoins déclaré prêt à étudier la constitution d'une commission
  452. consultative sur les normes internationales du travail.
  453. f) Perspectives d'une nouvelle législation syndicale
  454. Les autorités du ministère du Travail ont informé la mission que l'Assemblée
  455. nationale se trouvait actuellement dans une phase de première étape de
  456. préparation d'un nouveau Code du travail. La commission compétente de
  457. l'Assemblée a déjà procédé à la consultation de diverses organisations
  458. syndicales dont certaines opposées au gouvernement qui l'ont confirmé à la
  459. mission. Le ministère du Travail a précisé que, dans les tous prochains jours,
  460. une table ronde regroupant l'ensemble des organisations d'employeurs et de
  461. travailleurs serait organisée sur ce thème. Le COSEP a déclaré quant à lui ne
  462. pas avoir été consulté sur les travaux relatifs à un nouveau Code du travail.
  463. Sur proposition de la mission, le ministre du Travail a déclaré que le
  464. gouvernement demanderait la coopération du Bureau international du Travail
  465. pour la rédaction de ce nouveau code. Le gouvernement s'est également engagé à
  466. informer le BIT des étapes suivies dans ce processus. Entre-temps, la mission
  467. a remis au ministère du Travail des propositions de modification de la
  468. législation qui seraient susceptibles de donner satisfaction aux commentaires
  469. de la commission d'experts. Le ministère du Travail étudiera ces propositions
  470. dans le cadre de la préparation du nouveau Code du travail.
  471. IV. Libertés publiques liées à l'exercice des droits syndicaux
  472. La plainte déposée par certains délégués employeurs en vertu de l'article 26
  473. de la Constitution de l'OIT alléguait notamment que le Nicaragua était en état
  474. d'urgence depuis plusieurs années. Selon les plaignants, cette situation était
  475. utilisée par le gouvernement pour supprimer les droits essentiels à
  476. l'exécution de la convention no 87. Par la suite, les organes de contrôle de
  477. l'OIT ont noté que, par le décret no 247 du 18 janvier 1988, l'état d'urgence
  478. a été levé sur tout le territoire national et qu'en conséquence ont été
  479. rétablis tous les droits constitutionnels qui avaient été suspendus.
  480. Toutefois, tant le Comité de la liberté syndicale que la commission d'experts
  481. ont demandé au gouvernement de fournir des informations concrètes sur la
  482. reprise des activités syndicales. Je me suis donc efforcé, au cours de mes
  483. entretiens avec les représentants des autorités et ceux des organisations,
  484. d'obtenir des informations sur les conséquences pratiques de la levée de
  485. l'état d'urgence en matière de libertés publiques liées à l'exercice des
  486. droits syndicaux.
  487. D'une manière générale, l'opinion des diverses organisations d'employeurs et
  488. de travailleurs que la mission a rencontrées varie sur les conséquences de la
  489. levée de l'état d'urgence. Pour les dirigeants du COSEP, le processus de paix
  490. qui a permis de lever l'état d'urgence aurait dû entraîner logiquement une
  491. normalisation de la situation. Or, selon eux, l'inverse s'est produit en
  492. pratique et la répression s'est exercée à l'encontre des organisations
  493. indépendantes des autorités. Ainsi, selon le COSEP, la levée de l'état
  494. d'urgence n'a entraîné aucune amélioration dans la vie des organisations
  495. syndicales et professionnelles.
  496. Les dirigeants des organisations regroupées dans le Congrès permanent des
  497. travailleurs (CPT) ont estimé que la levée de l'état d'urgence a pu entraîner
  498. quelques améliorations formelles, mais ils ont souligné que les organisations
  499. d'opposition au gouvernement demeurent soumises à des actes arbitraires et à
  500. des représailles, soit de la part des autorités policières elles-mêmes, soit
  501. de groupes liés aux autorités. Les représentants de la Centrale des
  502. travailleurs du Nicaragua (CTN) ont également déclaré que la levée de l'état
  503. d'urgence n'a entraîné que des changements très relatifs car les actes
  504. répressifs perpétrés à l'encontre des dirigeants syndicaux se sont poursuivis
  505. et même intensifiés. Selon la CTN, les motifs des arrestations ne sont jamais
  506. officiellement de nature syndicale car les autorités invoquent d'autres
  507. motifs: liens avec la contre-révolution, atteintes à l'ordre public et à la
  508. sécurité de l'Etat, etc. Cette situation rend en pratique extrêmement
  509. difficiles les activités syndicales. Il a été également indiqué à la mission
  510. que l'Assemblée nationale discutait un projet de loi sur l'état d'urgence dont
  511. l'objet serait de réglementer de manière drastique les dispositions
  512. applicables en cas de proclamation de l'état d'urgence, et que ce projet de
  513. loi est notoirement sévère. Selon la CUS, aux termes de ce projet, l'état
  514. d'urgence peut être déclaré en cas de guerre, de crise économique ou de
  515. catastrophe nationale et, lorsqu'il est en vigueur, le président a, entre
  516. autres, de larges pouvoirs pour suspendre les droits et garanties
  517. constitutionnels, décréter des arrestations préventives et domiciliaires et
  518. suspendre les moyens de communication.
  519. En revanche, les organisations proches du gouvernement ont estimé que la
  520. levée de l'état d'urgence avait permis le retour à l'exercice effectif des
  521. droits des organisations qui ne sont plus soumises, selon elles, à des
  522. restrictions quant à leurs activités.
  523. Les diverses autorités gouvernementales ont souligné pour leur part que,
  524. depuis la levée de l'état d'urgence, les lois ordinaires s'appliquaient sans
  525. qu'aucune des libertés inscrites dans la Constitution nationale ne soit
  526. suspendue.
  527. Afin de dresser un bilan de la situation en matière de libertés publiques
  528. liées à l'exercice des droits syndicaux, j'examinerai successivement les
  529. questions relatives au droit d'expression, au droit de manifestation et de
  530. réunion, aux garanties judiciaires et à l'amnistie et aux grâces.
  531. a) Droit d'expression
  532. L'ensemble des personnes rencontrées par la mission ont affirmé et reconnu
  533. que la levée de l'état d'urgence avait entraîné l'abolition de la censure
  534. préalable à laquelle étaient soumis les moyens de communication. Ceci rend
  535. évidemment plus facile la publication de revues syndicales. C'est ainsi, par
  536. exemple, que la Confédération d'unité syndicale (CUS) édite à nouveau sa revue
  537. "Solidaridad".
  538. Cependant, divers interlocuteurs de la mission ont mis en évidence les
  539. difficultés auxquelles se heurtent les organisations pour exprimer leurs
  540. opinions par voie de presse, malgré l'abandon de la censure préalable. Les
  541. organisations d'opposition manquent souvent de moyens financiers pour émettre
  542. des publications. Elles font face également à une crise d'approvisionnement en
  543. papier. Enfin et surtout, elles déclarent être en permanence sous le risque
  544. d'une suspension ou d'une fermeture de leurs publications en raison des
  545. restrictions importantes imposées par la législation pertinente, comme le
  546. prouvent les suspensions d'organes de presse écrite ou orale qui ont été
  547. décrétées depuis la levée de l'état d'urgence (notamment la Pensa et Radio
  548. Católica en juillet 1988). Il s'instaure aussi, selon elles, une sorte
  549. d'autocensure destinée à éviter des mesures répressives de la part des
  550. autorités. Lorsque ces règles ne sont pas suivies, il peut en résulter des
  551. conséquences extrêmement graves, comme dans le cas de M. Alegría, directeur
  552. d'un institut du COSEP (voir développements sur ce cas ci-après dans le
  553. rapport).
  554. Pour le gouvernement, la liberté d'expression et plus particulièrement la
  555. liberté de la presse sont respectées depuis la levée de l'état d'urgence. Les
  556. autorités ont autorisé la réouverture de 17 journaux parlés, deux revues de
  557. radio, deux revues imprimées et deux hebdomadaires, tous liés à des groupes
  558. d'opposition. Cependant, selon les milieux gouvernementaux, les médias de
  559. l'opposition ont défié la légalité et agi de façon irresponsable en publiant
  560. des mensonges et des calomnies dont l'inexactitude a été démontrée, comme dans
  561. le cas de M. Rafael Blandon, dirigeant syndical dont on avait allégué
  562. l'assassinat (voir ci-après dans le rapport). Les autorités ont également
  563. signalé que la Commission de réconciliation nationale mise en place après les
  564. accords de paix d'Esquipulas II avait exhorté les mass media du pays à
  565. promouvoir le respect à la dignité et à l'honneur des personnes, à modérer le
  566. langage utilisé et à être plus objectifs dans l'information.
  567. La Constitution nationale reconnaît le droit d'expression en son article 30
  568. qui dispose que "les Nicaraguayens ont le droit d'exprimer librement leur
  569. pensée". L'article 66 énonce que "les Nicaraguayens ont le droit à
  570. l'information conforme à la vérité", tandis que l'article 67 précise que "le
  571. droit d'informer est une responsabilité sociale et s'exerce dans le strict
  572. respect des principes établis par la Constitution. Ce droit ne peut être
  573. soumis à censure, mais peut entraîner des responsabilités ultérieures établies
  574. par la loi."
  575. La liberté de la presse est réglementée par la loi générale provisoire sur
  576. les moyens de communication, qui a été promulguée le 13 septembre 1979 et
  577. révisée par la suite, notamment le 30 avril 1981. Cette loi établit, en son
  578. article 2, que les critiques ou commentaires doivent être émis à des fins
  579. constructives et basés sur des faits dûment vérifiés. Aux termes de l'article
  580. 3, tel que modifié par l'incorporation des décrets nos 511 et 512 du 17
  581. septembre 1980, il est interdit de publier, distribuer, circuler, exposer,
  582. diffuser, exhiber, transmettre ou vendre des écrits qui compromettent la
  583. sécurité interne du pays ou la défense nationale ou qui y portent atteinte et
  584. des écrits qui compromettent la stabilité économique de la nation ou qui y
  585. portent atteinte. Dans ces deux cas, avant d'être publiées, les informations
  586. doivent être vérifiées auprès des autorités respectives (ministère de la
  587. Défense et de l'Intérieur et ministère du Commerce intérieur). En cas de
  588. violation de ces textes, les organes de presse peuvent être suspendus de
  589. manière temporaire ou définitive.
  590. Selon des informations communiquées par l'Union des journalistes du
  591. Nicaragua, 14 suspensions de journaux écrits ou parlés ont été prononcées en
  592. 1988 par la Direction des moyens de communication pour une durée maximum de
  593. deux semaines. Les raisons invoquées pour ces suspensions sont, dans six cas,
  594. la transmission de fausses informations; dans deux, la transmission de
  595. communiqués de la contre-révolution; dans deux, la présentation de la femme
  596. comme objet sexuel; dans un, l'absence de vérification d'informations avec
  597. l'armée ou le ministère de l'Intérieur; dans un, l'apologie d'un délit; et
  598. dans deux, des atteintes à la sécurité interne du pays ou à la défense
  599. nationale.
  600. b) Droits de manifestation ou de réunion
  601. Avec la levée de l'état d'urgence, le droit de manifestation et de réunion
  602. est de nouveau formellement reconnu. Cependant, selon diverses organisations
  603. d'opposition au gouvernement, l'important est de prendre en considération tous
  604. les obstacles pratiques qui se présentent pour exercer effectivement ce droit.
  605. Ainsi, les organisations de travailleurs regroupées au sein du Congrès
  606. permanent des travailleurs (CPT) ont indiqué que, la plupart du temps, les
  607. autorités du ministère de l'Intérieur ne répondaient que très tardivement
  608. (seulement quarante-huit heures à l'avance) aux demandes d'autorisation de
  609. manifestations publiques pourtant déposées longtemps à l'avance. Les
  610. organisations sont ainsi placées dans une situation difficile: soit elles
  611. attendent l'autorisation et ne disposent pas du temps suffisant pour organiser
  612. la manifestation, soit elles appellent à manifester avant d'obtenir
  613. l'autorisation mais se heurtent, dans ce cas, à des risques de sanctions et de
  614. répression. Par ailleurs, les manifestations une fois autorisées sont sujettes
  615. à des provocations qui donnent une justification à l'intervention de la
  616. police, aux arrestations et aux condamnations qui s'ensuivent.
  617. Le vice-ministre de l'Intérieur a souligné que les demandes d'organisation
  618. de manifestations présentées par les organisations syndicales étaient peu
  619. nombreuses. En revanche, les partis politiques déposent souvent des demandes
  620. qui sont, pour la plupart, acceptées bien que le gouvernement manifeste plus
  621. de réticences à accorder des autorisations depuis les incidents survenus lors
  622. de la manifestation de Nandaime, en juillet 1988. De toute manière, a indiqué
  623. le vice-ministre, l'autorisation de manifestation est régie par une
  624. réglementation dépassée, adoptée en 1924. Le ministère du Travail a fourni à
  625. la mission un tableau des manifestations publiques organisées par des
  626. syndicats ou partis politiques d'opposition en 1988. Il ressort de ce tableau
  627. que neuf manifestations ont eu lieu, dont trois spécifiquement organisées par
  628. des organisations syndicales. Le Procureur général de justice a observé à cet
  629. égard que les manifestations strictement syndicales de commémoration du 1er
  630. mai n'ont donné lieu à aucun incident, ce qui a été confirmé par les milieux
  631. syndicaux d'opposition.
  632. En revanche, selon les autorités gouvernementales, les manifestations qui
  633. poursuivaient des objectifs politiques ont souvent donné lieu à des actes de
  634. violence qui ont dû être réprimés, conformément à la loi. Ainsi, la Commission
  635. de réconciliation nationale, dans son rapport de mars 1988, a dû lancer un
  636. appel à tous les partis politiques pour qu'ils s'abstiennent d'avoir recours à
  637. la violence dans leurs différentes manifestations publiques, réunions ou
  638. meetings. Certaines situations résultant de ces incidents ont pu, selon le
  639. gouvernement, être résolues dans le cadre du dialogue national avec les partis
  640. politiques. Par exemple, le 27 mars 1988, 25 personnes arrêtées à Masaya au
  641. cours d'une manifestation contre le service militaire patriotique ont été
  642. libérées.
  643. Les autorités gouvernementales ont insisté enfin sur le fait que ces
  644. manifestations politiques s'inscrivaient dans un plan de déstabilisation du
  645. pays inspiré et financé de l'étranger et mis en oeuvre par un secteur de
  646. l'opposition interne regroupée dans la coordination démocratique, mouvement
  647. auquel appartiennent notamment le Conseil supérieur de l'entreprise privée
  648. (COSEP) et la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN).
