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Informe definitivo - Informe núm. 262, Marzo 1989

Caso núm. 1458 (Islandia) - Fecha de presentación de la queja:: 14-JUN-88 - Cerrado

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  1. 124. Dans une communication datée du 14 juin 1988, la Fédération islandaise du travail a présenté une plainte en violation de la liberté syndicale contre le gouvernement de l'Islande. Le gouvernement a envoyé ses commentaires et observations dans une communication datée du 12 décembre 1988.
  2. 125. L'Islande a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l'organisation plaignante

A. Allégations de l'organisation plaignante
  1. 126. L'organisation plaignante allègue que la loi temporaire concernant les mesures économiques, adoptée par le Parlement islandais (l'Althing) en mai 1988, est incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
  2. 127. L'article 1er de cette loi prévoit que les salaires fixés dans toutes les conventions collectives en vigueur depuis le 20 mai 1988 doivent être augmentés les 1er juin, 1er septembre et 1er décembre 1988 ainsi que le 1er mars 1989 par référence à un pourcentage fixe comparé aux taux de salaires au 31 décembre 1987. Les conventions qui prévoient des augmentations inférieures doivent être modifiées afin de s'aligner sur les pourcentages prescrits. L'article 1er ne s'applique pas aux conventions existantes qui prévoient des augmentations supérieures au niveau prescrit. Avec les modifications appropriées, toutes les conventions en vigueur le restent jusqu'au 1er avril 1989 et "les lock-out, grèves, y compris les arrêts de travail de solidarité, ou autres actes visant à imposer d'autres salaires et conditions de travail que ceux prescrits dans la présente loi sont interdits" (article 4). D'autres dispositions de la loi lient les augmentations du prix des produits agricoles et des tarifs pratiqués par les "spécialistes travaillant de façon indépendante" au barème indiqué à l'article 1er (articles 2 et 3) et cherchent aussi à mettre un frein à la hausse des taux d'intérêt sur les prêts à court terme (article 8).
  3. 128. L'organisation plaignante déclare que c'est la neuvième fois au cours des six dernières années qu'une législation générale de ce genre est introduite en Islande "sans compter les lois tendant à empêcher un syndicat dans une région particulière d'obtenir des modifications des conventions relatives aux salaires et aux conditions de travail (conventions collectives) au moyen de grèves". Avant 1988, la dernière fois qu'une législation de caractère général a été introduite était en 1983. L'organisation plaignante indique aussi que, depuis 1978, six des neuf interventions législatives ont été introduites en s'appuyant sur l'article 28 de la Constitution. Ce qui veut dire qu'il s'agissait de lois "temporaires", décrétées par le Président "en cas d'extrême urgence" entre les sessions du Parlement. Toutes les lois de ce genre doivent être confirmées par le Parlement à sa session suivante.
  4. 129. L'organisation plaignante allègue que la loi du 20 mai 1988 est incompatible avec les articles 3 et 8 de la convention no 87 et avec les articles 3 et 4 de la convention no 98.
  5. 130. A l'appui de cette assertion, l'organisation plaignante déclare que l'utilisation répétée de la législation pour modifier les conventions collectives existantes sert à ébranler la foi des salariés en la valeur de l'appartenance à un syndicat. Cela parce qu'il peut sembler ne pas servir à grand-chose d'adhérer et de donner son appui à une organisation dont le but principal est de représenter ses membres dans les négociations collectives avec les employeurs si les résultats desdites négociations sont constamment annulés par voie de décret législatif. A long terme, cette érosion de la confiance pourrait conduire à la dissolution des syndicats.
  6. 131. L'organisation plaignante déclare aussi qu'elle était prête à discuter l'état de l'économie du pays avec le gouvernement avant l'introduction de la loi du 20 mai 1988. Toutefois, selon elle, le gouvernement considérait que la législation proposée au sujet des taux de salaires n'était pas négociable et, quand il a vu que les syndicats n'étaient pas prêts à accepter des mesures unilatérales de ce genre, le gouvernement a rompu les pourparlers.