  649. Il a été en outre indiqué à la mission que les réunions organisées dans les
  650. locaux syndicaux n'étaient pas sujettes à autorisation préalable, mais
  651. qu'elles pouvaient être entravées par la surveillance policière permanente
  652. dont font l'objet les locaux syndicaux et par des interventions violentes de
  653. groupes paragouvernementaux. Par ailleurs, les réunions et manifestations sont
  654. réglementées par la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics
  655. (décret no 1074 de 1982), laquelle est considérée comme trop drastique par les
  656. secteurs de l'opposition.
  657. c) Garanties judiciaires
  658. Simultanément à la levée de l'état d'urgence, le décret no 296 du 19 janvier
  659. 1988 a supprimé les tribunaux populaires antisomozistes. Interrogés sur les
  660. conséquences de cette suppression, les dirigeants du Conseil supérieur de
  661. l'entreprise privée (COSEP), du Congrès permanent des travailleurs (CPT) et de
  662. la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) ont estimé qu'elle n'avait que
  663. peu d'effets en pratique, car les magistrats restaient les mêmes, la majorité
  664. des membres des tribunaux populaires antisomozistes ayant été intégrée dans le
  665. cadre judiciaire normal. Les dirigeants du COSEP ont insisté sur le fait que
  666. la justice n'était pas indépendante du pouvoir exécutif, et ceci à tous les
  667. niveaux juridictionnels. Selon plusieurs interlocuteurs de la mission, les
  668. condamnations sont prononcées sur la base de preuves subjectives (par exemple
  669. des déclarations des accusés) et sans que les droits à la défense soient
  670. pleinement respectés. Ces personnes ont ajouté que les juges donnent
  671. fréquemment valeur de preuves à de simples indices et statuent sur la base de
  672. ce qu'ils appellent la "saine critique révolutionnaire".
  673. Le président de la Cour suprême a expliqué à cet égard que n'existait
  674. pendant l'état d'urgence qu'un tribunal populaire antisomoziste à Managua
  675. (l'un de première instance, l'autre de seconde instance) auxquels sont venus
  676. s'ajouter, six mois avant la levée de l'état d'urgence, deux autres tribunaux
  677. de première instance en province. Comme le nombre de juges par tribunal
  678. n'était que de trois (un juriste et deux assesseurs non juristes), le nombre
  679. de personnes intégrées dans le corps judiciaire n'a pu être que très réduit,
  680. d'autant que seuls certains membres des tribunaux populaires ont bénéficié de
  681. cette intégration.
  682. Les jugements rendus par les tribunaux populaires antisomozistes n'étaient
  683. pas susceptibles de pourvoi devant la Cour suprême. La question s'est posée de
  684. savoir si, une fois l'état d'urgence levé, ces jugements pouvaient être
  685. révisés. Les avis des juristes que la mission a rencontrés diffèrent sur ce
  686. point. Selon la Commission nationale de promotion et de protection des droits
  687. de l'homme, une telle révision est possible légalement en vertu d'un recours
  688. extraordinaire de révision prévu par la législation. En revanche, le président
  689. de la Cour suprême a estimé que les jugements rendus par les tribunaux
  690. populaires antisomozistes ont maintenant autorité de la chose jugée et ne
  691. peuvent être révisés. Seules des décisions politiques d'amnistie peuvent être
  692. prises en faveur des personnes qui ont été condamnées.
  693. De toute manière, il apparaît qu'il n'y a pas eu de recours en révision de
  694. jugements présentés devant la Cour suprême. La Centrale des travailleurs du
  695. Nicaragua (CTN) a indiqué à cet égard que les possibilités de révision de
  696. jugements, selon elle légales, n'ont pas fonctionné. La Commission nationale
  697. de promotion et de protection des droits de l'homme a indiqué que les
  698. personnes condamnées pouvaient engager trois formes d'action: demande de grâce
  699. au Président de la République, demande de réduction de peine et demande de
  700. liberté conditionnelle, quand une partie de la peine a été accomplie.
  701. Un autre effet de la levée de l'état d'urgence, souligné tant par le
  702. Procureur général de justice que par le président de la Cour suprême, a été le
  703. rétablissement du plein exercice de l'habeas corpus. Selon les autorités
  704. gouvernementales, le recours d'habeas corpus n'avait d'ailleurs pas été
  705. complètement suspendu pendant l'état d'urgence, quand il s'agissait d'établir
  706. les motifs de la détention, de déterminer le lieu de détention du détenu et de
  707. protéger ses droits à la vie et à l'intégrité physique.
  708. Selon certaines informations recueillies par la mission, le recours d'habeas
  709. corpus fonctionne mal en pratique, du fait à la fois de déficiences
  710. législatives et de mauvais fonctionnement de la justice. Les personnes
  711. arrêtées seraient tout d'abord détenues dans les locaux de la sécurité de
  712. l'Etat, complètement au secret, et où les mauvais traitements seraient
  713. fréquents.
  714. De manière générale, il a été signalé à la mission, tant dans les milieux
  715. gouvernementaux que dans les milieux d'opposition, que la révision de la
  716. législation en matière de procédures judiciaires était nécessaire. Le
  717. président de la Cour suprême et la Commission nationale de promotion et de
  718. protection des droits de l'homme ont indiqué, à cet égard, que l'Assemblée
  719. nationale discutait actuellement un projet de nouvelle loi de protection
  720. judiciaire (ley de amparo) qui, selon eux, élargirait les garanties
  721. judiciaires. Le Procureur général de justice m'a informé que le code de
  722. procédure pénale qui institue le système d'instruction date du siècle passé
  723. (1872) et que le code de police en vigueur a été adopté au début du
  724. e siècle. En outre, diverses sources ont signalé à la mission les grandes
  725. limitations de ressources humaines et matérielles qui affectent
  726. l'administration de la justice. Il y a eu un exode considérable de juristes et
  727. les universités fonctionnent de façon précaire. Dans de telles circonstances,
  728. il est difficile d'obtenir le concours de professionnels qualifiés dans la
  729. fonction publique, ou comme "juges exécuteurs" ad honorem dans le recours
  730. d'habeas corpus, ou encore comme avocats d'office pour les nombreux
  731. justiciables qui ne peuvent obtenir d'assistance juridique.
  732. d) Amnistie et grâces
  733. Selon des informations fournies par le Procureur général, les mesures de
  734. grâces visent les personnes qui accomplissent des peines de prison et
  735. l'amnistie vise les personnes qui, depuis 1983, ont été impliquées dans des
  736. actions armées contre le gouvernement et qui veulent déposer les armes et se
  737. réintégrer dans la vie civile. Du 30 juillet 1987 au 30 août 1988, 1.256
  738. personnes ont bénéficié de ces mesures sur un total de 4.647 depuis 1983. En
  739. outre, en novembre 1987, 987 personnes ont été grâciées.
  740. Les autorités gouvernementales ont également précisé qu'à la suite des
  741. accords de Sapoá avec les organes de la contre-révolution, le gouvernement a
  742. adopté un calendrier d'amnistie pour les contre-révolutionnaires soumis à
  743. procès ou condamnés: 50 pour cent des 1.523 contre-révolutionnaires détenus
  744. seraient libérés une fois que les groupes armés se trouveront dans les zones
  745. de cessez-le-feu et les autres 50 pour cent seraient libérés lorsqu'un
  746. cessez-le-feu définitif sera signé. Le 27 mars 1988, 100 prisonniers ont été
  747. libérés dans ce cadre.
  748. Bien que la mission ait posé à plusieurs reprises des questions sur le
  749. nombre de syndicalistes qui ont bénéficié de l'amnistie, elle n'a pu obtenir
  750. de réponses sur ce point, les autorités ayant expliqué que l'affiliation
  751. syndicale des personnes détenues puis amnistiées leur était inconnue. D'une
  752. manière générale, les milieux d'opposition ont estimé que l'amnistie était
  753. insuffisante et que, de toute manière, les mesures d'arrestation et les
  754. condamnations continuaient à frapper les syndicalistes.
  755. V. Cas en instance devant le Comité de la liberté syndicale
  756. La mission d'étude a eu l'occasion d'examiner avec les fonctionnaires du
  757. ministère du Travail et avec d'autres fonctionnaires du gouvernement du
  758. Nicaragua, en particulier avec le Procureur général de justice, le président
  759. de la Cour suprême de justice et le vice-ministre de l'Intérieur, ainsi
  760. qu'avec des représentants des diverses organisations de travailleurs et
  761. d'employeurs intéressées, les questions soulevées dans les cas qui se trouvent
  762. en instance au Comité de la liberté syndicale. La mission a pu obtenir les
  763. renseignements suivants:
  764. A. Plaintes présentées par des organisations de travailleurs
  765. Cas nos 1129 et 1298
  766. Lorsque le Comité de la liberté syndicale a examiné ces cas, qui avaient
  767. été présentés par la CISL et la CMT, la dernière fois à sa session de mai
  768. 1988, il a recommandé au gouvernement d'envoyer des informations au sujet de
  769. l'arrestation et du sort des syndicalistes Eric Gonzáles et Eugenio Membreño.
  770. Les dirigeants de la CTN (autonome) ont fait savoir que ces syndicalistes
  771. se trouvaient en liberté. Le syndicaliste Eric Gonzáles avait été condamné et,
  772. après trois mois de prison, sa peine a été commuée. Le syndicaliste Eugenio
  773. Membreño a été libéré dans les mèmes circonstances.
  774. Cas no 1442
  775. a) Assassinats de travailleurs
  776. Les allégations présentées par la CISL dans ce cas ont trait à la mort du
  777. paysan José Abraham Galea, affilié à la Fédération de travailleurs agricoles
  778. du Chinandega, le 20 ou 21 janvier 1988. Les adhérents locaux de la CUS
  779. signalent qu'il avait été menacé par le chef militaire de la région à cause de
  780. ses activités de militant syndical à la CUS; la communication de la CISL
  781. dénonce aussi les assassinats de M. Mauricio Canales Prieto, membre de
  782. l'Association des avocats indépendants et conseiller d'une organisation
  783. affilié à la CUS, à El Viejo, département de Chinandega, et de M. Carlos
  784. Alberto García Velásquez, membre de la CUS, qui a été assassiné le 3 juillet
  785. 1988 à Nindirí.
  786. En ce qui concerne la mort de José Abraham Galea, affilié à la Fédération
  787. de travailleurs agricoles de Chinandega, le vice-ministre de l'Intérieur, le
  788. commandant René Vivas Lugo, a fait savoir que M. Galea a été tué par une
  789. patrouille de gardes frontière, le 20 janvier, alors qu'il se livrait à des
  790. activités de contrebande avec deux autres personnes dans la région frontalière
  791. qui est fortement surveillée, car il y des camps de contre-révolutionnaires de
  792. l'autre côté de la frontière qui pénètrent sur le territoire nicaraguayen pour
  793. mener des activités terroristes. Les militaires impliqués dans la mort de M.
  794. Galea ont été traduits en justice devant un tribunal militaire de la région
  795. qui a prononcé un non-lieu. Il a souligné que sa mort n'avait rien à voir avec
  796. son affiliation syndicale. Il a ajouté qu'on fait état de l'appartenance
  797. syndicale dans des cas de crimes de droit commun pour faire accroire que le
  798. gouvernement réprime le mouvement syndical. Il a indiqué en outre qu'en termes
  799. absolus les syndicalistes de la Centrale sandiniste des travailleurs qui sont
  800. détenus pour délits de droit commun sont beaucoup plus nombreux que les
  801. affiliés à d'autres centrales, ce qui démontre qu'il ne s'agit pas de
  802. représailles.
  803. Le docteur Vilma Nuñez de Escorcia, directrice de la Commission nationale
  804. de promotion et de protection des droits de l'homme (CNPPDH) a fourni à la
  805. mission des informations sur les allégations concernant les assassinats de M.
  806. Mauricio Canales Prieto, membre de l'Association des avocats indépendants et
  807. conseiller juridique d'une organisation affiliée à la CUS, et de M. Carlos
  808. Alberto García Velàsquez. S'agissant de M. Canales Prieto, elle a indiqué que
  809. ce cas avait déjà été étudié par la commission laquelle a constaté qu'il ne
  810. s'agissait pas d'un assassinat syndical: l'assassinat a été perpétré le 24
  811. juin 1988 dans une discothèque appartenant à M. Canales Prieto par M. José
  812. García Estrada avec qui il avait des liens personnels. Des poursuites
  813. judiciaires sont en cours contre M. Estrada au tribunal pénal de Chinnandega,
  814. qui a émis un mandat d'arrestation. La mission a reçu les mêmes informations
  815. sur ce cas du Procureur général de justice. En ce qui concerne l'assassinat de
  816. M. Carlos Alberto García Velásquez, la directrice de la CNPPDH a indiqué qu'il
  817. n'avait pas été assassiné à cause de son affiliation à la CUS, mais par un
  818. policier qui n'était pas en service, tandis qu'ils consommaient des boissons
  819. alcoolisées ensemble dans une CMS maison privée. On a fourni à la mission une
  820. copie du mandat d'emprisonnement émis par le tribunal pénal de Masaya le 22
  821. juillet 1988 contre M. Margarito Altamirano Matute, où sont énoncés les
  822. éléments précis de sa responsabilité dans le crime.
  823. b) Arrestation de travailleurs affiliés à la CUS
  824. Les allégations ont trait également à l'emprisonnement sans procès depuis
  825. le 8 août 1987 de paysans affiliés à la CUS en particulier de Santos Francisco
  826. García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Juan Alberto Contreras Muñoz,
  827. Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González López, Arnulfo González, Jacinto
  828. Olivo Vallecillo, Salommón de Jesús Vallecillo Martínez et Ricardo Gutiérrez
  829. Contreras, Luis García Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García
  830. Alvarado et Pedro Joaquín Talavera, ainsi Masaya, Juan José Cerda, pendant six
  831. mois.
  832. Après l'entrevue avec le vice- ministre de l'Intérieur, la mission a reçu,
  833. par l'entremise du ministère du Travail, une communication de la CISL sur la
  834. détention sans inculpation ni jugement des paysans de la CUS, le 8 août 1987;
  835. à cet égard, le ministère de l'Intérieur a fait savoir par écrit ce qui suit:
  836. MM Santos Francisco García Cruz, Juan Ramón Gutiérrez López, Saturnino
  837. Gutiérrez López, Presentación Muñoz Martínez, Ronaldo González Olivas, Jacinto
  838. Olivas Vallecillo, Salomón de Jesús Vallecillo Martínez, Luis Enrique García
  839. Alvarado, Eusebio García Alvarado, Eduardo García Alvarado et Pedro Joaquín
  840. Talavera Pérez ont été arrêtés le 8 août 1987 parce qu'ils avaient enfreint
  841. les dispositions des alinéas "A" et "G" de l'article 1 du décret no 1074 (loi
  842. sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics) et l'article 493 du code
  843. pénal en vigueur, et ils se trouvent internés à la prison "Zona Franca" sur
  844. ordre du juge de district pénal de Managua, en tant qu'inculpés. MM. Juan
  845. Alberto Contreras Muñoz et Ricardo Gutiérrez Contreras ont été arrêtés le 6 et
  846. le 13 août 1987, respectivement, et ils ont été inculpés pour les mêmes délits
  847. et internés au même endroit que les autres. Quant à la condamnation à à six
  848. mois de prison de Juan José Cerda, secrétaire d'organisation du Syndicat des
  849. cantonniers de Masaya, les dirigeants de la CPT ont fait savoir qu'il était
  850. sort de prison un mois plus tard, gracié comme contre-révolutionnaire après
  851. les négociations de paix de Sapoa, mais qu'il fait l'objet de menaces. Sur ce
  852. point des allégations, le ministère de l'Intérieur a indiqué que M. Cerda a
  853. été arrêté par la police sandiniste, le 19 février 1988, pour avoir participé
  854. à des troubles et à des actes de violence contre le personnel et les
  855. installations de la police de Masaya. Il a été condamné par le juge
  856. d'instruction de police à six mois de détention sous les chefs d'accusation de
  857. trouble de l'ordre public et de non-respect de l'autorité en vertu des
  858. dispositions du décret no 559 et du code de police. Le 25 mars de cette année,
  859. il a été gracié et remis en liberté. S'agissant des allégations relatives à
  860. l'arrestation de paysans affiliés à la CUS et emprisonnés depuis le 8 août
  861. 1987, la directirce de la CNPPDH a confirmé que ces personnes sont détenues à
  862. la prison "Zona Franca" et font l'objet d'un procès au tribunal de district
  863. pénal de Managua pour atteintes à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat,
  864. pour avoir participé individuellement à des activités d'appui logistique à la
  865. contre révolution et pour sabotage. Rien n'indique dans les dossiers
  866. judiciaires que ces personnes aient exercé des activités syndicales et chacune
  867. d'elle est accusée de faits différents.
  868. La CISL a présenté également des allégations relatives à l'arrestation, le
  869. 20 mai 1988, de paysans affiliés au Syndicat de travailleurs agricoles de
  870. Cayantu et Cuje, appartenant à la CUS. Les paysans arrêtés sont les suivants:
  871. José Natalio Pérez Miranda, Agustín Pérez Miranda, Arnulfo Carazo, José Anggel
  872. Vargas Gutiérrez, Bernabé Carazo Sánchez, Pablo González Muñoz Eulalio Gómez
  873. Zamora, Bruno Muñoz Muñoz, Reducino Mejía González, Alejandro Rodríguez
  874. Sánchez, Ruperto Martínez, Santos Venegas, Pedro Venegas et Lucas Rivera.
  875. En ce qui concerne l'arrestation de nombreux membres du Syndicat de
  876. travailleurs agricoles de Cayantu et Cuje, récemment crée dans le département
  877. de Madriz, qui est affilié à la CUS, la communication du ministère de
  878. l'Intérieur fait savoir que MM. José Natalio Pérez Miranda, José Agustín Pérez
  879. Miranda, José Angel Vargas Gutiérrez, José Bernabé Carazo Sánchez, Juan Pablo
  880. González Muñoz, Eusebio González Muñoz, Eulalio Gómez Zamora, Bruno Muñoz
  881. Muñoz, Eusebio Mejía González, Alejandro Rodríguez Sánchez et Santos Venegas
  882. n'ont pas été arrêtés par les autorités du ministère de l'Intérieur mais
  883. qu'ils ont été mobilisés par l'armée populaire sandiniste (EPS) dans le
  884. bataillon 53-12, en vertu de décret no 1327. articles 14 et 16 de la loi du
  885. service militaire patriotique pour accomplir le service militaire de réserve.
  886. Il n'y a pas d'information sur la situation de MM. Arnulfo Carazo, Ruperto
  887. Martínez, Pedro Venegas et Lucas Rivera mentionnés dans la même communication
  888. de la CISL. Par ailleurs, en ce qui concerne cette allégation, la directrice
  889. de la CNPPDH a déclaré que ces personnes ne sont pas détenues dans le système
  890. pénitentiaire, et qu'à la date du 20 mai mentionnée dans la communication de
  891. la CISL on pense qu'ils ont été recrutés pour accomplir le service militaire;
  892. en outre, il n'existe pas de syndicat de paysans de Cayantu et Cuje parce que
  893. les intéressés ne réunissaient par les conditions requises pour créer un
  894. syndicat, n'étant ni salariés ni paysans indépendants. Souvent on recourt à la
  895. tactique qui consiste à faire passer toute personne arrêtée pour un
  896. syndicaliste ou un dirigeant politique.
  897. La Confédération mondiale du travail (CMT) a présenté des allégations sur
  898. l'arrestation de membres de la CTN et du syndicat SIMOTUR, poursuivis en
  899. justice fallacieusement comme membres de la contre-révolution, qui sont
  900. toujours détenus: Miton Silva Gaitán (arrêté le 1er octobre 1983 et condamné à
  901. cinq ans) et Arcadio Ortíz Espinoza (arrêté le 7 novembre 1983 et condamné à
  902. huit ans); les membres suivants de la CTN ont également été arrêtés et, selon
  903. la communication de la CMT, on ne sait pas où ils se trouvent; Anastasio
  904. Jiménez Maldonado (au début, on a su qu'il était détenu à Jalapa en octobre
  905. 1982), Justino Rivera (détenu à Jalapa), Eva González (aux environs de 1982,
  906. elle était détenue à Esteli) et Eleazar Marenco (vers avril 1983, il était
  907. également détenu à Esteli).
  908. Au sujet de ces allégations, la directrice de la CNPPDH a indiqué que M.
  909. Milton Silva Gaitán, (CTN), arrêté le 1er octobre 1983 et condamné à cinq ans
  910. de prison, et M. Arcadio Ortíz Espinoza (CTN), arrêté le 7 novembre 1983 et
  911. condamné à huit ans de prison, peine qui a été réduite à six ans par la suite,
  912. ont été condamnés pour des actes de sabotage contre l'Entreprise nationale
  913. d'autobus (ENABUS), et qu'ils purgent leur peine dans la prison de Tipitapa.
  914. M. Ricardo Cervantes Rizo (CTN) a été condamné à sept ans de prison, également
  915. pour des actes de sabotage contre ENABUS puis il a bénéficié d'une amnistie le
  916. 28 mars 1988 (renseignement qui a été confirmé par le dirigeant syndical de la
  917. CUS, M. Alvin Guthrie); M. Napoleón Molina Aguilera a été condamné à cinq ans
  918. de prison en 1983, peine qui a été réduite à quatre ans, et il a été libéré le
  919. 22 juillet 1988 après avoir purgé sa peine pour acte de sabotage contre
  920. ENABUS. Par ailleurs, en ce qui concerne les allégations relatives à
  921. l'arrestation d'Anastasio Jiménez Maldonado en octobre 1982 à Jalapa, de
  922. Justino Rivera, arrêté à Jalapa, d'Eva Gonzalez, arrêtée à Esteli et d'Eleazar
  923. Marenco, la directrice de la CNPPDH a indiqué qu'il faudrait disposer de
  924. renseignements précis sur ces arrestations pour déterminer où ces personnes se
  925. trouvent.
  926. La CISL a présenté aussi des allégations relatives à l'arrestation le 20
  927. juin 1988 des paysans suivants membres de la CUS: Luis Alfaro Centeno, Pastor
  928. García Matey, Mariano Romero Melgare, Dámaso González Sánchez, Jesús Cárdenas
  929. Ordónez, Teodoro Matey Romero qui sont détenus à San Juan Rio Coco. José Matey
  930. Ordónez et Rafael Ordónez Melgara qui sont détenus à la Dalla, département de
  931. Madriz, ainsi qu'à l'arrestation de M. Miguel Valdivia de l'Union des paysans
  932. de Posoltega par des membres de l'armée sandiniste, dont on ne sait pas où il
  933. se trouve. Le gouvernement s'est engagé à envoyer très prochainement des
  934. informations sur ces points.
  935. c) Allégations relatives à la grève de la faim déclarée par des
  936. dirigeants du Congrès permanent des travailleurs (CPT)
  937. Les allégations présentées par la CISL se référaient aussi à la grève de
  938. la faim déclarée par des dirigeants du CPT devant l'absence de réponse du
  939. gouvernement aux revendications socio-économiques des centrales composant le
  940. CPT. Selon les plaignants, le CPT a convoqué une conférence de presse et les
  941. participants ont été expulsés violemment du local par la police qui a arrêté
  942. José Antonio Jarquin, secrétaire général de la CTN (a), remis ensuite en
  943. liberté à cause de son statut de député, et Roberto Moreno Cajina, secrétaire
  944. général de la CAUS, ainsi que le syndicaliste Rafael Blandón; les plaignants
  945. allèguent aussi que la police s'était rendue à maintes reprises au siège
  946. syndical de la CUS pour rechercher les syndicalistes Alvin Guthrie et José
  947. Espinoza.
  948. Au cours de l'entrevue que la mission d'étude a eue avec les dirigeants du
  949. CPT, ces derniers ont indiqué que la grève de la faim a commencé le 25 avril
  950. et s'est terminée le 5 mai, et que le local où se trouvaient les grévistes
  951. avait été entouré de troupes appelées "bérets noirs" qui exerçaient des
  952. pressions psychologiques contre les syndicalistes en grève; ils ont indiqué
  953. aussi que des éléments de la sécurité de l'Etat font pression sur des membres
  954. de la CGT (i), en les accusant de recevoir des dollars, afin qu'ils
  955. collaborent avec eux; les activités syndicales des organisations formant le
  956. CPT sont considérées comme un plan politique. En ce qui concerne l'arrestation
  957. de Roberto Moreno Cajina, secrétaire général de la Centrale action et unité
  958. syndicales (CAUS), il a été indiqué que ce dernier avait été arrêté à cinq
  959. occasions, la dernière fois lorsqu'il essayait de pénétrer dans le local de la
  960. CGT (i) où avait lieu la grève de la faim; à cette occasion, il a été détenu
  961. dans la prison de Palo Alto sans chef d'accusation et a été remis en liberté
  962. une fois terminée la grève de la faim. Quant aux allégations selon lesquelles
  963. la police recherche les syndicalistes Alvin Guthrie et José Espinoza, ces
  964. derniers ont fait savoir personnellement qu'après leur retour au pays ils
  965. n'avaient pas eu de problèmes avec la police, mais que le local de la CUS est
  966. placé sous la surveillance des organismes de sécurité de l'Etat.
  967. Au sujet de ces allégations, le vice-ministre de l'Intérieur a fait savoir
  968. qu'il n'y avait pas eu d'attaque du local: les travailleurs qui faisaient une
  969. grève de la faim (26 au total) ont été convaincus d'abandonner leur attitutude
  970. par d'autres dirigeants syndicaux. Il a indiqué en outre que le local de la
  971. CGT où avait lieu la grève de la faim se trouve dans l'une des principales
  972. artères de Managua (ce que la mission a pu constater) et que c'est la raison
  973. pour laquelle un cordon de police a été détaché autour de ce local, pour
  974. préserver l'ordre public et la circulation, mais qu'une ambulance de la
  975. Croix-Rouge était présente à tout moment pour s'occuper des grévistes qui
  976. avaient besoin de soins médicaux. Le vice-ministre a affirmé qu'aucun agent de
  977. police n'avait franchi la porte d'entrée du siège syndical et que du reste,
  978. devant le local, se trouvaient en permanence des représentants de la presse
  979. nationale et internationale qui pourraient en témoigner. Selon la Commission
  980. permanente des droits de l'homme, cependant, des forces spéciales et la police
  981. ont tenté de déloger les grévistes et, devant la résistance qu'ils
  982. recontrèrent, ils décidèrent d'enfermer plus de 80 personnes dans le local -
  983. grévistes et assistants -. Ensuite, la police a fait couper l'eau,
  984. l'électricité et l'entrée d'aliments, créant ainsi une situation
  985. d'insalubrité insoutenable qui a obligé à suspendre la grève.
  986. Quant à l'arrestation, le 29 avril 1988, du syndicaliste Rafael Blandón,
  987. l'un des participants à la grève de la faim organisée par le CPT, la
  988. directrice de la CNPPDH a indiqué que certains moyens de communication, dont
  989. copie a été donnée à la mission, avaient propagé la nouvelle que M. Blandón
  990. avait été assassiné par la police sandiniste, et la Coordination nationale
  991. démocratique a envoyé un cercueil le même jour à la famille de l'intéressé et,
  992. deux heures plus tard, M. Blandón a été remis sain et sauf à sa famille par le
  993. ministère de l'Intérieur; cet épisode a motivé la fermeture temporaire de
  994. Radio Católica et Radio Corporación.
  995. d) Allégations relatives à des menaces contre des syndicalistes
  996. Les allégations de la CISL se réfèrent aussi aux menaces proférées par la
  997. Centrale sandiniste de travailleurs (CST) contre le CPT dans des tracts
  998. diffusés le 6 juillet et à des menaces faites par l'armée sandiniste contre
  999. des membres de la CUS pour qu'ils ne participent pas à un programme agricole
  1000. appelé Cycle agricole 88-89 organisé par cette centrale, et pour qu'ils se
  1001. retrient de cette organisation et s'affilent à l'Association de travailleurs
  1002. agricoles (ATC) de tendance sandiniste, ainsi qu'à l'attaque, le 4 mars 1988
  1003. par des groupes sandinistes du local syndical de la CGT (i) où se réunissait
  1004. le Congrès permanent de travailleurs (CPT), à la violation de domicile du
  1005. local syndical en présence de la police et à des menaces contre des dirigeants
  1006. syndicaux du CPT. Les allégations ont trait également à l'attaque à coups de
  1007. pierres, le 10 juillet 1988 pendant la nuit, du local syndical de la CUS à
  1008. Managua par des inconnus qui ont brisé des fenêtres et endommagé une
  1009. automobile appartenant à la CUS, et au refus des autorités d'autoriser une
  1010. manifestation organisée par le CPT, le 17 juillet 1988, afin de protester
  1011. contre la répression gouvernementale et la cherté de la vie.