  7. 132. Enfin, l'organisation plaignante exprime son inquiétude devant la possibilité que, si les interventions réitérées de l'Etat dans les conventions volontairement conclues ne suscitent pas de réaction, "le gouvernement pourrait en arriver à croire que l'abolition des conventions relatives aux salaires et aux conditions de travail et du droit de négociation est une activité légitime".

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 133. Le gouvernement fait observer que l'économie islandaise est largement tributaire de l'industrie de la pêche. Celle-ci a contribué à faire de l'Islande l'un des pays les plus riches du monde si l'on considère le produit intérieur brut par habitant. En même temps, le caractère cyclique de cette industrie signifie que l'économie est sujette à de plus grandes fluctuations en ce qui concerne les niveaux du PIB, l'inflation, etc. que la plupart des autres pays. La conjoncture économique pendant la période 1985-1987 a été particulièrement favorable et s'est traduite par une croissance importante du PIB et des revenus nets. Pour 1988, toutefois, les perspectives étaient beaucoup moins prometteuses. Il a fallu réduire les prises de poisson et les prix de celui-ci sont nettement tombés. Les estimations de l'Institut national d'économie donnaient à penser que, l'hiver précédent, les pêcheries avaient subi une perte équivalant à 10 pour cent des revenus et qu'il y aurait une perte encore plus grande si l'on ne prenait pas d'urgence des mesures correctives. L'Institut a aussi donné à entendre que le déficit budgétaire approchait 5,5 pour cent du PIB, par comparaison avec 3,5 pour cent en 1987 et un léger surplus en 1986.
  2. 134. Pour éviter de nouvelles pertes et assurer la sécurité de l'emploi, la monnaie a été dévaluée de 6 pour cent à la fin de février 1988. La détérioration constante de la position opérationnelle des industries d'exportation et l'augmentation du déficit du compte courant ont conduit à une nouvelle dévaluation le 16 mai 1988.
  3. 135. Au milieu de ces difficultés, les employeurs et les syndicats affiliés à l'ASI étaient engagés dans une importante série de négociations des salaires. A la fin de mars, la plupart des grands syndicats étaient parvenus à des accords avec les employeurs et les organisations d'employeurs compétents. La plupart de ces derniers ont pris des dispositions pour accorder des augmentations immédiates de 10 à 14 pour cent et d'autres augmentations en juin, septembre et décembre 1988 et en mars 1989. Le 20 mai, on était parvenu à un accord couvrant tous les travailleurs à 2 ou 2,5 pour cent près.
  4. 136. Le gouvernement déclare que, pendant la période allant de janvier à mai 1988, il a tenu plusieurs réunions avec les partenaires sociaux au sujet de la situation économique générale et des négociations sur les salaires et traitements en particulier. Le gouvernement mentionne spécialement les réunions avec l'ASI des 17 et 18 mai. A la seconde de celles-ci, on a appris que l'ASI n'était pas prête à prendre part à la défense de la politique salariale qu'avaient adoptée un grand nombre de ses fédérations affiliées. Par conséquent, le gouvernement n'est pas entré dans de nouvelles consultations avec l'organisation plaignante avant l'adoption de la loi temporaire.
  5. 137. Selon le gouvernement, il était nécessaire de légiférer si l'on voulait tirer pleinement profit de la dévaluation du 16 mai et créer des conditions d'exploitation satisfaisantes pour les secteurs clés de l'économie. Ces objectifs devaient être atteints: a) en garantissant des augmentations de salaire conformes aux conditions déjà acceptées dans les principaux secteurs de l'emploi (qui, à leur tour, se traduisaient dans les pourcentages énoncés à l'article 1er); b) en protégeant le pouvoir d'achat des travailleurs touchant de bas salaires; c) en réduisant les effets inflationnistes de la dévaluation.
  6. 138. La loi du 20 mai a été modifiée par la suite par les lois temporaires des 31 mai, 26 août et 28 septembre 1988. La dernière de ces mesures: a) prévoit la reprise de négociations collectives normales le 15 février 1989, au lieu du 10 avril, date envisagée tout d'abord; b) gèle le prix de certains biens et services jusqu'au 1er mars 1989; c) prescrit que l'augmentation de 2, 5 pour cent qui devait être payée à compter du 1er septembre 1988 ne serait pas appliquée pendant que la loi était en vigueur.