  1012. Au sujet de l'attaque à coups de pierres et des dommages infligés au local
  1013. de la CUS, le 10 juillet 1988, le vice-ministre de l'Intérieur a indiqué que
  1014. les organismes consultés à ce sujet n'ont pas connaissance de ces faits dans
  1015. leurs registres. En ce qui concerne différentes allégations de répression
  1016. contre des dirigeants du CPT, il a signalé que les centrales syndicales
  1017. faisant partie du CPT entrent souvent en conflit avec les autorités, non pour
  1018. des raisons syndicales, mais pour des activités politiques patronnées par des
  1019. partis politiques. Ainsi la CUS est entrée en conflit avec les autorités pour
  1020. des raisons politiques, tout comme M. Carlos Huembes de la CTN (voir les
  1021. paragraphes qui suivent); les activités syndicales de cette organisation n'ont
  1022. pas posé de problèmes. Les dirigeants de la CUS mènent des activités
  1023. syndicales à des fins politiques car le Nicaragua est une région sensible qui
  1024. est observée par l'opinion internationale. De l'avis du vice-ministre, la
  1025. politisation des activités syndicales ne poserait pas de problèmes si les lois
  1026. étaient respectées. Il a ajouté qu'après les événements de Nandaime (voir les
  1027. paragraphes suivants) et vu le contexte politique dans lequel ils ont eu lieu,
  1028. les autorités hésitent à accorder des autorisations. Il a réaffirmé aussi, par
  1029. écrit, qu'en ce qui concerne l'attaque du local de la CUS à Managua la
  1030. Direction générale de la sécurité de l'Etat et de la police sandiniste n'a
  1031. nullement été impliquée.
  1032. e) Arrestation de syndicalistes pendant une manifestation tenue à
  1033. Nandaime
  1034. La communication de la CMT du 19 août 1988 allègue que, le 10 juillet
  1035. 1988, les autorités ont procédé à l'arrestation de 45 personnes qui
  1036. participaient à une manifestation à Nandaime, parmi lesquelles se trouvait le
  1037. secrétaire général de la Centrale des travailleurs de Nicaragua (CTN), M.
  1038. Carlos Huembes. La CMT affirme être convaincue que la véritable raison de la
  1039. condamnation de ce dernier est son travail syndical. Elle précise que la
  1040. manifestation avait été autorisée par les autorités et que, quelques jours
  1041. plus tard, les détenus ont été montrés à la télévision tandis qu'on annonçait
  1042. que 45 personnes avaient été condamnées à six mois de prison. La communication
  1043. allègue aussi que le ministère de l'Intérieur avait rapporté la peine de 39
  1044. d'entre eux mais, selon la CMT, à ce jour ils n'avaient pas été libérés. Parmi
  1045. les détenus figuraient aussi Evaristo López Martínez et Francisco José
  1046. Rodriguez Ganvoa, Félix Antonio Hernández Murillo, Alfredo Hernández Lara,
  1047. Pablo Mendoza Guevara et Julio César López Reyes.
  1048. En ce qui concerne l'arrestation, le 10 juillet 1988, du secrétaire
  1049. général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN), M. Carlos Humberto
  1050. Huembes, et d'autres personnes qui participaient à une manifestation à
  1051. Nandaime qui avait été autorisée par les autorités, le Procureur général de
  1052. justice, le Dr Omar Cortés, a expliqué que cette manifestation n'était pas de
  1053. nature syndicale mais politique car M. Huembes a une double fonction, comme
  1054. dirigeant syndical et comme président de la Coordination démocratique
  1055. nicaraguayenne qui regroupe des organisations syndicales, des organisations
  1056. d'employeurs et 14 partis politiques d'opposition. Le défilé, selon le
  1057. procureur, n'a pas suivi l'itinéraire prescrit autorisé par les autorités, et
  1058. la police a exigé que les manifestants suivent le parcours fixé, ce qui a
  1059. provoqué un désordre sur la voie publique à la suite duquel 14 à 16 policiers
  1060. ont été blessés et des dommages ont été causés à des maisons voisines et à des
  1061. véhicules de police. Quant aux poursuites judiciaires engagées dans ce cas, le
  1062. procureur a expliqué que le juge d'instruction de police détermine si les
  1063. faits constituent une infraction de police ou s'ils sont du ressort des
  1064. tribunaux pénaux ordinaires parce qu'il s'agit d'un délit, et sa décision est
  1065. provisoire et sujette à confirmation. La décision du juge de police dans ce
  1066. cas a été révisée et le cas a été transmis aux tribunaux pénaux ordinaires qui
  1067. étaient compétents en l'occurrence, car les faits ont révélé que des délits
  1068. avaient été commis tels que des atteintes à la sécurité de l'Etat et à l'ordre
  1069. public, des insultes au ministère de l'Intérieur et des lésions et dommages à
  1070. la propriété. Le Procureur général a indiqué que la justice dispose de
  1071. vidéocassettes et de photographies de la manifestation sinsi que de
  1072. témoignanges de témois oculaires prouvant la présence de personnel de
  1073. l'ambassade des Etats-Unis dans le défilé organisé à Nandaime. Il a exprimé
  1074. l'avis que des incidents comme ceux de Nandaime sont dus au manque de maturité
  1075. politique de l'opposition qui fait un mauvais usage de ses droits, et que
  1076. l'état de droit existant au Nicaragua autorise une opposition saine dans le
  1077. cadre légal existant mais non les attentats contre l'ordre public ni les
  1078. agressions contre l'autorité. A Nandaime se sont produits des faits concret
  1079. prouvés, mais les avocats de la défense ont adopté une attitude belligérante,
  1080. adressant des écrits diffamatoires aux juges chargés du procès, sans faire
  1081. usage de la procédure légale existante pour réfuter les juges s'ils les
  1082. considèrent incompétents. La défense a été ainsi plus politique que juridique
  1083. et elle pratique des tactiques dilatoires; par exemple, elle tarde à présenter
  1084. une demande de transfert. Le Procureur général a réaffirmé que M. Huembes
  1085. avait participé au défilé en qualité de président de la Coordination
  1086. démocratique nicaraguayenne et que les consignes données au cours de la
  1087. manifestation étaient de caractère purement politique. Il a signalé, en outre,
  1088. qu'un défilé organisé par le CPT (CUS, CTN (a), CAUS, CGT (i)) le 1er mai 1988
  1089. s'était déroulé, au contraire, sans incident car les organisateurs avaient
  1090. respecté les prescriptions légales. Le cas de Nandaime ne peut s'analyser en
  1091. dehors du contexte national actuel, et le procureur considère comme un élément
  1092. clé la présence de personnel de l'ambassade des Etats-Unis à cette
  1093. manifestation.
  1094. Au cours de l'entrevue que la mission a eue avec le vice-ministre de
  1095. l'Intérieur, ce dernier l'a informée, au sujet du cas de M. Huembes, que ce
  1096. dernier est détenu pour avoir dirigé une manifestation politique qui ne s'est
  1097. pas conformée à la loi et non en raison de son statut de syndicaliste. Il a
  1098. indiqué aussi que cette manifestation a eu lieu au moment où le Congrès
  1099. nord-américain discutait l'aide économique à la contre-révolution, et où on
  1100. avait découvert un plan de déstabilisation du pays qui a été dénoncé récemment
  1101. par le membre du Congrès nord-américain Jim Wright. La manifestation de
  1102. Nandaime faisait partie de ces plans pour créer une provocation politique, qui
  1103. a eu aussi comme conséquence logique la fermeture temporaire du journal La
  1104. Prensa et de Radio católica et l'expulsion du pays de l'ambassadeur des
  1105. Etats-Unis et de sept fonctionnaires de cette ambassade. En outre, le
  1106. vice-ministre a indiqué que des personnes portant des armes blanches et des
  1107. bâtons se trouvaient parmi les manifestants et que, de ce fait, une quinzaine
  1108. de policiers avaient été blessés. A la même époque, d'autres manifestations de
  1109. l'opposition politique ont eu lieu sans problèmes avec les autorités. Le
  1110. jugement de M. Huembes a reçu une large publicité et, actuellement, il se
  1111. trouve devant la juridiction pénale ordinaire. Quant aux personnes qui
  1112. auraient été arrêtées lors de la même manifestation, selon la communication de
  1113. la CMT, le vice-ministre a indiqué que le ministère de l'Intérieur n'avait pas
  1114. ordonné leur mise en liberté et que leurs procès sont en cours devant la
  1115. juridiction pénale ordinaire.
  1116. J'ai exprimé au gouvernement notre profond désir de rencontrer M. Carlos
  1117. Huembes dans son lieu de détention, la prison de la région IV (La Granja):
  1118. cette autorisation lui a été donnée et des facilités lui ont été accordées
  1119. pour effectuer cette visite. La mission a put s'entretenir seule à seul, en
  1120. toute indépendance, comme elle l'avait demandé, avec M. Huembes qui a indiqué,
  1121. au sujet du défilé organisé à Nandaime, que le parcours du défilé avait été
  1122. conforme à celui fixé par le ministère de l'Intérieur et que les troubles se
  1123. sont produits à la fin du défilé, avant les discours car la police a attaqué
  1124. les manifestants. Il a indiqué aussi que le défilé avait été organisé par la
  1125. Coordination démocratique nicaraguayenne, organisation dont il est président;
  1126. c'était une manifestation de caractère politique, ayant pour objectif
  1127. d'expliquer à la population les accords de paix d'Esquipulas (accords signés
  1128. par les présidents de la région). La CTN, organisation syndicale dont M.
  1129. Huembes est secrétaire général, est membre de la Coordination démocratique
  1130. nicaraguayenne, mais il a signalé qu'il avait participé à la manifestation en
  1131. sa qualité de président de la coordination et non de secrétaire de son
  1132. organisation syndicale. Il a déclaré que le "plan de déstabilisation" du
  1133. gouvernement sandiniste est une invention du gouvernement pour reprimer
  1134. l'opposition; il a confirmé la présence de personnel de l'ambassade
  1135. nord-américaine sur le lieu de la manifestation, mais il a ajouté que c'était
  1136. quelque chose qu'il ne pouvait empêcher car, effectivement, il s'agissait
  1137. d'une manifestation publique. En ce qui concerne les affiches insultantes pour
  1138. les autorités, M. Huembes a déclaré que ces dernières utilisent aussi un
  1139. langage grossier contre les opposants. Par ailleurs, il a fait savoir qu'il
  1140. n'avait pas eu de problèmes avec les autorités pour le défilé organisé afin de
  1141. commémorer le 1er mai. Quant à l'état d'avancement des poursuites judiciaires,
  1142. il a fait savoir que le procès se trouve devant les tribunaux ordinaires mais
  1143. que les avocats chargés de sa défense avaient fait appel contre la
  1144. qualification du délit. Cependant, il a ajouté que le juge chargé de l'affaire
  1145. est un ancien militaire sandiniste qui reçoit des ordres du gouvernement. Il a
  1146. indiqué en outre qu'il n'avait pas subi de mauvais traitements physiques, mais
  1147. qu'il se trouve enfermé à côté de 45 autres personnes dans une cellule où les
  1148. services sanitaires ne sont pas suffisants et les soins médicaux non plus. Il
  1149. a signalé que 38 personnes arrêtées lors du défilé du Nandaime sont détenues
  1150. avec lui.
  1151. S'agissant de ces arrestations, la directrice de la CNPPDH a estimé que le
  1152. gouvernement avait agi conformément au droit en décidant de soumettre
  1153. l'affaire aux tribunaux ordinaire et que la cour d'appel va connaître du cas
  1154. pour examiner la qualification du délit. A son avis, M. Huembes n'a pas
  1155. participé à la manifestation en sa qualité de syndicaliste mais en tant que
  1156. dirigeant politique. Elle a déclaré, en outre, que la commission a veillé à la
  1157. santé et aux conditions de détention des détenus et à ce que le procès se
  1158. déroule selon les règles. Elle a affirmé que beaucoup d'avocats préfèrents
  1159. argumenter dans les journaux pour des raisons politiques, ce qui retarde la
  1160. justice. Le directeur de la Commission permanente pour les droits de l'homme
  1161. (CPDH), indépendante du gouvernement, a confirmé que M. Huembes avait agi dans
  1162. ce cas comme homme politique et non en tant que dirigeant syndical.
  1163. En ce qui concerne les allégations de la CISL relatives à la fermeture de
  1164. Radio católica le 11 juillet pour une période indéterminée et à la fermeture,
  1165. pour quinze jours, du journal La Prensa, la communication écrite qui a été
  1166. remise à la mission par le ministère de l'Intérieur signale que le 11 juillet
  1167. 1988 Radio católica a transmis des informations en déformant de manière mal
  1168. intentionnée les faits survenus à Nandaime; ce qu'elle a continué de faire en
  1169. violation de la loi sur les communications, malgré des avertissements au
  1170. téléphone. Il a donc été décidé de suspendre les émissions de Radio católica
  1171. en se fondant sur la loi. De même, le 11 juillet 1988, la parution du journal
  1172. quotidien La Prensa a été suspendue pour quinze jours parce que ce journal
  1173. continuait sa campagne d'information déformée qui attentait à la sécurité
  1174. interne, à la défense nationale, calomniait les dirigeants, apppelait à la
  1175. subversion, incitant à la violence et à la désobéissance civile.
  1176. B. Plaintes présentées par des organisations d'employeurs
  1177. Cas no 1344
  1178. L'OIE avait formulé les allégations suivantes dans le cas présent:
  1179. confiscation des biens, terres ou entreprises de divers dirigeants du Conseil
  1180. supérieur de l'entreprise privée (COSEP), notamment ceux de son président
  1181. d'alors, M. Enrique Bolaños, en 1985; de plus, la Direction des moyens de
  1182. communication avait interdit la publication dans le journal La Prensa d'une
  1183. lettre ouverte du COSEP, ainsi que des réponses de M. Bolaños au sujet de la
  1184. confiscation de ses terres et également au sujet de la confiscation en 1983 de
  1185. terres appartenant à M. Ramiro Gurdián, dirigeant du COSEP, ce qui
  1186. constituait, selon l'organisation plaignante, une forme de persécution contre
  1187. les dirigeants de cette organisation.
  1188. Dans ses conclusions sur ce cas, le comité avait pris note des
  1189. explications du gouvernement selon lesquelles les mesures de confiscation de
  1190. terres répondaient aux impératifs de la réforme agraire, et il avait exprimé
  1191. sa préoccupation du fait que de telles mesures auraient atteint de façon
  1192. discriminatoire un nombre important de dirigeants du COSEP; il avait de plus
  1193. exprimé l'espoir que les personnes touchées seraient équitablement indemnisées
  1194. ainsi que le prévoyait la loi.
  1195. En ce qui concerne les allégations relatives à la confiscation de terres
  1196. en application de la loi de réforme agraire, la mission a eu l'occasion de
  1197. recueillir les opinions de M. Ramiro Gurdián, actuel premier vice-président du
  1198. COSEP et président de l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua (UPANIC),
  1199. une des personnes touchées par les mesures de confiscation, et de dirigeants
  1200. du COSEP à l'encontre desquels ces mesures étaient appliquées de manière
  1201. discriminatoire et inique; de même, M. Gurdián a déclaré que la confiscation
  1202. de ses terres avait été opérée en vertu du décret-loi no 1265 et qu'elles
  1203. n'avaient pas été, comme le gouvernement l'avait affirmé, occupées par les
  1204. paysans de la région. Il a ajouté qu'il n'était pas exact qu'on lui eut offert
  1205. des possibilites d'indemnisation, pas plus qu'à M. Bolaños. Il a déclaré en
  1206. coutre que le pourcentage de membres du COSEP touchés par les mesures
  1207. d'exporpriation était très élevé et qu'il n'existait pas en pratique de droit
  1208. d'appel de telles décisions devant le Tribunal agricole.
  1209. Lors de l'entrevue que la mission a eue avec les dirigeants de l'Union
  1210. nationale des agriculteurs et éleveurs (UNAG), il a été porté à sa
  1211. connaissance que cette organisation représentait les petits et moyens
  1212. propriétaires ruraux et qu'elle était constituée par des coopératives et par
  1213. des producteurs indépendants qui assuraient 80 pour cent de la production de
  1214. céréales (sorgho, maïs, etc.), 34 pour cent de la production de café, 32 pour
  1215. cent de la production de coton et 73 pour cent de l'élévage. S'agissant de la
  1216. confiscation de terres en application de la loi de réforme agraire, ils ont
  1217. déclaré qu'elle correspondait à une politique de transformation structurelle
  1218. jugée nécessaire. Les dirigeants de l'UNAG estiment que leur organisation
  1219. constitue le contrepoids le plus sérieux et le plus réaliste aux abus ou actes
  1220. arbitraires de la réforme agraire qui se sont certainement produits. Ils ont
  1221. déclaré que les mesures de confiscation n'ont pas touché seulement mais
  1222. également de nombreux membres de l'UNAG; le service juridique de leur
  1223. organisation porte actuellement devant la justice 13 cas considérés par eux
  1224. comme étant des cas d'expropriation injuste; huit de ces cas concernent des
  1225. membres de leur organisation et cinq des membres du convenues, mais non pas
  1226. dans tous les cas et ce pour diverses raisons, et ils ont cité en exemple le
  1227. cas de la VIe région où plus de 40 cas d'indemnisation après affectation des
  1228. terres avaient été résolus de façon satisfaisante. Les membres de l'UNAG ont
  1229. exprimé l'opinion que, pour eux, en tant qu'associaiton de producteurs, il
  1230. était préférable de négocier plutôt que de s'opposer à la réforme agraire, car
  1231. celle-ci répondait à des besoins réels tels qu'une meilleure répartition des
  1232. terres productives, le retour des familles de paysans qui avaient été évacuées
  1233. des zones de guerre, et la transformation des structures agraires, mais ils
  1234. estiment toutefois que l'Etat devrait donner l'exemple en appliquant la
  1235. réforme agraire sur ses propres terres. Les membres de l'UNAG considèrent que
  1236. la démocratisation de l'économie est nécessaire et ils ont fait observer qu'au
  1237. Nicaragua 12 pour cent seulement des terres sont exploités convenablement; ils
  1238. ont déclaré que les producteurs privés doivent apporter la preuve que leur
  1239. façon d'exploiter leurs terres est plus efficace que les méthodes de l'Etat
  1240. pour que le modèle d'économie mixte du gouvernement ne soit pas dénaturé.
  1241. Lors de l'entrevue que la mission a eue avec le vice-ministre du
  1242. Développement agricole et de la Réforme agraire, le commandant Alonso Porras,
  1243. celui-ci a expliqué que, avant 1979, seulement 2 pour cent des propriétaires
  1244. possédaient 40 pour cent des terres productives du Nicaragua et que plus de
  1245. 150.000 familles paysannes étaient dépourvues de terres (si l'on compte en
  1246. moyenne cinq personnes par famille, cela représentait 750.000 personnes), ce
  1247. qui démontre qu'au Nicaragua, dont la population est de 3.600.000 personnes,
  1248. la réforme agraire était une nécessité sociale et humaine.
  1249. Le vice-ministre a fait un exposé détaillé sur l'application de la loi de
  1250. réforme agraire, expliquant que cette loi ne concerne pas les terres
  1251. elles-mêmes, mais les modes d'exploitation inefficaces, tant sur le plan
  1252. social que sur le plan économique; au lieu de chercher à réaliser l'égalité
  1253. dans la propriété des terres, la réforme agraire vise un autre objectif, à
  1254. savoir que les terres puissent remplir une fonction sociale et que
  1255. l'exploitation soit rendue plus efficace, notion qu'il n'a pas été facile de
  1256. définir. La loi de réforme agraire promulguée en 1981 a permis de redistribuer
  1257. 720.000 manzanas (une manzana est une unité de superficie équivalant à 0,8
  1258. hectare ou à 7.056 m2), au bénéfice de quelque 112.000 familles paysannes. La
  1259. loi de réforme agraire a dû être révisée en 1985 car elle ne permettait pas de
  1260. résoudre le nouveau problème posé par le déplacement massif de paysans du fait
  1261. des opérations militaires, à la suite de quoi 400.000 manzanas productives
  1262. sont demeurées inexploitées. La loi de réforme agraire de 1981 prévoyait que
  1263. le régime foncier des terres susceptibles d'être affectées par la réforme
  1264. comporterait cinq modalités: a) les propriétés vacantes; b) les propriétés
  1265. inexploitées; c) les propriétés mal exploitées; d) les terres affermées ou
  1266. concédées selon d'autres modalités; et e) les terres qui ne sont pas
  1267. travaillées par le propriétaire lui-même mais par des paysans sous le régime
  1268. de métayage, du colonat ou sous d'autres formes plus ou moins précaires
  1269. d'exploitation. La révision de 1985 de la loi de réforme agraire a introduit
  1270. comme élément déterminant "l'utilité publique et l'intérêt social" pour
  1271. essayer de résoudre le problème du déplacement des paysans; de même, alors que
  1272. la loi de 1981 fixait à 500 manzanas la superficie minimale pour qu'une terre
  1273. soit soumise à la réforme agraire, cette norme a été supprimée en 1985 pour
  1274. résoudre le problème des paysans déplacés. Le vice-ministre a déclaré que les
  1275. expropriations étaient opérées en toute légalité et qu'il était de l'intérêt
  1276. du gouvernement et de la société dans son ensemble de ne pas favoriser
  1277. l'anarchie qui découlerait de l'occupation illégale des terres; la politique
  1278. du ministère est d'ailleurs de ne pas négocier avec les agriculteurs qui
  1279. occupent des terres illégalement. Il a ajouté que, dans les premiers temps du
  1280. gouvernement, le risque d'anarchie et de chaos était grand en raison,
  1281. notamment, du chômage généralisé parmi les travailleurs agricoles temporaires.
  1282. Lors d'une deuxième entrevue avec les dirigeants du COSEP, ceux-ci ont
  1283. déclaré que les négociations, en cas d'expropriation pour raison d'utilité
  1284. publique et d'intérêt soical, se déroulaient dans les conditions imposées par
  1285. le gouvernement; ils ont déclaré qu'il était très difficile d'exploiter une
  1286. propriété de façon efficace dans la situation présente étant donné que le
  1287. gouvernement contrôle les intrants nécessaires à toute exploitation efficace,
  1288. et que ce prétexte (exploitation inefficace) est utilisé pour procéder aux
  1289. expropriations. Ils ont affirmé que le domaine dont M. Bolaños avait été
  1290. exproprié était aux mains de l'Etat et que cette expropriation était injuste,
  1291. étant donné que M. Bolaños était l'un des producteurs les plus effficaces du
  1292. pays. Ils ont ajouté que les entreprises de M. Bolaños, dont les terres en
  1293. question faisaient partie, avaient été occupées manu militari et que le
  1294. propriétaire avait eu l'intention d'intenter un procès en raison de
  1295. l'expropriation d'avions destinés à la fumigation des cultures de plusieurs
  1296. producteurs, mais que la justice, au bout d'un an, ne s'était pas prononcée,
  1297. raison pour laquelle il avait abandonné l'action en justice. Les personnes
  1298. interrogées ont déclaré de plus que les tribunaux étaient politisés et
  1299. favorisaient les intérêts du gouvernement; ils ont cité comme exemple le cas
  1300. de M. Alegría (voir plus loin le cas no 1454); au Nicaragua, il n'existe pas
  1301. de sécurité juridique et ce n'est que récemment que le gouvernement a présenté
  1302. un avant-projet de loi protectrice (amparo).
  1303. S'agissant des déclarations des dirigeants de l'UNAG, les responsables du
  1304. COSEP ont déclaré qu'il était certain que les membres de l'UNAG avaient aussi
  1305. été touchés par la réforme agraire, mais que cette organisation ainsi que
  1306. l'Association des travailleurs de l'agriculture (ATC) étaient mêlées en
  1307. pratique à l'occupation des terres. Ils ont signalé que les producteurs privés
  1308. membres de l'UNAG étaient opposés au gouvernement, mais non leurs dirigeants,
  1309. ce qui explique que cette association jouisse toujours de privilèges, comme
  1310. ceux qui découlent de l'accord entre le gouvernement suédois et le
  1311. gouvernement nicaraguayen, pour l'obtention d'intrants.
  1312. En ce qui concerne le cas de M. Ramiro Gurdián, ils ont déclaré que les
  1313. secteurs sandinistes poussent à l'accaparement des terres et des usines,
  1314. tandis que le gouvernement joue ensuite un rôle de conciliateur et crée des
  1315. coopératives rurales mal organisées et inefficaces, ce qui les empêche de
  1316. rembourser les dettes contractées auprès des banques; après un certain délai,
  1317. elles sont déclarées en cessation de paiement et les terres passent à l'Etat.
  1318. M. Gurdián a déclaré qu'il avait porté son cas devant la Cour suprême de
  1319. justice, laquelle avait rendu un arrêt selon lequel il était loisible au
  1320. gouvernement de déclarer ses terres d'utilité publique. De même, il a été
  1321. affirmé, par les dirigeants du COSEP, qu'une grande partie des meilleures
  1322. terres était aux mains de l'Etat et que celui-ci pourrait y appliquer la
  1323. réforme agraire sans avoir à exproprier des terres du secteur privé. Le
  1324. vice-ministre avait déclaré antérieurement qu'il en était ainsi, précisant que
  1325. les terres de l'Etat, qui en 1979 représentaient 22 pour cent du total, n'en
  1326. représentaient plus que 12 pour cent.
  1327. Les dirigeants du COSEP ont remis à la mission une étude réalisée par le
  1328. service juridique de l'Union des producteurs agricoles du Nicaragua (UPANIC)
  1329. intitulée "Notice juridique décrivant les innombrables saisies de propriétés
  1330. du secteur privé au Nicaragua, effectuées par le gouvernement sandiniste
  1331. (1979-1988), par le biais de décrets et de lois en violation des principes
  1332. juridiques universels les plus élémentaires". Cette étude signale "qu'il n'est
  1333. pas fait appel aux tribunaux et aux autorités rurales car les personnes lésées
  1334. n'ont aucune garantie qu'elles seront jugées dans le cadre d'une procédure
  1335. juste sous contrôle ultime de l'autorité judiciaire compétente, en cas de
  1336. recours, qu'il s'agisse d'amparo, d'appel ou de cassation"; de même, il est
  1337. dit dans la notice que l'indemnisation pour confiscation est calculée sur la
  1338. base de critères fiscaux - lesquels sont rejetés par les lois de nombreux pays
  1339. etpar des auteurs illustres - et qu'elle est généralement versée sous forme de
  1340. bons à long terme ( de quinze à vingt-cinq ans), ce qui fait que, en raison de
  1341. l'inflation galopante, le propriétaire ne reçoit en définitive qu'une somme,
  1342. en córdobas, représentant un pouvoir d'achat dramatiquement inférieur et que
  1343. la prétendue expropriation est une véritable confiscation non assortie d'une
  1344. juste indemnisation. En toute justice, il faudrait: que l'indemnisation soit
  1345. conforme à la valeur réelle de l'objet exproprié, qu'elle soit versée en
  1346. espèces, et que le versement soit effectué avant l'exporopriation. C'est le
  1347. critère qui est le plus proche de l'équité, car c'est dans ces conditions
  1348. seulement que la personne lésée pourra acquérir un bien comparable à celui qui
  1349. a été exproprié ou disposer du produit de son ingéniosité et de son travail.
  1350. Le sort de l'exproprié serait ainsi quelque peu amélioré.
  1351. Par ailleurs, l'étude susmentionnée signale que "depuis 1983 le Nicaragua
  1352. reconnaît le recours d'amparo, qui avait toujours été reconnu par le pouvoir
  1353. judiciaire. Ce recours a été utilisé contre des lois et des actes, arrêtés,
  1354. dispositions, mandats, etc. de l'administration, mais dans la législation
  1355. spéciale concernant les locataires, etc., ce qui fait qu'il est illusoire de
  1356. prétendre qu'il existe un contrôle et une application des garanties prévues
  1357. par les textes fondamentaux du Nicaragua." L'étude poursuit en signalant que
  1358. les cours d'appel (devant lesquelles est porté le recours d'amparo) et la Cour
  1359. suprême de justice (qui statue au fond) ont refusé d'admettre le recours
  1360. d'amparo en matière agricole, ce qui fait qu'il n'est pas possible de recourir
  1361. contre la loi de réforme agraire, avec toutes les irrégularités qui en
  1362. découlent en violation des statuts fondamentaux (y compris les traités et
  1363. accords internationaux), ni contre les résolutions des autorités agraires.