  7. 139. Le gouvernement affirme que, grâce au gel des prix, il a été possible de réduire l'inflation de 1 pour cent pendant la période couvrant les mois d'août à octobre 1988 (contre une prévision de 4 pour cent).
  8. 140. Le gouvernement nie énergiquement que la loi du 20 mai 1988 soit incompatible avec les principes de la liberté syndicale.
  9. 141. Selon le gouvernement, cette loi n'intervient d'aucune manière dans les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire librement leurs représentants, d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action comme l'indique l'article 3 de la convention no 87. De même, cette loi ne peut être considérée comme incompatible ni avec l'article 3 ni avec l'article 4 de la convention no 98. Elle ne constitue nullement une ingérence dans le droit d'organisation tel qu'il est défini à l'article 2 de la convention et ne peut, par conséquent, être considérée comme contraire aux dispositions de l'article 3. Pour ce qui est de l'article 4, chaque Etat est habilité à décider quelles sont les mesures qu'il convient de prendre pour encourager et promouvoir des conventions indépendantes entre les partenaires sociaux. Des échanges de vues complets ont eu lieu avec les syndicats avant l'introduction de la loi du 20 mai et, par conséquent, il ne saurait être question d'une violation de l'article 4.
  10. 142. Le gouvernement signale aussi que l'article 73 de la Constitution de l'Islande protège le droit de former des organisations ayant un but légal sans autorisation préalable. Si l'ASI pense vraiment que la loi du 20 mai constituait une ingérence injustifiée dans la liberté syndicale, elle aurait dû porter l'affaire devant les tribunaux en Islande. Elle ne l'a pas fait car, selon le gouvernement, "l'ASI estimait qu'elle n'avait aucun espoir de gagner cette cause".

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 143. Les travaux préliminaires à l'adoption de la convention no 87 indiquent clairement que "l'un des buts principaux de la garantie de la liberté syndicale est de permettre aux employeurs et aux salariés de s'unir en organisations indépendantes des pouvoirs publics, capables de régler, par voie de conventions collectives librement conclues, les salaires et autres conditions d'emploi". (Liberté d'association et relations industrielles, rapport VII, Conférence internationale du travail, 30e session, Genève, 1947, p.53). Cela suggère fortement que l'article 3 de la convention no 87 vise à protéger, notamment, le droit d'engager librement des négociations collectives. Ce point de vue paraît clairement dans la jurisprudence du comité (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d'administration du BIT, 3e édition, 1985, paragr. 583):
    • Le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen de négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu'ils représentent, et les autorités publiques devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ont le droit d'organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d'action. Tandis que l'on peut, à juste titre, considérer l'article 4 de la convention no 98 comme traitant de la promotion de négociations collectives libres.
  2. 144. La loi du 20 mai 1988 a clairement restreint le droit des travailleurs et des organisations de travailleurs d'engager des négociations collectives libres jusqu'à l'échéance de cette législation. L'article 4 de cette loi étendait l'application de toutes les conventions en cours sur les salaires et les conditions de travail jusqu'au 10 avril 1989 (délai ramené par la suite au 15 février 1989), et interdisait "les lock-out, grèves, y compris les arrêts de travail de solidarité ou autres actes visant à imposer d'autres salaires et conditions de travail que ceux prescrits dans la présente loi". De surcroît, l'article 5 interdisait aux employeurs d'augmenter "les salaires, la rémunération et tout genre de paiement en nature au-delà de ce qui avait été négocié dans les conventions sur les salaires et les conditions de travail et prescrit dans la présente loi".
  3. 145. Il y a donc, à première vue, une contradiction entre les dispositions de la loi du 20 mai 1988 et les principes de la liberté syndicale. Toutefois, la question ne se termine pas nécessairement là.