  1364. L'étude signale également, après diverses considérations juridiques, que "la
  1365. promulgation de la Constitution politique de janvier 1987 octroie au citoyen
  1366. le droit inviolable de recours d'amparo; par conséquent, la disposition de la
  1367. loi de réforme agraire "ne permettant pas d'appel devant la Cour suprême" est
  1368. dépourvue de toute validité".
  1369. L'étude communiquée par le COSEP affirme que le ministre du Développement
  1370. agricole et de la Réforme agraire agit en tant que juge et partie puisqu'il a
  1371. procédé à des affectations sur la base de critères techniques définis par
  1372. lui-même sans permettre aux personnes lésées de désigner leurs propres experts
  1373. en vue de parvenir à une décision juste et équitable, et que l'objectif du
  1374. présent gouvernement a toujours été, d'une manière ou d'une autre, d'en finir
  1375. avec la propriété privée et d'annihiler définitivement l'entreprise privée.
  1376. La notice conclut par les considérations suivantes:
  1377. 1) Dans l'article 2, a) et d), de l'ancienne loi portant réforme agraire, les
  1378. terres non exploitées, mal exploitées et abandonnées donnaient lieu à
  1379. indemnisation; désormais, avec la nouvelle loi, il n'existe plus aucune
  1380. indemnisation pour cette catégorie de terres, ce qui constitue une véritable
  1381. confiscation ou usurpation. Cette disposition est en contradiction avec le
  1382. principe universel et accepté par le Nicaragua, selon lequel "nul ne peut être
  1383. dépouillé de ses biens sans juste compensation".
  1384. 2) Le paragraphe a) de l'article 2 de la loi portant réforme agraire
  1385. n'affectait que les propriétés non exploitées ou mal exploitées appartenant à
  1386. des propriétaires de plus de 500 manzanas figurant dans la zone A, ou de plus
  1387. de 1.000 manzanas dans la zone B; désormais, dans la nouvelle loi et
  1388. conformément à l'article 1, paragraphe e), seront affectés les propriétaires
  1389. possédant plus de 100 manzanas dans le reste du pays.
  1390. 3) Selon l'ancienne loi de réforme agraire, seule l'application de ladite
  1391. réforme pouvait donner lieu à expropriation; le nouveau texte autorise le
  1392. ministre du Développement agricole et de la Réforme agriare à exproprier quel
  1393. que soit le type de propriété lorsqu'il estime que l'expropriation est
  1394. d'utilité publique ou d'intérêt social, mécanisme qui permet au ministre de
  1395. décider à sa guise quelle propriété peut être affectée à la réforme agraire et
  1396. susceptible d'expropriation.
  1397. 4) Les expropriations pour cause de réforme agraire ou pour toute autre raison
  1398. sont nulles et non avenues; en effet, les bons n'ont jamais été émis, pas plus
  1399. que n'ont été précisées les modalités d'émission, de rachat et autres, ce qui
  1400. constitue une spoliation de plus des personnes visées, lesquelles subissent
  1401. ainsi un préjudice total, tandis que l'administration sandiniste s'enrichit de
  1402. façon injustifiée et illicite.
  1403. 5) Le règlement portant modification de la réforme agraire ou pour ce qui
  1404. touche à l'indemnisation et au mode de paiement ne respecte pas les
  1405. dispositions de la loi (article 2) qui est ainsi conçue: "...dont le montant,
  1406. la forme, les intérêts et les conditions seront fixés par le règlement
  1407. d'application de la présente loi". Au contraire, le règlement s'écarte de la
  1408. loi, puisqu'il prévoit ce qui suit en son article 17: "L'émission, les délais
  1409. de rachat, les taux d'intérêt et les autres aspects relatifs aux bons de
  1410. réforme agraire seront fixés conformément aux normes et règlements fiscaux
  1411. établis à cette fin." Il en résulte donc que le règlement d'application est
  1412. nul et que la loi est inapplicable.
  1413. 6) L'article 32 de la nouvelle loi de réforme agraire annule le droit de
  1414. propriété du propriétaire de la terre et prescrit ce qui suit: "L'autorisation
  1415. expresse du ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire sera
  1416. nécessaire pour accomplir des actes ou conclure des contrats portant sur la
  1417. propriété de domaines agricoles..." Il faut en déduire que le ministère de la
  1418. Réforme agraire est, en cette qualité, le maître absolue de toutes les terres
  1419. des Nicaraguayens et que, pour quelque transaction que ce soit, ce n'est pas
  1420. la volonté du légitime propriétaire qui compte mais celle du tout-puissant
  1421. ministère de la Réforme agraire.
  1422. 7) L'article 2, paragrpahe d), prévoit que "les terres affermées ou concédées
  1423. selon d'autres modalités" pourront être affectées à la réforme agraire;
  1424. l'article 4 prévoit que le fermier pourra proroger indéfiniment son contrat de
  1425. fermage sur les terres non touchées par la loi agraire. Si le propriétaire ne
  1426. s'acquitte pas de ses obligations ou s'il désire exploiter ses propres terres,
  1427. le ministère de la Réforme agraire décidera de l'affectation des terres, ce
  1428. qui implique que le propriétaire, à partir du moment où il a loué ses terres
  1429. ou les a cédées à un tiers selon d'autres modalités, se trouve déjà
  1430. pratiquement exproprié; seul le fermier ou le ministère (par voie
  1431. d'affectation des terres) pourra disposer de l'usage des terres. Ce qui est
  1432. intéressant dans ce cas, c'est que les terres une fois affectées il n'y a plus
  1433. d'obligation de continuer à les céder au fermier.
  1434. 8) L'article 12 fixe à priori "la date à laquelle aura lieu la prise de
  1435. possession du domaine en cause", ce qui implique l'inanité de toute procédure
  1436. légale destinée à établir l'utilité publique ou l'intérêt social des terres
  1437. dont il s'agit, puisque la personne visée se trouve sans moyen de défense et
  1438. qu'on peut tenir pour établi qu'il existera, au préalable, de multiples
  1439. raisons d'affectation des terres, alors que cette affectation et
  1440. l'expropriation devraient faire l'objet d'une procédure à laquelle les deux
  1441. parties participeraient sur un pied d'égalité.
  1442. L'étude signale enfin que la loi de réforme agraire telle que révisée
  1443. autorise désormais le ministre du Développement agricole et de la Réforme
  1444. agraire à exproprier, sous prétexte d'utilité publiquer et d'intérêt social,
  1445. ce qui renforce les arguments selon lesquels, avant cette date, il n'avait ni
  1446. le droit ni les moyens de procéder à des expropriations. Par conséquent, les
  1447. mesures prises par le ministère pour cause d'utilité publique ou d'intérêt ou
  1448. d'intérêt social avant la réforme constituent un abus d'autorité et de
  1449. pouvoir, ce qui justifie un recours en annulation, la restitution des biens
  1450. expropriés, la reconnaissance des dommages et préjudices subis et la prise de
  1451. sanctions contre le fonctionnaire responsable.
  1452. En ce qui concerne l'indemnisation des propriétaires dont les terres ont
  1453. été affectées à la réforme agraire, le vice-ministre a expliqué que, selon la
  1454. loi de réforme agraire, dans les cas d'expropriation pour cause d'exploitation
  1455. inefficace ou de non-exploitation, l'indemnisation est assurée au moyen de
  1456. bons de l'Etat qui portent intérêt en fonction de l'inflation et qui peuvent
  1457. être utilisés pour rembourser des dettes bancaires; lorsque les terres sont
  1458. abandonnées et laissées en friche, aucune indemnisation n'est prévue. En cas
  1459. d'expropriation pour cause d'utilité publique ou d'intérêt social,
  1460. l'indemnisation est directe ou consiste en échange de terres, sans qu'il soit
  1461. tenu compte du critère d'efficacité ou de la productivité de la terre. Depuis
  1462. 1985, des domaines de toutes dimensions sont expropriés, y compris de petites
  1463. propriétés, en vue de résoudre le problème d'installation des agriculteurs. De
  1464. même, le ministère du Développement agricole et de la Réforme agraire peut, en
  1465. vertu de l'article 21 de la loi, convenir d'autres modalités d'indemnisation.
  1466. Le montant de l'indemnisation est fixé selon expertise du ministère sur la
  1467. base de la moyenne de la valeur fiscale déclarée des trois dernières années.
  1468. Ladite loi dispose également que les terres devenant ou étant devenues
  1469. propriété de l'Etat peuvent être affectés à la réforme. A cet égard, il a été
  1470. déclaré que la superficie des terres de l'Etat, les premières terres qui ont
  1471. été affectées à la réforme. A cet égard, il a été déclaré que la superficie
  1472. des terres de l'Etat, les premières terres qui ont été affectées, a été
  1473. réduite de 22 à 12 pour cent et que la grande propriété (plus de 500 manzanas)
  1474. a été réduite de 36 à 9 pour cent du total. Le vice-ministre a également
  1475. communiqué que, en ce qui concerne l'indemnisation pour confiscation des
  1476. terres de M. Enrique Bolaños, plusieurs propositions de négociation ont été
  1477. présentées à ce dernier, tant par voie publique que par voie privée et qu'il
  1478. ne les a pas acceptées; selon le vice-ministre, l'expropopriation du domaine
  1479. de M. Bolaños constituait un impératif social car il était situé dans une zone
  1480. de petites parcelles (ce que la mission a pu constater en se rendant sur
  1481. place); de plus, le vice-ministre a déclaré que les possibilités de
  1482. négociation avec M. Bolaños demeurent ouvertes de la part du gouvernement et
  1483. qu'il dépend de lui de négocier mais que, jusqu'ici, M. Bolaños n'a fait que
  1484. politiser cette affaire.
  1485. Le vice-ministre a offert toutes facilités à la mission pour qu'elle
  1486. puisse visiter l'ancien domaine de M. Bolaños, et celle-ci a pu constater que
  1487. 90 familles d'agriculteurs étaient installées sur les lieux, organisées en
  1488. trois coopératives de crédit et de services consacrées à la culture de
  1489. produits de base (maïs, haricots, riz et manioc). Sur le domaine, la mission
  1490. s'est entretenue avec des représentants des coopératives, qui ont déclaré que
  1491. les terres leur avaient été remises en 1985 après qu'elles eurent été
  1492. déclarées d'utilité publique et d'intérêt social. Tous les agriculteurs
  1493. installés sur ce domaine sont originaires de la région, et ils ont déclaré que
  1494. la majorité d'entre eux cultivaient déjà les terres pour le compte de M.
  1495. Bolaños dans des conditions très précaires. Ils travaillent maintenant pour
  1496. leur compte, avec le soutien financier et technique de l'Etat et ils ont droit
  1497. à une parcelle.
  1498. Le vice-ministre a souligné en outre que l'expropriation des terres n'a
  1499. pas affecté dans la majorité des cas un secteur productif ou une tendance
  1500. politique déterminée, la politique du gouvernement ayant toujours été de
  1501. réaliser la réforme agraire dans le cadre de la légalité. Il a reconnu
  1502. cependant que des injustices avaient pu être commises compte tenu des
  1503. bouleversements sociaux que connaît le Nicaragua; en tout état de cause, s'il
  1504. y avait des abus, il était possible de faire appel devant le Tribunal
  1505. agricole, organisme juridictionnel administratif, et, depuis la promulgation
  1506. de la nouvelle Constitution, il est également possible de porter les litiges
  1507. devant les tribunaux ordinaires, jusqu'à la Cour suprême de justice, par la
  1508. procédure administrative de protection (amparo). Il a également communiqué que
  1509. la politique du ministère était de réviser ses propres décisions d'affectation
  1510. et que, dans divers cas, lorsqu'une erreur de décision était apparue après
  1511. réexamen, ladite décision était annulée directement avant de parvenir au
  1512. Tribunal agricole. En ce qui concerne l'expropriation de M. Gurdián, il a
  1513. déclaré qu'en effet les terres avaient été occupées par des paysans et que la
  1514. situation avait ensuit été légalisée par affectation des terres en vue de la
  1515. réforme agraire. En ce qui concerne l'indemnisation, elle devait être assurée
  1516. en l'occurrence au moyen de bons que M. Gurdián n'a pas voulu accepter. Le
  1517. gouvernement, plus que tout autre, a-t-il ajouté, avait intérêt à ce que ces
  1518. cas soient réglés, car ils sont exploités politiquement.
  1519. Enfin, le vice-ministre a déclaré que le processus de transformation
  1520. fondamentale du régime foncier était considéré comme pratiquement terminé et
  1521. qu'il s'agissait dorénavant d'encourager la production des terres expropriées
  1522. grâce aux coopératives agricoles, aux investissements et à l'assistance
  1523. technique. Il a communiqué une série de tableaux qui permettent de voir que
  1524. les affectations de terres, dans la période d'octobre 1981 à décembre 1982,
  1525. ont porté sur 200 propriétaires qui possédaient 279 domaines d'une superficie
  1526. totale de 264.448 manzanas et que, pendant la période de janvier à mai 1988,
  1527. seuls 14 domaines appartenant à 17 propriétaires et représentant une
  1528. superficie de 9.000 manzanas avaient été affectés.
  1529. En outre, en ce qui concerne les recours administratifs de protection
  1530. (amparo) portés devant la Cour suprême de justice en appel des décisions du
  1531. Tribunal agricole, la mission a été informée par le président de la Cour
  1532. suprême que 12 cas de cette nature s'étaient présentés entre 1979 et 1988,
  1533. dont quatre avaient fait l'objet d'un jugement, six étaient en instance, un en
  1534. cours de procédure et le dernier en instance de notification. Il a expliqué à
  1535. la mission que ce recours administratif d'amparo existait avant la
  1536. promulgation de la nouvelle Constitution, selon la jurisprudence de ladite
  1537. cour, mais qu'il avait été peu utilisé. Au cours de la même période, selon les
  1538. statistiques fournies par le vice-ministre de la réforme agraire, il a eu
  1539. 1.139 expropriations, touchant 971 propriétaires et portant sur une superficie
  1540. totale de 720.376 manzanas.
  1541. Cas no 1454
  1542. Les allégations sur ce cas ont été présentées par l'Organisation
  1543. internationale des employeurs (OIE) et par le Conseil supérieur de
  1544. l'entreprise privée du Nicaragua (COSEP), et elles se réfèrent à l'arrestation
  1545. et à l'emprisonnement, le 31 mai 1988, en un lieu inconnu, de M. Mario José
  1546. Alegría Castillo, directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et
  1547. sociales (INIESEP), organe annexe du COSEP, pour le compte duquel il effectue
  1548. et publie des analyses de la situation économique du pays. M. Alegría est
  1549. accusé d'être un agent
  1550. ..................................................................
  1551. d'un service étranger de renseignements, de s'être procuré frauduleusement des
  1552. documents de l'Etat et d'avoir organisé un réseau d'informateurs infiltrés
  1553. dans certaines institutions gouvernementales. La communication de l'OIE et du
  1554. COSEP nie les faits sur lesquels se fonde l'accusation contre M. Alegría et
  1555. ajoute que la police secrète a confisqué des documents au siège de l'INIESEP
  1556. et a empêché les dirigeants du COSEP de dresser l'inventaire des documents
  1557. confisqués. D'une manière plus générale, la communication allègue que le
  1558. décret no 888 de 1982, en son article 7, b) et c), qui réserve à l'Institut
  1559. nicaraguayen de statistique et de recensement (NEC) le monopole de la
  1560. publication de données économiques, ainsi que le décret no 512 de 1980 (moyens
  1561. de communication) enfreignent le droit pour le COSEP et l'INIESEP de publier
  1562. les résultats et les conclusions de leurs enquêtes sur les problèmes et la
  1563. situation économique du Nicaragua.
  1564. Dans une autre communication, l'OIE et le COSEP ont fourni des
  1565. informations complémentaires sur le cas, et notamment un résumé de la défense
  1566. présentée par M. Alegría devant le juge de district, telle qu'elle a été
  1567. publiée dans La Prensa, invoquant le droit garanti par la Constitution de
  1568. "rechercher, recevoir et diffuser l'information", une liste des documents
  1569. confisqués, une déclaration du président du COSEP, M. E. Bolaños, sur le
  1570. violations des droits de la défense garantis par l'article 34 de la
  1571. Constitution, lors de la présentation,par le gouvernement, de M. Alegría et de
  1572. Mme Nora Aldana, impliquée dans la même affaire, à la télévision officielle
  1573. pour qu'ils fassent des déclarations risquant de nuire à leurs intérêts en
  1574. tant qu'accusés et sur le caractère prétendument secret d'une série de
  1575. documents qui sont largement diffusés parmi les milieux de l'opposition au
  1576. Nicaragua.
  1577. En outre, dans une autre communication, l'OIE et le COSEP font état de la
  1578. condamnation à seize ans de prison de M. Alegría et de la protestation du
  1579. COSEP à la suite de cette condamnation. La communication allègue le
  1580. non-respect des droits de la défense, l'absence de textes légaux pouvant
  1581. justifier la décision du tribunal et la violation de certains droits établis
  1582. par la Constitution, comme celui de rechercher, de recevoir et de diffuser
  1583. l'information.
  1584. Les organisations plaignantes allèguent également la fermeture, sur ordre du
  1585. gouvernement, le 3 mai 1988, de Radio Corporación, Radio Católica, Radio
  1586. Noticias et Radio Mundial, et la menace de fermeture provisoire ou définitive
  1587. adressée le 13 juin à huit stations de radio indépendantes par la Direction
  1588. des moyens de communication du ministère de l'Intérieur si ces stations
  1589. continuaient à diffuser des informations sur la crise économique du Nicaragua.
  1590. Par ailleurs, la communication signale que le quotidien La Prensa a été fermé
  1591. pendant deux semaines et que le 11 juillet la station Radio Católica a été
  1592. fermée pour une durée illimitée.
  1593. Le procureur général de justice a informé la mission que le procès intenté à
  1594. M. Alegría reposait sur des preuves recueillies par les services de sécurité
  1595. de l'Etat et établissant en particulier sa responsabilité pénale pour délits
  1596. contre l'Etat. Il a expliqué que M. Alegría achetait des informations,
  1597. notamment à Mme Nora Aldana, une autre des personnes accusées dans cette
  1598. affaire, laquelle travaillait pour le gouvernement et avait accès à des
  1599. informations confidentielles. Il avait eu ainsi connaissance du plan
  1600. économique pour 1988-1990, lequel représente au Nicaragua une information
  1601. secrète dans la mesure où il définit la stratégie économique du gouvernement
  1602. dans une situation de guerre. Ces informations permettraient à l'ennemi de
  1603. finir de déstabiliser le pays car il connaîtrait les sources de financement et
  1604. d'approvisionnement. Le procureur a ajouté que M. Alegría avait aussi acheté
  1605. des informations de ce type à des fonctionnaires de la Banque centrale et de
  1606. la Direction du commerce extérieur et qu'il les transmettait à un
  1607. fonctionnaire de l'ambassade des Etats-Unis qui a été expulsé par la suite. Le
  1608. procureur a déclaré qu'au Nicaragua la liberté d'effectuer des enquêtes
  1609. économiques existe à condition de s'adresser à des sources officielles et de
  1610. ne pas violer la loi. Il a indiqué que M. Alegría s'était rendu coupable de
  1611. subornation pour commettre des des infractions graves contre la sécurité de
  1612. l'Etat et c'est pourqoui il avait été jugé. Le jugement est en appel devant
  1613. les tribunaux de Managua et son dossier contient des attestations du ministère
  1614. de l'Economie certifiant que les informations recueillies par l'accusé de
  1615. façon illégale étaient secrètes, point non contesté par les avocats de
  1616. l'accusé.
  1617. En ce qui concerne le cas de M. Alegría, la communication fournie par le
  1618. ministère de l'Intérieur précise qu'il a été arrêté le 31 mai 1988 et pacé à
  1619. la disposition du troisième juge du district pénal de Managua qui l'a condamné
  1620. à la peine de seize ans de prison sous les chefs d'inculpation suivants:
  1621. violation de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics et
  1622. divulgation de secrets, et divulgation d'informations officielles à caractère
  1623. confidentiel. A l'heure actuelle, le cas est soumis à la Cour d'appel de
  1624. Managua.
  1625. Lors de l'entrevue que la mission a eue avec la directrice de la
  1626. Commission nationale de promotion et de protection des droits de l'homme
  1627. (CNPPDH), il a été porté à sa connaissance que, dans le cas de M. Alegría, il
  1628. avait été démontré qu'il s'agissait d'un délit de droit commun. L'accusé était
  1629. détenu en un lieu de détention provisoire dans la zone franche de Managua ou
  1630. il était autorisé à travailler; de plus, elle a ajouté qu'au Nicaragua le
  1631. secret de l'instruction n'existait pas et que les avocats de M. Alegría, ainsi
  1632. que lui-même, avaient accés à tout moment au dossier d'instruction.
  1633. Le directeur de la Commission permanente des droits de l'homme (CPDH),
  1634. organisme indépendant du gouvernement, a indiqué que le cas de M. Alegría
  1635. avait une évidente connotation politique. Il ne savait pas s'il y avait eu ou
  1636. non délit de corruption mais il savait que les documents prétendument secrets
  1637. circulaient dans l'opposition. Il pensait que la preuve retenue par le juge
  1638. consistait en un aveu, selon une cassette vidéo enregistrée dans les locaux de
  1639. la sécurité de l'Etat. Il a déclaré en outre qu'une procédure sommaire durant
  1640. seulement treize jours avait été suivie. Le juge, en l'occurrence, avait
  1641. présidé un tribunal populaire antisomoziste et, lorsque ces tribunaux
  1642. disparurent, devint juge du district pénal de Managua pour un resso judiciaire
  1643. récemment créé ayant à connaître en majorité des affaires politiques. M.
  1644. Alegría était le directeur de l'Institut nicaraguayen d'études économiques et
  1645. sociales (INIESEP), mais il n'était pas membre du conseil de direction du
  1646. COSEP; ledit institut fonctionne toujours.
  1647. Le ministère du Travail a communiqué une copie certifiée conforme du jugement
  1648. de condamnation prononcé à l'encontre de M. Alegría et à l'encontre des autres
  1649. personnes impliquées. Cette sentence est explicite et elle contient les
  1650. éléments de fait et de droit sur lesquels elle se base. Les faits les plus
  1651. saillants sont le suivants: le dispositif de la sentence fournit des détails
  1652. sur les éléments de preuve qui ont permis d'établir la culpabilité de Mme Nora
  1653. Aldana Centeno, fonctionnaire du Programme alimentaire nicaraguayen, laquelle,
  1654. selon la sentence, a fourni des renseignements sur des plans secrets et
  1655. économiques à des fonctionnaires de l'ambassade d'Amérique du Nord (désignés
  1656. notamment) et à M. Mario José Alegría Castillo en échange de sommes en espèces
  1657. et d'avantages personnels en faveur de son fils qui avait été expulsé des
  1658. Etats-Unis. Selon le dispositif de la sentence, Mme Aldana a vendu à M.
  1659. Alegría des documents relatifs aux statistiques du plan économique 1986-87
  1660. pour la somme de 3.500 córdobas, puis de 100.000 córdobas. La sentence affirme
  1661. également que M. Alegría a eu connaissance des documents secrets suivants:
  1662. plan économique 1988-90, évaluation et perspectives 1987 intitulé "Les
  1663. finances internes, bilans matériels 1988, programme économique 1987 du
  1664. ministère du Commerce intérieur (MICOIN); plan directeur du MICOIN pour 1988;
  1665. documents sur les entreprises, situation du ravitaillement, juin 1987; rapport
  1666. d'évaluation du plan de ravitaillement 1987; documents sur la procédure
  1667. d'émission et de renouvellement des licences commerciales; évaluation de
  1668. ravitaillement en 1988; politiques des prix et des marges commerciales". De
  1669. plus, il est affirmé dans la sentence que M. Alegría a obtenu de M. Pedro Su
  1670. Olivas, fonctionnaire de la Banque centrale du Nicaragua, des documents sur
  1671. les statistiques, les questions financières et le bilan monétaire qu'il a
  1672. transmis su conseiller économique de l'ambassade d'Amérique du Nord (désigné
  1673. nommément). De plus, par l'intermédiaire de M. Adrían Espinales Rodríguez,
  1674. analyste financier du ministère du Commerce intérieur, M. Alegría a obtenu les
  1675. statistiques du commerce intérieur de 1987, pour lesquelles il a payé la somme
  1676. de 50.000 córdobas, les statistiques de la production annuelle et de
  1677. consommation du commerce intérieur, pour lesquelles il a payé 200.000 córdobas
  1678. au moyen d'un chèque. Il est dit dans la sentence que M. Alegría a effectué
  1679. une analyse de la production et du ravitaillement au niveau national, analyse
  1680. qu'il a remise au fonctionnaire susmentionné de l'ambassade d'Amérique du
  1681. Nord. La sentence poursuit en indiquant qu'au mois de février 1988 M. Alegría
  1682. a demandé a Mme Aldana de lui fournir le rapport sur les statistiques de la
  1683. demande et de la consommation de produits de base et sur les statistiques du
  1684. bilan national de 1988, renseignements pour lesquels il a payé la somme de
  1685. 3.500 nouveaux córdobas et qu'il a ensuite remis au fonctionnaire susmentionné
  1686. de l'ambassade des Etats-Unis. Ces documents, selon la sentence, avaient, de
  1687. même que les autres, un caractère secret. Le dispositif de la sentence signale
  1688. en outre que M. Alegría a obtenu, par l'intermédiaire de M. Su Olivas, qui
  1689. occupait le poste de directeur générale de la comptabilité internationale à la
  1690. Banque centrale du Nicaragua, les statistiques monétaires des mois d'octobre
  1691. et novembre, les bilans généraux et l'état des profits et pertes, l'état des
  1692. changes et dépôts extérieurs, renseignements qui étaient réservés au seul
  1693. usage des directeurs. En échange de ces informations qui, selon la sentence,
  1694. furent remises au conseiller économique de l'Ambassade d'Amérique du Nord, M.
  1695. Alegría a fait obtenir un visa à M. Su Olivas pour qu'il puisse se rendre aux
  1696. Etats- Unis, visa qu'il n'aurait pas pu obtenir autrement. Par ailleurs, le
  1697. jugement mentionne que M. Alegría a demandé à M. Adrian Espinales une copie
  1698. des statisques de production annuelle et de consommation du commerce
  1699. intérieur, renseignements pour lesquels il a payé la somme de 200.000 cordobas
  1700. au moyen d'un chèque. Par la suite, l'INIESEP a procédé à une analyse de la
  1701. production et de l'approvisionnement à l'échelon national, et ces données ont
  1702. été remises au conseiller économique susmentionné. M. Espinales a également
  1703. remis à M. Alegría un document intitulé "Statistiques du commerce pour les
  1704. années 1987 et 1988 ", informations confidentielles et secrètes. Après un
  1705. exposé détaillé des faits commis en violation de l'ordre légal et des
  1706. dispositions légales enfreintes, le dispositif explique que le juge s'est
  1707. transporté dans les locaux de la sécurité de l'Etat afin de contrôler de visu
  1708. les cassettes vidéo qui, selon le ministère public, contenaient les
  1709. déclarations de Mme Aldana et de M. Alegría. Il est également indiqué que le
  1710. juge a recueilli une déclaration officielle du vice-président de le Banque
  1711. centrale du Nicaragua sur le caractère des documents trouvés en la possession
  1712. de M. Alegría. Le jugement fait état du caractère confidentiel desdits
  1713. documents à l'époque actuelle que traverse le Nicaragua et de leurs incidences
  1714. sur la défense nationale. Rejetant les arguments présentés par les avocats de
  1715. la défense selon lesquels les documents soustraits par Mme Aldana, M. Su
  1716. Olivas et M. Espinales puis remis à M. Alegría étaient connus dans le public,
  1717. le dispositif du jugement déclare qu'il est certain que les citoyens peuvent
  1718. s'adresser , par des voies appropriées, aux institutions publiques pour
  1719. obtenir des informations sur des données susceptibles d'être publiées mais que
  1720. les fonctionnaires mentionnés ont révélé des informations confidentielles et
  1721. secrètes sans autorisation, et cela en échange de sommes d'argent, de cadeaux
  1722. et de faveurs. Le jugement condamne Mme Nora Aldana à la peine de treize ans
  1723. de prison pour violation de l'article 1, paragraphe b), du décrêt no 1074 (loi
  1724. sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publics) et à la peine de trois
  1725. ans pour violation des articles 538, alinéa a), 540, paragraphe 3, et 542 du
  1726. code pénal; M. Mario Alegría est condamné à la peine de treize ans pour
  1727. violation de l'article 1, paragraphe b), du décrêt no 1074 et à la peine de
  1728. trois ans de prison pour violation des articles 538, alinéa c), 540,
  1729. paragraphe 3, et 542 du code pénal. Le jugement condamne MM. Adrian Espinales
  1730. Rodriguez et Pablo Su Olivas à la peine de trois ans de prison pour violation
  1731. de l'article 1, alinéa b) et g), du décrêt no 1074.