  4. 146. Le Comité de la liberté syndicale et la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations ont reconnu que certaines restrictions à la liberté des participants au processus de négociation peuvent se justifier pour des raisons impérieuses d'intérêt national économique. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 639, et l'Etude d'ensemble de la Commission d'experts sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1983, paragr. 315.) Une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d'exception, limitée à l'indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. (Recueil, op. cit., paragr. 641, et Etude d'ensemble, ibid.)
  5. 147. Le gouvernement a fait valoir qu'au début de l'année 1988 l'Islande était confrontée à un certain nombre de problèmes économiques graves. Le gouvernement a jugé devoir prendre des mesures énergiques pour empêcher la situation de se détériorer davantage. Il déclare qu'il a engagé des consultations approfondies avec les partenaires sociaux et qu'il était prêt à les poursuivre, mais qu'il a été contrecarré par l'attitude de l'ASI. L'ASI conteste cette dernière proposition mais ne nie pas que le gouvernement était en effet confronté à une situation économique grave à ce moment-là.
  6. 148. L'organisation plaignante signale qu'il y a eu intervention législative générale dans le processus de négociation pas moins de neuf fois au cours des dix dernières années. D'autre part, cinq des mesures citées par l'ASI ont été introduites au cours d'une période de quinze mois en 1978-79 et il n'y a pas eu d'intervention entre le moment où la loi no 58 de 1983 a cessé d'être en vigueur (partiellement le 31 janvier 1984 et partiellement le 1er juin 1985) et l'introduction de la loi no 14 de 1988. Le comité note que, selon les plaignants, il y a eu un nombre non précisé d'interventions législatives de caractère purement local. Pris ensemble, ces chiffres donnent sans doute quelque fondement à la suggestion selon laquelle le recours à l'intervention législative dans le processus de négociation serait trop fréquent en Islande.
  7. 149. En revanche, le comité remarque qu'à l'origine cette législation ne devait rester en vigueur que onze mois (durée réduite par la suite), que les niveaux des augmentations de salaires prévues à l'article 1er de la loi sont très étroitement conformes à la norme qui avait déjà été fixée par une négociation volontaire, et qu'il apparaît que la législation a essayé sérieusement de freiner la hausse des prix et (de certains) taux d'intérêt.
  8. 150. Néanmoins, le comité se rallie à l'avis de l'organisation plaignante selon lequel l'utilisation répétée de la législation pour modifier les conventions collectives ou pour exercer un contrôle sur les conventions futures sert à ébranler la foi des salariés en la valeur de l'appartenance à un syndicat. Les membres ou membres potentiels peuvent avoir le sentiment qu'il ne sert pas à grand-chose de donner son appui ou d'adhérer à une organisation dont le but principal est de représenter ses membres dans les négociations collectives avec les employeurs si les résultats desdites négociations sont constamment annulés par voie de décret législatif.
  9. 151. Le comité n'est pas compétent pour déterminer si l'organisation plaignante pouvait ou non contester avec succès la validité de la loi du 20 mai 1988 en s'appuyant sur l'article 73 de la Constitution islandaise. Il tient à signaler, toutefois, qu'il a toujours été d'avis que, bien qu'il puisse tenir compte du fait que le plaignant a ou n'a pas épuisé les voies de recours internes, sa compétence pour examiner les allégations n'est pas subordonnée à l'épuisement des procédures nationales. (Recueil, op. cit., paragr. 31 à 33.)
  10. 152. Les questions soulevées dans ce cas portent sur la manière dont l'Islande remplit les obligations qui sont les siennes en vertu des conventions nos 87 et 98. Il convient donc que le rapport du comité soit porté à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 153. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité note que la loi du 20 mai 1988 a restreint le droit des organisations d'employeurs et de travailleurs d'engager des négociations collectives libres. Il note aussi avec préoccupation que le gouvernement est intervenu neuf fois en dix ans (le plus récemment en 1983). Cependant, le comité considère que globalement les restrictions imposées étaient justifiées par des raisons impérieuses d'intérêt national, qu'elles étaient limitées à l'indispensable, qu'elles n'excédaient pas une période raisonnable et qu'elles étaient accompagnées des garanties appropriées pour protéger le niveau de vie des travailleurs.
    • b) Le comité attire l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations sur son rapport relatif au présent cas.
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