  1732. VI. Remarques finales
  1733. Même s'il ne m'appartient pas de présenter des conclusions sur la
  1734. situation syndicale et professionnelle au Nicaragua puisque ma visite
  1735. revêtissait le caractère d'une mission d'étude, je crois utile cependant de
  1736. présenter certaines remarques générales qui seraient susceptibles de
  1737. d'éclairer le Comité de la liberté syndicale et le Conseil d'administration
  1738. dans l'élaboration de leurs conclusions et recommendations.
  1739. Je tiens tout d'abord à souligner que la mission, en rencontrant un nombre
  1740. considérable des milieux gouvernementaux, employeurs et travailleurs, a pu se
  1741. faire une idée complète de la situation syndicale et professionnelle dans le
  1742. pays, et ce d'autant que les interlocuteurs de la mission ont de toute
  1743. évidence exposé leurs points de vue avec sincérité et sans apparemment
  1744. manifester de craintes quant aux conséquences de leurs réclamations.
  1745. J'ai pu observer tout au long de la mission que la situation particulière
  1746. dans laquelle se trouve le Nicaragua depuis 1979, date de la Révolution
  1747. sandiniste, sa position conflictelle actuelle sur la scène internationale et
  1748. les graves difficultés économiques - en particulier une hyperinflation
  1749. manifeste et continue - que le pays traverse entraînent logiquement un climat
  1750. de dure confrontation. J'ai pu ainsi constater concrètement qu'il est
  1751. difficile pour beaucoup de Nicaraguayens de faire preuve d'un objectivité
  1752. totale dans une conjoncture historique si complexe. Selon le Procureur général
  1753. de justice, le situation de guerre a obligé le gouvernement à adopter une
  1754. stratégie tendant tout simplement à la survie plutôt qu'au développement.
  1755. Malgré cette situation difficile à tous points de vue, il est
  1756. incontestable qu'une vie syndicale et associative pluraliste existe au
  1757. Nicaragua. J'ai ainsi rencontré les dirigeants de sept centrales syndicales
  1758. interprofessionnelles différentes, de toutes tendances politiques, ainsi que
  1759. ceux de quatre organisations nationales d'employeurs. Certes, certaines
  1760. organisations syndicales et professionnelles se heurtent à des difficultés
  1761. dans leur fonctionnement mais elles mènent tout de même à bien un certain
  1762. nombre d'activités, notamment en matière de négociation collective.
  1763. Je dois remarquer cependant que le Nicaragua se trouve aujourd'hui dans
  1764. une situation anachronique du point de vue législatif et ceci notamment en
  1765. matière de travail, comme l'a reconnu lui-même le ministre du Travail. Les
  1766. principales lois qui régissent les relations professionnelles, telles que le
  1767. Code du travail et le règlement des associations syndicales, sont héritées du
  1768. régime précédent et ne correspondent évidemment plus à la situation actuelle.
  1769. Le gouvernement s'est engagé à préparer un nouveau Code du travail en
  1770. consultaion avec les organisations d'employeurs et de travailleurs et en
  1771. coopération avec le Bureau international du Travail. Cet engagement correspond
  1772. d'ailleurs aux souhaits de l'ensemble des organisations qui appelent toutes de
  1773. leurs voeux l'adoption d'une nouvelle législation, Le ministre de Travail a
  1774. souligné à cet égard que le processus d'adoption de la législation demande
  1775. beaucoup d'attention et qu'il convient de prendre en considération que le
  1776. Parlement procéde à un travail législatif gigantesque pour instraurer un
  1777. nouvel ordre juridique et ceci dans tous les domaines. Tout en étant conscient
  1778. de l'immensité de travail que représente la nécessité de reformuler l'ensemble
  1779. de la législation qui existait sous le régime précédent, j'estime pour ma part
  1780. que le gouvernement devrait donner une toute première priorité au domaine des
  1781. relations professionnelles et du travail. La situation actuelle entraîne en
  1782. effet des sources de conflits extrêmement tendus accentués par le
  1783. "bouillonnement" politique qui caractérise aujourd'hui la vie du pays. Il est
  1784. donc, à mon sens, très urgent de régulariser les relations de travail sur une
  1785. base solide et conforme aux normes internationales.
  1786. Il ne me semble pas cependant que ce processus de révision de la
  1787. législation du travail, même s'il est mené à terme rapidement, soit à lui seul
  1788. suffisant pour rétablir un climat d'harmonie dans les relations entre le
  1789. gouvernement et l'ensemble des interlocuteurs sociaux. Le processus de paix au
  1790. Nicaragua a commencé à se concrétiser. Le gouvernement devrait sans aucun
  1791. doute en profiter pour adopter une législation garantissant pleinement
  1792. l'exercice des libertés publiques et l'approfondissement des garanties
  1793. judiciaires, élargir sa politique d'amnistie et tempérer l'adoption de mesures
  1794. à l'encontre d'opposants qui risquent de faire règner un climat de crainte,
  1795. non pas tant parmi les dirigeants nationaux des organisations d'opposition
  1796. qui, forts de leurs convictions, s'expriment publiquement et largement, que
  1797. parmi les dirigeants locaux et syndicalistes de base. C'est à mon avis
  1798. seulement à ces conditions que les relations professionnelles pourront
  1799. reprendre un cours normal et que le gouvernement pourra compter sur la
  1800. participation de tous pour la reconstruction nationale.
  1801. Je dois en outre signaler que le ministre du travail a manifesté des
  1802. craintes de ce que l'OIT, née et ayant son siège en Europe, ne comprenne pas
  1803. réelment la situation de l'Amérique latine en général et encore moins celle du
  1804. Nicaragua, en particulier. J'ai rappelé à cet égard au ministre l'action menée
  1805. par l'OIT dans le tiers monde, son grand intérêt pour des concepts tels que le
  1806. nouvel ordre économique international et sa vocation d'universalité. Le
  1807. ministre a également souligné la situation particulière du Nicaragua qui
  1808. s'efforce de créer un nouveau droit différent du droit traditionnel. Ceci m'a
  1809. permis de rappeler également le dynamisme du droit international et la valeur
  1810. universelle des principes contenus dans les conventions de l'OIT sur le droit
  1811. d'association et la liberté syndicale. Le ministre a répondu que le
  1812. gouvernement du Nicaragua était convaincu du sérieux et de l'efficacité de
  1813. l'Organisation avec laquelle il souhaitait maintenir d'excellentes relations.
  1814. Enfin, je tiens à remercier le Directeur général de la confiance qu'il m'a
  1815. accordée en me désignant pour mener à bien cette mission et j'espère que le
  1816. présent rapport pourra être d'une certaine utilité, par rapport aux objectifs
  1817. qui étaient fixés.
  1818. ANNEXE
  1819. Personnes rencontrées
  1820. Gouvernement
  1821. 1. Dr Benedicto Meneses Fonseca - Ministre du Travail
  1822. 2. Dr Fernando Cuadra - Vice-ministre du Travail,
  1823. ministère du Travail
  1824. 3. Dr Rodrigo Reyes - Président de la Cour suprême
  1825. de justice
  1826. 4. Dr Omar Cortés - Procureur général de justice
  1827. 5. Dr Orlando Corrales - Vice-président de la Cour suprême
  1828. de justice
  1829. 6. Commandant René Vivas Lugo - Vice-ministre de l'Intérieur
  1830. 7. Commandant Alonso Porras - Vice-ministre du Développement
  1831. agricole et de la Réforme agraire
  1832. 8. Adrián Meza Soza - Secrétaire général, ministère du
  1833. Travail
  1834. 9. Lombardo Gabuardi Ibarra - Directeur des relations
  1835. internationales et de la
  1836. coopération technique,
  1837. ministère du Travail
  1838. 10. Donald Aleman - Direction des relations
  1839. nationales et internationales,
  1840. ministère du Travail
  1841. 11. Dr René Cruz - Secrétaire général, bureau du
  1842. Procureur général de justice
  1843. ORGANISATIONS D'EMPLOYEURS
  1844. Conseil supérieur de l'entreprise privée (COSEP)
  1845. 12. Dr Gilberto Cuadra - Président du COSEP
  1846. 13. Dr Carlos Quiñones - Président du CONAPRO
  1847. 14. Ramiro Gurdián - Président de l'Union des
  1848. producteurs agricoles
  1849. du Nicaragua - UPANIC
  1850. - Premier vice-président COSEP
  1851. 15. Mario Garache Castellón - Secrétaire exécutif COSEP
  1852. 16. Antonio Leiva Pérez - Directeur de la Chambre de
  1853. commerce, membre du Conseil
  1854. supérieur du COSEP
  1855. Union nationale des agriculteurs et éleveurs de bétail (UNAG)
  1856. 17. Ariel Bucordo - Vice-président UNAG
  1857. 18. Marco Antonio Gonzales - Comité directeur national UNAG
  1858. 19. Juan Tijerino - Membre du Conseil national UNAG
  1859. 20. Daniel Núñez R. - Président du Comité directeur
  1860. national UNAG
  1861. 21. Juan Ramón Aragón - Membre Comité directeur UNAG
  1862. Association des entreprises du Nicaragua (AENI)
  1863. 22. Eduardo Mora - Secrétaire général AENI (Fabrique
  1864. nationale de textiles
  1865. 23. Max Kreimann - Entreprise nationale de
  1866. l'habillement (ENAVES)
  1867. 24. Ricardo Obregón - Produits sanitaires
  1868. 25. Hernán García - Métaux et structures SA
  1869. 26. Carlos Vega - Coca Cola
  1870. Conseil national de la petite industrie (CONAPI)
  1871. 27. Gustavo Hernández - Sous-directeur CONAPI, président
  1872. des entrepreneurs de
  1873. l'habillement
  1874. 28. Fernando Lara - Délégué de la région I (CONAPI)
  1875. 29. Francisco Cortez - Membre CONAPI
  1876. 30. Néstor Napal - Membre CONAPI
  1877. ORGANISATIONS DE TRAVAILLEURS
  1878. Congrès permanent des trvailleurs (CPT)
  1879. (Centrale des travailleurs du Nicaragua (autonome),
  1880. Confédération d'unité syndicale, Confédération générale
  1881. des travailleurs (indépendante) et
  1882. Centrale action et unité syndicales)
  1883. 31. Manuel Ernesto Castillo Fletes - Département de formation et
  1884. information CTN (a)
  1885. 32. Heriberto Rayo Ordoñez - Secrétaire général adjoint
  1886. CTN (a)
  1887. 33. Roberto Moreno Cajina - Secrétaire général CAUS
  1888. 34. Alvin Guthrie Rivers - Secrétaire général CUS
  1889. 35. José Espinoza Navas - Secrétaire politique CUS
  1890. 36. Ramón Luna Castro - Finances- CUS
  1891. 37. Héctor Sandoval Aleman - CUS
  1892. 38. Santos Tijerino Jiménez - CUS
  1893. 39. Alejandro Solorzano - Relations nationales et
  1894. internationales CGT (i)
  1895. 40. Carlos Salgaaado Membreño - Secrétaire générale CGT (i)
  1896. 41. Carlos Castillo Fletes - Avocat CTN (a)
  1897. Centrale des travailleurs du Nicaragua
  1898. 42. Sergio Roa Gutiérrez - Secrétaire général ad interim CTN
  1899. 43. Miguel Salgado Baéz - Secrétaire exécutif, responsable
  1900. du département juridique CTN
  1901. 44. Carlos Huembes - Secrétaire exécutif CTN et
  1902. président de la Coordination
  1903. démocratique nicaraguayenne
  1904. (actuellement en prison
  1905. au système pénitentiaire de la
  1906. IVe région (La Granja))
  1907. Association des travailleurs paysans
  1908. 45. Edgardo García - Secrétaire général, Association
  1909. des travailleurs paysans - ATC
  1910. 46. Francisco Cano Torres - Secrétaire international ATC
  1911. Front ouvrier (FO)
  1912. 47. Fernando Malespín Martínez - Secrétaire général, Front
  1913. ouvrier (FO)
  1914. Union des journalistes du Nicaragua (UPN)
  1915. 48. Michele Castellón Hernández - Secrétaire général à l'Education
  1916. et à la Presse (UPN)
  1917. 49. Juan Alberto Henríquez - UPN
  1918. Fédération des travailleurs de la santé (FEDSALUD)
  1919. 50. Alberto Sequeira Ramírez - Secrétaire à l'Organisation de
  1920. la FEDSALUD
  1921. Association nationale des enseignants du Nicaragua (ANDEN)
  1922. 51. Guillermo Martínez José - Secrétaire général ANDEN
  1923. 52. Mercedes Cerda - Fonctionnaire de la filiale de
  1924. l'enseignement supérieur
  1925. ATD-ANDEN
  1926. 53. Denis Fernández - Secrétaire général filiale
  1927. ANDEN-MED, membre CEN-ANDEN
  1928. 54. Miriam Díaz - Secrétaire à l'Education
  1929. politique et pédagogique du
  1930. Comité exécutif national ANDEN
  1931. Centrale sandiniste des travailleurs (CST)
  1932. 55. Lucio Jiménez - Secrétaire général CST
  1933. 56. Luciano Torres G. - Secrétaire aux relations
  1934. internationales CST
  1935. 57. José Benito González - Secrétaire général de la
  1936. Construction CST
  1937. 58. Denis Parrales - Secrétaire général du syndicat de
  1938. l'entreprise MACEN (CST)
  1939. Union nationale des employés (UNE)
  1940. 59. Alberto Raúl Medina Mendoza - Secrétaire général SINDIAP-UNE
  1941. 60. Gerardo Aburto Cruz - Secrétaire général UNE-INTESCA
  1942. 61. Roberto Gonzales Bermúdez - Secrétaire général BANCA
  1943. 62. José Angel Bermúdez - Secrétaire général SEN
  1944. ORGANISATIONS DE DROITS DE L'HOMME
  1945. Commission nationale de promotion de protection
  1946. des droits de l'homme (CNPPDH)
  1947. 63. Dr Vilma Núñez de Escorcia - Directrice
  1948. Commission permanente des droits de l'homme
  1949. 64. Dr Lino Hernández - Directeur
  1950. _____________
  1951. 65. Dirigents des trois coopératives de paysans de l'ancienne propriété de
  1952. M. Enrique Bolaños.
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